Duchesne c. 9183-4317 Québec inc. (Immeubles LG inc.) |
2018 QCRDL 15193 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Québec |
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Nos dossiers :
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262896 18 20160225 G 268278 18 20160324 G |
Nos demandes :
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1942164 1963497 |
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Date : |
08 mai 2018 |
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Régisseure : |
Lucie Béliveau, juge administrative |
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Stéphanie Duchesne |
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Locataire - Partie demanderesse (262896 18 20160225 G) Partie défenderesse (268278 18 20160324 G) |
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c. |
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9183-4317 Québec Inc. Les Immeubles LG Inc. |
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Locateur - Partie défenderesse (262896 18 20160225 G) Partie demanderesse (268278 18 20160324 G) |
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et |
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Carol Néron |
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Partie intéressée
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D É C I S I O N
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[1] D’entrée
de jeu, conformément à l'article
[2] Les parties sont liées par un bail du 1er septembre 2014 au 30 juin 2015, lequel a été reconduit jusqu’au 30 juin 2016 à un loyer mensuel de 555 $.
[3] Il s’agit d’un logement de trois pièces et demie situé dans un immeuble comprenant six logements.
[4] Le Tribunal tient à souligner que seul le représentant de la société par actions 9183-4317 Québec Inc., aussi connue sous la dénomination « Les immeubles LG Inc. », reconnaît avoir reçu signification de la demande, aucune preuve de signification ou notification n’est produite à l’égard de l’ancien locateur Carol Néron.
DEMANDE DE LA LOCATAIRE (dossier numéro 262896)
[5] Le Tribunal est saisi d’une demande de la locataire qui recherche la résiliation du bail de logement entre les parties à compter du 1er novembre 2015, la condamnation du locateur en dommages-intérêts pour une somme de 11 000 $, avec intérêts, indemnité additionnelle et frais judiciaires.
Contexte et prétentions de la locataire
[6] La locataire allègue que le locateur a fait défaut de maintenir le logement en bon état d’habitabilité.
[7] Elle prétend que le locateur refuse ou néglige d’effectuer des travaux afin de régler des problèmes d’humidité, de température ambiante et de moisissures.
[8] Elle soutient que le logement constitue un danger pour sa santé et qu’en conséquence, elle fut contrainte de l’abandonner.
[9] Elle allègue que depuis qu’elle a emménagé dans ce logement, il n’est pas adéquatement chauffé et que l’ancien locateur a changé les plinthes électriques, mais que cela n’a rien changé.
[10] Elle explique qu’il y a eu un changement de propriétaire au mois de mars 2015 et qu’elle a dûment avisé ce nouveau locateur que non seulement les problèmes de chauffage persistaient, mais qu’il y avait également des problèmes d’humidité et de moisissures.
[11] D’ailleurs, elle soutient qu’une technicienne en bâtiment de la Ville de Québec a produit un rapport de visite qui corrobore ses prétentions à l’effet qu’il y avait des moisissures au logement.
[12] Devant l’inaction du locateur, elle s’est donc résignée à abandonner le logement après avoir dûment donné un avis d’abandon puisque qu’elle considérait le logement impropre à l’habitation. Elle a donc quitté définitivement le logement le 31 octobre 2015.
[13] Elle soutient que son médecin lui a fortement suggéré de quitter le logement car le diagnostic de rhinite allergique et début d’asthme serait secondaire à la présence de moisissures dans le logement.
[14] La locataire a expédié au locateur une mise en demeure en date du 18 novembre 2015, par laquelle elle ne réclame ni plus ni moins que les dommages réclamés dans son recours auprès de la Régie du logement, sauf quant à la résiliation du bail.
[15] Elle réclame en dommages-intérêts une somme de 11 000 $ pour les problèmes de santé qu’elle a vécus en raison de la moisissure présente au logement, pour les meubles qu’elle a perdus, pour les frais de son déménagement, pour des journées de travail perdues qu’elle a dû prendre dans sa banque de congés alors qu’elle aurait pu les utiliser pour des activités de loisir.
