Décision

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Brochu c. Agence du revenu du Québec

2018 QCCS 722

COUR SUPÉRIEURE

(Chambre civile)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-FRANÇOIS

 

 

 

N° :

450-17-005921-151

 

 

 

DATE :

21 février 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

CLAUDE VILLENEUVE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

SYLVAIN BROCHU

Demandeur

c.

AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC

Défenderesse

et

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

Mise en cause

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

L’APERÇU

[1]           La frontière entre les pouvoirs de vérification et les pouvoirs d’enquête conférés aux agents du ministère du Revenu en vertu de la Loi sur l’administration fiscale[1] (« LAF ») peut, dans certains cas, être difficile à cerner, surtout lorsque le contribuable visé évolue dans le milieu interlope.

[2]           Parfois, les circonstances exigent une intervention rapide et immédiate des agents du fisc afin d’éviter la destruction ou l’altération des éléments de preuve nécessaires à la perception fiscale et à l’établissement des avis de cotisation.

[3]           Mais la fin ne justifie pas les moyens. L’Agence du Revenu du Québec[2] (« ARQ ») ne peut, sous le couvert d’une vérification fiscale et sans autorisation judiciaire, intervenir en pleine nuit pour forcer un contribuable à lui fournir, sans délai, les documents qu’elle requiert au moyen de demandes péremptoires signifiées en vertu de l’article 39 de la LAF dans un lieu servant de résidence.

[4]           Pourtant, c’est ce que l’ARQ a fait durant la nuit du 12 au 13 juin 2014 au détriment du demandeur Brochu[3] et elle doit en subir les conséquences.

[5]           Par ailleurs, en dépit des arguments soulevés par Brochu, le Tribunal en vient à la conclusion que l’ARQ et la Procureure générale du Québec (« PGQ ») ont raison de plaider que les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la LAF sont valides constitutionnellement et que la demande de restitution de l’argent saisi en mains tierces ne peut être accueillie.

[6]           Une mise en contexte est évidemment nécessaire pour bien situer les enjeux soulevés par la présente affaire. La trame factuelle sera cependant plus détaillée lors de l’analyse de chacune des questions en litige.

1.            LE CONTEXTE

[7]           Le 10 juin 2014, le Service de police de la Ville de Sherbrooke (le « SPS ») lance une opération visant à inspecter des commerces de prêts sur gages et de regrattiers opérant sur le territoire de la Ville de Sherbrooke afin de vérifier s’ils respectent la réglementation municipale, entre autres, au niveau de la tenue des registres et des inventaires des biens qu’ils détiennent dans le cadre de leurs activités commerciales.

[8]           Or, Brochu opère, depuis plusieurs années, de tels commerces à Sherbrooke sous la bannière « Comptant Illimité »[4]. Dans le cadre de ses activités « commerciales », Brochu côtoie régulièrement des personnes du milieu interlope qui font affaire avec ses commerces, que ce soit en vue d’y échanger des biens en contrepartie d’argent, échanger des chèques ou pour obtenir des prêts à des conditions plutôt « désavantageuses »[5]. Ses commerces sont donc visés par l’opération policière en cours.

[9]           Les faits particuliers survenus lors de cette opération seront abordés plus loin. Notons pour l’instant que Brochu a été arrêté par le SPS en possession de nombreux bijoux en or d’une valeur d’environ 350 000 $ et de plus de 1 M $ en argent comptant en différentes devises. Ces biens ont été saisis par le SPS et ils ont éventuellement été confiés au Directeur des poursuites criminelles et pénales (« DPCP ») lors de la mise en accusation de Brochu.

[10]        À la suite d’une perquisition du SPS qui s’est terminée le soir du 12 juin 2014 au domicile de Brochu, l’ARQ intervient vers 22 h et requiert que ce dernier lui remette « immédiatement » divers documents et informations au moyen de demandes péremptoires de production de renseignements ou de documents (les « Demandes péremptoires ») signifiées de main à main[6]. Plusieurs boîtes de documents sont alors saisies par l’ARQ durant la nuit.

[11]        Dès le matin du 13 juin 2014, l’avocat de Brochu s’entend avec les avocats du contentieux de l’ARQ afin que les documents saisis soient mis sous scellés, le temps que les parties s’entendent sur une façon de les rendre accessibles tout en respectant les droits de Brochu. Quelques jours plus tard, les vérificateurs ouvrent quand même les boîtes scellées sans y être expressément autorisés.

[12]        Alléguant que les représentants de l’ARQ ont agi de façon déraisonnable et abusive en exigeant qu’il fournisse, sans délai et à une heure tardive, divers documents et informations au moyen des Demandes péremptoires et en ne respectant pas l’entente conclue entre les procureurs des parties, Brochu réclame de l’ARQ une somme de 1,150 M $, dont 1 M $ à titre de dommages-intérêts punitifs.

[13]        L’ARQ ayant également obtenu une saisie en mains tierces afin de récupérer la valeur de l’or et l’argent détenu par le DPCP[7], Brochu demande aussi la restitution des biens saisis, d’une valeur d’environ 1,3 M $, en plaidant notamment que les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la LAF violent la Charte canadienne des droits et libertés[8] et la Charte des droits et libertés de la personne[9] parce qu’ils sont discriminatoires et qu’ils sont inopérants et inapplicables constitutionnellement. Il demande réparation tant en vertu de l’article 24 (1) qu’en vertu de l’article 52 de la Charte canadienne.

[14]        Subsidiairement, il demande que les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la LAF soient interprétés à la lumière des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu[10] (« LIR ») et que le Tribunal déclare inopérante la saisie en mains tierces pratiquée en vertu de l’article 15.3 en raison des procédures en appel logées à l’égard des avis de cotisation émis en vertu de la Loi sur les impôts[11].

[15]        L’ARQ plaide que ses pouvoirs de vérification conférés par la LAF lui permettent d’exiger qu’un contribuable lui transmette sans délai et sur place les renseignements et documents nécessaires à l’établissement des revenus imposables de celui-ci de sorte que ses vérificateurs n’ont commis aucune faute. Elle nie aussi l’existence d’une entente finale avec Brochu concernant l’accès aux documents mis sous scellés.

[16]        Quant à l’argument constitutionnel avancé par Brochu, tant l’ARQ que la PGQ soutiennent que les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la LAF sont valides constitutionnellement et que la saisie en mains tierces des biens de Brochu et de ses entreprises en vertu de l’article 15.3 de la LAF n’est pas invalide.

2.            LES QUESTIONS EN LITIGE

[17]        Le Tribunal reformule de la façon suivante les questions en litige cernées par les parties dans leur demande d’inscription pour instruction et jugement par déclaration commune datée du 3 mai 2016 :

1.    Est-ce que les représentants de l’ARQ ont agi de façon fautive envers le demandeur dans l’exécution de leurs fonctions?

2.    Dans l’affirmative, quels sont les dommages subis par le demandeur qui sont en lien direct avec la faute commise par les représentants de l’ARQ?

3.    Est-ce que le demandeur a droit aux dommages punitifs qu’il réclame?

4.    Est-ce que les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la Loi sur l’administration fiscale sont inconstitutionnels?

[18]        Ces questions seront analysées en fonction des faits pertinents et du droit applicable à chacune d’elles.

3.            L’ANALYSE

3.1         Est-ce que les représentants de l’ARQ ont agi de façon fautive envers le demandeur dans l’exécution de leurs fonctions?

[19]        Brochu plaide que les représentants de l’ARQ ont agi de façon fautive à son endroit à plusieurs occasions. Les fautes qu’il allègue peuvent se résumer ainsi :

-       Être entrés sans autorisation judiciaire dans son domicile situé au […] le soir du 12 juin 2014[12];

-       Avoir illégalement exigé qu’il leur remette sans délai et en pleine nuit les documents demandés au moyen des Demandes péremptoires[13];

-       Avoir procédé à une saisie abusive[14];

-       Avoir bafoué plusieurs de ses droits garantis par la Charte québécoise[15];

-       Avoir agi abusivement dans le but de lui nuire[16].

[20]        Afin d’analyser si la conduite des représentants de l’ARQ est fautive, il convient tout d’abord de cerner le cadre juridique applicable et les limites imposées par l’article 39 de la LAF à l’action gouvernementale.

[21]        Nous reviendrons ensuite sur certains événements qui se sont déroulés durant ces journées particulières puisqu’il est indéniable que le comportement louche et anormal de Brochu est au cœur de toute cette affaire.

a)    Le droit applicable

[22]        L’ARQ est soumise aux règles de la responsabilité civile, sous réserve des autres dispositions qui lui sont applicables en tant qu’administration publique[17].

[23]        Il est possible que des règles de droit public spécifiques fassent obstacle à l’application du régime général de responsabilité civile[18]. Toutefois, ces règles ne peuvent être utilisées de façon abusive et sans discernement. L’ARQ peut donc être tenue d’indemniser les contribuables victimes d’abus de la part de ses agents[19].

[24]        À ce sujet, la juge Bélanger de la Cour d’appel écrit avec justesse ce qui suit dans l’arrêt Groupe Enico inc. [20] :

« [107]  Ainsi, si le vérificateur ou le percepteur d’impôt ne respecte pas les obligations professionnelles, déontologiques et éthiques qui lui incombent, dont l’obligation d’agir avec transparence et honnêteté, ne respecte pas le devoir qui impose à tout fonctionnaire d’agir équitablement ou s’il abuse de ses pouvoirs discrétionnaires, l’ARQ pourrait devoir indemniser le contribuable à qui ces agissements causent préjudice. C’est à ce niveau que se situent les enjeux du présent dossier.

[108]     La mission première de l’ARQ est d’assurer la perception des impôts et des taxes, afin que chacun paie sa juste part du financement des services publics. L’ARQ administre aussi les programmes sociofiscaux et tout autre programme de perception et de redistribution de fonds que lui confie le gouvernement.

[109]     L’ARQ bénéficie de pouvoirs que l’on peut sans peine qualifiés (sic) d’exorbitants et il y a certainement une justification raisonnable pour que de tels pouvoirs lui soient confiés. L’ampleur du phénomène du « travail au noir » et l’objectif visant l’atteinte de l’équité fiscale entre les citoyens justifient que le législateur confère de tels pouvoirs qui, rappelons-le, imposent un lourd fardeau au contribuable. Les lois fiscales lui imposent notamment : 1) l’autodéclaration et l’autocotisation; 2) l’obligation de donner aux vérificateurs accès à ses bureaux et ses livres, ainsi que celle de répondre à leurs questions; 3) le fardeau de contrer la présomption de validité des avis de cotisation; 4) le devoir d’acquitter sans délai, même en cas de contestation, les sommes réclamées par un avis de cotisation; 5) l’obligation de faire face au statut avantageux de l’ARQ en cas de faillite, ainsi qu’aux facilités de saisie; et 6) le devoir de s’incliner devant le pouvoir de l’ARQ d’utiliser la compensation à son avantage, pour ne nommer que ceux-là.

[110]     En contrepartie, des responsabilités accrues s’imposent à l’ARQ, en proportion des pouvoirs ainsi délégués. Plus une agence gouvernementale possède de pouvoirs exorbitants, plus elle risque de causer un préjudice au contribuable si elle les exerce de façon abusive, déraisonnable ou sans considération pour les conséquences qui peuvent en découler.

[111]     Un devoir de prudence et de bonne foi dans l’exercice de ces pouvoirs s’impose naturellement. Si elle se dérobe à ce devoir, l’ARQ ne doit pas s’étonner que les tribunaux, eux aussi soucieux du bien public, jugent avec sévérité son manque de rigueur. C’est ce qui s’est produit dans le présent dossier.

(Les emphases sont ajoutées.)

[25]        Brochu se dit essentiellement victime d’abus de la part des vérificateurs de l’ARQ parce qu’ils l’ont forcé à leur remettre sur-le-champ et en pleine nuit des documents au moyen des Demandes péremptoires qui lui ont été remises de main à main à son lieu de résidence.

[26]        La validité de l’article 39 de la LAF et des demandes péremptoires a fait couler beaucoup d’encre[21]. Les parties ont d’ailleurs soumis une abondante jurisprudence sur le sujet[22].

[27]        Dans le récent arrêt 1068754 Alberta Ltd. c. Agence de revenu du Québec[23], rendu en cours de délibéré, la juge Hogue de la Cour d’appel résume très bien l’état du droit au sujet des pouvoirs permettant au fisc de demander péremptoirement des renseignements et des documents à un contribuable en vertu de l’article 39 de la LAF.

[28]        Il y a lieu d’en reproduire les passages pertinents :

« [25]    Le système de taxation québécois mis en place, tout comme le régime fédéral, est un régime d’autodéclaration et d’autocotisation c’est-à-dire que les contribuables doivent déclarer l’ensemble de leurs revenus, calculer l’impôt payable et le verser à l’ARQ. Divers pouvoirs sont par ailleurs accordés aux autorités fiscales pour s’assurer de la véracité et de l’exactitude des représentations du contribuable. Les propos de la juge Wilson décrivant le régime fédéral s’appliquent mutatis mutandis au régime provincial :

La perception de l’impôt sur le revenu constitue l’une des principales sources de revenus du gouvernement fédéral. Le régime législatif mis en place pour réglementer la perception de l’impôt est la Loi de l’impôt sur le revenu. Cette loi oblige les contribuables à produire des déclarations annuelles et à évaluer les impôts qu’ils ont à payer, conformément aux calculs effectués dans ces déclarations. De plus, la Loi oblige diverses tierces parties comme les employeurs, les sociétés et les banques, à produire des renseignements sur les salaires, les dividendes, les versements d’intérêts, et ainsi de suite : voir l’al. 221 (1) d) et la partie II du Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C. 1978, ch.945. Essentiellement, le régime mis sur pied est un régime d'auto-déclaration et d'auto-cotisation dont le succès repose sur l'honnêteté et l'intégrité des contribuables : […]  Il serait cependant naïf de croire que nul ne cherche à tirer profit du régime d'auto-déclaration pour tenter d'éviter de payer sa pleine part du fardeau fiscal en violant les règles énoncées dans la Loi. C'est à cause de cette réalité que le Parlement a édicté plusieurs dispositions, dont le par. 231(3), qui accordent au ministre du Revenu national le pouvoir d'enquêter sur les contribuables et de faire la vérification de leurs impôts. […] [11].

[26]       Le pouvoir conféré à l’ARQ par l’article 39 de la L.A.F. de demander péremptoirement des renseignements ou des documents d’une personne, qu’elle soit assujettie ou non au paiement d’une taxe, est un des moyens mis à sa disposition pour lui permettre d’exercer efficacement son pouvoir de vérification.

[27]       La L.A.F. est toutefois muette quant à savoir si une telle demande peut être transmise par l’ARQ à une personne se trouvant à l’extérieur du Québec. Alberta Ltd. soutient qu’elle ne le peut pas puisqu’une demande péremptoire de renseignements est une saisie et qu’une saisie ne peut être pratiquée par une autorité québécoise à l’extérieur du Québec.

[28]       L’article 39 de la L.A.F. se lit ainsi :

39. Pour l’application et l’exécution d’une loi fiscale, notamment pour le recouvrement d’un montant dont une personne est redevable en vertu d’une telle loi, le ministre peut, par une demande péremptoire qu’il notifie par poste recommandée ou par signification en mains propres, exiger d’une personne, assujettie ou non au paiement d’un droit, dans le délai raisonnable qu’il fixe, la production par poste recommandée ou par signification en mains propres :

a) de renseignements ou de renseignements supplémentaires, y compris une déclaration ou un rapport ou une déclaration ou un rapport supplémentaire, ou

b) de documents.

La personne à qui cette demande est faite doit, dans le délai fixé, se conformer à ladite demande, qu’elle ait ou non déjà produit une telle déclaration ou un tel rapport, ou une réponse à une demande semblable faite en vertu d’une loi fiscale ou de règlements adoptés en vertu d’une telle loi.

Le ministre peut également demander à un juge de la Cour du Québec, exerçant en son bureau, l’autorisation de transmettre à une personne une telle demande péremptoire, aux conditions que le juge estime raisonnables dans les circonstances, concernant une ou plusieurs personnes non désignées nommément.

Le juge peut accorder l’autorisation s’il est convaincu que la production du renseignement ou du document est requise pour vérifier si cette ou ces personnes ont respecté une obligation ou un devoir prévus par une loi fiscale et que cette ou ces personnes sont identifiables.

La demande péremptoire doit mentionner les conséquences du défaut de s’y conformer qui sont prévues à l’article 39.1.

[Soulignements ajoutés]

39. For the administration and enforcement of a fiscal law, in particular for the recovery of an amount owed by a person under such a law, the Minister may, by a formal demand notified by registered mail or by personal service, require from any person, whether or not the person is liable to pay a duty, that the person file by registered mail or by personal service, within a reasonable time fixed in the demand:

a) information or additional information, including a return, report or supplementary return or report, or

b) documents.

The person to whom the demand is made must, within the delay fixed, comply with that demand, whether or not he has already filed such return or report, or an answer to a similar demand made under a fiscal law or regulations made under such a law.

The Minister may also apply to a judge of the Court of Québec, acting in chambers, for authorization to send a person such a formal demand concerning one or more unnamed persons, on the conditions that the judge considers reasonable in the circumstances.

The judge may grant the authorization if satisfied that the filing of the information or document is required to ascertain whether the person or persons concerned carried out an obligation or a duty prescribed by a fiscal law and that the person or persons are identifiable.

The formal demand must set out the consequences of a failure to comply therewith set out in section 39.1.

[Emphasis added]

[29]       La Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. »)[12] contient une disposition semblable :

231.2. (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et, pour l’application ou l’exécution de la présente loi (y compris la perception d’un montant payable par une personne en vertu de la présente loi), d’un accord international désigné ou d’un traité fiscal conclu avec un autre pays, par avis signifié à personne ou envoyé par courrier recommandé ou certifié, exiger d’une personne, dans le délai raisonnable que précise l’avis :

a) qu’elle fournisse tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration de revenus ou une déclaration supplémentaire;

b) qu’elle produise des documents.

[…]

231.2 (1) Notwithstanding any other provision of this Act, the Minister may, subject to subsection (2), for any purpose related to the administration or enforcement of this Act (including the collection of any amount payable under this Act by any person), of a listed international agreement or, for greater certainty, of a tax treaty with another country, by notice served personally or by registered or certified mail, require that any person provide, within such reasonable time as is stipulated in the notice,

(a) any information or additional information, including a return of income or a supplementary return; or

(b) any document.

[…]

[30]       Alberta Ltd. s’appuie sur l’arrêt McKinlay[13], dans lequel la Cour suprême analyse une version antérieure de l’article 231.2 L.I.R., pour soutenir que la demande péremptoire transmise à la banque est une saisie. Appelée à déterminer si cette disposition violait la garantie prévue à l’article 8 de la Charte canadienne, la Cour suprême écrit :

Puisque le par. 231(3) ne se rapporte pas à une procédure criminelle ou quasi criminelle, il faut se demander s'il y a « saisie » au sens de l'art. 8 lorsque l'État exige la production de documents dans un contexte de réglementation. Pour répondre à cette question il faut, me semble-t-il, se reporter à l'exposé général du juge Dickson dans l'arrêt Hunter sur les fins qui sous-tendent le droit garanti à l'art. 8. Il a conclu que l'une de ces fins était de garantir l'attente raisonnable des particuliers à la protection de leur vie privée. […]

Il ressort de ce qui précède que le juge Dickson considère que la valeur sous-jacente devant être protégée par l’art. 8 de la Charte est le droit des particuliers au respect de leur vie privée. Il estime cependant que la protection offerte par l’art. 8 ne vise qu' « une attente raisonnable » parce que l'expression « les fouilles, les perquisitions ou les saisies » est qualifiée par l'adjectif « abusives »: voir aussi l'arrêt R. c. Simmons, 1988 CanLII 12 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 495. Il arrive sans aucun doute qu'un particulier n'a aucun intérêt ni aucune attente à ce que soit protégé un document ou un article particulier dont l'État réclame la production. Dans de telles circonstances, l'examen autorisé par l'État ou sa demande de production des documents ne correspond pas aux fouilles, aux perquisitions ou aux saisies dont parle l'art. 8 : voir l'arrêt R. c. Hufsky, 1988 CanLII 72 (CSC), [1988] 1 R.C.S. 621, à la p. 638. Toutefois, je ne crois pas que ce soit le cas en l'espèce. J'en arrive à cette conclusion pour deux motifs. Premièrement, le par. 231(3), même interprété de façon stricte conformément à la jurisprudence antérieure, envisage la production forcée d'un large éventail de documents et non simplement de ceux que le contribuable est tenu, en vertu de la Loi, de tenir et de conserver. Deuxièmement, la Loi prévoit que des personnes qui ne font pas l'objet d'une enquête ou d'une vérification peuvent être forcées à produire des documents relatifs à un autre contribuable qui fait l'objet d'une telle enquête ou vérification. Ainsi donc, la production forcée va au-delà des exigences strictes de la Loi en matière de dépôt et de tenue de documents et elle peut fort bien s'étendre à des renseignements et à des documents que le contribuable a intérêt à voir protéger   conformément à l’art. 8 de la Charte, bien que cet intérêt puisse ne pas être aussi essentiel que celui qui existe dans un contexte criminel ou quasi criminel. Je conclus donc que l'application aux appelantes du par. 231(3) de la Loi sur l’impôt sur le revenu constitue une « saisie » puisqu'elle viole leurs attentes en matière de protection de leur vie privée. Il reste toutefois à déterminer si l'atteinte de l'État à ce droit à la vie privée est abusive, ou, en d'autres termes, si elle viole les attentes raisonnables qu'ont les contribuables en matière de protection de leur vie privée[14].

[Soulignements ajoutés]

[31]       Elle confirme ces propos dans R. c. Jarvis, qualifiant de nouveau la demande péremptoire de pouvoir de contrainte des autorités[15]. Finalement, elle réitère qu’il s’agit d’une saisie dans Canada (Procureur général) c. Chambre des notaires du Québec, mais en soulignant que l’action gouvernementale, qui se manifeste par l’envoi de la demande péremptoire, ne constituera une saisie que si elle empiète sur une attente au respect de la vie privée d’un particulier[16].

[32]       L’article 39 L.A.F. est le pendant de l’article 231.2 L.I.R. [17] et il poursuit les mêmes objectifs[18]. Il doit donc être soumis à la même analyse. La demande péremptoire qu’il autorise constituera donc une saisie lorsque les documents et les renseignements requis par elle seront de ceux à l’égard desquels un contribuable entretient une attente raisonnable au respect de sa vie privée.

(Les emphases sont ajoutées.)

__________________________________________

[11]  R. c. McKinlay Transport Ltd., 1990 CanLII 137 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 627, p. 636, 637, 648 et 649. [McKinlay]. Voir aussi : R. c. Grimwood, 1987 CanLII 14 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 755, paragr. 2.

[12]  L.R.C. (1985), ch.1 (5e suppl.).

[13]  R. c. McKinlay Transport Ltd., 1990 CanLII 137 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 627.

[14]  R. c. McKinlay Transport Ltd., 1990 CanLII 137 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 627, p. 641 et 642.

[15]  R. c. Jarvis, 2002 CSC 73 (CanLII), paragr. 54.

[16]  Canada (Procureur général) c. Chambre des notaires du Québec, 2016 CSC 20 (CanLII), paragr. 6.

[17]  Québec (Sous-ministre du Revenu) c. 6217125 Canada inc., 2007 QCCA 306 (CanLII), paragr. 5, 6 et 20.

[18]  Daniel Cantin et Isabelle Tremblay, La Loi du Praticien : Loi sur l’administration fiscale commentée, 16e éd., Toronto, Thomson Reuters, 2016, p. 301.

[29]        Ainsi, lorsque les documents et les renseignements requis par l’ARQ sont de ceux à l’égard desquels un contribuable entretient une attente raisonnable au respect de sa vie privée, les pouvoirs conférés aux agents du fisc par l’article 39 de la LAF sont alors assujettis à la protection constitutionnelle de l’article 8 de la Charte canadienne puisqu’ils permettent de procéder à une saisie et perquisition au sens de cet article[24].

[30]        La LAF accorde divers pouvoirs de vérification et d’enquête à l’ARQ pour forcer les contribuables à lui fournir les informations requises afin qu’elle puisse émettre les avis de cotisation nécessaires et percevoir les montants dus.

[31]        Mais ces pouvoirs ne sont pas illimités. Ils doivent être exercés dans le respect des protections constitutionnelles accordées à l’ensemble des contribuables canadiens.

[32]        L’intervention de l’ARQ étant intimement liée à l’opération policière menée par le SPS du 10 au 12 juin 2014 dans les commerces et au domicile de Brochu, un rappel des principaux faits survenus durant cette opération et dans les jours suivants s’impose pour analyser la conduite des représentants de l’ARQ.

b)   L’historique des faits

[33]        Le mardi 10 juin 2014, une des premières visites d’inspection du SPS se tient à la place d’affaires de Comptant Illimité située au 268 de la rue King Ouest. Cette inspection se déroule bien et, en général, Brochu collabore avec les policiers.

[34]        Par contre, questionné à savoir où se trouve le coffre-fort du commerce, Brochu en nie l’existence. Le constable Aubert en trouve un caché sous un comptoir et il demande à Brochu de l’ouvrir. Ce dernier refuse et il questionne la sergente détective Lemay à savoir s’il est obligé de le faire. Il obtempère finalement à la demande des policiers. Plusieurs bijoux en or et une grande quantité d’argent s’y trouvent[25]. Brochu déclare à Lemay que l’argent sert pour les opérations courantes du commerce. Aucune perquisition du contenu du coffre-fort n’est faite, au grand soulagement de Brochu.

