Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Décision

Harewood c. 9155-8270 Québec inc.

2016 QCRDL 20548

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

31-120118-051 31 20120118 G

No demande :

61404

 

 

Date :

09 juin 2016

Régisseure :

Linda Boucher, juge administrative

 

Denise Harewood

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

9155-8270 Québec inc.

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Suivant une demande déposée le 18 janvier 2012 et amendée le 26 juin 2012 et le 22 février 2016 et encore à l’audience, la locataire demande au tribunal d’émettre une ordonnance enjoignant le locateur de lui rendre l’usage de 2 espaces de stationnement intérieur, une diminution de loyer de 150 $ par mois depuis le mois de septembre 2011 et jusqu’à ce que les 2 espaces de stationnements lui soient rendus, des dommages moraux (2 500 $) et des dommages punitifs (1 500 $), plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., l’exécution provisoire de la décision nonobstant l’appel ainsi que la condamnation du défendeur aux frais judiciaires.

[2]      La locataire, par la voix de sa procureure, a avisé le Tribunal que les demandes actualisées de sa cliente sont toutes contenues dans son amendement du 22 février 2016 tel qu’amendé à l’audience.

Le bail

[3]      La preuve démontre que la locataire s’est d’abord liée à Oberman/Mansour aux termes d’un bail du 1er octobre 1996 au 30 juin 1997 au loyer mensuel de 540 $.

[4]      Au chapitre des ‘‘autres conditions’’, la case stationnement est cochée sans mentionner le nombre d’espaces de stationnement.

[5]      Depuis, 2 autres locateurs se sont succédés avant que le locateur actuel prenne possession de l’immeuble en 2005.

[6]      En effet, il appert que 9155-8270 Québec Inc. est devenu propriétaire de l’immeuble et le locateur à compter du 25 août 2005 avec droit de percevoir le loyer à compter du 1er septembre 2005.

[7]      Le bail est présentement reconduit du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016 au loyer mensuel de 690 $.

[8]      Il est admis que jusqu’au mois de septembre 2011, la locataire et son conjoint occupaient chacun un espace de stationnement intérieur.

[9]      Puis, à compter du mois de septembre 2011, M. Hazan a tout fait pour empêcher la locataire et son conjoint d’utiliser les espaces de stationnement intérieur.

[10]   Il a réussi et depuis ce temps, la locataire et son conjoint stationnent leurs voitures sur l’espace extérieur qu’occupait jadis la piscine de l’immeuble.


[11]   Il est également admis que toutes les places de stationnement intérieur sont présentement attribuées. Il n’y en a donc aucune de libre.

La question en litige

[12]   Le bail de la locataire inclut-il l’usage de 2 espaces de stationnement intérieur?

La preuve

[13]   La locataire explique que dès la signature du bail, la question des stationnements a été abordée.

[14]   Puisque le quartier où est situé l’immeuble est pauvre en espaces de stationnement, que le terrain extérieur de l’immeuble était occupé par une piscine et ne comprenait aucun espace de stationnement, mais que par ailleurs l’immeuble disposait d’espaces de stationnement intérieur libres et que son époux et elle, possédaient chacun une voiture, elle a demandé au locateur de l’époque que le bail prévoit 2 espaces de stationnement intérieur.

[15]   C’est pourquoi, dit-elle, le loyer de 520 $ inscrit au bail fut modifié pour indiquer 540 $.

[16]   Elle insiste cependant pour dire que la somme de 20 $ dollars additionnelle ne reflète en rien la valeur de location de cet espace de stationnement supplémentaire et que son loyer n’a jamais été ventilé entre le prix de location du logis et celui des 2 espaces de stationnement.

[17]   La locataire fait valoir que son droit aux 2 espaces de stationnement n’a pas été contesté par le locateur original ni par les 2 autres qui ont suivi au cours des ans et ni par le locateur actuel pour ce qui est des 5 premières années de la possession de l’immeuble par celui-ci.

