Décision

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Gauthier c. Salehabadi

2016 QCCS 6258

JL4437

 
COUR SUPÉRIEURE

(Chambre civile)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

N° :

200-17-016085-128

 

 

 

DATE :

Le 16 décembre 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

MANON LAVOIE, j.c.s.

______________________________________________________________________

 

 

GUYLAINE GAUTHIER

et

SARTO LANDRY

Demandeurs

c.

AMÉLIA SALEHABADI

et

DROIT-INC.COM

et

RENÉ LEWANDOWSKI

            Défendeurs

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

[1]          Les demandeurs, Me Sarto Landry et Me Guylaine Gauthier, réclament aux défendeurs, Me Amélia Salehabadi, Droit-inc.com et René Lewandowski des dommages suivant la publication d’un article sur le site web Droit-inc.com qu’ils considèrent comme diffamant et irrespectueux, ce qui aurait porté atteinte à leur réputation. Ils réclament 250 000 $ en dommages moraux avec intérêts et indemnités additionnelles.

[2]          Les défendeurs, quant à eux, considèrent que la présente procédure constitue une poursuite-bâillon dont le but est de limiter leur liberté d’expression. Ceux-ci ont d’ailleurs volontairement modifié le texte de l’article litigieux après réception de mises en demeure de la part des demandeurs. Enfin, ils soutiennent que les demandeurs n’ont subi aucun dommage découlant de la publication dudit article.

LE CONTEXTE

[3]          Les demandeurs sont tous deux avocats de profession. Me Sarto Landry est également agronome et Me Guylaine Gauthier, actuaire. Ils reprochent à la défenderesse, Me Amélia Salehabadi, avocate de formation, d’avoir publié le 16 novembre 2010 un article diffamatoire à leur sujet sur le site Droit-inc.com, propriété du défendeur René Lewandowski.

[4]          Voici la partie du texte original qui concerne les demandeurs publié le 16 novembre 2010 sur le site[1] :

« Le Syndic en hausse, l’AMF en baisse

Par : Amélia Salehabadi | Le : 2010-11-16 13h15 

Quels sont les acteurs du monde juridique qui ont la cote aujourd'hui? Quels sont ceux qui en arrachent? Amélia Salehabadi vous les présente.

En Hausse

Le Syndic du Barreau représenté par Me Jean-François De Rico et Me Raynold Langlois, de chez Langlois, Kronström, Desjardins.

Branle-bas de combat à la Cour d'appel, avec deux jugements rendus le même jour dans le dossier Gauthier c. Guimont.

Guimont étant le syndic adjoint du Barreau du Québec.

Pour la petite histoire, Me Guylaine Gauthier pratiquait le droit en compagnie de son mari, ex-Me Sarto Landry, jusqu'à ce que ce dernier soit radié du Tableau de l'Ordre des avocats.

Le couple exerçait ses activités professionnelles à partir de bureaux situés dans leur résidence familiale.

Or, grâce à un délateur et à une ex-cliente, le syndic a su que ex-Me Sarto Landry pratiquait toujours le droit, et cela grâce à la complicité de son épouse.

De plus, cette dernière aurait procédé à l'épuration de ses dossiers pour cacher ce fait et elle aurait commis de plus un acte dérogatoire grave dans un litige l'impliquant (confection d'un faux).

Le Syndic ne prend pas de chance et se présente devant la cour supérieure en déposant ex parte une requête de bene esse pour ordonnance d'assistance.

Le syndic agit ainsi, car il craint notamment une réaction violente du couple puisqu'ex-Me Landry a à son compte déjà trois condamnations pour voies de fait.

En défense, nos Bonnie et Clyde allèguent devant le plus haut tribunal de la province que ce dossier relève de la juridiction de la cour du Québec et que de plus l'ordonnance aurait été exécutée de manière abusive.

Pour l'histoire du comportement abusif, les appelants pourront se tourner vers le conseil de discipline ou la Cour supérieure, leur rétorque le juge Dalphond.

En fait, pour les trois juges (Dalphond, Brossard et Rochette) de la Cour d'appel, il s'agissait de déterminer si un juge de la Cour supérieure pouvait, à la demande du syndic d'un ordre professionnel dans le cadre d'une enquête disciplinaire, autoriser l'entrée par la force dans le bureau et la résidence contiguë d'un professionnel et la saisie de ses dossiers?

Bien sûr que oui répond la Cour d'appel sous la plume du juge Dalphond :

“Il ne nous revient pas de nous prononcer sur la véracité des affirmations de la source et du syndic ou sur la manière dont l'ordonnance a été exécutée. Il nous suffit de dire pour trancher ce pourvoi que la Cour supérieure a compétence pour rendre une ordonnance de cette nature et que le juge saisi pouvait raisonnablement conclure que la situation particulière alléguée par le syndic adjoint justifiait le prononcé de l'ordonnance. Il s'ensuit que le pourvoi des appelants doit être rejeté”.

Le syndic du Barreau a des pouvoirs d'investigation étendus. Il les défend. Et c'est très bien ainsi.

Bravo et bonne continuation, car il y’en a marre des avocats qui ternissent l'image de tous les autres.

Voici tous les jugements concernant cette cause

Jugement no 1

Jugement no 2

Jugement no 3, en cour supérieure » (nos soulignements)

[5]          Cet article rapporte notamment les faits relatés dans l’arrêt de la Cour d’appel Gauthier c. Guimont[2] du 5 novembre 2010. Cette publication est accessible à tous, et s’adresse plus particulièrement aux professionnels formés en droit puisque Droit-inc.com se destine à ce secteur.

[6]          Les demandeurs prennent connaissance de l’article par eux-mêmes cinq mois après sa publication, soit en mars 2011. Personne ne leur a mentionné l’existence de celui-ci avant qu’ils ne le consultent.

[7]          Le 27 mars 2011, en réaction à l’article, Me Sarto Landry met en demeure la chroniqueuse[3], Me Amélia Salehabadi, de lui faire parvenir 150 000 $ en dommages et une lettre d’excuse, n’acceptant pas d’être comparé à Clyde Barrow. Toutefois, dans cette correspondance, il n’est pas question d’une quelconque réclamation de Me Gauthier, sa conjointe, ni de retirer les propos tenus à son endroit. Il expédie sa mise en demeure par courrier recommandé et par télécopieur à l’attention de Me Salehabadi à l’adresse et aux numéros de télécopieur apparaissant sur le site du Barreau[4]. Il ne reçoit aucune réponse, si ce n’est le retour de la lettre recommandée à l’expéditeur à la suite du déménagement de celle-ci[5]. Il pense alors que Me Salehabadi a reçu la mise en demeure transmise par télécopieur, sans avoir toutefois obtenu la confirmation de sa réception par la destinataire. Cependant, la preuve circonstancielle laisse à penser que les demandeurs doutent eux-mêmes de la réception de cet envoi, puisque ni dans les mises en demeure postérieures, ni dans les procédures, il n’est question de ce premier envoi[6].

[8]          Huit mois plus tard, soit le 13 novembre 2011, Me Amélia Salehabadi est mise en demeure cette fois par les deux demandeurs, qui refusent d’être associés au couple « Bonnie et Clyde »[7]. Ces derniers lui réclament 300 000 $ en dommages, soit 150 000 $ chacun, et une lettre d’excuse. Ils ne lui demandent toutefois pas de se rétracter, de supprimer ou modifier l’expression problématique ou encore de retirer l’article du site. Il est à noter que ces deux nouvelles mises en demeure sont transmises à une adresse différente qu’ils ont obtenue auprès de Me Salehabadi.