[35]        Toutefois, l’attitude de ce dernier change drastiquement lorsqu’il apprend que l’opération policière vise aussi un entrepôt situé sur la rue Wellington Nord[26]. Certains membres du SPS, dont Lemay et l’agent McConnell, notent que Brochu devient soudainement très nerveux et agité parce qu’il ne veut pas que les policiers voient le contenu de « sa réserve » qui constitue en grande partie sa fortune personnelle.

[36]        Il continue néanmoins de collaborer avec les policiers, mais son changement de comportement demeure palpable. Il insiste notamment pour que les policiers se rendent à un autre commerce avant d’aller à l’entrepôt en fin de journée en prétextant que lui seul peut leur donner accès à cet endroit et que sa présence est, dans l’intervalle, indispensable aux opérations du commerce situé au 268 de la rue King Ouest.

[37]        Cette demande suscite évidemment l’intérêt de Lemay qui la considère injustifiée puisque Brochu est demeuré en compagnie des policiers durant toute l’opération alors que les employés de ce dernier étaient en mesure de prendre complètement en charge les activités du commerce.

[38]        Soupçonnant fortement que Brochu pourrait se rendre à l’entrepôt de la rue Wellington Nord dans le but d’y déplacer des biens avant l’arrivée des policiers, Lemay demande discrètement une surveillance policière des lieux. Entretemps, elle déclare à Brochu que les policiers allaient se rendre à la place d’affaires située sur la rue King Est avant d’aller visiter ledit entrepôt.

[39]        Brochu tente alors, mais sans succès, de communiquer avec son avocat, Me Dussault, afin d’obtenir ses conseils avant que l’entrepôt ne soit visité puisqu’il sait qu’il y garde plus de 1 M $ en argent liquide et des bijoux dans la voûte.

[40]        Peu après le départ des policiers du commerce situé sur la rue King Ouest, les patrouilleurs voient Brochu marcher rapidement sur la rue Wellington Nord en direction de l’entrepôt. Il y entre précipitamment pour en ressortir quelques minutes plus tard avec trois boîtes et une valise en métal. Puis il quitte promptement à bord de son véhicule pour revenir à toute vitesse au commerce situé sur la rue King Ouest.

[41]        Brochu y est finalement intercepté dans le stationnement par le sergent détective superviseur Chénard. À la demande de ce dernier, Brochu ouvre une des boîtes qui se trouvent dans son véhicule. Elle contient plusieurs bijoux en or. Il est mis en état d’arrestation pour entrave au travail d’un agent de la paix et pour recel et il est ensuite conduit au poste du SPS. Une fouille sommaire de Brochu permet au SPS de mettre la main, entre autres, sur deux clés USB, un cellulaire et des clés.

[42]        Chénard saisit également, de façon accessoire à l’arrestation de Brochu, le contenu de la valise et des boîtes transportées par Brochu. Il y découvre ce qui suit :

-       environ 962 100 $ en argent comptant (dont 118 billets de 1 000 $);

-       environ 48 000 euros;

-       environ 40 000 $ US;

-       approximativement 21.5 livres de bijoux en or valant près de 350 000 $[27].

[43]        Il s’agit, selon Chénard, de la plus grosse saisie d’argent comptant de l’histoire du SPS. Il n’est donc pas étonnant que l’ensemble des policiers qui ont témoigné ait conservé un excellent souvenir des événements.

[44]        Interrogé par Lemay, Brochu refuse de collaborer avec le SPS et il n’autorise pas l’accès à l’entrepôt de la rue Wellington Nord ni au contenu des clés USB.

[45]        Le 10 juin 2014 à 20 h 52, Lemay obtient un télémandat général de perquisition pour le […][28]. Il s’agit d’un immeuble de trois étages[29]. Une fois entrés, les policiers remarquent la présence d’un gros coffre-fort (voûte). Brochu, qui est toujours détenu au poste de police, refuse catégoriquement de donner la combinaison de celui-ci.

[46]        Puis, les policiers constatent que les étages supérieurs sont en réalité un logement qui pourrait, selon toute vraisemblance, être le lieu de résidence de Brochu. Il n’y a aucune porte empêchant l’accès au loft[30]. La perquisition est immédiatement arrêtée puisque le mandat ne vise pas une maison d’habitation. Les lieux sont mis sous surveillance policière.

[47]        Entretemps, Brochu est libéré tard en soirée. Il est contraint d’aller coucher chez une amie puisque l’accès à son domicile est interdit.

[48]        Le mercredi 11 juin 2014, deux mandats de perquisition sont émis pour avoir accès au contenu des clés USB[31]. Un autre mandat général de perquisition est demandé pour investiguer les lieux, dont le domicile apparent de Brochu portant l’adresse civique « 9B », et pour ouvrir le coffre-fort[32]. Le SPS fait appel à une équipe spécialisée de la Gendarmerie Royale du Canada pour ouvrir celui-ci. Des filières contenant plusieurs documents sont également trouvées au sous-sol.

[49]        Le coffre-fort est ouvert le lendemain. Le SPS y trouve des armes à feu, des bijoux ainsi que divers documents et données financières susceptibles d’intéresser l’ARQ. La perquisition du SPS prend fin le jeudi 12 juin 2014.

[50]        Chénard communique entretemps avec L’Italien, un représentant de l’ARQ qui travaille pour la section de la vérification en milieu interlope, afin de lui fournir l’information susceptible d’intéresser le Ministère du Revenu[33].

[51]        Dès lors, l’ARQ organise son intervention en collaboration avec Me Galarneau du contentieux de Revenu Québec. Les dossiers fiscaux de Brochu et de ses entreprises sont révisés. Chénard est rappelé par L’Italien pour obtenir plus de détails. Le chef du « Service d’enquêtes et de projets conjoints », Michaud[34], assiste à cette conférence téléphonique en compagnie des vérificateurs Gauthier et Bastien. Chénard fournit l’information demandée, notamment le déroulement de l’opération policière, la nature des commerces exploités par Brochu, le comportement nerveux de ce dernier, son arrestation, les bijoux et l’importante quantité d’argent saisis, le refus de Brochu de collaborer pour ouvrir la voûte, les documents de nature financière qui s’y trouvent et la clôture prochaine de l’intervention du SPS.

[52]        Les six Demandes péremptoires sont préparées d’urgence par Bastien en vue d’être exécutées le soir même. L’ARQ avise le SPS que ses vérificateurs seront en mesure de se rendre à l’entrepôt de la rue Wellington en fin de soirée.

[53]        Lemay donne donc rendez-vous à Brochu vers 22 h 00 afin de lui remettre les clés de l’« entrepôt » de la rue Wellington Nord. Elle espère que les deux représentants de l’ARQ arriveront à temps puisqu’ils partent de Québec.

[54]        Les vérificateurs Gauthier et Bastien arrivent vers 21 h 35[35] et ils entrent dans l’édifice de la rue Wellington dans le but d’y attendre Brochu, et ce, en compagnie des deux policiers qui s’y trouvent.

[55]        Lemay arrive peu après. Une visite préliminaire des lieux est faite par Gauthier et Bastien en compagnie de Lemay vers 21 h 45. Ils remarquent la présence de divers documents et des cartes de crédit dans la voûte. Ils prennent les numéros en note.

[56]        Puis Brochu fait son entrée à 22 h 10. Avisé de la présence des vérificateurs de l’ARQ et du fait que les vérificateurs sont là pour obtenir des documents, Brochu proteste en raison de l’heure tardive et du fait qu’il est très fatigué.

[57]        Gauthier l’avise qu’il a les Demandes péremptoires exigeant qu’il leur remette « immédiatement » les documents demandés sous peine d’amende ou même d’emprisonnement.

[58]        Ne sachant pas quoi faire et craignant de faire face à des poursuites pénales, Brochu communique avec Me Dussault. Ce dernier est avocat criminaliste et il ne connaît pas les procédures applicables en matière fiscale. Il conseille néanmoins à Brochu de collaborer, mais de bien faire comprendre qu’il n’accepte pas la vérification ou la saisie en cours[36].

[59]        Brochu fait le tour des locaux, incluant son loft, avec les patrouilleurs avant que la vérification débute afin de constater l’état des lieux. Il est découragé. Tous ses biens sont éparpillés à la suite de la perquisition du SPS.

[60]        Vers 22 h 45[37], Gauthier fait la lecture des Demandes péremptoires à Brochu. Les passages pertinents de ces demandes seront reproduits plus loin.

[61]        Brochu avise les représentants de l’ARQ qu’il entend collaborer, mais il implore Lemay de mettre fin au processus qui se déroule en pleine nuit en promettant qu’il quitterait les lieux et en acceptant qu’ils demeurent sous surveillance policière jusqu’à ce que la vérification se fasse le lendemain. Lemay lui demande de monter à son loft le temps d’en discuter avec les vérificateurs.

[62]        Brochu leur dit qu’il va profiter de cette pause pour prendre une bière en haut en confirmant qu’il y habite. Gauthier accepte en lui disant : « Allez-y ».

[63]        Brochu redescend cinq minutes plus tard[38]. À ce moment, les représentants de l’ARQ ne peuvent plus ignorer qu’ils se trouvent dans une bâtisse dans laquelle se situe la résidence de Brochu puisque ce dernier et Lemay viennent de leur dire où il habite. Néanmoins, ils maintiennent leur position et exigent de commencer la vérification fiscale sur le champ. Gauthier et Bastien savent pourtant qu’ils n’ont aucun pouvoir d’entrer dans un lieu d’habitation sans autorisation judiciaire ou sans le consentement de l’occupant.

[64]        La saisie des documents découverts dans le coffre-fort débute vers 23 h 00[39]. Gauthier pointe les documents qu’il désire vérifier et Brochu les lui remet. Gauthier et Bastien les mettent dans des boîtes. Gauthier dit à plusieurs reprises à Brochu qu’ils veulent tout avoir, incluant les fiches clients contenant des renseignements confidentiels sur des tiers.

[65]        Une fois le coffre-fort investigué, Gauthier avise Brochu qu’il veut vérifier les documents qui se trouvent dans les filières du sous-sol. Le groupe se rend au sous-sol en dépit des protestations de Brochu et le processus se poursuit. Mais cette fois, parce que Brochu est fatigué, Gauthier prend les documents et il les montre à Brochu avant de les remettre à Bastien pour qu’il les classe dans les boîtes.

[66]        Une fois le travail complété, Brochu offre de leur faire visiter son loft[40]. Gauthier et Bastien constatent que Brochu a plusieurs guitares de collection dans son salon en dépit du fait qu’il leur dise qu’elles appartiennent aux différentes compagnies.

[67]        Cette visite complétée, tout le monde redescend. Puis, vers 0 h 15[41], Gauthier demande à Brochu de se rendre au commerce situé sur la rue King Ouest pour y exécuter une des Demandes péremptoires. Cette fois, Brochu refuse catégoriquement. Il est exténué puisqu’il n’a pratiquement pas dormi depuis deux jours. Il demande à Lemay de lui passer les menottes. Gauthier accepte de reporter la vérification au matin.

[68]        Les parties se donnent rendez-vous au commerce de la rue King Ouest vers 9 h 30. Les policiers et les représentants de l’ARQ quittent ensuite les lieux en emportant les 13 boîtes de documents saisis. Il est alors passé 0 h 30.

[69]        Ébranlé par les événements, Brochu ne parvient pas à dormir. Vers 6 h, il lance un appel à son fiscaliste, Me Massicotte, pour obtenir son aide. Un rendez-vous est prévu tôt en matinée, avant l’arrivée des vérificateurs.

[70]        Le lendemain, vers 10 h 00[42], Gauthier et Bastien se rendent au 268 de la rue King Ouest. Brochu les attend en compagnie de Me Massicotte. Celui-ci interpelle les représentants de l’ARQ en les avisant qu’ils ont procédé à une perquisition sans mandat et sans avoir donné un délai raisonnable à Brochu pour transmettre les renseignements et documents demandés. Gauthier tente en vain de parler avec Me Galarneau, mais réussit néanmoins à parler avec le directeur principal du contentieux fiscal et civil de l’ARQ, Me Larivière.

[71]        Les deux avocats discutent ensemble au téléphone. À la suggestion de Me Larivière, il est entendu que les documents saisis soient mis sous scellés le temps que les parties trouvent un terrain d’entente. Ils conviennent d’un suivi du dossier au lundi suivant.

[72]        Une fois l’opération de mise sous scellés complétée[43], Brochu montre son système informatique à Gauthier et Bastien durant une quinzaine de minutes. Puis, ceux-ci quittent les lieux avec les 13 boîtes scellées, en direction de leurs bureaux de Québec. Aucun autre document n’est saisi.

[73]        Le lundi 16 juin 2014, Me Massicotte envoie un courriel à Me Larivière afin d'amorcer les discussions visant à récupérer les documents saisis et à organiser, d’un commun accord, la suite du processus de vérification fiscale[44].

[74]        Me Larivière lui répond le même jour et il l’invite à communiquer avec Me Galarneau « (…) pour le suivi de ce dossier et les solutions possibles pour trouver un dénouement dans les meilleurs délais »[45]. Me Galarneau est en copie du courriel.

[75]        Les jours passent. Aucune des parties n’entre en communication avec l’autre pour faire avancer le dossier.

[76]        Le mercredi 25 juin 2014, Me Massicotte envoie un courriel à Me Galarneau pour le relancer[46].

[77]        Le vendredi 27 juin 2014, des représentants de l’ARQ[47] décident d’ouvrir toutes les boîtes mises sous scellés sans attendre l’autorisation du contentieux et sans obtenir le consentement de Brochu.

[78]        Le même jour, Me Galarneau envoie un courriel à Me Massicotte afin de s’enquérir de ses disponibilités pour le lundi suivant (30 juin)[48]. Ce dernier ne répond pas à ce courriel.

[79]        Le 2 juillet 2014, Gauthier entre en communication avec Brochu pour prendre rendez-vous. Brochu refuse tant que la question des documents saisis n’est pas réglée. Gauthier l’avise qu’il peut émettre des avis de cotisation immédiatement si Brochu refuse de le rencontrer. Il l’informe aussi que la vérification a débuté et que les boîtes ont été ouvertes. Brochu appelle Me Massisotte. Ce dernier le rassure en lui disant que les boîtes sont, sans aucun doute, encore scellées et de ne pas s’inquiéter.

[80]        Durant cette journée, l’adjointe de Me Massicotte envoie un courriel à Me Galarneau pour convenir d’un appel téléphonique le 3 juillet[49].

[81]        Le 3 juillet 2014, Me Galarneau tente, sans succès, de parler à Me Massicotte.

[82]        Le 4 juillet 2014, Me Massicotte rappelle Me Galarneau parce qu’il a été avisé que les boîtes scellées avaient possiblement été ouvertes. Ce dernier en doute puisque le contentieux n’a pas donné son autorisation. Les deux avocats conviennent de se rappeler le temps que Me Galarneau obtienne des explications de la part des vérificateurs concernés. On lui confirme que le processus de vérification des documents saisis a effectivement débuté. Me Galarneau les somme d’arrêter immédiatement l’analyse des documents saisis.

[83]        Le même jour, il confirme à Me Massicotte que la vérification des documents a débuté, mais qu’il a demandé à ce qu’elle soit arrêtée, le temps que Brochu entreprenne les procédures requises. Il impose un délai au 11 juillet pour le faire tout en avisant Me Massicotte qu’il quitte pour ses vacances annuelles durant deux semaines[50].

[84]        Me Massicotte lui répond le même jour qu’il considère qu’il y a eu bris unilatéral de l’entente convenue de la part des représentants de l’ARQ. Il maintient toutefois que son client est prêt à collaborer dans l’optique où l’ARQ lui remet les documents et lui donne un délai raisonnable pour transmettre les documents demandés, comme le prévoit d’ailleurs l’article 39 de la LAF. Il réitère que l’ARQ a agi sans autorisation judiciaire le 12 juin 2014[51].

[85]        Le 17 juillet 2014, Brochu rencontre les vérificateurs de l’ARQ, soit Gingras et Gauthier[52], afin de faire le portrait financier de sa situation[53]. À cette date, l’ARQ ne lui a toujours pas remis les documents.

[86]        La suite des échanges entre les parties a peu d’incidence sur le sort du présent dossier. Notons simplement que Brochu n’a jamais présenté de procédures judiciaires afin de récupérer les documents saisis et que l’ARQ lui a remis les 13 boîtes de documents le 3 décembre 2014, une fois sa vérification terminée[54]. Les documents, qui étaient initialement classés, sont remis pêle-mêle à Brochu dans les boîtes.

[87]        Le 14 mai 2015, Brochu est accusé d’avoir tenté d’entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice en contravention de l’article 139 (2) du Code criminel et de possession illégale de trois armes à feu en contravention de l’article 91 (1) a) (3) a) du Code criminel[55]. Il plaide coupable à ces infractions.

[88]        Le 19 octobre 2015, Brochu intente son recours contre l’ARQ.

c)    L’analyse

[89]        Pour les motifs qui suivent, le Tribunal en vient à la conclusion que l’ARQ ne pouvait, sans autorisation judiciaire et au moyen des Demandes péremptoires signifiées en vertu de l’article 39 de la LAF, exiger que Brochu lui fournisse sans délai les renseignements et documents demandés.

[90]        Il est opportun de reproduire les extraits pertinents de la demande adressée personnellement à Brochu[56] :

« (…)

En vertu des pouvoirs que lui confère l’article 39 de la Loi sur l’administration fiscale (L.R.Q., c. M-31), le ministre du Revenu exige que vous lui transmettiez, pour la période du 2000-01-01 au 2013-12-31, les renseignements et les documents suivants :

-       Des états financiers annuels de votre actif et passif en incluant tous biens, meubles ou immeubles, toutes équités dans toutes entreprises ou sociétés, tout argent, toutes actions, obligations ou autres placements que vous déteniez, directement ou indirectement du 1er janvier 2000 jusqu’en date d’aujourd’hui. Ces états devront être accompagnés d’une déclaration dument signée attestant que tous vos biens y sont déclarés;

-       Le détail des acquisitions et des dispositions d’actifs et de passifs au cours d’une même année n’apparaissant pas au bilan au 31 décembre de chaque année d’imposition en cause;

-       Le détail de vos dépenses personnelles pour les années 2000 à 2013 inclusivement.

À défaut de donner suite à la présente demande péremptoire immédiatement sur réception, vous commettrez une infraction et des poursuites pénales pourront être intentées contre vous sans autre avis ni délai. Vous serez alors passible, en cas de déclaration de culpabilité, d’une amende d’au moins 800 $ et d’au plus 10 000 $ ou, à la fois, d’une telle amende et d’un emprisonnement d’une durée n’excédant pas six mois, conformément à l’article 61 de la Loi.

De plus, l’article 39.1 de la Loi prévoit que, à défaut de vous conformer à la présente demande péremptoire à l’égard d’un renseignement ou d’un document visé par celle-ci, tout tribunal devra, sur requête à cet effet du ministre du Revenu du Québec, refuser le dépôt en preuve de ce renseignement ou document, à moins que vous n’établissiez que la présente demande est déraisonnable dans les circonstances.

(…) »

(Reproduction littérale. Les emphases sont ajoutées.)

[91]        L’ARQ a ainsi exigé que Brochu lui remette « immédiatement », donc sans délai et à son lieu de résidence, les renseignements et documents demandés.

[92]        Dans l’affaire Tabah[57], le juge Cory de la Cour suprême rappelle que le droit à la vie privée relativement à des documents commerciaux ne saurait être identique à celui qui se rattache aux documents personnels. L’État ayant le pouvoir de réglementer le commerce, l’attente en matière de respect de la vie privée est nécessairement réduite lorsqu’une perquisition est effectuée en application d’une loi de nature réglementaire[58].

[93]        Toutefois, dans les circonstances particulières de la présente affaire, la production forcée de documents en exécution des Demandes péremptoires constitue sans équivoque une saisie puisque les renseignements et documents requis par l’ARQ sont ceux à l’égard desquels Brochu entretient une attente raisonnable au respect de sa vie privée[59]. En effet, une des Demandes péremptoires réfère à des documents contenant des informations confidentielles et des renseignements personnels concernant Brochu.

[94]        Mais il y a plus.

[95]        L’article 39 de la LAF prévoit expressément que le ministre du Revenu peut, par une demande péremptoire, exiger d’une personne qu’elle lui transmette des renseignements ou des documents dans le délai raisonnable qu’il fixe.

[96]        Bien que le ministre puisse avoir une certaine discrétion quant au délai imposé en fonction des circonstances particulières d’une affaire, encore faut-il qu’il en accorde un qui soit réaliste pour permettre au contribuable de s’exécuter afin d’éviter les pénalités et surtout l’interdiction de se servir des documents utiles à l’établissement de ses revenus s’il fait défaut de respecter les termes de la demande péremptoire[60]. Un pouvoir discrétionnaire n’est jamais absolu[61].

[97]        Or, lorsque l’ARQ exige que Brochu lui remette les documents « immédiatement », elle enfreint l’esprit de la LAF puisqu’elle ne donne absolument aucun délai à ce dernier pour qu’il s’exécute, en plus d’imposer cet ultimatum dans un lieu servant de résidence à un contribuable.

[98]        En soi, l’absence de délai rend les Demandes péremptoires abusives.

[99]        Au surplus, la quantité impressionnante de renseignements et de documents demandés à Brochu rendait impossible leur communication immédiate, surtout lorsqu’on constate que les Demandes péremptoires visaient cinq compagnies en plus des affaires personnelles de Brochu sur une période couvrant près de 15 années.

[100]     Ce n’est pas tout.

[101]     En plus de signifier des demandes abusives, les vérificateurs de l’ARQ ont outrepassé leurs pouvoirs de vérification en agissant comme ils l’ont fait le soir du 12 juin 2014. Ils ont clairement procédé à une perquisition sans autorisation judiciaire.

[102]     À ce sujet, les propos de la juge Wilson, dans l’arrêt McKinlay précité, sont d’intérêt particulier dans l’analyse du présent dossier :

« Il ne faut pas conclure que toutes les formes de perquisitions et de saisies effectuées sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu sont valides.  L'intérêt qu'a l'État à contrôler le respect de la Loi doit être soupesé en fonction du droit des particuliers à la protection de leur vie privée.  Plus grande est l'atteinte aux droits à la vie privée des particuliers, plus il est probable que des garanties semblables à celles que l'on trouve dans l'arrêt Hunter seront nécessaires.  Ainsi, le fait pour des agents du fisc de pénétrer dans la propriété d'un particulier pour y faire une perquisition et une saisie constitue une immixtion beaucoup plus grande que la simple demande de production de documents.  La raison en est que même s'il est possible que le contribuable s'attende peu à ce que son droit à la protection de sa vie privée soit respecté relativement à ses documents commerciaux utiles pour établir son assujettissement à l'impôt, il n'en attache pas moins d'importance au respect de l'inviolabilité de son domicile.

À mon sens, le par. 231(3) prescrit la méthode la moins envahissante pour contrôler efficacement le respect de la Loi de l'impôt sur le revenu.  Elle n'entraîne pas la visite du domicile ni des locaux commerciaux du contribuable, elle exige simplement la production de documents qui peuvent être utiles au dépôt des déclarations d'impôt sur le revenu.  Le droit du contribuable à la protection de sa vie privée à l'égard de ces documents est relativement faible vis-à-vis le Ministre.  Ce dernier est absolument incapable de savoir si certains documents sont utiles avant d'avoir eu la possibilité de les examiner.  En même temps, le droit du contribuable à la protection de sa vie privée est garanti autant qu'il est possible de le faire puisque l'art. 241 de la Loi interdit la communication de ses documents et des renseignements qu'ils contiennent à d'autres personnes ou organismes.[62]

(Les emphases sont ajoutées.)

[103]     Il est utile de rappeler que l’inviolabilité de la demeure constitue, depuis longtemps, un rempart contre les intrusions de l’État[63].

[104]     La validité des demandes péremptoires a toujours été maintenue sur la base qu’elles constituaient une façon non intrusive de contraindre les contribuables à communiquer les renseignements requis pour les cotiser.

[105]     D’ailleurs, l’article 39.2 de la LAF prévoit une procédure spécifique requérant une autorisation judiciaire avant de pouvoir forcer un contribuable à donner l’accès, l’aide, les renseignements, les documents ou les choses qu’il est en défaut de transmettre en dépit de la signification d’une demande péremptoire.

[106]     Or, personne ne peut raisonnablement soutenir que le processus utilisé par l’ARQ le soir du 12 juin 2014 constitue « la méthode la moins envahissante » pour contrôler efficacement le respect des lois fiscales provinciales, dont la LAF et la Loi sur les impôts. Les vérificateurs sont entrés sans l’autorisation de Brochu dans son immeuble servant de lieu de résidence, et ce, très tard en soirée tout en le menaçant de poursuites pénales s’il refusait d’obtempérer immédiatement.

[107]     L’ARQ a évidemment raison de plaider que l’« objet prédominant » de l’intervention qu’elle a menée ne visait pas à établir la responsabilité pénale de Brochu au sens de l’arrêt Jarvis[64], mais plutôt à lui permettre d’obtenir les renseignements et documents nécessaires à une vérification fiscale afin de percevoir les montants dus au fisc.

[108]     En effet, l’arrêt Jarvis prohibe la tenue d’une enquête dont l’« objet prédominant » s’avère l’établissement de la responsabilité pénale du contribuable sous le couvert d’une vérification fiscale[65].

