Ibrahim c. CDHM Brothers Investments | 2025 QCTAL 15574 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau dE Laval |
|
No dossier : | 858354 36 20250312 G | No demande : | 4656521 |
| |
Date : | 30 avril 2025 |
Devant la juge administrative : | Isabelle Normand |
|
Shaimaa Ibrahim | |
Locataire - Partie demanderesse |
c. |
CDHM BROTHERS INVESTMENTS ULC | |
Locateur - Partie défenderesse |
et |
Office municipal d'habitation de Laval 3320, rue des Châteaux Laval (Québec) H7V 0B8 | |
Partie intéressée |
|
D É C I S I O N
|
| | | | | | |
- La locataire demande que le Tribunal statue sur la validité de l’entente de résiliation de bail intervenue entre les parties, de déclarer l’entente signée invalide, d’ordonner l’exécution de la décision malgré l’appel et de condamner le locateur aux frais de justice.
- Les parties sont liées par un bail, du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 au loyer mensuel de 832 $. La locataire paie 25 % du loyer convenu et l’autre portion de loyer est assumée par l’Office municipal d’habitation de Laval (OMH).
Contexte
- Au soutien de sa demande, en résumé, la locataire allègue qu’elle est unilingue arabe, comprend un peu l’anglais et ne peut lire de document en anglais. Après avoir transmis un message requérant des réparations de certaines composantes du logement, le locateur l’informe que la concierge passera. Ensuite, une rencontre est planifiée lors de laquelle on lui demande de signer un document qui s’avère être une résiliation de bail alors que la locataire croyait qu’il s’agit d’un document pour effectuer des réparations. Ce n’est qu’après avoir signé le document, en avoir connu l’ampleur de celui-ci par sa fille, elle tente d’obtenir l’annulation de cette entente que le locateur refuse, d’où la présente demande.
- Le Tribunal est étonné qu’aucun représentant du locateur n’est présent lors de l’audience de la demande de la locataire, malgré la signification de la demande de la locataire effectuée par huissier le 2 avril 2025, l’avis de convocation expédié par le Tribunal le 20 mars précédent.
Les faits
- Le locataire occupe le logement concerné, un logement de 4 ½ pièces, avec sa fille, depuis le mois de novembre 2022.
- Ce logement a fait l’objet de rénovation dans la salle de bain, avant l’entrée au logement, et la locataire le considère en très bon état, à l’exception de problèmes de chauffage, d’eau chaude et de fenêtre.
- La locataire explique qu’elle parle principalement l’arable, très peu le français et ou l’anglais, et qu’elle ne peut lire un document écrit dans l’une ou l’autre de ces langues.
- À l’audience, elle est assistée d’une traductrice officielle qui procède tout au long de l’audience, à traduire ses propos, et celles des diverses intervenantes; son avocate et la soussignée.
- Suite à l’acquisition de l’immeuble par le locateur, une rencontre est tenue au cours du mois d’août 2024 lors de laquelle les locataires sont invités à formuler auprès des représentants du locateur leurs demandes, incluant des demandes de réparations ou toute problématique.
- La locataire avise ainsi le locateur de certaines problématiques (problèmes de chauffage, d’eau chaude et de fenêtre, notamment).
- Ce n’est qu’au mois de février suivant, que le locateur la relance pour prendre un rendez-vous pour la rencontrer, ce que la locataire acquiesce sans hésitation, croyant que l’objet de la rencontre est pour discuter des problèmes au logement et étant au fait que le locateur désirait procéder à des rénovations des logements de l’immeuble.
- Une rencontre est tenue le 10 février 2025, à 18 h, après que la locataire ait transmis au locateur un message texte quelques jours auparavant détaillant les problèmes au logement. L’heure ne convient pas à la locataire car elle doit prendre des médicaments essentiels pour sa santé qui ont des effets secondaires importants[1] qui font en sorte qu’elle se couche habituellement à 19 h.
- Le représentant du locateur, un prénommé Antoine, se présente à l’immeuble et demande que la rencontre ait lieu au logement, ce que la locataire refuse, ne connaissant pas ce représentant. Elle demande qu’elle soit tenue dans le bureau du locateur localisé dans l’immeuble, ce qu’il refuse. Finalement, cette rencontre est tenue dans la salle de lavage de l’immeuble.
