Parizeau c. Lafrenaye |
2021 QCTAL 25306 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
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Bureau dE Longueuil |
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No dossier : |
528369 37 20200709 G |
No demande : |
3015893 |
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Date : |
07 octobre 2021 |
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Devant la juge administrative : |
Anne Mailfait |
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Martin Parizeau |
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Locataire - Partie demanderesse |
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c. |
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Bernard Lafrenaye |
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Locateur - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Le locataire réclame notamment la nullité d’une entente signée par lui le 15 août 2020 ainsi que des dommages et intérêts (2 000 $) et une diminution de loyer de 40% à compter du 2 juillet 2020. Le lit des réclamations résulte de l’amendement du 3 novembre 2020.
LES FAITS PERTINENTS
[2] Le bail entre les parties débute le 1er octobre 2016. Le loyer de la période contractuelle en cours s’élève à 550 $.
[3] Le logement est situé dans un demi-sous-sol et il est composé de deux pièces et demie.
[4] Le locataire débute son témoignage en faisant part d’un incident survenu en juin 2017 et durant lequel le locateur, sous l’influence de son voisin de palier, lui aurait interdit de se faire opérer d’une hernie sous peine de résilier le bail. Le locataire affirme que sous cette menace, il a refusé l’opération.
[5] Puis le locataire décline un certain nombre de doléances affectant sa jouissance des lieux, soit le chauffage, le plancher flottant ondulé, la fenêtre de la chambre qui ferme mal, le bruit, le froid, le système électrique. Aucun de ces éléments ne fait l’objet d’une preuve documentaire, le locataire prétendant avoir des photos sur son cellulaire mais ne pouvant les présenter au Tribunal sur invitation de celui-ci.
[6] Deux documents constituent la preuve documentaire du demandeur.
[7] La pièce L-1 est la mise en demeure sous la plume de Me Johnson, avocat alors à l’aide juridique et qui se lit comme suit :
« Longueuil, le 2 juillet 2020
« SOUS TOUTES RÉSERVES »
« PAR COURRIER RECOMMANDÉ »
Monsieur Bernard Lafrenaye [...],
SAINT-HUBERT (Québec) [...]
OBJET : Martin Parizeau c. Vous-même N/It : [...]
Monsieur,
Nous sommes les avocats de monsieur Martin Parizeau, lequel nous a mandatés pour répondre à votre mise en demeure datée du 3 juin 2020, et de vous faire parvenir la présente mise en demeure.
Vous prétendez que monsieur Parizeau a une obligation légale de rajouter l'ami qu'il héberge temporairement sur le bail comme locataire. Nous estimons que la loi ne prévoit aucune obligation de la sorte. En ce qui concerne votre « règlement », notre client n'a jamais reçu une copie écrite, alors votre règlement ne lui est pas opposable. Vous ne pouvez pas vous immiscer dans la vie privée de notre client et lui interdire tout visiteur.
Par ailleurs, notre client nous relate
qu'il n'a jamais reçu copie écrite de son bail sur le formulaire prévu par la
loi. Nous vous rappelons que, selon l'article
« 1895. Le locateur est tenu, dans les 10 jours de la conclusion du bail, de remettre un exemplaire du bail au locataire ou, dans le cas d'un bail verbal, de lui remettre un écrit indiquant le nom et l'adresse du locateur, le nom du locataire, le loyer et l'adresse du logement loué et reproduisant les mentions prescrites par les règlements pris par le gouvernement. Cet écrit fait partie du bail. Le bail ou l'écrit doit être fait sur le formulaire dont l'utilisation est rendue obligatoire par les règlements pris par le gouvernement.
Il est aussi tenu, lorsque le bail est reconduit et que les parties conviennent de le modifier, de remettre au locataire, avant le début de la reconduction, un écrit qui constate les modifications au bail initial.
Le locataire ne peut, toutefois, demander la résiliation du bail si le locateur fait défaut de se conformer à ces prescriptions. »
De plus, notre client nous fait part des défectuosités suivantes dans son logement :
· Le mur de son logement se donne directement sur le logement adjacent, il n'y a aucune isolation ou matière d'insonorisation ; le mur laisse passer le froid et le bruit ;
· Dans sa chambre il fait très froid en hiver, même avec le chauffage au maximum, et ce sent la moisissure ;
· Le plancher est ondulé « comme une banane » et doit être réparé ;
· La fenêtre en arrière du logement laisse passer l'air froid en hiver ;
· Le système électrique est désuete, à tel point que le Service d'incendie de la Ville de Longueuil a dû intervenir ; le système doit être vérifier au complet par un électricien dûment accrédité et les correctifs doivent être apportés, car il y a plusieurs prises « fantômes » qui ne fonctionnent pas, les plafonniers ne fonctionnent pas, et notre client doit débrancher son réfrigérateur pour faire la cuisine, faute de quoi le « breaker » saute ;
· Notre client a des motifs raisonnables de croire que le chauffage des espaces communs est branché sur son compte d'Hydro ; il n'est pas à lui de payer le chauffage pour le passage commun.
