Klassou c. Immeubles McKimaris | 2024 QCTAL 4041 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Laval | ||||||
| ||||||
Nos dossiers : | 713265 36 20230605 G 722614 36 20230712 G | Nos demandes : | 3926538 3974523 | |||
|
| |||||
Date : | 07 février 2024 | |||||
Devant la juge administrative : | Sophie Alain | |||||
| ||||||
Koffi Seyram Klassou |
| |||||
Locataire - Partie demanderesse (713265 36 20230605 G) Partie défenderesse (722614 36 20230712 G) | ||||||
c. | ||||||
Les Immeubles Mckimaris |
| |||||
Locateur - Partie défenderesse (713265 36 20230605 G) Partie demanderesse (722614 36 20230712 G) | ||||||
| ||||||
D É C I S I O N
| ||||||
[1] Le Tribunal est saisi de deux dossiers qu’il a réunis[1].
[2] Par une demande du 5 juin 2023, le locataire affirme être victime de harcèlement de la part du gérant du locateur et requiert une ordonnance pour que cesse celui-ci. Il réclame des dommages-intérêts de 1 500 $ pour tous les troubles et inconvénients subis, plus les frais.
Dossier 722614 36 20230712
[3] Par un recours introduit le 12 juillet 2023, le locateur demande de constater et d’entériner l’entente conclue entre les parties de résilier le bail au 31 août 2023. On demande d’ordonner l'expulsion du locataire et de tous les occupants après cette date, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel et les frais.
QUESTIONS EN LITIGE
[4] Le Tribunal identifie les questions suivantes qu’il analysera dans l’ordre inverse de l’introduction des recours :
[5] Les parties sont liées par un bail de logement pour la période du 1er avril 2021 au 31 mars 2022 au loyer mensuel de 620 $, pour un logement de 3½ pièces. Le bail sera reconduit au loyer de 630 $ jusqu’en mars 2023.
[6] Le 9 septembre 2022, le locataire signe une lettre d’entente de résiliation du bail et indique « J’accepte les conditions du contrat »[2]. Il y a lieu de reproduire cette lettre :
« Le 06 septembre 2022
Koffi Seyram Klassou
(…)
Sujet : Entente de résiliation de bail – Entente entre partie faite hors délais
Monsieur Koffi,
Tel qu’entendu au téléphone, nous nous entendons par la présente de résilier le bail en date du 31 août 2023 ou avant selon le désire du locataire. Par la présente, le locataire pourra résilier le bail sans aucune pénalité tant qu’il donne un avis écrit de 2 mois d’avance (au plus tard, la résiliation est le 31 août 2023).
Avec cette entente, les immeuble Mckimaris garde le loyer à 620 $ par mois et ce, jusqu’à la résiliation du bail (d’ici le 31 août 2023 au plus tard).
Cette entente, signe le 07 septembre 2022
Acceptation et signature : »
[Reproduite telle quelle]
[7] Au nom du locateur, Rabih Baki transmet un avis d’augmentation de loyer et de modification d’une autre condition du bail. Il indique que le loyer sera augmenté à 820 $ si le locataire accepte de renouveler son bail à compter du 1er septembre 2023 au 31 août 2024[3]. La mention suivante est indiquée :
« Tel que notre entente signé l’année dernière et a la demande du locataire, le bail sera resilié a partir du 31 aout 2023. le locataire et tous les occupants devront vider l’appartment de tout objet personnel avant cette date.
Merci. »
[Reproduit tel quel]
[8] Le 8 mai 2023, le locataire refuse l’augmentation et indique qu’il renouvelle son bail[4].
[9] Le 16 mai 2023, M. Baki, pour le locateur, informe le locataire de l’erreur de formulaire et l’informe que le bail sera résilié au 31 août 2023, tel qu’entendu en septembre 2022. Il rappelle que le locataire a bénéficié d’une diminution de loyer depuis septembre 2022. De plus, le locateur indique :
« AUCUN RENOUVELLEMENT ne sera permis après le 31 août 2023. Le locataire et tous les occupants devront vider l’appartement de tout objet personnel avant cette date et remettre les clés au concierge ou responsable de l’immeuble »[5]
[10] M. Baki déclare que le locataire avait informé un associé en août 2022 que sa famille arriverait au pays. C’est le locataire qui a initié de vouloir mettre fin au bail et il a même bénéficié d’un loyer réduit à 620 $, car il était de 630 $.
[11] M. Baki admet avoir commis une erreur en transmettant l’avis (pièce P-5), car il était en pleine période de renouvellement.
