Philippe Faure inc. c. Bouhous |
2017 QCRDL 40521 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
337054 31 20170516 G |
No demande : |
2246512 |
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Date : |
13 décembre 2017 |
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Régisseur : |
François Leblanc, juge administratif |
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Philippe Faure Inc. |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Hocine Bouhous |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Le locateur demande la résiliation du bail et l'expulsion du locataire, le recouvrement du loyer (1 710 $) ainsi que celui dû au moment de l'audience, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel.
[2] Le locateur demande de plus la résiliation du bail au motif que le locataire paie fréquemment son loyer en retard.
[3] Il s'agit d'un bail du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017 au loyer mensuel de 570 $, payable le premier jour de chaque mois, reconduit d’après le locateur jusqu'au 30 juin 2018 au loyer mensuel de 591 $.
[4] Le locateur réclame donc 21 $ par mois non-payé depuis juillet 2017, soit un montant de 84 $. Quant aux autres mois de loyers demandés, ont été payés à l’audience, car les parties ne s’entendent pas sur le mode de paiement du loyer.
[5] Le locataire conteste vigoureusement les prétentions du locateur, à ce chapitre, et plaide que ce dernier refuse de percevoir le loyer conformément à une entente prise dans une instance antérieure et qui a fait l’objet d’une décision[1].
[6] De plus, quant à l’augmentation de loyer, le locataire plaide avoir répondu à l’avis du locateur dans le délai imparti.
QUIESTIONS EN LITIGE
[7] Comme on le verra, il y a lieu de se demander si un simple avis transmis par courriel est suffisant pour refuser une augmentation de loyer.
[8] De plus, le Tribunal devra préciser l’interprétation à donner à l’expression « virement automatique ».
LES FAITS
[9] Le 19 février 2017, le locateur fait parvenir, par courriel, un avis d’augmentation de loyer. Le lendemain, le locataire en accuse réception et demande au locateur de lui faire parvenir par courriel le formulaire de la Régie afin qu’il puisse y répondre. Il réitèrera cette demande le 26 février.
[10] N’ayant pas de réponse, le locataire refuse, le 6 mars 2017, l’augmentation dans un courriel qui se lit ainsi :
« Bonjour,
Puisque je n’ai pas reçu le formulaire de l’augmentation du loyer malgré la demande faite !!
Je vous informe que je renouvèle le bail et je refuse l’augmentation
Merci
Hocine Bouhous ».
[11] Le locateur nie avoir reçu ce courriel, alors qu’il admet avoir reçu les autres échanges électroniques mis en preuve.
[12] Quant au problème de paiement de loyer, les parties ne s’entendent pas sur l’interprétation à donner à une décision rendue antérieurement dans laquelle on lit ceci :
« [8] Des consignes claires ont été émises au locataire à l’audience quant au mode de paiement des loyers futurs. La locatrice a transmis ses coordonnées bancaires et le locataire s’est engagé à procéder par virement automatique mensuel. Par conséquent, la demande de dépôt de loyer au greffe du Tribunal est inutile et n’apporterait que des tracas et des complications aux parties alors que la solution convenue est beaucoup plus pratique et efficace. »[2]
[13] Pour le locataire, cette décision lui permet de payer par virement Interac, alors que pour le locateur le dépôt doit être fait directement dans son compte de banque. Il témoigne que comme il détient un compte commercial, il ne peut recevoir de virement Interac.
[14] Pour le locataire, telle interprétation est déraisonnable, puisque comme il ne fait pas affaire avec la même institution financière, cela le force à se rendre à une succursale de la banque du locateur pour y effectuer un dépôt. De plus, il lui est impossible de procéder ainsi s’il est à l’étranger, ce qu’il lui arrive.
[15] Enfin, il met en preuve un enregistrement afin de faire préciser exactement ce qui s’est dit à l’audience, au terme de laquelle la dernière décision a été rendue.
ANALYSE ET DÉCISION
[16] Quant à l’avis
d’augmentation de loyer, en vertu de l’article
[17] Cependant, il appartient au locataire de prouver la réception du courriel[3]. Celui-ci peut cependant bénéficier des présomptions prévues aux articles 28 et 31 de la Loi concernant le cadre des technologies de l'information[4].
[18] Ils se lisent comme suit :
« 28. Un document peut être transmis, envoyé ou expédié par tout mode de transmission approprié à son support, à moins que la loi n’exige l’emploi exclusif d’un mode spécifique de transmission.
Lorsque la loi prévoit l’utilisation des services de la poste ou du courrier, cette exigence peut être satisfaite en faisant appel à la technologie appropriée au support du document devant être transmis. De même, lorsque la loi prévoit l’utilisation de la poste recommandée, cette exigence peut être satisfaite, dans le cas d’un document technologique, au moyen d’un accusé de réception sur le support approprié signé par le destinataire ou par un autre moyen convenu.
Lorsque la loi prévoit l’envoi ou la réception d’un document à une adresse spécifique, celle-ci se compose, dans le cas d’un document technologique, d’un identifiant propre à l’emplacement où le destinataire peut recevoir communication d’un tel document. »
« 31. Un document technologique est présumé transmis, envoyé ou expédié lorsque le geste qui marque le début de son parcours vers l’adresse active du destinataire est accompli par l’expéditeur ou sur son ordre et que ce parcours ne peut être contremandé ou, s’il peut l’être, n’a pas été contremandé par lui ou sur son ordre.
