Beaulieu c. Facebook inc. | 2022 QCCA 1736 | ||||
COUR D’APPEL | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
GREFFE DE
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N° : | |||||
(500-06-000993-192) | |||||
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DATE : | 22 décembre 2022 | ||||
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LYSE BEAULIEU | |||||
APPELANTE – demanderesse | |||||
c. | |||||
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FACEBOOK, INC. | |||||
FACEBOOK CANADA LTD. | |||||
INTIMÉES – défenderesses | |||||
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[1] L’appelante se pourvoit contre un jugement du 27 juillet 2021 prononcé par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Suzanne Courchesne), qui refuse d’autoriser une action collective contre les intimées.
[2] Pour les motifs de la juge Bich, auxquels souscrivent les juges Healy et Sansfaçon, LA COUR :
[4] ACCUEILLE l’appel;
[5] INFIRME le jugement de première instance;
[6] ACCUEILLE la demande de l’appelante en vue d’exercer une action collective contre les intimées Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. (demande intitulée « Re‑amended application for authorization to institute a class action and to obtain the status of representative plaintiff (arts. 574 ff. C.C.P.) »);
[7] AUTORISE l’exercice de cette action contre les intimées, selon les termes énoncés dans les paragraphes qui suivent, au nom et pour le compte du groupe suivant :
Tous les usagers et usagères Facebook du Québec qui étaient à la recherche d'un emploi ou d'un logement ou qui étaient intéressé·e·s par les annonces d’emploi ou de logement et qui, en raison de leur race, de leur sexe ou de leur âge, ont été exclu·e·s par les services de publicité de Facebook de la distribution d'annonces d'offres d'emploi ou de logement sur Facebook, et ce, entre le 11 avril 2016 et la date du présent jugement;
[8] attribue à l’appelante Lyse Beaulieu le statut de représentante du groupe ainsi décrit;
[9] IDENTIFIE comme suit les principales questions de droit et de fait qui devront être traitées collectivement :
i. En permettant ou en facilitant l’utilisation de ses services publicitaires de sorte que les membres du groupe soient privé·e·s de recevoir des annonces d’offres d’emploi ou de logement, et ce, en fonction de leur race, de leur sexe ou de leur âge, Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. ont-elles porté atteinte aux droits que leur confère la Charte des droits et libertés de la personne du Québec?
ii. En distribuant des annonces d’emplois ou de logements de manière préférentielle à certaines personnes en fonction de leur race, de leur sexe ou de leur âge, Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. ont‑elles porté atteinte aux droits que la Charte des droits et libertés de la personne du Québec confère aux membres du groupe?
iii. Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. sont-elles responsables des dommages moraux causés aux membres du groupe par ces atteintes et, dans l’affirmative, à hauteur de quel montant?
iv. Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. doivent-elles être condamnées à des dommages punitifs envers les membres du groupe et, dans l’affirmative, à hauteur de quel montant?
v. Une injonction devrait-elle être prononcée à l’endroit de Facebook, Inc. et de Facebook Canada Ltd. afin de leur enjoindre de cesser de permettre et/ou de faciliter le ciblage ou la distribution publicitaire discriminatoire en fonction de la race, du sexe ou de l’âge, en ce qui concerne les annonces d’emplois ou de logements?
[10] IDENTIFIE comme suit les principales conclusions recherchées sur le fond par l’action collective :
i. CONDAMNE Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. à payer des dommages moraux à chaque membre du groupe, à hauteur d’un montant à déterminer, et ORDONNE le recouvrement collectif de ces dommages;
ii. CONDAMNE Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. à payer des dommages punitifs à chaque membre du groupe, à hauteur d’un montant à déterminer, et ORDONNE le recouvrement collectif de ces dommages;
iii. CONDAMNE Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. à payer l’intérêt et l’indemnité additionnelle sur les dommages ci-dessus à compter de la date de la signification de la demande d’autorisation d’exercer une action collective;
iv. CONDAMNE Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. aux frais de justice, incluant les coûts relatifs à tous les avis;
v. ORDONNE à Facebook, Inc. et à Facebook Canada Ltd. de cesser de permettre et/ou de faciliter le ciblage et la distribution publicitaires discriminatoires en fonction de la race, du sexe ou de l’âge, en ce qui concerne les annonces d’emploi ou de logement;
vi. PRONONCE toute ordonnance que la Cour déterminera dans l'intérêt des membres du groupe;
[11] DÉFÈRE le présent dossier à la juge en chef de la Cour supérieure afin qu’elle désigne le ou la juge qui assurera la gestion de l’instance et entendra l’affaire;
[12] DÉFÈRE à la juge en chef de la Cour supérieure ou au juge ou à la juge gestionnaire toutes les questions relatives au contenu, aux modalités et à la publication des avis aux membres du groupe, à la période d’exclusion ou à toute autre question procédurale, incluant la détermination du district dans lequel l’action collective devra être intentée, à moins que cette détermination n’ait déjà été faite en vertu de l’art. 572 al. 2 C.p.c.;
[13] LE TOUT, avec frais de justice contre les intimées, tant en première instance qu’en appel.
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| MARIE-FRANCE BICH, J.C.A. | |
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| PATRICK HEALY, J.C.A. | |
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| STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A. | |
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Me Audrey Boctor | ||
Me Jean-Michel Boudreau | ||
Me Olga Redko | ||
IMK | ||
Pour l’appelante | ||
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Me Éric Préfontaine | ||
Me Julien Hynes-Gagné | ||
Me Emily Lynch | ||
OSLER, HOSKIN & HARCOURT | ||
Pour les intimées | ||
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Date d’audience : | 21 septembre 2022 | |
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MOTIFS DE LA JUGE BICH |
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Table des matières
Préambule..................................................................5
I. Contexte..............................................................6
II. Analyse..............................................................13
A............................................Remarques préliminaires : contours de l’appel et norme d’intervention 14
B.........................................Examen des moyens d’appel 19
1. Questions communes (art. 575 paragr. 1 C.p.c.)....................19
2. Description du groupe...........................................26
III. Conclusion...........................................................32
[14] « Discrimination et action collective – thèmes croisés dans le cyberespace » : c’est le titre qui pourrait coiffer l’appel dont la Cour est saisie. Ce ne sont pas là des sujets entièrement inédits. Qu’il s’agisse de discrimination ou de conditions d’ouverture à l’action collective, le droit est bien établi et sa souplesse intrinsèque lui permet de s’adapter aux circonstances. La Charte des droits et libertés de la personne[1] peut ainsi s’ajuster aux nouvelles formes de discrimination susceptibles d’émerger dans le monde numérique et, pareillement, l’action collective aux réalités naissant de l’usage de réseaux sociaux comme Facebook. C’est ce qu’illustre le présent dossier.
[15] L’appelante, au nom d’un vaste groupe, souhaite en effet entreprendre une action collective contre les intimées, qui exploitent la plateforme numérique Facebook. Elle leur reproche certaines politiques et pratiques publicitaires discriminatoires en matière d’emploi et de logement[2], qui enfreindraient l’art. 10 de la Charte québécoise et donneraient prise aux diverses réparations prévues par l’art. 49 de celle‑ci.
[16] Tout en reconnaissant que les faits allégués par l’appelante, une représentante compétente, paraissent justifier les conclusions recherchées et remplissent les conditions prévues par les paragraphes 2, 3 et 4 de l’art. 575 C.p.c., le jugement de première instance a toutefois refusé l’autorisation sollicitée pour les raisons suivantes :
1° la détermination du caractère discriminatoire des actes imputés aux intimées à l’endroit des membres du groupe soulèverait de nombreuses questions individuelles, subjectives et contextuelles, qui ne répondraient pas aux exigences du paragraphe 1 de l’art. 575 C.p.c., plutôt que des questions identiques, similaires ou connexes au sens de cette disposition;
2° le groupe proposé par l’appelante serait défini de manière inadéquate[3].
[17] Très respectueusement, je ne partage pas ce point de vue et j’expliquerai dans les pages qui suivent les raisons pour lesquelles l’autorisation demandée par l’appelante aurait à mon avis dû lui être accordée.
[18] Selon l’appelante, quoique les intimées se soient ostensiblement dotées d’une politique anti-discrimination dans laquelle elles affirment, entre autres choses, exercer une surveillance ou un filtrage préalable de la publicité distribuée par l’intermédiaire de la plateforme Facebook[4], elles ne l’appliquent pas et se trouvent en réalité à permettre, tolérer, favoriser ou encourager des communications publicitaires discriminatoires reliées à l’emploi ou au logement, et ce, sur la base de motifs prohibés par l’art. 10 de la Charte québécoise, notamment la race, le sexe et l’âge.
[21] C’est pourquoi, en avril 2019, l’appelante demande à la Cour supérieure l’autorisation d’intenter une action collective aux intimées, qu’elle tient responsables des pratiques discriminatoires directes, indirectes ou même, pourrait-on dire, systémiques qui auraient cours dans la diffusion des annonces sur Facebook. Au chapitre des réparations, elle réclame des dommages compensatoires (moraux en l’occurrence), des dommages punitifs et une injonction visant à faire cesser les pratiques qu’elle dénonce.
[22] Le dossier d’appel reproduit la version remodifiée de cette demande, datée du 20 janvier 2021. Le groupe que souhaite représenter l’appelante y est alors décrit ainsi :
All Facebook users located in […] Quebec who were interested in receiving or pursuing employment or who were seeking housing and who, as a result of their race, sex, civil status, age, ethnic or national origin, or social condition, were excluded by Facebook’s advertising services from receiving advertisements for employment or housing opportunities, or who were explicitly excluded from eligibility for these opportunities through advertisements posts on Facebook, between April 11, 2016 and the date of judgment in the present proceedings.
[23] La demande précise que, poursuivie et dénoncée aux États-Unis en raison des pratiques en question, l’intimée Facebook, Inc., en 2019, s’est engagée à modifier ses politiques publicitaires et n’autorise plus la publicité ciblée fondée sur la race, le genre, l’âge et autres motifs illégaux. Le changement en question était toutefois réservé aux usagers américains de Facebook. Cependant, en janvier 2020 (après l’introduction de la demande en justice de l’appelante), les intimées ont annoncé que les mêmes changements seraient apportés au Canada, pour y entrer en vigueur le 31 décembre 2020. Il semble toutefois que ces changements ne visent que les outils mis à la disposition des tiers‑annonceurs et non la sélection faite par les algorithmes des intimées.