[18]   Elle se désole que ses nombreuses correspondances au demandeur et les documents qu’elle lui a remis au soutien de sa position n’ont pas réussi à le convaincre de son droit à deux espaces de stationnement intérieurs.

[19]   Comme preuve additionnelle de la reconnaissance de son droit, elle exhibe un avis de reconduction pour l’année 1997-1998 par le locateur Oberman/Mansour. Cet avis mentionne le logement et 2 places de garage pour un loyer passant de 540 $ à 575 $.

[20]   Un avis de modification de bail daté du 10 mars 2006 et émanant du locateur mentionne ‘’l’appartement et garage’’ et le loyer qui passera à 645 $ pour le prochain terme.

[21]   Elle exhibe aussi un autre avis de modification de bail émanant du locateur, celui-ci daté du 4 février 2009. Cet avis mentionne ‘‘espaces de garage 1&2/Garage Spaces 1&2’’.

[22]   La locataire explique que cet avis a été modifié à sa demande par la secrétaire du locateur lorsqu’elle s’est aperçue qu’un premier avis semblable ne portait pas la mention des espaces de stationnement.

[23]   Pour la suite des choses, il est important de souligner que la locataire a affirmé que la secrétaire en question a imprimé un nouvel avis avec la mention « omise ».

[24]   Elle veut à présent obtenir une diminution de loyer à compter de la perte de son droit d’accès aux 2 espaces de stationnement intérieur et jusqu’à ce que ceux-ci lui soient rendus.

[25]   Elle réclame aussi des dommages moraux pour les troubles et inconvénients que la situation lui cause.

[26]   À ce chapitre, elle cite la perte de son droit. Le stationnement hasardeux à l’extérieure et les inconvénients reliés à la nécessité de se stationner dehors par tous les temps et notamment en hiver, photographies à l’appui, alors que le nombre d’espaces extérieurs est compté et donc incertain et que ce terrain n’est pas régulièrement déneigé par le locateur, contrairement à ce que le bail stipule.

[27]   Elle ajoute le stress, l’angoisse et la crainte de voir son véhicule remorqué durant la période ou le locateur la menaçait jusqu’à ce qu’elle cède et cesse d’utiliser le stationnement intérieur. Elle exhibe 2 correspondances du locateur, respectivement du 14 octobre et du 9 décembre 2010 dans lesquelles le locateur conteste son droit aux stationnements intérieurs et l’avise de remorquage imminent si elle persiste à se stationner à l’intérieur.

[28]   Elle demande aussi que le locateur soit condamné à des dommages punitifs en raison du harcèlement dont elle a été victime afin de la pousser à ne plus stationner ses voitures dans le garage intérieur.


[29]   Entraves de toutes sortes, photographies à l’appui, et menaces de remorquage de la part des agents du locateur.

[30]   Pour sa part, le représentant du locateur et président, M. Hazan, conteste l’existence d’un bail pour 2 espaces de stationnement en faveur de la locataire.

[31]   Il opine qu’en l’absence d’un bail distinct en bonne et due forme pour ces 2 espaces de garage, la locataire ne peut y prétendre.

[32]   Il suggère que la locataire est l’auteure du bail dont elle se réclame qu’elle a modifié la seconde version de la modification de bail du 4 février 2009, le tout afin de s’aménager de la preuve pour démontrer l’existence d’un droit qu’elle ne possède pas.

[33]   M. Hazan explique que du mois d’août 2005 et jusqu’à ce qu’il prenne en main l’administration de l’immeuble, il avait confié au nom du locateur, l’administration de l’immeuble à un mandataire dont il s’est avéré insatisfait du travail.

[34]   L’immeuble accumulait alors des pertes et était sous-occupé.

[35]   Il a donc décidé de reprendre la gestion de l’immeuble en main et c’est pourquoi rien n’a été fait pour questionner le droit de la locataire à l’usage de 2 espaces de stationnement intérieur avant ce temps.