[16] Elle estime que le logement était impropre à l’habitation et elle réclame donc que la résiliation du bail soit prononcée à compter du 1er novembre 2015.
[17] Le locateur allègue tout d’abord ne jamais avoir reçu l’avis d’abandon que la locataire prétend lui avoir expédié.
[18] D’autre part, il soutient que la technicienne en bâtiment de la Ville de Québec a recommandé de procéder au nettoyage des taches sur les murs de la chambre principale avec de l’eau javellisée afin de valider s’il ne s’agit pas simplement de saleté et que dans le cas contraire, il fallait apporter d’autres correctifs.
[19] Le locateur a réagi promptement et a fourni un déshumidificateur à la locataire, a rebranché correctement le tuyau de la sécheuse qui évacuait dans le logement, a procédé au lavage du logement et à la peinture de celui-ci, en plus de l’assécher avec une turbine industrielle. Il croit que le problème est dû au fait que la locataire ne laisse pas les murs du logement dégagés, que le logement est sale et mal entretenu et qu’il manque de ventilation et d’aération.
[20] Il estime que le tout est un prétexte pour quitter le logement avant le terme du bail, car il a tout fait pour satisfaire la locataire.
[21] Par ailleurs, il témoigne qu’une nouvelle locataire habite le logement concerné et qu’elle ne s’est jamais plainte.
Analyse et droit applicable
[22] D’entrée de jeu, il
est pertinent de rappeler que les articles
[23] D’autre part, en ce
qui concerne les obligations du locateur, il est tenu de délivrer un logement
en bon état d’habitabilité, tel que l’édicte l’alinéa 1 de l’article
« 1910. Le locateur est tenu de délivrer un logement en bon état d'habitabilité; il est aussi tenu de le maintenir ainsi pendant toute la durée du bail.
(…) »
[24] Si le locateur a
failli à ses obligations, il est loisible comme le fait la locataire en
l’instance, de demander des dommages-intérêts ou la résiliation du bail si les
conditions de l’article
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »
[25] D’autre part, comme la locataire invoque également que le logement était impropre à l’habitation, pour retenir ce motif comme cause de résiliation, il faut en faire la démonstration.
[26] Or, le deuxième alinéa
de l’article
Est impropre à l'habitation le logement dont l'état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré tel par le tribunal ou par l'autorité compétente. »
[27] Dans un jugement de la Cour du Québec, sous la plume de l’honorable juge Jean-Guy Blanchette, l'analyse ou l'évaluation de la situation doit être objective et rationnelle :
« (...) pour évaluer si l'impropreté d'un logement à habitation constitue une menace sérieuse pour la santé, la Cour doit procéder à ladite évaluation d'une façon objective et se demander si une personne ordinaire peut vivre objectivement dans les conditions exposées lors de l'audition. Ce ne sont pas les appréhensions subjectives ni l'état psychologique du locataire ou des occupants qui doivent prévaloir, mais bien la situation ou l'état des lieux compris et analysé objectivement lors de la prise de décision du déguerpissement (...) »[1]
[28] Le Tribunal partage l'analyse faite par la juge administrative Me Christine Bissonnette dans une décision de la Régie du logement quant à la preuve à faire pour démontrer qu'un logement est impropre à l'habitation, laquelle est reprise régulièrement en jurisprudence :
« Or, pour réussir sur leurs demandes, les locataires doivent établir par une preuve concrète et prépondérante les éléments suivants :
1) les problèmes reliés à la chose louée ou dans l'immeuble en général;
2) la dénonciation de leurs plaintes au locateur;
3) l'inaction du locateur à exécuter ses obligations légales;
4) leur
départ est justifié, car le logement était impropre à l'habitation au sens de
l'article
5) la relation de cause à effet entre l'état du logement et les dommages réclamés. »[2]
[29] En définitive, il s'agit d'une preuve exigeante à faire.
