Décision

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Décision

Diplarakis c. Ech-Chetyteh

2017 QCRDL 11456

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

318647 31 20170203 G

No demande :

2171938

 

 

Date :

06 avril 2017

Régisseure :

Linda Boucher, juge administrative

 

John Diplarakis

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Kaoutar Ech-Chetyteh

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N   I N T E R L O C U T O I R E

 

 

[1]      Le locateur demande au tribunal de l’autoriser à reprendre le logement visé à compter du 1er juillet 2017 pour s’y loger. Le tout conformément à l’article 1963 du Code civil du Québec ([1]).

[2]      La preuve démontre que les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017 au loyer mensuel de 580 $.

[3]      La locataire a soulevé une objection fondée sur la validité de l’avis de reprise que lui a fait parvenir le locateur.

[4]      Le tribunal a choisi de statuer sur cette objection compte tenu de son effet potentiellement fatal à la demande du locateur.

[5]      Il appert que le 31 décembre 2016, le locateur faisait tenir à la locataire ce qui se voulait deux avis de reprise de son logement, l’un pour le 1er juillet 2017 et l’autre pour le 1er juillet 2018.

[6]      Il s’agissait en fait de deux réponses à un avis de reprise de logement.

[7]      Le locateur déclare que l’erreur émane de son épouse, ce que celle-ci admet.

[8]      Pour ce qui est des deux avis, le locateur explique qu’il entend reprendre le logement le 1er juillet 2017 ou 2018, selon les moyens financiers dont il disposera.  Il se réserve le droit de choisir l’une ou l’autre de ces dates.


[9]      Pour sa part, la locataire opine que l’erreur dans les avis est rédhibitoire à la demande du locateur dont elle demande le rejet.

[10]   L’article 1957 C.c.Q. établit le droit du locateur à la reprise du logement, il se lit comme suit :

1957. Le locateur d'un logement, s'il en est le propriétaire, peut le reprendre pour l'habiter lui-même ou y loger ses ascendants ou descendants au premier degré, ou tout autre parent ou allié dont il est le principal soutien.

Il peut aussi le reprendre pour y loger un conjoint dont il demeure le principal soutien après la séparation de corps, le divorce ou la dissolution de l'union civile.

[11]   L’article 1961 C.c.Q. indique le contenu de l’avis que le locateur doit transmettre à son locataire, savoir :

1961. L’avis de reprise doit indiquer la date prévue pour l’exercer, le nom du bénéficiaire et, s’il y a lieu, le degré de parenté ou le lien du bénéficiaire avec le locateur.

L’avis d’éviction doit indiquer le motif et la date de l’éviction.

Ces avis doivent reproduire le contenu de l’article 1959.1.

La reprise ou l’éviction peut prendre effet à une date postérieure à celle qui est indiquée sur l’avis, à la demande du locataire et sur autorisation du tribunal.

[12]   À la lecture de cet article, nous retenons que l’avis de reprise doit minimalement contenir la date prévue pour la reprise et le nom du bénéficiaire.  Si ce bénéficiaire n’est pas le locateur, il doit aussi indiquer le degré de parenté ou le lien entre ce bénéficiaire et le locateur.

[13]   Sur ce sujet, le juge administratif Patrick Simard à l’occasion de l’affaire Jean Morin c. Christiane Coté commentait ainsi la décision rendue dans Donald Eng. c. Sylvain Delisle([2]) :

« Bien que le jugement dans l'affaire Donald Eng. c. Sylvain Delisle(1) ait été rendu en avril 2001, cette décision a été reprise constamment en jurisprudence et est demeurée toujours d'actualité encore à ce jour. L'avis de reprise, pour être valable, doit identifier clairement le bénéficiaire du logement convoité et ne laisser place à aucune interprétation. Bien qu'à travers la jurisprudence il y ait eu plusieurs cas où les tribunaux ont reconnu la validité d'un avis dont le bénéficiaire pouvait être imprécis, en autant qu'il ait été évident de savoir à qui allait bénéficier la reprise, ce sont des cas d'exception qui sont différents du cas ici soumis pour analyse. Dans la présente affaire, l'avis de reprise indique que la démarche est pour y loger soit les locateurs ou soit leur fils. Il n'y a aucun doute quant à l'utilisation des mots « pour nous y loger ou pour y loger François Morin », il s'agit là de deux projets alternatifs qui rendent en soi l'avis de reprise imprécis. Ce n'est pas parce que les discussions entamées après la réception de cet avis de reprise ont permis aux locataires de connaître le véritable projet des locateurs que ceci rend pour autant valide un avis d'une telle imprécision puisque l'avis en soi est générateur de droit et il doit être strictement conforme à la loi, compte tenu que l'exercice de la reprise d'un logement est une exception au droit au maintien dans les lieux qui doit être analysée restrictivement par le Tribunal. »  

(notre soulignement)

[14]   En l’occurrence, les avis transmis à la locataire ne mentionnaient aucun bénéficiaire à la reprise alors que le locateur désirait reprendre le logement pour s’y loger ce qu’il croyait laisser présumer.  L’absence de cette mention est en soi fatale à la demande du locateur, nonobstant l’erreur dans le choix du formulaire.

[15]   De plus, l’envoi de deux avis pour deux dates différentes ajoute un élément d’imprécision contraire à l’esprit de la Loi et au droit de la locataire au maintien dans les lieux.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[16]   ACCUEILLE l’objection interlocutoire;

[17]   REJETTE la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Linda Boucher

 

Présence(s) :

le locateur

la locataire

Date de l’audience :  

15 mars 2017

 

 

 


 



[1] « 1963. Lorsque le locataire refuse de quitter le logement, le locateur peut, néanmoins, le reprendre, avec l'autorisation du tribunal.

Cette demande doit être présentée dans le mois du refus et le locateur doit alors démontrer qu'il entend réellement reprendre le logement pour la fin mentionnée dans l'avis et qu'il ne s'agit pas d'un prétexte pour atteindre d'autres fins.»

(notre soulignement)

[2] [2001] J.L. 158 à 160.

Jean Morin c. Christiane Coté, R.L.1412688, le 26-03-2014, j. adm. Patrick Simard.

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