[36]   Il fait témoigner, M. Doris Alfred Gauthier, un spécialiste en écritures et documents dont la qualité d’expert n’est pas contestée et à l’expérience impressionnante.

[37]   Le locateur lui a confié le mandat d’analyser le bail produit par la locataire et les 2 versions de l’avis de modification de bail du 4 février 2009.

[38]   M. Gauthier a pu, aux fins de son analyse, comparer ces documents avec une série de chèques et la réponse de la locataire à l’avis de modification de bail en question.

[39]   L’expert en vient à la conclusion que le bail a probablement été rédigé de la main de la locataire, sauf pour ce qui est de la comparution du locateur et de la signature qui est attribuée à celui-ci.

[40]   Pour ce qui est l’avis de modification de bail du 4 février 2009, il conclut que la seconde version n’a pas été réimprimée, mais qu’il s’agit plutôt d’une photocopie du premier avis, légèrement agrandi afin de dégager l’espace nécessaire à l’ajout requis par la locataire.

[41]   Soulignons que sur la première version de cet avis le nouveau loyer de 678 $ a été rayé en rouge et remplacé par 660 $ et paraphé par les 2 parties, ce qui n’apparaît pas sur la seconde version de la locataire dont le nouveau loyer est inchangé à 678 $. Cette modification du 19 mars 2009 fait écho à la réponse de la locataire du 12 mars 2009 dans laquelle elle déclare vouloir accepter une augmentation, mais limitée à 5 $ par mois.

[42]   M. Hazan fait aussi remarquer que la locataire ne pouvait savoir à l’époque de cet avis de modification de bail que les espaces de stationnement portaient les numéros 1 et 2 puisqu’il a attribué des numéros aux espaces de stationnement intérieur postérieurement à cet avis, soit en 2010, alors qu’il n’y en avait pas avant. Il ajoute ainsi cet argument à sa prétention que la locataire a fabriqué cette preuve de toute pièce.

[43]   Il affirme que ce n’est qu’au mois de janvier 2011 que la locataire n’a plus eu le droit de stationner ses voitures dans le garage.

[44]   Il admet avoir harcelé la locataire afin qu’elle se plie à sa volonté et libère le stationnement.

[45]   Ainsi peut-on résumer l’essentiel de la preuve.

Le droit

[46]   L’article 1854 du Code civil du Québec et plus précisément son second paragraphe s’applique au présent litige. Il stipule ce qui suit

« 1854.      Le locateur est tenu de délivrer au loca­taire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouis­sance paisible pendant toute la durée du bail.

                 Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail.»

(Soulignement de la soussignée)


[47]   Alors que la locataire fait valoir son droit de disposer de 2 espaces de stationnement intérieur aux termes d’un bail conclut le 4 septembre 1996, le locateur soutient que ce droit n’existe pas.

[48]   L’article 1385 du Code civil du Québec énumère les conditions requises à la formation d’un contrat. Il se lit comme suit :

«1385.       Le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter, à moins que la loi n'exige, en outre, le respect d'une forme particulière comme condition nécessaire à sa formation ou que les parties n'assujettissent la formation du contrat à une forme solennelle.

 

                        Il est aussi de son essence qu'il ait une cause et un objet.»

[49]   En l’instance, il appartenait à la locataire de démontrer[1] au moyen d’une preuve détenant la force probante[2] qu’elle est détentrice d’un droit de stationnement sur 2 espaces de garage intérieur.

[50]   Après analyse de toute la preuve et délibération, le tribunal conclut que ce droit existe bel et bien pour la locataire.

[51]   Le tribunal fonde sa décision sur le libellé du bail du 4 septembre 1996 tel qu’expliqué par la locataire.

[52]   Le locateur n’étant pas parti à ce bail et M. Hazan n’ayant pas assisté à sa formation, le tribunal n’a donc pu compter que sur le témoignage de la locataire pour l’éclairer quant à la volonté des parties à l’époque.

