Décision

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9349-7717 Québec inc. c. Ghali-Lachapelle

2022 QCTAL 6601

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Longueuil

 

No dossier :

605678 37 20220110 G

No demande :

3431151

 

 

Date :

09 mars 2022

Devant la juge administrative :

Anne Mailfait

 

9349-7717 Québec Inc.

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Audrey Ghali-Lachapelle

 

Lynsaskia Clément

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le locateur demande la résiliation du bail et l'expulsion des locataires, le recouvrement du loyer ainsi que le loyer dû au moment de l'audience, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel, les intérêts et les frais.

[2]         Il s'agit d'un bail du 1er juillet 2021 au 28 février 2022 au loyer mensuel de 1 475 $, payable le premier jour de chaque mois.

[3]         Les locataires ont quitté le logement en novembre 2021.

[4]         La preuve démontre que les locataires doivent 6 567,36 $, soit le loyer des mois de novembre et décembre 2021 ainsi que janvier et février 2022.

[5]         Cependant, le contrat en litige prévoit notamment les deux clauses suivantes :

« CONTRAT DE LOCATION SAISONNIÈRE

(…)

La location est de type saisonnière.

Les locataires n’ont pas le droit au maintien des lieux et doivent QUITTER à la fin du bail.

Le bail n’est PAS renouvelable, tel qu’expliqué plusieurs fois aux locataires.

Un projet immobilier sera construit sur le terrain au départ des locataires.

Les locataires doivent quitter au plus tard le 28 février 2022, puisque la maison sera démolie. 

(…) » [sic]


[6]         Ces clauses caractérisent ce contrat comme étant un bail de villégiature au sens de l’article 1892 C.c.Q. :

« 1892. Sont assimilés à un bail de logement, le bail d'une chambre, celui d'une maison mobile placée sur un châssis, qu'elle ait ou non une fondation permanente, et celui d'un terrain destiné à recevoir une maison mobile.

Les dispositions de la présente section régissent également les baux relatifs aux services, accessoires et dépendances du logement, de la chambre, de la maison mobile ou du terrain, ainsi qu'aux services offerts par le locateur qui se rattachent à la personne même du locataire.

Cependant, ces dispositions ne s'appliquent pas aux baux suivants:

  Le bail d'un logement loué à des fins de villégiature;

  Le bail d'un logement dont plus du tiers de la superficie totale est utilisée à un autre usage que l'habitation;

  Le bail d'une chambre située dans un établissement hôtelier;

  Le bail d'une chambre située dans la résidence principale du locateur, lorsque deux chambres au maximum y sont louées ou offertes en location et que la chambre ne possède ni sortie distincte donnant sur l'extérieur ni installations sanitaires indépendantes de celles utilisées par le locateur;

  Le bail d'une chambre située dans un établissement de santé et de services sociaux, sauf en application de l'article 1974.

[7]         Il faut également souligner que les défendeurs y sont identifiés comme étant des « invités ».

[8]         Le témoignage du locateur confirme que l’intention des parties était de prévoir une habitation temporaire ou sporadique et non comme une résidence habituelle ni comme un domicile fixe.[1]

[9]         Le juge administratif R. Martial Guay traitait des paramètres juridiques applicables en cette matière[2] :

« (…)

[59] Dans l’arrêt Camping Koa Montréal-Ouest c. Gauthier[3], la Cour d’appel énonçait les principes applicables pour déterminer si un bail était à des fins résidentielles ou de villégiature :

[28] Le C.c.Q. ne définit pas le concept de villégiature. Le sens usuel de ce terme doit donc prévaloir. Ainsi, le concept de villégiature comprend, notamment, celui d’un séjour de repos, de vacances ou aux fins de récréation à la campagne ou dans un lieu de plaisance [9].

[29] Ce concept rejoint, entre autres, celui du « chalet », de la « maison de campagne », du « condo à la plage » [10]. Il s’agit donc d’un lieu que l’on habite sporadiquement ou de façon répétée pour des fins de villégiature (même pour de longues périodes), mais qui ne constitue pas le domicile ou la résidence habituelle du locataire.

[30] Le fait qu’un bail soit conclu pour une année entière n’est pas un obstacle à ce qu’il soit considéré comme un bail à des fins de villégiature. C’est l’usage auquel l’immeuble est destiné qui compte [11].

[31] Afin de déterminer si un bail a été conclu à des fins résidentielles ou à des fins de villégiature, il importe d’examiner quelle était l’intention des parties quant à l’usage des lieux lors de la conclusion du bail.

