[1] La requérante demande la révision judiciaire d’une décision de la Ministre de la Justice du Canada (l’honorable Jody Wilson-Raybould), rendue le 2 août 2016, qui rejette sa demande de reconsidérer la décision du Ministre précédent et qui ordonne son extradition vers les États-Unis d’Amérique.
[2] Pour les motifs de la juge Marcotte, auxquels souscrit la juge Hogue, LA COUR :
[3] REJETTE la demande de révision judiciaire.
[4] Pour d’autres motifs, le juge Rancourt aurait accueilli la demande de révision judiciaire, infirmé l’arrêté d’extradition du 28 novembre 2012 ordonnant l’extradition de la requérante et renvoyé pour décision le dossier au Ministre de la Justice pour qu’il décide si la différence entre les lois des deux pays se traduit par un péril beaucoup plus grand pour la requérante dans l’État requérant et, dans l’affirmative, pour qu’il examine les différences possibles entre les moyens de défense de pair avec tous les autres éléments pertinents pour décider d’ordonner l’extradition ou non.
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MOTIFS DU JUGE RANCOURT |
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[5] Ce pourvoi concerne la révision judiciaire d’une décision de la ministre de la Justice qui refuse de reconsidérer la décision de son prédécesseur et qui ordonne l’extradition de la requérante vers les États-Unis d’Amérique (les États-Unis), à la suite d’accusations criminelles d’enlèvement d’enfants en violation d’une ordonnance de garde déposées contre elle dans l’État de la Géorgie (Géorgie).
[6] Cette affaire prend sa source dans la décision des trois enfants de la requérante de fuir le domicile de leur père afin de mettre un terme aux sévices corporels et psychologiques qu’ils endurent depuis plusieurs années.
[7] Après avoir quitté le domicile, ils vivent quelques jours dans une maison abandonnée. Ils réussissent à communiquer avec leur mère, la supplient de quitter les États-Unis et de regagner le Canada pour y entreprendre une nouvelle vie, affranchie du joug de leur père violent.
[8] Quelques semaines après avoir franchi la frontière canadienne, la requérante est arrêtée dans une maison pour femmes battues, là où les enfants et elle ont trouvé refuge après leur arrivée au Canada. Elle fait alors face à des procédures d’extradition qui se déclinent successivement par un arrêté introductif d’instance, une ordonnance d’incarcération et un arrêté d’extradition du ministre de la Justice de l’époque.
[9] La particularité de ce dossier réside dans le fait que ces procédures d’extradition culminent par un arrêt de la Cour suprême du Canada[1] rendu le 11 décembre 2015. À la majorité, celle-ci rejette le pourvoi de la requérante qui contestait l’ordonnance d’incarcération et l’arrêté d’extradition.
[10] À l’étape de l’arrêté d’extradition, la requérante fait valoir devant le plus haut tribunal du pays le moyen de défense de nécessité prévu dans le Code criminel du Canada. Ce moyen lui permet d’établir que les actes posés étaient nécessaires pour protéger ses enfants d’un danger imminent. Elle avance de même que cette défense est sans équivalent en Géorgie. Selon elle, l’inexistence d’un tel moyen de défense dans l’État requérant (les États-Unis) contrevient au principe fondamental de la double incrimination et justifie ainsi le ministre de la Justice de refuser son extradition.
[11] Dans son arrêt, la Cour suprême reconnaît la valeur de cet argument et souligne que le ministre de la Justice doit tenir compte de l’inexistence d’un moyen de défense équivalent dans l’État requérant.
[12] Elle propose un cadre d’analyse et établit les trois conditions à satisfaire pour que l’inexistence d’un moyen de défense puisse donner ouverture au refus d’extrader prévu à l’alinéa 44(1)a) de la Loi sur l’extradition[2] ou être tenue pour contraire aux principes de justice fondamentale, à savoir 1) une différence de fond indéniable entre les règles de l’État requis et celles de l’État requérant de sorte que le moyen de défense (de nécessité) existe au Canada, mais n’a pas d’équivalent en Géorgie; 2) une possibilité raisonnable que soit retenu le moyen de défense (de nécessité) au Canada pour les actes reprochés; et 3) une différence entre les lois des deux pays se traduisant par un péril beaucoup plus grand pour la requérante dans l’État requérant. Lorsque ces trois conditions sont réunies, le ministre doit alors tenir compte des différences possibles entre les moyens de défense de pair avec tous les autres éléments pertinents pour décider s’il doit y avoir extradition ou non.
[13] La Cour suprême est d’avis que la requérante ne remplit aucune de ces conditions et conclut que le ministre de la Justice était justifié d’ordonner son extradition. Elle prend cependant bien soin de souligner que la requérante ne pouvait, au moment où elle a livré ses observations au ministre de la Justice, connaître ce cadre détaillé dont elle propose désormais l’application.
[14] Les conditions liées à ce nouveau cadre d’analyse amènent alors la requérante à demander à la ministre de la Justice de reconsidérer la décision de son prédécesseur. Après avoir reçu les observations des parties, cette dernière se prononce le 2 août 2016. Elle refuse de donner suite à la demande de la requérante qui sollicite une audience orale auprès d’elle. Elle est d’avis que les deux premières conditions prescrites par la Cour suprême dans son arrêt du 11 décembre 2015 ne sont pas remplies par la requérante. Elle estime ainsi qu’elle n’a pas à tenir compte des différences possibles entre les moyens de défense. Enfin, elle rejette la proposition selon laquelle l’extradition irait à l’encontre de l’intérêt supérieur des enfants. Elle maintient donc l’ordonnance d’extradition d’où le pourvoi en révision judiciaire.
[15] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la conclusion de la ministre portant sur les deux premières conditions énoncées dans M.M. est déraisonnable. Le dossier montre clairement que le moyen de défense de nécessité existe au Canada, mais n’a pas d’équivalent en Géorgie. De plus, l’analyse de la condition de la possibilité raisonnable de voir le moyen de défense de nécessité retenu s’il était invoqué au Canada pour les mêmes actes est foncièrement inexacte. Cela étant, la ministre aurait alors dû répondre à la question posée par la troisième condition qui est de savoir si la différence entre les lois des deux pays se traduit par un péril beaucoup plus grand pour la requérante dans l’État requérant. Comme elle ne l’a pas fait, je propose de retourner le dossier au ministre[3] pour qu’une réponse soit fournie à cette question. Dans l’hypothèse où la réponse à cette question serait positive, je lui demande de fournir une réponse à la question des différences possibles entre les moyens de défense de pair avec tous les autres éléments pertinents pour décider d’ordonner l’extradition ou non.
[16] La requérante M... M... (alias Mi... Me...) naît le [...] 1961 à Ville A. Elle possède la citoyenneté canadienne et obtient la citoyenneté américaine en 1972 après le mariage de sa mère avec un américain qui l’adopte.
[17] La requérante déménage en République dominicaine en 1995 avec trois de ses enfants nés d’une précédente union. Elle travaille dans le domaine hôtelier. Elle rencontre R... P..., un citoyen de la République dominicaine, avec qui elle se marie en 1996.
[18] Le premier enfant du couple, X, naît le [...] 1996 en République dominicaine. La requérante revient au Canada en 1997 en raison du comportement violent de M. P... à son endroit. Elle déménage en Géorgie en 1998. Le couple renoue en 1999 et, bénéficiant d’un visa de séjour de deux ans, M. P... la rejoint en Géorgie. La requérante donne naissance à Y le [...] 2000 dans cet État. Victime de violence conjugale, la requérante quitte les États-Unis en 2000 et revient au Québec. M. P... entre illégalement au Canada et trouve la requérante. Elle affirme qu’il la force à avoir des relations sexuelles. Le troisième enfant du couple, Z, naît à Ville A le [...] 2001.
[19] Un jugement de divorce est prononcé le 6 septembre 2001 par la Cour supérieure du Cobb County, dans l’État de Géorgie. Le tribunal octroie à la requérante la garde des trois enfants avec des droits d’accès au père. Une pension alimentaire doit être versée par ce dernier au bénéfice des enfants[4].
[20] En juin 2004, les enfants sont retirés de leur milieu et confiés à une famille d’accueil des suites d’une intervention du Department of family and children services de l’État de Géorgie (DFCS). M. P... est arrêté pour des sévices infligés aux enfants. La requérante présente alors des problèmes d’abus de substances psychoactives et de santé mentale qui ne sont pas résolus au moment où le juge Poole de la Juvenile Court of Cobb County octroie à M. P... la garde temporaire des enfants le 29 novembre 2005.
[21] Le 19 juin 2008, la Cour supérieure du Cobb County rend jugement et confie la garde (Final Order) au père des enfants sans droits d’accès à la requérante. Le juge précise notamment que celle-ci présente un problème chronique d’abus de substances psychoactives et qu’elle s’est enfuie avec les enfants en 2007 au mépris d’une ordonnance de garde prononcée par le tribunal.
[22] En septembre 2010, l’aîné de la famille, X, demande à son père de retourner vivre avec sa mère. Son père est contrarié par cette demande.
[23] Malgré l’inexistence de droits d’accès de la requérante auprès des enfants, ceux-ci continuent de voir leur mère. Les résidences de la requérante et de M. P... sont situées à 500 mètres de distance l’une de l’autre. La requérante témoigne que les enfants viennent souvent à la maison en raison de l’absence de supervision des enfants par M. P...[5] et de la violence exercée sur eux par ce dernier.
[24] La demande de X, jumelée au fait que la requérante continue de voir les enfants, est à l’origine de la procédure présentée à la Cour supérieure du Cobb County de la Géorgie le 27 septembre 2010 par M. P.... Ce dernier sollicite du tribunal une ordonnance d’une durée de 12 mois pour que la requérante soit notamment empêchée de l’intimider et de le harceler ainsi que sa famille immédiate, de ne plus avoir de contact avec eux et de ne pas approcher à moins de 500 verges de la résidence de celui-ci. L’ordonnance est prononcée selon ses conclusions le 5 octobre 2010.
[25] Après leur arrivée au Canada, les enfants soulèvent aux autorités de la Direction de la protection de la jeunesse A (DPJ) qu’ils sont la cible constante de la violence physique et psychologique exercée par leur père.
[26] X témoigne devant la juge d’extradition que leur père abuse physiquement d’eux et que ses sœurs se font battre régulièrement.
[27] Dans une déposition recueillie par les intervenants de la DPJ en janvier 2011, X, alors âgé de 14 ans, décrit ainsi la violence exercée par leur père, notamment à l’endroit de ses deux jeunes sœurs :
X explains that his sisters were sometimes physically abused by their father. He could hit them with his hand and sometime with a belt. He has a brown one and a black leather one with a rectangle metal part (belt buckle). X is not able to say the exact rate of the events, but that they happen most frequently when the sisters argue with their father.
The two girls are regular victims of abuse from Mr. P.. According to X, he is not, but has been in the past when he was younger. He does not remember when this started, but believes that he was still in elementary school. He does not know why the violence towards him stopped around two years ago.
Again, according to X, Mr. P. also uses threats towards his children. He threatens to separate them, to kick them out of the home, to beat them if they talk and, more precisely for X, to pin him, against a wall. His father has also called in a report against X with young offenders for inciting his sisters to run away.
Mr. P. belittles the mother in front of X and his sisters. He states that she has a bad influence on them, that she is dangerous; he forbids the children from seeing not only their mother, but her side of their extended family as well. He attempts to convince them that their mother is the bad between the two parents.
[…][6]
[28] Y, alors âgée de 10 ans, décrit aux mêmes intervenants les sévices infligés par son père :
[…] The abuse takes place primarily in their bed room. Mr. P. often uses belts, more precisely the metal part (belt buckle) to hit them. He has two black and one brown leather belts. All three are similar and the buckle is approximately the same size, so roughly the diameter of a pop can, According to Y, her father’s violence stems from insignificant reasons, for example, for them forgetting to close the cover of the washing machine. The abuse comes at random times with no specific moments or events. She finds it hard to quantify the occurrence, since it’s never the same. She believes that it happens roughly every two weeks. She has already had bruises on her arm following abuse.