En conséquence, vous êtes formellement mis en demeure de faire les réparations mentionnées ci-haut, y compris la vérification et réparation du système électrique, de lui fournir un exemplaire signé de son bail, et cela, dans les dix (10) jours suivant la réception de la présente mise en demeure.
Faute de quoi, nous avons le mandat de notre client d'entreprendre les recours judiciaires appropriés contre vous, sans autre avis, ni délai. » (sic)
[8] La pièce L-2 est l’entente signée par le locataire et dont il réclame la nullité pour vice de consentement :
« Le 15 août 2020
Je Martin Parizeau locataire au [...] déclare que le propriétaire Bernard Lafrenaye est venu dans le logement aujourd'hui.
Il m'a remis une copie du bail en vigueur dument signé.
Il a réparé les plafonniers, la prise de poêle, une prise de courant, la boite de jonction du détecteur de fumée, le mur mitoyen, les problèmes de moisissure, le plancher, la fenêtre arrière du logement et la consommation électrique. Je me déclare satisfait de tous ces éléments.
Suite aux dommages à la tank à eau chaude, le propriétaire réparera la tank à eau chaude. Je m'engage à rembourser au propriétaire mensuellement avec le paiement du loyer la somme de cinquante dollars jusqu'au paiement complet de la tank, des pièces et de la main d'oeuvre.
Je m'engage également à retirer toutes mes demandes à la Régie du logement contre le propriétaire.
Martin Parizeau
Locataire » (sic)
[9] Le locataire explique que cette entente survient le lendemain où son chat l’a obligé à déplacer le tank à eau chaude car il s’était installé dessus la machine. Le locateur se présente pour changer le tank, mais le locataire lui demande de n’être accompagné de personne, ajoutant que « si t’appelle les avocats, il n’y a pas d’entente et t’es dehors ». (sic)
[10] Selon lui, une fois que l’entente a été signée, il a perdu sa place de stationnement et l’accès à la cour lui a été enlevé.
[11] Le locataire témoigne s’être senti obligé de signer ce document sous la menace du locateur de résilier le bail. Il admet toutefois avoir débuté l’exécution de l’entente par le paiement de 150 $ mais d’avoir attendu pour le solde d’avoir le jugement du Tribunal administratif du logement.
[12] Un témoin se présente au soutien de la demande. Il s’agit d’un ami du locataire que celui-ci héberge car il n’a pas de domicile fixe.
[13] Le témoin rapporte et ajoute au témoignage du locataire, prétendant en outre pouvoir disserter sur la conformité du système d’électricité du fait que son père oeuvrait dans le domaine.
La défense
[14] Le locateur dépose une copie d’un texte manuscrit du locataire, datant du 21 décembre 2019 (P1). Par ce document, le locataire se déclare satisfait des travaux effectués sur la fenêtre de sa chambre.
[15] A ce document, le locateur joint les factures attestant des travaux effectués au logement, dont le chauffe-eau, le 24 janvier 2019.
[16] Concernant l’entente, le locateur affirme s’être présenté au logement du locataire après avoir tenté à maintes reprises mais en vain, de rejoindre l’avocat du locataire. Or, vers le 15 août 2020, le locataire venait de déplacer le tank d’eau en raison, selon le locataire, de son chat qui avait sauté sur le tank et un dégât d’eau s’en est suivi, abîmant et gondolant le plancher.
[17] Le locateur voulait régler la situation du tank mais voulait également obtenir la reconnaissance des travaux, vu la mise en demeure qu’il avait reçue en juillet 2020.
[18] Il ajoute qu’à aucun moment jusqu’à ce jour, il n’a été avisé que le locataire aurait besoin d’une tutelle et il le considère comme un locataire majeur.
[19] Selon lui, le dégât d’eau résultant du tank est le fait de la personne que le locataire héberge et il doute de la version relative au chat.