[109]     Mais ses représentants ne pouvaient pas confondre les pouvoirs de vérification et les moyens d’enquête dévolus aux personnes autorisées par le ministre du Revenu pour arriver à leurs fins le soir du 12 juin 2014.

[110]     Il est évident que le comportement louche de Brochu pouvait objectivement et raisonnablement laisser croire aux représentants de l’ARQ qu’il avait l’intention de faire disparaître des éléments de preuve. D’ailleurs, il a été mis en accusation pour entrave et a plaidé coupable à cette infraction.

[111]     De plus, Gauthier a affirmé à plusieurs reprises qu’il y avait une urgence d’agir pour éviter une destruction des documents pertinents à l’établissement des sommes dues par Brochu et ses sociétés et parce qu’il cherchait à mettre la main sur des preuves d’une « double comptabilité ».

[112]     Ainsi, contrairement à ce que plaide l’ARQ, le but premier de l’intervention qui a débuté le soir du 12 juin 2014 ne visait pas simplement à entreprendre une vérification fiscale, mais surtout à éviter une destruction des éléments de preuve.

[113]     Dans un tel cas, une ordonnance de type Anton Piller aurait pu constituer un remède judiciaire approprié pour éviter une destruction des éléments de preuve de la part de Brochu. Le juge François Tôth la décrit de la façon suivante[66] :

« [17]    Le droit québécois connaît l’ordonnance Anton Piller qui permet à une partie à un litige, sous autorisation judiciaire, de pénétrer dans les locaux d’un défendeur afin d’y saisir des biens pour les mettre sous la garde de la justice dans le but de les préserver d’une éventuelle destruction ou altération. Il s’agit, on n’en doute pas, d’une procédure exceptionnelle stricti juris. Des exemples existent en jurisprudence québécoise où on a permis, dans le cadre de demande de sauvegarde, de vérifier si un document technologique détenu par un défendeur est une contrefaçon d’une œuvre du demandeur. »

(Les emphases sont ajoutées.)

[114]     Une autorisation judiciaire aurait alors été requise conformément au Code de procédure civile.

[115]     De surcroît, puisque l’ARQ pouvait raisonnablement craindre une destruction ou la falsification d’éléments de preuve de la part de Brochu, elle pouvait aussi utiliser les moyens d’enquête prévus aux articles 40 ou 40.1.1 de la LAF pour parvenir à ses fins, soit l’obtention d’une autorisation judiciaire pour perquisitionner les lieux après 20 h.

[116]     En effet, la destruction ou la falsification d’éléments de preuve, en plus de constituer une infraction criminelle visée par l’article 397 du Code criminel, constituent certainement une infraction à une loi fiscale puisque les articles 34 et suivants de la LAF prévoient notamment l’obligation de tenir des registres conformes à la manière prescrite.

[117]     Ce faisant, les principes énoncés dans l’arrêt Jarvis auraient dû être respectés puisque l’ARQ s’engageait alors dans un processus d’enquête. Brochu aurait ainsi eu le droit au silence et à la protection des divers autres droits prévus par les Chartes.

[118]     Mais surtout, la vérification fiscale pouvait certainement attendre au lendemain matin en acceptant l’offre raisonnable de Brochu de laisser les lieux sous surveillance policière. Il n’y aurait eu, dès lors, aucun risque de destruction de la preuve.

[119]     L’ARQ avait donc plusieurs options qui s’offraient à elle.

[120]     Elle a choisi d’utiliser la voie de la vérification fiscale immédiate au lieu des autres moyens mis à sa disposition. Mais une demande péremptoire ne peut certainement pas servir de moyen déguisé pour procéder à une perquisition sans autorisation judiciaire.

[121]     Dans de telles circonstances, l’article 8 de la Charte canadienne, qui garantit le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives, a été enfreint par l’ARQ et ses représentants. Plusieurs autres droits de Brochu qui lui sont garantis par la Charte québécoise ont aussi été bafoués. Nous y reviendrons.

[122]     La situation est encore pire considérant la nature des lieux où la « saisie » a été pratiquée.

[123]     Dans l’arrêt Tabah précité, le juge Cory écrit ce qui suit :

« Cependant, il y a en l'espèce un autre aspect que je considère beaucoup plus important: les documents ont été obtenus grâce à des perquisitions envahissantes de résidences et de locaux commerciaux.

Dans l'arrêt Baron c. Canada, 1993 CanLII 154 (CSC), [1993] 1 R.C.S. 416, à la p. 444, on a reconnu que, si la qualification de mesures comme étant «des mesures de réglementation» ou des «mesures pénales» est utile aux fins de l'analyse fondée sur la Charte, elle ne répond pas complètement à la question.  Ce qu'il faut toujours considérer, ce sont les valeurs qui sont en jeu d'après les faits de l'affaire.  En l'espèce, il est vrai que la perquisition a été effectuée conformément aux dispositions d'une loi de nature réglementaire relative à une activité fort réglementée; toutefois, un tribunal doit tout de même se préoccuper de la nature des perquisitions dans des locaux privés.  De toute évidence, les perquisitions dans des propriétés privées sont beaucoup plus envahissantes qu'une demande de production de documents.  Plus l'intrusion des auteurs de perquisitions dans les locaux d'une entreprise et des résidences privées est grande, plus on devrait accorder de l'importance aux dispositions de l'art. 8 de la Charte.  Donc, même si le droit qu'un particulier a à ce que des documents commerciaux se rapportant à un domaine réglementé soient protégés est relativement minime, il reste qu'il existe un droit très réel et très important à ce que l'inviolabilité des locaux résidentiels et, dans une moindre mesure, des locaux commerciaux soit respectée.  Le juge Wilson reconnaît cela dans l'arrêt McKinlay Transport, précité, à la p. 649: (…) »[67]

(Les emphases sont ajoutées.)

[124]     Les vérificateurs de l’ARQ ont donc outrepassé leurs pouvoirs en agissant comme ils l’ont fait durant la nuit du 12 au 13 juin 2014, en exigeant que Brochu obtempère aux Demandes péremptoires à son lieu de domicile.

[125]     Le Tribunal ne retient pas non plus l’argument soulevé par l’ARQ selon lequel les vérificateurs n’ont pas agi de façon fautive puisqu’ils étaient de bonne foi, ayant obtenu l’avis de conseillers juridiques avant leur intervention.

[126]     Il est vrai que dans le récent arrêt R. c. Paterson, la Cour suprême rappelle que « (…) les tribunaux peuvent tenir compte de l’incertitude juridique lorsqu’ils apprécient la gravité d’une atteinte policière à un droit garanti par la Charte. Lorsque le droit évolue ou qu’il est incertain, et lorsque l’on conclut que les policiers ont agi de bonne foi, sans méconnaissance ou mépris délibéré des droits constitutionnels de l’accusé, la gravité de l’atteinte peut en être atténuée »[68].

[127]     Or, c’est tout le contraire qui est arrivé dans le présent dossier.

[128]     D’une part, le libellé même de l’article 39 de la LAF commande qu’un délai raisonnable soit alloué au contribuable. Toute autre interprétation se heurte au texte de la loi. Il ne peut y avoir d’« incertitude juridique » sur ce point.

[129]     D’autre part, la preuve des conseils juridiques reçus n’a même pas été faite. Il ne s’agit pas de s’immiscer dans une matière relevant du secret professionnel. Mais une personne qui justifie sa conduite par l’obtention de conseils juridiques y renonce implicitement. Or, le Tribunal n’est pas en mesure de déterminer si les vérificateurs se sont réellement comportés en conformité de conseils prodigués par les avocats de l’ARQ. Au contraire, les faits survenus postérieurement démontrent plutôt que les vérificateurs de l’ARQ n’ont pas attendu l’autorisation du contentieux avant d’ouvrir les boîtes mises sous scellés. Ils semblent ainsi peu enclins ou soucieux d’agir en conformité des conseils qui leur sont donnés ni dans le respect des règles établies ou des ententes convenues.

[130]     Enfin, la vérification fiscale s’est déroulée dans un contexte où plusieurs des droits de Brochu ont été bafoués alors que les représentants de l’ARQ ne pouvaient ignorer que leur conduite était abusive et fautive.

[131]     Ils ont agi d’une manière excessive et déraisonnable et ils ont manqué à leur devoir d’agir de bonne foi contrairement aux exigences de l’article 7 du Code civil du Québec et en contravention des droits suivants garantis par la Charte québécoise :

« 1. Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu’à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne.

(…)

4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée.

6. Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.

7. La demeure est inviolable.

8. Nul ne peut pénétrer chez autrui ni y prendre quoi que ce soit sans son consentement exprès ou tacite.

(…)

24.1. Nul ne peut faire l’objet de saisies, perquisitions ou fouilles abusives. »

[132]     Le droit au respect de la vie privée, qui est également consacré à l’article 35 du Code civil du Québec, comprend le droit à l’intimité de la personne et lui assure une protection contre les intrusions[69].

[133]     L’article 36 C.c.Q. énumère certains actes susceptibles de constituer une atteinte à la vie privée :

« 36.     Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d’une personne les actes suivants :

1°   Pénétrer chez elle ou y prendre quoi que ce soit;

2°   Intercepter ou utiliser volontairement une communication privée;

3°   Capter ou utiliser son image ou sa voix lorsqu’elle se trouve dans des lieux privés;

4°   Surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit;

5°   Utiliser son nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l’information légitime du public;

6°   Utiliser sa correspondance, ses manuscrits ou ses autres documents personnels. »

(Les emphases sont ajoutées.)

[134]     Ces droits ont été enfreints par les représentants de l’ARQ.

[135]     Voici pourquoi.

[136]     Premièrement, tel qu’indiqué, la vérification s’est déroulée dans un endroit servant, en partie, de lieu de résidence. Peut-être que les représentants de l’ARQ ignoraient que Brochu pouvait résider au […] avant de s’y rendre, mais cette information leur a été communiquée par ce dernier dès son arrivée. À l’instar des policiers du SPS qui ont cessé leur perquisition dans l’attente d’être autorisés à pénétrer dans un lieu d’habitation, Gauthier et Bastien auraient dû se retirer et accepter la proposition de Brochu de laisser les lieux sous surveillance policière jusqu’au lendemain.

[137]     En effet, l’article 38 de la LAF prévoit expressément que les vérificateurs de l’ARQ ne peuvent pénétrer dans un lieu de résidence sans le consentement de son occupant.

[138]     Les droits de Brochu au respect de sa vie privée (article 5), à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens (article 6), à l’inviolabilité de sa demeure (article 7) et à l’interdiction de pénétrer chez lui ni d’y prendre quoi que ce soit sans son consentement (article 8), prévus par la Charte québécoise, ont donc été enfreints.

[139]     Deuxièmement, la vérification s’est déroulée en pleine nuit. Gauthier[70] ne s’est aucunement soucié des effets que pourrait avoir une telle vérification nocturne sur Brochu et sur sa capacité à consentir et à pouvoir analyser les documents avant leur mise en boîte. Il devait pourtant savoir que ce dernier venait de passer les deux derniers jours hors de son domicile et qu’il vivait manifestement dans un état de stress.

[140]     Or, l’article 40 in fine de la LAF prévoit même expressément qu’une autorisation judiciaire est requise pour perquisitionner un lieu avant 7 h et après 20 h.

[141]     En agissant comme ils l’ont fait en pleine nuit, les représentants de l’ARQ ont porté atteinte au droit à l’intégrité de Brochu prévu par l’article 1 de la Charte québécoise.

[142]     Troisièmement, la vérification s’est même déroulée dans un contexte où Gauthier a manqué de respect envers Brochu dans le but de porter atteinte à sa dignité. Bien que Gauthier soutienne qu’il n’y avait aucun problème puisque Brochu collaborait, il oublie cependant qu’il l’avait menacé de lui imposer des amendes pouvant aller jusqu’à 10 000 $ par demande péremptoire ou même à son emprisonnement s’il refusait de remettre les renseignements et documents requis sur le champ. Si Brochu collaborait, son consentement n’en était pas moins forcé, et non libre et volontaire.

[143]     Gauthier a même demandé à voir des documents notariés que Brochu refusait de lui remettre puisqu’il s’agissait de son mandat en cas d’inaptitude et de son testament. Il a été jusqu’à le narguer en lui disant qu’il accepterait de les consulter si Brochu le désirait puisque l’ARQ pourrait y trouver des informations dignes d’intérêt. Pourtant, l’atmosphère ne se prêtait pas à faire des blagues et une telle remarque ne visait manifestement qu’à humilier Brochu.

[144]     Il y a, dans ce contexte, atteinte au droit à la sauvegarde de la dignité d’une personne et de son honneur prévu par l’article 4 de la Charte québécoise.

[145]     Quatrièmement, pour les motifs exprimés précédemment, la saisie pratiquée durant la nuit du 12 au 13 juin 2014 est abusive et elle va même à l’encontre d’une pratique établie. En effet, le délai raisonnable accordé par le ministre du Revenu est habituellement d’au moins 10 jours et généralement de 30 jours selon Me Larivière. Le recours à une demande péremptoire sans délai est une mesure qui n’a été employée qu’à de très rares occasions durant les quelques 30 années où ce dernier a œuvré au sein du ministère du Revenu. Au surplus, il n’y a aucune preuve qu’une telle mesure a été employée en pleine nuit dans un lieu d’habitation.

[146]     Bastien a d’ailleurs admis qu’habituellement, l’ARQ entreprend une vérification fiscale en communiquant au préalable avec le contribuable. Lorsque la créance est mise en péril, l’ARQ émet des avis de cotisation selon des méthodes alternatives, puis elle procède ensuite à une saisie immédiate des biens avec autorisation judiciaire. Il reconnaît qu’il s’agissait, pour lui, d’un premier cas de demande péremptoire exécutée sans délai et surtout, après 22 h.

[147]     L’ARQ a donc porté atteinte au droit garanti par les articles 8 de la Charte canadienne et 24.1 de la Charte québécoise contre les saisies, perquisitions ou fouilles abusives.

[148]     En résumé, même si l’ARQ a déjà eu recours à des demandes péremptoires sans délai d’exécution dans le passé, cela ne justifie pas, en soi, leur utilisation.

[149]     Les vérificateurs de l’ARQ ne pouvaient raisonnablement croire qu’ils pouvaient exécuter immédiatement les Demandes péremptoires en pleine nuit dans un lieu servant, en partie, de résidence et en bafouant les droits de Brochu. Ils ont agi de façon abusive et ont commis une faute lourde à l’égard du demandeur.

[150]     Le Tribunal tient à souligner que le fait par l’ARQ de procéder à une vérification fiscale des affaires de Brochu n’a rien, en soi, d’abusif considérant son niveau de vie et ses actifs importants en comparaison des revenus qu’il déclare. C’est plutôt le moyen employé par l’ARQ qui pose problème. Le Tribunal n’a pas non plus à décider de la recevabilité en preuve des documents saisis. Il appartiendra aux instances concernées de décider si la preuve obtenue dans des conditions qui enfreignent les droits de Brochu est recevable pour établir les avis de cotisation qui lui ont été transmis.

[151]     La conduite abusive et fautive de l’ARQ et de ses représentants engage inévitablement leur responsabilité civile et il est du devoir du Tribunal de sanctionner une telle conduite.

3.2         Quels sont les dommages subis par le demandeur qui sont en lien direct avec la faute commise par les représentants de l’ARQ?

[152]     Brochu réclame 150 000 $ à titre de dommages pour les « troubles, ennuis et inconvénients » qu’il a subis à la suite de la saisie des documents[71].

[153]     Dans l’affaire Cinar[72], la Cour suprême rappelle que la qualification du préjudice doit être établie en fonction de l’atteinte et non en fonction de la nature du préjudice subi. C’est la violation initiale, plutôt que les conséquences de cette violation, qui sert de fondement pour décider du type de préjudice subi[73].

[154]     Ainsi, dans le cas de Brochu, l’acte fautif de l’ARQ ne consistait pas en une atteinte à son intégrité physique ou psychologique, mais bien en une atteinte à ses biens, avec une incidence de nature psychologique[74]. Il s’agit donc d’un préjudice non pécuniaire découlant d’un préjudice matériel[75]

[155]     Mais encore faut-il que Brochu soit en mesure de prouver son préjudice et que celui-ci soit une suite directe et immédiate des fautes commises par les représentants de l’ARQ pour qu’une condamnation soit prononcée contre cette dernière[76].

[156]     Brochu a témoigné, sans aucune objection de la part de l’ARQ, qu’il a été marqué par les événements qui se sont déroulés à compter du 10 juin 2014, au point où sa personnalité en est devenue changée. À ce sujet, la fille de Brochu a rendu un témoignage sensible, crédible, convaincant et non contredit selon lequel son père a perdu la confiance qu’il possédait jadis, qu’il est devenu « dépressif » et qu’il a aussi, d’une certaine façon, perdu la joie de vivre qui l’habitait. Elle affirme aussi que son père parle constamment de ses problèmes avec le fisc. Le témoignage de la fille corrobore ainsi celui de Brochu.

[157]     Celui-ci a aussi tenté de mettre en preuve qu’il avait eu des problèmes psychologiques, mais l’ARQ s’y est opposé, avec raison, considérant l’absence de toute allégation à ce sujet dans ses procédures et l’absence de communication de tout dossier médical.

[158]     Or, les allégations au sujet de la qualification du préjudice subi et des conséquences de ce préjudice sont effectivement lacunaires.

[159]     Malgré l’invitation maintes fois répétée du Tribunal à modifier sa demande introductive d’instance pour pallier à cette lacune dans la procédure comme le prévoit l’article 268 C.p.c., Brochu, par l’intermédiaire de son procureur, a refusé de le faire, se contentant d’affirmer que les termes « troubles, ennuis et inconvénients » étaient amplement suffisants pour inclure l’ensemble des dommages subis par le demandeur. Il doit assumer les conséquences de ses propres décisions.

[160]     En effet, bien qu’il soit exact qu’une somme peut être octroyée en réclamation du préjudice pour les « troubles, ennuis et inconvénients » subis[77], un tel préjudice réfère habituellement et en pareilles situations aux nombreuses démarches entreprises pour régler un problème et au temps consacré pour le faire en cas d’atteinte à un bien[78].

[161]     Il n’y a aucune allégation dans les procédures de Brochu ni aucune réclamation relative au stress, à la perte de jouissance de la vie et/ou aux souffrances psychologiques pouvant avoir été endurées par celui-ci alors qu’un tel préjudice aurait pu être compensé si Brochu avait accepté l’invitation du Tribunal de modifier ses procédures[79]. Aucun montant ne sera donc accordé à ce sujet[80].

[162]     Il n’y a pas non plus de réclamation en lien avec les honoraires professionnels pouvant avoir été engagés relativement à la saisie pratiquée abusivement durant la nuit du 12 au 13 juin 2014.

[163]     Ceci étant dit, Brochu avait aussi le fardeau de démontrer que ses « troubles, ennuis et inconvénients » auraient pu être évités, n’eût été l’acte fautif. En effet, pour déterminer si les dommages allégués par Brochu sont une conséquence directe de l’erreur fautive des vérificateurs de l’ARQ, la Cour suprême enseigne qu’il faut « (…) envisager la situation abstraction faite de l’erreur, comme si l’erreur n’avait pas eu lieu »[81].

[164]     Car une faute sans conséquence n’entraîne pas la responsabilité de son auteur[82].

[165]     Sur ce point, la preuve démontre que les « troubles, ennuis et inconvénients » subis par Brochu pendant la saisie des documents sont en lien direct avec l’intervention de l’ARQ qui a suivi l’opération menée par le SPS.

[166]     Il n’est toutefois pas possible de compenser Brochu pour le temps consacré après la saisie et les inconvénients et ennuis qui s’en sont suivis puisqu’il aurait, de toute façon, été obligé de colliger les renseignements et les documents exigés si l’ARQ lui avait donné un délai raisonnable pour le faire conformément à l’article 39 de la LAF.

[167]     Encore une fois, le Tribunal tient à rappeler que ce n’est pas la vérification fiscale en soi qui est abusive, mais plutôt le moyen utilisé durant la nuit du 12 au 13 juin 2014 qui est problématique.

[168]     Par ailleurs, il importe de souligner que malgré l’importance des montants saisis par le SPS, Brochu n’a jamais été privé de ses moyens de subsistance et il a toujours été en mesure de faire valoir ses droits.

[169]     Il a même été capable, en moins de trois ans, de reconstituer une réserve importante d’argent (entre 500 000 $ et 800 000 $ selon ses dires) en dépit des revenus qu’il déclare.

[170]     Il possède étrangement une recette pour générer des revenus qui échappe au Tribunal et probablement aussi à l’ARQ. Mais ce litige sera entendu par la Cour du Québec[83].

[171]     Pour ces motifs, le Tribunal arbitre les dommages compensatoires subis par Brochu à la somme de 10 000 $ pour les « troubles, ennuis et inconvénients » subis à la suite de la saisie nocturne abusive pratiquée par les vérificateurs de l’ARQ à son domicile.

3.3         Est-ce que le demandeur a droit aux dommages punitifs qu’il réclame?

[172]     Brochu réclame 1 M $ à l’ARQ à titre de dommages punitifs en invoquant que la conduite de ses vérificateurs est outrageante, préméditée, délibérée et intentionnelle et qu’une telle condamnation est nécessaire pour éviter toute récidive de la part de l’ARQ, ce que nie fortement cette dernière[84].

[173]     En droit québécois, les dommages exemplaires et les dommages punitifs se confondent[85]. L'article 1621 C.c.Q. autorise le Tribunal à attribuer des dommages-intérêts punitifs lorsque la loi le permet :

« 1621. Lorsque la loi prévoit l'attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.

Ils s'apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l'étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers. »

(Les emphases sont ajoutées.)

[174]     L’article 49 de la Charte québécoise prévoit l'octroi de dommages punitifs en cas d'atteinte illicite et intentionnelle à un droit protégé :

« 49.     Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.

En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs. »

[175]     Dans l’affaire Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand[86], la Cour suprême définit ainsi ce qui constitue une atteinte illicite et intentionnelle à un droit protégé :

« 121.   En conséquence, il y aura atteinte illicite et intentionnelle au sens du second alinéa de l’article 49 de la Charte lorsque l’auteur de l’atteinte illicite a un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables, que cette conduite engendrera. Ce critère est moins strict que l’intention particulière, mais dépasse, toutefois, la simple négligence. Ainsi, l’insouciance dont fait preuve un individu quant aux conséquences de ses actes fautifs, si déréglée et téméraire soit-elle, ne satisfera pas, à elle seule, à ce critère. »

(Les emphases sont ajoutées.)

[176]     L’atteinte aux droits garantis par la Charte québécoise est démontrée. Il en est de même quant à l’intention malveillante de commettre un acte illicite dans le but de nuire à Brochu.

[177]     L’ARQ a bien tenté de justifier la façon d’agir de ses vérificateurs par la crainte légitime que Brochu ne fasse disparaître des éléments de preuve. Il s’agit peut-être d’une explication à leur conduite, mais certainement pas d’une justification.

[178]     L’intervention des vérificateurs était intempestive et très peu respectueuse des droits de Brochu. Même si le Tribunal est d’opinion que celui-ci est de moralité douteuse et qu’il ne semble pas trop se préoccuper de ses obligations fiscales envers la société[87], ce n’est pas une raison pour excuser la conduite des représentants de l’ARQ.

[179]     Tout d’abord, il n’y avait aucun risque de destruction de preuve si la vérification fiscale avait été reportée au lendemain matin en acceptant l’offre de Brochu de laisser les lieux sous surveillance policière.

[180]     Ensuite, Gauthier et Bastien étaient des vérificateurs expérimentés[88] et ils auraient dû se rendre compte qu’il était anormal de procéder à une telle vérification fiscale en pleine nuit dans un tel lieu sans obtenir au préalable une autorisation judiciaire.

[181]     Ils ne pouvaient ignorer, sans faire preuve d’aveuglement volontaire, que leur méthode était susceptible de nuire à Brochu.

[182]     L’atteinte illicite et intentionnelle est ainsi prouvée.

[183]     Dès lors, il y a matière à octroyer des dommages punitifs à Brochu.

[184]     La Cour suprême rappelle, dans l’arrêt Richard c. Time inc.[89], les objectifs poursuivis par l’octroi de dommages-intérêts punitifs :

« [155]  L’article 1621 C.c.Q. impose lui-même la prise en compte des objectifs généraux des dommages-intérêts punitifs. En effet, la rédaction de cette disposition confère aux dommages-intérêts punitifs une fonction essentiellement préventive. Suivant cet article, l’octroi de dommages-intérêts punitifs doit toujours conserver pour objectif ultime la prévention de la récidive de comportements non souhaitables. Notre Cour a reconnu que cette fonction préventive est remplie par l’octroi de dommages-intérêts punitifs dans des situations où un individu a adopté un comportement dont il faut prévenir la répétition ou qu’il faut dénoncer, dans les circonstances précises d’une affaire donnée [référence omise]. Lorsque le tribunal choisit de punir, sa décision indique à l’auteur de la faute que son comportement et la répétition de celui-ci auront des conséquences pour lui. Une condamnation à des dommages-intérêts punitifs est fondée d’abord sur le principe de la dissuasion et vise à décourager la répétition d’un comportement semblable, autant par l’individu fautif que dans la société. La condamnation joue ainsi un rôle de dissuasion particulière et générale. Par ailleurs, le principe de la dénonciation peut aussi justifier une condamnation lorsque le juge des faits désire souligner le caractère particulièrement répréhensible de l’acte dans l’opinion de la justice. Cette fonction de dénonciation contribue elle-même à l’efficacité du rôle préventif des dommages-intérêts punitifs. »

(Les emphases sont ajoutées.)