[24] On soulignera que la preuve des intimées, qui consiste en une déclaration sous serment de M. Anthony Howard, Director, Privacy and Data Policy chez Facebook, Inc., ne contredit pas les allégations factuelles de l’appelante, du moins pas frontalement, mais ajoute au contexte. Ainsi, lorsque des annonces sont publiées sur Facebook, explique M. Howard, les intimées ne savent pas si les annonceurs se sont parallèlement manifestés dans d’autres médias ni comment leur publication Facebook s’intègre à leur stratégie publicitaire globale[5]. Il mentionne que les annonces en matière d’emploi ou de logement représentent une part minime de toutes celles qui sont publiées sur Facebook[6] et que, grâce aux « self-serve tools » de la plateforme, les annonceurs font eux-mêmes le choix de viser tel ou tel auditoire[7]. Il précise que Facebook ne fournit pas de « race targeting option » au nombre de ces outils[8], mais que les annonceurs peuvent choisir de cibler leur publicité en fonction de caractéristiques comme le genre, l’âge, les intérêts, les comportements, les activités ainsi que divers facteurs géographiques et démographiques[9].
[25] M. Howard rappelle en outre que les annonceurs qui publient sur Facebook s’engagent à ne pas faire de discrimination, conformément à la politique des intimées[10]. Il indique également que, à compter du 31 décembre 2020, les intimées ont étendu au Canada une politique aux termes de laquelle elles n’autorisent plus les annonceurs « to target housing or employment ads based on age, gender, postal code, or any other option identifying or describing protected characteristics »[11]. Il explique aussi que le processus de révision mis en place par les intimées est limité et se fait par des moyens automatiques[12]. En ce qui concerne le Canada, ce processus ne permettait pas de savoir si une annonce se rapportait à l’emploi ou au logement ou comportait un langage discriminatoire[13]. Toutefois, au 31 décembre 2020, « Facebook’s automated review process will attempt to identify ads that are likely to be housing and employment ads »[14]. Il souligne de plus que les personnes utilisant la plateforme Facebook peuvent en tout temps se plaindre d’une annonce jugée discriminatoire. Si les intimées estiment qu’elle l’est, elle sera retirée[15].
* *
[26] La juge de première instance, comme on l’a vu, a rejeté la demande d’autorisation présentée par l’appelante. En gros, quoiqu’elle remplisse les conditions qu’énoncent les paragraphes 2, 3 et 4 de l’art. 575 C.p.c., cette demande ne répondrait pas à celle du paragraphe 1 et proposerait un groupe mal défini, irrémédiablement inapproprié.
[27] Mais, pour rendre justice au raisonnement qui mène la juge à cette conclusion, il faut en dire un peu plus long.
[28] En ce qui concerne la diffusion sur Facebook d’annonces faisant l’objet d’un ciblage basé sur la race, le sexe ou l’âge, que ce ciblage résulte du choix des annonceurs ou de l’application des algorithmes des intimées, la juge estime que les faits allégués par l’appelante, qui doivent être tenus pour avérés, paraissent justifier les conclusions recherchées au sens de l’art. 575 paragr. 2 C.p.c. Pour en venir à cette conclusion, elle se fonde sur un double cadre d’analyse, c’est-à-dire celui que la Cour suprême a tracé en matière d’autorisation des actions collectives, superposé à celui que la même cour a élaboré en matière de discrimination, lorsqu’une personne se plaint d’être l’objet d’un traitement rattaché à un motif prohibé par l’art. 10 de la Charte québécoise. À son avis, à l’intérieur de ces balises, le syllogisme que propose l’appelante est soutenable (au sens des arrêts Infineon Technologies AG c. Option consommateurs[16], L’Oratoire Saint-Joseph du Mont Royal c. J.J.[17] et Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin[18], que cite notamment la juge). C’est ainsi que, en ce qu’il se fonde sur les art. 4 et 10 de la Charte québécoise, il constitue une cause défendable eu égard à l’enseignement de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation)[19]. Le syllogisme proposé est également soutenable au regard des art. 11 et 16 de la Charte québécoise.
[29] La juge conclut de même que la réclamation de l’appelante tient la route au chapitre des trois types de réparation suggérés, c’est-à-dire des dommages compensatoires pour préjudice moral, des dommages punitifs et de l’injonction visant la cessation des pratiques reprochées aux intimées.
[30] Par contre, selon la juge, les allégations de la demande ne justifient pas les conclusions recherchées en ce qui concerne les motifs de discrimination autres que la race, le sexe et l’âge et pas davantage en ce qui concerne les annonces dont le texte serait explicitement discriminatoire.
[31] Il faut souligner enfin les propos de la juge au sujet des moyens de défense des intimées :
[110] As submitted by Facebook, the alleged discriminatory ads may represent isolated incidents, or the restrictions they impose could be legitimate and lawful either on the basis of occupational requirements or because the ads were part of a larger, non-targeted advertising effort through parallel advertising.
[111] Facebook also contends that it fulfilled its duty to accommodate the members of the proposed Class by implementing reasonable measures up to the point of undue hardship and that it would be unmanageable and unrealistic for Facebook to review every advertisement posted on its platform.
[112] While these arguments appear serious and could be successful on the merits, the Court must limit itself in performing its screening task to analyzing the proposed legal syllogism and not the various defenses that Facebook could raise against the legal action. These arguments and means of defence rest on summary evidence at this stage. They would be analyzed and considered at the second phase of the applicable discrimination test, at the stage of the merits, on the basis of a full evidentiary record.
[113] Furthermore, Facebook submits that it cannot be held liable as an intermediary, a service provider, in conformity with the provisions of the Act to establish a legal framework for information technology and in light of the recent Canada-United States-Mexico Agreement which provides more rigorous protection for websites hosting user-generated content.
[114] Facebook contends that it is not an editor or publisher of advertisements since it has no control or final authority over the content of an ad posted on its self-service platform. As a result, it cannot be held liable for the discriminatory activities of its users unless it fails to act once it becomes aware of a specific illicit activity on its platform. Also, Facebook submits that it is under no obligation to actively monitor the information published on its platform for potential illicit activity.
[115] However, although Facebook’s recently implemented initiative to prevent discriminatory targeting of users by its advertisers for housing and employment opportunities constitutes a positive development and improvement, it raises doubts as to its purported incapacity to intervene and prevent publication of illegal ads on its platform.
[116] The time to weigh defences as against the allegations of the motion for authorization that are assumed to be true is, as a general rule, at trial. Furthermore, the determination of Facebook’s intermediary liability is not a pure question of law and raises complex determinations of fact and law which should be examined at a later stage.
[Renvois omis]
[32] La juge estime par ailleurs que la condition prévue par l’art. 575 paragr. 3 C.p.c. est satisfaite : vu le nombre des personnes potentiellement visées par l’action et la nature de celle-ci, le recours aux règles du mandat ou de la jonction d’instances serait difficile et peu pratique.
[33] Elle estime enfin que l’appelante a les qualités nécessaires pour représenter le groupe, conformément à l’art. 575 paragr. 4 C.p.c.
[43] Essentially, the first proposed questions aim at determining if Facebook’s advertisement practices breached class members’ rights under the Quebec Charter. For this determination, the Court would have to conclude that:
- The members were excluded from viewing advertisements for employment or housing opportunities;
- On the basis of their protected characteristics;
- In consequence, the members’ rights under the Quebec Charter were breached.
[44] The present case raises several individual issues since i) although Facebook’s advertising practices are primarily targeted by the Application, the advertisements are conceived, created and placed by third-party advertisers who, for several different reasons, legitimate or not, may select their audience and exclude Facebook users from viewing their ads; ii) as acknowledged by Ms. Beaulieu, it is hardly possible for Facebook users to know what advertisements or opportunities they did not see, if they were in fact excluded and if this exclusion was due to discrimination.
[45] Contrary to other class action discrimination cases, the systemic component of the present matter appears considerably undermined by subjective issues. Whether an advertisement, its targeting or delivery, is discriminatory is a context-specific determination that depends on the evaluation of multiple factors and applicable legal standards that would differ from ad to ad.
[46] In addition, the right to dignity protected by article 4 of the Quebec Charter is at the heart of this case, as discussed further. While the analysis of the compromise of the protected right to dignity must first be made according to an objective standard, the impact of the alleged infringement must then be assessed in the specific context of the litigation.
[47] In the context raised by the allegations, an examination of the specific context of each advertisement and of each Facebook user, including their own particular traits and circumstances, would be required to determine whether the user’s right to dignity was impaired.
[48] Even if the Court were to identify as common issue the determination as to whether Facebook’s advertising practices permit or actively facilitate discriminatory ad targeting and delivery, its resolution would not advance the class members’ claims in a not insignificant manner.
[50] Facebook pleads that no class can be identified. The Court agrees with this assertion.
[51] First, Ms. Beaulieu alleges that many if not most class members are not even aware that they are members of the class or that they have been discriminated against. She adds that it is not possible for Facebook users to know what advertisements or opportunities they did not see because they were allegedly excluded by Facebook’s targeting algorithms.
[52] The purported advertising practices have allegedly caused members of the group to be excluded from receiving employment or housing ads, but such exclusion could only be determined at trial, upon complete and exhaustive evidence. Thus, the class membership depends on the outcome of the class action on the merits.
[53] Furthermore, the class definition makes it difficult if not impossible for a person to know at the outset whether or not they are included in the class, because of their ignorance of their personal exclusion on the basis of discrimination; therefore, they are incapable of exercising their option to opt out of the class, which is an essential right, subject to a time limit.
[54] In addition, the proposed class definition includes Facebook users who were interested in receiving employment or housing advertisements. Ms. Beaulieu alleges that:
Each class member was interested either in employment or housing opportunities and has sought out or paid attention to advertisements on Facebook in relation to these types of opportunities, or would have paid attention to and acted on such opportunities had they been presented to the class member.