[20] En contre-interrogatoire, le locateur explique n’avoir pas pensé à dire au locataire de consulter son avocat, car autant lui que le locataire, avaient de la difficulté à rejoindre ce dernier, ce que le locataire confirme.
QUESTION DE DROIT
[21] L’entente P-2 est-elle nulle du fait du consentement vicié du locataire ?
ANALYSE
[22] De cette question découle la pertinence et le fondement des autres réclamations du locataire.
[23] Le Tribunal est d’avis que cette entente est valide pour les motifs suivants :
1. Le témoignage du locataire est peu crédible, peu pertinent et parfois confus (2845 C.c.Q)
2. Le locataire témoigne d’un antécédent où une nouvelle fois, le locateur lui aurait imposé de refuser une opération pour hernie sous peine de résilier son bail. Ce témoignage laisse le tribunal perplexe. Quel est l’intérêt pour un locateur que son locataire se fasse opérer ou non ? De plus, cet incident n’est supporté par aucun élément de preuve et le tribunal est d’avis que ce témoignage se rapproche plus de l’affabulation que de la vérité.
3. Plus de 9 mois avant l’entente, le locataire s’était déjà déclaré satisfait des travaux de la fenêtre. L’entente ne fait que reprendre ce qu’il écrit, lui-même, de sa propre main, quelques mois auparavant. Il n’y a donc là rien de menaçant pour lui et rien d’incongru de la part du locateur.
4. Le locataire affirme que suite à cette entente, il perd la place de stationnement et l’accès à la cour afin d’illustrer le caractère belliqueux du locateur. Or, il s’avère que le bail ne lui accorde ni l’un ni l’autre.
5. L’entente est signée plus d’un mois après que le locataire ait eu la présence d’esprit de faire appel à un avocat pour transmettre une mise en demeure au locateur. Le locataire bénéficie donc déjà des coordonnées de son avocat ce qui soulève la question : pourquoi n’a-t-il pas contacté celui-ci lorsque le locateur lui annonce qu’il se présentera chez lui ?
6. Les
termes de l’entente ne prévoient aucune résiliation de bail. Ils visent à
protéger le locateur des affabulations du locataire quant à l’état des travaux
et à régler le dégât d’eau causé par le locataire, son chat ou son ami. En
contrepartie des sommes payées par le locateur pour réparer les dégâts d’eau et
les réparations du logement, le locataire s’engage à retirer ses procédures.
L’entente constitue donc une transaction au sens de l’article
« 2636. La transaction sur un procès est nulle si les parties, ou l'une d'elles, ignoraient qu'un jugement passé en force de chose jugée avait terminé le litige. »
7. Le locataire n’a pas jugé utile d’aviser de suite son avocat une fois l’entente signée. Plus encore, il exécute l’entente en partie. Ce délai infirme toutes ses prétentions de craintes ou de menaces.
[24] L’avocat du locataire prétend que le consentement du locataire a été vicié du seul fait de n’avoir pu consulter son avocat.
[25] Cette prétention n’est pas raisonnable. Non seulement a-t-il pu consulter son avocat préalablement à la visite annoncée du locateur, mais il pouvait également refuser de la signer.
[26] L’absence d’avocat n’empêche pas chaque citoyen de réfléchir par lui-même et d’avoir son propre jugement et son propre libre arbitre à commencer par refuser de signer le temps de le consulter. Le locataire a par ailleurs lui-même admis que son avocat répondait peu ou pas à ses propres demandes.
[27] L’avocat ajoute que le Tribunal doit tenir compte de la personnalité du locataire et c’est ce que le Tribunal fait en constatant la facilité avec laquelle celui-ci s’exprime et donne des détails. La preuve ne démontre pas non plus que sa condition médicale nécessite une tutelle. Tout adulte est présumé être capable de jugement.
[28] De l’ensemble de ces motifs, il y a lieu de conclure à la validité de cette entente.
[29] L’effet juridique de celle-ci est multiple : le locataire viole cette entente en maintenant sa procédure contre le locateur, il contrevient à l’exécution de celle-ci en ayant suspendu le paiement de sa dette, et il démontre le caractère infondé de ses prétentions, pour ne pas dire mensongères.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[30] REJETTE la demande du locataire qui en assume les frais.
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Anne Mailfait |
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Présence(s) : |
le locataire Me Philippe Jean-Gilles, avocat du locataire le locateur |
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Date de l’audience : |
22 septembre 2021 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.