Le document technologique est présumé reçu ou remis lorsqu’il devient accessible à l’adresse que le destinataire indique à quelqu’un être l’emplacement où il accepte de recevoir de lui un document ou celle qu’il représente publiquement être un emplacement où il accepte de recevoir les documents qui lui sont destinés, dans la mesure où cette adresse est active au moment de l’envoi. Le document reçu est présumé intelligible, à moins d’un avis contraire envoyé à l’expéditeur dès l’ouverture du document.
Lorsque le moment de l’envoi ou de la réception du document doit être établi, il peut l’être par un bordereau d’envoi ou un accusé de réception ou par la production des renseignements conservés avec le document lorsqu’ils garantissent les date, heure, minute, seconde de l’envoi ou de la réception et l’indication de sa provenance et sa destination ou par un autre moyen convenu qui présente de telles garanties. »
[19] En résumé, ces articles permettent, si une preuve de réception est requise, qu’elle soit faite de façon électronique et créent une présomption de réception si une adresse électronique est normalement utilisée par le destinataire et que l’on produit les métadonnées de l’envoi.
[20] En application de ces principes, certaines décisions de la Régie du logement ont accepté de reconnaître la réception de tels avis[5] alors que d’autres s’y sont refusées[6].
[21] Il s’agit donc d’une question de fait laissant présumer qu’un avis est reçu, lorsque ces deux éléments sont prouvés. Mais cette présomption est facilement renversable! C’est donc dire qu’il peut s’avérer hasardeux de procéder de la sorte.
[22] Dans le cas qui nous occupe, il est surprenant que le locateur ait reçu tous les courriels sauf l’avis de refus. En conséquence, le Tribunal doit présumer que l’avis de refus a bien été reçu.
[23] Et même si ce n’était pas le cas, le locataire a d’abord envoyé deux courriels demandant un avis conforme au modèle de la Régie du logement. Or, il est clair qu’une réponse conditionnelle, à un avis de modification de bail, doit être interprétée comme un refus[7].
[24] La demande du locateur n’est donc pas fondée à ce chapitre.
[25] Quant à la question du mode de paiement de loyer, le Tribunal se doit de la trancher, car plusieurs mois de loyer ont été payés à l’audience. Et le Tribunal a mieux à faire que de servir de lieu d’échange pour du loyer.
[26] Le Tribunal a ordonné que le loyer soit payé par « virement automatique mensuel ». Le terme virement est défini ainsi dans la version 2017 du petit Larousse illustré :
« Virement : Opération consistant à créditer un compte bancaire ou postal par le débit d’un autre compte ».
[27] De plus, Nicole L’Heureux, Edith Fortin et Marc Lacoursière écrivent en définissant ainsi un virement bancaire :
« L’ordre de virement, qui amorce l’opération de virement, est une instruction adressée par le donneur d’ordre à une banque l’enjoignant de verser au compte du bénéficiaire un montant d’argent déterminé. Le virement peut être enclenché par une lettre, un télex, une communication par télétransmission, un courrier électronique, une bande magnétique ou une carte de paiement ».[8]
[28] C’est donc dire qu’un virement bancaire est un ordre donné à une banque et non pas un message envoyé au locateur lui permettant de donner un tel ordre à sa banque.
[29] Surtout, dans le contexte où le locateur a, comme on l’a vu, transmis ses coordonnées bancaires, l’on doit conclure qu’il s’agit d’un virement de compte à compte, ce qui de toute façon correspond à la définition de l’expression « virement bancaire ».
[30] C’est donc dire que l’on doit retenir la position du locateur.
[31] Reste la question des frais et il y a un principe universellement reconnu voulant que la partie qui succombe doive assumer les frais.
[32] Comme le décidait le juge Lebel, de la Cour suprême du Canada, le pouvoir d'accorder des dépens est un pouvoir discrétionnaire qui doit être exercé de façon judicieuse en suivant les règles ordinaires relatives à cette question[9]. C'est donc dire qu'à moins de circonstances exceptionnelles, ou dans un cas d'exécution dans un délai raisonnable d'une demande non précédée d'une mise en demeure[10], la partie qui doit prendre des procédures pour faire valoir ses droits doit les obtenir.
[33] Or, le locataire a attendu au jour de l’audience pour payer son loyer alors qu’il aurait dû procéder par un virement bancaire. En conséquence, il sera tenu aux frais.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[34] CONFIRME que le locataire doit procéder au paiement de son loyer par virement bancaire;
[35] CONDAMNE le locataire à payer au locateur ses frais de 83 $.
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François Leblanc |
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Présence(s) : |
le mandataire du locateur le locataire |
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Date de l’audience : |
24 octobre 2017 |
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[1] Philippe Faure inc. c. Bouhous (R.D.L., 2016-11-11), 2016
QCRDL 38276,
[2] Philippe Faure inc. c. Bouhous précité note 1.
[3] Bon Apparte c. Brousseau (C.Q., 2003-10-28),
[4] RLRQ., c. C-1.1.
[5] Charron c. Coleman (R.D.L.,
2014-01-28), 2014 QCRDL 2803,
[6] Lee-Coutin c. Inovario inc. (R.D.L.,
2017-07-03), 2017 QCRDL 21865,
[7] G1-Bloc inc. c. Lessard (R.D.L., 2013-09-19), 2013
QCRDL 31171,
[8] L’Heureux, Nicole, Édith Fortin et Marc Lacoursière, Droit bancaire, 4e éd, Cowansville, Yvon Blais, 2004, par. 36, le Tribunal souligne.
[9] Colombie-Britannique (Ministre des
Forêts) c. Bande indienne Okanagan (A.E./ P.C. 2004-3402 (C.S.C.);
[10] Article
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.