Capital Augusta inc. c. Salvaggio | 2022 QCTAL 19617 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 619579 31 20220315 G | No demande : | 3490354 | |||
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Date : | 13 juillet 2022 | |||||
Devant la juge administrative : | Amélie Dion | |||||
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Capital Augusta Inc. |
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Locatrice - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Jason Salvaggio |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Par un recours introduit le 15 mars 2022, la locatrice demande la résiliation du bail en raison du manque de collaboration du locataire à l’extermination de punaises de lit.
[2] Le locataire est absent lors de l’audience malgré la notification de la demande par l’huissier le 25 mars 2022.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[3] Le locataire collabore-t-il à l'éradication des punaises de lit dans son logement?
[4] Dans la négative, son comportement cause-t-il un préjudice sérieux à la locatrice justifiant la résiliation du bail?
LE CONTEXTE
[5] Les parties sont liées par un bail ayant débuté le 1er juillet 2021 au 30 juin 2022. La locatrice est devenue propriétaire de l’immeuble au mois de décembre 2021, elle reprend et poursuit les obligations découlant du bail.
[6] Le locataire habite un logement de deux pièces et demie situé dans un immeuble de 88 logements.
[7] Vers la fin février 2022, des locataires se plaignent de la présence de punaises de lit dans leur logement.
[8] Les mandataires de la locatrice communiquent rapidement avec un exterminateur pour une inspection et une évaluation de certains logements.
[9] Le mandataire dépose lors de l’audience l’avis d’inspection au locataire incluant, en pièce jointe, la méthode de préparation du logement pour de futurs traitements.
[10] Le premier avis de traitement est transmis par courriel au locataire pour le 1er mars 2022. Le concierge et l’exterminateur témoignent lors de l’audience. Ils affirment que le jour venu le locataire n’ouvre pas la porte.
[11] Considérant que le locataire a été avisé, ils ouvrent la porte tout en s’annonçant. Le locataire se présente et ils réussissent à le convaincre de leur permettre de faire une inspection.
[12] L’exterminateur note dans son rapport qu’il y a une présence faible de punaises de lit au logement. Un traitement doit être effectué dans le logement du locataire ainsi que celui de ses voisins au-dessus et au-dessous.
[13] Le 3 mars 2022, un deuxième courriel est transmis au locataire pour une extermination le 8 mars 2022. Le mandataire affirme que le courriel est transmis avec la méthode de préparation en pièce jointe.
[14] Le 8 mars 2022, l’exterminateur se rend au logement en compagnie du concierge. Le locataire n’ouvre pas. Il les informe par la suite qu’il en a vu deux ou trois et qu’il n’y a pas besoin de traitement.
[15] À cette date, le logement du locataire n’est pas préparé et l’exterminateur affirme qu’il ne peut le traiter. Celui-ci traite tout de même le logement de la voisine du locataire et inspecte deux autres logements voisins du locataire.
[16] Le 11 mars 2022, la locatrice transmet un autre rendez-vous au locataire, par courriel, pour une extermination le 14 mars 2022. À cette date, l’exterminateur se présente, mais le locataire refuse le traitement.
[17] Deux autres logements adjacents sont traités et trois autres sont inspectés. L’exterminateur constate la présence de punaises de lit dans deux des cinq logements visités.
[18] Le 2 mai 2022, la locatrice transmet une lettre officielle au locataire par l’huissier réclamant l’accès au logement le 9 mai 2022 et une préparation du logement en vue d’un traitement au logement.
[19] Le 9 mai 2022, l’exterminateur et le concierge se déplacent au logement, mais le locataire n’a pas préparé son logement. L’exterminateur témoigne qu’il ne peut pas traiter dans ces conditions et il ne veut pas argumenter avec le locataire.
L’ANALYSE
[20] L'article 1855 du Code civil du Québec (C.c.Q.) prévoit qu’un locataire est tenu, pendant la durée du bail, d'user du bien avec prudence et diligence. Le locataire doit donc maintenir en bon état son logement, voir à sa conservation et éviter toute usure anormale.
[21] Le locataire doit également maintenir le logement en bon état de propreté selon l’article 1911, al.1 C.c.Q. Aussi, selon l'article 1912 C.c.Q., tout manquement d'un locataire relatif à la sécurité ou à la salubrité d'un logement donne lieu aux mêmes recours qu'un manquement à une obligation prévue au bail.
[22] Un locateur peut, en cas de violation des obligations du locataire, et pourvu que la preuve d'un préjudice sérieux soit démontrée, demander la résiliation du bail comme le prévoit l'alinéa 1 de l’article 1863 C.c.Q. :
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
[…]. »
[23] En raison de l’obligation qu’il assume, le locateur se voit contraint d’agir afin d’assurer à ses locataires la jouissance paisible des lieux[1].
[24] L’article 25 du Règlement sur la salubrité et l’entretien des logements de la Ville de Montréal prohibe la présence de vermine au logement :
« […]
Sont notamment prohibés et doivent être supprimés :
[…]
9 la présence de vermine, rongeurs, d’insectes ou de moisissures visibles, ainsi que les conditions qui favorisent la prolifération de ceux-ci. »
[25] Ainsi, la locatrice a donc l’obligation de supprimer toute vermine dans ses immeubles.[2]
[26] De son côté, le locataire doit coopérer afin de permettre des traitements efficaces en vue d’enrayer l’infestation d’insectes. En d’autres mots, le locataire a l’obligation de permettre l’accès au logement et il doit préparer le logement selon les instructions de l’exterminateur.
[27] Si ce dernier suit les instructions de l'exterminateur sur la préparation des lieux pour les traitements, il n'y a pas contravention à son obligation d'user du bien avec prudence et diligence[3].
[28] En cette matière, le Tribunal doit fonder son appréciation sur des considérations objectives et sur une preuve, à la fois sur les manquements allégués et sur le préjudice sérieux qui en découle.
[29] La preuve révèle que le locataire ne prend pas au sérieux le problème. Il ne prépare pas son logement comme demandé et la locatrice a été suffisamment tolérante. Cette situation ne peut plus durer, le logement doit être traité contre les punaises de lit.
[30] Le refus ou la négligence du locataire à préparer adéquatement son logement pour les traitements contre les insectes constituent des manquements justifiant la résiliation du bail, car cause un préjudice sérieux à la locatrice.
[31] Celle-ci met les efforts et les ressources financières pour régler le problème et l’attitude du locataire est susceptible de faire perdurer l’infestation d’insectes chez ses voisins en les privant de la pleine jouissance de leur logement.
[32] La résiliation du bail est donc accordée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[33] RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion du locataire et de tous les occupants du logement;
[34] ORDONNE l’exécution provisoire et immédiate de la décision, malgré appel;
[35] CONDAMNE le locataire à payer à la locatrice les frais de 103 $.
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Amélie Dion | ||
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Présence(s) : | le mandataire de la locatrice | ||
Date de l’audience : | 3 juin 2022 | ||
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[1] Article 1854 du Code civil du Québec.
[2] Codification administrative 03-096. Dernière mise à jour au 30 novembre 2015, Ville de Montréal.
[3] Article 1855 C.c.Q. Voir à ce sujet : Marcotte c. Garita Enterprises inc., 2013 QCRDL 21867.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.