(Emphasis added)
[55] The Court agrees that it is impracticable and disproportionate to include users who had an interest, a mere curiosity in being informed of potential housing or employment opportunities. This criterion is arbitrary and purely subjective.
[56] Even if the Court were to redefine the Class to exclude this criterion, the definition of the group would remain too broad, circular, and unmanageable at the post-authorization stage. It would basically include all Facebook users in Quebec, possibly several million members , who, to be part of the class, would have to determine if they were or not excluded from receiving advertisements they did not receive, as a result of their protected characteristics. This determination is impossible at this stage.
[57] The composition of the class is highly problematic and impossible to define, to the point that it becomes an impediment to the exercise of a class action in this case.
[36] Pour cette double raison, la juge refuse donc d’autoriser l’action projetée.
* *
[37] L’appelante se pourvoit de plein droit (art. 578 C.p.c.), faisant valoir que son action comporte suffisamment de questions communes pour en justifier l’autorisation à l’égard du groupe proposé, qui serait, dans les circonstances, défini adéquatement.
[38] Avant d’entrer dans le vif du sujet, quelques remarques préliminaires sont de mise.
[39] Je préciserai dans un premier temps les contours de l’appel; dans un second, je rappellerai la norme d’intervention applicable.
* *
35. The first judge concluded that the allegations and exhibits support a cause of action for discriminatory ad targeting based on the prohibited grounds of sex, age, and race only (paras. 83-84). She found insufficient support for explicit discriminatory statements in advertisement (para. 83). The Appellant does not appeal these aspects of the Judgment.
[Je souligne]
[41] Les conclusions de sa déclaration d’appel et de son argumentation écrite ne reflétant toutefois pas cette reconnaissance, l’appelante en a proposé la modification, reformulant la définition du groupe ainsi que les questions devant être traitées collectivement. Sa demande en ce sens a été présentée à la Cour lors de l’audition de l’appel et les intimées ne s’y sont pas opposées. Voici les conclusions qu’elle propose dorénavant :
FOR THESE REASONS, MAY IT PLEASE THE COURT:
ALLOW the appeal in Superior Court file 500-06-000993-192;
GRANT the Petitioner’s Application;
AUTHORIZE the class action on behalf of the following class:
All Facebook users located in Quebec who were interested in receiving or pursuing employment or who were seeking housing and who, as a result of their race, sex, […] or age […] were excluded by Facebook’s advertising services from receiving advertisements for employment or housing opportunities […] on Facebook, between April 11, 2016, and the date of judgment in the present proceedings.
IDENTIFY the principal questions of law and fact to be dealt with collectively as follows:
i. Did Facebook breach class members’ rights under the Quebec Charter or other applicable provincial human rights legislation or applicable law by allowing and facilitating the use of its advertising services to exclude individuals from viewing advertisements for employment or housing opportunities on the basis of their race, sex, […] or age […]?
[…]
iii. Did Facebook breach class members’ rights under the Quebec Charter or other applicable provincial human rights legislation or applicable law by delivering employment or housing advertisements preferentially to certain individuals on the basis of their race, sex, […] or age […]?
iv. Is Facebook liable to the class members for non-pecuniary damages, and if so, in what amount?
v. Is Facebook liable to the class members for punitive damages, and if so, in what amount?
vi. Should an injunction be issued to prohibit Facebook from allowing and/or facilitating the discriminatory targeting of advertisements based on race, sex, […] or age […] with respect to employment and housing opportunities?
IDENTIFY the conclusions sought by the class action as follows:
I. CONDEMN Facebook, Inc. and Facebook Canada Ltd. to pay to each member of the class an amount to be determined for non-pecuniary damages, and ORDER collective recovery of these sums;
II. CONDEMN Facebook, Inc. and Facebook Canada Ltd. to pay to each member of the class an amount to be determined for punitive damages, and ORDER collective recovery of these sums;
III. CONDEMN Facebook, Inc. and Facebook Canada Ltd. to pay legal interest and additional indemnity on the above amounts from the date of service of the Application for Authorization to Institute a Class Action;
IV. CONDEMN Facebook, Inc. and Facebook Canada Ltd. to bear the costs of the present action including the costs associated with all notices;
V. ISSUE an injunction prohibiting Facebook, Inc. and Facebook Canada Ltd. from allowing and/or facilitating the discriminatory targeting or delivery of advertisements based on race, sex, […] or age […] with respect to employment and housing opportunities;
VI. RENDER any other order that the Court shall determine and that is in the best interests of the class members.
ORDER the Respondents to provide to class counsel, in electronic form, a list containing the names and last known coordinates of all members of the proposed class;
DECLARE that any member of the class who has not requested his/her exclusion from the class be bound by any judgment to be rendered on the class action, in accordance with law;
FIX the deadline for exclusion from the class at sixty (60) days from the date of the notice to the members, after which time those members who did not request exclusion from the class shall be bound by all judgments to be rendered with respect to the class action;
ORDER the publication of a notice to the members of the class drafted according to the terms of form VI of the Rules of Practice of the Superior Court of Québec in the manner and locations to be determined by the Court;
REFER the present file to the Chief Justice for determination of the district in which the class action should be brought and designation of the Judge before whom it will be heard;
THE WHOLE with costs, including the costs of publication of all notices.
[42] De leur côté, les intimées ne contestent pas les conclusions de la juge de première instance sur les paragraphes 2, 3 et 4 de l’art. 575 C.p.c., ce qu’elles auraient pourtant pu faire sans besoin d’un appel incident[20].
[43] En l’absence d’une telle contestation, le débat en appel ne porte donc que sur le caractère plus ou moins commun des questions soulevées par l’action collective projetée ainsi que sur la définition du groupe. Si la Cour était d’avis que la juge a erré sur ces deux points, elle n’aurait plus qu’à accueillir l’appel et à autoriser l’action, sans avoir à réévaluer les autres conditions de l’art. 575 C.p.c. C’est ce qui ressort, par analogie, de l’arrêt Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello[21], dans lequel les juges LeBel et Wagner (maintenant juge en chef) précisent ce qui suit, remarque qui vaut a fortiori lorsque les « autres critères » ne sont pas contestés :
[35] Pour qu’un recours collectif puisse être autorisé, il faut que les quatre critères de l’art. 1003 C.p.c. [aujourd’hui 575 C.p.c.] soient respectés. Or, en présence d’une erreur de droit ou d’une appréciation manifestement non fondée de la part du juge d’autorisation à l’égard d’un critère prévu à l’art. 1003 C.p.c., la Cour d’appel peut uniquement substituer son appréciation pour ce critère et non pour les autres. La présence d’une erreur à l’égard d’un critère ne donne pas carte blanche à la Cour d’appel pour réévaluer tous les autres critères auxquels il doit être satisfait pour que l’exercice d’un recours collectif puisse être autorisé.[22]
[Je souligne]
* *
[44] Dans un autre ordre d’idées, il convient de rappeler ici la norme d’intervention pertinente, telle que la définit notamment le juge Kasirer, pour la Cour suprême, dans l’arrêt Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin[23]:
[223] Les pouvoirs du juge à l’étape de l’autorisation sont vastes; il dispose d’une importante marge de manœuvre dans l’appréciation des quatre conditions d’autorisation énoncées à l’art. 1003 C.p.c. [maintenant 575 C.p.c.] (Harmegnies c. Toyota Canada inc., 2008 QCCA 380, par. 20-24 (CanLII); voir également Lafond, p. 153-154). Lorsqu’il est d’avis que chaque condition est satisfaite, il doit autoriser le recours, comme le prescrit l’art. 1003 C.p.c., et il n’a pas discrétion de refuser de l’autoriser (voir aussi Vivendi, par. 67).
[224] Cet important pouvoir d’appréciation se reflète dans la norme d’intervention en appel qui lui est applicable, soit celle de l’erreur manifeste et déterminante. Notre Cour l’a récemment rappelé : le pouvoir d’intervention d’une cour d’appel est limité lorsqu’elle siège en appel d’une décision portant sur une requête pour autorisation d’exercer un recours collectif (Oratoire, par. 10, le juge Brown). Ce n’est que lorsque l’appréciation par le juge d’autorisation des conditions de l’art. 1003 C.p.c. s’avère manifestement mal fondée que l’intervention de la Cour d’appel est justifiée (voir aussi Vivendi, par. 34; Federal Express Canada Corporation c. Farias, 2019 QCCA 1954, par. 2 (CanLII); Benabu (C.A.), par. 3 (CanLII)). Si la Cour d’appel choisit d’intervenir au motif qu’elle estime que l’appréciation d’une des conditions d’autorisation est manifestement mal fondée, elle ne peut substituer son opinion qu’à l’égard de cette condition (Vivendi, par. 35; Sofio c. Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), 2015 QCCA 1820, par. 17 (CanLII); Sibiga, par. 32-35; Boiron Canada inc., par. 37 ; Belmamoun c. Brossard (Ville), 2017 QCCA 102, 68 M.P.L.R. (5th) 46, par. 70). Bien entendu, la Cour d’appel peut intervenir en cas d’erreur de droit puisque les questions de droit sont assujetties à la norme de la décision correcte. Néanmoins, il reste que le pouvoir d’intervention d’une cour d’appel demeure limité et que celle-ci doit faire preuve de déférence envers la décision du juge d’autorisation dans son appréciation des conditions de l’art. 1003 C.p.c.[24]
[Je souligne]
[45] C’est un enseignement auquel notre Cour est fidèle. Par exemple, dans Boudreau c. Procureur général du Québec[25], elle écrivait récemment ce qui suit, sous la plume de la juge Lavallée :
[13] L’appel d’un jugement statuant sur une demande d’autorisation collective est sujet à une norme d’intervention exigeante. Cela va de soi, compte tenu du pouvoir discrétionnaire considérable dont bénéficie le juge d’autorisation lorsqu’il apprécie les critères énoncés à l’article 575 C.p.c. [renvoi omis]. Partant, la Cour doit faire preuve de déférence à l’égard de ses conclusions et n’intervenir que s’il a commis une erreur de droit ou si son appréciation des critères est manifestement non fondée [renvoi omis]. Rappelons que dans Karras c. Société des loteries du Québec, la Cour a souligné qu’« au stade de l’autorisation, la possibilité qu’un autre juge ait pu en décider autrement n’est pas l’équivalent d’une conclusion que le jugement entrepris est manifestement non fondé ouvrant ainsi la porte à l’intervention de cette Cour » [renvoi omis].[26]
[46] Or, tant sous le rapport de l’art. 575 paragr. 1 C.p.c. que celui de la description du groupe, j’estime, avec égards, que le jugement comporte une erreur révisable. Certes, la Cour supérieure disposait ici d’un pouvoir d’appréciation considérable, mais il me semble qu’elle a commis une erreur de droit en s’écartant de l’enseignement de la Cour suprême au chapitre des questions communes et en fixant des exigences indûment élevées au chapitre de la définition du groupe, ignorant le contexte de l’affaire.