She has asked her father why he acts this way and his answer was that he is angry against her mother (because of the divorce). She believes that her father obtained custody of them because he lied to the judge. He told the judge that the children were victim of abuse from their mother. He put the blame of his own actions onto the mother’s back. Her father also threatens them saying that they will never see their mother and claims that she is bad.
[…][7]
[29] La cadette de la famille, Z, alors âgée de 9 ans, trace ainsi le portrait de la violence exercée par leur père :
[…] This time, they decided to leave because they were all victims of violence from their father, who hits them when he is angry. When this happens, he sends the kids each to their rooms. He uses a belt to hit them, either the one he has on him or he gets one from his room. He has two black belts, one that has a rectangular belt buckle. The abuse occurs approximately once every two weeks.
It is hard for Z to detail the contexts in which her father uses violence against them. According to her, he gets angry over little things and seems to be looking for reasons to hit them. For example, he makes up that he asked them to clean up their room in order to punish them. He can also hits them when they get home late (even for five minutes). He also often tells them that they are bad.
Her father speaks negatively about their mother. He tells them that she is bad, that she is crazy and that they can never see her again.
[…][8]
[30] En résumé, les enfants relatent que leur père frappe les filles avec des ceintures de cuir et utilise pour ce faire la boucle métallique de celles-ci. Elles sont battues pour des raisons insignifiantes et pour assouvir sa soif de vengeance à l’endroit de la requérante. Ces gestes de violence surgissent à tout moment, à la fréquence d’une fois environ toutes les deux semaines. Le manège dure depuis plusieurs années, X se rappelant que tout cela a commencé alors qu’il fréquentait l’école primaire.
[31] Les gestes de violence physique sont accompagnés de menaces de séparer la fratrie, de les expulser de la maison et de les battre à nouveau s’ils révèlent quoi que ce soit. M. P... dénigre la requérante, croit qu’elle exerce une mauvaise influence sur eux, estime qu’elle est dangereuse et les avertit qu’ils ne la reverront plus jamais.
[32] C’est dans cet environnement que survient l’événement du 30 octobre 2010.
[33] Dans la soirée du 30 octobre 2010, Y est assise devant le téléviseur. Son père lui adresse une demande qu’elle n’entend point. Faute de réponse, son père devient colérique et la projette sur un canapé. Il tente de la frapper au visage, elle se pare et le repousse.
[34] Elle s’enfuit à l’extérieur et revient dans la maison quelques minutes plus tard. Son père intime l’ordre, à elle et sa sœur, de faire leurs valises sans préciser l’endroit où il les amènera. Paniquées, elles pleurent et se confient à leur grand frère X, en le priant de ne pas les laisser seules. X est troublé. Il craint également d’être séparé d’elles. Il les incite à le suivre.
[35] Les enfants sont à bout de cette violence. Ils prennent alors la décision de fuir le domicile de leur père dans l’espoir de mettre un terme aux sévices corporels et psychologiques qu’ils endurent depuis plusieurs années.
[36] X communique avec un ami qui vient les chercher. Il les ramène à son domicile et ils y passent la nuit. Sachant que leur disparition a été signalée et que leur père connaît les coordonnées téléphoniques de cet ami, ils se terrent alors dans une maison abandonnée et y demeurent pendant quelques jours.
[37] Ils communiquent ensuite avec leur mère. La requérante témoigne que cette communication s’établit le 6 ou 7 novembre 2010. Elle leur précise qu’elle ne peut les ramener à la maison. Elle les sait toutefois en danger puisque recherchés par leur père et tapis dans une maison abandonnée.
[38] Elle entre en contact avec les enfants le 9 novembre 2010. Ils sont avec elle, dans sa voiture, lorsque les autorités policières l’interceptent et l’arrêtent pour une infraction de conduite avec les facultés affaiblies. La requérante est incarcérée pour une période de 12 heures avant d’être mise en liberté.
[39] Dans cet intervalle, les enfants sont récupérés par leur demi-sœur A venue les chercher. Les enfants sont sous la surveillance de cette dernière sans que la requérante sache précisément à quel endroit ils se trouvent. Elle confirme qu’ils ne sont pas chez elle puisque les autorités policières se pointent à sa maison à cinq reprises après le 9 novembre 2010 sans qu’elles y aperçoivent les enfants.
[40] Elle doit revenir devant le tribunal plus tard en novembre pour la garde des enfants. Elle témoigne que l’audience est reportée puisque les enfants ne sont pas présents.
[41] La requérante subit un accident de voiture le 18 novembre 2010. Son fils X est à bord. Lors de cet accident, la requérante est en attente d’une nouvelle date d’audience et d’une séance de médiation.
[42] La requérante témoigne qu’elle est battue par M. P... le 19 novembre 2010[9].
[43] Les enfants la supplient alors de quitter les États-Unis et de regagner le Canada. X dépeint ainsi la décision :
Q |
And who decided to come in Canada? |
R |
My sisters and I, we begged our mom. We begged and pleaded. |
Q |
Your sister, who? Which sisters? |
R |
My two little sisters, Y and Z. And I begged and pleaded our mom and told her everything that happened, that we did not want to stay anymore, no longer in the States.[10] |
[44] Sa fille A, âgée de 29 ans, lui dit également « Enough is enough. M. let’s go. Mom let’s go »[11].
[45] Ils quittent la Géorgie le 19 novembre 2010 pour finalement franchir la frontière canadienne le 21 novembre 2010.
[46] Appelée à expliquer au juge d’extradition les raisons pour lesquelles elle n’a pas contacté les autorités policières de la Géorgie, la requérante témoigne de la façon suivante :
Q |
And you didn't call the police? |
R |
No, because I had so much record of calling the police, and him and myself being incarcerated, that I made the decision that I had to protect myself, he was gonna kill me, he threatened to kill me, he threatened to kill the kids, and he beat me and I said that's it. My daughter said: Enough is enough. M. let's go. Mom let's go. I mean sometimes she calls me M., "Mom, let's go." She's twenty-nine (29) years old. So we drove to Canada, and I crossed the border and went immediately into a women shelter.[12] |
[47] La requérante est consciente qu’elle a contrevenu à la loi, mais elle indique qu’elle l’a fait sincèrement dans le dessein de protéger ses enfants[13].
[48] Une fois entrés au Canada, la requérante et les enfants sont dirigés vers un refuge pour femmes violentées après être demeurés momentanément chez la mère de la requérante.
[49] Le 23 décembre 2010, l’enquêteur Pryor Chesney, du Cobb County Sheriff Office de la Géorgie, procède à l’arrestation de la requérante dans la maison pour femmes violentées où ils se sont réfugiés après leur arrivée en sol canadien. Elle est incarcérée à la prison Tanguay.
[50] À la suite d’un signalement à la DPJ, X, l’aîné de la famille, est placé dans une famille d’accueil alors que Y et Z demeurent chez leur grand-mère maternelle.
[51] La DPJ retient les services de la travailleuse sociale [intervenante]. Dans le cadre de son enquête, elle recueille notamment la version de la requérante et celle des trois enfants qu’elle rencontre séparément. Elle tente vainement de joindre M. P... à plusieurs reprises (une quinzaine) pour obtenir sa version. Elle réussit toutefois à s’entretenir avec Christina Brooks, une représentante de la DFCS, qui a communiqué avec M. P....
[52] Dans un rapport d’évaluation rédigé le 7 janvier 2011, la travailleuse sociale souligne que la situation familiale est complexe. Elle traite de l’instabilité de la requérante et du fait qu’elle a entraîné ses enfants dans sa propre instabilité en les amenant d’un pays à l’autre sans autorisation légale.
[53] Quant au sort des enfants, elle écrit ce qui suit :
The current mandate of the director of youth protection is to shine some light on the situation and on the children’s claims of physical abuse by their father. The children’s stories are similar and appear credible. They must be taken seriously, especially since Mr. P. has admitted using violence in order to correct the girls. The information obtained by Mrs Brooks illustrates that their services can not confirm that the children will be safe from abuse if taken back to Georgia.
A return to the father’s care does not appear eminent (sic) given what he confirmed to Mrs Brooks. He might not be the most adequate home for them if we take into consideration that the youth protection services in Georgia can not be applied according to the same criteria as in Québec. Our goal is to prevent the children from being victims of physical abuse by their father, and the workers from Georgia are not able to provide the confirmation that that will be the case.
[…][14]
[Soulignements ajoutés]
[54] Elle retient la version offerte par les enfants, estimant qu’elle paraît crédible. Elle précise que le père a admis les gestes de violence à l’endroit des enfants. Fait important, la DFCS, souligne-t-elle, ne peut assurer que les enfants seront protégés contre les mauvais traitements de leur père dans l’hypothèse d’un retour aux États-Unis.
[55] Les deux filles insistent sur le fait qu’elles veulent demeurer au Canada. Elles confirment également ne pas vouloir retourner auprès de leur père de peur d’être battues à nouveau[15].
[56] Dans un jugement rendu le 26 mai 2011, la juge Lise Gagnon de la Cour du Québec (chambre de la jeunesse) souscrit entièrement à l’analyse de la travailleuse sociale, [intervenante][16].
[57] Dans une note diplomatique du 17 février 2011, l’ambassade des États-Unis au Canada requiert l’extradition de la requérante.
[58] Le mandat d’arrestation est préalablement délivré le 22 décembre 2010 par le Cobb Magistrate Court de la Géorgie. Les infractions reprochées sont les suivantes : (1) trois chefs de « Aggravated Stalking » en violation de l’article 16-5-91 du Official Code of Georgia Annotated (« OCGA »); (2) trois chefs de « Interstate Interference with Custody » en violation avec le OCGA et plus particulièrement de l’article 16-5-45 (c)(1) et; (3) trois chefs de « Contributing to the Deliquency of a Minor » en violation avec l’article 16-12-1(b)(1) du OCGA[17].
[59] Les États-Unis sollicitent l’extradition de la requérante uniquement pour les chefs d’infraction de « Interstate Interference with Custody Charges ». Ces infractions sont punissables d’un emprisonnement de plus d’une année en vertu de la loi canadienne et les États-Unis invoquent l’article 2 du traité « US - Canada Extradition Treaty of December 3, 1971 »[18] remplacé par l’article 1 du « Protocol of January 11, 1988 »[19].
[60]
Le 23 février 2011, le ministre de la Justice prend un arrêté
introductif d’instance en vertu de l’article 15 de Loi sur l’extradition[20] (la Loi) autorisant
le procureur général à demander au Tribunal la délivrance d’une ordonnance
d’incarcération prévue à l’article
[61]
L’arrêté introductif d’instance signale que les infractions canadiennes
correspondant à la conduite de la requérante sont les chefs d’enlèvement d’une
personne âgée de moins de 16 ans en vertu de l’article
281 Quiconque, n’étant pas le père, la mère, le tuteur ou une personne ayant la garde ou la charge légale d’une personne âgée de moins de quatorze ans, enlève, entraîne, retient, reçoit, cache ou héberge cette personne avec l’intention de priver de la possession de celle-ci le père, la mère, le tuteur ou une autre personne ayant la garde ou la charge légale de cette personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.
282 (1) Quiconque, étant le père, la mère, le tuteur ou une personne ayant la garde ou la charge légale d’une personne âgée de moins de quatorze ans, enlève, entraîne, retient, reçoit, cache ou héberge cette personne contrairement aux dispositions d’une ordonnance rendue par un tribunal au Canada relativement à la garde de cette personne, avec l’intention de priver de la possession de celle-ci le père, la mère, le tuteur ou une autre personne ayant la garde ou la charge légale de cette personne, est coupable :
a) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans;
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
(2) Lorsqu’un chef d’accusation vise l’infraction prévue au paragraphe (1) et que celle-ci n’est pas prouvée du seul fait que l’accusé ne croyait pas qu’il existait une ordonnance de garde valide, ce dernier peut cependant être reconnu coupable de l’infraction prévue à l’article 283 s’il y a preuve de cette dernière. |
281 Every one who, not being the parent, guardian or person having the lawful care or charge of a person under the age of fourteen years, unlawfully takes, entices away, conceals, detains, receives or harbours that person with intent to deprive a parent or guardian, or any other person who has the lawful care or charge of that person, of the possession of that person is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding ten years.