[32] Le libellé du bail est un facteur important et souvent déterminant afin de déceler l’intention commune des parties. Ainsi, l’usage auquel l’immeuble sous bail est destiné s’infère principalement du contrat convenu entre les parties.

[33] Cependant, ce libellé ne peut faire obstacle à une preuve d’une intention contraire jumelée à un usage contraire [12]. De plus, compte tenu du caractère impératif des dispositions du C.c.Q. portant sur les règles particulières au bail d’un logement [13], les règles de preuve sont assouplies lorsqu’il s’agit d’établir que la destination véritable des lieux loués est celle d’un logement. Comme le signale le professeur Pierre-Gabriel Jobin [14] :

Or, c’est le tribunal, et non les parties, qui a le dernier mot sur la qualification juridique d’une convention. Sera donc retenue la véritable destination envisagée par les parties, malgré une stipulation contraire. D’ailleurs, par dérogation à la règle de l’article 2863 du Code civil, le locataire pourra dans un tel cas apporter une preuve testimoniale contredisant les termes d’un écrit, car on est en matière de fraude à la loi et il s’agit de rétablir, par tous les moyens de preuve, la vérité.

[34] Cela dit, la personne qui signe un bail énonçant que le logement est loué à des fins de villégiature et qui cherche à établir que la véritable destination envisagée par les parties était plutôt celle d’un logement résidentiel assume le fardeau de le prouver. En effet, l’article 2829 du C.c.Q. énonce que l’acte sous seing privé fait preuve, à l’égard de ceux contre qui il est prouvé, de l’acte juridique qu’il renferme et des déclarations des parties qui s’y rapportent directement.


[35] Ainsi, même s’il n’est pas nécessaire d’établir un commencement de preuve par écrit au sens de l’article 2863 du C.c.Q. afin de prouver la destination véritable des lieux loués envisagée par les parties lors de la conclusion du bail écrit, le fardeau de preuve repose néanmoins sur celui qui cherche à contredire les énoncés du bail qu’il a signé et qui indiquent une destination autre. » (Références omises) 

[60] Pour sa part, l'auteur Pierre-Gabriel Jobin souligne dans son ouvrage portant sur le louage :

« On notera que ce qui compte pour déterminer si un louage est résidentiel ou non n'est pas d'abord l'aptitude du local de servir à une fin particulière, mais surtout l'intention des parties, lors de la formation ou du renouvellement du bail, d'en faire un tel usage. »[4]

[61] Il faut donc, selon l’auteur, chercher l'intention des parties au moment de la conclusion du contrat en cause afin de déterminer s'il s'agit d'un bail de logement au sens de la loi.

[62] Soulignons aussi la contribution de la juge administrative Francine Jodoin lorsqu’elle écrit dans la décision Salamon c. Multi-Livin (Sanno) 9372-5968 Québec inc.[5]  que :

« 19 Toute forme d'hébergement ne constitue pas en soi un bail de logement qui serait assujetti aux règles particulières du Code civil du Québec et à la compétence de la Régie du logement. À l'inverse, le Tribunal peut qualifier de « logement » un local qui est situé dans un établissement hôtelier.

[...]

33 En ce sens, la destination et l'usage des lieux demeurent à des fins résidentielles, mais pas dans un contexte de bail de logement au sens de la Loi. Il faut donner aux mots leur sens usuel et les règles qui régissent le bail de logement conférant compétence à la Régie du logement ne visent pas la nature de la relation juridique intervenue entre les parties. »

(…) »

[10]     En conséquence, le locateur n’a pas fait la preuve que le contrat, tel que rédigé et exécuté, répondait aux critères d’une habitation résidentielle stable et soumise, à ce titre, au principe du maintien dans les lieux.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[11]     DÉCLINE compétence quant au contrat en litige.

 

 

 

 

 

 

 

 

Anne Mailfait

 

Présence(s) :

le mandataire du locateur

Date de l’audience : 

16 février 2022

 

 

 


 


[1]  Camping Koa MontréalOuest c. Gauthier, 2015 QCCA 1261.

[2]  TAL 543449 37 20201104 G.

[3]  2015 QCCA 1261.

[4]  Pierre-Gabriel Jobin, Le louage, 2e édition, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 1996, p. 43.

[5]  Salamon c. Multi-Livin (Sanno) 9372-5968 Québec inc. (R.D.L., 2020-07-30), 2020 QCRDL 14201, SOQUIJ AZ-51698187.

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