[12] Il ne veut pas mettre le locataire hors de son logement, mais il souhaite le respect de l’entente de résiliation du bail et le départ du locataire. Il confirme que le logement du locataire n’a pas été reloué.
Allégations et preuve du locataire
[13] Le locataire offre une autre version.
[14] Il est entré dans son logement le 6 mars 2021. Quoique vieux, le logement lui convient. Toutefois, il est toujours dérangé par un voisin. Il en parle souvent à Mme Hamza. Il lui demande d’intervenir auprès du voisin. Comme les troubles de bruits se poursuivent, il lui demande même s’il est possible de déménager dans un autre logement de l’immeuble.
[15] Un jour, le 9 septembre 2022, il croise le nouveau gérant, M. Diku, et il lui parle des dérangements sonores qu’il doit endurer. Le gérant était au courant du bruit fait par le voisin et il lui a dit être intervenu auprès de ce dernier. Le locataire lui a répondu que le bruit continuait.
[16] Comme le bruit le dérange beaucoup, le gérant lui propose de diminuer son loyer à 620 $, mais de changer le terme du bail au 31 août 2023. Cela fait à peine quelques minutes qu’ils discutent et le gérant lui tend une feuille et lui demande de signer les conditions du contrat au bas de la lettre et lui dicte les mots à écrire; le locataire s’est exécuté. En contre-interrogatoire, le locataire dira que jamais il ne lui a parlé au téléphone, contrairement à ce qui est écrit au début de la pièce P-5.
[17] Quelques semaines après, Mme Hanza l’appelle pour vérifier s’il a signé un document indiquant la résiliation du bail. Il confirme. Mme Hamza lui explique alors ce que veut dire « résiliation du bail », car il ne le savait pas.
[18] Le locataire expose être un réfugié et c’est la première fois de sa vie qu’il signait un bail.
[19] Le locataire explique qu’il ne voulait pas diminuer son loyer, il voulait que son voisin cesse de faire du bruit, car cela entrave sa condition cardiaque, déclare-t-il. Le gérant lui a dit, on « va faire un deal. » et le 31 août 2023, on va changer les conditions du contrat. Il a signé et le gérant a repris la feuille. Le locataire nie avoir parlé de sa famille ou de résilier le bail avant la signature; il a uniquement abordé le bruit. Il était alors pressé, car il devait sortir.
[20] Le 23 avril 2023, le locataire reçoit l’avis d’augmentation de loyer et y répond le 8 mai.
[21] Le 16 mai, il a parlé au téléphone avec M. Baki qui lui a dit « Vous pouvez rester, mais vous devez payer le nouveau loyer ».
[22] Le locataire expose qu’il ne cherche aucunement une diminution de loyer; il veut conserver son logement jusqu’à ce qu’il reçoive sa résidence permanente. Il a subi de la torture dans son pays et il se sent harcelé par le locateur qui veut augmenter le loyer de 200 $ pour négocier son maintien dans son logement.
[23] D’ailleurs, le gérant lui a dit que le propriétaire était prêt à diminuer le loyer à 720 $, mais qu’il devrait payer un loyer de 920 $ après le 31 août 2024.
[24] Le locataire affirme que le gérant lui a dit : « j’ai des puissants avocats …. Vous jouez à des jeux dangereux avec moi ».
[25] Le locataire voulait faire témoigner des voisins, mais aucun d’eux n’a accepté de venir au Tribunal, de peur de salir leur dossier, explique le locataire.
[26] Ainsi peut-on résumer l’essentiel des éléments factuels pertinents afin de décider du présent litige.
DROIT APPLICABLE
Demande du locateur : entente de résiliation du bail
[27] Il n’est pas contesté que le locataire se plaignait du bruit d’un voisin. À cet égard, un locataire a droit à la jouissance paisible des lieux loués, tant qu'il ne les a pas abandonnés ou tant qu'il n'a pas été évincé par voie judiciaire[6].
[28] L’article 1936 du Code civil du Québec (C.c.Q.) consacre le droit d'un locataire au maintien dans les lieux. Cet article se lit comme suit :
« 1936. Tout locataire a un droit personnel au maintien dans les lieux; il ne peut être évincé du logement loué que dans les cas prévus par la loi. »
[29] Il s'agit d'une règle d'ordre public de protection en faveur des locataires[7].
[30] Soulignons qu’en vertu des articles 6 et 7 C.c.Q. toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi et ne pas nuire à autrui. De plus, selon l’article 1375 C.c.Q. la bonne foi doit gouverner la conduite des parties à un contrat du début jusqu’à la fin.