[30] Après analyse de la preuve, des témoignages et de la législation pertinente, le Tribunal fait les constatations suivantes :
[32] Or, la locataire s’appuie, entre autres, sur le rapport émis par la technicienne du bâtiment de la Ville de Québec, suite à une visite effectuée le 17 septembre 2015, qui recommande textuellement au locataire et au propriétaire ce qui suit : « Procéder au nettoyage des taches les murs de la chambre principale avec de l’eau de javel afin de valider s’il ne s’agit pas simplement de saletés. Si les taches reviennent après une dizaine de jours, il y a donc présence d’humidité et de moisissures et les correctifs suivants devront être apportés : (…) »
[33] Il appert de la preuve soumise devant le Tribunal que le locateur s’est empressé de procéder au nettoyage selon les recommandations du rapport, afin d’éliminer les taches sur les murs. D’ailleurs, la Ville de Québec n’a pas effectué de suivi, ni émis de contravention.
[34] Les seuls avertissements ou mise en demeure que la locataire donne au locateur sont ceux alors qu’elle a déjà quitté le logement où s’apprête à le quitter. Aucune preuve de réception par le locateur n’est fournie concernant l’avis d’abandon que la locataire lui aurait expédié. Ces faits ne militent pas en faveur de l’interprétation de la locataire.
[35] Le Tribunal considère que la locataire n’a pas prouvé que le logement était inhabitable, non plus qu’elle aurait subi un préjudice sérieux pouvant justifier la résiliation du bail.
[36] Aucune expertise n’est soumise concernant les problèmes d’humidité ou de moisissures. Par ailleurs, la locataire ne fournit aucune preuve reliant sa condition médicale à l’état du logement. En effet, une note sur une prescription médicale n’est pas une expertise et ne suffit pas à établir un lien de causalité. En conséquence, la preuve n’est pas probante pour établir que le logement était impropre à l’habitation, ce motif n’est donc pas retenu comme pouvant justifier une résiliation de bail.
[37] Concernant les dommages que le locataire réclame pour la somme de 11 000 $, elle les détaille à l’audience comme suit : frais reliés au déménagement, pertes de salaire en raison de rendez-vous médicaux, remplacement des meubles rendus inutilisables par l’humidité et les moisissures, frais de relocalisation du 20 septembre 2015 ou 12 octobre 2015, frais pour pertes matérielles, frais de chauffage supplémentaire, préjudice corporel et moral et troubles et inconvénients.
[38] Au soutien de sa prétention, la locataire soumet une preuve photographique et certaines factures pour des meubles achetés en date du 31 octobre 2015, en remplacement des meubles abîmés par les moisissures, ainsi qu’une facture d’essence pour son déménagement.
[39] D’une part, le Tribunal n’est pas convaincu qu’un nettoyage adéquat n’aurait pas suffi pour nettoyer les meubles, en conséquence le Tribunal estime qu’une somme de 500 $ est justifiée à cet égard.
[40] D’autre part, étant donné les conclusions auxquelles est parvenu le Tribunal et le manque de preuve quant au supplément de chauffage réclamé par la locataire, la réclamation quant au surplus est rejetée.
DEMANDE DU LOCATEUR (dossier numéro 268278)
[41] Le Tribunal est saisi d'une demande présentée par le locateur qui recherche la condamnation de la locataire en dommages-intérêts pour l’équivalent des mois de loyer perdus et indemnité de relocation, en frais d’énergie, en frais de publicité et en dommages-intérêts pour pertes et dégradations au logement, avec intérêts au taux légal et indemnité additionnelle, en plus des frais judiciaires et de signification prévus par règlement.
Contexte et prétentions du locateur
[42] Le locateur allègue que la locataire a quitté le logement en date du 1er novembre 2015 en emportant tous ses effets personnels et ses meubles.
