Décision

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Décision

Tagmouti c. Pommier

2020 QCTAL 9698

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

428251 31 20181116 G

No demande :

2630047

 

 

Date :

02 décembre 2020

Devant la juge administrative :

Pascale McLean

 

Ibtissame Tagmouti

 

Youssef Allaoui

 

Locataires - Partie demanderesse

c.

Jean-Louis Pommier

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Par un recours introduit le 16 novembre 2018, les locataires réclament au locateur une diminution de loyer de 20 % par mois pour la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2018. Elle réclame de plus 2 264,59 $ en dommages-intérêts, plus le paiement des frais.

[2]      Les parties étaient liées par un bail du 1er avril 2015 au 30 juin 2016 au loyer mensuel de 640 $, renouvelé annuellement. Le dernier terme est du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, au loyer mensuel de 670 $.

[3]      La demande est notifiée au défendeur par courrier recommandé et par huissier.

[4]      Au jour de l’audience, le locateur est absent. Les demandeurs procèdent par défaut.

Preuve des locataires

[5]      La locataire explique avoir vécu plusieurs problèmes au logement, telle la présence de moisissure dans la salle de bain, manque de chauffage dans une des chambres, peinture défraîchie. Elle ajoute toutefois que le réel problème a été la présence de punaises de lit au logement.

[6]      Elle indique avoir découvert que son fils se fait piquer par des insectes au début du mois de janvier 2018. Elle demande au locateur de procéder à une extermination, lequel refuse.


[7]      Dès le 16 janvier 2018, elle requiert elle-même les services d’un exterminateur. Ce dernier confirme la présence de punaises. Elle envoie par courriel une mise en demeure au locateur le 25 janvier 2018 afin de remédier à la situation. Elle dépose les échanges qui ont suivi.

[8]      Le locateur assume finalement les frais de cette extermination pour le logement, mais refuse de suivre les recommandations de l’exterminateur qui demande de procéder à l’extermination des logements adjacents, tel qu’en fait foi le rapport déposé en audience.

[9]      En janvier 2018, elle voyait difficilement les punaises. Vers le mois de mars ou avril 2018, leur présence s’est accentuée et elle arrive à en voir régulièrement. Malgré les documents, les photos, les vidéos de la preuve des punaises dans le logement entre le mois de janvier et la fin du mois de juin 2018 et l’envoi de mises en demeure, le locateur refuse de reconnaître le problème et de procéder à d’autres exterminations.

[10]   Elle ne peut jouir de son logement qui devient infesté de punaises, d’où la demande en diminution de loyer.

[11]   Les locataires, épuisés par la présence des punaises de lit et la non-collaboration du locateur, sous-louent le logement au 1er juillet 2018. Avant de ce faire, ils procèdent à une extermination le 27 juin 2018. Ils réclament les frais de 764,59 $ à cet effet.

[12]   Ils réclament de plus 1 000 $ de dommages matériels pour la perte de biens contaminés par les punaises.

[13]   Finalement, ils réclament la somme de 500 $ pour le stress et les inconvénients vécus par la présence de punaises. La locataire explique avoir vécu des périodes d’insomnie pendant cette période. 

[14]   Son conjoint est présent au moment de l’audience. Il abonde dans le même sens et confirme le témoignage de la locataire.

Questions en litige

[15]   La locataire a-t-elle droit à une diminution de loyer?

[16]   La locataire est-elle en droit d'obtenir des dommages moraux et matériels? Si oui, combien?

Analyse et décisions

[17]   La locataire fonde sa demande sur les articles 1854, 1864 et 1910 du Code civil du Québec, lesquels stipulent ce qui suit :

« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.

Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »

« 1864. Le locateur est tenu, au cours du bail, de faire toutes les réparations nécessaires au bien loué, à l'exception des menues réparations d'entretien; celles-ci sont à la charge du locataire, à moins qu'elles ne résultent de la vétusté du bien ou d'une force majeure. »

« 1910. Le locateur est tenu de délivrer un logement en bon état d'habitabilité; il est aussi tenu de le maintenir ainsi pendant toute la durée du bail.

La stipulation par laquelle le locataire reconnaît que le logement est en bon état d'habitabilité est sans effet. »

[18]   Les obligations prévues aux articles 1854 al. 1 et 1864 sont dites de résultat, le locateur ne pourra se soustraire à son obligation qu'en invoquant la force majeure.


[19]   Quant aux obligations prévues aux articles 1910 et 1854 al. 2, elles sont encore plus sévères puisqu'il s'agit d'obligations de garantie. Le locateur est présumé responsable. La seule façon pour lui d'échapper à sa responsabilité est de démontrer que c'est par le fait même du créancier qu'il a été empêché d'exécuter son obligation, ou encore que l'inexécution alléguée se situe complètement en dehors du champ de l'obligation assumée. La défense de force majeure tout comme celle d'absence de faute sont irrecevables.