282 (1) Every one who, being the parent, guardian or person having the lawful care or charge of a person under the age of fourteen years, takes, entices away, conceals, detains, receives or harbours that person, in contravention of the custody provisions of a custody order in relation to that person made by a court anywhere in Canada, with intent to deprive a parent or guardian, or any other person who has the lawful care or charge of that person, of the possession of that person is guilty of
(a) an indictable offence and is liable to imprisonment for a term not exceeding ten years; or
(b) an offence punishable on summary conviction.
(2) Where a count charges an offence under subsection (1) and the offence is not proven only because the accused did not believe that there was a valid custody order but the evidence does prove an offence under section 283, the accused may be convicted of an offence under section 283. |
[62] Comme le souligne la Cour suprême du Canada dans M.M. c. États-Unis d’Amérique[21] (M.M.), la procédure d’extradition comporte deux objectifs importants, à savoir s’acquitter avec diligence des obligations internationales du Canada envers ses partenaires et protéger les droits de la personne visée par la demande d’extradition[22].
[63]
Le principe de la double incrimination est au cœur de la procédure
d’extradition. Le législateur le consacre au paragraphe
3 (1) Toute personne peut être extradée du Canada, en conformité avec la présente loi et tout accord applicable, à la demande d’un partenaire pour subir son procès dans le ressort de celui-ci, se faire infliger une peine ou y purger une peine si :
a) d’une part, l’infraction mentionnée dans la demande est, aux termes du droit applicable par le partenaire, sanctionnée, sous réserve de l’accord applicable, par une peine d’emprisonnement ou une autre forme de privation de liberté d’une durée maximale de deux ans ou plus ou par une peine plus sévère;
b) d’autre part, l’ensemble de ses actes aurait constitué, s’ils avaient été commis au Canada, une infraction sanctionnée aux termes du droit canadien :
(i) dans le cas où un accord spécifique est applicable, par une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans ou plus ou par une peine plus sévère,
(ii) dans le cas contraire, sous réserve de l’accord applicable, par une peine d’emprisonnement maximale de deux ans ou plus ou par une peine plus sévère. |
3 (1) A person may be extradited from Canada in accordance with this Act and a relevant extradition agreement on the request of an extradition partner for the purpose of prosecuting the person or imposing a sentence on — or enforcing a sentence imposed on — the person if
(a) subject to a relevant extradition agreement, the offence in respect of which the extradition is requested is punishable by the extradition partner, by imprisoning or otherwise depriving the person of their liberty for a maximum term of two years or more, or by a more severe punishment; and
(b) the conduct of the person, had it occurred in Canada, would have constituted an offence that is punishable in Canada,
(i) in the case of a request based on a specific agreement, by imprisonment for a maximum term of five years or more, or by a more severe punishment, and
(ii) in any other case, by imprisonment for a maximum term of two years or more, or by a more severe punishment, subject to a relevant extradition agreement. |
[64] Dans son essence, la double incrimination empêche l’extradition d’une personne lorsque les actes qui lui sont reprochés dans l’État requérant (ici les États-Unis) ne constituent pas un crime dans l’État requis (ici le Canada). La juge Abella décrit ainsi le principe dans M.M. :
[206] Le
principe de la double incrimination est reconnu à l’échelle internationale
comme un élément essentiel du droit de l’extradition (Fischbacher, par.
26). Se fondant en partie sur la notion de réciprocité, il garantit que la liberté
d’une personne n’est pas menacée lorsque l’infraction ne constitue pas une
infraction criminelle dans l’État requis (Washington (État de) c. Johnson,
[207] En effet, la double incrimination repose en partie sur la nécessité de garantir [TRADUCTION] « qu’il ne sera pas porté atteinte à la liberté d’une personne pour des infractions qui ne sont pas considérées comme criminelles par l’État requis » (Shearer, p. 137). Comme l’explique le professeur Shearer, le principe de la réciprocité fait en sorte qu’un État n’aura pas à extrader une personne pour une infraction à l’égard de laquelle il « n’aura jamais lui-même l’occasion de demander l’extradition » (p. 138). Autrement dit, lorsqu’une personne est extradée pour des actes qui ne correspondent pas à une infraction criminelle dans l’État requis, il y a entorse au principe de la double incrimination.[23]
[65] La procédure d’extradition se décline en trois étapes.
[66]
La première étape correspond à l’arrêté introductif d’instance pris par
la ministre. Il est prévu au paragraphe
15 (1) Le ministre peut, après réception de la demande d’extradition, s’il est convaincu qu’au moins une infraction satisfait aux conditions prévues à l’alinéa 3(1)a) et au paragraphe 3(3), prendre un arrêté introductif d’instance autorisant le procureur général à demander au tribunal, au nom du partenaire, la délivrance de l’ordonnance d’incarcération prévue à l’article 29. |
15 (1) The Minister may, after receiving a request for extradition and being satisfied that the conditions set out in paragraph 3(1)(a) and subsection 3(3) are met in respect of one or more offences mentioned in the request, issue an authority to proceed that authorizes the Attorney General to seek, on behalf of the extradition partner, an order of a court for the committal of the person under section 29. |
[67] Le juge Cromwell dans M.M. brosse le tableau de cette première étape :
[19] La
première étape de la procédure d’extradition correspond à la réception de la
demande d’extradition de l’État étranger et à la décision du ministre de la
Justice d’y donner suite ou non par la prise d’un AII. Le rôle du ministre
consiste alors à s’assurer qu’il est satisfait à deux conditions fondamentales.
Premièrement, sous réserve de tout accord applicable, l’infraction alléguée
dans la demande d’extradition est sanctionnée, dans l’État requérant, par une
peine d’emprisonnement d’au plus deux ans ou par une peine plus sévère (par.
[68]
La seconde étape implique le juge d’extradition. Il doit s’assurer du
respect du principe de la double incrimination et du fait que la personne
comparaissant est celle recherchée par l’État requérant, comme le précise
l’alinéa
29 (1) Le juge ordonne dans les cas suivants l’incarcération de l’intéressé jusqu’à sa remise :
a) si la personne est recherchée pour subir son procès, la preuve — admissible en vertu de la présente loi — des actes justifierait, s’ils avaient été commis au Canada, son renvoi à procès au Canada relativement à l’infraction mentionnée dans l’arrêté introductif d’instance et le juge est convaincu que la personne qui comparaît est celle qui est recherchée par le partenaire; |
29 (1) A judge shall order the committal of the person into custody to await surrender if
(a) in the case of a person sought for prosecution, there is evidence admissible under this Act of conduct that, had it occurred in Canada, would justify committal for trial in Canada on the offence set out in the authority to proceed and the judge is satisfied that the person is the person sought by the extradition partner; and |
[69] Une fois ces conditions satisfaites, le juge d’extradition ordonne l’incarcération de la personne.
[70]
Lorsque l’incarcération est ordonnée, le ministre intervient à la
troisième étape pour exercer le pouvoir conféré au paragraphe
40 (1) Dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent l’ordonnance d’incarcération, le ministre peut, par un arrêté signé de sa main, ordonner l’extradition vers le partenaire. |
40 (1) The Minister may, within a period of 90 days after the date of a person’s committal to await surrender, personally order that the person be surrendered to the extradition partner. |
[71]
Les motifs justifiant la ministre de refuser l’extradition sont décrits
à l’article
44 (1) Le ministre refuse l’extradition s’il est convaincu que :
a) soit l’extradition serait injuste ou tyrannique compte tenu de toutes les circonstances;
b) soit la demande d’extradition est présentée dans le but de poursuivre ou de punir l’intéressé pour des motifs fondés sur la race, la nationalité, l’origine ethnique, la langue, la couleur, la religion, les convictions politiques, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap physique ou mental ou le statut de l’intéressé, ou il pourrait être porté atteinte à sa situation pour l’un de ces motifs.
(2) Il peut refuser d’extrader s’il est convaincu que les actes à l’origine de la demande d’extradition sont sanctionnés par la peine capitale en vertu du droit applicable par le partenaire. |
44 (1) The Minister shall refuse to make a surrender order if the Minister is satisfied that
(a) the surrender would be unjust or oppressive having regard to all the relevant circumstances; or
(b) the request for extradition is made for the purpose of prosecuting or punishing the person by reason of their race, religion, nationality, ethnic origin, language, colour, political opinion, sex, sexual orientation, age, mental or physical disability or status or that the person’s position may be prejudiced for any of those reasons.
(2) The Minister may refuse to make a surrender order if the Minister is satisfied that the conduct in respect of which the request for extradition is made is punishable by death under the laws that apply to the extradition partner. |
[72] Le juge Cromwell dans M.M. souligne que cette étape revêt un caractère essentiellement politique[25]. Au sujet des motifs de refus, il écrit :
[26] La Loi sur l’extradition énumère un certain nombre de motifs pour lesquels le ministre peut ou doit refuser l’extradition (art. 44 à 47). Suivant la disposition pertinente en l’espèce, le ministre peut refuser l’extradition qui « serait injuste ou tyrannique compte tenu de toutes les circonstances » (al. 44(1)a)). Selon la jurisprudence, le ministre doit également refuser l’extradition lorsque les conséquences de celle-ci iraient à l’encontre des principes de justice fondamentale visés à l’art. 7 de la Charte ou, dans le cas d’un citoyen canadien, lorsqu’elles constitueraient une atteinte injustifiée au droit de demeurer au Canada garanti au par. 6(1) de la Charte. Lorsqu’il exerce ce pouvoir, le ministre doit tenir compte de l’intérêt supérieur des enfants, s’il en est, qui sont touchés ou susceptibles d’être touchés par l’extradition et se demander s’il existe un écart important entre le droit étranger et le droit interne en ce qui concerne le péril auquel s’expose l’intéressé. À cet égard, la raison d’être du principe général de la double incrimination peut jouer dans l’exercice du pouvoir du ministre de refuser l’extradition lorsque des moyens de défense qui pourraient être invoqués au Canada n’existent pas dans l’État requérant.[26]
[73]
La décision du ministre d’ordonner l’extradition peut faire l’objet
d’une demande de révision judiciaire devant notre Cour, comme le prévoit le
paragraphe
57 (1) Malgré la Loi sur les Cours fédérales, la cour d'appel de la province où l'incarcération a été ordonnée a compétence exclusive pour connaître, conformément au présent article, de la demande de révision judiciaire de l'arrêté d'extradition pris au titre de l'article 40. |
57 (1) Despite the Federal Courts Act, the court of appeal of the province in which the committal of the person was ordered has exclusive original jurisdiction to hear and determine applications for judicial review under this Act, made in respect of the decision of the Minister under section 40. |
[74]
Les pouvoirs de la Cour sont définis au paragraphe
(6) Saisie de la demande, la cour d’appel peut :
a) ordonner au ministre d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;
b) déclarer nul ou illégal, annuler, infirmer, ou infirmer et renvoyer pour décision suivant ses instructions, l’arrêté d’extradition, en restreindre la portée ou en interdire la prise. |
(6) On an application for judicial review, the court of appeal may
(a) order the Minister to do any act or thing that the Minister has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or
(b) declare invalid or unlawful, quash, set aside, set aside and refer back for determination in accordance with any directions that it considers appropriate, prohibit or restrain the decision of the Minister referred to in subsection (1). |
[75] La demande actuelle de la requérante découle du jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 11 décembre 2015. Dans ces circonstances, il importe d’offrir une synthèse des démarches judiciaires depuis l’arrêté introductif d’instance du 23 février 2011.
[76] Avant même la prise de l’arrêté introductif d’instance par le ministre le 23 février 2011, la requérante présente une demande de mise en liberté à la Cour supérieure. Dans un jugement prononcé le 19 janvier 2011, le juge Paul rejette la demande. Cette décision sera révisée le 8 juin 2011 par la juge d’extradition de la Cour supérieure qui fait droit à la demande de mise en liberté de la requérante jusqu’à l’audience portant sur l’ordonnance d’incarcération[27].
[77] La demande de délivrance d’une ordonnance d’incarcération est rejetée par la Cour supérieure le 10 août 2011[28]. La juge Cohen ordonne la libération immédiate de la requérante.