[43] Le locateur déclare que le logement a été reloué le 1er février 2016. En conséquence, il réclame l’équivalent des loyers perdus pour les mois de novembre 2015 à janvier 2016 inclusivement, pour une somme de 1 665 $.
[44] Le locateur réclame des frais d’énergie au montant de 222,33 $ et des frais de publicité au montant de 50 $.
[45] Finalement, le locateur prétend que le locataire n’a pas laissé le logement en bon état à son départ et il réclame un montant de 600 $ pour des travaux de peinture et des frais de main-d’œuvre pour effectuer le ménage.
Prétentions de la locataire
[46] La locataire réitère les motifs invoqués au soutien de sa propre demande.
[47] De plus, elle soutient qu’elle a laissé le logement dans un état impeccable.
Analyse et droit applicable
[48] D’emblée, le Tribunal
précise qu’en vertu de l’article
[49] Toutefois, la
résiliation qui fait suite à un déguerpissement ne met pas un terme à
l’obligation du locataire qui est tenu, pendant la durée du bail, de payer le
loyer convenu en vertu de l’article
« 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence. »
[50] Une autre obligation
du locataire est de remettre le logement dans l’état où il l’a reçu, tel que
l’édicte l’article
« 1890. Le locataire est tenu, à la fin du bail, de remettre le bien dans l'état où il l'a reçu, mais il n'est pas tenu des changements résultant de la vétusté, de l'usure normale du bien ou d'une force majeure.
L'état du bien peut être constaté par la description ou les photographies qu'en ont faites les parties; à défaut de constatation, le locataire est présumé avoir reçu le bien en bon état au début du bail. »
[51] Par ailleurs, l’article
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »
[52] Après analyse de la preuve, des témoignages et de la législation pertinente, le Tribunal fait les constatations suivantes :
[53] Le Tribunal est satisfait des explications données par le locateur concernant la période qui s'est écoulée entre le départ de la locataire et la relocation du logement puisque que la période écoulée est relativement courte étant donné que la période optimale pour relouer le logement était dépassée. Il est effectivement beaucoup plus difficile de relouer un logement au mois de novembre. En conséquence, le Tribunal accorde la somme de 1 665 $, tel que réclamé.
[54] En ce qui concerne les frais d’énergie, le Tribunal accorde la somme réclamée de 222,33 $ puisqu’il est satisfait de la preuve présentée. Toutefois, la réclamation d’une somme de 50 $ pour les frais de publicité sera refusée en l’absence de factures pouvant justifier cette réclamation.
[55] Finalement, en ce qui concerne la réclamation pour des travaux de peinture et de ménage, le Tribunal estime que le taux horaire est exagéré. En conséquence, le Tribunal accorde un tarif horaire de 30 $ pour le nombre d’heures demandées de 4h30, pour un total de 135 $.
[56] CONSIDÉRANT l’ensemble de la preuve faite à l’audience et la conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal pour la demande de la locataire;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[57] AUTORISE les parties à opérer compensation sur les sommes qui leur sont respectivement dues.
Demande de la locataire (dossier numéro 262896) :
[58] ACCUEILLE en partie la demande de la locataire;
[59]
CONDAMNE le locateur à payer à la locataire la somme de 500 $,
plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article
[60] RÉSERVE ses recours à la locataire;
[61] REJETTE quant au surplus;
[62] REJETTE la réclamation contre Carol Néron pour défaut de signification;
[63] Le tout sans frais.
Demande du locateur (dossier numéro 268278) :
[64] ACCUEILLE en partie la demande du locateur;
[65] CONSTATE la résiliation du bail;
[66]
CONDAMNE la locataire à payer au locateur la somme de 2 022,33 $,
plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article
[67] REJETTE quant au surplus;
[68] Le tout sans frais.
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Lucie Béliveau |
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Présence(s) : |
la locataire le mandataire du locateur |
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Date de l’audience : |
9 février 2018 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.