- Avec aplomb, et détails, la locataire relate comment s’est déroulée cette rencontre.
- La locataire croyait que le but de cette rencontre était pour discuter des problèmes dans le logement et des rénovations que le locateur avait l’intention d’entreprendre, ce à quoi elle ne trouvait pas d’utilité, car le logement concerné est très bien et ne requiert pas de tels travaux de son avis. Cependant, elle comprend que le locateur puisse réaliser des rénovations s’il le désire et que c’est son droit.
- Lors de la rencontre, le représentant lui présente le document intitulé « TERMINATION OF LEASE, MUTUAL RELEASE & TRANSACTION ».
- Sans reprendre l’ensemble du document, le Tribunal note la teneur de la clause 9.1, qui stipule :
« 9.1 The Parties declare that they have read and understood the content of this Agreement, negotiated its terms and conditions freely, without fear or threat, received adequate explanations, had the opportunity to consult with a legal professional regarding its content, and consented to it freely and with full awareness »
[Soulignements ajoutés]
- La locataire ne peut procéder à sa lecture et compréhension, car elle ne lit pas l’anglais. Elle saisit des propos du représentant du locateur qu’il s’agit de rénovations du logement et qu’une indemnisation de 5 000 $ lui est offerte durant la période où elle doit être relocalisée pendant l’exécution de ces travaux.
- Elle demande au représentant de pouvoir prendre ce document et avoir l’opportunité de pouvoir se le faire expliquer par une personne qui maitrise l’anglais, comme un représentant de l’OMH, ce que le représentant refuse invoquant qu’il n’y aurait pas de changement les concernant et que n’a pas à intervenir.
- Le représentant exige qu’elle signe le document le jour même et devient de plus en plus insistant auprès d’elle.
- Il offre de payer à la locataire la somme de 5 000 $ comptant ce à quoi elle s’objecte.
- Les effets secondaires des médicaments administrés, couplés avec la fatigue et l’endroit bruyant et inapproprié, la locataire ne comprend pas les propos du représentant du locateur, se sent prise en étau et est épuisée. De guerre lasse, elle signe le document et appose ses initiales sur chaque page, tel qu’exigé par le représentant.
- Elle retourne au logement avec le document signé et l’exhibe à sa fille. Cette dernière l’avise de la réalité : elle a signé une entente de résiliation de bail assortie d’une indemnité de 5 000 $ afin qu’elle quitte le logement au plus tard le 1er septembre 2025.
- Choquée et se sentant trahie, la locataire est sous le choc et écrit quelques minutes plus tard au représentant du locateur pour exiger l’annulation de cette entente de résiliation de bail, ce qu’il refuse.
- Il appert de la preuve que le document est signé postérieurement par un officier du locateur, un dénommé Joshua Berkovitz, le 10 février 2025, qui n’est pas présent lors de cette rencontre.
- Le lendemain, elle joint le bureau de l’OMH qui l’encourage à s’informer de ses droits, ce qu’elle fait sans délai.
- Dans les jours suivants, elle a tenté des démarches auprès du représentant pour annuler l’entente, en vain.
- Le 17 février 2025, le représentant répond à la locataire :« I just want to clarify that meeting is not fot the purpose of cancelling any contrat. Its to mediate as the same way I told you yesterday. I do not understand why you keep talking about cancellation as it has never been part of my vocabulary when we speak together » (sic).
- Elle complète son témoignage indiquant que des locataires de l’immeuble ont quitté leur logement suite à la signature de telle entente de résiliation de bail, et que d’autres qui ont refusé de signer ce même type d’entente de résiliation occupent toujours leur logement.
- Elle a effectué des recherches sur l’internet et a constaté que des logements de l’immeuble ont été récemment loués à des loyers nettement plus élevés, sans avoir fait l’objet de rénovations.
- Elle plaide que son consentement a été vicié par les fausses représentations du locateur, ses pressions et tactiques pour l’inciter à signer un document qu’elle ne peut lire et comprendre, sous pression, alors qu’elle n’était pas alerte et que son jugement était affecté par la médication. Elle ne pouvait saisir la nature du document que le locateur l’incite à signer, qui est une résiliation de bail, qui n’est ni désirée ni consentie.