[185]     L’octroi de ces dommages a ainsi pour but de marquer la désapprobation particulière dont la conduite visée fait l’objet. Toutefois, contrairement aux dommages compensatoires, l’indemnité octroyée ne vise pas à réparer un préjudice réel, et ce, qu’il soit pécuniaire ou non[90].

[186]     Brochu devait donc prouver, en plus, que l’octroi de dommages punitifs est nécessaire pour assurer leur fonction préventive et dissuasive[91].

[187]     De l’avis du Tribunal, la nécessité d’octroyer des dommages punitifs pour assurer leur fonction préventive de la part de l’ARQ est également établie pour les raisons suivantes.

[188]     Brochu exploite ses commerces depuis plusieurs années et il a déjà fait l’objet de vérifications fiscales pour les années 2008 à 2010 qui n’ont pas mené à l’émission de nouveaux avis de cotisation[92]. Il a toujours offert sa collaboration aux représentants de l’ARQ. Ce fait aurait dû inciter ces derniers à agir avec discernement et prudence au lieu de procéder à une perquisition nocturne abusive.

[189]     De plus, les vérificateurs de l’ARQ ne peuvent continuer à agir en toute impunité au détriment des droits des contribuables ni à l’encontre des ententes conclues entre ceux-ci et le contentieux de l’ARQ.

[190]     Pourtant, c’est ce qu’ils ont fait à compter du 12 juin 2014 et dans les jours suivants en brisant unilatéralement une entente prise de bonne foi entre les procureurs des deux parties et en ouvrant sans autorisation les boîtes scellées.

[191]     Il faut absolument que les agents de l’ARQ cessent d’agir en pensant que tout leur est permis.

[192]     Brochu justifie le montant réclamé de 1 M $ en fonction de l’importance des sommes saisies par l’ARQ entre les mains du DPCP et il appuie notamment sa réclamation sur l’arrêt Groupe Enico précité au terme duquel la Cour d’appel a maintenu la condamnation de 1 M $ en dommages punitifs contre l’ARQ.

[193]     Dans le présent cas, ce montant de 1 M $ est nettement disproportionné par rapport à la faute commise par les représentants de l’ARQ. Les faits de la présente affaire se distinguent de ceux prouvés dans l’affaire Groupe Enico, notamment en ce que la conduite fautive des représentants de l’ARQ s’est déroulée sur quelques jours seulement et aussi qu’elle n’a pas mené à la perte d’une entreprise ou à la faillite d’un contribuable.

[194]     De plus, le Tribunal doit prendre en considération que Brochu, bien qu’il soit l’alter ego de ses compagnies, n’a pas le droit de se voir accorder des dommages-intérêts punitifs pour la violation des droits fondamentaux de ses entreprises[93].

[195]     Or, Brochu a une forte propension à confondre ses biens et ceux de ses compagnies. À titre d’exemples, il conserve des biens appartenant à ses entreprises dans son loft (ex. les guitares) et il garde son argent personnel et ceux des sociétés dans le même coffre-fort, en affirmant candidement qu’une proportion d’environ 80 % lui appartient personnellement. De plus, il se dit propriétaire de tous les actifs saisis par le SPS alors que la preuve démontre le contraire (nous y reviendrons).

[196]     Il est très peu probable qu’une personne qui gagne des revenus similaires à ceux déclarés durant les années 2010 à 2013 (entre 61 346 $ et 97 244 $[94]) puisse posséder autant d’actifs immobiliers, une voiture de marque Land Rover et surtout plus de 1 M $ en argent comptant au moment de la saisie.

[197]     La valeur des biens litigieux en possession de l’ARQ, soit plus de 1 M $, n’est pas un guide approprié pour établir le montant des dommages punitifs.

[198]     La capacité de payer de l’État, en tant qu’acteur fautif, peut difficilement être remise en question ni être utile aux fins de la détermination des montants qui doivent être accordés. En effet, les moyens quasi illimités de l’État rendent illusoire une dissuasion basée uniquement sur un montant d’argent, aussi élevé soit-il.

[199]     Par contre, les revenus déclarés par un contribuable au fil des années peuvent certainement servir de point de repère pour établir la pénalité appropriée en tenant également compte de toutes les circonstances de l’affaire. Le fait de priver l’État d’une somme équivalant aux revenus déclarés par un contribuable durant une année complète devrait normalement produire les effets nécessaires pour l’inciter à ne pas récidiver.

[200]     Il ne s’agit pas ici d’indemniser davantage les contribuables aux revenus déclarés plus élevés. Mais il faut prendre en considération le fait que les déclarations de revenus des personnes à faibles revenus et des personnes qui déclarent des revenus correspondant à leur niveau de vie sont moins susceptibles d’être vérifiées. Dans ce contexte, il ne faut pas que les dommages punitifs deviennent une prime à l’évitement fiscal.

[201]     Dans tous les cas, le montant doit être assez élevé pour faire comprendre à l’ARQ et ses vérificateurs que « la fin ne justifie pas les moyens » et que contrairement à ce qui prévaut dans le présent dossier, ce ne sont malheureusement pas tous les contribuables québécois qui ont les moyens d’entamer une poursuite contre l’État pour faire valoir leurs droits.

[202]     L’aspect dissuasif et la fonction préventive des dommages punitifs justifient qu’une condamnation de l’ordre de 100 000 $ soit imposée à l’ARQ[95].

[203]     Même si les dommages-intérêts punitifs ont une fonction essentiellement préventive et dissuasive et que les effets du jugement ne se feront sentir que lorsqu’il aura été rendu, il est reconnu que les intérêts sur le montant de la condamnation peuvent courir à compter de l’assignation et inclure l’indemnité additionnelle prévue par l’article 1619 C.c.Q.[96].

3.4         Est-ce que les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la Loi sur l’administration fiscale sont inconstitutionnels?

[204]     Dans sa requête introductive d’instance, Brochu demande que le Tribunal prononce les conclusions suivantes :

« (…)

Déclarer déraisonnables et abusives les différentes perquisitions et saisies effectuées dans le présent dossier;

Déclarer que les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la Loi sur l’administration fiscale sont en violation de la Charte des droits et libertés de la personne et de la Charte canadienne des droits et libertés;

Ordonner que l’article(sic) 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la Loi sur l’administration fiscale soient inapplicables constitutionnellement, inopérants en conséquence de leur inconstitutionnalité ou subsidiairement, interpréter l’application des dispositions législatives en question conformément à la Charte des droits de la personne et de la Charte canadienne des droits et libertés tel que la Loi de l’impôt sur le revenu du fédéral a été rédigée, afin de rendre impossible la saisie en vertu de l’article 15.3 dans le cas de figure d’une opposition ou d’une contestation judiciaire des avis de cotisation par la Défenderesse;

-       Ordonner que les biens saisis ainsi que l’argent saisi soient restitués au Demandeur;

(…) »

(Reproduction littérale.)

[205]     Brochu demande ainsi la restitution des biens saisis, d’une valeur d’environ 1,3 M $, en plaidant l’inconstitutionnalité des articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la LAF et l’illégalité de la saisie en mains tierces.

[206]     De façon subsidiaire, Brochu plaide que le Tribunal devrait interpréter les articles 15.3 et 12.0.2 à la lumière des dispositions fiscales fédérales.

[207]     L’ARQ et la PGQ plaident la validité des articles visés par cette demande et également que la saisie était valide.

[208]     Un bref rappel des faits pertinents à cette demande s’impose.

a)    L’historique des faits

[209]     Le 10 juin 2014, le SPS saisit une grande quantité d’argent et des bijoux en or dans les circonstances décrites précédemment. Ces biens sont d’abord entreposés dans la salle des pièces à conviction du SPS puis l’argent est éventuellement déposé dans un compte bancaire sous la responsabilité du DPCP. Les bijoux en or sont éventuellement fondus puis pesés[97].

[210]     Vers le 30 septembre 2014, l’ARQ dépose une « Requête en vue d’obtenir la permission d’examiner des choses détenues à la suite d’une saisie » en conformité de l’article 490 (15) du Code criminel[98]. Cette requête est accueillie le 1er octobre 2014 par le juge Chapdelaine de la Cour du Québec[99]. Brochu est présent lors de cette audition et il est accompagné de Me Dussault.

[211]     Le 16 décembre 2014, l’ARQ émet des avis de cotisation à Brochu en vertu de la Loi sur les impôts (pour un montant de 1 314 620,78 $[100]) et, le 19 décembre 2014, à la compagnie 9024-5127 Québec inc. (pour un montant de 640 972,00 $[101]).

[212]     Dans l’intervalle, soit le 17 décembre 2014, l’ARQ transmet au SPS un avis relatif à une saisie en mains tierces en application, entre autres, de l’article 15.3 de la LAF[102]. Cet avis enjoint le SPS de verser au ministre du Revenu toute somme qu’il pourrait être tenu de restituer au débiteur fiscal Brochu jusqu’à concurrence d’un montant de 1 277 835,91 $ en sus des intérêts courant à compter du 18 décembre 2014.

[213]     Brochu produit ses avis d’opposition vers le 12 mars 2015[103]. Le dossier est en appel devant la Cour du Québec[104].

[214]     Brochu est mis en accusation le 14 mai 2015 pour entrave et possession illégale d’armes à feu. Aucune accusation de recel n’est déposée contre lui.

[215]     Puis, l’ARQ dépose une « Requête ex parte pour permission d’exécuter avant l’expiration des délais et autres mesures conservatoires » datée du 20 mai 2015, notamment fondée sur l’article 17.0.1 de la LAF[105]. La requête vise seulement la compagnie 9024-5127 Québec inc. (« 9024 »).

[216]     Le 21 mai 2015, la juge Samoisette de notre Cour rend une ordonnance ex parte autorisant notamment l’huissier instrumentant mandaté par l’ARQ à saisir la quantité totale de « scrap gold approximativement de 21,5 kilogrammes » en possession du SPS[106]. Seule 9024 est visée par ce jugement. Brochu n’est pas partie aux procédures et le dossier ne révèle pas qu’il a attaqué ce jugement ou tenté une mise en cause forcée pour faire valoir ses droits à l’égard de l’or saisi.

[217]     Le 9 juin 2015, le juge Chapdelaine ordonne, en application de l’article 490 (5) du Code criminel, la remise des biens saisis (à l’exception de certains d’entre eux dûment identifiés) considérant la déclaration du poursuivant à l’effet que les biens décrits ne seront pas requis ultérieurement dans l’instance judiciaire et qu’ils doivent être remis à leur possesseur, en l’occurrence Brochu[107].

[218]     Le DPCP remet plutôt les sommes à l’ARQ en vertu de l’avis du ministre du Revenu daté du 17 décembre 2014[108].

[219]     Le 18 juin 2015, l’ARQ saisit l’or[109].

[220]     Le 22 juin 2015, l’ARQ et 9024 concluent une transaction portant notamment sur la « scrap gold » et l’engagement de l’ARQ de ne pas procéder à d’autres mesures de recouvrement pendant l’instance de contestation des cotisations[110]. Le document transactionnel fait référence au fait que « (…) les prétentions de Monsieur Sylvain Brochu sont à l’effet qu’il est le propriétaire de la scrap gold »[111].

[221]     Le 6 septembre 2016, le juge Ouellet de notre Cour rend un jugement autorisant l’huissier instrumentant à vendre l’or saisi[112]. Encore une fois, seule 9024 est visée par ce jugement et Brochu n’intervient pas personnellement au litige à l’égard de l’or saisi.

[222]     Le 19 octobre 2016, une autre entente intervient, cette fois entre l’ARQ, Brochu et 9024[113]. Les parties impliquées conviennent, entre autres, de permettre à 9024 d’acheter la totalité de l’or saisi aux mêmes conditions que la Société Échange Trilogy inc. qui la détient. Il est prévu que le paiement doit se faire en « argent liquide » pour une somme de 215 323,36 $[114].

[223]     Brochu se rend ensuite à Québec pour payer la somme prévue en argent comptant afin de récupérer l’or.

[224]     C’est dans ce contexte que Brochu demande de déclarer inconstitutionnelles les dispositions législatives qui ont permis à l’ARQ de saisir en mains tierces l’argent et la valeur de l’or initialement saisis par le SPS.

b)   Le droit applicable et l’analyse

[225]     Il importe à ce stade-ci de bien comprendre que la saisie initiale de l’argent et des bijoux en or a été faite par le SPS et que celle-ci n’a jamais été attaquée par Brochu ni invalidée par un tribunal. C’est plutôt la saisie en mains tierces des actifs en possession du DPCP, pratiquée en vertu de l’article 15.3 de la LAF, qui est remise en question par Brochu.

[226]     La saisie visée par cet article 15.3 ne concerne pas non plus les documents obtenus illégalement par l’ARQ au domicile de Brochu.

[227]     Avant d’aborder la question constitutionnelle, le Tribunal tient à préciser que Brochu, en tant que possesseur de la plupart des biens saisis, a certainement l’intérêt requis pour présenter la demande d’inconstitutionnalité en vertu de l’article 52 de la Charte canadienne[115]. Cependant, son intérêt est limité quant à la demande visant la restitution des biens.

[228]     En effet, selon l’article 928 C.c.Q., le possesseur est présumé être le titulaire du droit réel qu’il exerce et il appartenait à l’ARQ de contester cette qualité, l’absence de titre ou le vice de possession ou de titre de Brochu à l’égard des sommes saisies. Or, cette preuve a été faite, du moins en partie.

[229]     D’une part, Brochu n’a aucun intérêt légal pour demander la restitution de la valeur des bijoux en or saisis (soit 215 323,36 $) puisque les documents transactionnels indiquent que ceux-ci appartiennent à 9024. Brochu confond encore une fois ses biens avec ceux de cette entreprise et il appartenait à cette dernière de faire valoir ses droits.

[230]     D’autre part, selon un document qu’il a lui-même produit, Brochu reconnaît qu’une partie seulement de l’argent comptant pouvait lui appartenir, soit 790 963 $[116].

[231]     Ainsi, dans l’éventualité où la demande visant la restitution des biens était accueillie, l’ordonnance devrait être limitée à cette somme de 790 963 $ puisque Brochu ne peut plaider pour autrui.

[232]     Les deux parties ont soumis des arguments écrits concernant la validité constitutionnelle des dispositions législatives en cause et, avec respect pour l’opinion exprimée par Brochu, le Tribunal est majoritairement en accord avec celle de l’ARQ et de la PGQ[117].

[233]     Cernons d’abord le cadre législatif applicable et ensuite les arguments soulevés par les parties quant à la validité de l’article 15.3 de la LAF.

i)         La LAF

[234]     Cette loi contient un ensemble de règles propres au ministre du Revenu relatives aux vérifications et perceptions fiscales. Elle impose des normes, tant au ministre qu’aux contribuables et elle encadre l’exercice des droits et recours de chacun dans ce domaine. Elle forme, avec la Loi sur les impôts et la Loi sur la taxe de vente du Québec[118], un cadre juridique complémentaire.

[235]     Les dispositions législatives attaquées par Brochu portent sur la suspension des mesures de recouvrement en cas d’opposition ou d’appel des avis de cotisation émis pour des montants dus en vertu de la Loi sur les impôts.

[236]     Rappelons qu’avant juin 2000, le régime fiscal québécois ne prévoyait même pas la suspension des mesures de recouvrement lorsqu’un contribuable était en opposition ou en appel d’un avis de cotisation.

[237]     La Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu concernant la suspension des mesures de recouvrement, sanctionnée le 16 juin 2000[119], est cependant venue changer la situation.

[238]     L’article 12.0.2 a été ajouté à la Loi sur le ministère du Revenu[120] et il prévoyait, ce qui suit à l’époque :

« Suspension des mesures de recouvrement d'un montant impayé.

« 12.0.2.  Le ministre ne peut, à l’égard d’un montant impayé, avant l’expiration du 90e jour suivant la date de mise à la poste d’une cotisation émise en application des articles 220.2 à 220.13 de la Loi sur la fiscalité municipale (chapitre F-2.1), d’une cotisation ou d’une détermination émise en application de la Loi sur les impôts, d’une cotisation relative à un montant à payer en vertu de l’un des articles 34.1.1 et 37.6 de la Loi sur la Régie de l’assurance maladie du Québec (chapitre R-5), d’une cotisation émise en application des articles 358 à 360 de la Loi sur la taxe de vente du Québec (chapitre T-0.1), d’une imposition émise en application de la Loi sur le régime de rentes du Québec (chapitre R-9) lorsque le particulier est tenu d’acquitter le montant autrement qu’à titre d’employeur, d’une cotisation émise en vertu de la Loi sur l’assurance parentale (2001, chapitre 9) autrement qu’à titre d’employeur, ou d’une décision rendue en application de la Loi sur le remboursement d’impôts fonciers (chapitre R-20.1): 

  a)    entamer une poursuite devant un tribunal; 

  b)    délivrer un certificat en vertu de l’article 13; 

  c)    exiger qu’une personne fasse un versement en vertu des articles 15 à 15.3; 

  d)    émettre un certificat et prescrire une saisie en vertu de l’article 16; 

  e)    ordonner que le montant dû, les intérêts et les pénalités soient payés immédiatement sur cotisation tel que prévu au premier alinéa de l'article 27.0.2; 

  f)    affecter un remboursement auquel une personne a droit, au paiement de ce montant, conformément au premier alinéa de l’article 31; 

  g)    affecter un montant payable par un organisme public auquel une personne a droit, au paiement de ce montant, en vertu du premier alinéa de l’article 31.1.1; 

  h)    inscrire une hypothèque légale à l’égard de ce montant. 

 

Grande société.

  Lorsque le débiteur est une grande société, le présent article ne s’applique qu’à la moitié du montant impayé. 

Application.

  Le présent article ne s’applique pas: 

  a)    à une cotisation émise relativement à l’impôt à payer en application de l’article 26 de la Loi sur les impôts à l’égard de l’aliénation d’un bien québécois imposable; 

  b)    aux montants qu’une personne est tenue d’acquitter à titre de mandataire du ministre; 

  c)    aux pénalités payables pour défaut de remettre ou de payer un montant visé aux paragraphes a et b du présent alinéa; 

  d)    aux intérêts payables sur l’un des montants visés aux paragraphes a à c du présent alinéa. 

2000, c. 36, a. 3 ;D. 1046-2000 ;2001, c. 52, a. 5; [Cet article sera modifié par l'article 131 du chapitre 9 des lois de 2001, lors de son entrée en vigueur à la date fixée par le gouvernement: 2001, c. 9, a. 154.] . »

(Les emphases sont ajoutées.)

[239]     L’article 12.0.2 al. 1 c) imposait donc la suspension des mesures de recouvrement même à l’égard de sommes visées par la situation prévue par l’article 15.3.

[240]     Cet article prévoit ce qui suit :

« 15.3   Lorsque des sommes appartenant à une personne redevable d’un montant exigible en vertu d’une loi fiscale ont été saisies conformément à la loi par un agent de la paix aux fins de l’application du droit criminel et qu’elles doivent être restituées, le ministre peut, par avis signifié ou notifié par poste recommandée, exiger de la personne qui détient ces sommes qu’elle lui verse, à l’acquit de la personne redevable d’un montant exigible en vertu d’une loi fiscale, tout ou partie des sommes autrement restituables et ce, au moment où celles-ci doivent être restituées. »

(Les emphases sont ajoutées.)

[241]     En conséquence, un contribuable pouvait, à l’époque, reprendre possession des sommes qui devaient lui être restituées par un agent de la paix sans possibilité pour le ministre du Revenu de les saisir, et ce, tant qu’il y avait opposition ou appel des avis de cotisation émis en vertu de la Loi sur les impôts.

[242]     Mais cet alinéa 1 c) de l’article 12.0.2 a été modifié en décembre 2001 afin d’enlever toute référence à l’article 15.3[121]. Ce même alinéa 1 c) a de nouveau été modifié l’année suivante, sans toutefois que le législateur n’y altère la suppression de toute référence à l’article 15.3[122].

[243]     Ainsi, le législateur a choisi, en 2001, de permettre au ministre de Revenu d’exiger qu’une personne fasse un versement en vertu de l’article 15.3, et ce, même lorsqu’un avis de cotisation est visé par une opposition ou un appel.

[244]     L’article 15.3 de la LAF est essentiellement une mesure permettant au ministre du Revenu, en certaines circonstances, de procéder à une saisie administrative en mains tierces des sommes initialement saisies par un agent de la paix en application du droit criminel lorsque celles-ci doivent être restituées à leur possesseur ou à leur propriétaire légitime[123].

[245]     Ceci étant dit, les parties diffèrent diamétralement d’opinion au sujet des règles applicables en matière d’exigibilité des montants dus au fisc.

[246]     Selon Brochu, dès que le montant impayé est visé par un avis de cotisation émis en vertu de la Loi sur les impôts et qu’il y a dépôt d’une opposition ou d’un appel, la règle demeure la suspension des mesures de recouvrement en vertu de l’article 12.0.2 de la LAF, sous réserve des cas exceptionnels bien définis, qui donneraient ouverture à une saisie judiciaire autorisée par un juge en vertu de l’article 17.0.1 de la LAF lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que le recouvrement pourrait être compromis.

[247]     L’ARQ réplique que l’exigibilité des sommes demeure toujours la règle tandis que la suspension des mesures de recouvrement en est l’exception[124].

[248]     Il est vrai qu’en matière fiscale, le nombre d’exceptions prévues dans la loi peut, en pratique, atténuer la portée d’une règle. Mais avec respect pour l’opinion contraire, ce débat sémantique soulevé par les parties ne permet pas de résoudre le litige, d’autant plus que peu importe le chemin emprunté, on en arrive au même résultat.

[249]     L’article 27.0.1 de la LAF prévoit que les montants impayés sont payables dès l’envoi d’un avis de cotisation. Cet article se lit ainsi :

            « 27.0.1 Lorsqu’un avis de cotisation est envoyé à une personne, les droits, intérêts et pénalités mentionnés sur cet avis et encore impayés sont payables sans délai au ministre dès cet envoi, même si la cotisation fait l’objet d’une opposition, d’un appel ou d’un appel sommaire. »

[250]     L’exigibilité des sommes est donc la règle générale.

[251]     La LAF prévoit cependant des cas d’exception en matière de recouvrement de sommes dues en vertu de la Loi sur les impôts. Ces exceptions sont prévues aux articles 12.0.2 et 12.0.3 qui sont ainsi rédigés dans leur version actuelle :

           « Suspension des mesures de recouvrement d’un montant impayé.

 

           12.0.2   Le ministre ne peut, à l’égard d’un montant impayé, avant l’expiration du quatre-vingt-dixième jour suivant la date de l’envoi d’une cotisation émise en application des articles 220.2 à 220.13 de la Loi sur la fiscalité municipale (chapitre F-2.1), d’une cotisation émise en application de la Loi sur l’impôt minier (chapitre I-0.4), d’une cotisation ou d’une détermination émise en application de la Loi sur les impôts (chapitre I-3), d’une cotisation émise en application de l’article 85 de la Loi sur la publicité légale des entreprises (chapitre P-44.1), d’une cotisation relative à un montant à payer en vertu de l’un des articles 34.1.1, 37.6 et 37.17 de la Loi sur la Régie de l’assurance maladie du Québec (chapitre R-5), d’une cotisation relative à une contribution additionnelle à payer en vertu de l’article 88.2 de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance (chapitre S-4.1.1), d’une cotisation émise en application des articles 358 à 360 de la Loi sur la taxe de vente du Québec (chapitre T-0.1), d’une imposition émise en application de la Loi sur le régime de rentes du Québec (chapitre R-9) lorsque le particulier est tenu d’acquitter le montant autrement qu’à titre d’employeur, d’une cotisation émise en vertu de la Loi sur l’assurance parentale (chapitre A-29.011) autrement qu’à titre d’employeur, ou d’une décision rendue en application de la Loi sur le remboursement d’impôts fonciers (chapitre R-20.1) :

 

a)   entamer une poursuite devant un tribunal;
b)   délivrer un certificat en vertu de l’article 13;
c)   exiger qu’une personne fasse un versement en vertu des articles 15 et 15.2;
d)   (paragraphe abrogé);
e)   (paragraphe abrogé);
f)    (paragraphe abrogé);
g)   (paragraphe abrogé);
h)   inscrire une hypothèque légale à l’égard de ce montant.

            Cas particuliers.

 

            Le présent article ne s’applique qu’à la moitié du montant impayé dans les situations suivantes :


a)   lorsque le débiteur est une grande société;

            b)   lorsque le montant impayé se rapporte à un montant qui a été déduit en vertu de l’un des articles 710 et 752.0.10.6 à 752.0.10.6.2 de la Loi sur les impôts et qui a été demandé à l’égard d’un abri fiscal, au sens que donne à cette expression l’article 1079.1 de cette loi. 

            Application.

Le présent article ne s’applique pas :

 

a)   à une cotisation émise relativement à l’impôt à payer en application de l’article 26 de la Loi sur les impôts à l’égard de l’aliénation d’un bien québécois imposable;

 

b)   aux montants qu’une personne est tenue d’acquitter à titre de mandataire du ministre;

 

c)   aux pénalités payables pour défaut de remettre ou de payer un montant visé aux paragraphes a et b du présent alinéa;

 

d)   aux intérêts payables sur l’un des montants visés aux paragraphes a à c du présent alinéa.

 

Suspension des mesures de recouvrement en cas d’opposition ou d’appel.