[78] Notre Cour infirme ce jugement le 15 août 2012[29]. À cette étape des procédures d’extradition, la Cour conclut que la juge a erré en évaluant la crédibilité des témoins, en se fiant à des passages de rapports empreints de ouï-dire et en référant à des déclarations de témoins qui n’avaient pas encore été contre-interrogés. La Cour ordonne l’annulation de l’ordonnance de mise en liberté et ordonne par voie de conséquence l’incarcération de la requérante en vue de son extradition.
[79]
En conformité avec le pouvoir dévolu à l’article
[80] Cet arrêté d’extradition du ministre fait l’objet d’une demande de révision judiciaire par la requérante. Notre Cour rejette cette demande le 4 avril 2014[30].
[81] La requérante se pourvoit alors devant la Cour suprême du Canada, tant sur l’ordonnance d’incarcération que sur l’arrêté d’extradition.
[82] La Cour suprême du Canada se prononce le 11 décembre 2015. Elle maintient l’ordonnance d’incarcération et donne suite à l’arrêté d’extradition du ministre.
[83] Seul le volet de l’arrêté d’extradition de cet arrêt présente ici un intérêt, car je ne suis saisi que de la demande de révision judiciaire de la décision de la ministre.
[84]
À son soutien, la requérante invoque deux moyens. Le premier, plaidé
pour la première fois à l’audience devant la Cour suprême, tient à
l’impossibilité apparente, en Géorgie, d’opposer la défense de nécessité prévue
à l’article
[85] S’exprimant au nom des juges de la majorité, le juge Cromwell pose avant tout son regard sur la norme de contrôle applicable à la décision du ministre de la Justice. La décision du ministre est assujettie à la norme de la décision raisonnable.
[86] Il reprend les critères dégagés dans Lake c. Canada (Minister of Justice)[32]. Dans le contexte d’une demande d’extradition, la cour qui applique cette norme n’a pas à substituer sa propre appréciation des considérations pertinentes. Elle doit se demander si le ministre a tenu compte des faits pertinents et tiré une conclusion susceptible de se justifier au regard de ceux-ci. Lorsque c’est le cas, sa conclusion doit être confirmée par la Cour à moins qu’elle ne soit déraisonnable. Enfin, l’expertise du ministre en matière d’extradition et son obligation de veiller au respect des obligations internationales du Canada le rendent nécessairement plus apte à déterminer si les facteurs pertinents militent ou non en faveur de l’extradition[33].
[87] Le juge Cromwell met ensuite l’accent sur le principe de la double incrimination qui consiste à justifier l’extradition d’une personne lorsque les actes criminels reprochés constituent un crime en vertu de la loi à la fois de l’État requis (le Canada) et de l’État requérant (les États-Unis). Il souligne que ce principe peut aussi valoir à l’étape où le ministre se demande si l’extradition serait injuste ou tyrannique ou si elle irait à l’encontre des principes de justice fondamentale[34].
[88] Le juge Cromwell rappelle également que l’existence de moyens de défense éventuels, qui débordent du cadre de l’analyse du principe de double incrimination, peut être pertinente à l’étape de la décision du ministre, ce qui est le cas ici[35]. C’est ce qui fait dire au juge Cromwell que le ministre doit tenir compte de la manière dont la personne serait touchée par l’inexistence dans l’État requérant d’un moyen de défense équivalent à celui qui existe au Canada. Il doit alors se demander si la mesure d’extradition serait injuste ou tyrannique ou si elle irait par ailleurs à l’encontre des principes de justice fondamentale[36].
[89]
Ce ne sont pas toutes les différences quant à l’existence d’un moyen de
défense qui rendent l’extradition injuste ou tyrannique au sens du paragraphe
[90] Traitant spécifiquement de l’inexistence d’un moyen de défense en Géorgie, qui peut donner ouverture au refus d’extrader ou être tenu pour contraire aux principes de justice fondamentale, le juge Cromwell précise les trois choses à établir par la requérante :
[121] Dès
lors, selon moi, pour que l’inexistence d’un moyen de défense puisse donner
ouverture au refus d’extrader prévu à l’al.
[122] Premièrement, il doit être indéniable qu’une différence existe bel et bien entre les règles de l’État requis et celles de l’État requérant, de sorte que le moyen de défense existe au Canada, mais qu’aucune défense équivalente n’existe dans l’État requérant. La différence doit viser la défense sur le fond, et non seulement son appellation ou la manière dont elle est définie, de légères variations important peu à ce dernier égard. Lorsque la condition est remplie, la nature du moyen de défense peut faire l’objet de l’appréciation globale en vue de la décision finale. Par exemple, la défense de contrainte prévue en droit canadien se rattache au caractère involontaire du point de vue moral de l’acte reproché à l’accusé, et on peut considérer que l’absence de toute défense correspondante va à l’encontre du principe fondateur de la politique pénale canadienne.
[123] Deuxièmement, il doit y avoir une possibilité raisonnable que soit retenu le moyen de défense s’il était invoqué au Canada pour les mêmes actes. Là encore, si la condition est remplie, la vigueur apparente de la défense fera elle aussi l’objet de l’appréciation globale des éléments pertinents.
[124] Enfin, la différence entre les lois des deux pays doit se traduire par un péril beaucoup plus grand pour l’intéressé dans l’État requérant. L’examen de la disparité possible des conséquences pénales pour l’intéressé qui résulterait de l’inexistence du moyen de défense dans l’État requérant permet de se prononcer à ce sujet.[38]
[91] Une fois ces conditions réunies, le juge Cromwell indique que : « le ministre doit alors tenir compte des différences possibles entre les moyens de défense de pair avec tous les autres éléments pertinents pour décider d’ordonner ou non l’extradition. Plus particulièrement, il accorde généralement une grande importance au fait que la défense paraît bien étayée et que son inexistence dans le droit de l’État requérant va à l’encontre de la politique pénale du Canada »[39].
[92] Le juge Cromwell applique les conditions à la situation de la requérante. D’entrée de jeu, le juge Cromwell explique que les observations de celle-ci au ministre reposaient exclusivement sur la solidité en droit canadien du moyen de défense de la nécessité et que, sur la foi de ce moyen de défense, il aurait été injuste et tyrannique de lui faire subir son procès en Géorgie. C’est à l’audience devant la Cour suprême que la requérante fait valoir pour la première fois l’inexistence du moyen de défense de nécessité en Géorgie[40].
[93] Le juge Cromwell écrit que le ministre, après avoir demandé l’avis de l’Office of International Affairs du département américain de la Justice, « a finalement appris que la défense de nécessité ne pourrait être opposée, mais que la requérante pourrait invoquer celle de la coercition »[41].
[94] Le juge Cromwell aborde ensuite chacune des conditions.
[95] Au sujet de la première condition portant sur l’inexistence d’une défense équivalente à celle de nécessité dans l’État requérant, en l’occurrence la défense de coercition, il indique que le ministre a tenu compte du moyen de la coercition dans sa décision[42]. Il écrit cependant que la Cour suprême ignore tout de ce qui distingue les infractions canadiennes et américaines de même que les distinctions entre la défense de coercition de la Géorgie et la défense de nécessité en droit criminel canadien. Comme les juges ignorent tout de cela et que le fardeau de preuve appartient à la requérante, il écrit que « nous ne pouvons considérer que le droit de l’État américain ne prévoit aucune excuse légitime susceptible de s’appliquer aux actes de la requérante survenus dans les circonstances qu’elle allègue »[43]. Il termine en soulignant que nul élément du dossier n’appuie l’allégation selon laquelle le droit de la Géorgie n’offre pas une défense équivalente à celle de nécessité prévue au Code criminel canadien[44].
[96] Le juge Cromwell traite ensuite du deuxième critère, soit celui visant à établir la possibilité raisonnable que soit retenue la défense de nécessité si elle était invoquée au Canada pour les mêmes actes reprochés.
[97] Selon lui, la requérante ne satisfait pas ce critère.
[98] Il établit d’abord que la version soutenue par la requérante devant la juge d’extradition s’appuie sur le fait « qu’elle n’avait pas enlevé les enfants, mais qu’elle les avait rejoints au Canada, après qu’ils se furent enfuis de leur propre chef »[45]. À son avis, cette version ne permettait pas de penser que les enfants pourraient être exposés à un danger imminent lorsque la requérante est intervenue.
[99] Puis, il ajoute que cette version des faits change sensiblement au moment où la requérante formule ses observations au ministre. La version modifiée repose sur le fait que la requérante s’est enfuie au Canada avec les enfants afin de les aider à fuir le danger auquel ils étaient exposés chez leur père[46].
[100] Il conclut enfin en soulevant que cette version modifiée, au demeurant très différente, ne pouvait raisonnablement se voir accorder beaucoup d’importance[47].
[101] Quant au troisième critère, le juge Cromwell s’exprime ainsi :
[138] Troisièmement, l’appelante n’a pas établi qu’elle s’exposait à un péril sensiblement plus grand en Géorgie qu’au Canada.[48]
[102] Le juge Cromwell prend bien soin de souligner que la requérante ne pouvait connaître le cadre d’analyse dont il propose l’application au moment où elle s’est adressée au ministre.
[103] Il expose également que les observations de la requérante au ministre de la Justice portent sur l’existence de la défense de nécessité au Canada et non sur l’absence d’une défense équivalente en Géorgie. Il s’exprime ainsi :
[140] Pour parvenir à cette conclusion, je tiens compte du fait que l’appelante ne pouvait connaître le cadre détaillé dont je propose aujourd’hui l’application lorsqu’elle s’est adressée au ministre. Je constate toutefois que l’essentiel de ses observations au ministre porte sur l’existence d’une défense au Canada, non sur l’absence d’une défense équivalente en Géorgie. L’appelante nous demande en somme de conclure au caractère déraisonnable de la décision du ministre sur le fondement d’un point qui n’a pas été porté directement à l’attention de ce dernier. Elle le fait en appuyant ses nouvelles prétentions sur de pures conjectures. Partant, l’application du cadre proposé à la thèse de l’appelante n’est pas injuste sur le plan procédural et n’offre aucun fondement à une ordonnance de réexamen par le ministre.[49]
[Soulignements ajoutés]
[104] Quant à la deuxième question en litige, à savoir l’intérêt supérieur des enfants, il écrit : « À mon avis, le ministre conclut de manière raisonnable, eu égard aux données dont il dispose qui s’arrêtent en juin 2011[50], que les répercussions possibles de l’extradition de l’intéressée sur les enfants ne sont pas claires »[51].
[105] À la suite de cet arrêt, la requérante demande à la ministre de la Justice de reconsidérer la décision d’ordonner son extradition.
[106] Pour appuyer sa demande, elle dépose le 29 mars 2016 les observations de ses avocats. Elle fournit également une opinion de la professeure adjointe Christine M. Scartz de l’University of Georgia, School of Law, en date du 6 juin 2016.
[107] L’intimée produit pour sa part un rapport rédigé par Jennifer S. Bond et Janet Henchey du Service d’entraide internationale du ministère de la Justice du Canada. La requérante réplique à ce rapport le 20 juin 2016 par l’entremise de ses avocats.
[108] La ministre de la Justice refuse de reconsidérer la décision d’ordonner l’extradition de la requérante, rendue par son prédécesseur.
[109] La ministre amorce sa décision en résumant les faits à l’origine de la demande d’extradition par les États-Unis. Elle répond ensuite aux observations de la requérante.
[110] La ministre analyse la demande de la requérante qui requiert la tenue d’une audience orale. Elle explique que la Loi sur l’extradition prévoit la possibilité pour un intéressé de présenter ses observations, sans aucun formalisme spécifique. Ainsi, des observations écrites suffisent, comme l’a arrêté la Cour suprême dans Kindler c. Canada[52]. C’est aussi la conclusion de la Cour d’appel de l’Ontario dans Whitley v. United States of America selon laquelle seules des circonstances extraordinaires peuvent justifier la tenue d’une audience de vive voix[53]. En l’espèce, la ministre est d’avis que les problématiques soulevées dans ce dossier sont bien définies et peuvent être réglées adéquatement de manière écrite.
[111] Deuxièmement, la ministre se penche sur la question de l’inexistence d’un moyen de défense équivalent en Géorgie. Elle doit considérer ce facteur pour déterminer si l’extradition recherchée est injuste ou tyrannique ou contraire aux principes de justice fondamentale. Pour déterminer si l’extradition répond à ces critères, elle devrait, indique-t-elle, tenir compte de la manière dont, le cas échéant, la requérante serait touchée par l’inexistence dans l’État requérant d’un moyen de défense qui autrement existerait au Canada.