[47] Bien que le sujet des questions communes et celui de la description du groupe s’intersectent dans une certaine mesure, j’en traiterai ci-dessous séparément.
[48] Comme le veut l’art. 575 paragr. 1 C.p.c., le tribunal ne peut autoriser une action collective que si « les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes / the claims of the members of the class raise identical, similar or related issues of law or fact ». Le sens de cette disposition est sans équivoque depuis l’arrêt Vivendi Canada inc. c. Dell’Aniello[27], comme le rappelle succinctement le juge Kasirer, faisant le point dans Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin[28] :
[84] Rappelons qu’à l’étape de l’autorisation, la jurisprudence québécoise et de la Cour commande « une conception souple de l’intérêt commun qui doit lier les membres du groupe » (Vivendi, par. 54). Ainsi, « même si les circonstances varient d’un membre du groupe à l’autre, le recours collectif pourra être autorisé si certaines questions sont communes » (Vivendi, par. 58). Il ressort clairement de la jurisprudence que « [l]e fait que tous les membres du groupe ne sont pas dans des situations parfaitement identiques, ne prive pas celui-ci de son existence ou de sa cohérence » (Infineon, par. 73, citant Guilbert c. Vacances sans Frontière Ltée, [1991] R.D.J. 513, p. 517) et que « [l]e seuil nécessaire pour établir l’existence des questions communes à l’étape de l’autorisation est peu élevé » (par. 72).
[85] Alors que certaines juridictions demandent que les questions communes soient prédominantes, au Québec, une seule question commune suffit, tant qu’elle fait progresser le litige de manière non négligeable. Les juges LeBel et Wagner (maintenant juge en chef) l’ont bien expliqué pour une Cour unanime dans l’arrêt Vivendi (voir par. 58; voir aussi Oratoire, par. 15, 18 et 20). Je me permets également de rappeler que le C.p.c. ne requiert pas une réponse commune, mais bien une question commune (Vivendi, par. 51).
[…]
[87] La jurisprudence nous enseigne que chercher à savoir si la question commune est prépondérante nous distrait de la question au cœur de l’étape de l’autorisation : celle de savoir si la question commune joue un rôle non négligeable dans l’issue du litige (voir Vivendi, par. 60; Oratoire, par. 20). Une question commune peut faire avancer le litige même si de nombreuses questions individuelles demeurent.[29]
[49] Il faut insister ici sur la règle selon laquelle, comme l’écrivent les juges LeBel et Wagner (tel que ce dernier était alors) dans Vivendi, « les questions communes n’appellent pas nécessairement des réponses communes »[30]. Dans ce même arrêt, parlant de la jurisprudence émanant des autres provinces, et notamment des arrêts Dutton [31]et Rumley[32], l’on précise qu’« une question commune peut exister même si la réponse qu’on lui donne peut différer d’un membre à l’autre du groupe »[33]. Cette remarque vaut a fortiori en droit québécois, dont l’approche est à cet égard moins exigeante[34]. En conséquence, le critère de l’art. 575 paragr. 1 C.p.c. « peut être respecté même si des réponses nuancées doivent être apportées, pour les divers membres du groupe, aux questions communes soulevées par le recours collectif »[35].
[50] Il ne s’agit par ailleurs pas, au stade de l’analyse prévue à chapitre, de décider si les questions communes et les réponses qu’on y apportera assureront le succès de l’action collective. Au stade de l’autorisation, on le sait, il suffit pour la partie demanderesse de démontrer, conformément à l’art. 575 paragr. 2 C.p.c., l’existence d’une cause soutenable, défendable, seuil notoirement peu élevé. Le fait d’accorder sur ce fondement l’autorisation d’intenter une action collective ne signifiera donc pas nécessairement que celle-ci sera accueillie sur le fond et il se peut bien, en effet, que les questions communes auxquelles répondra alors le tribunal mènent plutôt à son rejet. La jurisprudence en offre maints exemples. Mais là n’est pas ce que l’on doit évaluer lorsqu’on vérifie si l’action envisagée soulève des questions identiques, similaires ou communes et il ne s’agit pas de faire (ou refaire) indirectement, sous couvert de la vérification de la condition que prévoit l’art. 575 paragr. 1, l’examen de la condition du paragraphe 2.
[51] Dans le respect de cet enseignement, on ne peut nier que l’action collective projetée par l’appelante soulève en effet certaines questions individuelles, mais on doit simultanément constater qu’elle compte un nombre important de questions véritablement communes, qui joueront un rôle non négligeable dans l’issue du litige et permettront de faire progresser le débat, et ce, même si elles n’entraînent pas la « résolution complète du litige »[36] et même si les réponses qu’on peut apporter à certaines d’entre elles sont susceptibles de varier selon les membres. Voyons ce qu’il en est.
[52] Les deux premières grandes interrogations (modifiées) formulées par l’appelante sont les suivantes :
Did Facebook breach class members’ rights under the Quebec Charter or other applicable provincial human rights legislation or applicable law by allowing and facilitating the use of its advertising services to exclude individuals from viewing advertisements for employment or housing opportunities on the basis of their race, sex, […] or age […]?
Did Facebook breach class members’ rights under the Quebec Charter or other applicable provincial human rights legislation or applicable law by delivering employment or housing advertisements preferentially to certain individuals on the basis of their race, sex, […] or age […]?
[53] S’agissant de déterminer si, comme le soutient l’appelante, les politiques et pratiques publicitaires des intimées en matière de travail ou de logement contreviennent aux art. 10 et 4 ou encore aux art. 10, 11 et 16 de la Charte québécoise (double syllogisme retenu par la juge), en raison du ciblage des auditoires pratiqué par les tiers-annonceurs ou programmé par leurs propres algorithmes (Ad Targeting ou Ad Delivery)[37], plusieurs questions communes s’imposent immédiatement à l’esprit, compte tenu de l’état du droit en matière de discrimination[38] et, en particulier, du cadre analytique recommandé par l’arrêt Bombardier[39] :
[35] Dans un premier temps, l’art. 10 requiert du demandeur qu’il apporte la preuve de trois éléments, soit « (1) une “distinction, exclusion ou préférence”, (2) fondée sur l’un des motifs énumérés au premier alinéa et (3) qui “a pour effet de détruire ou de compromettre” le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne » : Forget, p. 98; Ford, p. 783‑784; Devine c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 790, p. 817; Bergevin, p. 538.
[36] Si ces trois éléments sont établis, selon le degré de preuve que nous préciserons plus loin, il y a alors « discrimination prima facie » ou « à première vue ». Il s’agit du premier volet de l’analyse.
[37] Dans un second temps, le défendeur peut, lui aussi selon le degré de preuve que nous indiquerons plus loin, justifier sa décision ou sa conduite en invoquant les exemptions prévues par la loi sur les droits de la personne applicable ou celles développées par la jurisprudence. S’il échoue, le tribunal conclura alors à l’existence de discrimination : Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, [2007] 1 R.C.S. 161 (« McGill »), par. 50; voir aussi Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, [2012] 3 R.C.S. 360 (arrêt rendu sous le régime du code des droits de la personne de la Colombie-Britannique), par. 33. Il s’agit du deuxième volet de l’analyse.
[54] En l’espèce, sur ce fondement, on peut donc déjà identifier les questions suivantes :
Quelles sont, dans les faits, les politiques et pratiques publicitaires des intimées en matière d’emploi et de logement et en quoi consistent-elles précisément? Comment sont-elles appliquées et quelles sont leurs conséquences et retombées concrètes?
Ces politiques et pratiques publicitaires établissent-elles, par leur objectif ou leur effet, une ou des distinctions, exclusions ou préférences?
Ces distinctions, exclusions ou préférences ou certaines d’entre elles sont-elles fondées (au sens où la jurisprudence entend ce terme), en totalité ou en partie, sur un motif prohibé par l’art. 10 de la Charte québécoise, en l’occurrence la race, le sexe ou l’âge?
[55] Ces trois questions (et toutes les sous-questions qui en dérivent), qui reflètent les deux premiers éléments du fardeau de preuve prima facie incombant à l’appelante sur le fond en vertu de l’arrêt Bombardier[40], sont communes aux membres du groupe et l’on peut même penser que des réponses communes pourront y être apportées, tant les questions que les réponses faisant ici progresser utilement l’affaire. Pour emprunter les mots de l’arrêt Vivendi, cet aspect du litige « se prête à une décision collective et […u]ne fois cet aspect décidé, les parties auront réglé une part non négligeable du litige »[41].