Analyse et décision
- La locataire fonde sa demande sur les dispositions de l'article 86 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement qui stipule :
« 86. En l’absence de dispositions applicables à un cas particulier, un membre peut y suppléer par toute procédure non incompatible avec la présente loi ou les règlements de procédure. »
- Il est important de mentionner les règles et critères applicables dans le cadre du fardeau de la preuve.
- L'article 2845 du Code civil du Québec (C.c.Q.) prévoit que :
« 2845. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du tribunal. »
- Le rôle principal des parties dans la charge de la preuve est établi aux articles 2803 et 2804 C.c.Q. qui prévoient :
« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »
« 2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »
- Les articles du Code civil quant au consentement, aux qualités et vices du consentement stipulent :
« 1399. Le consentement doit être libre et éclairé.
Il peut être vicié par l'erreur, la crainte ou la lésion. »
« 1400. L'erreur vicie le consentement des parties ou de l'une d'elles lorsqu'elle porte sur la nature du contrat, sur l'objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.
L'erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement. »
« 1401. L'erreur d'une partie, provoquée par le dol de l'autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.
Le dol peut résulter du silence ou d'une réticence. »
« 1402. La crainte d'un préjudice sérieux pouvant porter atteinte à la personne ou aux biens de l'une des parties vicie le consentement donné par elle, lorsque cette crainte est provoquée par la violence ou la menace de l'autre partie ou à sa connaissance.
Le préjudice appréhendé peut aussi se rapporter à une autre personne ou à ses biens et il s'apprécie suivant les circonstances. »
« 1403. La crainte inspirée par l'exercice abusif d'un droit ou d'une autorité ou par la menace d'un tel exercice vicie le consentement. »
« 1404 N’est pas vicié le consentement à un contrat qui a pour objet de soustraire celui qui le conclut à la crainte d’un préjudice sérieux, lorsque le cocontractant, bien qu’ayant connaissance de l’état de nécessité, est néanmoins de bonne foi. »
- Relativement à la forme du contrat, l'article 1414 C.c.Q. stipule :
« 1414. Lorsqu'une forme particulière ou solennelle est exigée comme condition nécessaire à la formation du contrat, elle doit être observée; cette forme doit aussi être observée pour toute modification apportée à un tel contrat, à moins que la modification ne consiste qu'en stipulations accessoires. »
- Quant à la nullité du contrat, les articles 1416, 1419 et 1420 C.c.Q. :
« 1416. Tout contrat qui n'est pas conforme aux conditions nécessaires à sa formation peut être frappé de nullité. »
« 1419. La nullité d'un contrat est relative lorsque la condition de formation qu'elle sanctionne s'impose pour la protection d'intérêts particuliers; il en est ainsi lorsque le consentement des parties ou de l'une d'elles est vicié. »
« 1420. La nullité relative d'un contrat ne peut être invoquée que par la personne en faveur de qui elle est établie ou par son cocontractant, s'il est de bonne foi et en subit un préjudice sérieux; le tribunal ne peut la soulever d'office.
Le contrat frappé de nullité relative est susceptible de confirmation. »
- Et de son interprétation, les articles 1425 et 1432 C.c.Q. :
« 1425. Dans l'interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes utilisés. »
« 1432. Dans le doute, le contrat s'interprète en faveur de celui qui a contracté l'obligation et contre celui qui l'a stipulée. Dans tous les cas, il s'interprète en faveur de l'adhérent ou du consommateur. »
- Quant aux critères qui peuvent être utilisés par le Tribunal pour analyser la crédibilité des témoignages, la Cour du Québec dans l'affaire Eustache c. La Compagnie d'assurance Bélair[2] précise :
« [40] Les critères retenus par la jurisprudence pour jauger la crédibilité, sans prétendre qu'ils sont exhaustifs, peuvent s'énoncer comme suit :
1. Les faits avancés par le témoin sont-ils eux-mêmes improbables ou déraisonnables?
2. Le témoin s'est-il contredit dans son propre témoignage ou est-il contredit par d'autres témoins ou des éléments de preuve matériels?
3. La crédibilité du témoin a-t-elle été attaquée par une preuve de réputation?
4. Dans le cours de la déposition du témoin, y a-t-il quoi que ce soit qui tend à le discréditer?
5. La conduite du témoin devant le Tribunal et durant le procès révèle-t-elle des indices permettant de conclure qu'il dit des faussetés?