[112] Pour que l’inexistence d’un moyen de défense puisse donner ouverture au refus d’extrader, la ministre renvoie aux trois conditions à remplir par la requérante : (1) la défense existe au Canada, mais pas en Géorgie, (2) il y a une possibilité raisonnable que la défense prévue au Canada soit retenue si la requérante était poursuivie au Canada, (3) la différence entre les lois des deux juridictions sont telles que la requérante s’exposerait à un péril sensiblement plus grand si elle était extradée.
[113] Elle note que son prédécesseur, au moment d’analyser le dossier de la requérante et de rendre sa décision, n’était pas en possession des renseignements pertinents portant sur les moyens de défense existant en droit canadien et américain pas plus que des différences existant entre ceux-ci. C’est à la suite d’une demande formulée auprès de l’United States Department of Justice-Office of International Affairs (USDOJ) que la ministre est informée de l’existence des moyens de défense de la coercition et de la justification pouvant être applicables à la requérante en Géorgie.
[114] La ministre analyse ensuite les deux premières conditions.
[115] Au
regard de la première condition, elle se dit d’emblée en accord avec la
requérante : la défense de coercition de la Géorgie ne semble pas pouvoir
s’appliquer à son cas. Elle estime toutefois que la défense de justification de
l’État de la Géorgie est très semblable à la défense de nécessité. Elle évoque
l’opinion de la professeure adjointe, Christine M. Scartz, l’experte du système
juridique de Géorgie retenue par la requérante. Elle poursuit en reconnaissant
que la défense de nécessité prévue à l’article
[116] Elle s’attarde ensuite aux circonstances du départ de la requérante et de ses enfants vers le Canada en phase avec la violence exercée par M. P.... Elle s’appuie sur la version offerte par la requérante selon laquelle « [s]he took the children with her to Canada, she states, to protect them from the ongoing abuses of their father »[54]. Elle ne remet pas davantage en cause les gestes de mauvais traitements envers les enfants et leur admission par M. P....
[117] Si la requérante était jugée au Canada, elle pourrait soutenir que les gestes posés étaient nécessaires pour protéger les enfants d’un danger imminent, éléments constitutifs de la défense de nécessité. Sa lecture de la défense de justification codifiée dans les lois de la Géorgie lui permet de dresser le même constat.
[118] À propos de l’opinion de l’experte retenue par la requérante, elle retient que celle-ci ne s’est pas prononcée sur l’existence de la défense de justification, mais plutôt sur les chances de succès d’une telle défense devant un tribunal.
[119] En conclusion, il y a peu de distinctions entre la défense canadienne de nécessité et celle de la justification de la Géorgie. Cela étant, la première condition n’est pas remplie.
[120] Bien que non requise de le faire, elle analyse la deuxième condition. Y a-t-il une possibilité raisonnable que soit retenu le moyen de défense de la nécessité s’il était invoqué au Canada pour les mêmes actes? Les faits du dossier l’incitent à répondre négativement à cette question.
[121] Son approche est dictée par les conditions d’application de la défense de nécessité de common law dégagées par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. v. C.A.V.[55].
[122] Selon la ministre, ni la requérante non plus que ses enfants n’étaient exposés à un danger imminent au moment de quitter les États-Unis. En outre, la requérante n’a pas expliqué la raison pour laquelle elle n’a pas contacté les autorités policières de la Géorgie et les intervenants de la DFCS dans les semaines qui ont précédé son départ vers le Canada. Ses gestes ont privé M. P... de ses droits de garde reconnus par un tribunal américain. La ministre reconnaît que la relation entre les enfants et leur père est loin d’être positive, mais que ceux-ci ne se sont jamais plaints de la situation de violence familiale à leur « guidance counsellor ». Elle scelle ainsi son opinion : « Viewed objectively, it cannot be said that the harm that Ms. Me. was attempting to avoid was proportionate to the harm that she caused her children[56]».
[123] Elle passe outre la troisième condition consistant à établir si la différence entre les lois des deux pays se traduit par un péril beaucoup plus grand pour la requérante dans l’État requérant.
[124] Comme les conditions ne sont pas réunies, elle estime ne pas être tenue d’analyser les différences possibles entre les moyens de défense aux États-Unis afin de considérer si l’extradition de la requérante serait injuste ou tyrannique ou autrement contraire aux principes de justice fondamentale.
[125] Enfin, la ministre examine l’argument des circonstances personnelles. Elle mentionne que l’intérêt des enfants ne peut permettre d’éviter un processus judiciaire et que bien qu’elle soit sensible à la vie difficile vécue par la requérante, ces circonstances ne rendent pas son extradition injuste.
[126] Tout compte fait, son analyse de toutes les circonstances du dossier l’amène à conclure que l’extradition de la requérante aux États-Unis ne serait pas tyrannique ou injuste ou qu’elle choquerait la conscience des Canadiens.
[127] Pour ces raisons, la ministre ordonne l’extradition de la requérante vers les États-Unis.
[128] La ministre avait en premier lieu raison de ne pas accorder d’audience orale à la requérante[57].
[129] En deuxième lieu, je suis d’avis que la décision de la ministre portant sur les conditions de l’existence d’une défense équivalente en Géorgie et de la possibilité raisonnable que soit retenu le moyen de défense de nécessité au Canada est déraisonnable. Ainsi, la ministre devait répondre à la question de savoir si la différence entre les lois des deux pays se traduit par un péril beaucoup plus grand pour la requérante en Géorgie, ce qu’elle a omis de faire.
[130] En conséquence, je propose de retourner le dossier au ministre de la Justice pour qu’il fournisse une réponse à la question du péril beaucoup plus grand et, le cas échéant, à la question des différences possibles entre les moyens de défense de pair avec tous les autres éléments pertinents pour décider d’ordonner l’extradition ou non. Voici pourquoi.
[131] La requérante soutient qu’elle et ses enfants ont demandé d’être entendus par la ministre étant donné les circonstances inhabituelles de ce dossier. Une audience lui aurait permis de démontrer à la ministre le bien-fondé de sa démarche et de sa position.
[132] L’article
43 (1) L’intéressé peut, au plus tard trente jours après la délivrance d’une ordonnance d’incarcération, présenter ses observations au ministre sur toute question touchant son extradition éventuelle vers le partenaire.
(2) Le ministre peut toutefois, si à son avis les circonstances le justifient, accepter les observations après l’expiration du délai de trente jours. |
43 (1) The person may, at any time before the expiry of 30 days after the date of the committal, make submissions to the Minister in respect of any ground that would be relevant to the Minister in making a decision in respect of the surrender of the person.
(2) The Minister may accept submissions even after the expiry of those 30 days in circumstances that the Minister considers appropriate. |
[133] Se basant sur l’arrêt Kwok, cette Cour rappelle que la tenue d’une audience n’est pas obligatoire :
[114] Les principes de justice fondamentale qui gouvernent la prise de décision par le ministre n'exigent pas la tenue d'une audience; quoiqu'il puisse y avoir recours, il conserve sa discrétion à la condition que le fugitif ait une possibilité raisonnable de faire des représentations : […][58].
[134] Toutefois, la Cour suprême enseigne, dans l’arrêt Singh, que certaines situations requièrent qu’un intéressé soit entendu de vive voix[59] :
Je
ferai cependant remarquer que, même si les auditions fondées sur des
observations écrites sont compatibles avec les principes de justice
fondamentale pour certaines fins, elles ne donnent pas satisfaction dans tous
les cas. Je pense en particulier que, lorsqu'une question importante de
crédibilité est en cause, la justice fondamentale exige que cette question soit
tranchée par voie d'audition. Les cours d'appel sont bien conscientes de la
faiblesse inhérente des transcriptions lorsque des questions de crédibilité
sont en jeu et elles sont donc très peu disposées à réviser les conclusions des
tribunaux qui ont eu l'avantage d'entendre les témoins en personne: voir
l'arrêt Stein c. Le navire "Kathy K", 1975 CanLII 146 (CSC),
[Soulignements ajoutés]
[135] Je ne crois pas qu’une question importante de crédibilité soit ici en cause. La décision de la ministre de refuser la tenue d’une audience orale est raisonnable.
[136] La
ministre de la Justice estime que la défense de justification de l’article
16.3.20 de l’OCGA est équivalente à la défense de nécessité de l’art.
[137] La ministre qualifie ces moyens de défense de très similaires (« very similar ») :
[…] in that they both address the principle that an individual should not be punished where his or her wrongful conduct was the only effective choice available in order to avoid imminent harm to themself or others.[61]
[138] Pour fins de comparaison, je reproduis les dispositions traitant de ces moyens de défense :
285. No one shall be found guilty of an offence under sections 280 to 283 if the court is satisfied that the taking, enticing away, concealing, detaining, receiving or harbouring of any young person was necessary to protect the young person from danger of imminent harm or if the person charged with the offence was escaping from danger of imminent harm.
285. Nul ne peut être déclaré coupable d’une infraction prévue aux articles 280 à 283 si le tribunal est convaincu que les actes reprochés étaient nécessaires pour protéger la jeune personne en question d’un danger imminent ou si l’accusé fuyait pour se protéger d’un tel danger. |
16-3-20. The fact that a person's conduct is justified is a defense to prosecution for any crime based on that conduct. The defense of justification can be claimed:
(1) When the person's conduct is justified under Code section 16-3-21, 16-3-23, 16-3-24, 16-3-25, or 16-3-26;
(2) When the person’s conduct is in reasonable fulfillment of his duties as a government officer or employee;
(3) When the person’s conduct is the reasonable discipline of a minor by his parent or a person in Ioco parentis;
(4) When the person's conduct is reasonable and is performed in the course of making a lawful arrest;
(5) When the person's conduct is justified for any other reason under the laws of this state, including as provided in Code section 51-1-29; or
(6) In all other instances which stand upon the same footing of reason and justice as those enumerated in this article. |
[139] À leur lecture, je suis d’avis qu’il existe une différence de fond indéniable entre les deux défenses et que la défense de justification n’est pas équivalente à la défense de nécessité, ce que la ministre ne pouvait ignorer.
[140] La différence de fond s’exprime d’abord par leur point d’ancrage tout à fait distinct.
[141] La défense de nécessité est spécifiquement liée à des infractions d’enlèvement d’enfants de moins de 16 ans ou 14 ans.
[142] La défense de justification quant à elle n’offre aucun rattachement de quelque façon à une situation d’enlèvement d’enfants. À titre d’exemples, la typologie des comportements à laquelle renvoie le législateur de la Géorgie au paragraphe 16-3-20 (1) intéresse l’utilisation de la force dans une perspective de légitime défense (16-3-21), l’utilisation de la force pour protéger son domicile (16-3-23), l’utilisation de la force pour protéger sa propriété (16-3-24), le moyen de défense de la provocation policière (entrapment)(16-3-25) ou le moyen de défense de la coercition (16-3-26).
[143] L’experte Christine M. Scartz, dont l’opinion n’est pas contredite, met également en évidence cette différence de fond entre les deux moyens de défense :
The availability of this defense under Georgia law appears to me to be quite different from what is plainly intended for section 285 of your Criminal Code. You have advised me that, as reflected in its express terms, section 285 applies to an abduction in contravention of a custody order; however, in Georgia, the application of a.c.G.A. §16-3-20(6) to an interference with custody case would require the judge to make a novel extension of the law to a circumstance not expressly contemplated by the legislation.[62]
[144] Elle renchérit en indiquant n’avoir répertorié aucune affaire, dans le corpus jurisprudentiel de la Géorgie, portant sur l’application de l’article 16-3-20 (6) en lien avec une violation d’une ordonnance de garde d’enfants[63].
[145] Outre leur point d’ancrage différent, les défenses ne visent pas le même objet.
