Foomani c. R. | 2023 QCCA 232 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
GREFFE DE
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N° : | |||||
(760-01-090264-182) | |||||
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DATE : | 27 février 2023 | ||||
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KOREY FOOMANI | |||||
APPELANT – accusé | |||||
c. | |||||
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SA MAJESTÉ LE ROI | |||||
INTIMÉ – poursuivant | |||||
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ARRÊT RECTIFICATIF (de l’arrêt rendu le 21 février 2023) | |||||
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MISE EN GARDE : Une ordonnance limitant la publication a été prononcée le 21 février 2020 par la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (l’honorable Bertrand St-Arnaud), district de Beauharnois, en vertu de l’article 486.4 C.cr. afin d’interdire la publication ou la diffusion de quelque façon que ce soit de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la victime ou d’un témoin.
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[1] Une erreur d’écriture s’est glissée au paragraphe 77 de l’arrêt Korey Foomani c. Sa Majesté le Roi, en ce que la numérotation des facteurs ne se suivait pas.
POUR CE MOTIF, LA COUR :
[2] RECTIFIE l’arrêt rendu le 21 février 2023 de la manière suivante :
[77] Plusieurs facteurs pertinents à l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité des témoins peuvent être dégagés de la jurisprudence[55] et de la doctrine[56] : 1) l'intégrité générale et l'intelligence du témoin; 2) sa capacité d'observation; 3) sa capacité de communiquer; 4) la fidélité de la mémoire; 5) l'exactitude de sa déposition; 6) sa volonté de dire la vérité de bonne foi; 7) sa sincérité, sa franchise, ses préjugés; 8) l’intérêt du témoin; 9) le caractère évasif ou les réticences de son témoignage; 10) le comportement du témoin avec la prudence requise; 11) la compatibilité du témoignage avec l'ensemble de la preuve, y compris la preuve confirmative; 12) l'existence de contradictions avec les autres témoignages et les éléments de preuve; 13) la plausibilité du témoignage; 14) la cohérence intrinsèque du témoignage.
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| STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A. |
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| GUY COURNOYER, J.C.A. |
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| CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A. |
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Me Réginal Victorin | |
Pour l’appelant | |
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Me Patrick Cardinal | |
DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES | |
Pour l’intimé | |
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Date d’audience : | 15 juin 2022 |
Foomani c. R. | 2023 QCCA 232 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
GREFFE DE
| MONTRÉAL | ||||
N° : | 500-10-007313-206 | ||||
(760-01-090264-182) | |||||
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DATE : | 21 février 2023 | ||||
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FORMATION : | LES HONORABLES | STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A. GUY COURNOYER, J.C.A. CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A. | |||
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KOREY FOOMANI | |||||
APPELANT – accusé | |||||
c. | |||||
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SA MAJESTÉ LE ROI | |||||
INTIMÉ – poursuivant | |||||
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ARRÊT RECTIFIÉ (le 27 février 2023) | |||||
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MISE EN GARDE : Une ordonnance limitant la publication a été prononcée le 21 février 2020 par la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (l’honorable Bertrand St-Arnaud), district de Beauharnois, en vertu de l’article 486.4 C.cr. afin d’interdire la publication ou la diffusion de quelque façon que ce soit de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la victime ou d’un témoin.
[1] L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu le 21 février 2020 par la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale (l’honorable Bertrand St-Arnaud), lequel déclare l’appelant coupable de deux chefs d’accusation d’agression sexuelle sur des enfants âgées de moins de 16 ans (les chefs 2 et 6), l’acquitte de sept chefs d’accusation et ordonne une suspension conditionnelle des procédures sur deux chefs d’accusation (les chefs 3 et 5).
[2] Pour les motifs du juge Cournoyer, auxquels souscrivent les juges Sansfaçon et Baudouin, LA COUR :
[3] ACCUEILLE l’appel;
[4] INFIRME les déclarations de culpabilité à l’égard des chefs 2 et 6;
[5] ORDONNE la tenue d’un nouveau procès à l’égard des chefs 2, 3, 5 et 6.
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| STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A. | |
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| GUY COURNOYER, J.C.A. | |
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| CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A. | |
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Me Réginal Victorin | ||
Pour l’appelant | ||
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Me Patrick Cardinal | ||
DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES | ||
Pour l’intimé | ||
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Date d’audience : | 15 juin 2022 | |
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MOTIFS DU JUGE COURNOYER |
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[1] Le pourvoi soulève principalement des questions concernant l’évaluation de la preuve et les facteurs retenus par le juge dans l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité des témoins.
[2] L’appelant est propriétaire du dépanneur où les agressions auraient eu lieu. Les plaignantes X et Y allèguent la commission par l’appelant d’agressions sexuelles entre 2015 et 2018. X avait entre 5 et 8 ans et Y avait entre 8 et 11 ans. La mère des plaignantes a travaillé pour l’appelant de 2014 à 2015 et leur résidence était située près du dépanneur.
[3] Une troisième plaignante Z a également témoigné que l’appelant l’aurait forcée à venir à l’arrière du dépanneur afin de frotter son pénis contre ses fesses. Cependant, le juge d’instance a rejeté son témoignage et a acquitté l’appelant de l’accusation la concernant. La poursuite ne conteste pas l’acquittement.
[4] L’appelant nie tout geste à caractère sexuel.
[5] Même si les plaignantes allèguent la commission de plus d’une agression, le jugement se concentre sur un seul événement qui se déroule le 29 mai 2018, décrit par les plaignantes comme celui « de la dernière fois » – expression que reprend le juge d’instance dans son jugement.
[6] Selon un truisme jurisprudentiel bien établi, l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité des témoins relève de l’art plutôt que de la science exacte. Elle comporte, il est vrai, une certaine part d’indicible. Toutefois, cette démarche demeure rigoureusement encadrée par plusieurs principes de droit relatifs à l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité des témoins de même que par la présomption d’innocence, la grille d’analyse de l’arrêt W.(D.) et le devoir de motivation.
[7] L’intervention d’une cour d’appel s’avère contrainte par des normes certes exigeantes, mais qui ne l’excluent pas lorsqu’une ou plusieurs erreurs la rendent nécessaire.
[8] À l’égard du dernier événement sur lequel se concentre le juge, ce dernier était appelé à démêler des éléments de preuve embrouillés et contradictoires.
[9] D’une part, l’appelant avait présenté une preuve selon laquelle il n’avait pas eu l’opportunité de commettre les infractions alléguées, car il aurait été seul au moment où celles-ci auraient été commises et que l’achalandage de son dépanneur établit une transaction par minute.
[10] D’autre part, le jugement révèle l’utilisation erronée de l’absence d’embellissement dans l’appréciation du témoignage d’une plaignante, témoignage utilisé comme preuve confirmative de l’autre plaignante, un raisonnement fautif dans l’appréciation de la dénégation des faits par l’appelant, une importance indue accordée aux comportements des témoins, un examen inégal dans le poids dévolu à la qualité de la mémoire de l’appelant et des plaignantes, de même que des conclusions incompatibles avec la présomption d’innocence.
[11] Pour les motifs qui suivent, même si la preuve pouvait justifier les déclarations de culpabilité, je propose néanmoins d’accueillir l’appel et d’ordonner la tenue d’un nouveau procès.
Les événements du 29 mai 2018 : la version des plaignantes
[12] La poursuite a d’abord produit un enregistrement vidéo réalisé selon les modalités de l’article 715.1 C.cr. dans lequel les plaignantes décrivent les faits à l’origine des accusations. Lors du procès tenu en juin 2019, les plaignantes ont été interrogées, puis contre-interrogées.
[13] D’une manière générale (certains éléments plus précis seront abordés dans le cadre de l’analyse des moyens d’appel), les plaignantes décrivent les événements de la manière suivante.
[14] Le 29 mai 2018, les sœurs se rendent au dépanneur de l’appelant afin d’acheter des bonbons avant de se rendre chez A, une amie de Y.
[15] Lorsqu’elles arrivent au dépanneur, l’appelant leur propose de faire le ménage en échange de bonbons. Par la suite, l’appelant leur offre d’aller voir les caméras de surveillance qui se trouvent dans son bureau situé au fond du dépanneur.
[16] Selon X, l’autre plaignante Z accompagne les sœurs dans le bureau de l’appelant. Selon Y, Z les accompagne au dépanneur, mais n’entre pas dans le bureau avec elles.
[17] Dans le bureau, il n’y a que deux chaises. Une chaise derrière le bureau, où s’assoit l’appelant, et une chaise en face du bureau sur laquelle Y s’assoit. L’appelant dit alors à X de s’asseoir sur lui. X raconte qu’il met ses mains autour d’elle, la serre fort et « lève son pénis ». Pendant ce temps, il dit aux plaignantes de regarder et de compter les caméras de surveillance. Les jeunes filles en comptent 16. L’appelant leur offre également des bonbons.
[18] L’événement se termine lorsque l’appelant voit un client qui attend à la caisse et quitte le bureau pour le rejoindre.
[19] À la sortie du dépanneur, les plaignantes se rendent chez A et racontent à la mère de celle-ci ce qui vient de se passer avec l’appelant. La mère de A les incite à raconter l’événement à leur propre mère, ce qu’elles feront la soirée même.
Les autres agressions
[20] Selon X, le 29 mai 2018 n’était pas la première fois que l’appelant l’amenait dans son bureau et frottait son pénis contre ses fesses. Elle dit que la première fois devait être lorsqu’elle avait « cinq ans ou trois ans ». Elle dit ne plus en avoir de souvenirs, « car ça fait trop longtemps ». Elle peut seulement affirmer que l’appelant l’a assise plusieurs fois sur lui et qu’il lui a donné des bonbons gratuits.