[53]   Fait à souligner, l’expert en écriture du locateur n’a pas non plus été capable de conclure que le bail en question est un faux et qu’il ne contient pas l’expression de l’intention des parties.

[54]   Il avance même que l’intitulé du locateur et la signature qui lui est imputée ne proviennent pas de la main de la locataire. Il est donc très envisageable et probable qu’il s’agisse de la signature du locateur à l’époque.

[55]   Cette interprétation de l’intention des parties au bail au sujet de ces 2 espaces de stationnement est d’ailleurs corroborée par le texte de l’avis de modification de bail pour le terme du 1er juillet 1997 au 30 juin 1998 émanant du locateur au bail et qui mentionne bien un logement ainsi que 2 espaces de stationnement. La paternité de cet avis n’a pas été contestée par le demandeur.

[56]   Au surplus, ce droit au logement et surtout à l’usage de 2 espaces de stationnement intérieur a été respecté par les 3 locateurs subséquents, dont le locateur par le biais de son mandataire pour la période du mois d’août 2005 au mois de novembre 2010.

[57]   Le locateur lui-même, par son mandataire certes, mais qui s’adressait à la locataire au nom de celui-ci indiquait dans un avis de modification de bail du 10 mars 2006 que le bail de la locataire visait ‘’l’appartement et garage’’ un terme générique qui ne spécifie pas le nombre d’emplacements de stationnement, mais ne l’exclut pas non plus.

[58]   Partant, le tribunal opine que c’est sans droit que le locateur s’est appliqué à priver la locataire de ses 2 espaces de stationnement intérieur depuis le mois de janvier 2011.

[59]   Le tribunal juge durement le locateur qui par son mandataire, M. Hazan, s’est fait justice à lui-même en poussant la locataire hors du garage plutôt que de soumettre la question au tribunal afin qu’il tranche ce litige.


[60]   Le tribunal comprend que le locateur n’ait pas tenté de retirer à la locataire son droit aux espaces de stationnement au moyen d’un avis de modification de bail[3] puisqu’il ne lui reconnaissait pas ce droit. En ce sens il a fait preuve de cohérence, mais il ne lui appartenait pas pour autant d’évincer cavalièrement la locataire ainsi qu’il l’a fait.

[61]   Cela dit, la soussignée se questionne sur l’origine du second avis de modification de bail du 4 février 2009 qui semble être un mauvais bricolage du premier avis. Est-ce le fait de la secrétaire du locateur comme le déclare la locataire ou émane-t-il de la locataire qui désespérait de fournir une preuve que le locateur accepterait?

[62]   Puisque celui-ci n’est pas de nature à infléchir l’opinion du tribunal quant au droit de la locataire aux 2 espaces de stationnement, convaincu par une preuve substantielle antérieure, celui-ci ne s’y attardera pas plus avant.

[63]   En effet, le locateur n’avait pas le droit de modifier unilatéralement les termes du bail en privant la locataire de ses espaces de stationnement.

[64]   Partant, le Tribunal juge que la locataire est bien fondée de se prévaloir de l’article 1853 C.c.Q. afin de réclamer une diminution de loyer et les dommages moraux que le retrait cavalier de son droit à 2 espaces de stationnement lui a causés et lui cause toujours.

[65]   La locataire a certes subi une perte substantielle et sérieuse de la jouissance des lieux loués.

[66]   Malheureusement, puisque les parties admettent que le locateur ne dispose pas d’espaces de stationnement, le tribunal ne peut émettre une ordonnance visant le retour immédiat de ces 2 espaces de stationnement à la locataire.

Diminution de loyer

[67]   Dans la cause de Girard c. Placements Bédard et Gauthier Enrg., le juge administratif Gilles Joly définit le recours en diminution de loyer ainsi :

« Le recours en diminution de loyer a pour but de rétablir l'équilibre dans la prestation de chacune des parties au bail; lorsque le montant du loyer ne représente plus la valeur de la prestation des obligations rencontrées par le locateur parce que certains des services ne sont plus dispensés ou que le locataire n'a plus la pleine et entière jouissance des lieux loués, le loyer doit être réduit en proportion de la diminution subie.