[146] Dans M.M.
précitée, la juge Abella examine la défense de nécessité[64] en exposant la genèse,
l’objet, le caractère évolutif et les marques distinctives de la défense de
nécessité de l’article
[147] La juge Abella situe en 1982 l’ajout de la défense de nécessité dans le Code criminel. Elle décrit l’objet de la disposition en citant les propos du ministre Jean Chrétien qui pilotait le dossier :
[217] […] Pour décrire l’objet de la disposition et de la nouvelle défense, Jean Chrétien, alors procureur général du Canada et ministre d’État chargé du Développement social, a déclaré :
Ces dispositions ne s’appliqueront pas dans les cas où le parent ayant pris l’enfant aura obtenu le consentement du parent en ayant la garde et dans les rares cas où le parent qui aura enlevé son enfant pourra persuader un tribunal qu’il voulait le sauver d’un danger immédiat.
(Débats de la Chambre des communes, vol. XVII, 1re sess., 32e lég., 4 août 1982, p. 20040)[65]
[Soulignements ajoutés]
[148] Il ne fait aucun doute que l’objet de la loi vise la protection de l’enfant. Elle écrit que la priorité doit être accordée à l’enfant :
[218] Selon l’information rendue publique par le ministère de la Justice lors de l’entrée en vigueur de la disposition, la loi visait à protéger les enfants :
La loi renforce également les dispositions du Code criminel relatives à l’enlèvement d’enfant sans l’autorisation de celui ou celle qui en a la garde légale. « La nouvelle loi accorde priorité à l’enfant », a déclaré [le ministre de la Justice et procureur général de l’époque], M. [Mark] MacGuigan, et « reconnaît que l’enfant possède des droits : droit à la sécurité et droit à la stabilité ». […][66]
[149] La juge Abella enchaîne en relevant les modifications apportées à la défense de nécessité en 1985 et en 1993. Elle recourt une fois de plus aux débats de la Chambre :
[219] […] Comme l’a affirmé le ministre de la Justice de l’époque, Pierre Blais, la modification visait à faire en sorte que les conjoints battus qui fuient la violence en décidant d’emmener leurs enfants avec eux puissent invoquer un moyen de défense (Débats de la Chambre des communes, vol. XV, 3e sess., 34e lég., 6 mai 1993, p. 19017; sénatrice Erminie Cohen, Débats du Sénat, vol. IV, 3e sess., 34e lég., 16 juin 1993, p. 3536).[67]
[150] Elle examine ensuite les différents instruments internationaux, dont la « Convention relative aux droits de l’enfant[68] » et la « Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants[69] ». Au sujet de cette dernière convention, elle précise que l’alinéa 13b) prévoit la possibilité de refuser d’ordonner le retour d’un enfant déplacé illicitement de l’État dans lequel il avait sa résidence habituelle s’il « existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable (al. 13b) »[70].
[151] Elle fait
ensuite le lien entre la facture des dispositions contenues dans ces
instruments internationaux et l’article
[223] […] l’art. 285 protège une personne qui enlève un enfant par nécessité pour le protéger d’un danger imminent. Cette disposition crée donc un moyen de défense visant à protéger les enfants du danger.[71]
[152] La juge
Abella s’inscrit ensuite en faux contre l’idée d’importer les conditions
d’application de la défense de nécessité de la common law codifiée au
paragraphe
[153] En
d’autres termes, la défense de nécessité de l’article
[154] À sa lecture, il s’avère évident que l’objet de la défense de justification ne concerne aucunement l’enlèvement des enfants.
[155] Par ailleurs, le paragraphe 16-3-20 (6) sur lequel s’appuie la ministre pour établir une équivalence des moyens de défense postule que les « all other instances » reposent sur « the same footing of reason and justice », que ceux énumérés dans la disposition, ce qui, manifestement, ne correspond aucunement à une situation d’enlèvement d’enfants.
[156] La ministre de la Justice conclut que la défense de justification de la loi criminelle de la Géorgie est équivalente à la défense de nécessité prévue au Code criminel du Canada. Qu’en est-il?
[157] Avant de ce faire, un commentaire. Le prédécesseur de la ministre soutenait que le moyen de défense de nécessité ne pouvait être soulevé par la requérante en Géorgie et que le moyen de défense équivalent était celui de la coercition codifié à l’article 16-3-26 de l’OCGA[73]. La Cour suprême, dans M.M. précitée, en fait du reste état aux paragraphes 129 et 133. À l’audience, la ministre reconnaît que la défense de coercition ne s’applique plus à la situation vécue par la requérante[74]. Elle plaide désormais que le moyen de défense équivalent est celui de la justification. Dans une matière aussi délicate que l’extradition qui compromet la liberté d’une personne, ce changement de cap sur la nature du moyen de défense « équivalent » en Géorgie traduit une incertitude qui ne manque pas d’étonner.
[158] Analysons maintenant cette question de l’équivalence entre les deux moyens de défense.
[159] Le Petit Robert[75] définit le mot « équivalent, ente » en référant à : « Qui a la même valeur ou la même fonction. Ces deux expressions sont équivalentes. Synonyme. Faits équivalents, dont la portée est semblable ou identique. » […]
[160] À vrai dire, les moyens de défense n’offrent aucune équivalence. Ils n’ont certes pas « la même valeur ou la même fonction ». La défense de nécessité vise nommément la protection de l’enfant alors que la défense de justification se rapporte à des sujets épars dont aucun n’intéresse cet objectif prééminent. Dans la même veine, pas besoin d’épiloguer longuement pour déterminer que la portée des deux moyens de défense n’est pas semblable ou identique.
[161] Enfin, contrairement à ce qu’avance la ministre de la Justice, le seul fait de pouvoir soulever la défense de justification devant un tribunal de la Géorgie ne comble pas l’exigence décrite par la Cour suprême dans M.M. précitée. Pour résumer les propos du juge Cromwell, le moyen de défense (la nécessité) existe au Canada, mais aucune défense équivalente (la justification) n’existe dans l’État requérant[76]. Ce n’est donc pas tout de pouvoir la soulever, encore faut-il à la base que la défense soit équivalente, ce qui, force est de le constater, n’est pas le cas en l’espèce.
[162] La ministre ne pouvait donc ignorer la différence de fond indéniable entre les deux moyens de défense et conclure à leur équivalence. Cette conclusion est déraisonnable. En conséquence, je suis d’avis que cette condition est satisfaite.
[163] Dans M.M., le juge Cromwell est d’avis, comme je l’ai souligné plus haut, que la requérante ne remplit pas la condition de la « possibilité raisonnable ».
[164] Il retient la détermination de fait selon laquelle «l’appelante a soutenu qu’elle n’avait pas enlevé les enfants, mais qu’elle les avait rejoints au Canada après qu’ils se furent enfuis de leur propre chef »[77].
[165] Pour tirer cette conclusion, il énonce que la version des faits soutenue par la requérante devant la juge d’extradition prend appui sur le fait qu’elle a rejoint ses enfants au Canada après qu’ils se furent enfuis de leur propre chef. En retenant cet énoncé, il détermine avec raison que les enfants ne pouvaient être exposés à un danger imminent puisque la requérante serait intervenue au moment où ceux-ci se trouvaient au Canada. Cette détermination de fait l’amène à conclure qu’il n’y a aucune possibilité raisonnable de voir la défense de nécessité retenue au Canada.
[166] Il note également la version modifiée présentée par la requérante au ministre voulant qu’elle se soit enfuie au Canada avec les enfants, afin de les aider à fuir le danger auquel ils étaient exposés chez leur père. Il conclut que cette version des faits sensiblement modifiée est très différente et que ces prétentions de la requérante ne pouvaient raisonnablement se voir accorder une grande importance. Cette version est en quelque sorte écartée et ne peut donc servir à convaincre le ministre de l’existence d’une possibilité raisonnable de voir la défense de nécessité retenue au Canada.
[167] Comme le souligne son avocat, la version des faits de la requérante a toujours été la même : elle a fui les États-Unis à la demande de ses enfants, a regagné le Canada avec eux pour les protéger du danger imminent de la violence de monsieur P....
[168] La détermination de fait selon laquelle elle a rejoint ses enfants au Canada après qu’ils se furent enfuis de leur propre chef ne se retrouve pas dans notre dossier.
[169] À preuve, les rapports déposés par la DPJ le 7 janvier 2011[78]; le témoignage de la requérante[79], de son fils X [80]et de sa mère D... N...[81], devant les juges Paul et Cohen de la Cour supérieure les 12 janvier et 31 mai 2011; les observations formulées par la requérante au prédécesseur de la ministre de la Justice[82] le 13 juillet 2012; la décision de ce dernier le 28 novembre 2012[83]; et les observations de A le 21 mars 2011[84] contiennent tous la même version, à savoir qu’elle a fui les États-Unis avec ses enfants X, Y, Z et sa fille A, âgée de 29 ans, qui conduisait le véhicule. De façon plus précise, dans sa décision du 28 novembre 2012, le prédécesseur de la ministre de la Justice expose les faits suivants qui témoignent de la présence de la requérante avec les enfants au moment de rejoindre le Canada : « After arriving in Canada with her children, Ms. Me. was arrested on December 23, 2011, in relation to the request fo her extradition to the United States[85] »; « While Ms. Me.’s alleged conduct has some connection to Canada in that she is alleged to have abducted her children and brought them to Canada in contravention of the Georgia court order […][86] ».
[170] Une fois cela dit, analysons maintenant la décision de la ministre.
[171] La ministre décide qu’il n’y a aucune possibilité raisonnable de voir retenu le moyen de défense de la nécessité s’il est invoqué au Canada pour les mêmes actes commis par la requérante aux États-Unis. Autrement dit, la ministre décide que les actes reprochés à la requérante (l’enlèvement de ses enfants en violation d’une ordonnance de garde) nécessaires pour les protéger d’un danger imminent (les actes répétés de violence perpétrés par leur père) n’offrent aucune possibilité raisonnable d’être retenus (au moyen de la défense de nécessité) devant un tribunal canadien.
[172] Pour parvenir à cette conclusion, la ministre s’appuie sur l’arrêt rendu par la Cour d’appel de l’Ontario dans R. v. C.A.V (CAV)[87]. Dans cette affaire, une mère, qui craignait de perdre les droits d’accès à ses enfants, s’enfuit avec eux au Mexique. Elle invoque la défense de nécessité et fait valoir un danger imminent, émotif et psychologique du fait que ses enfants seront totalement privés de ses soins, conseils, amour et support[88].
[173] Aux fins
de décider si la défense de nécessité est applicable ou non, la Cour d’appel de
l’Ontario retient les trois conditions d’application de la défense de nécessité
de common law adoptées par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Perka c.
R.[89],
un arrêt rendu avant l’adoption de l’article
[174] Les trois conditions sont ainsi décrites :
[14] In Perka, the court set out three requirements for the defence of necessity:
(a) The situation must be urgent and the peril imminent.
(b) Compliance with the law must be demonstrably impossible such that there is no reasonable legal alternative to disobeying the law.
(c) The harm inflicted must be proportional to and not greater than the harm sought to be avoided.[90]
[175] Au final, le plus haut tribunal de l’Ontario estime qu’il n’y a aucun danger imminent. La défense de nécessité n’est pas conçue pour couvrir l’insatisfaction des parties découlant d’un jugement défavorable en matière de garde et de droits d’accès des enfants, écrit-elle[91].
[176] La ministre applique chacun des critères de CAV à la situation vécue par la requérante et ses enfants. Elle détermine que la situation des enfants ne présente aucun risque de danger imminent[92]. En outre, la requérante possédait d’autres avenues sur le plan juridique que celle de fuir[93]. Enfin, le préjudice que la requérante a tenté d’esquiver n’est pas proportionnel au préjudice causé aux enfants[94].
[177] Avec
égards, la ministre a eu tort de s’appuyer sur la défense de nécessité de la
common law. Elle devait s’en tenir aux éléments constitutifs contenus à
l’article
[178] Le juge Cromwell formule le commentaire suivant :
[135] Notre Cour ne s’est pas prononcée sur la portée
précise de la défense restreinte de nécessité que prévoit l’art.