[21] Y, quant à elle, raconte que c’est arrivé « vraiment plus qu’une [fois] », sur une période de deux ou trois ans. Elle situe le premier événement un mois après que sa mère a quitté son emploi au dépanneur, soit en 2015.
[22] Au cours de son témoignage, Y identifie deux endroits où seraient survenues les agressions : dans le bureau de l’appelant à l’arrière du dépanneur et derrière la caisse située à l’avant du dépanneur, alors que l’appelant était accoté sur le comptoir et qu’elle était assise sur lui « comme s’il était une chaise ».
[23] Chaque événement se passe de la même façon. L’appelant assoit Y sur lui et « lève » son pénis entre ses fesses. Y indique que l’appelant a déjà mis sa main dans ses pantalons, sans toutefois toucher ses parties intimes, et qu’elle a dû se cacher derrière le comptoir, car une cliente arrivait.
[24] Lors de son contre-interrogatoire, Y ajoute plusieurs éléments à la trame factuelle du 29 mai 2018, ce qui révèle une confusion entre les événements et les dates.
[25] Ainsi, elle énonce pour la première fois que l’appelant l’a assise sur lui sur le comptoir derrière la caisse avant qu’ils aillent dans son bureau avec X.
[26] Elle ajoute également que, lors de cette rencontre, l’appelant a dit à une cliente que Y et X étaient ses filles. L’appelant aurait aussi demandé à Y, le 29 mai, de se cacher alors qu’une cliente entrait au dépanneur et qu’elle était derrière le comptoir.
[27] Finalement, Y indique que l’événement avec les mains dans ses pantalons s’est également déroulé le 29 mai 2018. Bref, tous les événements qui se sont produits derrière le comptoir et qu’elle avait relatés lors de son enregistrement vidéo et de son interrogatoire seraient en fait survenus la même journée, soit le 29 mai 2018.
La version de l’appelant
[28] Selon l’appelant: « It’s all not true. It’s lies
[29] [57]. » Il insiste sur le fait qu’il n’a jamais touché personne sexuellement, notamment les plaignantes et qu’il n’est pas ce genre de personne. Il a déjà fait des câlins aux deux jeunes filles, en présence de leur mère et de sa femme notamment.
[30] L’appelant explique d’abord qu’il a déjà surpris Z en train de voler dans son dépanneur. Il l’avait alors amenée dans son bureau pour lui montrer ses caméras de surveillance et lui faire peur. C’est d’ailleurs la seule fois que Simon Henderson, un ancien employé du dépanneur, a vu l’appelant amener un enfant dans son bureau.
[31] Le 29 mai 2018 est une journée extrêmement occupée au dépanneur. Des registres produits au dossier révèlent la survenance d’une transaction à la minute.
[32] Un employé travaille de 6 h à 14 h 45 et l’autre de 16 h 30 à 22 h 15. L’appelant est seul au dépanneur entre 14 h 45 et 16 h 30.
[33] Il doit rester à l’avant du dépanneur, puisqu’il doit autoriser les clients à mettre de l’essence et s’occuper de la caisse.
[34] Selon une réponse de l’appelant à la fin de son contre-interrogatoire par la poursuite, X et Y se rendent au dépanneur vraisemblablement entre 14 h 45 et 16 h 30, alors qu’il est seul.
[35] Y pleure et lui raconte qu’elle est triste par rapport à sa situation familiale. Les deux plaignantes prennent des tablettes de chocolat, mais n’ont pas assez d’argent; l’appelant les leur offre par sympathie. Par la suite, l’appelant donne du papier brun aux fillettes pour qu’elles enlèvent la poussière sur des canettes. L’appelant leur donne des chocolats et des pastilles, comme il le fait avec d’autres enfants, puis elles quittent le dépanneur.
[36] Par ailleurs, l’appelant explique que, le 29 mai 2018, les plaignantes lui ont demandé combien de caméras de surveillance il y avait dans le dépanneur. Celui-ci leur a répondu 16, alors qu’il n’y en a que 14, afin de les effrayer.
[37] L’appelant insiste sur le fait que les fillettes ne sont jamais venues derrière le comptoir ni dans son bureau. Il serait cependant possible qu’elles se soient rendues seules à l’arrière du dépanneur.
JUGEMENT ENTREPRIS
[38] Le juge amorce son jugement par un résumé de la preuve présentée par les neuf témoins de la poursuite, dont celui des trois plaignantes[58]. Il procède ensuite au même exercice pour les trois témoins de la défense, incluant le témoignage de l’appelant en dernier[59].
[39] Par la suite, le juge d’instance débute son analyse.
[40] Il rappelle premièrement les principes juridiques devant guider celle-ci : la présomption d’innocence, le fardeau de la poursuite d’établir hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé et les principes applicables à l’analyse de témoignages contradictoires découlant de l’arrêt W.(D.)[60].
[41] Deuxièmement, le juge examine le témoignage de l’appelant[61].
[42] Il retient que l’appelant confirme généralement le témoignage des jeunes plaignantes, sauf à l’égard des gestes répréhensibles qui lui sont reprochés. À ce sujet, l’appelant invoque qu’il ne s’agit que de mensonges[62]. Il nie non seulement les gestes sexuels, mais également tout le contexte qui s’y rapporte[63]. À la lumière de toute la preuve entendue, le juge considère qu’il ne peut croire l’appelant quant à ces affirmations[64].
[43] Il est également d’avis que le récit qu’offre l’appelant quant à la journée du 29 mai 2018 n’est pas crédible. Non seulement il décrit avec trop de détails le passage de Y et X, mais il y a plusieurs incohérences et invraisemblances dans sa description des événements[65].
[44] Il constate que l’appelant ajuste son récit à celui de Y et de X, puisque son récit évolue au fil de son témoignage et se contredit quant aux événements concernant Z[66]. De plus, le juge d’instance mentionne certaines contradictions entre le témoignage de l’appelant et celui de la mère des plaignantes[67].
[45] Finalement, le juge d’instance s’attarde sur plusieurs explications données par l’appelant qui rendraient invraisemblables les agressions, notamment le fait qu’il ne pouvait pas agresser les plaignantes le 29 mai 2018, puisqu’il s’agissait d’une journée occupée au dépanneur, et qu’il était le seul employé. Le juge explique l’incompatibilité de certaines de ses explications avec la preuve, notamment les témoignages de X et Y et estime qu’elles ne peuvent pas être retenues[68].
[46] En somme, il conclut qu’il ne croit pas l’appelant et que son témoignage, à la lumière de l’ensemble de la preuve, ne suscite aucun doute raisonnable[69].
[47] Le juge se penche par la suite sur la preuve de la poursuite[70].
[48] En premier lieu, le juge explique qu’il doit apprécier les témoignages des enfants et leur crédibilité selon les principes édictés par l’arrêt W. (R.) de la Cour suprême[71].
[49] En deuxième lieu, il se penche sur le témoignage de Y et conclut que son récit est crédible. Il mentionne d’emblée que Y paraît sérieuse : elle écoute attentivement, est concentrée et répond généralement aux questions sans hésiter[72]. Elle accompagne sa déclaration de gestes[73] qui rendent « [l]e tout criant de vérité »[74]. En outre, Y n’exagère pas les agressions qu’elle a subies et n’hésite pas à dire qu’elle ne se souvient pas lorsque tel est le cas[75].
[50] Cependant, le juge d’instance note plusieurs contradictions dans le témoignage de Y, autant entre son interrogatoire et son contre-interrogatoire qu’entre sa version des faits et celle des deux autres plaignantes[76]. Ces contradictions touchent notamment les lieux des agressions et le nombre de fois où l’appelant l’aurait agressée[77]. Le juge d’instance explique que les contradictions ne sont pas fatales et retient que plusieurs agressions ont eu lieu à l’égard de Y[78].
[51] Quant au témoignage de X, le juge considère qu’il est corroboré sur l’essentiel par celui de Y[79]. Les réponses de la jeune plaignante paraissent crédibles. Elle accompagne à quelques reprises son témoignage de gestes qui renforcent sa crédibilité[80]. Le juge affirme qu’il croit X quant à l’agression survenue le 29 mai 2018, même si elle se trompe quant à la présence de Z pendant l’événement[81].
[52] Finalement, le juge d’instance est d’avis que Z n’est pas un témoin crédible, puisqu’elle confirme en interrogatoire avoir menti lors de la déclaration vidéo enregistrée un an auparavant[82]. De plus, elle affirme qu’elle a « pris la même histoire » que les deux autres plaignantes, dont Y, sa très bonne amie[83].
[53] En conclusion, le juge d’instance, ne retenant ni le témoignage de l’appelant ni celui de Z, conclut que la poursuite a démontré hors de tout doute raisonnable que l’appelant a agressé sexuellement seulement Y et X[84]. Le juge acquitte l’appelant sur le chef de séquestration, considérant qu’une preuve hors de tout doute raisonnable n’a pas été présentée[85] et prononce un arrêt des procédures sur les chefs de contacts sexuels à l’égard de Y et X[86].
[54] L’appelant développe plusieurs moyens dans son avis d’appel et dans son mémoire, mais cible deux axes principaux : 1) une erreur de droit dans l’application des principes formulés dans l’arrêt W. (R.)[87] à l’égard du témoignage des enfants; 2) des erreurs de droit, de fait ou mixtes dans l’évaluation de la preuve.
[55] À l’égard de ce deuxième moyen, il soutient dans son avis d’appel que le juge a ignoré des aspects significatifs de la preuve, a tiré des inférences déraisonnables, qu’il a évalué la crédibilité et la fiabilité des témoins en se fondant sur des stéréotypes et sur le comportement des témoins lors de leur déposition.