[9]          Le 15 novembre 2011, les demandeurs font également parvenir chacun une mise en demeure aux défendeurs Droit-inc.com et René Lewandowski[8], président et rédacteur en chef de ce site, leur demandant 375 000 $ en dommages (175 000 $ pour Me Landry et 200 000 $ pour Me Gauthier) et une lettre d’excuse. Monsieur Lewandowski confirme qu’à cette date, c’est la première fois qu’il entend parler des demandeurs. La publication est modifiée immédiatement après la signification de celles-ci, soit le 16 novembre 2011. On y lit dorénavant ce qui suit[9] :

« […] En défense, ils allèguent devant le plus haut tribunal de la province que ce dossier relève de la juridiction de la cour du Québec et que de plus l’ordonnance aurait été exécutée de manière abusive. […] » (nos soulignements)

[10]       Le 6 mars 2012, les demandeurs, n’ayant reçu aucune réponse à leurs mises en demeure, déposent une demande introductive d’instance par laquelle ils réclament 750 000 $ en dommages. Cette procédure sera amendée à plusieurs reprises, et les dommages seront revus à la baisse à 250 000 $[10]. Dans leur action, les demandeurs reprochent essentiellement à la chroniqueuse d’avoir rédigé un article laissant croire qu’ils sont des criminels en les comparant et les nommant « Bonnie et Clyde » et qu’ils participent de ce fait à des infractions sordides. Ils font grief à René Lewandowski et Droit-inc.com d’avoir publié un tel article.

[11]       Le litige découle donc principalement de l’interprétation faite par Me Salehabadi de l’arrêt Gauthier c. Guimont[11] de la Cour d’appel. Il importe ici d’en faire un résumé succinct afin de situer le contexte dans lequel l’article litigieux a été rédigé.

[12]       La Cour d’appel, dans cet arrêt rendu le 5 novembre 2010[12], confirme la décision de la Cour supérieure autorisant exceptionnellement le syndic d’un ordre professionnel dans le cadre d’une enquête disciplinaire à entrer par la force, si nécessaire, dans le bureau et la résidence contiguë d’un professionnel et la saisie de ses dossiers. Dans cette décision, il y est textuellement fait mention que Me Guylaine Gauthier pratiquait le droit en compagnie de son mari, Sarto Landry, jusqu’à ce que ce dernier soit radié du Tableau de l’Ordre des avocats. Le couple Gauthier-Landry exerce ses activités professionnelles à partir de bureaux annexés à la résidence familiale, qui possède deux entrées séparées. Ainsi, à la suite de la réception par le bureau du syndic d’informations par une ex-cliente et ex-proche collaboratrice du couple Gauthier-Landry que ce dernier pratiquerait toujours le droit, que Gauthier aurait procédé à l’épuration de ses dossiers pour cacher ce fait et qu’elle aurait commis un acte dérogatoire grave dans un litige l’impliquant (confection d’un faux), le syndic adjoint du Barreau entame une enquête sur Gauthier. Craignant de procéder par une visite impromptue chez le couple Gauthier-Landry, le syndic a présenté ex parte une demande pour ordonnance d’assistance. Il y allègue trois condamnations pour voies de fait de Me Landry et y affirme craindre une réaction violente s’il tente de procéder selon les méthodes habituelles. Il y affirme aussi craindre que les appelants ne détruisent des éléments de preuve s’ils en ont la possibilité. Dans cet arrêt, on parle des demandeurs en les nommant le « couple Gauthier-Landry » ou « les Gauthier-Landry »[13] (nos soulignements).

[13]       Lors de la présente audition, le défendeur René Lewandowski explique qu’il travaille dans le domaine journalistique depuis plus de 20 ans. Il a occupé plusieurs postes importants et a également obtenu des prix prestigieux. Il est fondateur et unique actionnaire de Droit-inc.com, qui existe depuis 2007[14] et qui est maintenant considéré comme un blogue important dans le milieu juridique. Ce blogue n’est pas assujetti à la Loi sur la presse, mais il impose cependant les mêmes normes journalistiques. Ce site a publié plus de 20 000 articles à ce jour et tire ses revenus de publicités et d'affiches de recrutement publiées sur sa page. Ses revenus annuels varient. En 2015 et 2016, ses revenus bruts se situent entre 700 000 $ et 800 000 $. Depuis le début de son existence, ce journal n’a jamais fait l’objet de poursuite en diffamation, si ce n’est une affaire pendante concernant un article acheté à l'agence QMI, qui est également poursuivie. Il mentionne toutefois que le processus journalistique derrière la publication d'un article de presse n'est pas le même lorsqu'il est créé de toutes pièces par l'entreprise qui le publie que lorsqu'il l'achète d'un tiers. Dans ce dernier cas, l'acheteur fait confiance à l'éditeur du texte quant à la véracité de son contenu. Enfin, l’entreprise n'a pas d'assurances, ni lui personnellement.

[14]       Droit-inc.com emploie entre quatre et six employés. Elle s’associe à divers collaborateurs qui sont rémunérés à la pige. Me Amélia Salehabadi faisait partie de ce groupe et rédigeait des chroniques à l’époque. Elle est d’ailleurs l’auteure de l’article litigieux. Elle a cessé sa collaboration avec eux en 2011, son départ n’étant toutefois pas relié à la présente affaire.

[15]       Monsieur Lewandowski indique également que deux considérations sont importantes avant la publication d’un article : l’intérêt public et l’exactitude de l’information. Il travaille en collaboration avec ses chroniqueurs à titre de réviseur afin de modifier la ponctuation, la syntaxe et même le contenu des chroniques si nécessaire avant leur publication. Il dit ne jamais retoucher un texte après publication. Il a ainsi reçu le texte rédigé par Me Salehabadi, l’a révisé comme à son habitude et l’a modifié avant de le publier. Lors de la révision de cet article, il s'est surtout concentré à ce que les propos rapportés soient conformes au contenu de l’arrêt de la Cour d'appel[15] puisque le sujet était d’intérêt public. La mention « Bonnie et Clyde » n'a pas attiré son attention, car pour lui, elle réfère à un couple rebelle, anarchiste, sans plus. Il considère d’ailleurs que cette comparaison est correcte compte tenu du contexte de l'article.

[16]       Ce n’est qu’exceptionnellement, à la suite de la réception des mises en demeure, qu’il a accepté de modifier ce texte après publication. Il a retiré les termes « Bonnie et Clyde » n’étant pas essentiels au contexte de l’article et ne venant qu’illustrer la situation. Il justifie sa décision en indiquant qu’il désirait éviter un litige et des dépenses extrajudiciaires importantes.

[17]       Il reconnaît que l’éthique journalistique interdit de dénigrer indument une personne, mais précise que la chronique reprend les faits rapportés dans l’arrêt de la Cour d’appel[16], à l’exception de la comparaison avec « Bonnie et Clyde », qui visait uniquement à imager les propos et avait pour but essentiellement de s’en prendre à l‘aspect rebelle du couple. À cet effet, il dépose d’autres articles publics dans lesquels des couples célèbres sont également comparés au couple légendaire « Bonnie et Clyde » dans d’autres sphères, tels un duo de chanteurs[17] ou encore un couple de célébrités[18].