12.0.3.  Le ministre ne peut, à l’égard d’un montant qui fait l’objet d’une opposition, d’un appel ou d’un appel sommaire, durant la période au cours de laquelle la cotisation, la détermination, l’imposition ou la décision visée à l’article 12.0.2. fait l’objet d’une opposition, d’un appel ou d’un appel sommaire, et pendant le délai pour interjeter de tels appels:

a)   prendre les mesures mentionnées au premier alinéa de l’article 12.0.2;

b)   affecter un remboursement auquel une personne a droit, au paiement de ce montant, conformément au premier alinéa de l’article 31;

c)   affecter un montant payable par un organisme public auquel une personne a droit, au paiement de ce montant, en vertu du premier alinéa de l’article 31.1.1.

Le présent article ne s’applique qu’à la moitié du montant en litige dans les situations suivantes:

a)   lorsque le débiteur est une grande société;

b)   lorsque le montant en litige se rapporte à un montant qui a été déduit en vertu de l’un des articles 710 et 752.0.10.6 à 752.0.10.6.2 de la Loi sur les impôts (chapitre I-3)) et qui a été demandé à l’égard d’un abri fiscal, au sens que donne à cette expression l’article 1079.1 de cette loi. »

(Les emphases sont ajoutées.)

[252]     Ainsi, dans les cas visés par l’article 12.0.2, la règle est inversée et devient la suspension des mesures de recouvrement, sous réserve de certaines exceptions. D’ailleurs, lors de l’adoption des amendements à cet article de la LAF en décembre 2001, le ministre de l’époque déclarait que l’article 12.0.2 prévoyait des cas de « (…) dérogation à la suspension des mesures de recouvrement »[125].

[253]     Selon le premier alinéa de l’article 12.0.2, le ministre doit attendre un délai de 90 jours avant d’entreprendre des mesures de recouvrement pour les cas qui y sont énumérés. Ce délai correspond au délai du contribuable pour déposer un avis d’opposition à l’encontre de son avis de cotisation[126]. Dans la même logique, l’article 12.0.3 prévoit le maintien de la suspension des mesures de recouvrement lorsque le montant exigible fait l’objet d’une opposition ou d’un appel.

[254]     Retenons que Brochu n’est pas visé par les cas mentionnés au second alinéa de l’article 12.0.2 de la LAF.

[255]     Quant aux exclusions prévues au troisième alinéa, elles ne sont pas non plus applicables à la situation de Brochu. En effet, la mesure de recouvrement utilisée par le ministre du Revenu ne vise pas à percevoir les « montants qu’une personne est tenue d’acquitter à titre de mandataire du ministre » (par exemple la taxe de vente du Québec), mais plutôt des montants impayés à la suite d’une cotisation ou d’une détermination émise en application de la Loi sur les impôts.

[256]     Étant donné que l’article 15.3 de la LAF ne fait pas partie des exceptions justifiant une suspension des mesures de recouvrement prévues aux sous-alinéas a) à h) de l’article 12.0.2 al. 1, l’ARQ pouvait pratiquer une saisie en mains tierces en vertu de l’article 15.3 puisque la règle générale de l’article 27.0.1 de la LAF s’applique.

[257]     Ainsi, bien que le ministre du Revenu ne pouvait entamer une poursuite devant un tribunal contre Brochu à l’égard des montants impayés avant l’expiration du délai de 90 jours suivant la date d’envoi des avis de cotisation émis en application de la Loi sur les impôts, ni durant l’instance en appel, la LAF lui donnait le pouvoir de saisir, entre les mains du DPCP, les sommes qui devaient être restituées à Brochu à la suite de l’ordonnance rendue par le juge Chapdelaine de la Cour du Québec.

[258]     C’est dans ce contexte que Brochu plaide que l’article 15.3 est discriminatoire et inconstitutionnel puisqu’il ne s’applique qu’à des personnes accusées qui font l’objet d’avis de cotisation, ce qui porterait principalement atteinte au droit à la présomption d’innocence, au droit à l’égalité et au droit de ne pas être discriminé en raison de sa condition sociale.

[259]     Le Tribunal n’est pas de cet avis pour les raisons qui suivent.

ii)        Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne (article 7 de la Charte canadienne et article 1 de la Charte québécoise) :

[260]     En dépit de ce qu’allègue Brochu aux paragraphes 90 à 96 de la requête introductive d’instance, le recours au mécanisme de saisie en mains tierces prévu à l’article 15.3 de la LAF ne porte pas atteinte aux droits prévus par l’article 7 de la Charte canadienne[127] et par l’article 1 de la Charte québécoise.

[261]     D’ailleurs, Brochu n’a pas repris ce motif dans son argumentation écrite initiale et il y renonce expressément dans la réplique écrite qu’il a produite[128].

[262]     Ce moyen aurait été rejeté de toute façon. En effet, le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne englobe les choix fondamentaux qu’une personne peut faire dans sa vie, et non des intérêts purement économiques[129].

[263]     Brochu devait d’abord prouver une atteinte à l’un des droits prévus par ces articles[130], préciser en quoi l’atteinte au droit identifié ne serait pas conforme à un principe de justice fondamentale[131] et faire ensuite la preuve d’un fondement factuel suffisant permettant de débattre de ces questions[132].

[264]     Or, cette preuve n’a pas été faite.

[265]     Les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 ne portent pas atteinte aux droits garantis par l’article 7 de la Charte canadienne et par l’article 1 de la Charte québécoise.

iii)       Le droit contre les saisies et les fouilles abusives (article 8 de la Charte canadienne et article 24.1 de la Charte québécoise) :

[266]     Référant à l’arrêt McKinlay[133], Brochu plaide qu’une saisie en mains tierces pratiquée en application de l’article 15.3 est une saisie au sens de l’article 8 de la Charte canadienne. Il ajoute qu’étant faite sans autorisation judiciaire, une telle saisie est prima facie abusive selon l’arrêt Hunter c. Southam inc.[134].

[267]     Puisque l’interaction entre les articles 15.3 et 12.0.2 de la LAF fait en sorte que le législateur le prive d’un droit en raison de son « statut de personne accusée au niveau criminel », Brochu soutient que la saisie est en conséquence abusive au sens de l’article 8 de la Charte canadienne[135].

[268]     Enfin, il avance que l’article 15.3 doit être interprété conformément aux dispositions de la Charte canadienne, qu’il doit recevoir une application restrictive et que l’application de cet article, en cas d’opposition à une cotisation en matière d’impôt, est nécessairement une application abusive.

[269]     À ce sujet, il réfère le Tribunal à l’extrait suivant d’un jugement rendu par la Cour du banc de la Reine en Saskatchewan dans l’affaire R. v. Murray[136] :

« [16]    Section 224.3 provides CCRA with an extraordinary remedy for the collection of outstanding taxes. It should not be interpreted so as to defeat the competing statutory right of an accused with no other resources to apply to the court to use the seized moneys in furtherance of his or her Charter right to be presumed innocent, to retain and instruct counsel and to make full answer and defence. As stated by the Ontario Court of Appeal in Wilson, supra, the need of an accused to access seized funds to obtain the assistance of counsel “has a constitutional underpinning, and must be given due weight.” (p.479 at e) »

[270]     Or, cette décision n’est d’aucune utilité pour décider de l’argument soulevé par Brochu. L’affaire R. v. Murray traite plutôt d’une requête présentée en vertu de l’article 462.34 du Code criminel par une personne qui voulait récupérer une partie de l’argent saisi par les policiers afin de pouvoir payer ses frais d’avocats pour se défendre aux accusations portées contre elle. Le juge Pritchard a rejeté l’opposition du ministère du Revenu qui désirait saisir l’argent puisque les sommes visées n’étaient pas « restituables » au sens de l’article 224.3 (1) de la LIR[137]. Il n’y est nullement question que l’application de cet article puisse constituer une saisie abusive.

[271]     L'analyse relative à l'article 8 de la Charte canadienne doit se faire en deux étapes. Tout d’abord, il faut se demander si la saisie des sommes d’argent en mains tierces constitue ou non une fouille, perquisition ou saisie au sens de cette disposition. Dans l'affirmative, il faudra passer à la seconde étape, soit celle de savoir si une telle fouille, perquisition ou saisie est ou non abusive[138].

[272]     À la première étape de l'analyse, la personne doit démontrer une atteinte à une expectative raisonnable de vie privée à l’égard des biens en cause[139]. Ainsi, la saisie pratiquée en vertu de l'article 15.3 de la LAF constituerait une fouille, perquisition ou saisie si Brochu dispose d’une expectative raisonnable de vie privée à l'égard de l’or et des sommes d’argent qui ont été confisqués et qui étaient en possession du DPCP[140].

[273]     Cette preuve n’a pas été faite.

[274]     Premièrement, pour les mêmes raisons que celles mentionnées précédemment au sujet de l’article 7 de la Charte canadienne, l’argument soulevé par Brochu relativement à une violation de l’article 8 doit être rejeté puisqu’il ne précise pas, dans sa requête introductive d’instance, en quoi l’article 15.3 de la LAF porterait atteinte à une expectative raisonnable de vie privée ni en quoi une telle atteinte serait abusive.

[275]     Deuxièmement, à plusieurs reprises, les tribunaux ont conclu que la confiscation de biens se trouvant en mains tierces ne constitue pas une atteinte à une expectative raisonnable de vie privée étant donné que l’article 8 de la Charte canadienne ne protège pas le droit de propriété[141].

[276]     En l’absence d’expectative raisonnable de vie privée à l’égard des biens saisis en possession du DPCP, cet article 8 ne peut trouver application et l’exigence d’une autorisation judiciaire préalable énoncée dans l’arrêt Hunter c. Southam précité ne saurait entrer en jeu.

[277]     Le même raisonnement s’applique en ce qui concerne l’article 24.1 de la Charte québécoise.

iv)      Le droit à la présomption d’innocence (article 11 d) de la Charte canadienne et article 33 de la Charte québécoise) :

[278]     Brochu plaide que « l’effet combiné des articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la LAF viole la présomption d’innocence puisque le législateur considère qu’une personne qui a fait l’objet d’une saisie en application du droit criminel, sans avoir été reconnue coupable, n’a plus les mêmes droits qu’une autre personne dans la même situation »[142].

[279]     Cet argument ne peut être retenu.

[280]     L’article 11 de la Charte canadienne confère certaines protections, dont la présomption d’innocence, à une personne « inculpée » d’une infraction criminelle ou pénale. Tel est le cas si la personne visée fait l’objet d’une procédure criminelle par sa nature même ou encore lorsqu’elle encourt une véritable conséquence pénale[143].

[281]     Il va sans dire qu’une saisie administrative pratiquée en mains tierces, en vertu de l’article 15.3 de la LAF, n’a rien d’une procédure de nature criminelle. Il n’y a aucune inculpation et la confiscation en mains tierces ne constitue pas une « sanction » de sorte qu’il ne s’agit pas d’une conséquence pénale. La contrainte qu’elle entraîne n’est aucunement « punitive »[144].

[282]     Tout comme la cotisation fiscale, il s’agit plutôt d’une mesure administrative de recouvrement d’une « somme appartenant à une personne redevable d’un montant exigible en vertu d’une loi fiscale », comme le précise la disposition.

[283]     En soi, le libellé de l’article 15.3 de la LAF suggère même que la personne a été acquittée de l’infraction criminelle ou qu’elle est un tiers possesseur qui est toutefois débiteur fiscal ou encore que les sommes saisies n’ont aucun lien avec l’infraction commise puisqu’il y est question de « sommes autrement restituables ».

[284]     Autrement dit, si une personne est trouvée coupable d’une infraction criminelle en lien avec un bien illégalement obtenu, dont les sommes saisies, celles-ci ne seraient pas « autrement restituables » au sens de l’article 15.3 puisqu’elles pourraient être confisquées en vertu des dispositions du Code criminel à titre notamment de produits de la criminalité ou de biens infractionnels[145].

[285]     Dans le cas de Brochu, la Cour du Québec a ordonné la restitution de certains des biens saisis parce qu’ils n’étaient pas requis pour faire la preuve de l’entrave ou de la possession illégale des armes à feu. Rappelons qu’il n’y a eu aucune accusation de recel déposée contre Brochu. C’est pour ce motif que les sommes lui étaient « restituables ».

[286]     Ainsi, une saisie en mains tierces pratiquée en vertu de l’article 15.3 de la LAF ne fait pas intervenir les mesures de protection de l’article 11 de la Charte canadienne qui ne protège pas les biens d’une personne[146].

[287]     La mesure entreprise par l’ARQ n’a rien à voir avec la culpabilité ou l’innocence de Brochu en tant que possesseur des sommes saisies. Une telle saisie des sommes qui devraient être appliquées, du moins en partie, sur la dette fiscale du demandeur ne stigmatise personne[147]. Elle n’a pas pour but de le punir de quoi que ce soit. Elle vise simplement à s’assurer que Brochu paie ses dettes fiscales comme n’importe quel autre contribuable.

[288]     Il n’est donc pas question de droit à la présomption d’innocence dans ce contexte ni d’atteinte à ce droit de la part de l’ARQ.

v)        Le droit à l’égalité (article 15 (1) de la Charte canadienne) :

[289]     Il s’agit d’un des principaux motifs soulevés par Brochu pour justifier l’inconstitutionnalité des articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la LAF.

[290]     Il plaide que ces articles contreviennent au droit protégé par l’article 15 de la Charte canadienne puisqu’ils violeraient son droit à l’égalité sur la base d’un « motif analogue », soit celui de « personne accusée au niveau criminel ayant subi une saisie »[148].

[291]     En résumé, Brochu plaide que « cette mesure législative repose sur un stéréotype visant directement les personnes accusées d’infractions criminelles ou ayant subi une arrestation ou ayant subi une saisie en matière criminelle, car aucune disposition de la Loi sur l’administration fiscale ne requiert qu’il y ait un lien entre les accusations et procédures en matière criminelle et pénale et l’objet de la cotisation fiscale du contribuable »[149].

[292]     Rappelons que l'objectif général de cet article 15 consiste à corriger ou empêcher la discrimination contre des groupes victimes de stéréotypes, de désavantages historiques ou de préjugés politiques ou sociaux dans la société canadienne[150].

[293]     Afin de démontrer une atteinte au droit à l’égalité prévu à l’article 15 (1) de la Charte canadienne, Brochu devait prouver les deux éléments suivants :

            a)   que la LAF établit une différence de traitement fondée sur un motif énuméré au paragraphe 15 (1) de la Charte canadienne ou sur un motif analogue et;

            b)   que la différence de traitement crée un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de stéréotypes dont les membres du groupe auquel il fait partie sont victimes de discrimination en raison de caractéristiques personnelles décrites dont les motifs énumérés ou analogues[151].

[294]     Dans l’affirmative, il faut ensuite analyser si la justification de cette violation peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique, au sens de l’article premier de la Charte[152].

[295]     L’article 15 (1) de la Charte canadienne n’a pas pour objet d’empêcher toute forme de distinction entre des personnes ou des groupes. Il n’oblige pas l’État à procurer à tous les individus les mêmes avantages, telle la suspension des mesures de recouvrement[153].

[296]     Une différence de traitement ne fait intervenir le droit garanti par l’article 15 (1) que lorsqu’elle est réellement discriminatoire[154].

[297]     Or, le corpus législatif fiscal québécois établit, en soi, des distinctions pour toutes sortes de situations ou même selon le statut des personnes visées. Toute différence de traitement ne produira pas forcément une inégalité et, à l’inverse, un traitement identique peut aussi engendrer de graves inégalités.

[298]     Il appartient au législateur de faire un choix pourvu que ce choix ait un lien raisonnable et rationnel avec l’objectif législatif poursuivi[155].

[299]     Le choix qu’a fait le législateur en adoptant l’article 15.3 de la LAF et en modifiant l’article 12.0.2 en décembre 2001 afin de l’exclure des cas de suspension des mesures de recouvrement n’est pas discriminatoire puisqu’il n’établit pas de distinction de traitement sur la base d’un motif énuméré par l’article 15 de la Charte canadienne, soit la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques d’une personne.

[300]     L’article de la LAF s’applique indistinctement à tous. Dans ce contexte, il faut plutôt déterminer si le statut de « personne accusée au niveau criminel ayant subi une saisie » allégué par Brochu peut constituer un « motif analogue ».

[301]     Dans l’arrêt Corbiere[156], la Cour suprême écrit ce qui suit au sujet de ce qui peut constituer un « motif analogue » :

« 13.     En conséquence, quels sont les critères qui permettent de qualifier d’analogue un motif de distinction?  La réponse est évidente, il s’agit de chercher des motifs de distinction analogues ou semblables aux motifs énumérés à l’art. 15 — la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.  Il nous semble que le point commun entre ces motifs est le fait qu’ils sont souvent à la base de décisions stéréotypées, fondées non pas sur le mérite de l’individu, mais plutôt sur une caractéristique personnelle qui est soit immuable, soit modifiable uniquement à un prix inacceptable du point de vue de l’identité personnelle.  Ce fait tend à indiquer que l’objet de l’identification de motifs analogues à la deuxième étape de l’analyse établie dans Law est de découvrir des motifs fondés sur des caractéristiques qu’il nous est impossible de changer ou que le gouvernement ne peut légitimement s’attendre que nous changions pour avoir droit à l’égalité de traitement garantie par la loi.  Autrement dit, l’art. 15 vise le déni du droit à l’égalité de traitement pour des motifs qui sont immuables dans les faits, par exemple la race, ou qui sont considérés immuables, par exemple la religion.  D’autres facteurs, que la jurisprudence a rattachés aux motifs énumérés et analogues, tel le fait que la décision produise des effets préjudiciables à une minorité discrète et isolée ou à un groupe qui a historiquement fait l’objet de discrimination, peuvent être considérés comme émanant du concept central que sont les caractéristiques personnelles immuables ou considérées immuables, caractéristiques qui ont trop souvent servi d’ersatz illégitimes et avilissants de décisions fondées sur le mérite des individus. »

(Les emphases sont ajoutées.)

[302]     Il n’y a aucun précédent jurisprudentiel ayant reconnu que le fait d’être une « personne accusée au niveau criminel ayant subi une saisie » puisse être assimilé à un motif analogue.

[303]     Toutefois, à titre d’analogie, le statut d’une personne reconnue coupable n’a pas été reconnu comme un motif de discrimination au sens de l’article 15 (1) de la Charte canadienne puisque la distinction ne porte pas sur une caractéristique personnelle ou de groupe[157]. Même le statut de prisonnier n’a pas été reconnu comme un motif de discrimination analogue[158].

[304]     Le motif invoqué par Brochu n’est pas de la nature d’un motif analogue.

[305]     Il n’a, en réalité, rien à voir avec le contexte social dans lequel se retrouve la personne débitrice fiscale. Il s’agit plutôt d’une situation causée par les gestes dont le demandeur est lui-même l’auteur et qui lui sont reprochés[159].

[306]     Partant, le fait d’avoir été mis en état d’arrestation et de s’être fait saisir par les policiers une somme d’argent en vertu du droit criminel ne peut constituer un motif analogue de discrimination au sens de l’article 15 (1) de la Charte canadienne.

[307]     Brochu n’a donc pas satisfait à son fardeau de preuve quant à la première étape du test de l’article 15 (1) de la Charte.

[308]     Il n’a pas non plus démontré qu’il subit un traitement défavorable en raison de stéréotypes, de préjugés ou encore d’un désavantage historique ou autrement arbitraire. Il ne semble d’ailleurs aucunement avoir été affecté par la saisie en mains tierces. Au contraire, il a continué d’accumuler des sommes importantes d’argent en dépit des revenus qu’il déclare et ses entreprises ont toujours continué à opérer.

[309]     De plus, s’il obtient gain de cause en appel de ses avis de cotisation, il sera remboursé par le ministre avec des intérêts, conformément aux articles 28, 30 à 32.1 et 93.1.24 de la LAF.

[310]     Il ne subit aucun traitement défavorable et il est placé dans la même situation que tous les autres contribuables qui ne peuvent obtenir une suspension des mesures de recouvrement.

[311]     Pour ces motifs, le Tribunal conclut que les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 LAF ne contreviennent pas à l’article 15 (1) de la Charte canadienne.

vi)      Le droit à l’égalité et de ne pas être discriminé (article 10 de la Charte québécoise) :

[312]     Brochu plaide que l’article 15.3 de la LAF porte atteinte à son droit à l’égalité, garanti par l’article 10 de la Charte québécoise, sur la base de sa « condition sociale ».

[313]     Contrairement à l'article 15 (1) de la Charte canadienne, les motifs énumérés à l'article 10 de la Charte québécoise sont limitatifs. En effet, le fardeau qui incombe au demandeur est limité aux éléments de préjudice et au lien avec un motif de discrimination prohibé[160].

[314]     Pour établir qu’il y a discrimination au sens de l’article 10 de la Charte québécoise, Brochu devait démontrer, par une preuve prépondérante, les trois éléments suivants:

a)   qu'il existe une distinction, exclusion ou préférence;

b)   que cette distinction, exclusion ou préférence est fondée sur l'un des motifs énumérés au premier alinéa de cet article 10, et;

c)    que la distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l'exercice d'un droit ou d'une liberté de la personne[161].

[315]     Ce droit à l’égalité n’est donc pas un droit autonome comme peut l’être l’article 15 (1) de la Charte canadienne[162]. La distinction, l’exclusion ou la préférence de traitement doit être intrinsèquement liée à la violation d’un droit ou d’une liberté autrement garantie par la Charte québécoise[163].

[316]     Sur cet autre aspect, le demandeur a failli à son fardeau de preuve.

[317]     L’article 15.3 de la LAF vise « des sommes » qui appartiennent « à une personne redevable d’un montant exigible en vertu d’une loi fiscale ». C’est le bien qui est visé et non pas la personne qui est redevable d’une somme en vertu d’une loi fiscale.

[318]     Il n’y a aucune distinction, exclusion ou préférence fondée sur la condition sociale du débiteur fiscal.

[319]     La condition sociale fait plutôt référence « soit au rang, à la place, à la position qu’occupe un individu dans la société, de par sa naissance, de par son revenu, de par son niveau d’éducation, de par son occupation; soit à l’ensemble des circonstances et des événements qui font qu’une personne ou qu’un groupe occupe telle situation ou telle position dans la société »[164].

[320]     Cette notion de condition sociale a été appliquée à des personnes vulnérables, démunies, tels les assistés sociaux[165] et les étudiants[166]. La condition sociale est celle résultant le plus souvent d’une situation dont la personne ne peut s’affranchir facilement et qui n’est pas la conséquence d’un choix délibéré ou de ses propres agissements[167].

[321]     C’est tout le contraire de Brochu qui ne peut raisonnablement prétendre être vulnérable et démuni.

[322]     Le premier test n’est donc pas satisfait puisque le demandeur ne peut démontrer qu’il a fait l’objet d’une distinction de traitement préjudiciable fondée sur la condition sociale.

[323]     Or, pour que l’article 10 de la Charte québécoise s’applique, la distinction de traitement doit être intrinsèquement liée à la violation d’un droit ou d’une liberté autrement garantie par cette charte, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

[324]     Au surplus, même si Brochu avait été en mesure de prouver qu’il y avait eu  distinction, exclusion ou préférence fondée sur un motif énuméré à l’article 10, il n’a pas prouvé qu’il avait subi un préjudice[168] ni qu’il y avait atteinte à sa dignité humaine, soit les deux composantes essentielles du troisième élément précité[169].

[325]     Il n’y a donc pas de violation de l’article 10 de la Charte québécoise.

vii)     Le droit à la sauvegarde de sa dignité, son honneur et sa réputation (article 4 de la Charte québécoise) :

[326]     Brochu allègue qu’il y a atteinte à ces droits en raison de la saisie en mains tierces[170].

[327]     Il n’y a aucun fondement juridique ni même factuel pouvant supporter un tel argument. D’ailleurs, Brochu n’en fait pas état dans sa plaidoirie ni dans son argumentation écrite.

viii)    Le droit au respect de sa vie privée (article 5 de la Charte québécoise); le droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens (article 6 de la Charte québécoise); le droit à l’inviolabilité de la demeure (article 7 de la Charte québécoise) :

[328]     Brochu allègue également qu’il y a atteinte à ces droits en raison de la saisie en mains tierces[171].

[329]     Il s’agit d’un autre argument sans fondement.

[330]     Il faut distinguer la saisie en mains tierces pratiquée en vertu de l’article 15.3 de la LAF, la saisie accessoire à l’arrestation de Brochu effectuée par le SPS en date du 10 juin 2014 et la saisie (ou perquisition) des documents durant la nuit du 12 au 13 juin 2014.

[331]     Seuls les documents ont été saisis au domicile de Brochu.

[332]     L’argent et les bijoux n’ont jamais été saisis par l’ARQ au domicile de Brochu, mais plutôt entre les mains du DPCP. Dans un tel cas, il n’y a pas d’expectative de vie privée.

[333]     Les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 ne portent absolument pas atteinte aux droits prévus par les articles 5, 6 et 7 de la Charte québécoise.

ix)      La différence entre la LIR et la LAF et l’interprétation conciliatrice avec les valeurs de la Charte canadienne[172] :

[334]     Dans ses demandes subsidiaires, Brochu propose qu’à défaut d’invalider les dispositions contestées sur la base de l’art. 52 de la Charte canadienne, le Tribunal devrait les interpréter conformément aux valeurs constitutionnelles et de façon à ce que la saisie en mains tierces en vertu de l’article 15.3 de la LAF soit pratiquée de la même façon que les mesures similaires prévues à la LIR[173].