[56] Dans le mémoire, il en reformule légèrement la teneur en soutenant qu’il a été condamné selon une preuve qui n’atteignait pas le standard requis, en se fondant sur des a priori et des préjugés, en évaluant la crédibilité de l’accusé sur la base d’éléments non pertinents et en adoptant un raisonnement fondé sur la conjecture plutôt que sur des inférences raisonnables. Cela dit, il déploie son argumentaire de façon globale et générale, alléguant plusieurs erreurs dans l’évaluation de la preuve, certaines étant des erreurs de droit alors que d’autres concernent l’appréciation erronée de celle-ci.
[57] L’appelant ratisse très large et, comme le relève avec justesse la poursuite, plusieurs de ses arguments nous invitent à emprunter un chemin bien normé qui s’oppose à ce que nous substituions notre interprétation à celle du juge d’instance. Le défi de l’appelant est donc considérable et, comme le rappelait récemment la Cour suprême dans l’arrêt G.F., une cour d’appel n’intervient pas à la légère en ces matières.
[58] En effet, « les conclusions sur la crédibilité que rend un juge du procès commandent une déférence particulière »[88]. Cette déférence se justifie en raison de plusieurs facteurs :
1) l’avantage intangible du juge d’avoir présidé le procès[89];
2) les conclusions sur la crédibilité doivent être évaluées en fonction de la présomption d’application correcte du droit, surtout en ce qui concerne le rapport entre fiabilité et crédibilité[90];
3) lorsque des ambiguïtés dans les motifs du juge du procès se prêtent à de multiples interprétations, celles qui sont compatibles avec la présomption d’application correcte doivent être préférées à celles qui laissent entrevoir une erreur[91];
4) le simple fait de souligner les aspects ambigus d’une décision de première instance et de prétendre que le juge du procès a peut‑être commis une erreur ne permet pas d’établir qu’il y a effectivement erreur ou entrave à l’examen en appel[92].
[59] Ainsi, une cour d’appel ne doit pas passer « au peigne fin le texte des motifs de première instance à la recherche d’une erreur »[93], cela va de soi. De plus, « [l]es lacunes dans l’analyse de la crédibilité effectuée par le juge du procès, tel qu’il l’expose dans ses motifs, ne justifieront que rarement l’intervention de la cour d’appel »[94], mais « le défaut d’expliquer adéquatement comment il a résolu les questions de crédibilité peut constituer une erreur justifiant l’annulation de la décision »[95], car « l’accusé est en droit de savoir "pourquoi le juge du procès écarte le doute raisonnable" »[96].
[60] Cela dit, comme le note le juge en chef Wagner dans l’arrêt C.P. rendu une semaine avant l’arrêt G.F., il existe « un principe de justice fondamentale bien établi voulant qu’en matière criminelle, tous les accusés doivent bénéficier de garanties procédurales suffisantes contre les déclarations de culpabilité injustifiées ou autres erreurs judiciaires »[97], principe consacré par la possibilité pour l’accusé de se pourvoir contre un verdict de culpabilité devant une cour d’appel.
[61] La juge Abella souscrit à cet énoncé de principe, même si elle exprime un avis divergent sur la question constitutionnelle faisant l’objet du pourvoi, lorsqu’elle note que la « possibilité de revoir les condamnations au criminel […] "fait partie intégrante de notre système de droit criminel depuis au moins l’adoption du Code criminel" en 1892 […] Les appels […] "font partie intégrante du système de justice pénale canadien", et ils "offrent une protection contre les déclarations de culpabilité erronées et rehaussent le caractère équitable du processus" […] »[98].
[62] Par voie de conséquence, le rôle crucial d’une cour d’appel et son devoir impératif visent à s’assurer que les déclarations de culpabilité ne sont pas erronées ou injustifiées. Il vaut de dire qu’une portion minuscule de dossiers criminels font l’objet d’un pourvoi en appel et que les cours d’appel ordonnent parcimonieusement la tenue de nouveaux procès. Il s’agit néanmoins d’une obligation incontournable lorsqu’une erreur est établie à l’aune de la norme d’intervention applicable.
La présomption d’application correcte du droit
[63] Quelques précisions au sujet de l’application de la présomption d’application correcte du droit en vertu de laquelle le juge est censé connaître le droit[99].
[64] Il faut comprendre et soigneusement circonscrire la portée de ce principe formulé initialement dans l’arrêt Burns[100]. La lecture des observations du juge Binnie dans l’arrêt Sheppard, qui répond aux critiques formulées par certains auteurs, permet de bien en saisir l’étendue :
[54] D’autres observateurs critiquent le fondement des présentes règles, notamment la présomption selon laquelle « les juges [. . .] sont censés connaître le droit qu’ils appliquent tous les jours » (Burns, précité, p. 664). Dans « Testing the Presumption That Trial Judges Know the Law : The Case of W.(D.) » (2001), 43 C.R. (5th) 298, D. M. Tanovich fait une recension de certaines décisions publiées. À mon avis, ces critiques ne tiennent pas suffisamment compte des distinctions entre les présomptions de droit (comme en l’espèce) et les présomptions de fait. En l’occurrence, la présomption exprime simplement le fardeau qui incombe à l’appelante de prouver que la décision de première instance comporte des erreurs ou d’établir une entrave à l’examen en appel de la justesse de cette décision. Cette présomption est tout à fait compatible avec le déroulement normal du processus contradictoire en appel. On ne vise rien de plus. L’appelante n’est pas tenue de « réfuter » la présomption de compétence générale. Un juge qui connaît le droit peut néanmoins commettre des erreurs dans une affaire donnée.
[Le soulignement est ajouté]
[65] De plus, « la présomption selon laquelle les juges du procès sont censés connaître le droit qu’ils appliquent tous les jours n’écarte pas la nécessité qu’il ressorte des motifs que le droit a été appliqué correctement dans l’affaire en particulier »[101].
[66] L’arrêt Sheppard circonscrit clairement le critère applicable qu’il s’agisse de l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité des témoins ou de la motivation insuffisante : l’appelant doit démontrer « que la décision de première instance comporte des erreurs ou [établir] une entrave à l’examen en appel de la justesse de cette décision »[102].
[67] L’existence d’une telle erreur justifie l’intervention du tribunal d’appel lorsque l’erreur affecte de manière importante l’évaluation du juge. De plus, même si certaines erreurs s’avèrent insuffisantes en elles-mêmes, elles peuvent le devenir lorsqu’on les considère cumulativement.
Évaluation de la crédibilité et de la fiabilité des témoignages
[68] Un bref rappel des principes concernant l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité des témoins me semble opportun pour situer correctement les moyens d’appel que soulève l’appelant.
[69] La recherche de la vérité constitue le fondement de la justice criminelle[103] bien que cette quête ne soit pas absolue[104]. Ainsi, même si « les tribunaux ne possèdent pas de méthode infaillible pour découvrir la vérité ou encore de boule de cristal leur permettant par magie de recréer les événements »[105], il appartient au juge d’établir les faits et, à cette fin, d'évaluer la crédibilité et la fiabilité de tous les témoignages[106]. C'est « la tâche difficile [du juge] de séparer l'ivraie du bon grain, de scruter les reins et les cœurs pour tenter de découvrir la vérité »[107].
[70] Un juge ou un jury peut « croire une partie ou la totalité des témoignages, notamment celui de l’accusé, ou n’en rien croire »[108]. Il n’existe à l’égard des témoins (témoin ordinaire, policier, expert, plaignante ou accusé) aucune présomption de crédibilité, de sincérité, d’honnêteté, de fiabilité ou de véracité[109].
[71] En raison de la présomption d’innocence, l’accusé doit être acquitté si son témoignage est cru, si celui-ci soulève un doute raisonnable ou s’il existe un doute raisonnable à la lumière de l’ensemble de la preuve.
[72] Cela dit, comme l’explique le juge Proulx dans l’arrêt Cedras : « [a]ucun texte de loi n'établit pour les juges [des faits] les critères qui servent à évaluer la crédibilité d'un témoin »[110].
[73] Plusieurs facteurs pertinents à l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité des témoins peuvent être dégagés de la jurisprudence[111] et de la doctrine[112] : 1) l'intégrité générale et l'intelligence du témoin; 2) sa capacité d'observation; 3) sa capacité de communiquer; 4) la fidélité de la mémoire; 5) l'exactitude de sa déposition; 6) sa volonté de dire la vérité de bonne foi; 7) sa sincérité, sa franchise, ses préjugés; 8) l’intérêt du témoin; 9) le caractère évasif ou les réticences de son témoignage; 10) le comportement du témoin avec la prudence requise; 11) la compatibilité du témoignage avec l'ensemble de la preuve, y compris la preuve confirmative; 12) l'existence de contradictions avec les autres témoignages et les éléments de preuve; 13) la plausibilité du témoignage; 14) la cohérence intrinsèque du témoignage.
[74] Bien évidemment, ces facteurs ne sont pas exhaustifs.
[75] Par ailleurs, il peut être utile de distinguer entre la crédibilité du témoignage et sa fiabilité[113]. Dans l’arrêt G.F., la Cour suprême note que « [l]a jurisprudence insiste souvent sur la distinction entre fiabilité et crédibilité, assimilant la fiabilité à la capacité d’un témoin d’observer, de se souvenir et de raconter les événements avec précision, et faisant référence à la crédibilité comme étant la sincérité ou l’honnêteté d’un témoin »[114].
[76] La Cour suprême insiste toutefois pour préciser que les cours d’appel « devraient non pas prendre en considération le fait que le juge du procès a expressément utilisé les mots "crédibilité" et "fiabilité", mais plutôt se demander s’il s’est penché sur les facteurs pertinents qui se rapportent à la vraisemblance de la preuve dans le contexte factuel de l’affaire, notamment les préoccupations concernant la véracité et l’exactitude. La [conclusion] du juge du procès d’accepter ou de croire le témoignage incriminant d’une plaignante comprend une appréciation implicite de la véracité ou la sincérité et de l’exactitude ou la fiabilité »[115].