[18]       Il considère cet article conforme aux normes journalistiques, et ajoute qu’il n’a suscité que très peu d’intérêt. En effet, entre la période de parution de l’article original et sa modification, soit entre le 16 novembre 2010 et le 16 novembre 2011, ce dernier n’a été visité que 829 fois[19]. Il en est de même après sa modification[20]. Enfin, personne ne lui a parlé de l’article jusqu'à ce jour et aucune modération de la section des commentaires n’a été nécessaire.

[19]       Dans le cadre de son témoignage, Me Guylaine Gauthier affirme sa bonne réputation, tant professionnelle que personnelle, et l’importance de celle-ci, considérant son rôle d'avocate et d'actuaire. Elle reconnaît toutefois que les dernières années ont été éprouvantes au niveau personnel et qu’elle a même fait l’objet de plaintes disciplinaires. Toutefois, personne n’a, selon elle, porté atteinte à son intégrité professionnelle comme l’a fait cet article en laissant entendre qu’elle est une criminelle, l’associant même à une meurtrière. Pour elle, il n’y a pas plus bas que les personnages « Bonnie et Clyde ». Elle considère qu’à la lecture du texte, l’on conclut nécessairement que les demandeurs sont des criminels. C’est donc une attaque à son intégrité, à son honneur, et s’en dit moralement affectée. Elle a cependant attendu huit mois avant d’y réagir, se disant trop occupée à la suite des plaintes formulées contre elle au Barreau. Elle n’a remarqué que le matin de cette audition l’utilisation du temps passé plutôt que du conditionnel pour le verbe pratiquer, soit « pratiquait », qui la dérange. Elle soutient que l’usage du passé suggère une certitude, ce qui porte également atteinte à sa réputation et celle de son conjoint. Pour ce qui est du reste de l’article, elle s’en déclare satisfaite. Enfin, elle admet que la chronique n’a pas eu de répercussions sur sa vie familiale, sociale ou professionnelle.

[20]       Pour sa part, Me Landry indique que sa réputation est extrêmement importante pour lui également, et qu’il ne comprend pas pourquoi Me Salehabadi a fait cette mention dans son article. Il n’aime pas la manière dont l’article est rédigé, car sa conjointe et lui y sont traités comme des bandits, des voleurs. Il considère que l’avocate qui a rédigé cet article aurait dû être plus sensible à leur réputation. Il reconnaît cependant ses problèmes avec le Barreau et certains avocats, qui ont amené sa radiation, et ce, durant plus de quatre ans. Il se dit chagriné par la publication de cet article, tout en indiquant que cela ne l’a pas atteint autant que sa conjointe.

[21]       En contre-interrogatoire, il admet les nombreuses décisions rendues contre lui, référant aux plaintes disciplinaires et à certains démêlés avec la justice. Il reconnaît également ne pas se soucier de ce qui est véhiculé sur Internet le concernant, n’intervenant que lorsque cela est porté à son attention, comme le présent article. Il admet qu’il ne sait pas si le milieu juridique a lu l’article en question et s’il lui attribuera des préjugés négatifs. Il atteste finalement que le but de la présente procédure est d’arrêter cette comparaison et aviser l’auteure du texte qu’il n’accepte pas d’être associé à Clyde Barrow. Il confirme que cette histoire n’est pas une question d’argent, ajoutant qu’il n’a pas besoin de moyens supplémentaires pour acquérir son « vingt et unième véhicule ».

QUESTIONS EN LITIGE

[22]       Le présent litige soulève trois questions :

1)   Y a-t-il eu atteinte à la réputation des demandeurs?

2)   Y a-t-il lieu d’octroyer des dommages?

3)   L’article 342 du Code de procédure civile du Québec doit-il recevoir application?

L’ANALYSE ET DÉCISION

[23]       D’entrée de jeu, il ne fait aucun doute que les demandeurs ont droit au respect de leur réputation, considéré fondamental par l’article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne[21]. La protection de la réputation est étroitement liée au droit à la vie privée, qui jouit d’une protection constitutionnelle à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés[22]. Cette protection est primordiale pour tous les citoyens qui composent notre société démocratique.

[24]       D’ailleurs, la Cour suprême souligne l’importance particulière et vitale que constitue une bonne réputation pour un avocat, le maintien de sa pratique professionnelle reposant sur une réputation irréprochable[23].

[25]       La Cour suprême a également confirmé à de nombreuses occasions l’importance de la liberté d’expression, qui joue un rôle essentiel et inestimable dans notre société[24]. Il ne fait aucun doute que la liberté d’expression, qui inclut la liberté de presse, constitue l’un des fondements d’une société libre et démocratique[25]. Elle rappelle l’importance fondamentale de la liberté d’expression pour la vie de chaque citoyen ainsi que pour la démocratie canadienne[26].

[26]       En effet, les médias jouent un rôle primordial dans une société démocratique. Ce sont eux qui, en réunissant et en diffusant les informations, permettent aux membres de notre société de se former une opinion éclairée sur les questions susceptibles d’avoir un effet important sur leur vie et leur bien-être[27]. Ils ont pour fonction de rechercher, de traiter et de communiquer l’information. Ils ont aussi vocation à la commenter et à l’interpréter[28].

[27]       Ainsi, le principe de la publicité des débats judiciaires est inextricablement lié à la liberté d’expression garantie par les Chartes. Il comprend le droit d’exprimer des opinions sur le fonctionnement des tribunaux, le droit des justiciables d’obtenir de l’information sur les tribunaux et celui de la presse de recueillir et diffuser cette information[29]. La publicité des débats judiciaires est la garantie permettant de s’assurer que la justice soit administrée de manière non arbitraire. Cette règle favorise la confiance du public dans le système judiciaire et la compréhension de l’administration de la justice[30].

[28]       Tout procès en diffamation oppose alors ces deux droits : le droit au respect de la réputation et le droit à la liberté d’expression. Il est donc primordial d’établir l’équilibre entre ces deux principes, en matière de responsabilité civile pour diffamation.

[29]       Pour concilier ces droits, certains principes ont été développés.

[30]       Le droit civil québécois ne prévoit pas de recours particulier pour l’atteinte à la réputation. Le fondement de ce recours se trouve à l’article 1457 du Code civil du Québec (C.c.Q.) qui fixe les règles générales applicables en matière de responsabilité civile[31]. Dans un tel recours, les demandeurs doivent démontrer, selon la balance des probabilités, l’existence d’un préjudice, d’une faute et d’un lien de causalité.

[31]       Pour démontrer le premier élément de la responsabilité civile, soit l’existence d’un préjudice, les demandeurs doivent convaincre le Tribunal que les propos litigieux sont diffamatoires. Le concept de diffamation a fait l’objet de plusieurs définitions au fil des années. De façon générale, on reconnaît que la diffamation « consiste dans la communication de propos ou d’écrits qui font perdre l’estime ou la considération de quelqu’un ou qui, encore, suscitent à son égard des sentiments défavorables ou désagréables »[32]. La nature diffamatoire des propos s’analyse selon une norme objective[33]. Il faut, en d’autres termes, se demander si un citoyen ordinaire estimerait que les propos tenus, pris dans leur ensemble, ont déconsidéré la réputation d’un tiers. À cet égard, il convient de préciser que des paroles peuvent être diffamatoires par l’idée qu’elles expriment explicitement ou encore par les insinuations qui s’en dégagent[34].