[31] L'article 1434 C.c.Q. prévoit que le « contrat valablement formé oblige ceux qui l'ont conclu non seulement pour ce qu'ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d'après sa nature et suivant les usages, l'équité ou la loi ».
[32] En ce qui concerne le consentement, les dispositions suivantes du Code civil du Québec édictent :
« 1399. Le consentement doit être libre et éclairé.
Il peut être vicié par l’erreur, la crainte ou la lésion. »
« 1400. L’erreur vicie le consentement des parties ou de l’une d’elles lorsqu’elle porte sur la nature du contrat, sur l’objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.
L’erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement. »
« 1401. L'erreur d'une partie, provoquée par le dol de l'autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.
Le dol peut résulter du silence ou d'une réticence. »
« 1407. Celui dont le consentement est vicié a le droit de demander la nullité du contrat; en cas d'erreur provoquée par le dol, de crainte ou de lésion, il peut demander, outre la nullité, des dommages-intérêts ou encore, s'il préfère que le contrat soit maintenu, demander une réduction de son obligation équivalente aux dommages-intérêts qu'il eût été justifié de réclamer. »
[33] La validité d’un contrat repose sur le consentement libre et éclairé donné par les parties. Ce consentement peut notamment être vicié par l’erreur sur la nature du contrat, sur l’objet de la prestation ou sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.
[34] Le fardeau de preuve appartient à celui qui conteste la validité du contrat.
[35] Pour permettre au Tribunal de conclure à la nullité de l’entente[8], le locataire doit démontrer que son consentement a été vicié par le dol ou que le locateur a eu la volonté de le tromper ou de l’induire en erreur.
[36] Le dol provient du fait de provoquer sciemment l’erreur dans l’esprit du cocontractant pour le pousser à s’engager ou pour lui faire accepter des conditions qu’il n’aurait pas acceptées en toute connaissance de cause[9]. Le dol ne se présume pas[10]. La partie qui l’invoque doit prouver tous les éléments constitutifs du dol par réticence, à savoir : l’existence d’une erreur déterminante, l’intention de tromper chez l’auteur de la réticence, ce dernier étant conscient qu’il s’agit d’une réticence[11].
Demande du locataire : Ordonnance - Harcèlement – Dommages-intérêts
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »
[Caractère gras ajouté]
[38] Pour obtenir une ordonnance, la démonstration du droit du locataire par prépondérance des probabilités suffit. Par une ordonnance, le Tribunal enjoint à une partie de poser un acte ou lui interdit de le faire, dans les cas qui le permettent[12].
[39] L’article 1902 C.c.Q. interdit à un locateur d’user de harcèlement envers un locataire. Il a pour objectif de décourager un locateur de faire pression sur un locataire ou de l’intimider dans un but de restreindre son droit à la jouissance paisible des lieux loués ou de l’inciter à quitter son logement. Cet article se lit comme suit :
« 1902. Le locateur ou toute autre personne ne peut user de harcèlement envers un locataire de manière à restreindre son droit à la jouissance paisible des lieux ou à obtenir qu’il quitte le logement.
Le locataire, s’il est harcelé, peut demander que le locateur ou toute autre personne qui a usé de harcèlement soit condamné à des dommages-intérêts punitifs. »
[40] La notion de « harcèlement » implique une manifestation volontaire, hostile ou non désirée et généralement répétée et continue[13] du locateur envers le locataire, ses proches ou ses biens.
[41] Le Tribunal doit apprécier l'ensemble des faits et apprécier l'intention du locateur, car toute conduite entraînant une conséquence de restreindre la jouissance du locataire ne constitue pas nécessairement du harcèlement; elle doit être une tactique choisie dans la mise en œuvre d'une stratégie plus ou moins planifiée en vue d'atteindre un objectif recherché et son effet immédiat (l'effet dérangeant) doit apparaître comme un objectif intermédiaire ou secondaire. Par exemple, il peut s’agir des comportements, des paroles, des actes ou des gestes méprisants, insultants, intimidants, illicites, humiliants, malveillants, discriminants, dégradants ou injurieux qui portent atteinte à la dignité ou à l'intégralité psychologique ou physique[14].
[42] En ce qui concerne les dommages-intérêts, pour en attribuer, le Tribunal doit considérer le lien de causalité qui existe entre la faute reprochée[15] et les dommages réclamés. L’octroi de dommages vise à compenser le préjudice subi (moral, matériel) lorsqu’il y a un lien entre la faute reprochée et les dommages réclamés. Les dommages moraux visent à compenser les troubles, ennuis, inconvénients, la perte de jouissance de la vie, les douleurs et les souffrances psychologiques[16].