[335]     Cette autre demande ne peut être accueillie.

[336]     Il est vrai que le législateur québécois s’est distingué de son homologue fédéral puisque l’article 225.1 (1) f) de la LIR, qui traite des restrictions au recouvrement, empêche le ministre d’obliger une personne à remettre des fonds conformément à l’article 224.3 (1) LIR en cas d’opposition ou d’appel. Cette disposition est similaire à l’article 15.3 de la LAF et elle prévoit ce qui suit :

 (1) S’il sait ou soupçonne qu’une personne donnée détient des fonds qui ont été saisis par un membre d’un corps policier, dans le cadre de l’application du droit criminel du Canada, entre les mains d’une autre personne (appelée « débiteur fiscal » au présent article) tenue de faire un paiement en vertu de la présente loi ou d’une loi d’une province avec laquelle le ministre des Finances a conclu un accord en vue de recouvrer les impôts payables en vertu de cette loi, et qui doivent être restitués au débiteur fiscal, le ministre peut exiger par écrit de la personne donnée que les fonds autrement restituables au débiteur fiscal soient en totalité ou en partie remis au receveur général au titre de l’obligation du débiteur fiscal existant en vertu de la présente loi ou de la loi de la province, selon le cas. »

[337]     Sous le régime fédéral, le ministre du Revenu n’aurait donc pas pu saisir, entre les mains du DPCP, les sommes que celui-ci devait restituer à Brochu.

[338]     Or, il est bien établi en droit qu’il n’appartient pas aux tribunaux de réécrire la loi ni de se substituer au législateur.

[339]     Dans le champ de leurs compétences respectives, le Parlement et une législature provinciale peuvent prévoir une réglementation différente, en fonction des solutions qui ont été jugées opportunes par l’un et par l’autre et les tribunaux n’ont pas à intervenir quant à l’opportunité des mesures législatives élaborées par un ressort en particulier[174].

[340]     En accédant à la demande de Brochu, le Tribunal ajouterait au texte même de l’article 12.0.2 de la LAF qui ne réfère plus, depuis 2001, à l’article 15.3. Ce serait aussi faire fi de l’intention claire du législateur.

[341]     Quant à l’interprétation conciliatrice avec les valeurs de la Charte canadienne, elle ne peut être invoquée que si on démontre préalablement que les dispositions législatives en cause sont ambiguës[175]. Or, Brochu ne prétend pas que ces dispositions sont ambiguës puisqu’en demandant une conclusion « d’inopérabilité » en vertu de l’art. 52 de la Charte canadienne, il reconnaît l’absence d’ambiguïté de ces dispositions.

[342]     L’article 52 (1) de la Charte canadienne vise à rendre inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit avec la Constitution du Canada. Pour les motifs exposés précédemment, le Tribunal en est venu à la conclusion que les dispositions en cause de la LAF n’étaient pas incompatibles avec la loi constitutionnelle.

[343]     De plus, l’interprétation conciliatrice ne saurait être invoquée une fois l’analyse terminée en vertu de l’art. 52 de la Charte canadienne. Ces deux questions (validité constitutionnelle et interprétation conciliatrice) ne peuvent être cumulées puisqu’elles sont fondées sur des prémisses antagoniques : l’ambiguïté dans le premier cas et l’absence d’ambiguïté dans le second.

[344]     Enfin, Brochu réfère également à l’article 24 (1) de la Charte canadienne pour obtenir réparation. Cet article énonce ce qui suit :

« (1)     Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances. »

[345]     L’objectif de cette disposition est donc différent de celui visé par l’article 52 (1) de la Charte canadienne. Dans l’arrêt Ferguson[176], la Cour suprême distingue ainsi la nature de ces deux recours :

« [59]    Lorsqu’une disposition produit un effet inconstitutionnel, la réparation relève habituellement du par. 52(1), qui prévoit que les dispositions incompatibles avec la Charte sont inopérantes.  Une disposition peut être incompatible avec la Charte soit à cause de son objet soit à cause de son effet : R. c. Big M Drug Mart Ltd., 1985 CanLII 69 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 295; R. c. Edwards Books and Art Ltd., 1986 CanLII 12 (CSC), [1986] 2 R.C.S. 713.  L’article 52 ne crée pas un recours personnel.  Un demandeur qui a par ailleurs qualité pour agir peut généralement solliciter une déclaration d’invalidité en application de l’art. 52 au motif qu’une disposition a des effets inconstitutionnels pour lui-même ou pour des tiers : Big M; voir également P. Sankoff, « Constitutional Exemptions :  Myth or Reality? » (1999-2000), 11 R.N.D.C. 411, p. 432-434; M. Rosenberg et S. Perrault, « Ifs and Buts in Charter Adjudication :  The Unruly Emergence of Constitutional Exemptions in Canada » (2002), 16 S.C.L.R. (2d) 375, p. 380-382.  La jurisprudence selon laquelle le par. 52(1) est le recours approprié pour les dispositions qui ont des effets inconstitutionnels repose sur les termes choisis par les rédacteurs de la Charte : voir Sankoff, p. 438.

[60]       Par contre, on a généralement recours au par. 24(1) pour accorder réparation non pas lorsque des dispositions législatives sont inconstitutionnelles, mais lorsque des actes gouvernementaux inconstitutionnels sont commis en vertu de régimes légaux reconnus comme parfaitement constitutionnels : voir Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), 1997 CanLII 327 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 624; Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, [2006] 1 R.C.S. 256, 2006 CSC 6 (CanLII).  Les actes des mandataires du gouvernement qui agissent en vertu de ces régimes ne sont pas le résultat ou l’« effet » obligatoire de la loi, mais plutôt du fait que les mandataires du gouvernement ont exercé d’une manière inconstitutionnelle le pouvoir discrétionnaire que leur conférait la loi.  Le paragraphe 52(1) ne s’applique donc pas.  Le recours approprié est prévu au par. 24(1).

[61]       Il devient donc évident que les par. 52(1) et 24(1) visent des objets réparateurs différents.  Le paragraphe 52(1) offre une réparation lorsque des dispositions législatives violent des droits garantis par la Charte, que ce soit par leur objet ou par leur effet, tandis que le par. 24(1) offre un recours pour les actes gouvernementaux qui violent des droits garantis par la Charte.  Il permet un recours personnel contre les actes gouvernementaux inconstitutionnels et, contrairement au par. 52(1), seule peut s’en prévaloir la partie qui allègue une atteinte à ses propres droits constitutionnels : Big M; R. c. Edwards, 1996 CanLII 255 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 128.  Notre Cour a répété à maintes reprises que la validité des lois relève de l’art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, tandis que la validité des actes du gouvernement relève de l’art. 24 de la Charte : Schachter; R. c. 974649 Ontario Inc., [2001] 3 R.C.S. 575, 2001 CSC 81 (CanLII).  En l’espèce, il s’agit d’une disposition législative qui violerait un droit garanti par la Charte.  Cela indique que la réparation appropriée est celle prévue au par. 52(1). »

(Les emphases sont ajoutées.)

[346]     Puisque Brochu a failli à son fardeau de démontrer que les représentants de l’ARQ avaient commis des actes gouvernementaux inconstitutionnels en vertu de régimes légaux reconnus par ailleurs comme étant constitutionnels, la réparation fondée sur l’article 24 (1) de la Charte canadienne ne peut lui être accordée.

[347]     L’ARQ et la PGQ ont donc raison de plaider que les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la LAF sont valides constitutionnellement.

[348]     Ainsi, les sommes saisies en mains tierces par l’ARQ n’ont pas à être remises à Brochu, du moins pour l’instant. Il appartiendra aux instances concernées de déterminer quelles sont les sommes qui doivent être payés par Brochu en fonction des avis de cotisation émis.

4.            LES CONCLUSIONS

[349]     En résumé, l’ARQ ne peut, sans autorisation judiciaire, intervenir en pleine nuit pour forcer un contribuable à lui fournir, sans délai, les documents qu’elle requiert au moyen de demandes péremptoires signifiées en vertu de l’article 39 de la LAF.

[350]     Les représentants de l’ARQ ont agi de façon fautive envers le demandeur Brochu lors de l’intervention survenue durant la nuit du 12 au 13 juin 2014. Les dommages compensatoires qu’il a subis à titre de « troubles, ennuis et inconvénients », qui sont une conséquence directe de cet acte fautif, sont arbitrés à 10 000 $.

[351]     Les dommages-intérêts punitifs imposés à l’ARQ pour avoir violé intentionnellement les droits de Brochu garantis par la Charte québécoise sont établis à 100 000 $.

[352]     Les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la LAF étant valides constitutionnellement, la demande de restitution des biens saisis est rejetée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[353]     ACCUEILLE en partie la requête introductive d’instance;

[354]     CONDAMNE la défenderesse Agence du Revenu du Québec à payer au demandeur Sylvain Brochu la somme de 10 000 $ à titre de dommages compensatoires, avec les intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 27 octobre 2015, date de signification de la requête introductive d’instance;

[355]     CONDAMNE la défenderesse Agence du Revenu du Québec à payer au demandeur Sylvain Brochu la somme de 100 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs, avec les intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 27 octobre 2015, date de signification de la requête introductive d’instance;

[356]     DÉCLARE que les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la Loi sur l’administration fiscale sont valides constitutionnellement;

[357]     REJETTE la demande de restitution des objets saisis en mains tierces par la défenderesse Agence du Revenu du Québec en vertu de l’article 15.3 de la Loi sur l’administration fiscale;

[358]     Avec les frais de justice en faveur du demandeur contre la défenderesse Agence du Revenu du Québec, mais sans frais concernant la mise en cause Procureure générale du Québec.

 

 

 

__________________________________CLAUDE VILLENEUVE, j.c.s.

 

Me Richard Généreux

(Services Juridiques Evolex inc.)

Procureur du demandeur

 

Me Louis Riverin

Me Roger Breton

(Larivière Meunier)

Procureurs de la défenderesse et

de la mise en cause

 

Date d’audience :

18, 19, 20, 21 et 22 septembre 2017

Date de début du délibéré :  4 décembre 2017


« ANNEXE 1 »

 

 

AUTORITÉS

DU DEMANDEUR SYLVAIN BROCHU

 

 

Législation

1.            Les articles 12.0.1, 12.0.3, 15.3, 38, 39, et 40 de la Loi sur l’administration fiscale.

2.            Les articles 222, 224.3 et 225.1(1)(2)(3)(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

3.            Les articles 1, 4, 5, 6, 7, 8, 10, 24, 24.1, 33 et 49 de la Charte des droits et libertés de la personne.

4.            Les articles 7, 8, 11 et 15 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Jurisprudence

5.            R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627.

6.            R. c. Morelli, [2010] 1 R.C.S. 253.

7.            Hunter c. Southam inc., [1984] 2 R.C.S. 145.

8.            R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607.

9.            R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265.

10.          Québec (Procureur général du) c. Lambert, [2002] R.J.Q. 599 (QCCA).

11.          Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497.

12.          Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143.

13.          R. c. Malmo-Lévine, [2003] 3 R.C.S. 571.

14.          R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.

15.          Terre-Neuve (Conseil du Trésor) c. N.A.P.E., [2004] 3 R.C.S. 381.

16.          Schachtschneider c. Canada, 1993 Canlii 2982 (CAF).

17.          Re Therrien, [2001] 2 R.C.S. 3.

18.          John Philip Murray c. Her Majesty the Queen, 2004 SKQB 66.

19.          Option Consommateurs c. Pétroles Irving inc., 2008 QCCA 1591.

20.          Corriveau c. Canoe inc., 2010 QCCS 3396.

21.          Chanel S. de R.L. c. Lam Chan Kee Company Ltd., 2016 CF 987.

22.          Agence du revenu du Québec c. Groupe Enico inc., 2016 QCCA 76.

23.          Groupe Enico c. Agence du revenu du Québec, 2013 QCCS 5189.

24.          Lam v. Chanel S. de R.L., 2017 FCA 38.

25.          143471 Canada inc. c. Québec (P.G.), [1994] 2 R.C.S. 339.

26.          Comité paritaire v. Potash, [1994] 2 R.C.S. 406.

27.          R. c. Law, [2002] 1 R.C.S. 227.

28.          Chambre des notaires du Québec c. Canada (Procureur général), 2010 QCCS 4215.

29.          Boucher c. Pratte, 2017 QCCS 1185.

30.          Canada (A.G.) c. Chambre des notaires, [2016] 1 R.C.S. 336.

31.          Roy c. Québec (Procureur général), 2003 CanLII 3464 (QC CS).

32.          R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484; 1997 CanLII 324 (CSC).

33.          R. v. Murray, 2004 SKQB 66.

 

 

AUTORITÉS

DE LA DÉFENDERESSE AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC ET

DE LA MISE EN CAUSE PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

 

 

Législation

1.            Loi sur l’administration fiscale (RLRQ, c. A-6.002), art. 15.3, 38 à 40, 48, 50 et 59 à 61.

2.            Règlement sur la comptabilité et les normes d’exercice professionnel des avocats, c. B-1, r. 5, art. 43 à 46.

Doctrine

3.            Association de planification fiscale et financière (APFF), Demandes d’information : jusqu’où vont les pouvoirs du fisc?, Wolters Kluwer, Montréal, 2011.

4.            Association de planification fiscale et financière (APFF), Points saillants - Perquisitions, saisies et inspections administratives en matière fiscale, Wolters Kluwer, Montréal, 1993.

5.            Alter Ego, Chartes des droits de la personne, Wilson & Lafleur, Montréal, 29éd., 2016.

6.            La loi du praticien, Loi de l’impôt sur le revenu, Carswell, 29e éd., 2014, art. 231 et 231.1(2).

Jurisprudence

7.            Berger c. Agence du revenu du Québec, 2014 QCCS 3280.

8.            McKinlay Transport Ltd. c. La Reine, [1990] 1 R.C.S. 627.

9.            Comité paritaire c. Potash, [1994] 2 R.C.S. 406.

10.          James Richardson & Sons c. Ministre du Revenu national, [1984] 1 R.C.S., 614.

11.          Warren James Jarvis c. La Reine, [2002] 3 R.C.S. 757.

12.          SNE de l’hôpital de St-Ferdinand c. Curateur public, [1996] 3 R.C.S. 211.

13.          Agence du revenu du Québec c. Groupe Enico inc., 2016 QCCA 76.

14.          Restaurant Le Relais de Saint-Jean inc. c. Agence du revenu du Québec, 2017 QCCS 5396.

15.          Pellerin c. Agence du revenu du Québec, 2017 QCCA 1339.

16.          Brière c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2012 QCCQ 6256.

17.          Valentini c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2006 QCCQ 409.

18.          Québec (Sous-ministre du Revenu) c. Valentini, 2007 QCCA 886.

19.          Québec (Sous-ministre du Revenu) c. Guérin, 2008 QCCA 1477.

20.          Soleil Électronique ltée c. Québec (Procureur général), C.S. 500-05-014612-897, 12 juin 1990, j. Lévesque.

21.          Ruest c. La Reine, 1999 CanLII 346 (CCI).

22.          Lacroix c. Sa Majesté la Reine, 2008 CAF 241.

23.          Lacroix c. Sa Majesté la Reine, 2007 CCI 376.

24.          H.C. c. V.CI., 2016 QCCS 858.

Constitutionnalité

Les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la Loi sur l’administration fiscale ne violent pas le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne au regard de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés

25.          Carter c. Canada (procureur général), 2015 CSC 5.

26.          Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307.

27.          B. (R.) c. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315.

28.          Humby c. Canada, 2013 C.F. 1136.

Les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la Loi sur l’administration fiscal ne violent pas le droit contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives au regard de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés

29.          R. c. Spencer, [2014] 2 R.C.S. 212.

30.          R. c. Jarvis, [2002] 3 R.C.S. 757.

31.          R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627.

32.          SPE Valeur Assurable inc. c. Canada (Agence du revenu), 2016 C.F. 56.

33.          Agence du revenu du Québec c. Bt Céramiques inc., 2015 QCCQ 14534.

34.          Porter c. Canada, 1989 A.C.F. 255.

Les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la Loi sur l’administration fiscal ne sont pas discriminatoires au regard de l’article 15 (1) de la Charte canadienne des droits et libertés

35.          Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143.

36.          Withler c. Canada (Procureur général), [2011] 1 R.C.S. 396.

37.          Première Nation de Kahkewistahaw c. Taypotat, [2015] 2 R.C.S. 548.

38.          Gosselin c. Québec (Procureur général), [2002] 4 R.C.S. 429.

39.          Association des policiers provinciaux du Québec c. Sûreté du Québec, [2007] R.J.Q. 1773.

40.          Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), [2000] 2 C.F. 117 (C.A.).

41.          Québec (Procureur général) c. A, [2013] 1 R.C.S. 61.

Les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la Loi sur l’administration fiscale ne sont pas discriminatoires au regard de l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne

42.          Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525.

43.          Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier inc. (Bombardier aéronautique Centre de formation), [2015] 2 R.C.S. 789.

44.          Ruel c. Marois, [2001] R.J.Q. 2590 (C.A.).

45.          Johnson c. Commission des affaires sociales, [1984] C.A. 61.

46.          Ordre des comptables généraux licenciés du Québec c. Québec (Procureur général), [2004] R.J.Q. 1164.

47.          Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, [2007] 1 R.C.S. 161.

Les articles 12.0.2, 12.0.3 et 15.3 de la Loi sur l’administration fiscale ne violent pas la présomption d’innocence protégée par l’article 11d) de la Charte des droits et liberté de la personne

48.          Guindon c. Canada, [2015] 3 R.C.S. 3.

49.          Goodwin c. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), [2015] 3 R.C.S. 250.

50.          Martineau c. M.R.N., [2004] 3 R.C.S. 737.

51.          Jefo International ltée c. M.R.N., AZ-92021247.

52.          R. c. Rodgers, [2006] 1 R.C.S. 554.

____________________________________


« ANNEXE 2 »

 

Extraits du Journal des débats de la Commission des finances publiques.

Version finale

36e législature, 2e session (22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mercredi 21 novembre 2001 - Vol. 37 N° 40

Étude détaillée du projet de loi n° 10 - Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives.

 

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

« Le Président (M. Duguay): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je déclare la séance de la commission des finances publiques ouverte. Alors, le mandat de la commission: la commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 10, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'on a du remplacement?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gobé (LaFontaine) remplace Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys); M. Gautrin (Verdun) remplace Mme Houda-Pepin (La Pinière); et M. Désilets (Maskinongé) remplace M. Paré (Lotbinière).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Duguay): Alors, bienvenue à tout ce monde-là. Alors, si vous voulez, on va débuter. Alors, dans le but de procéder, comme on est dans un projet de loi, alors chaque intervenant a le droit à un 20 minutes. Et est-ce que tout le monde est prêt? Alors, on y va. M. le ministre.

(…)

Le Président (M. Duguay): Adopté. L'article 5. M. le ministre.

M. Julien: L'article 5, M. le Président, concerne... L'article 12.0.2 de cette loi, édicté par l'article 3 du chapitre 36 des lois de 2000, est modifié, dans le premier alinéa, par:

1° le remplacement, dans le paragraphe c, de « des articles 15 à 15.3 » par « des articles 15 à 15.2 »;

2° le remplacement, dans le paragraphe e, de « à l'article 27.0.2 » par « au premier alinéa de l'article 27.0.2 ».

En résumé, ce que ça veut dire, M. le Président, c'est que la modification apportée à cet article a pour effet de permettre que les sommes d'argent saisies par un agent de la paix aux fins de l'application du droit criminel ? on s'entend que c'est l'application du droit criminel ? puissent être versées au ministre pendant le délai que le contribuable propriétaire de ces sommes a habituellement pour envoyer un avis d'opposition au ministre.

La situation actuelle, c'est que, présentement, M. le Président, le ministère ne prend pas de mesures de recouvrement pendant les 90 jours qui suivent l'émission d'un avis de cotisation d'impôt. Il peut arriver, pendant cette période, que le contribuable cotisé se voie saisir des sommes d'argent par un agent de la paix en application du droit criminel. En conséquence du délai de 90 jours mentionné ci-dessus, le ministère ne peut pas exiger le versement des sommes d'argent saisies par un agent de la paix aux fins de l'application du droit criminel pour payer la cotisation du contribuable saisi, à moins évidemment d'être autorisé par un juge.

Alors, ce qui est proposé, c'est de permettre au ministère d'utiliser les sommes saisies pour payer la cotisation du contribuable. Pour arriver à ce résultat, le ministère pourra soit ordonner que le montant dû, les intérêts et les pénalités soient payés immédiatement sur cotisation dans une telle situation, tel que prévu au nouveau deuxième alinéa de l'article 27.0.2, ou d'exiger que les sommes d'argent saisies par un agent de la paix aux fins de l'application du droit criminel puissent être versées au ministre.

Je donnerais un exemple là-dessus. Par exemple, les agents de la paix font une perquisition au domicile d'une personne soupçonnée de meurtre. Ils saisissent des armes à feu et une somme d'argent de 100 000 $. Cependant, les agents de la paix constatent qu'ils n'ont pas la preuve nécessaire afin de relier cet argent à ce crime. En l'absence de cette preuve, ils devront remettre cet argent rapidement, en vertu du droit pénal, à la personne accusée de meurtre. Or, cette personne déclare des revenus annuels de 15 000 $ et possède une maison évaluée à plus de 750 000 $. Le ministère du Revenu émet rapidement les cotisations sur indice pour plus de 100 000 $ d'impôts non payés.

Actuellement, la loi empêche le ministère du Revenu du Québec de prendre des mesures de recouvrement pendant les 90 jours qui suivent l'émission d'avis de cotisation d'impôt, à moins d'être autorisé par un juge. Avec la modification apportée à cet article, il n'y aura pas de suspension des mesures de recouvrement et le ministère du Revenu du Québec n'aura pas à être autorisé par un juge pour exiger des agents de la paix le versement des sommes saisies. Donc, c'est vraiment une mesure qui est reliée à la criminalité.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. Sur l'article 5, est-ce qu'il y a des remarques?

Mme Leblanc: Oui, certainement.

Le Président (M. Duguay): Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, si je comprends bien ce que le ministre est en train de nous dire, c'est qu'il vient d'ouvrir une brèche dans le projet de loi n° 141 qui faisait en sorte que justement on permettait au contribuable de pouvoir se défendre sans être saisi, sans avoir à payer sa cotisation tant et aussi longtemps que l'avis d'opposition n'était pas réglé. Là, le ministre vient nous dire qu'il va défaire ce qui a été fait dans le projet de loi n° 141 pour faire en sorte que le ministre puisse s'approprier des sommes d'argent alors qu'au criminel on n'a pas pu établir qu'il y avait eu faute. Alors, comment le ministre peut-il faire pour être, en fait, pour le projet de loi n° 141, pour lequel il a voté en faveur, et en même temps pour une mesure qui vient tout à fait diluer le pourquoi du projet de loi n° 141?

M. Julien: M. le Président, j'ai bien mentionné tout à l'heure que c'était... Oui, effectivement, il y a une, je n'appellerais pas ça une brèche, mais une ouverture, mais reliée au crime. Je pense que ça, c'est important de le mentionner. Alors, même s'il n'y a pas de lien entre l'argent trouvé et le crime, ça ne veut pas dire que la personne a payé ses impôts, hein? Alors, c'est pour ça que je donnais un exemple. Bon, évidemment, on pourrait avoir d'autres exemples, mais je dis qu'il...

On regarde la déclaration de revenus de cette personne-là puis on se rend compte que cette personne-là déclare 15 000 $ de revenus, mais en même temps elle a une maison qui vaut trois quarts de millions, puis elle a ci, puis elle a ça, puis on trouve 100 000 $ chez eux. Ça fait qu'on dit: Regarde, t'as pas payé tes impôts puis on te cotise avec l'argent qui est là. C'est ça qu'on fait.

Le Président (M. Duguay): Merci. Mme la députée de Beauce-Sud.

(10 h 50)

Mme Leblanc: Je n'ai rien contre le fait que le ministère du Revenu cotise les contribuables qui doivent de l'argent au ministère du Revenu, sauf que, dans la situation que le ministre vient de nous décrire, la personne n'a même pas été capable de faire valoir ses arguments pour établir la cotisation, donc elle n'a pas pu s'opposer, et on vient la saisir carrément pour des choses qui peut-être... Il y aura... En tout cas, on ne le sait pas, là. Le ministère du Revenu vient présumer que cette personne-là ne paiera pas ses impôts. Et pourquoi le ministre vient-il présumer de la bonne foi du contribuable, s'il y a une cotisation, qu'il ne la paierait pas? Pourquoi est-ce que le ministre vient saisir une somme d'argent alors que le contribuable n'a même pas, à ce moment-là, dit qu'il ne paierait pas la cotisation que le ministre vient d'établir?

M. Julien: M. le Président, ce qu'on mentionne, c'est que cette personne-là n'a pas payé ses impôts.

Mme Leblanc: Pardon?

M. Julien: Cette personne-là n'a pas payé ses impôts. Nous autres, on les récupère. Évidemment, elle peut faire avis d'opposition, sauf que l'argent, il ne disparaîtra pas, il va être chez nous. Alors, si jamais il y a un problème, bien là, si jamais elle gagnait son opposition, on va le lui redonner. Mais ce qui arrive souvent, semble-t-il, c'est que, de la façon dont ça fonctionne actuellement, lorsque tu viens pour le saisir, l'argent est disparu. Où est-ce qu'il est? Tu ne le sais pas.