[32]       Dans l’affaire Beaudoin c. La Presse ltée[35], le juge résume bien la démarche à suivre pour déterminer si certains propos revêtent un caractère diffamatoire :

« La forme d’expression du libelle importe peu; c’est le résultat obtenu dans l’esprit du lecteur qui crée le délit ». L’allégation ou l’imputation diffamatoire peut être directe comme elle peut être indirecte « par voie de simple allusion, d’insinuation ou d’ironie, ou se produire sous une forme conditionnelle, dubitative, hypothétique ». Il arrive souvent que l’allégation ou l’imputation « soit transmise au lecteur par le biais d’une simple insinuation, d’une phrase interrogative, du rappel d’une rumeur, de la mention de renseignements qui ont filtré dans le public, de juxtaposition de faits divers qui ont ensemble une semblance de rapport entre eux. »

 

Les mots doivent d’autre part s’interpréter dans leur contexte. Ainsi, « il n’est pas possible d’isoler un passage dans un texte pour s’en plaindre, si l’ensemble jette un éclairage différent sur cet extrait ». À l’inverse, « il importe peu que les éléments qui le composent soient véridiques si l’ensemble d’un texte divulgue un message opposé à la réalité ». On peut de fait déformer la vérité ou la réalité par des demi-vérités, des montages tendancieux, des omissions, etc. « Il faut considérer un article de journal ou une émission de radio comme un tout, les phrases et les mots devant s’interpréter les uns par rapport aux autres. »

[33]       Ainsi, la liberté d’expression n’est pas absolue et elle est limitée, entre autres, par le droit à la réputation. Comme il n’existe pas de point d’équilibre parfait entre la protection de la liberté d’expression et de la réputation, le Tribunal doit considérer l’atteinte à la réputation alléguée en portant une attention particulière au contexte et, dans certains cas, la tenue d’opinions même exagérées peut être tolérée[36].

[34]       Dans ce contexte, la preuve de propos attentatoires à la réputation ne suffit pas à engager la responsabilité civile de l’auteur, si la faute de ce dernier n’est pas démontrée[37]. La faute en matière de diffamation peut résulter de deux types de conduite, soit la malveillance ou la négligence, qui se définissent comme suit :

« La première est celle où le défendeur, sciemment, de mauvaise foi, avec intention de nuire, s’attaque à la réputation de la victime et cherche à la ridiculiser, à l’humilier, à l’exposer à la haine ou au mépris du public ou d’un groupe ce qui correspond à l’ancienne notion de délit. La seconde résulte d’un comportement dont la volonté de nuire est absente, mais où le défendeur a, malgré tout, porté atteinte à la réputation de la victime par sa témérité, sa négligence, son impertinence ou son incurie. Ce qui correspondait au quasi-délit. Les deux conduites donnent ouverture à responsabilité et droit à réparation, sans qu’il existe de véritables différences entre elles sur le plan du droit » [38]

[35]       Dans un contexte journalistique, l’appréciation de la faute se rapproche généralement de celle des professionnels et comporte l’évaluation du respect des normes journalistiques[39]. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’une chronique qui s’avère plutôt un mélange d’éditorial et de commentaire qui permet l’expression d’opinions, de critiques et de prises de position, et peut même parfois faire place à l’humour et la satire, le comportement du journaliste ne relève pas des normes journalistiques[40]. Dans ce contexte, la faute fait appel au critère de la personne raisonnable.

[36]       Dans tous les cas, l’appréciation de la faute requiert une analyse contextuelle des faits et des circonstances et doit tenir compte des deux valeurs fondamentales qui s’opposent[41]. Les tribunaux sont plus tolérants même à l'égard d'une opinion exagérée, opinion qui constitue une expression honnête du point de vue de la personne qui l'émet, et ce, même si elle est diffamatoire à l'égard d'une personne. Cela s'explique du fait qu'une opinion est moins susceptible d'influencer le public qu'un fait. Une opinion ne lie en principe que son auteur, les lecteurs étant libres ou non de la partager[42].

[37]       La norme du raisonnable se situe au cœur de l’article 1457 C.c.Q. Il faut s’y référer pour évaluer si le comportement en discussion respecte la norme de la personne raisonnable agissant dans un contexte déterminé. La rationalité intervient comme méthode d’appréciation juridique de la conduite permettant de déterminer si elle doit recevoir la qualification juridique de faute[43].

[38]       En droit civil, la bonne foi des défendeurs est présumée (art. 2805 C.c.Q.) et il appartient aux demandeurs de démontrer que ceux-ci ont commis une faute. Le fardeau de preuve leur appartient.

[39]       Ce caractère contextuel de la faute et l’existence d’une présomption de bonne foi permettent de conclure que l’application des règles de droit de la responsabilité civile assure la protection des intérêts et des valeurs d’une société libre et démocratique, en lui assurant une liberté d’expression[44].

[40]       En conséquence, aussi libre qu’il soit de discuter de sujets d’intérêt public, l’auteur doit agir en personne raisonnable. Le caractère raisonnable de sa conduite sera souvent démontré par sa bonne foi et les vérifications préalables qu’il aura effectuées pour s’assurer de la véracité de ses allégations[45]. Les règles du régime de la responsabilité civile prévoient en effet que les défendeurs peuvent faire valoir toutes les circonstances qui tendent à nier l’existence d’une faute. Il s’agit là des balises de leur droit de commentaire[46].

[41]       En somme, puisque le régime de droit civil qui gouverne l’action en diffamation est basé sur la notion de faute, pour gagner leur cause, les demandeurs doivent non seulement démontrer que les défendeurs ont prononcé des paroles désobligeantes à leur endroit, mais qu’ils ont aussi commis une faute ce faisant. Le principe de l’équilibre entre la liberté d’expression et le droit à la réputation étant au cœur du présent litige, ces principes énoncés doivent être analysés en profondeur.

Application des règles aux faits

1.            La responsabilité des défendeurs

[42]       Les demandeurs soutiennent que les défendeurs ont commis une faute en interprétant, colorant et extrapolant le contenu des procédures judiciaires de la décision de la Cour d’appel Gauthier c. Guimont[47] de façon à les présenter comme des criminels. Ils reprochent plus spécifiquement à la chroniqueuse de les avoir comparés et nommés « Bonnie et Clyde » et d’avoir omis d’utiliser le conditionnel au verbe pratiquer soit « pratiquait ». Ils soutiennent que le caractère diffamatoire des propos de l’article amènerait inévitablement la personne raisonnable, le lecteur, à comprendre qu’ils sont deux criminels notoires reliés aux vols, aux meurtres et aux braquages de banques.

[43]       D’emblée, le succès d’un recours en diffamation dépend du contenu de l’article en question qui doit normalement rapporter les faits honnêtement, de bonne foi et n’émettre que des opinions raisonnables.

            A. Le préjudice

[44]       Les demandeurs doivent prouver l’existence d’un préjudice en démontrant que les propos litigieux sont diffamatoires. Pour ce faire, ils soutiennent que la mention « Bonnie et Clyde » dans l’article en cause ainsi que l’utilisation du verbe « pratiquait » plutôt que « pratiquerait » sont diffamatoires.

[45]       Pour leur part, les défendeurs clament exercer leur liberté d’expression en favorisant l’intérêt du public tout en évitant les abus. Ils ne peuvent en perdre le bénéfice uniquement car cela frustre les demandeurs.