[77] Avant d’examiner certaines des erreurs alléguées par l’appelant, j’aborde dans un premier temps, car il me semble plus logique de procéder de la sorte, deux arguments présentés par la poursuite pour justifier le rejet du pourvoi de l’appelant : 1) la prise en compte par le juge de l’absence d’embellissement dans le témoignage de Y comme mesure de la crédibilité de celle-ci; et 2) le rejet par le juge de la dénégation générale de l’appelant.
[78] Je précise à nouveau que la dénégation de l’appelant reposait sur l’impossibilité que l’événement du 29 mai se soit produit, car il était seul à son dépanneur entre 14 h 45 et 16 h 30 et que le volume élevé des transactions, une par minute, ne lui permettait pas la commission des agressions alléguées lors du dernier événement.
L’absence d’embellissement dans le témoignage de Y
[79] Dans la présente affaire, le témoignage de Y est crucial, car le juge retient celui-ci comme preuve confirmative du témoignage de sa sœur X. En effet, après avoir énoncé que les réponses données par X « apparaissent crédibles, souvent vraies »[116], le juge écrit : « Fait très important : son témoignage est corroboré sur l’essentiel par celui de Y. Cela n’est pas rien »[117].
[80] Dans son mémoire, la poursuite soutient que le verdict est raisonnable, suffisamment motivé et que la déférence doit être accordée aux conclusions du juge en matière de crédibilité et de fiabilité des témoins.
[81] La poursuite résume fidèlement dans son mémoire l’essence des conclusions du juge à l’égard du témoignage de Y :
En l'espèce, le juge explique pourquoi il ne croit pas l'appelant et il détaille les motifs qui l'amènent à retenir les témoignages de Y et X. Quant à Y, le juge traite de son émotivité et des gestes qu’elle utilisait pour accompagner ses propos, mentionnant que cela sonnait vrai et contribuait à rendre son récit très crédible. À cet égard, l’intimée souligne que la jurisprudence reconnaît que le comportement d’un témoin est un élément de preuve pertinent et que l’évaluation comportementale du témoin est indissociable de l’exercice d’appréciation du témoignage.
Toujours quant à Y, le juge retient notamment sa version en raison de la description détaillée qu’elle fait du bureau de l’appelant et des gestes à caractère sexuel que ce dernier a posés et en raison du fait qu’elle n’a pas exagéré son récit ou hésité à admettre les éléments dont elle n’avait pas souvenir.
[Les soulignements sont ajoutés]
[82] Avec respect, l’argumentation de la poursuite doit être rejetée, car elle se fonde sur une erreur de droit qui ne peut évidemment pas justifier les conclusions du juge. À mon avis, l’argumentaire de la poursuite fait plutôt ressortir le problème que pose l’approche adoptée par le juge.
[83] Le juge s’appuie en effet sur l’absence d’embellissement dans l’évaluation du témoignage de Y, ce qui, à son avis, affermit la crédibilité de celle-ci. Voici comment s’exprime le juge au sujet de l’absence d’exagération dans le témoignage de Y :
[149] Fait à noter et qui renforce aussi sa crédibilité : Y se limite à décrire ce qui lui est arrivé sans jamais vouloir exagérer les agressions dont elle a été victime.
[Le soulignement est ajouté]
[84] Or, cette conclusion révèle l’emploi d’une considération inappropriée, comme le confirmait récemment la Cour suprême dans l’arrêt Gerrard[118], et ce, à l’instar de décisions antérieures de la Cour d’appel de l’Ontario, décisions que j’examine en premier lieu.
[85] Dans l’arrêt Kiss[119], le juge Paciocco formule les commentaires suivants au sujet de la question de la pertinence de l’absence d’embellissement ou d’exagération dans l’évaluation de la crédibilité d’un témoignage :
[52] The trial judge would have erred if he treated the absence of embellishment as adding to the credibility of K.S.’s testimony. It is wrong to reason that because an allegation could have been worse, it is more likely to be true: R. v. G.(G.) (1997), 115 C.C.C. (3d) 1, at p.10 (Ont. C.A.), [1997] O.J. No. 1501; R. v. L.L., 2014 ONCA 892, at para. 2; R. v. R.A.G., 2008 ONCA 829, at para. 20. While identified exaggeration or embellishment is evidence of incredibility, the apparent absence of exaggeration or embellishment is not proof of credibility. This is because both truthful and dishonest accounts can appear to be without exaggeration or embellishment.
[53] On the other hand, in my view, there is nothing wrong with a trial judge noting that things that might have diminished credibility are absent. As long as it is not being used as a makeweight in favour of credibility, it is no more inappropriate to note that a witness has not embellished their evidence than it is to observe that there have been no material inconsistencies in a witness’ evidence, or that the evidence stood up to cross-examination. These are not factors that show credibility. They are, however, explanations for why a witness has not been found to be incredible.
[54] Trial judges are presumed to know the law. In this case, there is no basis for apprehending that the trial judge inappropriately added weight to K.S.’s credibility. In my view, on a fair reading of the reasons for judgment, the trial judge was simply recording that K.S.’s evidence did not suffer from a problem of exaggeration or embellishment that would have diminished its weight. He did not err on this ground.
[Les soulignements sont ajoutés]
[86] Dans l’arrêt subséquent Alisaleh[120], la juge en chef adjointe Fairburn renvoie à l’arrêt Kiss et tire ses conclusions dans l’affaire en cause. Elle écrit :
[17] In this case, the trial judge was not simply noting that the complainant’s evidence did not suffer from a problem of exaggeration or embellishment that diminished its weight in response to a defence argument that the complainant had embellished her allegations. Rather, the lack of embellishment was specifically noted as an “important” factor used to “enhance” the complainant’s credibility. Therefore, we agree with the Crown’s concession on this error.
[87] Dans la présente affaire, le juge commet exactement la même erreur lorsqu’il écrit que l’absence d’exagération de Y était un « [f]ait à noter et qui renforce aussi sa crédibilité »[121]. Il n’y a ici aucune ambiguïté. Le motif identifié par le juge reflète clairement son raisonnement[122].
[88] Finalement, dans l’arrêt Gerrard, la Cour suprême approuve le principe selon lequel l’absence d’embellissement ne fortifie pas la crédibilité d’une plaignante. Je signale que le juge d’instance n’avait pas le bénéfice de cet arrêt rendu plus de deux ans après sa décision.
[89] Voici comment s’exprime le juge Moldaver :
L’absence d’amplification peut elle aussi être pertinente dans l’appréciation de la crédibilité d’un plaignant et elle se soulève souvent par suite de suggestions portant que le plaignant a des raisons de mentir. Cependant, contrairement à l’absence de preuve d’une raison de mentir ou à l’existence de preuve réfutant une raison particulière de mentir, l’absence d’amplification n’est pas un indice qu’un témoin est davantage susceptible de dire la vérité, car tant une déposition véridique qu’une déposition malhonnête peut ne contenir aucune exagération ou amplification. L’absence d’amplification ne peut pas être invoquée pour renforcer la crédibilité du plaignant — elle a tout simplement pour effet de ne pas nuire à la crédibilité. Elle peut toutefois constituer un facteur à prendre en considération dans l’examen de la question de savoir si un témoin avait ou non une raison de mentir.
[Le soulignement est ajouté]
[90] Quel est l’impact ou l’influence de l’erreur commise par le juge? Est-elle déterminante?
[91] Dans l’arrêt Alisaleh, la juge en chef adjointe Fairburn jauge la conséquence d’une erreur de cette nature dans une affaire où, comme en l’espèce, l’évaluation de la crédibilité d’une plaignante s’avère un point central du dossier :
[19] The core issue at trial was the credibility of the complainant. While we acknowledge that the trial judge gave another reason for finding the complainant credible, the lack of embellishment was cited as one of two important reasons that enhanced the complainant’s credibility. We also note that the trial judge had some concerns about the complainant’s evidence, and we cannot say for certain that a conviction would have been inevitable had the judge not considered the lack of embellishment to be a positive factor going to the credibility of the complainant. As this court affirmed in Perkins, at para. 26, “as tracing the effect of the error on the verdict is necessarily a somewhat speculative exercise, any doubt as to the impact of the error must be resolved against the Crown”.
[92] Finalement, comme le remarque le juge Vauclair dans l’arrêt Lessard : « il est parfois possible d’isoler une erreur et de conclure qu’elle n’a pas d’incidence sur le raisonnement »[123]. Néanmoins, il ajoute que « [c]e sera toutefois rarement le cas en matière d’analyse de la crédibilité », surtout en « présence de plusieurs erreurs touchant tous les aspects du raisonnement du juge jusqu’à sa conclusion »[124].
[93] Même si le juge d’instance formule d’autres raisons qui fondent le fait qu’il croit les plaignantes et rejette le témoignage de l’appelant, j’estime que la prise en compte de l’absence d’embellissement comme vecteur de crédibilité exige la tenue d’un nouveau procès. Cette conclusion s’avère d’autant plus justifiée à la lumière des autres erreurs comme nous le verrons plus loin.
La dénégation générale de l’appelant
[94] Selon son deuxième argument, la poursuite soutient, non sans raison, qu’il « importe de bien cerner la principale question en litige du présent dossier, à savoir la crédibilité des témoins dans le contexte d'une dénégation générale de l'appelant ».
[95] J’en conviens. Toutefois, une difficulté découle de la perspective du juge à l’égard de la dénégation de l’appelant.
[96] Le juge entreprend l’évaluation du témoignage de l’appelant en considérant dubitativement cette dénégation générale :
[79] D'entrée de jeu, il est frappant de constater que l'accusé nie tout ce qui pourrait se rapprocher de la description faite par les plaignantes des gestes répréhensibles qu'il aurait posés.
[80] Par exemple, il nie s'être retrouvé seul avec les enfants dans son bureau, sauf une fois avec Z comme l'a mentionné aussi le témoin Simon Henderson.