Il s'agit en somme de rétablir le loyer au niveau de la valeur des obligations rencontrées par le locateur par rapport à ce qui est prévu au bail; la diminution ainsi accordée correspond à la perte de la valeur des services ou des obligations que le locateur ne dispense plus. Il ne s'agit donc pas d'une compensation pour des dommages ou des inconvénients que la situation peut causer. »

Et plus loin :

« Le recours en diminution de loyer est de nature « quantis minoris », c'est-à-dire qu'il cherche à rétablir un équilibre entre la prestation du locateur et celle de la locataire; en vertu du bail, le locateur doit procurer à la locataire la jouissance du logement qui y est décrit; en contrepartie, la locataire doit payer le loyer dont le montant doit équivaloir aux droits que le contrat lui procure. Or, dès que la locataire n'a plus la jouissance des lieux comme elle devrait l'avoir, elle peut exercer le recours en diminution de loyer afin que son obligation soit réduite en proportion du trouble qu'elle endure. »[4]

[68]   En l’instance, le tribunal ne partage pas l’opinion de la locataire qui refuse de voir un lien entre l’ajout d’une somme de 20 $ au bail original et le coût d’un espace de stationnement à l’époque.

[69]   Sinon, pourquoi le locateur aurait-il ajouté cette somme en échange de cet espace?

[70]   Le tribunal, appliquant la règle de 3, conclut que le stationnement constitue 7% du loyer total, soit 3,5 % pour chacun des espaces de ces places.

[71]   Partant, le tribunal accorde à la locataire une diminution de loyer de 3,5% à compter du 1er septembre 2011 pour chacun des 2 espaces de stationnement, et ce, jusqu’à ce qu’elle récupère ces deux espaces.

[72]   Puisque la preuve ne permet pas d’accorder une valeur au stationnement extérieur, le tribunal n’en a pas tenu compte dans le calcul de la diminution de loyer.

Ordonnance

[73]   Le tribunal juge qu’il est à propos d’ordonner le locateur de redonner à la locataire l’usage de 2 espaces de stationnement intérieur à la première occasion.

[74]   À titre informatif, la sanction pour ne pas avoir respecté cette ordonnance est l'outrage au tribunal.[5]

Dommages moraux

[75]   À ce chapitre, la locataire a convaincu le tribunal des troubles et inconvénients qu’elle a vécus en plus du stress, de l’angoisse et dérangement.

[76]   Premièrement, en raison du comportement du locateur qui a usé de stratagème et de menaces pour l’évincer du garage.

[77]   Deuxièmement, pour les divers inconvénients, stress, troubles et inconvénients associés à l’obligation de stationner à l’extérieur en toute saison.

[78]   Le tribunal accorde à la locataire la somme de 2 500 $ pour la période du 14 octobre 2010 au jour de l’audition de la demande.

Dommages punitifs

[79]   Sur ce motif, la locataire fonde sa demande sur l’article 1902 C.c.Q., lequel stipule ce qui suit :

« 1902.      Le locateur ou toute autre personne ne peut user de harcèlement envers un locataire de manière à restreindre son droit à la jouis­sance paisible des lieux ou à obtenir qu'il quitte le logement.

    

                Le locataire, s'il est harcelé, peut demander que le locateur ou toute autre personne qui a usé de harcèlement soit condamné à des dommages-intérêts punitifs.»