[56] Quant à la question de savoir si ces distinctions, exclusions ou préférences, le cas échéant, ont pour effet de détruire ou de compromettre le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne, elle comporte peut-être une composante individuelle, dans la mesure où l’on chercherait à établir une atteinte à l’art. 4 de la Charte québécoise (et c’est en effet l’une des propositions de l’appelante). Cependant, ainsi que le veulent les motifs majoritaires du juge en chef Wagner et de la juge Côté dans l’arrêt Ward c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse)[42], une telle atteinte ne se mesure pas qu’à l’aune du sentiment ou du ressenti de la personne en cause. L’art. 4, en effet, « ne permet pas à une personne de réclamer le respect, mais uniquement la sauvegarde de sa dignité, c’est-à-dire la protection contre la négation de sa valeur en tant qu’être humain » (paragr. 58), ce qui nécessite « un degré de gravité élevé qui ne banalise pas cette notion chargée de sens » (paragr. 57) et « ne saurait faire l’objet d’une appréciation purement subjective » (id.). Une « analyse objective » s’impose donc (id.), qui s’appuie sur la norme de la personne raisonnable (paragr. 74 et 104) et non sur les traits particuliers de chaque personne (contrairement à ce qu’indique en l’espèce le paragraphe 47 du jugement de première instance). La question de savoir si les distinctions, exclusions ou préférences, si elles sont établies, ont pour effet de compromettre le droit à la sauvegarde de la dignité des membres du groupe proposé par l’appelante a donc une dimension objective, qui répond à une exigence – celle de la personne raisonnable – commune à toutes les personnes qui font partie du groupe (et ce n’est pas parce qu’on pourrait diviser ce groupe selon les motifs de discrimination sur lesquels reposent les distinctions, exclusions ou préférences (c.-à-d. la race, le sexe ou l’âge), qu’on peut parler de questions purement individuelles – il demeure une question commune).
[57] Il en va de même dans l’hypothèse où l’on fait plutôt valoir que les distinctions, exclusions ou préférences attentent aux art. 10 et 11 ou 16 de la Charte québécoise. Là encore, la question peut elle-même être subdivisée en plusieurs sous-questions (de droit principalement ou de droit et de fait) communes aux membres du groupe : les pratiques dénoncées par l’appelante enfreignent-elles l’art. 11 (ce qui nécessitera d’établir le sens et la portée de cette disposition, qui ne fait pas l’objet d’une jurisprudence abondante)? Doit-on, aux fins de l’art. 11, distinguer les annonces distribuées en fonction du ciblage effectué par un tiers-annonceur de celles qui sont distribuées en fonction des algorithmes des intimées? Dans la mesure où les intimées ne sont pas poursuivies ici à titre d’employeuses, peut-on leur reprocher de manquer à l’art. 16? Leur responsabilité en vertu de cette disposition pourrait-elle découler du fait que, par leurs politiques ou pratiques publicitaires, elles encourageraient, faciliteraient ou cautionneraient les comportements discriminatoires d’annonceurs-employeurs, dans un contexte d’embauche potentielle[43]? Peu importe la réponse, voilà des questions qui feront progresser le débat de façon non négligeable.
[58] Mais nous n’en sommes encore qu’à la première partie de l’analyse préconisée par l’arrêt Bombardier[44] et reprise dans l’arrêt Ward[45]. À la seconde, on peut identifier également diverses questions communes découlant des moyens de défense que pourraient avancer les intimées et qui seront débattues devant le tribunal. On trouve une indication sommaire de ces moyens dans le jugement de première instance[46], dans la déclaration sous serment de M. Howard[47] ainsi que dans le mémoire des intimées. Ainsi, et sans ordre particulier : les intimées peuvent‑elles être tenues responsables d’annonces d’emploi ou de logement qui ne sont pas les leurs, mais qu’elles se contentent de diffuser (ou dont elles permettent la diffusion) selon les préférences des annonceurs? Dans l’affirmative, à quelles conditions? Sont‑elles technologiquement capables de contrôler les annonces d’emploi ou de logement qui circulent sur la plateforme Facebook afin d’éliminer le ciblage fondé sur la race, le sexe ou l’âge, que ce ciblage provienne de leurs propres algorithmes ou des préférences des annonceurs? Quel est l’impact sur l’issue du débat de l’existence de la politique anti-discrimination des intimées? À supposer qu’elles soient considérées comme des intermédiaires offrant un service de communication (ce qui déjà, en soi, soulève une question de qualification), les intimées seraient-elles dégagées de toute responsabilité en raison des dispositions de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information[48]? Pour déterminer le caractère véritablement discriminatoire de la publicité des tiers-annonceurs, faut-il examiner la stratégie publicitaire globale de chacun de ceux‑ci (qui pourraient ne s’être adressés qu’à une clientèle restreinte sur Facebook, mais en viseraient une autre dans des médias différents)? Comment, dans ce cadre, tenir compte de l’art. 20 de la Charte québécoise (qui permet des distinctions, exclusions ou préférences fondées sur une exigence professionnelle justifiée ou formulées par certaines entités)? Toutes ces questions sont communes et, encore une fois, peu importe les réponses, elles feront progresser le débat d’une manière non négligeable (et qui peut même se révéler déterminante). Est également commune et non négligeable la question de savoir si le fait que les intimées ont modifié leurs pratiques au Canada depuis 2021 est pertinent au débat et peut faire échec au recours ou affecter les mesures de réparation potentielles.
[60] Mais j’arrête ici, car il ne me revient pas (ce qui n’est du reste ni possible ni nécessaire) de dresser l’inventaire de toutes les questions susceptibles de découler, en fait comme en droit, des deux grandes interrogations que soulève l’appelante au sujet du caractère discriminatoire des politiques et pratiques publicitaires des intimées. La conclusion me paraît s’imposer d’elle-même : en dépit du caractère individuel de certains aspects du débat, les questions communes soulevées par les allégations de la demande d’autorisation ou découlant de celles-ci, y compris au chapitre des moyens de défense des intimées, sont nombreuses et de nature à faire progresser le litige de façon non négligeable.
[61] Je me permets donc de ne pas partager l’avis de la juge de première instance lorsqu’elle écrit que « [c]ontrary to other class action discrimination cases, the systemic component of the present matter appears considerably undermined by subjective issues »[49] ou que la détermination du caractère discriminatoire des politiques ou pratiques des intimées repose « on the evaluation of multiple factors and applicable legal standards that would differ from ad to ad »[50]. Il me semble en effet qu’elle a minimisé, justement, la dimension systémique et générale de l’affaire au profit de ses aspects individuels, sans s’intéresser aux questions communes. Cela constitue une erreur révisable.
[62] Comme ce fut le cas dans les affaires Vivendi ou Asselin, la juge s’est ainsi méprise accordant trop d’importance à « la possibilité que de nombreuses questions individuelles doivent éventuellement être analysées »[51] (Vivendi, paragr. 60). Que des questions individuelles doivent éventuellement être traitées n’est pas faux, mais cela n’est pas déterminant. L’on doit plutôt se demander si l’appelante a « établi la présence d’une question commune qui ferait progresser le règlement du litige pour l’ensemble des membres du groupe ».
[63] Or, on vient de le voir, il existe, non pas une, mais de nombreuses questions communes, de fait comme de droit, de nature à faire progresser le règlement du litige pour l’ensemble des membres du groupe, quelle que soit d’ailleurs la manière dont celui‑ci sera défini. J’examinerai du reste maintenant ce sujet qui me semble avoir joué ici un rôle décisif : le groupe que propose l’appelante est considérable et, assurément, la conduite et l’aboutissement, sur le fond, d’un litige visant autant de personnes (potentiellement) ne sont pas sans générer des défis. Cela peut-il cependant entraîner le rejet de la demande d'autorisation?
[64] La juge de première instance a considéré que la description suggérée par l’appelante repose sur des critères arbitraires, subjectifs, mais aussi tributaires de l’issue du litige, faisant en sorte qu’une personne ne peut savoir si elle en est membre ou non, ce qui empêche l’exercice du droit d’exclusion prévu par la loi[52]. En outre, le groupe serait si vaste, comptant potentiellement plusieurs millions d’individus, qu’il serait ingérable (et, plus exactement, « unmanageable at the post-authorization stage »[53]).
[65] En toute déférence, je ne souscris pas à ce point de vue qui, à mon avis, ne concorde pas avec l’approche souple et libérale que commande la jurisprudence en matière d’interprétation et d’application de l’art. 575 C.p.c. et qui n’est pas compatible avec l’enseignement de la Cour, notamment dans l’arrêt Sibiga c. Fido Solutions inc.[54] :
[137] The burden of showing the class to be of the proper size is generally said not to be a heavy one. In Hollick, [renvoi omis] Chief Justice McLachlin wrote that there must be a rational link between the common questions and the class as identified in the motion. She added that it must be shown that “the class is not unnecessarily broad – that is, that the class could not be defined more narrowly without arbitrarily excluding some people who share the same interest in the resolution of the common issue”. Where the class could be defined more narrowly, wrote the Chief Justice, the motion judge should either disallow certification or allow certification on condition that the definition of the class be amended. Importantly, the class can be redefined in Quebec law not just at authorization, but at later stages in the process as well.
[138] Quebec courts have developed rules for understanding the appropriate definition of the class: the definition must be founded on objective criteria with a rational foundation; the definition of the class must not be circular or imprecise; and it cannot be based on criteria that are dependent on the outcome of the action on the merits.
[…]
[149] Additionally, an overly strict approach to the definition might serve to undermine the liberal approach that the Supreme Court had advised for interpreting the requirements for authorization of class actions in Vivendi and Infineon. I am struck by the fact that at paragraph [73] of the latter case, LeBel and Wagner JJ. cited with approval observations made by this Court in Guilbert v. Vacances sans Frontière Ltée, [renvoi omis] regarding the inappropriateness of narrowing the class in a consumer class action where common questions amongst members are judged to be sufficient:
[TRANSLATION] The fact that the situations of all members of the group are not perfectly identical does not mean that the group does not exist or is not uniform. To be excessively rigorous in defining the group would render the action useless... in situations in which claims are often modest, there are many claimants and dealing with cases on an individual basis would be difficult. [p. 517]
[Je souligne]
[66] En premier lieu, disons bien que si la description du groupe est problématique, ce n’est pas, en soi, parce qu’elle viserait un nombre trop important de personnes : à lui seul, le nombre des membres du groupe n’est pas déterminant. Ce n’est en effet pas parce qu’un groupe comporte même des millions de personnes qu’une action collective doit être rejetée parce qu’ingérable. La jurisprudence en offre plusieurs exemples. Mentionnons ainsi l’action collective entreprise contre les compagnies de cigarettes (responsabilité civile liée à la vente d’un produit dangereux)[55] ou, plus récemment, contre la société Nissan Canada inc. (à la suite d’une intrusion informatique ayant mis en péril des données personnelles)[56].