[81] Il nie aussi que Y ait pu se retrouver avec lui derrière le comptoir à l'avant du dépanneur.
[82] Plus que cela, il nie même avoir déjà assis Z, X et Y sur lui!
[83] Apprécié à la lumière de tous les témoignages entendus, le Tribunal ne peut croire l'accusé sur ces affirmations.
[97] L’étonnement du juge, ponctué par un point d’exclamation, se comprend difficilement. Certes, il formule sa conclusion à la lumière de tous les témoignages entendus, mais si les gestes qui sont reprochés à l’appelant n’ont pas eu lieu, l’appelant ne pouvait que les nier. Comment pourrait-il en être autrement?
[98] En effet, comme l’observe le juge Beauregard dans l’arrêt Prud’homme : « Que peut faire une personne innocente accusée d'un fait qui n'a pas existé et qui, suivant la victime présumée, aurait eu lieu en l'absence de témoins? »[125].
[99] À cet égard, dans l’arrêt Titong[126], la Cour d’appel de l’Alberta explique que la dénégation d’un accusé est compatible avec la présomption d'innocence et que le fait de la rejeter en raison de son caractère intéressé sape cette présomption. Le déni de l’accusé ne peut être transformé en un motif de ne pas le croire, car cela reviendrait à lui imposer un fardeau de preuve injustifié :
[9] Characterizing an accused’s evidence as “self-serving” does not necessarily disclose an error of law, where, for example, use of the descriptor is contextualized with an articulation of why the accused’s evidence is self-serving or why, overall, the accused is found not to be credible: R v SMC, 2020 ABCA 19. However, a simple denial is consistent with the presumption of innocence and to reject it as self-serving, without more, would undermine that presumption and the concerns underpinning the seminal decision of R v W(D), [1991] 1 SCR 742. One may rhetorically ask what more could an innocent person say in such circumstances. As noted by this court in R v CEK, 2020 ABCA 2 at para 24, a mere denial cannot be turned into a reason to disbelieve the accused. To do so would also place an unwarranted burden of proof on the appellant: R v Huot, 2016 ABCA 339, at para 12.
[Les soulignements sont ajoutés]
[100] Bien évidemment, je tiens à le préciser, cela ne suggère pas qu’un juge ne peut rejeter la dénégation générale d’un accusé, mais le postulat de départ de l’analyse de celle-ci ne peut s’appuyer, comme en l’espèce, sur un raisonnement qui la tient d’emblée pour suspicieuse au premier abord[127]. Ainsi, la dénégation générale par un accusé des faits relatifs à une accusation peut certes être rejetée en tout ou en partie, mais son évaluation ne peut s’amorcer à l’aune de l’incrédulité.
[101] Le fait de rejeter une dénégation générale ou de qualifier le témoignage d’un accusé comme étant intéressé ne révèle pas nécessairement une erreur de droit si la qualification est mise en contexte en énonçant les raisons pour lesquelles le témoignage de l'accusé est intéressé ou encore les raisons pour lesquelles, dans l'ensemble, l'accusé est jugé non crédible[128]. Le juge doit donc expliquer le rejet de la dénégation dans le contexte du dossier, car il ne suffit pas de formuler sa conclusion sans en fournir les motifs[129].
[102] Bien que je convienne que les observations du juge ne s’avèrent que l’amorce de sa réflexion sur la crédibilité et la fiabilité du témoignage de l’appelant, celles-ci enclenchent l’analyse sur des prémisses manifestement erronées qui la faussent et minent, en conséquence, le verdict rendu[130]. Cette erreur a eu une incidence importante sur la déclaration de culpabilité de l’appelant. En effet, comme on le sait, « les raisons invoquées par le juge du procès au soutien de sa décision sont présumées refléter le raisonnement l’ayant conduit à cette décision »[131].
[103] Je discute maintenant de manière successive des autres moyens qui rendent impérative la nécessité de tenir un nouveau procès.
L’utilisation du témoignage de Z comme preuve de faits similaires
[104] Le reproche soulevé par l’appelant exige une certaine mise en contexte.
[105] Selon l’appelant, le juge s’appuie dans une certaine mesure sur le témoignage de Z comme preuve de faits similaires. Voici le passage que l’appelant considère problématique :
Par exemple, le 29 mai 2018 - jour de l'événement dit « de la dernière fois » -, il est bien possible que l'agression de X ait eu lieu avant 14h45 ou après 16h30, à un moment où l'un de ses employés était aussi au dépanneur et forcément très occupé. Eu égard à Z, l'accusé a d'ailleurs reconnu avoir invité celle-ci dans son bureau alors que son employé Simon Henderson était dans le dépanneur. Si cela s'est produit pour Z, pourquoi cela ne se serait-il pas produit de la même façon pour Y et X?
[Le soulignement est ajouté]
[106] Or, le juge a acquitté l’appelant de l’infraction alléguée contre la plaignante Z, car il a rejeté son témoignage puisqu’elle avait admis avoir menti lors de son interrogatoire vidéo sur la raison de sa présence dans le bureau de l’appelant; elle n’y était pas par curiosité, mais plutôt parce qu’elle avait été surprise en flagrant délit de vol à l’étalage[132].
[107] Le juge s’est demandé comment il pouvait être satisfait et convaincu hors de tout doute raisonnable par le reste du témoignage de Z alors qu’elle avait menti avec autant de naturel[133].
[108] De plus, le juge constate aussi que Z a été influencée par Y dont elle a adopté la trame des gestes posés par l’appelant. Peu rassuré, le juge énonce sa difficulté à se convaincre que tous les faits rapportés par Z sont vrais, car celle-ci « a pris la même histoire » que les deux sœurs. Le juge s’étonne aussi de certains autres aspects du témoignage de Z qui le laissent perplexe.
[109] La poursuite reconnaît que « le juge du procès a commis une erreur en adoptant un raisonnement fondé sur la propension ou la prédisposition », mais qu’il s’agit d’une erreur inoffensive ou négligeable, car « il existait une preuve fiable et crédible attestant du fait que les plaignantes avaient bel et bien été dans le bureau de l'appelant et qu'il ne s'agit là que d'un élément parmi d'autres ayant amené le juge a rejeté le témoignage de l'appelant ».
[110] Premièrement, le commentaire du juge n’est pas restreint au lieu de commission de l’infraction, il inclut inévitablement les gestes qui y sont posés. La réflexion du juge est ici totalement conjecturale, sauf si elle s’appuie sur la propension de l’appelant à commettre des agressions contre des enfants dans son bureau.
[111] Il est vrai que, dans certaines circonstances, une preuve de faits similaires « peut être utile relativement à la question cruciale de la crédibilité »[134], car le comportement habituel de l'accusé peut ainsi tendre à établir l'improbabilité d'une coïncidence, c'est-à-dire l'improbabilité que les plaignantes « aient indépendamment inventé des histoires comportant […] autant de caractéristiques similaires »[135].
[112] Cependant, la poursuite n’a jamais demandé que la preuve des faits visant Z soit admise à titre de preuve de faits similaires à l’égard des autres chefs d’accusation[136]. Il va sans dire que cela n’est pas toujours fatal[137], mais l’appelant a été privé de présenter des observations sur cette question avant que le juge ne puisse utiliser cette preuve dans son jugement.
[113] À mon avis, il existe un écueil plus fondamental encore. Même en présumant que la preuve des faits entourant la présence de Z dans le bureau de l’appelant était admissible comme preuve de faits similaires, le juge a rejeté le témoignage de celle-ci pour des motifs qui excluaient complètement toute utilisation de son témoignage à quelque fin que ce soit.
[114] Il est vrai que l’arrêt Arp n’exclut pas, en principe, la preuve qui concerne un chef d’accusation dans un acte d’accusation comportant plusieurs chefs, et ce, même si un acquittement est prononcé à l’égard du chef en question[138]. Dans le présent dossier, ce sont les motifs du juge pour rejeter le témoignage de Z qui empêchent toute utilisation ou qui exigeaient au moins une explication pour en justifier l’usage malgré la nature des conclusions défavorables sur la crédibilité de ce témoignage.
L’accent de vérité d’un témoignage et le comportement du témoin
[115] L’appelant reproche au juge de s’appuyer trop fortement sur le comportement des plaignantes dans l’évaluation de leur crédibilité.
[116] Le juge tient compte des gestes qui accompagnent les récits des plaignantes[139], ceux-ci sonnant vrais et fortifiant la crédibilité de leur témoignage.
[117] Deux commentaires s’imposent.
[118] La prudence doit toujours entourer l’analyse du comportement d’un témoin[140]. La culpabilité d’un accusé ne peut être déterminée en se fondant d’une manière indue sur l’impression que laisse l’apparente sincérité d’un témoin[141]. Comme le précise le juge Doyon dans l’arrêt L.L., « c’est plutôt comme point de départ à un examen plus approfondi en cours d’interrogatoire que le comportement du témoin devrait être pris en compte par le juge »[142]. La crédibilité d’un témoin ne peut se réduire à celui ou celle qui fait la meilleure impression[143].
[119] À cela s’ajoute le commentaire du juge selon lequel les témoignages des plaignantes sonnent vrais. Or, comme l’explique la juge van Rensburg de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Primmer[144], l’accent de vérité d’un témoignage ne constitue pas un gage de crédibilité ou de fiabilité en raison de la portée limitée d’une telle conclusion :
[56] The term “ring of truth” is not itself objectionable; the problem is that it adds nothing to the analysis. Saying that a witness’s evidence has the “ring of truth” is never sufficient to justify an assessment of credibility. It is simply a conclusion that the testimony sounds truthful. The important question is why this is so – which involves an examination of the various factors specific to the case that bear on the witness’s credibility and reliability.