[46]       La nature diffamatoire des propos s’analyse selon la norme objective. Il faut, en d’autres termes, se demander si un citoyen ordinaire estimerait que les propos tenus, pris dans leur ensemble, ont déconsidéré la réputation des demandeurs.

[47]       La forme d’expression du libelle importe peu, c’est le résultat obtenu dans l’esprit du lecteur qui crée le délit.

[48]       Les mots doivent d’autre part s’interpréter dans leur contexte. Ainsi, il n’est pas possible d’isoler le passage d’un texte pour s’en plaindre si l’ensemble jette un éclairage différent sur cet extrait. Il faut considérer un article de journal comme un tout, les phrases et les mots devant s’interpréter les uns par rapport aux autres[48].

[49]       En l’occurrence, les demandeurs reconnaissent n’avoir aucun problème avec le reste de l’article. Ils admettent même que la chroniqueuse relate fidèlement les faits au cœur de la décision de la Cour d’appel[49] et le caractère d’intérêt public du sujet de cet article. En somme, selon eux, l’essence même de l’arrêt de la Cour d’appel est fidèlement reprise. Ils demandent ainsi d’isoler les termes « Bonnie et Clyde » de l’ensemble de l’article et le temps de verbe de « pratiquer ».

[50]       Ces références dont se plaignent les demandeurs doivent cependant être étudiées dans leur contexte, sans faire abstraction de l’ensemble de l’article, comme l’enseigne la Cour suprême. Il n’est alors pas possible d’isoler ces portions du texte pour s’en plaindre, comme le font les demandeurs.

[51]       En effet, pour déterminer si les propos sont injurieux à leur face même, le Tribunal doit s’abstenir d’isoler chaque mot contesté par les demandeurs pour en déterminer le sens. Il doit prendre le texte dans son ensemble. Il y a lieu d’évaluer les propos à la lumière de l’ensemble de la chronique et du contexte en vue de déterminer les effets des allégations ou insinuations dans l’esprit du citoyen ordinaire.

[52]       Les propos litigieux ont été tenus en réaction à la décision rendue par la Cour d’appel[50] qui porte sur des infractions disciplinaires que le couple aurait commises, l’un pour protéger l’autre. Même s’il s’agit de propos que les demandeurs qualifient de blessants, le Tribunal ne peut conclure pour autant que la chronique dénigre indûment les demandeurs.

[53]       Il est raisonnable de conclure que l’arrêt de la Cour d’appel[51] fait un lien entre les demandeurs et un couple commettant des actes illicites ensemble. C’est ce lien que fait la chroniqueuse et c’est l’information qu’elle donne au public.

[54]       D’ailleurs, le texte litigieux, lu dans son ensemble, présente un point de vue sur un sujet d’intérêt public qui peut se défendre. Cette opinion ne peut être qualifiée de déraisonnable dans le contexte de l’article, alors que les termes utilisés ne vont pas au-delà de ce qui est acceptable. La comparaison des demandeurs au couple « Bonnie et Clyde » constitue une forme de caricature qui ne dépasse pas les limites de la critique permise à l’égard de personnalités publiques ou d’avocats dans le cadre d’une société démocratique[52]. En conclure autrement serait susceptible de museler de manière excessive les commentateurs publics et de sonner l’alarme de la critique dans notre société[53].

[55]       En ce qui concerne l’utilisation du temps passé plutôt que du conditionnel pour le verbe pratiquer, soit « pratiquait », le texte est en grande partie au conditionnel. De ce fait, cela n’affecte nullement l’essence de l’article.

[56]       De plus, le citoyen ordinaire est susceptible de comprendre que la chronique était caricaturale et que le vocabulaire choisi tenait de l’image et de figures de style visant à critiquer le comportement complice des demandeurs dans le cadre d’une enquête disciplinaire. L‘article ne suggère pas, ni directement, ni indirectement, que les demandeurs sont des criminels. Le commentaire de la chroniqueuse se limite à les associer à un couple commettant des actes illicites. D’ailleurs, la Cour d’appel fait un lien entre les demandeurs qui agiraient de concert, Me Gauthier étant soupçonnée d’enfreindre le code de déontologie afin de protéger son conjoint, Me Landry. Cette relation se serait traduite par une aide apportée par Me Gauthier à son mari afin que certains documents ou dossiers occultes disparaissent de leur bureau.

[57]       Un citoyen ordinaire qui lie l’article litigieux dans son ensemble ne vient pas à la conclusion que les demandeurs sont des criminels notoires. Cet article ne prétend pas que les demandeurs présentent le même niveau de dangerosité que « Bonnie et Clyde », encore moins qu’ils aient commis les mêmes crimes. La référence tend plutôt à souligner qu’ils sont complices lorsqu’ils commettent les actes que leur reproche le syndic du Barreau.

[58]       Un citoyen ordinaire qui prend connaissance de l’article au complet ne peut conclure que la référence à « Bonnie et Clyde » déconsidère la réputation des demandeurs. La lecture de l’article dans son ensemble confirme que celui-ci a pour objet d’attirer l’attention du lecteur envers les démêlés disciplinaires des demandeurs, non de les traiter de criminels, tel qu’ils l’affirment. D’ailleurs, l’article réfère spécifiquement aux trois jugements en matière de mesures disciplinaires mises en cause dans l’arrêt de la Cour d’appel, et ce, par hyperlien.

[59]       Cette référence à « Bonnie et Clyde » a sa place dans un article détaillant les démêlés d’un couple avec leur ordre professionnel et demeurant fidèles aux faits. De l’avis du Tribunal, la référence est bien moins susceptible d’influencer la réputation des demandeurs que les faits repris dans l’arrêt de la Cour d’appel[54].

[60]       De plus, l’utilisation de la comparaison choisie n’est certainement pas plus préjudiciable que l’usage des noms « Denis Lortie » ou « Kimveer Gill », auteurs de massacres passés qui ont marqué de manière plus contemporaine l’actualité, en référant et nommant un avocat dans le cadre d’une émission publique. En effet, ces commentaires ont été acceptés afin de décrire une intervention musclée nécessaire. Le juge conclut alors que dans une perspective d’ensemble, les propos et commentaires tenus par les animateurs des deux radios en cause n’ont pas eu comme conséquence de fausser la réalité des faits au détriment du demandeur dans l’esprit des auditeurs[55]. Pourtant, cette comparaison s’avère de prime abord, plus préjudiciable que celle qui nous occupe, si ce n’est pas la contemporanéité des personnages et l’importance de l’auditoire. Enfin, comme dans notre affaire, le juge retient la rectification des propos. 

[61]       Les demandeurs ne peuvent davantage comparer la présente affaire à la campagne de dénigrement à laquelle s’est livré un animateur de radio dans l’affaire Chiasson[56].

[62]       En conclusion, une personne raisonnable ne conclurait pas que les propos tenus dans cet article sont diffamatoires. Cette personne comprendrait que l’auteure exprime de bonne foi son opinion honnête et sa croyance sincère, qu’elle est libre de partager ou non.

[63]       Par conséquent, cet article ne déforme pas l’information contenue dans l’arrêt de la Cour d’appel, mais constitue plutôt un compte-rendu fidèle de celle-ci. La référence à « Bonnie et Clyde » dans l’article ne peut donc être qualifiée de diffamatoire. Considérant la conclusion à l’égard du caractère diffamatoire des propos, il est inutile de traiter de la faute afférente à l’octroi de dommages-intérêts. Cette conclusion dispose du litige. Cependant, par souci de clarté, le Tribunal poursuit son analyse.