[67] Même si, à n’en pas douter, la gestion d’un tel groupe peut engendrer des difficultés, notamment au chapitre de l’administration de la preuve ou des réparations (ce qu’illustre également l’action collective contre les compagnies de cigarettes), ce n’est pas une raison de refuser l’autorisation. La loi permet des remèdes créatifs, dont la jurisprudence n’est pas avare. Et puis, certainement, compte tenu de la vocation du véhicule procédural qu’est l’action collective, on ne saurait refuser une autorisation au motif antinomique que le groupe en cause inclut trop de membres[57].
[68] Par ailleurs, en l’espèce, la description du groupe est-elle circulaire ou imprécise, repose-t-elle sur l’issue du litige ou est-elle déficiente au point d’empêcher les membres putatifs de se reconnaître et d’exercer leur droit de s’exclure du groupe?
[69] Commençons par une parenthèse : ces critères, en forme de questions, ont été énoncés par la Cour dans Paquin c. Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique[58], en 2005, et appliqués dans cette affaire d’une manière plutôt souple. Ils ont cependant été resserrés dans George c. Québec (Procureur général)[59], en 2006, et plus encore dans Lallier c. Volkswagen Canada inc.[60]. Ce resserrement prenait notamment appui sur une jurisprudence hors Québec[61] et l’on doit se demander s’il peut survivre aux arrêts de la Cour suprême dans Infineon et Vivendi, entre autres. Ils ont en tout cas survécu au passage du temps, du moins dans leur formulation, comme le montre l’arrêt Levy c. Nissan Canada inc.[62] (2021), mais ils ont concomitamment gagné en flexibilité et en malléabilité, comme en témoignent cet arrêt lui-même (dont je reparlerai plus loin, infra, paragr. [86]) ainsi que l’arrêt Sibiga[63] (supra, paragr. [65]).
[70] Quoi qu’il en soit, la description du groupe, en l’espèce, est à mon avis adéquate et n’a pas les défauts que lui reprochent les intimées.
[71] Ainsi, la description proposée n’est ni circulaire ni particulièrement floue. L’appelante l’a plutôt modelée sur sa propre situation, de manière, manifestement, à la préciser.
[72] Or, quelle est la situation personnelle de l’appelante? Alors qu’elle était à la recherche d’un emploi et consultait fréquemment Facebook, en usagère assidue, l’appelante, en raison de son âge ou de son sexe, a été privée de recevoir des annonces d’emploi qui auraient pu l’intéresser, ce qu’elle considère comme attentatoire à la sauvegarde en pleine égalité de sa dignité, en violation des art. 10 et 4 de la Charte québécoise, ou encore attentatoire aux droits que protègent les art. 10, 11 et 16 de la même charte. Ses recherches l’ont amenée à conclure que cette situation résultait des politiques et pratiques publicitaires des intimées et s’étendait de façon générale aux domaines de l’emploi et du logement (deux domaines particulièrement sensibles aux effets néfastes de la discrimination fondée sur la race, le sexe ou l’âge).
[73] Le groupe qu’elle propose est calqué sur ce profil et voici ce qu’elle suggère :
All Facebook users located in Quebec who were interested in receiving or pursuing employment or who were seeking housing and who, as a result of their race, sex, […] or age […] were excluded by Facebook’s advertising services from receiving advertisements for employment or housing opportunities […] on Facebook, between April 11, 2016, and the date of judgment in the present proceedings.[64]
46. Each class member was interested either in employment or housing opportunities and has sought out or paid attention to advertisements on Facebook in relation to these types of opportunities, or would have paid attention to and acted on such opportunities had they been presented to the class member.
47. Each class member was excluded by Facebook’s advertising services from receiving advertisements for employment or housing opportunities as a result of their race, sex, civil status, age ethnic or national origin, or social condition.[65]
[75] Bref, l’appelante propose une définition qui n’est pas arbitraire, mais qui est raisonnable, suffisamment précise et rationnellement liée à la cause d’action ainsi qu’à l’objet de celle-ci. C’est une définition qui est à la mesure de la réclamation qu’elle entend faire valoir, c’est-à-dire « aligned with the claim as framed by the applicant », pour emprunter les mots de l’arrêt Sibiga[66]. On pourrait, il me semble, arrêter là l’analyse, que je vais néanmoins poursuivre.
[76] Outre la condition temporelle, l’appartenance au groupe, selon la description qu’en fait l’appelante, est donc conditionnée par trois exigences : 1° utiliser Facebook, 2° avoir eu de l’intérêt pour les annonces d’emploi ou de logement ou avoir été en recherche d’emploi ou de logement à l’époque pertinente et 3° ne pas avoir reçu d’annonces d’emploi ou de logement pour des motifs de race, de sexe ou d’âge.
[77] La première exigence n’est pas problématique.
[78] La seconde ne l’est pas davantage : c’est une condition autoréférentielle, certes, mais cela n’est pas inusité en matière d’action collective, au contraire. Ce n’est pas la première fois qu’on définit un groupe en fonction d’une caractéristique dont l’existence, à ce stade, dépend d’un autodiagnostic. Une telle condition n’en devient pas pour autant subjective et elle n’est d’ailleurs pas invérifiable, même si l’on peut admettre qu’elle repose principalement sur la crédibilité de la déclaration qui pourrait devoir en être faite par chaque membre potentiel.
[79] Elle ne cause en outre aucune difficulté au chapitre du droit d’exclusion[67] (dont l’exercice permet la conservation du droit d’action individuel) : la personne qui, par le truchement de Facebook, cherchait à l’époque un emploi ou un logement ou était intéressée à recevoir des annonces en ces matières se reconnaîtra et pourra choisir de s’exclure du groupe. Éventuellement, cette personne, si elle ne s’exclut pas, pourrait avoir à établir son statut de membre du groupe : ce sera alors une banale question de preuve et d’appréciation de la preuve (même si l’administration et l’évaluation de celle-ci peuvent requérir la mise en place de mécanismes de vérification de demandes possiblement très nombreuses – là encore, le cadre de l’action collective permet des mesures souvent innovantes et globalement efficaces).
[80] Quant à la troisième exigence, on peut concéder que, dans la mesure où les membres qui n’ont pas reçu d’annonces ne le savent pas, le fait qu’elle constitue une condition d’appartenance au groupe soulève à première vue une difficulté d’identification et, même, d’auto-identification. En effet, comment une personne pourrait-elle, avant de connaître l’issue du litige, savoir si elle fait partie du groupe, puisqu’il lui est, au stade actuel de l’affaire, difficile de savoir si elle a été exclue de la diffusion d’annonces d’emploi ou de logement et si elle l’a été sur la base de sa race, de son sexe ou de son âge? Et si elle ne le peut pas, ne risque‑t‑elle pas d’être privée de son droit de s’exclure? Ou, à tout le moins, privée de la possibilité d’exercer ce droit en toute connaissance de cause? Le jugement de première instance a vu là un empêchement dirimant[68].
[81] À la réflexion, je ne pense toutefois pas qu’il y ait là une difficulté réelle.
[82] L’on doit en effet tenir compte de la nature particulière de la cause d’action que l’appelante souhaite porter à l’attention des tribunaux : elle dénonce une forme de discrimination occulte, indirecte et systémique, dont les victimes alléguées ne sont pas conscientes précisément pour cette raison. Il faut considérer cet aspect des choses et adapter à ce contexte les règles usuelles sur la composition des groupes, règles qui, ainsi que le rappelle le juge Kasirer dans Sibiga[69], ne doivent pas être interprétées ou appliquées de manière rigide, au risque de miner l’approche généreuse qui s’impose en matière d’autorisation (d’autant que la question de la description du groupe n’est pas formellement régie par l’art. 575 C.p.c., mais se rattache aux autres conditions ou s’y subsume). Cela me paraît d’autant plus approprié que l’affaire relève ici de l’ordre et de l’intérêt publics, s’agissant du respect de droits fondamentaux.
[83] Que les victimes d’une conduite discriminatoire subreptice ne le sachent pas ne me semble donc pas une raison de faire obstacle à l’action collective que l’on veut intenter pour leur compte au motif qu’il serait impossible de définir leur groupe de manière suffisamment précise pour qu’elles puissent d’emblée se reconnaître ou parce que cette définition reposerait en réalité sur l’issue du litige. Dans Bombardier, la Cour suprême du Canada rappelait que la Charte québécoise permet de reconnaître de nouvelles formes de discrimination[70] et, pareillement, l’action collective, sans y perdre son âme et sans que soit bafouées ses conditions d’autorisation, peut certainement se mettre au diapason.
[84] De plus, même si cette description ne permet pas une auto-identification certaine, elle ne constitue pas un véritable écueil à l’exercice du droit d’exclusion, pour revenir à celui-ci. Si une personne n’est pas au courant de la situation que dénonce l’appelante, la description du groupe, accompagnée des autres renseignements que contiendra l’avis que prescrivent les art. 576 al. 2 et 579 C.p.c., lui en apprendra suffisamment pour qu’elle puisse décider de s’exclure du groupe parce qu’elle n’aurait pas été intéressée par des annonces d’emploi ou de logement au cours de la période en jeu. Et même si elle y avait été intéressée, elle pourrait aussi s’exclure du groupe parce qu’elle veut protéger son droit d’action individuel pour le cas où elle aurait été l’objet d’une exclusion fondée sur la race, le sexe ou l’âge, et ce, quoiqu’elle ne sache pas, à ce stade, si elle l’a véritablement été. Il pourrait aussi y avoir des personnes qui, par principe, ne veulent pas participer à une action collective ou ne sont pas sensibles à la cause d’action défendue par l’appelante et qui s’excluront en conséquence du groupe.