[120] Dans la présente affaire, comme je l’ai expliqué précédemment, il appartenait au juge de démêler des éléments de preuve embrouillés et contradictoires, notamment quant à l’opportunité de commettre l’infraction, une situation où non seulement les motifs revêtent une importance particulière[145], mais qui exige que le raisonnement ne soit pas vicié par des considérations inappropriées ou erronées.
[121] Certes, l’accent de vérité d’un témoignage puise sa source dans « l’enchevêtrement complexe des impressions qui se dégagent de l’observation et de l’audition des témoins »[146], mais la perception qui découle d’un témoignage ne peut suffire[147].
[122] Ce facteur ne justifierait sans doute pas à lui seul la tenue d’un nouveau procès, mais l’appelant ne fait pas fausse route en soulignant que le juge s’appuie trop fortement sur la seule observation du comportement des plaignantes.
L’examen inégal : la bonne mémoire de l’appelant
[123] L’appelant fait valoir que le juge critique la qualité de sa mémoire, car « le juge souligne avantageusement la précision et le détail de la mémoire des plaignantes décrivant des événements survenus plus de trois semaines auparavant et [il] reproche […] à l'accusé d'en avoir également une mémoire aussi bonne en l'attribuant cette fois à la culpabilité ou au mensonge ». Ce faisant, le juge se serait livré à un examen inégal à l’égard du même facteur : la qualité de la mémoire des témoins et le délai depuis le dernier événement décrit et les rencontres avec les policiers. Pourtant, souligne l’appelant, ce délai est le même tant pour les plaignantes que pour l’appelant, soit environ trois semaines.
[124] Dans son jugement, le juge traite de la mémoire de l’appelant de la manière suivante :
[84] Le Tribunal est aussi étonné de constater que l’accusé se rappelle du déroulement des événements du 29 mai 2018 avec beaucoup de précisions, même si l’on peut comprendre que, sur certains aspects, les pièces D-8 (horaire des employés) et D-16 (relevé de transactions) aient pu l’aider en ce sens.
[85] Par exemple, il relate en détail le passage de X et Y au dépanneur ce jour-là, mentionnant notamment que cette dernière pleurait et disait qu’elle n’était pas heureuse à la maison et aurait voulu aller chez son père mais que ce dernier était avec son amie et ne voulait pas la voir; qu’elles ont pris des barres de chocolat, mais qu’elles n’avaient pas assez d’argent pour payer; qu’il leur a donné du papier brun pour qu’elles enlèvent la poussière sur les canettes; qu’elles ont ainsi fait le ménage pendant environ cinq minutes; qu’elles lui ont demandé combien il y avait de caméras de surveillance et qu’il a répondu 16; qu’il leur a donné des chocolats et des pastilles en extra et qu’elles quittent immédiatement.
[86] Comment l’accusé, arrêté le 19 juin 2018, peut-il ainsi décrire avec détails ce qui s’est passé à son dépanneur plus de trois semaines auparavant? Cela est d’entrée de jeu plutôt étonnant.
[Les soulignements sont ajoutés]
[125] Ces passages font bien voir que le juge reproche à l’appelant la qualité de sa mémoire, alors que son jugement repose, pour une partie non négligeable, sur la précision du témoignage des plaignantes qui ont été rencontrées, tout comme l’appelant au milieu du mois de juin 2018. Il est difficile de ne pas y voir un examen inégal même si le juge prend bien soin de dire que c’est le récit de l’appelant qui n’est pas crédible.
[126] Je sais bien que la juge Karakatsanis exprime dans l’arrêt G.F. de « sérieuses réserves quant à savoir si un ‘’ examen inégal’’ est un outil d’analyse utile pour démontrer que les conclusions relatives à la crédibilité sont erronées »[148]. Je ne crois pas « que le témoignage de différents témoins mérite nécessairement une analyse parallèle ou symétrique »[149], car cet exercice est tributaire des faits de l’affaire.
[127] Il importe sans doute surtout, comme le suggère la juge Karakatsanis, de « mettre l’accent sur la question de savoir si les conclusions relatives à la crédibilité tirées par le juge du procès sont entachées d’une erreur susceptible de révision »[150].
[128] Je crois que c’est le cas dans ce dossier.
[129] Dans l’arrêt F.(J.), la juge Feldman de la Cour d’appel de l’Ontario traite de ce type d’asymétrie analytique au sujet de la mémoire des témoins de la poursuite et celle de l’accusé :
[98] The trial judge also specifically applied a much more stringent level of scrutiny to the evidence of the appellant than to that of the complainants. He gave B. H. credit for doing his best to remember specifics of the events that took place 10 to 101/2 years before. In fact, B. H. was very specific in his description of the shower incident. Yet the trial judge criticized the appellant for remembering the same incident with detail and attributed the memory to guilt or to lying. In particular, he found it hard to accept that the appellant recalled bringing shampoo to B. H. in the women’s shower room, yet this was the same evidence that B. H. gave. The trial judge did not advert to the appellant’s cross-examination where he said that he did not remember certain details, such as commenting about B. H.’s tan in April, but agreed that he might have, as B. H. recalled. In other words, it was B. H. who recalled many details, while the appellant did not, but the trial judge perceived the opposite and found it a reason to reject the appellant’s evidence.
[99] In R. v. Norman (1993), 87 C.C.C. (3d) 153 at 172-3, this court was faced with a similar approach by the trial judge, who discounted defence evidence or held the accused to a different standard of recall than the Crown witnesses. The court held that by so doing, the trial judge had effectively shifted the onus to the accused[151].
[130] Dans l’affaire F.(J.), les faits avaient eu lieu plusieurs années auparavant, mais le principe est applicable même si le délai est plus court. Le juge oppose la qualité de la mémoire des plaignantes et celle de l’appelant alors que le dossier ne démontre aucun facteur qui atteste la nécessité d’une pondération différente.
[131] Il ne s’agit pas uniquement d’une démonstration « qu’un autre juge du procès aurait pu faire une appréciation différente de la crédibilité »[152]. En effet, le dossier indique clairement que le juge « a appliqué différentes normes lors de l’appréciation des témoignages »[153].
[132] Le délai entre le dernier événement et les rencontres que tiennent les policiers durant leur enquête avec les plaignantes et l’appelant est virtuellement le même. Dans ces circonstances, j’estime que le juge ne pouvait pas critiquer la bonne mémoire de l’appelant pour ce motif alors qu’il se fondait sur la qualité de celle des plaignantes.
Le moment de commission de l’infraction et les conjectures reprochées au juge
[133] Un dernier moyen doit être considéré, car il se trouve au point central de la défense de l’appelant : l’impossibilité de commettre l’infraction au moment où celle-ci est alléguée avoir été commise.
[134] Le moment de la commission de l’infraction est rarement un élément essentiel que la poursuite doit établir hors de tout doute raisonnable[154].
[135] En revanche, comme l’illustre l’analyse du juge Healy dans l’arrêt Pomerleau, le moment de l'infraction est susceptible de devenir crucial, notamment en matière d’alibi, mais pas uniquement. L'analyse est particularisée à chaque cas d'espèce. Ainsi, lorsque l'accusé témoigne en fondant sa défense sur la période alléguée dans la dénonciation, le moment de l'infraction pourra être jugé décisif et exiger une preuve hors de tout doute raisonnable[155].
[136] Le dossier de l’appelant se rapproche d’une semblable situation, car la preuve administrée exigeait que le juge démêle une preuve contradictoire à ce titre.
[137] La poursuite résume soigneusement et succinctement l’argument développé par l’appelant dans son mémoire : « l'appelant reproche au juge d'avoir erré en rejetant, sur la base d'un raisonnement spéculatif, son explication voulant qu'il lui fût impossible de commettre les gestes reprochés le 29 mai 2018 parce que l'achalandage au dépanneur ne lui permettait pas d'agir ainsi ».
[138] Qu’en est-il?
[139] Pour trancher ce moyen, la lecture des paragraphes 120 à 123 du jugement d’instance s’avère indispensable pour évaluer comment le juge pondère l’essence de la défense de l’appelant :
[120] Le Tribunal croit que cette explication ne peut être retenue.
[121] D’abord, il est loin d’être clair que les agressions survenues dans le bureau de l’accusé au fond du dépanneur ont eu lieu alors qu’il était le seul employé présent.
[122] Par exemple, le 29 mai 2018 – jour de l’événement dit « de la dernière fois » -, il est bien possible que l’agression de X ait eu lieu avant 14 h 45 ou après 16 h 30, à un moment où l’un de ses employés était aussi au dépanneur et forcément très occupé. Eu égard à Z, l’accusé a d’ailleurs reconnu avoir invité celle-ci dans son bureau alors que son employé Simon Henderson était dans le dépanneur. Si cela s’est produit pour Z, pourquoi cela ne se serait-il pas produit de la même façon pour Y et X? D’ailleurs, nous soulignons au passage que la jeune Y mentionne dans son témoignage que certaines agressions ont lieu alors qu’il y a une autre personne qui travaille.
[123] Mais, surtout, il ne faut pas perdre de vue que toutes les agressions au cœur de la présente affaire n’ont duré que quelques secondes, quelques dizaines de secondes tout au plus. Cela étant, il est assurément possible que l’accusé ait pu à diverses occasions se rendre à son bureau à l’arrière du dépanneur avec un ou des enfants sans que cela n’entraîne un quelconque problème de fonctionnement de son dépanneur et ce, d’autant plus que les caméras de surveillance dans le bureau permettent de voir l’arrivée d’éventuels clients. D’ailleurs, soulignons à nouveau au passage que la jeune Y mentionne dans son témoignage qu’à une occasion, l’accusé a quitté son bureau parce qu’il avait vu une cliente arriver sur les caméras de surveillance.
[Les soulignements sont ajoutés]
[140] Afin de traiter de ce moyen d’appel, il n’est pas souhaitable de tirer des conclusions trop précises sur l’évaluation de la chronologie des événements puisque la preuve devra être évaluée lors du nouveau procès.
