Décision

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Lauzière c. Investissements immobiliers Owen

2023 QCTAL 36778

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

Nos dossiers :

601495 31 20211207 T

601495 31 20211207 Q

Nos demandes :

3950158

3985456

 

 

Date :

27 novembre 2023

Devant le juge administratif :

Serge Adam

 

Vincent Lauziere

 

Locataire - Partie demanderesse

(601495 31 20211207 T)

Partie défenderesse

(601495 31 20211207 Q)

c.

Investissements Immobiliers Owen

 

Locateur - Partie défenderesse

(601495 31 20211207 T)

Partie demanderesse

(601495 31 20211207 Q)

et

 

IMMEUBLE MASHIMO Inc.

 

Locateur - Partie demanderesse en reprise d'instance

(601495 31 20211207 Q)

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le locateur produit une demande le 27 juillet 2023 requérant la reprise de l’instance du nouvel acquéreur de l’immeuble au 8 juin 2023, Immeuble Mashimo inc. Suivant l’intérêt juridique des immeubles Immeuble Mashimo inc., le Tribunal autorise l’intervention et la reprise de l’instance par Immeuble Mashimo inc.

[2]         Le locataire demande au Tribunal une remise. Il explique avoir des problèmes médicaux. Le locataire présente un billet médical indiquant un arrêt de travail du 31 juillet, 1er et 2 août 2023.

[3]         La demande de remise est contestée par le locateur. Ce dernier fait valoir que le locataire est à sa troisième demande de remise dans ce même dossier. Or, suivant la présence du locataire à l'audience, suivant l'absence de preuve médicale soutenant son incapacité à procéder, suivant qu'il s'agit de sa troisième demande de remise et deuxième demande de rétractation dans le même dossier, le Tribunal rejette la demande de remise et procède à l'instance.


[4]         Le 30 octobre 2023, ce dossier fut réassigné au soussigné par le Président du Tribunal administratif du logement, en vertu de l'article 81 de sa loi, la juge administrative ayant entendu l'entièreté de la preuve des parties ne pouvant rendre sa décision.

[5]         Sur la base de l'enregistrement sonore de l'audience tenue pour ce dossier devant ma collègue la juge Marie Ève Marcil et, après analyse de l'entièreté de la preuve au dossier, le Tribunal rend sa décision.

[6]         Le demandeur requiert la rétractation de la décision du 15 juin 2023, de la juge administrative Erika Aliiova.

[7]         Il a pris connaissance de cette décision le 23 juin 2023 et déposé sa demande le 26 juin 2023.

[8]         Il explique qu’il présent à l’audience du 24 mai 2023, certains de ses moyens de défense n’ont pas été retenus par la juge administrative et n’ont pas été considérés dans le jugement rejetant sa demande de rétractation.

[9]         À maintes reprises, les tribunaux ont déterminé que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :

« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. »[1]

[10]     Les motifs de rétractation ne doivent pas être confondus avec l'appel de la décision. À cet effet, le Tribunal fait siens les propos de Me Francine Jodoin, juge administrative, dans la cause O'Callagan c. Fattal[2]:

« Tel qu'expliqué lors de l'audience, la demande en rétractation ne doit pas constituer un appel déguisé de la décision rendue. Le tribunal n'a pas à juger de la justesse de celle-ci ni s'interroger sur les erreurs de faits ou de droit commises puisqu'il ne s'agit pas d'un appel de la décision rendue. Il s'agit plutôt de s'interroger sur l'application de l'article 89 précité et chercher à déterminer si la partie qui en fait la demande a pu démontrer un des motifs prévus à cette disposition.

(...)