                         B. La faute

[64]       À la lumière des principes, il convient de déterminer si les défendeurs ont commis une faute. Dans un premier temps, il est pertinent de qualifier la déclaration des défendeurs pour déterminer si elle a un caractère fautif.

[65]       Les demandeurs ont admis que l’essence même de l’article litigieux est d’intérêt public. Compte tenu du sujet traité, qui est d’intérêt public et vise une décision publique, il ne reste qu’à qualifier la chronique.

[66]       Cette chronique est un mélange d’éditorial et de commentaire qui permet l’expression d’opinions, de critiques et de prises de position.

[67]       En effet, dans la présente affaire, l’auteure des propos litigieux est avocate, mais agit à titre de chroniqueuse qui émet un commentaire dans un article diffusé sur un blogue. La responsabilité ne peut découler alors que d‘un abus de sa liberté d’expression[57]. Dans ce contexte, la conduite des défendeurs doit alors être évaluée en fonction de la personne raisonnable.

[68]       Dans le cadre analytique de commentaires jugés diffamatoires afin de déterminer s’il y a eu une faute, l’analyse de leur véracité ou de leur fausseté étant impossible à faire, l’auteure devra démontrer qu’ils présentent un certain intérêt et qu’ils sont raisonnables à la lumière des faits qui les introduisent[58]. En effet, une opinion est difficilement exacte ou inexacte. L'analyse doit alors porter davantage sur le caractère opportun ou non du propos plutôt que sur sa véracité ou sa fausseté[59].

[69]       Il reste alors à déterminer si le commentaire de la chroniqueuse est l’expression honnête d’une opinion raisonnable portant sur un sujet d’intérêt public[60], tout en se rappelant que le principe de l’équilibre entre la liberté d’expression et le droit à la réputation est au cœur du présent litige. Enfin, il appartient aux demandeurs de prouver que l’opinion de l’auteure n’est pas honnête.

[70]       Il faut en premier lieu examiner le contexte global du texte de la chronique dans le cadre de l’analyse de la faute et tenir compte des explications de René Lewandowski concernant les circonstances entourant la rédaction de cette chronique, la démarche de la chroniqueuse de même que le sens des mots utilisés.

[71]       Cette chronique est écrite en réaction à la décision de la Cour d’appel[61] et s’en veut un compte rendu. La publication de cet article est diffusée sur le web Droit-inc.com, qui est un site internet qui publie des articles.

[72]       S’agit-il d’un compte rendu fidèle, exact et rigoureux de la décision de la Cour d’appel[62]?

[73]       De l’avis du Tribunal, l’on se doit de répondre favorablement à cette question. Reprenons brièvement l’analyse.

[74]       D’entrée de jeu, au début de sa chronique, elle écrit :

« Quels sont les acteurs du monde juridique qui ont la cote aujourd'hui? Quels sont ceux qui en arrachent? Amélia Salehabadi vous les présente. »

[75]       De cette manière, elle laisse comprendre à ses lecteurs qu’elle exprime une opinion sur un enjeu d’actualité. Monsieur Lewandowski précise, lors de son témoignage, qu’aucune recherche journalistique n’a été effectuée et qu’il a simplement vérifié la chronique afin de s’assurer qu’elle reprenait de manière fiable l’essence de l’arrêt cité dans le texte au moment de sa publication. Les lecteurs sont libres d’accepter ou non l’opinion de l’auteure. Il n’y a pas de qualificatif à la liberté d’expression. Le rôle du tribunal n’est pas d’être arbitre en matière de bon goût[63].

[76]       La bonne foi se présume et rien dans la preuve ne permet de douter que les défendeurs aient eu une intention malveillante à l’égard des demandeurs, qu’ils ne connaissaient pas avant la publication de cet article.

[77]       De plus, dans sa chronique, Me Amélie Salehabadi écrit à la fin le commentaire suivant : « Bravo et bonne continuation, car il y’en a marre des avocats qui ternissent l’image de tous les autres ». L’auteure se plaint ainsi des avocats qui ne respectent pas les règles déontologiques. C’est une opinion, et lorsque le sujet est d’intérêt public, cela élargit la tolérance. Il est primordial de faire la différence entre les faits et une opinion[64]. La chroniqueuse réitère essentiellement les faits dans l’arrêt de la Cour d’appel[65] et se permet certains commentaires. De l’avis du Tribunal, ce dernier commentaire est plus préjudiciable que la comparaison des demandeurs au couple « Bonnie et Clyde ».

[78]       En tenant compte du contexte, le Tribunal est d’avis que la chroniqueuse n’a pas été fautive en tenant ces propos à l’égard des demandeurs et qu’elle n’a pas fait preuve d’intention malveillante à leur endroit en « personnalisant le débat » par des propos inutiles à la compréhension de sa chronique.

a)      La malveillance

[79]       L’intention malveillante et intentionnelle n’est pas soutenue par la preuve, en plus d’être contraire à la présomption de bonne foi édictée à l’article 2805 C.c.Q. En effet, ni les pièces ni le témoignage de René Lewandowski ne démontrent une intention malveillante. De plus, ce dernier a témoigné de l’intention de l’article lors de sa publication et affirme qu’il cherchait à rapporter les faits indiqués dans la décision de la Cour d’appel[66] en faisant appel à une comparaison pour illustrer l’aspect de complicité des demandeurs. Enfin, dès la réception de la mise en demeure, les défendeurs modifient immédiatement l’article et enlèvent les propos qui semblent affecter les demandeurs à l’époque, soit d’être nommés et comparés à « Bonnie et Clyde ».

[80]       En l’absence d’une preuve prépondérante établissant la mauvaise foi de la chroniqueuse, le Tribunal ne peut conclure à la présence d’une intention malveillante de sa part en déduisant une volonté de nuire aux demandeurs.

[81]       Suivant les principes applicables en matière de diffamation, il faut alors déterminer si, en l’absence d’une volonté de nuire, la chroniqueuse avait néanmoins porté atteinte à la réputation des demandeurs par sa témérité, sa négligence, son impertinence ou son incurie. Pour ce faire, il faut utiliser le critère objectif de la personne raisonnable dans l’évaluation de la conduite des défendeurs en fonction de celle d’une personne avisée, diligente et attentive aux droits d’autrui placée dans des circonstances similaires[67].

b)      Négligence ou insouciance

[82]       Me Amélia Salehabadi reprend même dans l’article litigieux la mise en garde du juge Dalphond, indiquant qu’il ne revient pas à la Cour d’appel de se prononcer sur la véracité des affirmations de la source et du syndic ou sur la manière dont l’ordonnance a été exécutée.

[83]       De plus, les références aux trois jugements en matière disciplinaire et cette mise en garde écartent toute négligence.

[84]       En conclusion, il est impossible de conclure que les défendeurs aient volontairement et intentionnellement injurié les demandeurs, tout comme il est impossible de conclure à une conduite fautive de la chroniqueuse dans le contexte d’un commentaire public sur un enjeu d’actualité.