[141] L’analyse du juge dans les paragraphes reproduits amalgame la preuve concernant l’événement du 29 mai 2018 et les autres agressions alléguées par les plaignantes. L’appelant pouvait être déclaré coupable si la preuve hors de tout doute raisonnable d’un seul événement était présentée[156], mais la centralité du dernier événement dans le jugement et les observations des parties commandaient une précision plus grande dans la motivation concernant le moment où les gestes ont été posés par l’appelant ce jour-là.
[142] Bien entendu, l’opportunité exclusive de l’appelant de commettre les infractions durant la période où il était seul n’est pas un élément de preuve que la poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable, car c’est la culpabilité d’un accusé qui doit satisfaire à ce fardeau et non un élément individuel de preuve[157].
[143] Pourtant, en raison de la défense avancée par l’appelant, le juge ne pouvait rejeter le doute raisonnable en fonction de possibilités conjecturales sans démêler la preuve d’une manière précise à l’égard de la présence d’employés ou la durée des infractions.
[144] À cet égard, la poursuite suggère que la preuve est ambivalente au sujet de la présence d’employés. Elle admet « que l'affirmation du juge à l'effet que les agressions au cœur de la présente affaire n'ont duré que quelques dizaines de secondes tout au plus apparait non conforme aux déclarations de Y sur le sujet ». Elle suggère plutôt que la mauvaise interprétation du juge n’aurait pas eu une influence déterminante, ce dont je ne peux convenir.
[145] La terminologie utilisée par le juge pose problème compte tenu de la défense présentée par l’appelant. Celle-ci exigeait des conclusions qui permettaient de savoir comment il avait résolu et démêlé les contradictions dans la preuve et aussi pourquoi il écartait le doute raisonnable à l’égard de celle-ci[158].
[146] Je réitère l’observation de la juge en chef McLachlin dans l’arrêt R.E.M. que « la présomption selon laquelle les juges du procès sont censés connaître le droit qu’ils appliquent tous les jours n’écarte pas la nécessité qu’il ressorte des motifs que le droit a été appliqué correctement dans l’affaire en particulier »[159].
[147] Dans le cas présent, le rejet de la défense de l’appelant en employant les expressions « il est loin d’être clair », « il est bien possible que » et « il est assurément possible » se réconcilie difficilement avec la notion de preuve hors de tout doute raisonnable. La possible ou la probable culpabilité d’un accusé est insuffisante pour ancrer une déclaration de culpabilité[160].
Conclusion
[148] Dans l’arrêt O’Brien, la juge Abella formule l’importante observation qui suit au sujet de la révision des motifs de jugement : « [l]es juges de première instance ont droit à ce que leurs motifs soient révisés en fonction de ce qu’ils ont écrit et non en fonction de l’imagination conjecturale des cours de révision »[161]. En revanche, comme l’explique le juge Vauclair dans l’arrêt Fort-Théagène, « une cour d’appel ne peut pas faire abstraction de ce qui est écrit lorsque le juge s’exprime sans ambiguïté »[162].
[149] Lorsqu’une déclaration de culpabilité repose sur des erreurs significatives qui en sapent le fondement, le fait que le jugement comporte par ailleurs des motifs qui justifieraient le verdict ou la possibilité qu’un autre juge soit arrivé à la même conclusion pour des motifs différents n’autorisent pas une cour d’appel à confirmer un tel verdict, elle ordonnera plutôt la tenue d’un nouveau procès.
[150] Assurément, un jugement doit être lu dans son ensemble selon une interprétation fonctionnelle et contextuelle des motifs du juge du procès[163]. De plus, « [l]es motifs exposés par les juges qui président les procès doivent être interprétés généreusement, dans leur ensemble, et conformément à la présomption selon laquelle les juges connaissent le droit »[164]. Malgré cela, les failles identifiées ne permettent pas de surmonter l’effet cumulatif de celles-ci d’autant plus que certaines d’entre elles suffisent pour expliquer de manière autonome la nécessité d’un nouveau procès. Le raisonnement erroné du juge concernant l’événement du 29 mai démontre qu’un procès doit être repris sur le tout.
[151] Je n’ignore pas l’impact qu’un nouveau procès aura sur les jeunes plaignantes qui auront à témoigner de nouveau, mais malheureusement, comme le démontrent les présents motifs, aucune autre issue ne peut être envisagée. Je propose d’accueillir l’appel, d’infirmer les déclarations de culpabilité et d’ordonner la tenue d’un nouveau procès à l’égard des chefs 2, 3, 5 et 6.
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GUY COURNOYER, J.C.A. |
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[55] R. v. White, [1947] R.C.S. 268, p. 272; Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A. C.-B.), p. 356-357; R. c. G.F., 2021 CSC 20, paragr. 82; R. v. D.D.S., 2006 NSCA 34, paragr. 77-78; R. v. Graham, 2021 BCCA 163, paragr. 15-16.
[56] M. Vauclair et T. Desjardins, Traité général de preuve et de procédure pénales, 29e éd., Éditions Yvon Blais, 2022, p. 865-874, paragr. 33.8; T. Desjardins et V. R. Paquet, « L’appréciation de la valeur probante d’une preuve testimoniale : contours et limites de l’ultime frontière de la discrétion judiciaire » (2021) 497 Développements récents en droit criminel p. 45-81; C. Gunn, M. Duckett et P. McGuinty, Witness Preparation, Presentation, and Assessment, Emond Publishing, 2023, p. 233 et suivantes; M. Gourlay et al., Modern Criminal Evidence, Emond Publishing, 2021, p. 305-309; David M. Paciocco, « Doubt about Doubt: Coping with R. v. W. (D.) and Credibility Assessment », (2017) 22 Can. Crim. L. Rev. 31, p. 56 à 70.
[57] Lors du procès, l’appelant témoigne en anglais. Le jugement est prononcé en français. Le mémoire des deux parties est rédigé en français, de même que les observations des parties.
[58] Jugement entrepris, paragr. 6-56. Le jugement écrit n’est pas disponible dans les banques jurisprudentielles électroniques.
[59] Ibid., paragr. 57-68.
[60] Ibid., paragr. 69-73.
[61] Ibid., paragr. 74-131.
[62] Ibid., paragr. 76-77.
[63] Ibid., paragr. 79-84.
[64] Ibid., paragr. 79-84.
[65] Ibid., paragr. 85-96 et 102-109.
[66] Ibid., paragr. 92 et 97.
[67] Ibid., paragr. 110-111.
[68] Jugement entrepris, paragr. 113-130.
[69] Ibid., paragr. 132-133.
[70] Ibid., paragr. 135-217.
[71] Ibid., paragr. 135-137.
[72] Ibid., paragr. 138.
[73] Ibid., paragr. 141-148.
[74] Ibid., paragr. 144.
[75] Ibid., paragr. 151.
[76] Ibid., paragr. 153-178.
[77] Ibid., paragr. 153-159.
[78] Ibid., paragr. 160-162.
[79] Ibid., paragr. 182.
[80] Ibid., paragr. 183.
[81] Jugement entrepris, paragr. 187.
[82] Ibid., paragr. 198-202.
[83] Ibid., paragr. 204-210.
[84] Ibid., paragr. 219-223.
[85] Ibid., paragr. 225.
[86] Ibid., paragr. 226-227.
[87] [1992] 2 R.C.S. 122.
[88] R. c. G.F., 2021 CSC 20, paragr. 81.
[89] Ibid.
[90] R. c. G.F., 2021 CSC 20, paragr. 82.
[91] Ibid., paragr. 79.
[92] Ibid.
[93] Ibid., paragr. 76.
[94] R. c. Dinardo, [2008] 1 R.C.S. 788, 2008 CSC 24, paragr. 26.
[95] Ibid.
[96] Ibid.
[97] R. c. C.P., 2021 CSC 19, paragr. 132.
[98] Ibid., paragr. 65.
[99] R. c. Burns, [1994] 1 R.C.S. 656, p. 664; R. c. R.E.M., [2008] 3 R.C.S. 3, 2008 CSC 51; R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869, 2002 CSC 26, paragr. 54; R. c. G.F., 2021 CSC 20, paragr. 74.
[100] R. c. Burns, [1994] 1 R.C.S. 656, p. 664.
[101] R. c. R.E.M., [2008] 3 R.C.S. 3, 2008 CSC 51, paragr. 47.
[102] R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869, 2002 CSC 26, paragr. 54. Voir aussi R. c. G.F., 2021 CSC 20, paragr. 79; R. c. Tessier, 2022 CSC 35, paragr. 45.
[103] R. c. J.J., 2022 CSC 28, paragr. 1-2 et 125; R. c. R.V., 2019 CSC 41, [2019] 3 R.C.S. 237, paragr. 119.
[104] R. c. Noël, [2002] 3 R.C.S. 433, 2002 CSC 67, paragr. 58; Accurso c. R., 2022 QCCA 752, paragr. 368-369.
[105] R. c. Carosella, [1997] 1 R.C.S. 80, paragr. 59, à la p. 115.
[106] R. c. G.F., 2021 CSC 20, paragr. 81-82.
[107] Laurentide Motels ltd. c. Beauport (Ville), [1989] 1 R.C.S. 705, à la p. 799. Voir l’arrêt R. v. Pressley (1948), 94 C.C.C. 29 (C.A. C.-B.), p. 34 où le juge O’Halloran écrit: « The Judge is not given a divine insight into the hearts and minds of the witnesses appearing before him ». Ce passage est repris par le juge Vauclair dans l’arrêt LSJPA — 1710, 2017 QCCA 757, paragr. 32.
[108] R. c. J.H.S., 2008 CSC 30, [2008] 2 R.C.S. 152, paragr. 10; R. c. C.P., 2021 CSC 19, paragr. 35.