[20]   Lorsque le locateur ne se conforme pas à ses obligations, le locataire a le droit de demander l'exécution en nature, la résiliation du bail, une diminution du loyer et selon les circonstances, des dommages[1].

La diminution de loyer

[21]   Ce recours permet de rétablir l'équilibre dans la prestation de chacune des parties au bail. Le loyer doit être réduit en proportion de la diminution subie lorsque son montant ne représente plus la valeur de la prestation des obligations du locateur parce que le locataire n'a plus la pleine jouissance des lieux loués.

[22]   En regard d'une demande de diminution de loyer, le locateur ne peut, pour se décharger de sa responsabilité, démontrer uniquement qu'il a agi avec diligence, dans un délai raisonnable, pour procéder aux traitements d'extermination et faire cesser le trouble dans les plus brefs délais.

[23]   Le locateur est tenu de garantir aux locataires un logement en bon état et il doit donc en assumer la responsabilité.

[24]   En l'espèce, la preuve révèle que les locataires ont vu la jouissance de leur logement sérieusement diminuée en raison des punaises de lit. Malgré l’extermination du mois de janvier 2018, la preuve démontre que le problème n’a pas été résolu.

[25]   Le Tribunal considère que les locataires n'ont pas eu la pleine jouissance des lieux loués et qu’ils ont subi une perte réelle, significative et substantielle de leur logement du mois de janvier 2018 à la fin du mois de juin 2018, et ce, étant donné la présence des punaises de lit. 

[26]   Afin de rétablir l'équilibre entre les prestations respectives des parties et en tenant compte que les problèmes de punaises de lit ont affecté la qualité de vie des locataires, le Tribunal octroie une diminution de loyer d’un montant forfaitaire de 600 $. Ce montant couvre la période du 25 janvier 2018, soit lorsqu'il y a eu dénonciation formelle au locateur, jusqu’au déménagement des locataires, le 30 juin 2018.

Les dommages moraux et matériels

[27]   La locataire réclame également 2 264,59 $ en dommages, ce qui représente 764,59 $ pour les frais d’extermination, 1 000 $ pour pertes de biens contaminés et 500 $ à titre de dommages moraux pour le stress et les inconvénients subis.

[28]   En ce qui concerne les dommages reliés à la présence d’insectes, la juge administrative Jocelyne Gravel explique le principe voulant qu'en l'absence de négligence de la part du locateur, les dommages résultant de la simple présence de ces insectes dans un logement ne donnent pas droit à une indemnisation[2].

[29]   En la présente instance, le locataire a fait la preuve, selon la balance des probabilités, des gestes fautifs du locateur par l’inexécution de ses obligations légales. En effet, le locateur a fait peu ou pas d’effort pour éradiquer les insectes, alors qu’il est informé dès le mois de janvier 2018 de leur présence. Il refuse de collaborer avec l’exterminateur. Malgré les demandes répétées des locataires, il ne procède pas à d’autres exterminations du logement. 

[30]   La soussignée est ainsi convaincue de tous les troubles et des inconvénients vécus par les locataires relativement à la présence de punaises chez eux. Le Tribunal accordera à titre de dommages moraux la somme de 500 $.

[31]   Le Tribunal est aussi satisfait de la preuve présentée concernant la réclamation des frais de l’exterminateur du 27 juin 2018 au montant de 764,59 $ et elle sera accordée.


[32]   Quant à la demande pour perte de biens contaminés, elle est rejetée. Les locataires n’ont soumis aucune preuve à ce sujet. Aucune liste de biens ni facture ou photo n’est déposée.

[33]   Finalement, le Tribunal accorde aux locataires les frais de la demande de 76 $ ainsi que 9 $ pour les frais d’envoi par courrier recommandé et 23 $ pour les frais d’envoi par huissier, pour un total de 108 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[34]   CONDAMNE le locateur à payer aux locataires la somme de 600 $ à titre de diminution de loyer, le tout avec les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 16 novembre 2018;

[35]   CONDAMNE le locateur à payer aux locataires la somme de 1 264,59 $ à titre de dommages, le tout avec les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 16 novembre 2018, plus les frais de justice de 108 $;

[36]   REJETTE la demande des locataires quant au surplus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pascale McLean

 

Présence(s) :

les locataires

Date de l’audience :  

13 novembre 2020

 

 

 


 



[1] Article 1863 C.c.Q.

[2] Marcotte c. Garita Enterprises inc. 31-120817-056G, le 18 juin 2013.

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