ANALYSE ET DÉCISION
[43] Non. Le Tribunal conclut à la nullité de celle-ci, car la preuve démontre que le consentement du locataire a été vicié par l’erreur. Par conséquent, le Tribunal rejette la demande du locateur d’expulser le locataire du logement pour les raisons suivantes.
[44] Le locateur invoque qu’il y a eu entente pour résilier le bail au 31 août 2023 et l’a rappelée dans sa lettre du 16 mai 2023 où il indique « (…) AUCUN RENOUVELLEMENT ne sera permis après le 31 août 2023 (…) »[17].
[45] Le locataire conteste avoir voulu la résiliation du bail; il se plaignait du bruit et avait demandé de changer de logement.
[46] Le Tribunal constate, et ce, très respectueusement dit, que le locataire est démuni. Visiblement, le locataire craint l’autorité; il y a peut-être un lien avec son passé. À tout événement, le Tribunal juge que le témoignage du locataire est crédible; il a donné une version directe et sincère des faits sans exagération, malgré quelques imprécisions. Le locataire est crédible qu’il s’agissait de sa première rencontre avec le nouveau gérant. Il signe le document le 9 septembre, alors que la lettre porte la date du 6 septembre.
[47] En ce qui concerne le locateur, M. Baki n’était pas présent à la signature de l’entente le 9 septembre, tout comme ce n’est pas lui qui a parlé avec le locataire.
[48] Le Tribunal juge peu probante la version de M. Baki qu’il aurait commis une erreur en transmettant l’avis d’augmentation (pièce P-3), bien au contraire. Sa version n’est pas jugée directe en ce qui concerne sa motivation. En effet, la réplique du locateur (pièce P-5) à la réponse du locataire de refuser l’augmentation de 200 $ du loyer énonce le véritable projet : augmenter le loyer de façon significative, car au nom du locateur, M. Baki indique :
« AUCUN RENOUVELLEMENT ne sera permis après le 31 août 2023. Le locataire et tous les occupants devront vider l’appartement de tout objet personnel avant cette date et remettre les clés au concierge ou responsable de l’immeuble »
[49] Aussi, la version du locataire est crédible que s’il restait après le 31 août 2023, les règles allaient être modifiées; pour preuve, l’avis d’augmentation du loyer indique une augmentation de 200 $ faisant passer le loyer à 820 $ (P-3). La pièce P-3 démontre la véritable intention du locateur : trouver une façon d’augmenter le loyer sans respecter les normes en vigueurs.
[50] Certes, le locataire a été naïf, comme il l’a admis à l’audience, en signant le document dans les escaliers de l’immeuble. Toutefois, le Tribunal ne le juge pas négligent; il a été victime d’une inégalité situationnelle.
[51] En l’instance, il y a un véritable déséquilibre contractuel. Le locataire est un réfugié qui se plaint du bruit depuis le début de son arrivée, qui fait affaires avec des gérants de la société immobilière du locateur.
[52] En droit du logement, la jurisprudence rapporte des situations de déséquilibre entre un locateur et un locataire.
« [62] Le Tribunal ne peut ignorer le déséquilibre contractuel entre les parties au départ, la brève rencontre sans temps de réflexion pour une décision aussi importante que la résiliation du bail, et ce, pour des motifs incertains de la locatrice selon ses dires.
[63] Ainsi, la soussignée conclut du témoignage sincère et crédible du locataire qu’il a consenti à la résiliation du bail sur la conviction que la locatrice désirait reprendre son logement pour s’y loger.
[64] La locatrice a-t-elle sciemment voulu semer le doute dans l'esprit du locataire pour l’inciter à transiger? À la lumière de la preuve offerte, le Tribunal ne peut conclure que l’erreur a été provoquée par le dol de la locatrice.
[65] Certes, le locataire a tenté de joindre un avocat durant la courte absence de la locatrice pour chercher la somme manquante à la contrepartie convenue. Néanmoins, il fait confiance à la locatrice. Peut-on lui en tenir rigueur dans les circonstances démontrées? S’agit-il d’une erreur inexcusable? Le Tribunal ne le croit pas. Le locataire n’a pas adopté un comportement négligent dans la conduite de cette affaire.
[66] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que la preuve soumise démontre un consentement vicié du locataire fondé sur l’erreur, laquelle est suffisante pour entraîner la nullité de la convention[18]. »
[54] Dans la décision Mailloux c. Pratte-Lefebvre[19], le Tribunal conclut que le locateur a profité du manque d'expérience des locataires et de leur situation précaire pour en tirer un avantage en leur présentant des options de cession ou de sous-location comportant des difficultés de réalisation tellement élevées que le choix le plus facile restait celui de verser une somme d’argent au locateur pour quitter.