[109] R. v. Thain, 2009 ONCA 223, paragr. 32; R. v. Bradey, 2015 ONCA 738, paragr. 137; G.G. c. R., 2021 QCCA 1835, note 2; M. Vauclair et T. Desjardins, Traité général de preuve et de procédure pénales, 29e éd., Éditions Yvon Blais, 2022, p. 865-874, p. 872, paragr. 34.28; C. Gunn, M. Duckett et P. McGuinty, Witness Preparation, Presentation, and Assessment, Emond Publishing, 2023, p. 236.
[111] R. v. White, [1947] R.C.S. 268, p. 272; Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A. C.-B.), p. 356-357; R. c. G.F., 2021 CSC 20, paragr. 82; R. v. D.D.S., 2006 NSCA 34, paragr. 77-78; R. v. Graham, 2021 BCCA 163, paragr. 15-16.
[112] M. Vauclair et T. Desjardins, Traité général de preuve et de procédure pénales, 29e éd., Éditions Yvon Blais, 2022, p. 865-874, paragr. 33.8; T. Desjardins et V. R. Paquet, « L’appréciation de la valeur probante d’une preuve testimoniale : contours et limites de l’ultime frontière de la discrétion judiciaire » (2021) 497 Développements récents en droit criminel p. 45-81; C. Gunn, M. Duckett et P. McGuinty, Witness Preparation, Presentation, and Assessment, Emond Publishing, 2023, p. 233 et suivantes; M. Gourlay et al., Modern Criminal Evidence, Emond Publishing, 2021, p. 305-309; David M. Paciocco, « Doubt about Doubt: Coping with R. v. W. (D.) and Credibility Assessment », (2017) 22 Can. Crim. L. Rev. 31, p. 56 à 70.
[113] J.R. c. R., 2006 QCCA 719, paragr. 49-50; Gauthier c. R., 2020 QCCA 714, paragr. 94-96.
[114] R. c. G.F., 2021 CSC 20, paragr. 82.
[115] Ibid.
[116] Jugement entrepris, paragr. 181.
[117] Ibid., paragr. 182.
[118] 2022 CSC 13.
[119] 2018 ONCA 184.Voir aussi R. v. Johnston, 2021 BCCA 34, paragr. 112-113; R. v. Mela, 2021 ABCA 38, paragr. 58; R. v. Cooke, 2020 NSCA 66, paragr. 42.
[120] R. v. Alisaleh, 2020 ONCA 597.
[121] Jugement entrepris, paragr. 149.
[122] R. c. Teskey, [2007] 2 R.C.S. 267, 2007 CSC 25, paragr. 19.
[123] Lessard c. R., 2022 QCCA 1396, paragr. 52.
[124] Ibid.
[125] R. c. Prud'homme, 2001 CanLII 20623 (C.A. Qué.), paragr. 18. Bien que le juge Beauregard ait été dissident dans cette affaire, les juges majoritaires expriment leur accord au paragraphe 35 avec le principe selon lequel un juge ne peut reprocher à un accusé une dénégation générale des faits qui lui sont reprochés.
[126] R. v. Titong, 2021 ABCA 75, paragr. 9; G.G. c. R., 2021 QCCA 1835, paragr. 11, note 1.
[127] R. v. Garford, 2021 ABCA 338, paragr. 31; R. v. Flagler, 2022 ABCA 396, paragr. 31; Girard c. R., 2021 QCCA 1707, note 22 (motifs de la juge Marcotte).
[128] R. c. Flagler, 2022 ABCA 396, paragr. 31.
[129] R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13, paragr. 32. Dans l’arrêt R. v. Maharaj (2004), 186 C.C.C. (3d) 247, (C.A. Ont.) autorisation d'appel refusée [2005] 1 R.C.S. xiv, le juge Laskin explique ceci au paragraphe 23 de cette décision: « Sheppard warns against conclusory reasons, that is, conclusions without explanations for them ».
[130] R. c. D.R., 2022 CSC 50, paragr. 3; Lessard c. R., 2022 QCCA 1396, paragr. 51-52.
[131] R. c. Teskey, 2007 CSC 25, [2007] 2 R.C.S. 267, paragr. 19; Lessard c. R., 2022 QCCA 1396, paragr. 47.
[132] Jugement entrepris, paragr. 199-200.
[133] Ibid., paragr. 202.
[134] R. c. B.(C.R.), [1990] 1 R.C.S. 717, p. 739. Voir la fine analyse exposée sur cette question dans les textes suivants : M. Rosenberg, « Similar Fact Evidence », dans Special Lectures 2003: The Law of Evidence, Irwin Law, 2003, p. 391, pages 405-406; D. Paciocco, P. Paciocco et L. Stuesser, The Law of Evidence, 8e éd., Irwin Law, 2020, p. 88-89.
[135] R. c. Handy, [2002] 2 R.C.S. 908, 2002 CSC 56, paragr. 99. Voir aussi R. c. Mahalingan, [2008] 3 R.C.S. 316, 2008 CSC 63, paragr. 72.
[136] Voir D. Paciocco, P. Paciocco et L. Stuesser, The Law of Evidence, 8e éd., Irwin Law, 2020, p. 101-103.
[137] R. v. Tsigirlash, 2019 ONCA 650, paragr. 27; R. v. Nolan, 2019 ONCA 969, paragr. 35-36; J.P. c. R., 2022 QCCA 104, paragr. 24 et 26; Pearson c. R., 2021 QCCA 1574, paragr. 8.
[138] R. c. Arp, [1998] 3 R.C.S. 339, paragr. 79; R. c. Mahalingan, [2008] 3 R.C.S. 316, 2008 CSC 63, paragr. 66-72.
[139] Les enregistrements vidéo des déclarations des plaignantes préparés selon les exigences de l’article 715.1 C.cr. ont été déposés devant le juge.
[140] LSJPA — 1521, 2015 QCCA 1229, paragr. 28-29; L.L. c. R., 2016 QCCA 1367, paragr. 88-89; R. c. Bourdeau, 2022 ONCA 662, paragr. 51.
[141] Dupuis c. R., 2016 QCCA 1930, paragr. 65, citant R. c. Hamann, 2022 CanLII 3187 (C.A. Qué.), paragr. 25.
[142] L.L. c. R., 2016 QCCA 1367, paragr. 90.
[143] R. c. Cedras (1994), 32 C.R. (4th) 305 (C.A Qué.), paragr. 12, p. 312. Le juge Proulx réfère à l’arrêt R. v. Pressley (1948), 94 C.C.C. 29 (C.A. C.-B.), p.34.
[144] 2021 ONCA 564.
[145] R. c. Dinardo, [2008] 1 R.C.S. 788, 2008 CSC 24, paragr. 27.
[146] R. c. Gagnon, 2006 CSC 17, [2006] 1 RCS 621, paragr. 20.
[147] L.L. c. R., 2016 QCCA 1367, paragr. 88; R. v. F. (J.) (2003), 177 C.C.C. (3d) 1 (C.A. Ont.), paragr. 101; C. Gunn, M. Duckett et P. McGuinty, Witness Preparation, Presentation, and Assessment, Emond Publishing, 2023, p. 270-271. À cet égard, les auteurs de cet ouvrage écrivent ceci à la p. 271: « The appearance of telling the truth, or lying is particularly unreliable when, as is almost always the case, the trier of fact has no prior frame of reference for how the particular witness acts or sounds when telling the truth ». Voir aussi P. Sankoff, The Law of Witnesses and Evidence in Canada, Thomson Reuters, 2019, feuilles mobiles (mise à jour no 4, décembre 2022), § 12:2.
[148] R. c. G.F., 2021 CSC 20, paragr. 100.
[149] Ibid.
[150] Ibid.
[151] (2003), 177 C.C.C. (3d) 1 (C.A. Ont.). Voir aussi M. Vauclair et T. Desjardins, Traité général de preuve et de procédure pénales, 29e éd., Éditions Yvon Blais, 2022, p. 873, paragr. 34.31; S. Casey Hill, D. M. Tanovich et L. Strezos, McWilliams’ Canadian Criminal Evidence, 5e éd., Thomson Reuters, 2022 (feuilles mobiles, mise à jour no 5, décembre 2022), § 30:9.
[152] R. v. Howe (2005), 192 C.C.C. (3d) 480 (C.A. Ont.), paragr. 59, reproduit dans l’arrêt G.F., 2021 CSC 20, paragr. 99.
[153] Ibid.
[154] R. c. B.(G.), [1990] 2 R.C.S. 30; Pomerleau c. R., 2021 QCCA 1211, paragr. 36.
[155] Pomerleau c. R., 2021 QCCA 1211, paragr. 35-38.
[156] R. c. M.R.H., 2019 CSC 46, [2019] 3 R.C.S. 563, paragr. 5; Perron c. R., 2022 QCCA 1674, paragr. 28.
[157] R. c. White, [1998] 2 R.C.S. 72, paragr. 50-58; R. v. Minor, 2013 ONCA 557, paragr. 97-101.
[158] R. c. Dinardo, [2008] 1 R.C.S. 788, 2008 CSC 24, paragr. 26.
[159] R. c. R.E.M., [2008] 3 R.C.S. 3, 2008 CSC 51, paragr. 47.
[160] R. c. Avetysan, [2000] 2 R.C.S. 745, paragr. 13-14; R. c. Rhee, [2001] 3 R.C.S. 364, 2001 CSC 71.
[161] R. c. O'Brien, 2011 CSC 29, [2011] 2 R.C.S. 485, paragr. 17.
[162] Fort Théagène c. R., 2021 QCCA 637, paragr. 45; R. c. Fournier, 2018 QCCA 1966, paragr. 10-11.
[163] R. c. G.F., 2021 CSC 20, paragr. 69 et 74.
[164] R. c. Gerrard, 2022 CSC 13, paragr. 2; R. v. Mohsenipour, 2023 BCCA 6, paragr. 36; R. v. Smith, 2022 BCCA 405, paragr. 48.
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