[41] Ces critères d'appréciation de la crédibilité doivent être utilisés pour l'appréciation d'un témoignage en tenant compte non seulement de ce qui est dit devant le Tribunal, mais aussi en regard des autres déclarations que le témoin a pu faire ailleurs. »
- Ainsi, la locataire doit présenter au juge une preuve qui surpasse et domine celle du locateur.
- Dans leur traité de La preuve civile (4e édition)[3], les auteurs Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée précisent :
« Il n'est donc pas requis que la preuve offerte conduise à une certitude absolue, scientifique ou mathématique. Il suffit que la preuve rende probable le fait litigieux. »
- Ces mêmes auteurs écrivant quant à l'appréciation de la prépondérance mentionnent :
« Pour remplir son obligation de convaincre, un plaideur doit faire une preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. Le degré de preuve requis ne réfère pas à son caractère quantitatif, mais bien qualitatif. La preuve produite n'est pas évaluée en fonction du nombre de témoins présentés par chacune des parties, mais en fonction de leur capacité de convaincre. Ainsi, le plaideur doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable. Dans l'appréciation globale d'une preuve, il n'est pas toujours facile de tracer la ligne de démarcation entre la possibilité et la probabilité. »
- L'auteur Léo Ducharme[4] s'exprime ainsi quant au fardeau de preuve :
« S'il est nécessaire de savoir sur qui repose l'obligation de convaincre, c'est afin de déterminer qui doit assumer le risque de l'absence de preuve. En effet, si par rapport à un fait essentiel, la preuve n'est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve est contradictoire et que le juge est dans l'impossibilité de déterminer où se situe la vérité, le sort du procès va se décider en fonction de la charge de la preuve : celui sur qui reposait l'obligation de convaincre perdra ».
- Le Tribunal accueille la demande de la locataire pour les motifs suivants.
- La locataire ne peut être évincée que dans les cas prévus par la loi, car elle a un droit personnel au maintien dans les lieux loués, tel que stipulé à l'article 1936 C.c.Q.[5].
- Le locateur contrevient à la Loi car il fait fi des droits de la locataire au maintien à son droit dans les lieux,.
- Selon la preuve administrée, le locateur recherche la résiliation du bail de la locataire, alors que cette dernière recherche la réparation de certaines composantes du logement.
- Ne semblant pas vouloir saisir les tribunaux, le locateur entreprend des démarches pour obtenir la signature de la locataire afin de résilier le bail de cette dernière.
- Il appert que la locataire ne semble pas être la seule dans la mire du locateur pour évincer des locataires et relouer des logements de l’immeuble à des loyers nettement plus élevés.
- La preuve est à l’effet que la locataire s’exprime peu en anglais et ne sait lire ni l’anglais ni le français.
- Le Tribunal juge que la locataire n'a pu consentir valablement à quitter le logement pour les motifs suivants.
- Le représentant du locateur rencontre la locataire dans un lieu inapproprié, la salle de lavage de l’immeuble alors qu’il y a dans cet immeuble, un local à usage exclusif du locateur.
- La rencontre débute à 18 h et se termine vers 21 h alors que la locataire subit les effets secondaires de la médication.
- Le représentant est insistant pour que la locataire signe le document durant cette rencontre.
- Elle ne peut consulter quiconque avant sa signature, contrairement à la clause 9.1 du document et à la demande expresse de la locataire pour se faire.
- De l’avis du Tribunal, l’entente doit être déclarée invalide; elle a été signée sous la crainte[6] et la pression. Le locateur recherchait la résiliation du bail rapidement sans avoir pu donner la possibilité à la locataire de pouvoir âtre assistée de quelqu’un qui sait lire l’anglais et lui expliquer la teneur du document et de pouvoir réfléchir aux conséquences avant sa signature.
- Ainsi, le comportement et les actes du locateur démontrent qu’il n’a pas exercé ses droits de bonne foi[7]; contrairement à la clause 9.1, la locataire n’a pas eu l’opportunité de s’informer avant de signer l’entente de résiliation de bail.
- Le consentement de la locataire doit être libre et éclairé[8] et peut être vicié par l'erreur, la crainte ou la lésion.