Alors, dans le fond, c'est que cette dérogation à la suspension des mesures de recouvrement ? puis c'est vrai que c'est une dérogation ? est donc limitée aux sommes d'argent ayant déjà été saisies par un agent de la paix. Le ministère estime que l'urgence de la situation nécessite une intervention rapide afin de récupérer efficacement de telles sommes d'argent. C'est ça qu'on fait. Mais toute la procédure par la suite ? avis d'opposition ? ça suit, sauf que, l'argent, on l'a pris. Mais ça ne le brime pas par la suite. Mais on ne prend pas de chances.

Mme Leblanc: Le ministre, M. le Président, vient présumer de la bonne foi du contribuable à l'effet qu'il ne paiera pas sa cotisation, parce que, dans ce cas-ci, si je comprends bien ? mais on va essayer de faire des exemples simples ? le contribuable a établi sa cotisation, a fait sa déclaration d'impôts, le ministère fait une vérification, s'aperçoit que ce contribuable-là ne peut pas avoir une maison de 750 000 $ alors qu'il a 15 000 $ de revenus. Donc, il croit qu'il y a eu... En fait, il fait une nouvelle cotisation basée sur l'indice de richesse. C'est ça? Et là il établit la cotisation et, au moment où il établit la cotisation, il saisit en même temps. Le contribuable n'a même pas pu faire valoir ses arguments, et donc vous présumez, M. le ministre, que cette personne-là est coupable avant même qu'elle ait pu se défendre. Ça, ça va tout à fait à l'encontre du principe du projet de loi n° 141. Et je vous rappelle que vous avez voté en faveur du projet de loi n° 141, parce que c'était un déni de justice naturelle, et là on vient défaire, par cet article-là, le principe du projet de loi n° 141.

M. Julien: M. le Président.

Le Président (M. Duguay): Merci, Mme la députée de Beauce-Sud. M. le ministre.

M. Julien: Dans l'exemple que je donne, on ne va pas chercher l'argent chez l'individu, l'argent est déjà saisi par les agents de la paix. On va le chercher chez les agents de la paix. Parce qu'on se dit, après l'analyse... Parce que ce n'est pas aléatoire, ce n'est pas un bar ouvert, ça, là. Il faut quand même être délicat. On se rend compte que cette personne-là, selon les indices de richesse ou d'autres éléments, n'a pas payé ses primes. Alors, on cotise, puis on va chercher l'argent. Maintenant, elle peut faire avis d'opposition, effectivement. Là, la procédure s'applique. Et c'est strictement de s'assurer que les gens qui ont de l'argent à payer le paient.

Parce que, avant ça, selon la loi, c'est que l'agent de la paix, s'il ne pouvait pas démontrer qu'il y avait un lien entre cette somme d'argent là et le crime, devait remettre cette somme d'argent là à la personne. Cette modification fait que, nous, on va la chercher par un avis de cotisation. Et là l'individu peut faire comme tout le monde, faire un avis d'opposition. Mais il faut bien s'entendre que c'est vraiment dans le cadre de crime. Là, on parle de crime, on parle de criminalité, là. On ne parle pas d'autre chose, là. Puis je pense que ça fait partie d'une mesure ? même l'opposition est d'accord là-dessus; en tout cas, je serais surpris qu'elle soit contre ? qui nous permet d'organiser peut-être un peu mieux la lutte contre le crime organisé ou le banditisme, tu sais. Je pense que là-dessus il faut faire attention aussi. Mais je comprends les réserves. Je suis d'accord avec la députée de Beauce-Sud.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. Le député d'Abitibi-Est avait demandé son droit de parole. Alors, M. le député d'Abitibi...

Mme Leblanc: Je n'avais pas terminé mon questionnement, M. le Président.

Le Président (M. Duguay): Alors, Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Merci. Alors, je voudrais savoir. Le ministre parle qu'il s'agit ici de crime. De quel crime il s'agit?

M. Julien: ...un agent de la paix, j'imagine, vienne mentionner qu'il a saisi des armes à feu puis une somme d'argent, puis il y a une enquête dessus. J'imagine que les gens doivent soupçonner quelque chose. On parle de meurtre ou peut être d'autre chose. Je donne l'exemple, là, je donne un exemple pour bien spécifier que cette mesure ne peut s'appliquer en dehors de situations de crime. C'est exceptionnel. Ce n'est pas M. Tout-le-monde ou Mme Tout-le-monde, là. Il faut bien s'entendre là-dessus, là. Ce n'est pas ça, là. C'est vraiment dans le cadre de crime organisé ou d'autres types de crime. Ça, il y a une enquête. Ça, il saisit de l'argent, c'est tout.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre.

Mme Leblanc: Là, je comprends, je comprends très bien où le ministre veut en venir, sauf que tantôt le ministre a dit que l'agent de la paix avait restitué les sommes au contribuable, ou les sommes d'argent saisies, ou peu importe, parce qu'il n'avait pas pu établir de lien entre... En fait, il n'est pas capable d'établir qu'il est en face d'un criminel. Et là le ministre...

Une voix: ...

Mme Leblanc: Bien oui, parce que le ministre... C'est ça. L'agent de la paix est obligé de restituer les sommes d'argent saisies parce qu'il n'a pas de preuve à l'appui de ce qu'il avance, à l'effet qu'il est en face d'un criminel. Là, le ministre est en train de nous dire que non. C'est le contraire, là, finalement, qu'il est en train de nous dire. C'est un agent de la paix qui a saisi des sommes d'argent, ou des valeurs, ou des biens parce qu'il y a eu crime. Là, on ne parle pas de restitution, on est en face d'un criminel.

Là, je voudrais savoir: Est-ce que vraiment on parle de cas où ça va s'appliquer seulement lorsque l'agent de la paix a saisi parce qu'il y a preuve à l'effet qu'il y a eu crime ou bien si on parle que, même si ces biens-là sont restitués au contribuable parce qu'il n'y a pas eu de preuve qu'il y a eu crime... Pourquoi, à ce moment-là, le ministre nous parle qu'il est en face d'un criminel?

Le Président (M. Duguay): Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Julien: Bien, je ne veux pas commencer à expliquer ça à la députée de Beauce-Sud, là. Parce que, normalement, lorsqu'on fait une perquisition, c'est parce qu'il y a une autorisation d'un juge. Tu ne peux pas perquisitionner un citoyen sans rien, il faut que tu fasses la démonstration devant un juge, qui t'autorise à faire une perquisition chez un individu. Et là on découvre des armes à feu puis on découvre une somme d'argent de 100 000 $. Dans l'ancienne loi ? si on ne la modifie pas ? si l'agent de la paix, dans l'immédiat, ne peut pas faire le lien, il doit remettre à l'individu le 100 000 $.

La modification, ce qu'elle fait, c'est qu'elle dit au ministère du Revenu: Il y a 100 000 $. Nous, on fait l'évaluation, un indice de richesse et autres, et on découvre que cette personne-là n'a pas payé les impôts qu'elle aurait dû payer. On saisit. C'est-à-dire, on fait un avis de cotisation puis on prend l'argent. Après ça, c'est les mêmes procédures qui s'appliquent. Mais c'est des cas vraiment exceptionnels. Ce n'est pas, ce n'est pas... Je pense qu'il faut faire attention. C'est vraiment lié à la criminalité. Si on dit qu'il est important, majeur qu'on puisse avoir les outils nécessaires pour lutter contre la criminalité, bien, ça, c'en est une façon de le faire.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre.

Mme Leblanc: J'ai encore du questionnement, M. le Président, si vous permettez. Alors là on est en face de... le ministre nous dit: On est en face de quelqu'un qui est potentiellement un criminel, mais le juge, lui, qui a permis la perquisition, après coup dit qu'il faut restituer ces sommes-là. Parce qu'il y a juste un juge qui peut statuer qu'on peut restituer ces sommes-là parce qu'il n'y a pas de lien entre le montant d'argent, par exemple, saisi et le crime commis. Le ministre, lui, est en train de dire: Bien, j'ai en face de moi un criminel, alors que le juge, lui, dit: Je ne suis pas capable d'établir que c'est un criminel.

Une voix: ...

Mme Leblanc: Bien oui, parce que, si le juge, il dit: Il faut que vous restituiez ces sommes-là au contribuable, c'est parce qu'il n'y a pas de lien d'établi à l'effet que c'est un criminel.

M. Julien: Écoutez, M. le Président, l'argent, là, bon, il n'est peut-être pas nécessairement relié au crime, c'est vrai, mais, quand il est saisi dans le cadre d'une perquisition autorisée par un juge, il vient nous voir puis il dit: On a saisi 100 000 $, nous autres, on regarde, puis on fait un indice de richesse, puis on dit: Écoute, il n'a pas payé ses impôts. On le cotise puis on va le chercher. Même, par exemple, si je comprends bien ? les avocats pourront me corriger ? mettons que le juge dit: Il n'est pas criminel, ce n'est pas vrai. Il n'a quand même pas payé ses impôts, tu sais.

Mme Leblanc: Il n'a pas...

M. Julien: Donc, je n'ai pas le choix. Ça veut dire que le juge dit: Il n'est pas criminel, donc je lui redonne son 100 000, puis ce n'est pas grave s'il n'a pas payé ses impôts. C'est ce que je comprends du raisonnement de la députée de Beauce-Sud.

(11 heures)

Nous, c'est le raisonnement contraire qu'on fait. Évidemment, c'est une question d'interprétation, mais, moi, c'est comme ça que je vois ça. Puis, avec la procédure, après ça, permise par la loi, c'est-à-dire il fera un avis d'opposition puis il viendra nous démontrer qu'effectivement il a payé ses impôts. Sauf que, nous autres, on a tous les éléments, en tout cas un paquet d'éléments qui nous démontrent que cette personne-là n'a pas payé ses impôts. Cet argent-là est là; c'est sûr qu'on va se payer. C'est évident. Puis je pense qu'il y a une question d'équité aussi, là.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Donc, c'est après une vérification que le ministère établit que cette personne-là n'a pas payé ses impôts, et vous ne permettez pas à cette personne-là de se défendre. Vous allez saisir tous ses argents, puis là, finalement, bien, peut-être que vous lui coupez les deux jambes pour être capable de se défendre justement de cette cotisation-là qui est peut-être tout à fait mal établie, on ne le sait pas, M. le Président.

Le ministre... Ce que je peux comprendre, c'est que là on s'en va contre le principe du projet de loi n° 141 par cette modification-là. Alors, moi, je peux difficilement être d'accord qu'on vote un projet de loi puis qu'on vienne défaire après le principe sur lequel on s'était entendu, qui est un principe de droit du contribuable à une pleine défense, sans menace quant à sa sécurité financière. On vient défaire ce qu'on a fait par le projet n° 141. J'aimerais entendre le ministre là-dessus.

Le Président (M. Duguay): Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Julien: Alors, M. le Président, j'ai fait tous mes commentaires et je n'ai plus d'autres choses à rajouter que qu'est-ce qui est expliqué là. Et notre gouvernement a accentué la lutte contre le crime organisé. Si l'opposition n'est pas d'accord, moi, je respecte ça. Mais, l'article tel qu'il est là, je n'ai plus d'autres commentaires à ce que j'ai fait.

Mme Leblanc: Un dernier commentaire, M. le Président. Alors, je veux bien faire comprendre au ministre qu'on n'est pas du tout contre le fait qu'on lutte contre le crime organisé, bien au contraire, et on pense qu'il faut absolument lutter contre le crime organisé. Mais là, dans cette situation-là, la situation que le ministre nous a décrite, le juge, lui, il dit qu'il faut restituer les sommes d'argent. Le ministre, lui, il dit: Bien, moi, je me les approprie. Alors, dans ce cas-là, il n'est pas clair qu'on est en face d'un criminel ? en tout cas, dans ma tête à moi, il n'est pas clair qu'on est en face d'un criminel ? mais il est clair, par exemple, qu'on s'en va contre le principe du projet de loi n° 141. Je ne peux pas être d'accord avec ça, même si je suis d'accord avec la lutte contre le crime organisé.

Le Président (M. Duguay): Merci, Mme la députée. Alors, j'avais le député d'Abitibi-Est qui s'était inscrit. Alors, M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier (Abitibi-Est): M. le Président, ce qu'on doit comprendre, là, ce qu'on discute ici, c'est de l'impôt qui est dû, de l'impôt des années antérieures. On ne parle pas des impôts éventuels, futurs, là. Si quelqu'un possède une maison, 20 millions, puis qu'il possède... qu'il a dans la cour pour un quart de million de voitures de toutes sortes, et que, depuis cinq ans qu'il possède tous ces biens-là, il n'a jamais payé une cenne d'impôt, n'a jamais déclaré une cenne de revenus, ce que je comprends, c'est que le ministère se donne les moyens de cotiser cette personne-là pour les années antérieures. Mais la personne aura toujours la possibilité de se défendre, de contester, de dire pourquoi, avec un million et demi d'actif dans la cour, elle n'a jamais payé une cenne d'impôt.

Mais le ministère est tout à fait dans une logique de dire: Si vous avez pour un million et demi d'actif dans la cour chez vous, normalement, vous devriez avoir minimalement un revenu en quelque part. Donc, ce que le projet de loi fait: il donne la permission: En vertu de ce qui existe, pour les années antérieures, vous devriez avoir payé un montant minimum d'impôts. Puis, si la personne est capable de faire une preuve quelconque, là... Si ce n'est pas le cas, elle le fera. Mais tous les citoyens au monde et au Québec... Quand t'as un million et demi d'actif dans la cour chez vous, normalement, tu devrais déclarer quelques cennes de revenus. C'est une question de logique que je comprends de cette manière-là. Est-ce que je comprends bien, M. le ministre du Revenu?

M. Julien: Vous avez bien compris. Mais je rajouterais que c'est toujours dans le cadre d'une perquisition autorisée par un juge, parce que ça ne peut pas être en dehors de ce type d'intervention là.

M. Pelletier (Abitibi-Est): J'aurais une question au ministre, s'il vous plaît: En dehors de la question de crime organisé, si un citoyen a une maison de 1 million puis 250 000 $ de voitures dans la cour puis il ne déclare pas une cenne de revenus, est-ce que le ministre du Revenu peut envoyer une cotisation?

M. Julien: Oui. Mais là l'article, ici, concerne la criminalité. Effectivement, par l'indice de richesse, on est capable de savoir si quelqu'un a payé réellement ses impôts, compte tenu des valeurs dont il dispose, que vous avez mentionnées. Là, il peut y avoir effectivement... Mais ce n'est pas nécessairement dans la criminalité, ça peut se faire aussi à l'extérieur, tandis que le cas présent ? parce qu'on fait un avis de cotisation pour le 100 000 $ ? c'est parce que c'est relié dans le cadre d'une perquisition au domicile. Alors, c'est là qu'on va... Sinon, ce serait la procédure habituelle. Mais, comme c'est relié à une perquisition ? puis une perquisition, c'est autorisé par un juge, donc parce qu'il y a des motifs, j'imagine, suffisants pour démontrer que cette personne-là est liée de près ou de loin à la criminalité ? bien, c'est dans ce cadre-là que ça se produit. En dehors de ça, on ne le fait pas, sauf dans la procédure normale.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci.

Le Président (M. Duguay): Alors, merci, M. le député d'Abitibi-Est. Merci, M. le ministre. Alors, sur l'article 5, est-ce qu'il est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Duguay): Adopté?

M. Williams: Non, M. le Président, j'ai...

Le Président (M. Duguay): Ah! Oh, excusez-moi, M. le député de Nelligan. Oui, vous aviez demandé la parole. Alors, à vous le droit de parole.

M. Williams: Alors, merci beaucoup, là.

Une voix: ...

M. Williams: Pardon? Effectivement, M. le Président, j'ai demandé la parole sur l'article 5, et peut-être...

Une voix: ...

M. Williams: Pardon?

Une voix: ...

M. Williams: J'espère que oui.

Le Président (M. Duguay): Allez-y, M. le député. À vous la parole.

M. Williams: Je vois que les députés du côté ministériel s'intéressent à mes interventions.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Williams: Je suis content de ça parce que nous sommes ici pour faire un débat de... Mais aussi l'approche que ma collègue fait... On essaie de clarifier les choses. Le ministre donne des réponses de temps en temps utiles, de temps en temps moins claires, et je voudrais redemander un peu la question. Je n'ai pas la Charte des contribuables avec moi aujourd'hui, mais peut-être que vous avez une copie de ça. J'espère que vous gardez ça proche de vous, comme ministre, parce que c'est une pierre angulaire de notre stratégie et ça présume... Je n'ai pas le texte français avec moi, mais ça présume la bonne foi, ça présume l'honnêteté des contribuables.

Je voudrais juste vous entendre, pas longtemps, mais une autre fois, M. le ministre, comment vous balancez ça avec les demandes, les questions de ma collègue la députée de Beauce-Sud sur les questions de présomption de culpabilité avec l'article 5. Moi, je vois que... Peut-être que je n'ai pas bien saisi ça. C'est pourquoi je demande ouvertement ? et peut-être que ça va être utile pour mes collègues devant moi ? encore une explication. Est-ce que, avant que vous ayez été trouvé coupable d'un acte criminel, l'article 5 peut être en vigueur? Est-ce que c'est vraiment que vous avez été trouvé coupable d'un acte criminel? Peut-être que la question est trop simple, là, mais je voulais juste avoir une bonne clarification de ça.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Julien: On n'est pas le ministère de la Justice, il n'y a pas de lien, là, pour nous. Il y a une perquisition autorisée par un juge, un agent de la paix. J'imagine que, si le juge a autorisé cette perquisition, c'est que l'agent de la paix a dû lui fournir les éléments suffisants pour démontrer que cette personne-là est liée de quelque façon à la criminalité.

M. Williams: Avant d'être trouvée coupable?

M. Julien: Je n'ai pas dit ça.

M. Williams: O.K.

M. Julien: J'ai dit « des preuves suffisantes pour démontrer que ce serait important de faire une perquisition parce qu'on soupçonne que cette personne-là, on soupçonne que cette personne-là fait partie, est liée de quelque façon à la criminalité ». L'agent de la paix fait la perquisition autorisée par le juge et découvre des armes, découvre toutes sortes de choses, mais découvre aussi une somme d'argent de 100 000 $, par exemple. Il vient nous voir puis il dit: On a découvert 100 000 $. On regarde dans nos fiches, on trouve la personne. En fonction de... l'indice de richesse nous démontre que cette personne-là n'a pas payé ses impôts comme on fait habituellement. Mais, comme c'est en lien à une criminalité, on saisit tout de suite. Et, cette personne-là, qu'elle soit coupable de crime ou pas, c'est une chose. Pour nous, ce qui nous importe, c'est: A-t-elle payé ses impôts ou pas?

(11 h 10)

Alors, si on fait la saisie, cette personne-là a toujours... a droit de faire un avis d'opposition. Elle fera son opposition, mais, dans ce cas précis là, comme c'est relié à la criminalité, bien, on le saisit parce que, d'après notre analyse, c'est que cette personne-là n'a pas payé ses impôts. Ce n'est pas que l'argent était relié ou non au crime, c'est qu'il a trouvé l'argent là, puis je pense qu'il faut faire la nuance.

C'est possible que l'argent... Après ça, tu t'en vas en cour, puis, effectivement, l'avocat démontre qu'effectivement cet argent-là était relié au crime. C'est possible. Mais pour nous ce n'est pas le point. Le point, c'est que cette personne-là, selon nos analyses, n'a pas payé ses impôts en fonction des indices de richesse, par exemple. Alors, on va saisir dans ce cadre-là.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Dans ce contexte, est-ce que le ministre peut expliquer un peu plus son système d'index de richesse?

M. Julien: L'indice de richesse? Oui.

M. Williams: Oui. Parce que nous avons l'exemple flagrant qu'on utilise une maison de x millions de dollars et un salaire de quelques 1 000 $. Il me semble que le monde pense que c'est assez clair, mais il me semble que ce n'est pas nécessairement aussi clair que ça. Quelqu'un qui peut-être était assez riche une année fiscale tombe au chômage la prochaine année ou les prochaines quelques années. Est-ce que le ministre peut au moins donner une petite explication aujourd'hui... Mais ici il y a des documents... Est-ce qu'il peut déposer ça pour la commission?

M. Julien: D'ailleurs, on avait un bon article justement dans le journal hier. Je ne sais pas si vous avez vu le journal hier...

M. Williams: Oui, oui.

M. Julien: ...où on avait un article justement où on a un mandat de récupérer une centaine de millions de dollars et, entre autres, utiliser ce qu'on appelle l'indice de richesse. C'est-à-dire qu'on est capable de définir, par rapport ? et ça, c'était à la suite d'ailleurs d'une recommandation du Vérificateur général d'avoir les outils, les meilleurs outils possible pour faire la lutte à l'évasion fiscale ? on est capable, maintenant, étant donné qu'on a beaucoup d'informations sur différentes banques de données, on est capable d'établir que cette personne-là, compte tenu de ses valeurs puis compte tenu de ce qu'elle donne à l'impôt, n'a pas payé les impôts qu'elle aurait dû payer. Je dis ça en gros, là, mais c'est quelque chose qui fonctionne depuis quelques années, ça.

M. Williams: Je présume que vous avez un bulletin, un document que vous pouvez déposer, parce que je présume que ce n'est pas basé juste sur la valeur d'une maison.

M. Julien: Non, non.

M. Williams: Parce que quelqu'un peut décider que la maison est une priorité pour eux, il va sauver de l'argent ailleurs. Je présume qu'il y a tout un document préparé au ministère du Revenu. Et je présume que la stratégie n'est pas 100 % écrite dans le journal, je présume, mais c'est plus profond que ça. Est-ce que le ministre peut déposer ça?

M. Julien: Oui. Je pourrais dire...

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Julien: ...que l'indice de richesse, ce que ça nous permet de faire, c'est d'aller faire une vérification. Lorsqu'on va faire une vérification, on va vérifier, par exemple, si cette personne-là a eu un héritage. Elle peut avoir gagné 10 millions à Loto-Québec.

M. Williams: On ne fera pas ce débat aujourd'hui.

M. Julien: Non, non, non, non, mais vous me demandez, là...

M. Williams: Sauf si vous voulez, M. le ministre.

M. Julien: Je vous donne des raisons qui fait que la personne, par exemple, pourrait avoir quelque chose subitement de nouveau, puis elle n'a pas le salaire en conséquence. Donc, elle a hérité ou de d'autres façons elle a eu des sommes d'argent. Alors, évidemment, on ferme le dossier parce qu'on conclut que cette personne-là, dans le fond, a payé ses impôts, sauf qu'elle a eu un héritage, ou elle a eu ci, ou elle a eu ça. Évidemment, on le ferme. Ça, c'est normalement. Parce que l'indice de la recherche... Ce n'est pas parce qu'on pense que cette personne-là n'a pas payé ses impôts qu'on saisit tout de suite. On fait une vérification, point.

Le Président (M. Duguay): Merci, M. le ministre. M. le député de Nelligan.

M. Julien: Mais, s'il y a lieu, là, on va cotiser.

M. Williams: Et vous pouvez déposer ça plus tard pour le bénéfice de la commission, votre analyse complète, là, votre système?

M. Julien: Oui. On doit avoir des... Oui, mais je ne sais pas...

M. Williams: Je présume qu'il y a... La façon d'analyser les dossiers, les grilles d'analyse, les plafonds...

M. Julien: Oui, comment on traite l'indice de la richesse, là? Comment on traite l'indice de la richesse, comment on procède?

M. Williams: Oui, comment vous procédez, parce que c'est assez important. Et aussi si vous avez les niveaux, les barèmes. Ce n'est pas un piège, M. le ministre.

M. Julien: Je comprends, je comprends.

M. Williams: Mais je voudrais mieux comprendre le système.

M. Julien: Pas de problème. Alors, on va trouver la procédure réelle.

M. Williams: C'est assez important parce que, sans avoir une meilleure connaissance de ce système, le ministère du Revenu peut faire des erreurs.

Le Président (M. Duguay): Ha, ha, ha!

M. Williams: Ça arrive de temps en temps, hein?

Le Président (M. Duguay): Ah! Merci...

M. Williams: Au moins, nos fonctionnaires, qui travaillent de façon très, très, très, très efficace, peuvent admettre que de temps en temps il y a des erreurs. Les politiciens ont plus de misère à admettre qu'ils font des erreurs. Ha, ha, ha!

M. Julien: Ah non, moi, je le dis. Vous savez, lorsqu'on traite 6 millions de téléphones par année puis je ne sais plus combien de millions de déclarations par jour, je peux vous dire une affaire: il peut se glisser des erreurs, effectivement.

M. Williams: Merci.

Le Président (M. Duguay): Alors, merci. Est-ce que l'article 5 est adopté?

M. Julien: Adopté, et il y a dépôt de...

Le Président (M. Duguay): Sur division?

Mme Leblanc: Sur division.

M. Julien: Évidemment.

Le Président (M. Duguay): Alors, l'article 5 est adopté sur division. On va suspendre les travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 15)

(…)»

 

(Les soulignés sont du Tribunal.)

___________________________________________________________

 



[1]     Loi sur l’administration fiscale, RLRQ, c. A-6.002.

[2]     En vertu de l’article 72 de la LAF, les poursuites et les demandes en justice, pénales ou civiles, intentées relativement à l’application ou à l’exécution d’une loi fiscale, le sont, malgré toute disposition inconciliable, par l’Agence du revenu du Québec. Aux fins de l’analyse, le Tribunal utilisera le sigle ARQ pour désigner indistinctement le ministre du Revenu et l’Agence qui agit en son nom.