[Soulignements ajoutés]
[179] Il précise
d’abord que la Cour suprême du Canada « ne s’est pas prononcée sur la
portée précise de la défense restreinte de nécessité », laissant ainsi
voir que les conditions d’application dégagées dans l’arrêt Perka rendu
en 1984 ¾ bien avant l’adoption de la
défense de nécessité de l’article
[180] En outre,
le juge Cromwell énumère clairement les éléments constitutifs de l’article
[181] La ministre ne pouvait donc ignorer le passage important de l’arrêt M.M. c. États-Unis d’Amérique. En utilisant les conditions d’application de la défense de nécessité de la common law, elle s’est trouvée à hausser le fardeau de preuve de la requérante en exigeant la preuve d’éléments constitutifs qui n’en font pas partie. Ce faisant, elle s’est également éloignée de l’objectif de la défense de nécessité qui est de sauver les enfants en danger, comme l’exprime la juge Abella[97].
[182] Je suis également d’avis que l’analyse de la ministre occulte la norme de la « possibilité raisonnable » prescrite par la Cour suprême dans M.M.
[183] La norme renvoie à l’idée d’une possibilité, c’est-à-dire à une situation « qui peut être, qui peut se réaliser, qui peut exister[98] ». Elle se situe nécessairement en deçà de la probabilité qui laisse voir une plus grande perspective de réalisation. Cette possibilité doit être raisonnable, c’est-à-dire qu’elle doit être sensée, fondée[99].
[184] Dans Theratechnologies inc. c. 121851 Canada inc.[100], la Cour suprême du Canada interprète l’expression « possibilité raisonnable que le demandeur ait gain de cause » inscrite à l’article 225.4 de la Loi sur les valeurs mobilières[101] de la façon suivante :
[39] Pour démontrer une possibilité raisonnable d’avoir gain de cause, le demandeur doit offrir une analyse plausible des dispositions législatives applicables, et il doit également présenter des éléments de preuve crédibles à l’appui de sa demande. Cette approche est celle qui, à mon avis, permet le mieux de réaliser l’intention qu’avait le législateur lorsqu’il a instauré le mécanisme de filtrage : faire en sorte d’écarter les demandes qui n’ont guère de chances d’être accueillies — et d’éviter que l’on y consacre en vain temps et argent. Je suis d’accord avec la Cour d’appel, cependant, pour dire que l’étape de l’autorisation prévue par l’art. 225.4 ne doit pas être traitée comme un mini-procès. Il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse complète de la preuve. Si le mécanisme de filtrage a pour objectif d’écarter les poursuites opportunistes coûteuses et celles qui ont peu de chances d’être accueillies, il s’ensuit que les exigences en matière de preuve ne doivent pas être lourdes au point d’être pratiquement identiques à celles d’un procès. De telles exigences compromettraient l’objectif du mécanisme de filtrage, soit de protéger les émetteurs assujettis contre les poursuites opportunistes et les recours non fondés et coûteux. Ce qui est exigé, c’est une preuve suffisante pour convaincre le tribunal de l’existence d’une possibilité raisonnable que le demandeur ait gain de cause.[102]
[Soulignements ajoutés]
[185] La possibilité raisonnable d’avoir gain de cause présuppose une analyse plausible des dispositions législatives applicables et la présentation d’éléments de preuve crédibles. Cette démonstration vise à écarter les demandes qui n’ont guère de chance d’être accueillies, les poursuites opportunistes coûteuses et les recours non fondés.
[186] Au lieu de s’en tenir à une évaluation de la « possibilité raisonnable », la ministre a décidé, à partir des critères de la défense de nécessité de la common law, de rejeter au fond la défense.
[187] Sur l’existence d’un « danger imminent », la ministre s’est placée dans la peau de la requérante et a catégoriquement rejeté la version de celle-ci selon laquelle la fuite au Canada avait comme seul dessein de protéger ses enfants de la violence exercée par leur père. À son avis, la requérante ne « pouvait être d’opinion », au cours de cette période, que les enfants étaient à risque d’un danger imminent ([…] it cannot be said that she was of the opinion that at the time that the children were at risk of "imminent harm" […])[103].
[188] Pourtant, à la vue du dossier, les éléments de preuve crédibles d’un danger imminent sont présents : (1) les enfants qui sont victimes de la violence physique et psychologique exercée par leur père; (2) les menaces proférées par le père de séparer la fratrie et d’expulser les enfants de la maison; (3) le dénigrement incessant de la requérante par le père devant les enfants; (4) le geste de violence du père à l’endroit de Y, en soirée du 30 octobre 2010; (5) l’ordre donné par le père aux filles, le même soir, de faire leurs valises sans leur indiquer l’endroit où il les emmènera et la panique des trois enfants à l’idée d’être séparés à tout jamais; (6) la décision prise par les enfants, âgés de 14, 10 et 9 ans, de fuir le domicile de leur père et de se terrer dans une maison abandonnée pour éviter d’être retrouvés par celui-ci; (7) l’agression subie par la requérante juste avant de quitter la Géorgie; (8) la supplication adressée par les enfants à leur mère de quitter les États-Unis pour le Canada.
[189] Tous ces éléments, conjugués avec l’admission par le père de gestes de violence, l’absence de garantie formulée par la DFCS de la Géorgie que les enfants ne seront pas retournés chez leur père et, le cas échéant, qu’ils ne seront pas à l’abri de mauvais traitements, établissent l’existence d’un danger imminent.
[190] Il apparaît minimalement sensé de croire qu’une mère, à la demande de ses enfants, ait cru nécessaire, peut-être erronément, de les emmener au Canada, pour les protéger de la violence exercée par leur père depuis plusieurs années. Il apparaît minimalement fondé que des enfants puissent être terrifiés à l’idée de retourner au domicile de leur père et que leur mère, ressentant cette ravageuse disposition, décide en toute bonne foi de les protéger.
[191] Du même souffle, l’intérêt supérieur des enfants commandait qu’ils ne soient plus exposés à la violence de leur père et il ne surprend pas qu’ils aient eu recours à leur mère pour échapper aux abus de ce dernier. La requérante savait également que les enfants bénéficieraient au Canada de l’encadrement de leur grand-mère, encadrement qu’elle ne pouvait momentanément, compte tenu de sa condition instable, leur offrir.
[192] Il n’est certes pas vain de rappeler que c’est elle qui les a extirpés d’un milieu violent, qui s’est ensuite reprise en mains et qui a su reconstituer une cellule familiale stable et heureuse. Les séparer de leur mère aimante et de la seule figure parentale présente dans leur vie ne s’harmonise certainement pas avec le principe de favoriser leur intérêt supérieur, il me semble.
[193] Livrer la requérante à l’État requérant parce qu’elle a cru vital et nécessaire de céder au cri de désespoir de ses enfants apparaît choquant. Retourner la requérante à l’État requérant sans qu’elle puisse y faire valoir le moyen de défense canadien de nécessité qui vise spécifiquement la protection de ses enfants l’est tout autant. Et, comme l’a si bien écrit la juge Abella dans M.M. : « Extrader la mère parce qu’elle a agi afin de protéger ses enfants, c’est pénaliser ceux-ci de s’être tournés vers elle en les privant du seul parent susceptible de s’occuper d’eux »[104].
[194] Disons-le clairement : les éléments de preuve de cette défense de nécessité offrent, à tout le moins, une possibilité raisonnable d’être retenue par un tribunal canadien. Il ne s’agit certes pas d’une demande qui n’a guère de chance d’être accueillie et la ministre commet une erreur déraisonnable en décidant que cette condition n’est pas satisfaite.
[195] Par ailleurs, même en tenant pour acquis que les critères de la défense de nécessité de common law s’étaient appliqués, notre conclusion ne s’en trouverait pas ébranlée. Le danger auquel faisaient face les enfants était certes imminent, c’est-à-dire immédiat, proche. Il n’existait aucune solution alternative possible que celle de fuir la tyrannie de leur père puisque le recours aux autorités policières ou aux intervenants de la DFCS aurait conduit au retour des enfants chez leur père, comme l’a souligné Mme Christina Brooks de ce dernier organisme. Enfin, en regard des circonstances, il apparaît tout à fait raisonnable de déterminer que soustraire les enfants à un père violent et abusif est une conséquence moindre que de les laisser auprès de lui, sachant qu’ils seront maltraités.
[196] La ministre ne se penche pas sur la troisième condition en vertu de laquelle « la différence entre les lois des deux pays doit se traduire par un péril beaucoup plus grand pour l’intéressé dans l’État requérant[105] ».
[197] Dans M.M., le juge Cromwell souligne que « l’absence d’une défense correspondante dans l’État requérant expose l’intéressé à un péril sensiblement accru »[106]. Également, les conséquences pénales résultant de l’inexistence de la défense de nécessité doivent donc nécessairement être considérées[107] pour évaluer l’ampleur réelle du péril qui en résulte.
[198] La ministre devait, vu notre conclusion portant sur les deux premières conditions, se prononcer sur la question du péril beaucoup plus grand dans l’État requérant.
[199] L’analyse
des trois conditions pouvant donner ouverture au refus d’extrader prévu à
l’alinéa
[200] Au paragraphe 126 de l’arrêt M.M., la Cour suprême écrit qu’une fois les conditions réunies, la ministre doit alors tenir compte des différences possibles entre les moyens de défense de pair avec tous les autres éléments pertinents, pour décider d’ordonner l’extradition ou non.
[201] Dans sa décision, la ministre précise qu’elle n’a pas à tenir compte des différences possibles entre les moyens de défense puisque les trois conditions ne sont pas réunies[108].
[202] Cela signifie qu’en sus de ne pas se prononcer sur la question du péril beaucoup plus grand, la ministre ne s’est pas livrée à l’analyse des différences possibles entre les moyens de défense. Par voie de conséquence, elle n’a pu tenir compte de la manière dont la requérante serait touchée par l’inexistence dans l’État requérant d’un moyen de défense équivalent à celui de la nécessité en droit canadien. Elle n’a pas davantage pu se demander si la mesure d’extradition serait injuste ou tyrannique ou si elle irait par ailleurs à l’encontre des principes de justice fondamentale[109].
[203] Dans ce contexte, je n’ai d’autre choix que de retourner le dossier au ministre pour qu’il fournisse une réponse à la question de savoir si la différence entre les lois des deux pays se traduit par un péril beaucoup plus grand pour la requérante dans l’État requérant. Dans le cas où celle-ci est positive, il devra alors répondre à la question des différences possibles entre les moyens de défense de pair avec tous les autres éléments pertinents pour décider d’ordonner l’extradition ou non.
[204] Pour toutes ces raisons, je propose d’accueillir la demande de révision judiciaire, d’infirmer l’arrêté d’extradition du 28 novembre 2012 ordonnant l’extradition de la requérante et de renvoyer pour décision le dossier au ministre de la Justice pour qu’il fournisse une réponse à la question de savoir si la différence entre les lois des deux pays se traduit par un péril beaucoup plus grand pour la requérante dans l’État requérant et, dans l’hypothèse où la réponse à cette question serait positive, de fournir une réponse à la question des différences possibles entre les moyens de défense de pair avec tous les autres éléments pertinents pour décider d’ordonner l’extradition ou non.
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JOCELYN F. RANCOURT, J.C.A. |
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MOTIFS DE LA JUGE MARCOTTE |
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[205] Je partage l’avis de mon collègue que la ministre pouvait refuser d’accorder une audience à la requérante. Je suis également d’accord avec l’exposé qu’il fait du droit relatif au processus d’extradition. Il y reconnait à bon droit que la décision ministérielle d’extrader est essentiellement politique[110], ce qui implique une grande déférence de la part des tribunaux. La décision de la ministre doit néanmoins respecter la Loi de même que, s’agissant d’un acte gouvernemental, les droits inscrits dans la Charte[111].
[206] Cela dit, et avec égards pour son opinion, je suis d’avis de rejeter la demande de révision judiciaire de la requérante.
[207] Dans l’arrêt qui précède les nouvelles observations de la requérante à la ministre et la décision ministérielle dont la Cour est saisie, la Cour suprême avait déterminé que son extradition était justifiée. Elle avait alors examiné sa prétention qu’il n’existait pas de moyen de défense dans le pays requérant équivalent à celui prévu en droit canadien et que l’inexistence d’un tel moyen de défense pouvait de fait rendre l’extradition injuste ou tyrannique, ou encore faire en sorte qu’elle irait à l’encontre des principes de justice fondamentale.