[85] En somme, la description du groupe (à laquelle je proposerai plus loin des modifications mineures, touchant la formulation de la proposition que fait l’appelante) suffit à protéger le droit d’exclusion des membres et à leur permettre de prendre à cet égard une décision suffisamment éclairée. Car, en définitive, le fait que la plupart des personnes incluses dans le groupe ne savent vraisemblablement pas si elles ont été ou non victimes des politiques et pratiques que l’appelante reproche aux intimées n’a pas vraiment d’importance aux fins de l’exercice du droit d’exclusion garanti par le Code de procédure civile. Ce serait peut-être un renseignement utile ou commode, mais il n’est pas essentiel.
[86] À tout événement, le fait que cette exigence puisse affecter le droit d’exclusion de membres ou être liée à l’issue du litige ne semble pas avoir gêné la Cour dans l’arrêt Levy c. Nissan Canada inc.[71] Dans cette affaire, la demande d’autorisation d’intenter une action collective dérive de la compromission potentielle de données personnelles à la suite d’une intrusion informatique. Le juge de première instance limite le groupe à cette portion de la clientèle que Nissan a informée par écrit de l’existence de l’intrusion. Soucieuse de ne pas faire perdre de droits aux personnes qui auraient pu être ciblées par le piratage des données stockées par Nissan, mais n’en auraient pas été avisées, pour une raison ou une autre, notre Cour inclut dans le groupe toutes les personnes « dont les renseignements personnels ou financiers détenus par Nissan Canada ont été compromis dans une intrusion informatique dont l'intimée a été informée par les auteurs par courriel le 11 décembre 2017 » (« whose personal or financial information held by Nissan Canada was compromised in a data breach of which Respondent was advised by the perpetrators by email on December 11, 2017 »), sans égard au fait que ces personnes soient au courant ou non du piratage ou de ses conséquences. Manifestement, ces personnes sont dans la même situation que les membres du groupe décrit par l’appelante comme n’ayant pas reçu des annonces d’emploi ou de logement pour des motifs liés à la race, au sexe ou à l’âge : elles ignorent si elles sont visées ou non par l’action collective projetée, ce qui pourrait n’être connu que pendant l’instance sur le fond ou même à l’issue de l’action collective.
[88] En somme, dans le contexte de la présente affaire, la description proposée, qui est « aligned with the claim as framed by the applicant », est adéquate. Elle le demeure adéquate même si cette description, dans son libellé, souffre d’une certaine maladresse rédactionnelle, qui apparaît plus clairement lors de l’exercice de traduction effectué aux fins des conclusions recommandées par les présents motifs[72]. Malgré cela, dans sa substance, le groupe défini, et pour revenir sur le sujet examiné dans la section précédente, le groupe n’est pas « diffus au point de ne pas pouvoir identifier pour ses membres des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes »[73]. Les questions communes identifiées précédemment ne sont aucunement diluées dans le nombre et feront progresser le règlement du litige à l’égard de l’ensemble des membres du groupe.
[89] Pour ces raisons, je recommande 1° d’autoriser les modifications proposées par l’appelante aux conclusions de son pourvoi, 2° d’accueillir celui-ci, 3° d’accueillir la demande d’autorisation présentée par l’appelante et, conséquemment, 4° d’autoriser l’action collective qu’elle souhaite entreprendre contre les intimées, le tout avec frais de justice en appel comme en première instance.
[90] Je suggère donc que la Cour prononce les conclusions figurant ci-dessous. La description du groupe, de même que les questions principales et les conclusions qui seront recherchées, rédigées en français, correspondent dans leur essence à la version anglaise proposée par l’appelante[74], adaptée aux présents motifs (voir infra, paragr. [91] et [92]) :
ACCUEILLE l’appel;
INFIRME le jugement de première instance;
ACCUEILLE la demande de l’appelante en vue d’exercer une action collective contre les intimées Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. (demande intitulée « Re‑amended application for authorization to institute a class action and to obtain the status of representative plaintiff (arts. 574 ff. C.C.P.) »);
AUTORISE l’exercice de cette action contre les intimées, selon les termes énoncés dans les paragraphes qui suivent, au nom et pour le compte du groupe suivant :
Tous les usagers et usagères Facebook du Québec qui étaient à la recherche d'un emploi ou d'un logement ou qui étaient intéressé·e·s par les annonces d’emploi ou de logement et qui, en raison de leur race, de leur sexe ou de leur âge, ont été exclu·e·s par les services de publicité de Facebook de la distribution d'annonces d'offres d'emploi ou de logement sur Facebook, et ce, entre le 11 avril 2016 et la date du présent jugement;
ATTRIBUE à l’appelante Lyse Beaulieu le statut de représentante du groupe ainsi décrit;
IDENTIFIE comme suit les principales questions de droit et de fait qui devront être traitées collectivement :
i. En permettant ou en facilitant l’utilisation de ses services publicitaires de sorte que les membres du groupe soient privé·e·s de recevoir des annonces d’offres d’emploi ou de logement, et ce, en fonction de leur race, de leur sexe ou de leur âge, Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. ont-elles porté atteinte aux droits que leur confère la Charte des droits et libertés de la personne du Québec?
ii. En distribuant des annonces d’emplois ou de logements de manière préférentielle à certaines personnes en fonction de leur race, de leur sexe ou de leur âge, Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. ont-elles porté atteinte aux droits que la Charte des droits et libertés de la personne du Québec confère aux membres du groupe?
iii. Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. sont-elles responsables des dommages moraux causés aux membres du groupe par ces atteintes et, dans l’affirmative, à hauteur de quel montant?
iv. Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. doivent-elles être condamnées à des dommages punitifs envers les membres du groupe et, dans l’affirmative, à hauteur de quel montant?
v. Une injonction devrait-elle être prononcée à l’endroit de Facebook, Inc. et de Facebook Canada Ltd. afin de leur enjoindre de cesser de permettre et/ou de faciliter le ciblage ou la distribution publicitaire discriminatoire en fonction de la race, du sexe ou de l’âge, en ce qui concerne les annonces d’emplois ou de logements?
IDENTIFIE comme suit les principales conclusions recherchées sur le fond par l’action collective :
i. CONDAMNE Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. à payer des dommages moraux à chaque membre du groupe, à hauteur d’un montant à déterminer, et ORDONNE le recouvrement collectif de ces dommages;
ii. CONDAMNE Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. à payer des dommages punitifs à chaque membre du groupe, à hauteur d’un montant à déterminer, et ORDONNE le recouvrement collectif de ces dommages;
iii. CONDAMNE Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. à payer l’intérêt et l’indemnité additionnelle sur les dommages ci-dessus à compter de la date de la signification de la demande d’autorisation d’exercer une action collective;
iv. CONDAMNE Facebook, Inc. et Facebook Canada Ltd. aux frais de justice, incluant les coûts relatifs à tous les avis;
v. ORDONNE à Facebook, Inc. et à Facebook Canada Ltd. de cesser de permettre et/ou de faciliter le ciblage et la distribution publicitaires discriminatoires en fonction de la race, du sexe ou de l’âge, en ce qui concerne les annonces d’emploi ou de logement;
vi. PRONONCE toute ordonnance que la Cour déterminera dans l’intérêt des membres du groupe;
DÉFÈRE le présent dossier à la juge en chef de la Cour supérieure afin qu’elle désigne le ou la juge qui assurera la gestion de l’instance et entendra l’affaire;
DÉFÈRE à la juge en chef de la Cour supérieure ou au juge ou à la juge gestionnaire toutes les questions relatives au contenu, aux modalités et à la publication des avis aux membres du groupe, à la période d’exclusion ou à toute autre question procédurale, incluant la détermination du district dans lequel l’action collective devra être intentée, à moins que cette détermination n’ait déjà été faite en vertu de l’art. 572 al. 2 C.p.c.;
LE TOUT, avec frais de justice contre les intimées, tant en première instance qu’en appel.
[91] Au chapitre de la description, du groupe, il ressort des plaidoiries de l’appelante et des présents motifs qu’elle cherche à représenter les usagers et usagères Facebook du Québec intéressé·e·s par les annonces d’emploi ou de logement ou à la recherche d’un emploi ou d’un logement pendant la période visée[75] (c.-à-d. du 11 avril 2016 à la date du présent jugement), ce qu’elle a libellé d’une manière qui rend la traduction difficile (« who were interested in receiving or pursuing employment or who were seeking housing »). Pareillement, « were excluded […] from receiving advertisements… » a été traduit par « ont été exclu·e·s […] de la distribution d’annonces… ». Tout en cherchant à demeurer le plus près possible de la version anglaise, la version française de la description du groupe comporte donc de légers ajustements requis par la langue et conformes à l’état du dossier.
[93] Cela dit, je me suis interrogée sur la formulation que suggérait l’appelante dans ses deux premières questions, qui renvoient non seulement à la Charte québécoise, mais aussi à toute « other applicable provincial human rights legislation or applicable law »[76]. De quoi peut-il s’agir? L’appelante a présenté l’affaire sous l’angle de la seule violation potentielle des dispositions anti-discrimination de la Charte québécoise et c’est d’ailleurs sur cette base que la juge de première instance a estimé que la condition prévue par l'art. 572 paragr. 2 C.p.c. était remplie, validant ainsi le syllogisme proposé. L’appelante n’a en outre pas identifié la ou les autres lois qui pourraient être pertinentes. Par conséquent, pour être conforme, là encore, à l’état du dossier, il est préférable de supprimer ce renvoi générique et sibyllin à d’autres lois, d’où la recommandation faite dans le paragraphe [90] ci-dessus (questions i et ii)[77].
[94] Dans un autre ordre d’idées, l’appelante souhaite également que la Cour prononce les conclusions suivantes :
ORDER the Respondents to provide to class counsel, in electronic form, a list containing the names and last known coordinates of all members of the proposed class;
FIX the deadline for exclusion from the class at sixty (60) days from the date of the notice to the members, after which time those members who did not request exclusion from the class shall be bound by all judgments to be rendered with respect to the class action;
ORDER the publication of a notice to the members of the class drafted according to the terms of form VI of the Rules of Practice of the Superior Court of Québec in the manner and locations to be determined by the Court;
REFER the present file to the Chief Justice for determination of the district in which the class action should be brought and designation of the Judge before whom it will be heard;
[95] Il ne convient à mon avis pas que la Cour inclue ces conclusions dans son arrêt, puisqu’elles relèvent toutes de la gestion du dossier et devraient être renvoyées à la Cour supérieure par le moyen des pénultième et antépénultième conclusions que suggère le paragraphe [90] ci‑dessus.