[55] Enfin, le Tribunal juge pertinent de citer la décision Lafond c. Immeubles Forsa Inc.[20], dans laquelle, la juge administrative Jocelyne Gravel rejette une demande introduite en vertu de l’article 1889 C.c.Q. et annule une entente de résiliation du bail. La preuve avait démontré que les locataires avaient consenti à la résiliation de leur bail en raison de leur croyance erronée qu'ils n'avaient pas le choix de quitter leur logement étant donné des travaux importants devant être effectués à l'immeuble. Les locataires ont alors commis une erreur portant sur un élément essentiel à la formation du contrat. Ils étaient en présence de deux hommes d'affaires expérimentés qui, en tout temps, ont agi d’une manière douce et respectueuse. Toutefois, ils auraient dû exposer aux locataires toutes les options possibles avant de leur proposer une entente de résiliation du bail. Cette obligation découle de celle de devoir agir de bonne foi et de les renseigner sur les éléments essentiels de l'entente proposée.
[56] Non. Le locataire n’a pas démontré que le locateur a usé de harcèlement.
[57] Soulignons que le fardeau de preuve pour convaincre le Tribunal qu’un locataire est victime de harcèlement est lourd et sérieux. En l’instance, pour le moment, les reproches du locataire ne sont pas à ce point assez significatifs pour permettent de conclure à du harcèlement.
[58] Oui. Le locateur a commis une faute en contournant la loi pour augmenter le loyer et ne pas avoir respecté le droit au maintien dans les lieux loués.
[59] Le locateur a usé d’une tactique pour attirer le locataire en lui offrant une diminution de loyer tout en ne respectant pas les règles de la bonne foi pour obtenir un loyer plus élevé que ce qu’il aurait pu obtenir par la voie officielle.
[60] Le Tribunal croit le locataire lorsqu’il affirme que l’avis d’augmentation de 200 $ et la lettre du 16 mai lui ont causé un grand stress.
[61] Par conséquent, le Tribunal condamne le locateur à payer 500 $ au locataire à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi par tous les troubles et inconvénients subis. Le Tribunal tient compte que le locataire a bénéficié d’une diminution de loyer de 10 $ à en raison des troubles subis par le bruit de son voisin.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
Demande du locataire - Dossier numéro : 713265
[62] ACCUEILLE, en partie, la demande;
[63] CONDAMNE le locateur à payer 500 $ au locataire, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q. à compter du 5 juin 2023, plus les frais de 93,75 $;[21]
Demande du locateur - Dossier numéro : 722614
[64] DÉCLARE NULLE l’entente de résiliation du bail signée le 9 septembre 2022;
[65] REJETTE la demande du locateur.
|
| ||
|
Sophie Alain | ||
| |||
Présence(s) : | le locataire le mandataire du locateur Me Mélanie Zawahiri, avocate du locateur | ||
Date de l’audience : | 22 novembre 2023 | ||
| |||
| |||
[1] Les demandes sont réunies pour la bonne administration de la justice, comme lui permet l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, RLRQ, c. T-15.01.
[2] Pièce P-2.
[3] Pièce P-3.
[4] Pièce P-4.
[5] Pièce P-5.
[6] Article 1854 C.c.Q., et Arsenault c. Immeuble 3015 Sherbrooke Inc.,
[7] Article 1893 C.c.Q.
[8] Entre des parties adultes.
[9] Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 7e éd., par Pierre-Gabriel JOBIN avec la collaboration de Nathalie VÉZINA, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, nos 223 et 225; Didier LLUELLES et Benoît MOORE,
[10] Article 2805 C.c.Q.
[11] Précitée note 10, numéro 232.
[12] Article 1601 C.c.Q.; Pierre Gagnon, Chronique – L'ordonnance d'exécution en nature dans le droit du louage résidentiel, Repères, Juin 2013, Éditions Yvon Blais Inc., EYB2013REP1376.
[13] Huot c. Martineau*,
[14] Me Pierre PRATTE, Le harcèlement envers les locataires et l'article 1902 du Code civil du Québec, (1996) 56 R. du B. 3,6. Denis LAMY, Le harcèlement entre locataires et propriétaires, Montréal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 6.
[15] Toujours en lien avec les obligations découlant du bail.
[16] Mirza c. Chowdhury,
[17] Pièce P-5.
[18] Wiedmann-Harland c. Ryan,
[19] Mailloux c. Pratte-Lefebvre
[20] Lafond c. Immeubles Forsa Inc.,
[21] Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement, RLRQ, T-15.01, r. 6.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.