[80]   Dans l'affaire Hashev c. Amibar, le juge administratif Jean Bisson définit ainsi le harcèlement :

''Comportement volontaire, généralement répété et continu, d'une personne se manifestant, entre autres, par des actes ou des gestes à caractère vexatoire ou méprisant à l'égard d'une autre personne, dirigée contre cette personne, ses proches ou ses biens.''[6]

[81]   Me Pierre Pratte, pour sa part, propose la définition suivante du harcèlement :

« Une conduite se manifestant par des paroles ou des actes et ayant comme conséquence de restreindre, de façon continue, le droit d'un locataire à la jouissance paisible des lieux ou d'obtenir qu'il quitte le logement. »[7]

[82]   En l’instance, le comportement du locateur correspond à ces définitions du harcèlement. Par des demandes comminatoires répétées, en permettant que soient bloqués à répétition les espaces de stationnement de la locataire et par des menaces de remorquer ses véhicules, le locateur s’est rendu coupable de harcèlement envers la locataire.


[83]   Il a obtenu ce qu’il désirait puisque depuis le mois janvier 2011 la locataire a renoncé aux espaces de stationnement prévu à son bail et dont elle avait jusque-là joui, et ce durant plus d’une quinzaine d’années.

[84]   Cela dit, le tribunal sanctionne le comportement du locateur en le condamnant à des dommages punitifs de 1 500 $. Le tribunal croit que cette somme sera de nature à assurer la fonction préventive et punitive de tels dommages et ainsi convaincre le locateur de ne pas récidiver.

[85]   Étant donné qu’il n’y a pas d’espace de stationnement intérieur disponible en ce moment, le tribunal juge que le préjudice causé à la locataire ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[86]   ACCUEILLE en partie la demande de la locataire;

[87]   DIMINUE le loyer de 7 % par mois, soit 3,5 % pour chacun des espaces de stationnement dont la locataire est privée, et ce, à compter du 1er septembre et jusqu’à ce que 2 espaces de stationnement soient rendus à la locataire plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q. à l'échéance de chaque loyer visé par cette diminution de loyer;

[88]   ORDONNE au locateur de rendre à la locataire l’usage de 2 espaces de stationnement à la première occasion et au fur et à mesure que des espaces de garage deviendront disponibles;

[89]   ORDONNE au locateur de payer à la locataire la diminution de loyer ci-dessus;

[90]   CONDAMNE le locateur à payer à la locataire la somme de 4 000 $ plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q. à compter des présentes, plus les frais judiciaires de 76 $;

[91]   REJETTE la demande quant au surplus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Linda Boucher

 

Présence(s) :

la locataire

Me Keith Linda Lazard, avocate de la locataire

le mandataire du locateur

Date de l’audience :  

21 avril 2016

 

 

 


 



[1] « 2803.  Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée».

[2] « 2804.  La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence  est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante».

[3] « 1942.  Le locateur peut, lors de la reconduction du bail, modifier les conditions de celui-ci, notamment la durée ou le loyer; il ne peut cepen­dant le faire que s'il donne un avis de modifica­tion au locataire, au moins trois mois, mais pas plus de six mois, avant l'arrivée du terme.  Si la durée du bail est de moins de douze mois, l'avis doit être donné, au moins un mois, mais pas plus de deux mois, avant le terme.

Lorsque le bail est à durée indéter­minée, le locateur ne peut le modifier, à moins de donner au locataire un avis d'au moins un mois, mais d'au plus deux mois.

Ces délais sont respectivement réduits à dix jours et vingt jours s'il s'agit du bail d'une chambre.»

[4] R.L. 36-831208-001 G, le 1er décembre 1997, j.a. Me Gilles Joly.

 

[5] « 112  Quiconque refuse de se conformer à une ordonnance de la Régie autre que celle prévue par l’article 1973 du Code civil commet un outrage au tribunal.

Toutefois, si le contrevenant refuse de se conformer à une ordonnance prévue par l’article 55 ou par l’article 1918 du Code civil, l’amende est d’au moins 5 000 $ et d’au plus 25 000 $.»

[6] Hashev c. Amibar, (1996), J.L. (R.L) j. a. Me Jean Bisson.

[7] Me Pierre Pratte, « Le harcèlement envers les locataires et l'article 1902 du Code civil du Québec », (1996) 56 R. du B. 3, 6.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.