[208] La Cour suprême a toutefois rejeté cette prétention. Elle a conclu premièrement que « nul élément du dossier n’appuie l’allégation selon laquelle le droit de la Géorgie n’offre pas une défense équivalente à celle de la nécessité que prévoit notre Code criminel »[112]. Deuxièmement, elle est venue préciser que « considéré dans sa totalité, le dossier ne permet pas de conclure à une possibilité raisonnable que soit retenue la défense restreinte de nécessité prévue au Canada si l’appelante était poursuivie au pays pour les actes qui lui sont reprochés »[113]. Enfin, troisièmement, elle a affirmé que la requérante « n’a pas établi qu’elle s’exposait à un péril sensiblement plus grand en Géorgie qu’au Canada »[114].
[209] En l’espèce, dans le cadre de sa demande de reconsidérer la décision
d’ordonner l’extradition, la requérante n’a toujours pas réussi à convaincre la
ministre de l’inexistence d’un moyen de défense équivalent dans le pays
requérant. L’interprétation de la ministre de la règle américaine quant à
l'existence aux États-Unis (Géorgie) d'une défense semblable à celle prévue à
l'article
[210] Il y a certes des différences entre les systèmes juridiques des différents états. Il s’agit toutefois d’une réalité inhérente au processus d’extradition[115]. Comme le rappelle la Cour suprême, « chaque différence quant à l’existence d’un péril ou d’un moyen de défense ne rend pas l’extradition injuste ou tyrannique ou contraire aux principes de justice fondamentale[116] ».
[211] Il est vrai, comme le souligne mon collègue, que la ministre n’aborde
pas l’analyse du péril beaucoup plus grand auquel sera exposée la requérante si
l’extradition est ordonnée. Toutefois, elle n’avait pas à procéder à cette
analyse, après avoir conclu à l’existence d’un moyen de défense équivalent en
Géorgie et à l’absence d’une possibilité raisonnable que soit retenue la
défense restreinte de nécessité prévue au Canada en vertu de l’article
[212] Dans le cadre de son analyse de la possibilité raisonnable que soit
retenue la défense restreinte de nécessité prévue au Canada en vertu de
l’article
[213] J’ajoute que, de toute manière, cet élément n’est pas pertinent aux fins de la demande de révision judiciaire dont la Cour est saisie puisque, dans le cadre de son analyse, la ministre n’évoque pas un tel changement de version de la part de la requérante. Elle retient que la requérante s’est enfuie au Canada avec les enfants (She took the children with her to Canada), ce qui cadre avec les représentations qui ont été faites tant au ministre Nicholson qu’à la ministre Wilson-Raybould.
[214] Au terme de son analyse, la ministre conclut que la requérante n’a pas
démontré que ses enfants étaient exposés à un risque de danger imminent (that
the children were at risk of « imminent harm ») de manière à
démontrer une possibilité raisonnable de succès de la défense restreinte de
nécessité aux termes de l’article
[215] Il faut par ailleurs, à mon avis et ceci dit avec le plus grand respect, se garder de tomber dans le piège identifié par le juge Cromwell, écrivant pour la majorité de la Cour, qui est de transformer le processus d’extradition en procès[118].
[216] La décision ministérielle n’est jamais unidimensionnelle et demeure avant tout un exercice de pondération. La révision de sa décision ne tient pas, en principe, à l’examen d’un seul facteur. Or, c’est à la requérante qu’échoit le fardeau de persuader la ministre de ses prétentions. La ministre doit soupeser la situation de la requérante, les conséquences de l’extradition, la gravité de l'infraction en cause, mais aussi l'importance pour le Canada de respecter ses obligations internationales[119].
[217] La déférence s’impose à l’égard de la décision qui en découle[120].
[218] En définitive, à mon avis, la requérante ne démontre pas que la décision de la ministre est déraisonnable et je propose en conséquence de rejeter sa demande de révision judiciaire.
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GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A. |
[1]
M.M. c. États-Unis d’Amérique,
[2] Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18, al. 44(1)a).
[3] Depuis le 14 janvier 2019, le ministre de la Justice est l’honorable David Lametti.
[4] Le dossier laisse voir que P... est emprisonné à la suite de son défaut d’honorer le paiement de la pension alimentaire. Une entente intervient entre les parties pour réduire le montant des arrérages de sorte que celui-ci est libéré.
[5] M. P... travaille de 18 h 30 à 5 h et les enfants sont laissés sans surveillance à la maison.
[6] Rapport d’évaluation, Centre jeunesse A, 7 janvier 2011 avec annexe du Georgia Social Services, 1er juillet 2011, p. 3-4.
[7] Id., p. 4-5.
[8] Id., p. 5.
[9] La requérante témoigne de ce fait lors de l’audience de mise en liberté devant la Cour supérieure du Québec, le 12 janvier 2011.
[10] Témoignage de X, 31 mai 2011, p. 23.
[11] Témoignage de M... M..., 12 janvier 2011, p. 96.
[12] Ibid.
[13] Suivi des activités, Centre jeunesse A, 26 février 2016, p. 12.
[14] Rapport d’évaluation, Centre jeunesse A, 7 janvier 2011, p. 9.
[15] Suivi des activités, Centre jeunesse A, 26 février 2016, p. 11.
[16]
Protection de la jeunesse — 113190,
[17] Note diplomatique n° 126, 17 février 2011.
[18] Traité d’extradition, Canada, États-Unis d’Amérique, 3 décembre 1971, R.T. Can. 1976 no 3, entrée en vigueur le 22 mars 1976, art. 2.
[19] Protocole modifiant le Traité d’extradition entre le Canada et les États-Unis d’Amérique signé à Washington le 3 décembre 1971, en sa version modifiée par échange de Notes le 28 juin et le 9 juillet 1974, Canada, États-Unis d’Amérique, 11 janvier 1988, R.T. Can. 1991 no 37, entrée en vigueur le 26 novembre 1991, art. 1.
[20] Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18, art. 15.
[21]
M.M. c. États-Unis d’Amérique,
[22] Id., paragr. 1.
[23] Id., paragr. 206-207.
[24] Id., paragr. 19.
[25] Id., paragr. 25.
[26] Id., paragr. 26.
[27] M.M. c. United States of America,
[28] United States of America c. M.M.,
[29] Canada (Attorney General) (United States of America) c. M.M.,
[30] M.M. c. Canada (Minister of Justice) (United States of
America),
[31]
M.M. c. États-Unis d’Amérique,
[32] Lake c. Canada (Minister of Justice),
[33] Id., paragr.41.
[34]
M.M. c. États-Unis d’Amérique,
[35] Id., paragr. 116.
[36] Id., paragr. 118.
[37] Id., paragr. 119.
[38] Id., paragr. 121-124.
[39] Id., paragr. 126 [soulignements ajoutés].
[40] Id., paragr. 127 et 140.
[41] Id., paragr. 129 [soulignements et caractères gras ajoutés].
[42] Ibid.
[43]
M.M. c. États-Unis d’Amérique,
[44] Id., paragr. 133.
[45] Id., paragr. 136.
[46] Id., paragr. 137.
[47] Ibid.
[48]
M.M. c. États-Unis d’Amérique,
[49] Id., paragr. 140.
[50] Id., paragr. 163.
[51] Id., paragr. 164.
[52]
Kindler c. Canada (ministre de la Justice),
[53] Whitley v. United States of America, [1994] O.J. No 2478,
confirmé par États-Unis d'Amérique c. Whitley,
[54] Décision de la ministre, 2 août 2016, p. 9.
[55] R. v. C.A.V., 177 C.C.C. (3d) 332, 2003 CanLII 3548 (C.A. Ont.).
[56] Décision de la ministre, 2 août 2016, p. 10.
[57] Id., p. 10-13.
[58]
De Arrilucea c. Royaume d'Espagne,
[59] Il appert toutefois que les cas où une audience orale sera tenue sont très rares : Nancy L. Dennison et Seth Weinstein, Prosecuting and defending extradition cases : a practitioner's handbook, Toronto, Emond Publishing, 2017, p. 324.
[60]
Singh c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration),
[61] Décision de la ministre, 2 août 2016, p. 7.
[62] Lettre de Christine M. Scartz, UGA School of Law Family Violence Clinic, managing attorney and clinical instructor, 6 juin 2016, p. 2.
[63] Id., p. 3.
[64]
Le juge Cromwell souligne pour sa part que la Cour suprême ne s’est pas
prononcée sur la portée précise de la défense restreinte de l’art.
[65]
M.M. c. États-Unis d’Amérique,
[66] Id., paragr. 218.
[67] Id., paragr. 219.
[68] Convention relative aux droits de l’enfant, 20 novembre 1989, R.T. Can. 1992 n° 3, ratifiée par le Canada le 13 décembre 1991.
[69] Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, 25 octobre 1980, R.T. Can. 1983 n° 35, entrée en vigueur le 1er décembre 1983.
[70]
M.M. c. États-Unis d’Amérique,
[71] Id., paragr. 223.
[72] Id., paragr. 225-226.
[73] Décision du ministre de la Justice Rob Nicholson, 28 novembre 2012, p. 6.
[74] Décision de la ministre, 2 août 2016, p. 7.
[75] Paul Robert et al., Le Petit Robert de la langue française, éd. 2018, Paris, Le Robert, 2017, « équivalent ».
[76]
M.M. c. États-Unis d’Amérique,
[77] Id., paragr. 136.
[78] Rapport d’évaluation, Centre jeunesse A, 7 janvier 2011, p. 2, 6-7 et 10.
[79] Témoignage de la requérante, 12 janvier 2011, p. 72, 89 et 96.
[80] Témoignage de X, 31 mai 2011, p. 23 et 40.
[81] Témoignage de D... N..., 31 mai 2011, p. 110-111.
[82] Lettre à Robert Douglas Nicholson, 13 juillet 2012, p. 3-4.
[83] Décision de Rob Nicholson, 28 novembre 2012, p. 4.
[84] Observations de A, 21 mars 2011, p. 3.
[85] Décision de Rob Nicholson, 28 novembre 2012, p. 4.
[86] Id., p. 6-7 [soulignements ajoutés].
[87] R. v. C.A.V., 177 C.C.C. (3d) 332, 2003 CanLII 3548 (C.A. Ont.).
[88] Id., paragr. 5.
[89]
Perka c. La Reine,
[90] R. v. C.A.V., 177 C.C.C. (3d) 332, 2003 CanLII 3548 (C.A. Ont.).
[91] Id., paragr. 27.
[92] Décision de la ministre, 2 août 2016, p. 9.
[93] Ibid.
[94] Id., p. 9-10.
[95]
M.M. c. États-Unis d’Amérique,
[96]
R. c. Latimer,
[97]
M.M. c. États-Unis d’Amérique,
[98] Marie-Éva De Villers, Multidictionnaire de la langue française, 6e éd., Montréal, Québec Amérique, 2015, « possible »; Hubert Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, édition révisée 2016, JuriBistro eDICTIONNAIRE, « possible » : Qui peut se produire, qui peut se réaliser (consulté le 10 décembre 2018, https://dictionnairereid.caij.qc.ca).
[99] Paul Robert et al., Le Petit Robert de la langue française, éd. 2018, Paris, Le Robert, 2017, « raisonnable ».
[100]
Theratechnologies inc. c. 121851 Canada inc.,
[101] Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ, c. V-1.1., art. 225.4.
[102]
Theratechnologies inc. c. 121851 Canada inc.,
[103] Décision de la ministre, 2 août 2016, p. 9.
[104]
M.M. c. États-Unis d’Amérique,
[105] Id., paragr. 124.
[106] Id., paragr. 125.
[107] Id., paragr. 124.
[108] Décision de la ministre, 2 août 2016, p. 10.
[109]
M.M. c. États-Unis d’Amérique,
[110]
M.M. c. États-Unis d’Amérique,
[111]
Lake c. Canada (Min. de la Justice),
[112] M.M. c. États-Unis d’Amérique, supra, note 110, paragr. 133.
[113] Id., paragr. 134.
[114] Id., paragr. 138.
[115] M.M. c. États-Unis d’Amérique, supra, note 110, paragr. 120.
[116] Id., paragr. 119.
[117] Id., paragr. 137.
[118] M.M. c. États-Unis d’Amérique, supra, note 110, paragr. 4.
[119]
Lake c. Canada (Min. de la Justice),
[120] M.M. c. États-Unis d’Amérique, supra, note 110, paragr. 126.
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