2.            Les dommages

[85]       Sans nier que les demandeurs ont pu être blessés par les propos tenus dans la chronique, le Tribunal ne peut conclure que les propos litigieux, pris dans leur ensemble, ont déconsidéré la réputation des victimes aux yeux du citoyen ordinaire : la qualification des propos litigieux et la détermination du préjudice ne sont pas tributaires de la perception purement subjective des victimes[68].

[86]       D’ailleurs, selon les demandeurs, le citoyen ordinaire conclurait, en lisant la chronique, que les propos sont diffamatoires parce qu’ils réfèrent spécifiquement aux demandeurs et les associent à un couple de criminels. En outre, selon eux, celle-ci affecte directement leur réputation. Cependant, ils ne soulèvent nulle part que cette chronique affecte directement leur capacité d’accomplir leur travail à titre d’avocat ou dans leur autre profession. Cette comparaison ne dépasse pas les normes de la bonne foi et de la liberté d’expression, ce qui est nécessaire pour entrainer une réparation.

[87]       Les tribunaux reconnaissent que seule la diffamation engage la responsabilité de son auteur puisque le critère objectif applicable requiert que les propos litigieux, pris dans leur ensemble et interprétés dans leur contexte, déconsidèrent la réputation de la personne visée du point de vue du citoyen ordinaire[69].

[88]       En l’occurrence, le but n’est pas de réparer l’incidence des propos litigieux sur la dignité des sujets, mais plutôt de l’indemniser pour la déconsidération de leur réputation qui en résulte[70]. À cet effet, dans l’affaire WIC Radio Ltd. c. Simpson[71], la Cour suprême, appelée à examiner la conduite d’un animateur radio connu comparant une activiste sociale qui s’élevait contre toute présentation positive de l’homosexualité à Hitler, au Ku Klux Klan et aux skinheads, signale que « les tribunaux ne devaient pas s’empresser de trouver un sens diffamatoire, surtout dans le cas d’expression d’opinions ». Elle ajoute qu’il est difficile de distinguer un fait d’un commentaire. Toutefois, la nature subjective du commentaire atténue généralement l’atteinte à la réputation d’autrui par rapport à un énoncé de fait objectif. En effet, un énoncé de fait est plus susceptible d’influencer le public qu’un commentaire. Un commentaire peut sans aucun doute être diffamatoire. Il faut alors simplement garder à l’esprit que l’expression d’une opinion n’entraine pas nécessairement la vérité de ce fait et qu’elle ne nuit pas toujours à la réputation de la personne visée. Cela demeure qu’une opinion parmi tant d’autres.

[89]       Ainsi, l’atteinte à la réputation s’apprécie objectivement par la preuve d’une diminution de l’estime et de considération de quelqu’un envers un autre[72]. Même s’il y a une faute, ce qui n’est pas notre cas, il est nécessaire de faire une preuve au niveau du préjudice en démontrant un impact par les propos diffamatoires.

[90]       Cette preuve nécessite plus que la simple perception subjective de la victime[73]. En effet, il faut faire la démonstration d’un préjudice qui ne découle pas uniquement de la simple diffusion sur internet de propos litigieux. Il faut démontrer l’impact de ces propos[74], telle la perte de clientèle[75].

[91]       Lorsque la réputation est déjà sous attaque, cette preuve s’avère plus difficile à faire, comme dans la présente affaire[76].

[92]       Enfin, les dommages réclamés dans une action en diffamation ont pour objectif de compenser l’atteinte à la réputation et de réparer l’humiliation, le mépris, la haine ou le ridicule dont la victime a fait l’objet. Le préjudice résultant de la diffamation, soit l’atteinte à la réputation, est intrinsèque au recours. Afin d’évaluer ce préjudice, le Tribunal doit alors déterminer si, à la suite des propos diffamatoires, un citoyen ordinaire porte moins d’estime pour la victime[77].

[93]       Dans la présente affaire, la preuve ne démontre pas que les propos litigieux ont eu un impact sur la réputation des victimes ou que la chronique a diminué l’estime que porte l’entourage ni même l’opinion publique sur ces dernières. De leur propre aveu, ni leurs amis, ni leurs confrères de travail, ni leurs clients n’ont changé d’attitude envers eux à la suite de la publication de la chronique. Ils affirment même que personne ne leur a parlé de cette chronique. À la lumière de cette preuve, il devient difficile de soutenir que le citoyen ordinaire aurait perdu de l’estime d’eux en raison de la chronique. En outre, la perception des victimes elles-mêmes, leur sentiment d’humiliation ou de tristesse, même justifié, ne peut servir de fondement à un recours en diffamation[78].

[94]       Le choix de comparer les demandeurs au couple « Bonnie et Clyde » peut sembler discutable. Il n’a toutefois pas eu pour effet de diminuer l’estime qu’un citoyen ordinaire est susceptible de leur vouer.

[95]       Comme le souligne la Cour suprême dans une affaire dans laquelle l’auteur d’un article paru dans un journal qualifie 68 députés fédéraux de « traitres », il n’est pas souhaitable que les tribunaux deviennent arbitres en matière de courtoisie, de politesse et de bon goût et qu’ils appliquent ainsi leurs propres standards de leurs goûts pour bâillonner les commentateurs, ce qui manquerait la fin de la critique dans notre société[79].

[96]       En conclusion, dans l’appréciation du préjudice, en considérant l’ensemble du texte de la chronique pour déterminer le sens et l’impact des mots utilisés, le Tribunal conclut que les propos litigieux n’ont pas causé un préjudice indemnisable pour les victimes.

3.            Application de l’article 342 du Code procédure civil du Québec

[97]       Dans la présente affaire, les deux parties soulèvent l’application de cet article qui se lit comme suit :

« 342 : Le tribunal peut, après avoir entendu les parties, sanctionner les manquements importants constatés dans le déroulement de l’instance en ordonnant à l’une d’elles, à titre de frais de justice, de verser à une autre partie, selon ce qu’il estime juste et raisonnable, une compensation pour le paiement des honoraires professionnels de son avocat ou, si cette autre partie n’est pas représentée par avocat, une compensation pour le temps consacré à l’affaire et le travail effectué. »

[98]       Pour leur part, les demandeurs soulèvent que les défendeurs ont amendé leur défense le matin même de l’audition, indiquant qu’ils n’invoquent plus l’application de la prescription du recours par le biais de la Loi sur la presse. Cela étant, les demandeurs ont dû préparer leur réponse à cet argument, ce qui leur a occasionné un temps de préparation important. Ils réclament alors le temps consacré à cet argument et le travail effectué.

[99]       Cependant, il fut déjà décidé que le temps requis pour la préparation de ce genre de recours ne peut être réclamé[80]. Cette demande est donc rejetée.

[100]    De leur côté, les défendeurs invoquent que le comportement des demandeurs doit être sanctionné puisque selon eux, la procédure est déraisonnable, frivole et démesurée quant aux dommages. Le procureur des défendeurs crie même à de l’intimidation, référant au montant demandé, la lettre reçue le matin de l’audition concernant une plainte à son endroit, la demande en disqualification et la longueur du litige. En somme, il s’agit, selon lui, d’un détournement de justice[81].

[101]    Il est vrai que le comportement de l’un des demandeurs fut très offensif lors de cette audience. Toutefois, l’on doit se rappeler qu’il est souvent difficile de se représenter seul dans sa propre cause, et ce, indépendamment du titre que l’on peut porter. Cela est encore plus vrai lorsque l’on se dit victime d’une atteinte à notre réputation.