- Ce n'est pas tout vice de consentement qui permet d'obtenir la nullité du contrat[9] : il en va de la sécurité des actes juridiques.
- La jurisprudence enseigne que deux notions doivent être considérées relativement au consentement éclairé, soit l'obligation de renseigner qui prend son fondement dans l'obligation générale de bonne foi et l'obligation de se renseigner dont l'omission peut constituer une fin de non-recevoir[10].
- Cette obligation de renseignement n'est ni générale ni universelle; elle est interprétée en tenant compte de l'obligation corrélative de se renseigner et ne s'applique pas à l'information que l'une des parties au contrat possède déjà ou à laquelle elle pouvait accéder, en se comportant de façon prudente et diligente[11]. Le droit protège le cocontractant contre une inégalité situationnelle, mais pas contre sa propre négligence[12].
- Si l'une des parties a accès à de l'information pour évaluer les risques et les implications du contrat et se renseigner, elle ne peut blâmer l'autre partie de ne pas avoir effectué toutes les recherches et les interprétations qu'elle fait de cette information qu'elle a obtenue subséquemment.
- L'obligation de la locataire de se renseigner fait échec au devoir corrélatif de renseignement du locateur lorsque la locataire a la possibilité de connaître l'information et de comprendre les conséquences de la signature d'une entente de résiliation du bail[13].
- La preuve est à l’effet que la locataire a demandé au représentant du locateur de prendre le document et de pouvoir se renseigner auprès d’un tiers, l’OMH, avant de le signer, ce à quoi le représentant s’est opposé formellement.
- Les deux parties ont le devoir de ne pas se fermer volontairement les yeux et doivent revoir les éléments qui peuvent généralement les encourager à se renseigner et à obtenir les informations nécessaires afin de protéger leurs droits[14], ce que la locataire a tenté de faire, malgré son état lors de la rencontre.
- De plus, tel que l’explicite la juge administrative, Rachel Tupula, l’affaire Gestion Rios inc. c. Cortez-Ajuria[15], pour être un motif de nullité, la crainte doit être déterminante, c’est-à-dire, elle doit avoir ôté au locataire ce libre choix d’accepter l’entente intervenue et que cette crainte est raisonnable en fonction du caractère et de la personnalité du locataire.
- En l’espèce, le Tribunal ne peut qualifier la crainte de la locataire de problèmes liés à une précarité financière; il s’agit d’une crainte objective et d’un « comportement indélicat »[16] du locateur; il a tout tenté pour obtenir la résiliation sans laisser à la locataire la possibilité de réfléchir aux conséquences de signer telle entente de résiliation de bail.
- De surcroît, il ne s’agit pas de démontrer si la locataire avait la capacité de signer la résiliation du bail, mais bien de déterminer si la locataire l’a signée sous la crainte et sous de fausses représentations, ce qui est le cas.
- Conséquemment, la rencontre de consentement libre et éclairé pour la résiliation du bail ne peut avoir été formée.
- À cet effet, dès qu'elle est informée des conséquences de l’entente qu’elle a signée, le même jour, elle tente d’obtenir l’annulation, ce que le représentant refuse, et le lendemain, elle joint l’OMH. Elle entreprend des démarches pour produire la présente demande.
- Il s'avère d'ailleurs que la locataire n’aurait certainement pas signé volontairement une telle entente de résiliation du bail, surtout pas dans les mêmes circonstances.
- De surcroit, la locataire est la partie qui subit un préjudice sérieux dans l'éventualité où un contrat, soit son consentement libre et éclairé à consentir à la résiliation du bail, et conséquemment, à son départ du logement concerné est jugé valide par le Tribunal : elle sera tout simplement expulsée du logement qu'elle occupe depuis plusieurs années.
- Considérant la preuve et les dispositions de la loi, le Tribunal accueille la demande de la locataire.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- ACCUEILLE la demande de la locataire;
- DÉCLARE l’entente de résiliation de bail invalide;
- CONDAMNE le locateur à lui payer les frais de justice de 115,50 $.
| | |
| Isabelle Normand |
|
Présence(s) : | la locataire Me Catherine Etienne Chouinard, avocate de la locataire |
Date de l’audience : | 28 avril 2025 |
|
|
| | | |