[3]     La désignation du demandeur et des témoins par leur nom de famille n’a que pour seul but d’alléger le texte et ne doit en aucun temps être considérée comme un manque de courtoisie ou de respect à leur égard.

[4]     À ce sujet, Brochu est actionnaire et administrateur d’une compagnie exploitant des immeubles (9099-9269 Québec inc.) et d’une compagnie de gestion (9123-3569 Québec inc.) qui est elle-même actionnaire de plusieurs compagnies exploitant les commerces « Comptant Illimité » (9174-1249 Québec inc., 9195-9411 Québec inc., 9168-2179 Québec inc. et 9024-5127 Québec inc.,). Leur organigramme est produit comme pièce D-7 avec les extraits du registre des entreprises. « Comptant Illimité » opère à différentes place d’affaires, soit au 268 rue King Ouest, au 1551 rue Dunant, au 619 rue King Est et au 9 rue Wellington Nord.

[5]     Les commerces Comptant Illimité chargent des « frais » de 27 % à titre de condition d’un prêt, peu importe le terme (généralement entre 1 et 30 jours).

[6]     Pièce D-4. Il y en a six.

[7]     Pièce D-6.

[8]     Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c. 11. Aux fins du présent jugement, le Tribunal réfère tant à la Charte canadienne qu’à la Loi constitutionnelle de 1982 comme étant la « Charte canadienne », bien qu’il faille distinguer les deux, notamment en ce qui concerne les articles 24 (1) et 52 (re : R. c. Ferguson, [2008] 1 R.C.S. 96, par. 58).

[9]     Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c. C-12 (la « Charte québécoise »).

[10]    Loi de l'impôt sur le revenu, LRC 1985, c. 1 (5e suppl.).

[11]    Loi sur les impôts, RLRQ c. I-3.

[12]    Requête introductive d’instance, par. 39 à 41.

[13]    Requête introductive d’instance, par. 42 à 46.

[14]    Requête introductive d’instance, par. 47 à 54.

[15]    Requête introductive d’instance, par. 55.

[16]    Requête introductive d’instance, par. 56 à 59.

[17]    C.c.Q., art. 1376, 1457, 1463 et 1464.

[18]    Finney c. Barreau du Québec, [2004] 2 R.C.S. 17, 2004 CSC 36, par. 27.

[19]    Agence du revenu du Québec c. Groupe Enico inc., 2016 QCCA 76.

[20]    Idem.

[21]    Soit directement ou par analogie avec les dispositions similaires incluses dans les autres lois fiscales canadiennes.

[22]    La liste complète des autorités soumises par les parties est reproduite en « Annexe 1 ».

[23]    1068754 Alberta Ltd. c. Agence de revenu du Québec, 2018 QCCA 8. Bien que la question posée à la Cour d’appel porte principalement sur la portée territoriale d’une demande péremptoire, le rappel des principes applicables à une demande faite en vertu de l’article 39 de la LAF y est très bien exposé.

[24]    Comité paritaire de l'industrie de la chemise c. Potash; Comité paritaire de l'industrie de la chemise c. Sélection Milton, 1994 CanLII 92 (CSC), [1994] 2 R.C.S. 406, p. 441.

[25]    Environ 40 000 $ selon Brochu.

[26]    La preuve révèle que des biens détenus par « Comptant Illimité » se trouvent au 9 rue Wellington Nord, dont l’immeuble appartient à 9099-9269 Québec inc. (selon la pièce D-1).

[27]    Pièce D-8 (pièce « P-3 » accompagnant la « Requête ex parte pour permission d’exécuter avant l’expiration des délais et autres mesures conservatrices» datée du 20 mai 2015). L’information se trouve aussi à la pièce P-15. La preuve révèle cependant que le SPS s’est trompé dans la mesure qui n’est pas d’environ 21.5 kg, mais plutôt d’environ 21.5 lbs (à ce sujet, voir la pièce D-10, le poids exact est de 9 661.35 gr.). Les policiers Chénard et Lapointe confirment l’erreur dans l’unité de mesure inscrite (kg) au lieu de celle qui est réelle (lbs). Brochu reconnaît aussi, lors de l’instruction, qu’il y avait une erreur dans l’unité de mesure inscrite et que le poids était d’environ 9,6 kg.

[28]    La dénonciation et le télémandat général émis le 10 juin 2014 à 20 h 52 par la juge de paix magistrat Danielle Michaud sont produits comme pièce D-17.

[29]    « Dénonciation en vue d’obtenir un mandat général », Annexe A, par. 26 (pièce D-18).

[30]    Les photos (pièce D-19) le démontrent et ce fait est confirmé par les agents Lapointe et Brochu.

[31]    Pièce D-8 (pièce « P-2 » accompagnant la « Requête ex parte pour permission d’exécuter avant l’expiration des délais et autres mesures conservatrices» datée du 20 mai 2015). Les mandats sont émis par le juge Paul Dunnigan, j.c.q., à 14h42 et 14h45.

[32]    La dénonciation en vue d’obtenir le deuxième mandat de perquisition et le mandat général émis le 11 juin 2014 par le juge Conrad Chapdelaine, j.c.q., sont produits comme pièce D-18.

[33]    Le résumé de l’information transmise par le SPS à l’ARQ se trouve à la pièce P-16, Annexe E-1 (Rapport d’évaluation - Indices reçus - corps policiers).

[34]    Son titre apparaît sur les Demandes péremptoires qu’il a signées.

[35]    Pièce P-16, Annexe E-3 (calepin et notes personnelles de Bastien).

[36]    La déclaration sous serment de Me Dussault est produite comme pièce P-17.

[37]    L’heure est inscrite dans les notes de Bastien, pièce P-16, Annexe E-3.

[38]    Idem.

[39]    Idem.

[40]    Bien que le procureur de Brochu ait plaidé que les vérificateurs avaient forcé la visite du loft, la preuve est à l’effet contraire. D’ailleurs, Brochu n’en fait pas mention dans son témoignage, affirmant même que les vérificateurs n’étaient pas montés à l’étage et précisant qu’il n’est retourné à son loft que vers 1 h après le départ de « tout le monde ».

[41]    L’heure est inscrite dans les notes de Bastien, pièce P-16, Annexe E-3.

[42]    Idem. Les vérificateurs sont arrivés 30 minutes en retard puisqu’ils devaient aller récupérer les boîtes de documents qui avaient été temporairement entreposées au SPS.

[43]    Quatre personnes ont apposé leurs initiales sur les scellés pour en assurer l’authentification.

[44]    Pièce P-2.

[45]    Idem.

[46]    Pièce P-3.

[47]    Dont Gauthier, Bastien, Michaud, leur supérieur Paradis et le chef de service Plamondon.

[48]    Pièce D-21.

[49]    Idem.

[50]    Pièce P-4.

[51]    Pièce P-5.

[52]    Gingras a pris la relève de Bastien.

[53]    Pièce P-16, Annexe E-5 (résumé de la rencontre du 17 juillet 2014).

[54]    Pièce P-6.

[55]    Pièce D-8 (soit la pièce « P-18 » accompagnant la «Requête ex parte pour permission d’exécuter avant l’expiration des délais et autres mesures conservatrices» datée du 20 mai 2015).

[56]    Pièces P-1 et D-4. Les autres Demandes péremptoires adressées au nom des compagnies contiennent essentiellement le même texte. Cependant, la période visée est du 1er janvier 2000 au 12 juin 2014. Par ailleurs, la liste des documents demandés est annexée à chacune des demandes. L’ARQ y demande, entre autres, le livre des minutes de chaque compagnie, les registres portant sur les ventes et les recettes, les achats et débours, les opérations avec les institutions financières, les registres de paie des employés, les relevés bancaires, factures, liste de clients, contrats, etc., et « tous autres documents ou renseignements pertinents à la vérification ».

[57]    143471 Canada Inc. c. Québec (Procureur général); Tabah c. Québec (Procureur général), [1994] 2 R.C.S. 339, 1994 CanLII 89 (CSC).

[58]    Idem, p. 377 et 378. Les commerces de Brochu sont évidemment réglementés. D’ailleurs, selon l’arrêt récent 2441-0946 Québec inc. c. Agence de revenu du Québec, 2017 QCCA 1491, l’encaissement des chèques, tel que pratiqué par les commerces de Brochu, implique notamment des transactions portant sur des « effets financiers » au sens de l’article 149 (1) a) (iii) de la Loi sur la taxe d'accise, LRC 1985, c. E-15.

[59]    1068754 Alberta Ltd c. Agence de revenu du Québec, préc., note 23, par. 32; 143471 Canada Inc. c. Québec (Procureur général); Tabah c. Québec (Procureur général), préc., note 57, p. 379.

[60]    LAF, art. 39.1; Berger c. Agence du revenu du Québec, 2014 QCCS 3280, par. 96.

[61]    Agence du revenu du Québec c. Groupe Enico inc., préc., note 19, par. 101.

[62]    R. c. McKinlay Transport Ltd., 1990 CanLII 137 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 627, p. 649-650.

[63]    R. c. Evans, [1996] 1 R.C.S. 8, 1996 CanLII 248 (CSC), par. 3.

[64]    R. c. Jarvis, [2002] 3 R.C.S. 757, 2002 CSC 73 (CanLII).

[65]    R. c. BT Céramiques inc., 2017 QCCS 4262, par. 6.

[66]    Bouchard c. Société industrielle de décolletage et d’outillage (SIDO) ltée, 2007 QCCS 2272. Sur le sujet de ce type d’ordonnance, voir : Celanese Canada inc. c. Murray Demolition Corp., [2006] 2 R.C.S. 189, 2006 CSC 36; IMS Health Canada Inc. c. Th!nk Business Insights Ltd., [2013] R.J.Q. 1245, 2013 QCCA 1303; Desmarteau c. Ontario Lottery and Gaming Corporation, 2013 QCCA 2090.

[67]    Préc., note 57, p. 380-381.

[68]    R. c. Paterson, [2017] 1 R.C.S. 202, 2017 CSC 15, par. 92.

[69]    J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, La responsabilité civile, 8e éd., Éditions Yvon Blais, 2014, vol. 1, par. 1-269 à 1-273.

[70]    Bastien a eu une conduite plutôt passive dans cette affaire.

[71]    Requête introductive d’instance, par. 60 (dans la section « A - Dommages réclamées(sic) pour la saisie des documents »).

[72]    Cinar Corporation c. Robinson, 2013 CSC 73, [2013] 3 R.C.S. 1168.

[73]    Idem, par. 101 et 102.

[74]    Agence du revenu du Québec c. Groupe Enico inc., préc., note 19, par. 151.

[75]    Cinar Corporation c. Robinson, préc., note 72, par. 102.

[76]    C.c.Q., art. 2803 et 1607.

[77]    Aucune autorité n’a été soumise par le demandeur à ce sujet, mais la jurisprudence et la doctrine le confirment, voir notamment : J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, La Responsabilité civile, préc., note 69, par. 1-72.

[78]    Blum-Lussier c. Lirange, 2006 QCCS 657, par. 121 (appel rejeté : 2007 QCCA 1735).

[79]    J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, La responsabilité civile, préc., note 69, par. 1-442; Cinar Corporation c. Robinson, préc., note 72.

[80]    En plus de l’absence d’allégation, le Tribunal tient à souligner que la preuve du lien de causalité était problématique considérant que l’état « dépressif » de Brochu pouvait autant s’expliquer par son arrestation par le SPS ainsi que par l’humiliation et la crainte qui viennent avec sa mise en accusation que par le traumatisme qu’il prétend avoir subi à la suite de l’intervention des vérificateurs de l’ARQ durant la nuit du 12 au 13 juin 2014. Le Tribunal tient à préciser qu’il aurait arbitré les dommages compensatoires à la somme de 25 000 $ en lien avec le stress, la perte de jouissance de la vie et les souffrances psychologiques.

[81]    Parrot c. Thompson, [1984] 1 R.C.S. 57, p. 71.

[82]    J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, La Responsabilité civile, préc., note 69, par. 1-665; Dallaire c. Paul-Émile Martel inc., [1989] 2 R.C.S. 419, p. 425.

[83]    Brochu conteste les avis de cotisation émis par l’ARQ et le dossier est pendant devant la Cour du Québec (la demande introductive d’instance en appel est produite comme pièce D-16).

[84]    Requête introductive d’instance, par. 61 à 65.

[85]    De Montigny c. Brossard (Succession), [2010] 3 R.C.S. 64, 2010 CSC 51; Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), [2015] 2 R.C.S. 3, 2015 CSC 16.

[86]    Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, 1996 CanLII 172 (CSC), [1996] 3 R.C.S. 211.

[87]    L’importance de son patrimoine est peu compatible avec le niveau de ses revenus. Au surplus, la preuve démontre que Brochu fait des transactions occultes dans le but de cacher le véritable prix de vente de ses biens immobiliers. Par exemple, il a vendu à Houle un immeuble au prix déclaré de 65 000 $ (pièce D-14) alors que Houle affirme avoir payé « au noir » quelques 110 000 $ en argent comptant à Brochu puisque le prix convenu était de 175 000 $. Brochu ne nie pas ce fait et il admet même que le prix était plutôt de 185 000 $. Une somme de 120 000 $ est ainsi dissimulée aux yeux des autorités compétentes, dont le fisc (en lien avec le gain en capital) et la Ville de Sherbrooke qui perd en conséquence des droits de mutation immobilière.

[88]    Gauthier est d’ailleurs retraité depuis les événements.

[89]    Richard c. Time inc., 2012 CSC 8, [2012] 1 R.C.S. 265, par. 155.

[90]    De Montigny c. Brossard (Succession), préc., note 85, par. 47.

[91]    FTQ-Construction c. Lepage, 2016 QCCA 1375, par. 121.

[92]    Pièce P-14.

[93]    Agence du revenu du Québec c. Groupe Enico inc., préc., note 19, par. 172.

[94]    Pièce P-16, Annexe E-1.

[95]    Cette somme est un peu supérieure à la moyenne des revenus déclarés par Brochu pour les années 2010 à 2013 (environ 82 000 $), mais elle tient compte du fait que la violation s’est déroulée dans un lieu de résidence.

[96]    Veilleux c. Compagnie d'assurance-vie Penncorp, 2008 QCCA 257, par. 40.

[97]    Après évidemment que le SPS ait fait les recherches pour vérifier si les bijoux avaient été rapportés volés.

[98]    Pièce D-11.

[99]    Pièce D-12.

[100]   Pièce D-8 (selon le rapport de vérification et le relevé de compte - pièces « P-4 » et « P-5 » accompagnant la « Requête ex parte pour permission d’exécuter avant l’expiration des délais et autres mesures conservatoires » datée du 20 mai 2015).

[101]   Pièce D-8 (selon les avis de cotisation émis et le relevé de compte, pièces « P-6 » à « P-13 » accompagnant la « Requête ex parte pour permission d’exécuter avant l’expiration des délais et autres mesures conservatoires » datée du 20 mai 2015).

[102]   Pièce D-6.

[103]   Pièce P-7.

[104]   Les avis d’opposition ayant été rejetés, Brochu a déposé une demande introductive d’instance en appel de cotisation fiscale devant la Cour du Québec vers le 6 avril 2017 (pièce D-16).

[105]   Pièce D-8.

[106]   Agence de Revenu du Québec c. 9024-5127 Québec inc., 450-05-006141-150, 21 mai 2015 (Line Samoisette, j.c.s.). Le jugement est déposé comme pièce D-9. À cette époque, le SPS et l’ARQ n’avaient pas encore noté l’erreur quant à l’unité de mesure inscrite (kg) alors qu’en réalité, l’or saisi pesait 21.5 lbs.

[107]   Pièce P-10.

[108]   La date de la remise des sommes n’est pas en preuve, mais ce fait est admis.

[109]   Selon ce qui apparaît à l’« Entente de règlement sur la vente de l’or saisie le 18 juin 2015 » entre l’ARQ, 9024-5127 Québec inc. et Brochu (pièce P-20).

[110]   Pièce P-19.

[111]   Idem, p. 2.

[112]   Agence de Revenu du Québec c. 9024-5127 Québec inc., 450-05-006141-150 et 450-05-006145-151, 6 septembre 2016 (Charles Ouellet, j.c.s.). Le jugement rectifié est déposé comme pièce D-10. La quantité d’or est alors établie à 9 661,35 gr.

[113]   Pièce P-20.

[114]   Clauses 2, 8 et 9 de l’entente.

[115]   R. c. Ferguson, préc., note 8, par. 59.

[116]   Pièce P-15.

[117]   Plusieurs passages de l’argumentation de l’une ou l’autre des parties seront d’ailleurs retenus et repris dans le présent jugement.

[118]   Loi sur la taxe de vente du Québec, RLRQ c. T-0.1.

[119]   Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu concernant la suspension des mesures de recouvrement, projet de loi no 141, 2000, chapitre 36. La loi a été produite comme pièce D-20.

[120]   Loi sur le ministère du Revenu, LRQ, c. M-31.

[121]   Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d’autres dispositions législatives, projet de loi n10, 2001, chapitre 52, art. 5.

[122]   Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d’autres dispositions législatives, projet de loi no 121, 2002, chapitre 46, art. 8.

[123]   Selon les termes employés à l’art. 490 (5) du Code criminel.

[124]   Québec (sous-ministre du Revenu) c. Guérin, 2008 QCCA 1477 (par. 50, 51, 63, 66, 70 et 71).

[125]   À l’invitation expresse de Me Larivière et de l’ARQ, et puisqu’il a été question de l’intention du législateur au moment de l’adoption des modifications apportées à l’article 12.0.2. de la Loi sur le ministère du Revenu en 2001, le Tribunal a pris connaissance, en cours de délibéré, des débats parlementaires menant à l’adoption des amendements à cette loi pour mieux cerner l’intention du législateur. Voir les extraits du Journal des débats de la Commission des finances publiques, 36e législature, 2e session, extraits des débats tenus le mercredi 21 novembre 2001, vol. 37, no 40 (étude détaillée du projet de loi no 10 - Loi modifiant la Loi sur le ministère du revenu et d’autres dispositions législatives) reproduits en Annexe 2, dont les commentaires du ministre Guy Julien prononcés vers 10 h 50. La jurisprudence autorise un tel exercice, mais de façon limitée. À ce sujet : For-Net Montréal inc. c. Chergui, 2014 QCCA 1508, par. 74 à 79.

[126]   LAF, art. 93.1.1.

[127]   Brochu fait erreur lorsqu’il réfère à la Charte québécoise étant donné le libellé de l’article reproduit. Le Tribunal note d’ailleurs que Brochu n’a pas repris ces allégations dans son argumentation écrite.

[128]   « Réplique du demandeur à l’argumentation écrite de Revenu Québec et du PGQ », par. 5.

[129]   Siemens c. Manitoba (Procureur général), [2003] 1 R.C.S. 6, 2003 CSC 3, par. 45 et 46.

[130]   R. c. White, [1999] 2 R.C.S. 417, par. 113.

[131]   Carter c. Canada, [2015] 1 R.C.S. 331, par. 55; R.C. c. Québec (Ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale), 2009 QCCS 4355, par. 10-11; R. c. Perron, 2013 QCCQ 15650, par. 40-47; Collège des médecins du Québec c. Labonté, 2005 CanLII 49424 (QC CQ); R. c. 2866-3011 Québec inc., SOQUIJ AZ-96031027, J.E. 96-211.

[132]   Mackay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357, p. 361-362; Danson c. Ontario, [1990] 2 R.C.S. 1086, p. 1099-1100.

[133]   R. c. McKinlay Transport Ltd., préc., note 62.

[134]   Hunter c. Southam inc., [1984] 2 R.C.S. 145.

[135]   « Argumentation écrite du demandeur concernant la constitutionnalité des articles 15.3, 12.0.2 et 12.0.3 de la Loi sur l’administration fiscale» datée du 30 octobre 2017, par. 20 à 24.

[136]   R. v. Murray, 2004 SKQB 66.

[137]   Voir aux par. 7 et 8 de cette décision. L’art. 224.3 (1) de la LIR est similaire à l’art. 15.3 de la LAF et il sera analysé plus loin dans le présent jugement.

[138]   R. c. Cole, [2012] 3 R.C.S. 34, par. 34-37.

[139]   R. c. Spencer, [2014] 2 R.C.S. 212, par. 15-18.

[140]   R. c. Cole, préc., note 138, par. 39-40.

[141]   Montréal (Ville) c. Cie de fiducie Morguard, 1987 CanLII 530 (QC CA), p. 3; Millar v. Millar, 2000 ABCA 100, par. 10-16.

[142]   Demande introductive d’instance, par. 81 à 83. Brochu reprend cet argument au par. 6 de la « Réplique du demandeur à l’argumentation écrite de Revenu Québec et du PGQ ».

[143]   Guindon c. Canada, 2015 CSC 41, par. 44-46.

[144]   Martineau c. M.R.N., [2004] 3 R.C.S. 737, par. 19.

[145]   Le juge Pritchard en fait d’ailleurs mention dans le jugement cité par le demandeur dans l’affaire R. v. Murray préc., note 136.

[146]   Jefo International Ltée c. M.R.N., AZ-92021247, p. 16-18.

[147]   R. v. Rodgers, [2006] 1 R.C.S. 554, par. 62-64.

[148]   « Argumentation écrite du demandeur concernant la constitutionnalité des articles 15.3, 12.0.2 et 12.0.3 de la Loi sur l’administration fiscale », par. 16.

[149]   « Argumentation écrite du demandeur concernant la constitutionnalité des articles 15.3, 12.0.2 et 12.0.3 de la Loi sur l’administration fiscale », par. 19.

[150]   R. c. Swain, [1991] 1 R.C.S. 933, 1991 CanLII 104 (CSC), p. 992.

[151]   Withler c. Canada, [2011] 1 R.C.S. 396, p. 410 à 413.

[152]   Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, 1999 CanLII 675 (CSC).

[153]   Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, p. 171; Gosselin c. Québec, [2002] 4 R.C.S. 429, p. 462 et 463.

[154]   Winko c. Colombie-Britannique (Forensic Psychiatric Institute), [1999] 2 R.C.S. 625, 1999 CanLII 694 (CSC), par. 77.

[155]   Gosselin c. Québec, préc., note 153, p. 479 à 481.

[156]   Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203, 1999 CanLII 687 (CSC), par. 13.

[157]   Association des policiers provinciaux du Québec c. Sûreté du Québec, 2007 QCCA 1087, p. 13, 15 (j. Nuss) et 3 (j. Brossard).

[158]   Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), [2002] 3 R.C.S. 519, p. 621.

[159]   Voir, par analogie, Chénier c. Canada (A.G.), 2005 CanLII 23125 (C.S. Ont.). La Cour supérieure de l’Ontario décide que la distinction - dans la Loi sur la faillite et l’insolvabilité - entre les débiteurs de prêts étudiants gouvernementaux et les autres débiteurs n’est pas discriminatoire, puisqu’elle n’est pas fondée sur une caractéristique personnelle ou sur un motif analogue, mais sur la nature de la dette.

[160]   Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665, 2000 CSC 27, par. 65.

[161]   Québec (Procureur général du) c. Lambert, 2002 CanLII 41099 (QC CA), par. 72. Dans cet arrêt, la Cour d’appel réfère aux décisions suivantes à ce sujet : C.S.R. de Chambly c. Bergevin, 1994 CanLII 102 (CSC), [1994] 2 R.C.S. 525, 538; Johnson c. Commission scolaire Lester B. Pearson/Lester B. Pearson School Board, 2000 CanLII 5769 (QC CA), [2000] R.J.Q. 1961 (C.A.); Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), préc., note 152; Thibodeau c. Canada, 1995 CanLII 99 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 627; Miron c. Trudel, [1995] 2 R.C.S. 419; Andrews c. Law Society of British Columbia, préc., note 153; Brossard c. Québec (Commission des droits de la personne), 1988 CanLII 7 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 279.

[162]   Ruel c. Québec (Éducation), 2001 CanLII 27967 (QC CA), par. 129.

[163]   Ruel c. Québec (Éducation), préc., note 162, par. 127 à 130. Voir aussi : Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), [2015] 2 R.C.S. 789, p. 810-811.

[164]   Johnson c. Commission des affaires sociales, (1984) C.A. 61, p. 21.

[165]   Whittom c. Québec (Commission des droits de la personne), 1997 CanLII 10666 (QC CA).

[166]   Lévesque c. Québec (Procureur général), 1987 CanLII 964 (QC CA).

[167]   Ordre des comptables généraux licenciés du Québec c. Québec (Procureur général), [2004] R.J.Q. 1164, par. 69-70 (C.A.).

[168]   Il convient de rappeler que le préjudice reconnu par le Tribunal est en lien avec l’intervention des vérificateurs de l’ARQ dans la nuit du 12 au 13 juin 2014 et non en lien avec la saisie en mains tierces.

[169]   Québec (Procureur général du) c. Lambert, préc., note 161, par. 79 à 85.

[170]   Requête introductive d’instance, par. 89.

[171]   Requête introductive d’instance, par. 89.

[172]   Brochu réfère erronément à la Loi sur les impôts et non à la LAF dans sa requête introductive d’instance et son argumentation écrite.

[173]   Requête introductive d’instance, par. 97 à 103.

[174]   R. c. Advance Cutting & Coring Ltd., [2001] 3 R.C.S. 209, par. 257.

[175]   Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, par. 61-64; R. c. Clarke, [2014] 1 R.C.S. 612, par. 12-16; Febles c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2014] 3 R.C.S. 431, par. 67; Pharmascience inc. c. Binet, [2006] 2 R.C.S. 513, par. 29.

[176]   R. c. Ferguson, préc., note 8, par. 58-66.

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