[96] Quant à la conclusion suivante de l’appelante :
DECLARE that any member of the class who has not requested his/her exclusion from the class be bound by any judgment to be rendered on the class action, in accordance with law;
elle paraît inutile au vu de l’art. 580 C.p.c., a contrario, ainsi que de l’art. 2848 al. 2 C.c.Q.
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MARIE-FRANCE BICH, J.C.A. |
[1] RLRQ, c. C-12 [Charte québécoise].
[2] L’action projetée ne vise pas d’autres domaines que ceux‑là.
[3] Beaulieu c. Facebook inc., 2021 QCCS 3206 [jugement de première instance].
[4] La politique des intimées à cet égard est reproduite dans le mémoire de l’appelante. De manière générale, elle interdit les annonces de même que le placement et le ciblage publicitaires discriminatoires « based on personal attributes such as race, ethnicity, color, national origin, religion, age, sex, sexual orientation, gender identity, family status, disability, medical or genetic condition » (section 4 (« Prohibited Content »), sous-section 3 (« Discriminatory Practices »)). Elle interdit également le contenu publicitaire « that asserts or implies personal attributes », incluant « direct or indirect assertions or implications about a person’s race, ethnic origin, religion, beliefs, age, sexual orientation or practices, gender identity, disability, medical condition (including physical or mental health), financial status, membership in a trade union, criminal record, or name » (section 4 (« Prohibited Content »), sous-section 12 (« Personal Attributes »)).
On y trouve par ailleurs les passages suivants à propos de la surveillance et du filtrage des annonces :
1. Overview
Understanding Our Policies
Advertising Policies provide guidance on what types of ad content are allowed. When advertisers place an order, each ad is reviewed against these policies. If you think your ad was mistakenly disapproved, please let us know.
[…]
2. The Ad Review Process
Before ads show up on Facebook or Instagram, they’re reviewed to make sure they meet our Advertising Policies. Typically, most ads are reviewed within 24 hours, although in some cases it may take longer.
What We Consider
During the ad review process, we’ll check your ad’s images, text, targeting, and positioning, in addition to the content on your ad’s landing page. Your ad may not be approved if the landing page content isn’t fully functional, doesn’t match the product/service promoted in your ad or doesn’t fully comply with our Advertising Policies.
[…]
[5] Déclaration sous serment, paragr. 3.
[6] Id., paragr. 4.
[7] Id., paragr. 4, 6, 7 et 8.
[8] Id., paragr. 6.
[9] Ibid.
[10] Id., paragr. 5.
[11] Id., sous-paragr. 6(a) et 13-16.
[12] Id., paragr. 9.
[13] Ibid.
[14] Id., sous-paragr. 9(a).
[15] Id., paragr. 10.
[16] 2013 CSC 59.
[17] 2019 CSC 35.
[18] 2020 CSC 30.
[19] 2015 CSC 39.
[20] Voir : Citoyens pour une qualité de vie/Citizens for a Quality of Life c. Aéroports de Montréal, 2007 QCCA 1274 (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 24 avril 2008, n° 32370), paragr. 39-40 (motifs dissidents de la j. Otis) et paragr. 89 (motifs majoritaires du j. Pelletier).
[21] 2014 CSC 1.
[22] Voir aussi : Cozak c. Procureur général du Québec, 2021 QCCA 1376, paragr. 9 (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 24 mars 2022, n° 39964).
[23] Préc., note 18.
[24] Voir aussi : L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., préc. note 17, paragr. 10.
[25] 2022 QCCA 655 (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême, 8 août 2022, n° 40311).
[26] Dans le même sens, voir aussi : M.L. c. Guillot, 2021 QCCA 1450, paragr. 15-16; Association pour la protection automobile (APA) c. Banque de Montréal, 2021 QCCA 676, paragr. 27; Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania c. A, 2020 QCCA 1701, paragr. 21; Godin c. Aréna des Canadiens inc., 2020 QCCA 1291, paragr. 48.
[27] Préc., note 21.
[28] Préc., note 19.
[29] Voir également : L’Oratoire Saint-Joseph du Mont Royal c. J.J., préc., note 17, paragr. 43-44.
[30] Id., paragr. 59.
[31] Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, 2001 CSC 46.
[32] Rumley c. Colombie-Britannique, 2001 CSC 69.
[33] Vivendi Canada inc. c. Dell’Aniello, préc., note 21, paragr. 45.
[34] Id., paragr. 53.
[35] Ibid.
[36] Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, préc., note 21, paragr. 58 in fine.
[37] Voir supra, paragr. [19]-[20].
[38] Voir par ex. : Ward c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2021 CSC 43; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), préc., note 19; Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525; Brossard (Ville) c. Québec (Comm. des droits de la personne), [1988] 2 R.C.S. 279; R.O. c. Ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, 2021 QCCA 1185 (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 31 mars 2022, n° 39880); Aluminerie de Bécancour inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Beaudry et autres), 2021 QCCA 989. Voir aussi : David Robitaille, « Non-indépendance et autonomie de la norme d’égalité québécoise : des concepts “fondateurs” qui méritent d’être mieux connus », (2004) 35 R.D.U.S. 103 (notamment cité dans l’arrêt Bombardier, préc.).
[39] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), préc., note 19.
[40] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), préc., note 19.
[41] Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, préc., note 21, paragr. 58.
[42] Préc., note 38.
[43] On ferait ici une sorte d’analogie avec la responsabilité qu’on impute à celui ou celle qui encourage, favorise ou pousse une partie contractante à enfreindre ses obligations contractuelles : la responsabilité d’une personne peut-elle être engagée en vertu des art. 10 et 16 de la Charte québécoise, même si elle n’est pas elle-même l’employeur, mais parce qu’elle est complice des visées discriminatoires de celui‑ci?
[44] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), préc., note 19.
[45] Ward c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), préc., note 38.
[46] Jugement de première instance, paragr. 110-115.
[47] Voir supra, paragr. [24] et [25].
[48] RLRQ, c. C-1.1, notamment aux art. 22, 27, 36, 37.
[49] Jugement de première instance, paragr. 45 (reproduit intégralement au paragr. [34] supra).
[50] Ibid.
[51] Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, préc., note 21, paragr. 60, cité avec approbation par Desjardins Cabinet de services financiers inc. c. Asselin, préc., note 18, paragr. 88.
[52] Jugement de première instance, paragr. 49 et s. (voir supra, paragr. [35]).
[53] Jugement de première instance, paragr. 56.
[54] 2016 QCCA 1299.
[55] Imperial Tobacco Canada ltée c. Conseil québécois sur le tabac et la santé, 2019 QCCA 358, et, précédemment, Létourneau c. JTI-MacDonald Corp., 2015 QCCS 2382.
[56] Levy c. Nissan Canada inc., 2021 QCCA 682, affaire dans laquelle la Cour, qui redéfinit le groupe proposé pour le limiter, estime néanmoins qu’il pourrait inclure 1,3 millions de personnes.
[57] Ce qui contrarierait d’ailleurs l’art. 575 paragr. 3 C.p.c. : la composition du groupe doit rendre difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction d’instance, ce qui est assurément le cas des très grands groupes.
[58] 2005 QCCA 1109, paragr. 5 et s. (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 18 mai 2006, n° 31278).
[59] 2006 QCCA 1204, paragr. 39-40.
[60] 2007 QCCA 920.
[61] Principalement les arrêts Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, 2001 CSC 46, et Hollick c. Toronto (Ville), 2001 CSC 68.
[62] Préc., note 56, paragr. 40.
[63] Sibiga c. Fido Solutions inc., préc., note 54.
[64] Cette description n’est pas celle qui a été fournie à la juge de première instance, mais bien la description modifiée (voir supra, paragr. [40] et [41]). Il est peu probable que son jugement eut été autre à cet égard, les modifications apportées étant mineures et résultant de ses propres déterminations.
[65] On sait que les causes de discrimination fondées sur l’état civil, l’origine ethnique ou nationale ou la condition sociale ne sont plus en cause.
[66] Sibiga c. Fido Solutions inc., préc., note 54, paragr. 136.
[67] Droit que reconnaissent notamment les art. 576, 579 al. 1(5°) et 580 C.p.c. Voir aussi : art. 2848 al. 2, 2897 et 2908 C.c.Q.
[68] Jugement de première instance, paragr. 52-53 (voir supra, paragr. [35]).
[69] Sibiga c. Fido Solutions inc., préc., note 54 (voir les passages reproduits au paragr. [65] supra).
[70] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), préc., note 19, paragr. 34.
[71] Préc., note 56.
[72] Voir infra, paragr. [90].
[73] André Durocher et Claude Marseille, « Autorisation d’exercer une action collective », dans Jurisclasseur Québec, vol. « L’action collective », Montréal, Lexis Nexis, 2019 (feuilles mobiles, mise à jour n° 2, 15 octobre 2018), p. 2/12-2/13, cité avec approbation par la Cour dans Boudreau c. Procureur général du Québec, 2022 QCCA 655, paragr. 22.
[74] Cette version anglaise, telle que rédigée par l’appelante, figure au paragr. [41] supra.
[75] Voir supra, paragr. [74].
[76] Voir supra, paragr. [41].
[77] Est-il possible que l’appelante ait voulu, par ce renvoi, préserver la possibilité de recourir à la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, pour le cas où celle-ci serait applicable aux intimées (cette loi fédérale comporte des dispositions (voir notamment les art. art. 5, 6, 8 et 12) analogues à celles de la Charte québécoise qui ont été invoquées ici et qui soulèveraient le même genre de questions et de sous-questions). Le sujet n’a pas été débattu lors de l’audience d’appel, ni même soulevé. L’appelante, si la chose est éventuellement requise, pourra toujours présenter une demande de modification devant la Cour supérieure.
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