[102]    Le Tribunal retient également que feu l’honorable Yves Alain s’est permis des commentaires lors de l’audience sur la requête en rejet d’action et en irrecevabilité des défendeurs[82] pouvant laisser croire aux demandeurs qu’ils pourraient obtenir gain de cause, en ces termes :

« Me Renno : Oui, mais il faut prendre l’expression. Ici, on a utilisé le mot "voleur" il faut regarder l’expression telle qu’elle s’interprète dans son contexte.

La cour : C’est une expression qui n’aurait pas dû être dans l’article. »[83]

[103]    Il est alors difficile de tenir reproche aux demandeurs d’avoir continué le présent recours, et ce, compte tenu également de l’effet que cette comparaison a produit sur eux.

[104]    Enfin, toujours dans le cadre de son jugement rendu le 26 septembre 2012, le juge Alain conclut qu’« il est vrai que les montants réclamés sont très importants […] ». À la suite de cette décision, les demandeurs ont réduit leur réclamation à 250 000 $.

[105]    De surcroit, il n’y a aucune preuve de paiement des honoraires professionnels de l’avocat des défendeurs, permettant une telle compensation. Cette demande est donc également rejetée.

Conclusion

[106]    Les défendeurs ont respecté le critère de la personne raisonnable et même les normes journalistiques, en rédigeant et publiant un article fidèle aux faits, favorisant ainsi la protection du public. Les justiciables sont en droit de connaître le fait que certains avocats ont des démêlés avec la justice et le syndic du Barreau. C'est une question d'intérêt public. Il est donc parfaitement légitime et non diffamatoire pour les défendeurs, compte tenu de leur formation et du public visé, d'émettre des opinions raisonnables sur le dossier disciplinaire des demandeurs. Les demandeurs n'ont pas fait une preuve distincte de propos diffamatoires, de faute, de préjudice et de lien de causalité entre ces derniers. Leur fardeau de preuve n'a pas été rencontré en l'espèce.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[107]    REJETTE le présent recours;

[108]    Avec frais de justice.

 

 

__________________________________

MANON LAVOIE, j.c.s.

 

Me Sarto Landry

Me Guylaine Gauthier

Demandeurs

 

Me Karim Renno

Vathilakis Renno inc.

Procureur des défendeurs

 

Date d’audience :

5 au 7 décembre 2016

 



[1]     Pièce P-1.

[2]     Pièce P-12 : décision Gauthier c. Guimont, 2010 QCCA 2011.

[3]     Pièce P-1.1.

[4]     Id.

[5]     Id.

[6]     Pièces P-2 et P-6.

[7]     Id.

[8]     Pièces P-4 et P-8.

[9]     Pièce P-10.

[10]    (22 mai 2012, 18 septembre 2012, 25 juillet 2014 et 4 décembre 2016).

[11]    Pièce P-12, précitée, note 2.

[12]    Id.

[13]    Id.

[14]    Pièce P-0.1.

[15]    Pièce P-12, précitée, note 2.

[16]    Id.

[17]    Pièce D-5.

[18]    Pièce D-6.

[19]    Pièce D-21.

[20]    Pièce D-4.

[21]    L.R.Q., c. C-12.

[22]    Partie I de l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.).

[23]    Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130.

[24]    SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2 R.C.S. 573, et Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), 1989 2 R.C.S. 1326.

[25]    Partie I de l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), article 2.

[26]    Guignard c. Ville de Saint-Hyacinthe, 2002 CSC 14.

[27]    Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1991] 3 R.C.S. 459, p. 475.

[28]    Société Radio-Canada c. Radio Sept-Îles inc., [1994] R.J.Q. 1811 (C.A.), p. 1818.

[29]    Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 480.

[30]    P.G. (Nouvelle-Écosse) c. MacIntyre, [1982] 1 R.C.S. 175.

[31]    Prud’homme c. Prud’homme, [2002] 4 R.C.S. 663, paragr. 32.

[32]    Société Radio-Canada c. Radio Sept-Îles inc., précitée, note 28, p. 1818.

[33]    Hervieux-Payette c. Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, [1998] R.J.Q. 131 (C.S.), p. 143, infirmé, mais non sur ce point, par Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal c. Hervieux-Payette, [2002] R.J.Q. 1669 (C.A.).

[34]    Prud’homme c. Prud’homme, précitée, note 31, paragr. 34

[35]    [1998] R.J.Q. 204 (C.S.), p. 211.

[36]    Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., [2011] 1 RCS 214.

[37]    Proulx c. Martineau, 2015 QCCA 472.

[38]    Jean-Louis Baudouin et Patrick Deslauriers, La responsabilité civile, 8e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, I-297.

[39]    Gestion Finance Tamalia inc. c. Garrel, 2012 QCCA 1612.

[40]    Genex Communications inc. c. Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, 2009 QCCA 2201.

[41]    Id., paragr. 32.

[42]    Rosenberg c. Lacerte, 2013 QCCS 6286, paragr. 174.

[43]    Prud’homme c. Prud’homme, précitée, note 31, paragr. 62.

[44]    Id., paragr. 59.

[45]    Id.

[46]    Id., paragr. 63.

[47]    Pièce P-12, précitée, note 2.

[48]    Beaudoin c. La Presse, précitée, note 35.

[49]    Pièce P-12, précitée, note 2.

[50]    Id.

[51]    Id.

[52]    McMurchie c. Clément, 2014 QCCA 151.

[53]    Société Saint-Jean-Baptiste c. Hervieux-Payette, précitée, note 33.

[54]    Pièce P-12, précitée, note 2.

[55]    Guimont c. RNC Média inc. (CHOI-FM), 2013 QCCS 4132.

[56]    Chiasson c. Fillion, [2005] R.J.Q. 1066 (C.S.).

[57]    Société Radio-Canada c. Radio Sept-Îles inc., précitée, note 28.

[58]     Rosenberg c. Lacerte, précitée, note 42.

[59]    Id.

[60]    Id.

[61]    Pièce P-12, précitée, note 2.

[62]    Id.

[63]    Société Saint-Jean-Baptiste c. Hervieux-Payette, précitée, note 33.

[64]    Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., précitée, note 36.

[65]    Pièce P-12, précitée, note 2.

[66]    Pièce P-12, précitée, note 2.

[67]    Jean-Louis Baudouin et Patrick Deslauriers, La responsabilité civile, 8e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, I-297.

[68]    Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., précitée, note 36, parag.38.

[69]    Prud’homme c. Prud’homme, précitée, note 31, paragr. 34.

[70]    Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., précitée, note 36, paragr. 26-30.

[71]    [2008] 2 R.C.S. 420.

[72]    Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., précitée, note 36.

[73]    Proulx c. Martineau, précitée, note 37.

[74]    Lapierre c. Sormany, 2012 QCCS 4190.

[75]    Landry c. Moreault, 2009 QCCS 6485.

[76]    Salvatore c. Grégoire, 2012 QCCS 6703.

[77]    Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., précitée, note 36.

[78]    Id.

[79]    Société Saint-Jean-Baptiste c. Hervieux-Payette, précitée, note 33.

[80]    Bertrand c. Proulx, 2002 CanLII 23756, paragr., 134 et 135.

[81]    Savoie c. Thériault-Martel, 2013 QCCA 1856.

[82]    Décision de l’honorable Yves Alain, j.c.s., en date du 26 septembre 2012.

[83]    Pièce P-11, notes sténographiques de l’audience du 19 septembre 2016.

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