Il apparaît clair au tribunal que le locataire remet maintenant en cause la preuve soumise à l'audience en raison des conclusions de la décision. Il a donc plutôt été pris par surprise par la décision et il appert qu'ayant connu d'avance ses conclusions, il se serait préparé différemment. Il demande d'ailleurs la possibilité d'avoir une nouvelle audience pour lui permettre d'apporter des preuves additionnelles. »[3]

[11]     Il n'y a donc pas lieu de permettre la rétractation dans cette affaire, car les motifs invoqués sont de la nature d'un appel. L'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement ne peut servir de procédure d'appel et ne couvre pas la situation soulevée par le demandeur. Le Tribunal souligne que le la juge administrative n’a pas à répondre dans sa décision, à tous les motifs soulevés par les parties. Aussi, le locataire présent à l’audience souhaite compléter sa preuve. Or, la rétractation n’est pas le moyen en ce sens.

[12]     À la lumière de ces principes, le Tribunal est d'avis que le demandeur n'a pas établi, par preuve prépondérante, un motif sérieux de rétractation.

[13]     Enfin, on requiert du Tribunal qu'il interdise au demandeur de présenter toute autre demande dans le présent dossier conformément à l'alinéa 2 de l'article 63.2 de la Loi qui prévoit :

« 63.2. Le Tribunal peut, sur demande ou d’office après avoir permis aux parties intéressées de se faire entendre, rejeter un recours qu’il juge abusif ou dilatoire ou l’assujettir à certaines conditions.

Lorsque le Tribunal constate qu’une partie utilise de façon abusive un recours dans le but d’empêcher l’exécution d’une de ses décisions, il peut en outre interdire à cette partie d’introduire une demande devant lui à moins d’obtenir l’autorisation du président ou de toute autre personne qu’il désigne et de respecter les conditions que celui-ci ou toute autre personne qu’il désigne détermine.


Le Tribunal peut, en se prononçant sur le caractère abusif ou dilatoire d’un recours, condamner une partie à payer, outre les frais visés à l’article 79.1, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie, notamment pour compenser les honoraires et les autres frais que celle-ci a engagés, ou, si les circonstances le justifient, attribuer des dommages-intérêts punitifs. Si le montant des dommages-intérêts n’est pas admis ou ne peut être établi aisément au moment de la déclaration d’abus, le Tribunal peut en décider sommairement dans le délai et aux conditions qu’il détermine. »

[14]     Le 27 avril 2022, une décision est rendue et ordonne au locataire de payer le loyer le 1er de chaque mois en vertu des articles 1973 C.c.Q.

[15]     Le 16 février 2023, une décision est rendue résiliant le bail au motif que l’ordonnance émise le 27 avril 2022 n’a pas été rejetée.

[16]     Le 7 mars 2023, le locataire demande la rétractation de la décision rendue le 16 février 2023.

[17]     À l'audience du 30 mars 2023 portant sur la rétractation du locataire, ce dernier est absent: la juge administrative Me De Palma rejette la demande de rétractation du locataire pour absence de preuve. La décision est rendue le 19 avril 2023.

[18]     En date du 4 mai 2023, le locataire requiert la rétractation de la décision rendue le 19 avril 2023.

[19]     L’audience est tenue le 24 mai 2023. Le locataire et le locateur sont présents à l’audience.

[20]     Le 13 juin 2023, la juge administrative Erika Aliova rejette la demande de rétractation du locataire et maintient la décision rejetant la rétractation de la juge administrative Luce De Palma.

[21]     Dans ce contexte, le Tribunal considère qu'il est opportun que le demandeur ait à justifier la recevabilité d'une éventuelle demande de rétractation. En effet, il apparaît flagrant que le demandeur utilise de façon abusive le présent recours dans le but d'empêcher l'exécution de la décision.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[22]     REJETTE la demande en rétractation;

[23]     MAINTIENT la décision rendue le 13 juin 2023 rendue pas la juge Erika Aliova;

[24]     INTERDIT au demandeur de produire une nouvelle demande dans le présent dossier, à moins d'autorisation préalable du Président ou de toute personne désignée par celui-ci.

 

 

 

 

 

 

 

 

Serge Adam

 

Présence(s) :

le locataire

le mandataire du locateur

Me Robert Soucy, avocat du locateur

le mandataire de Immeuble Mashimo inc.

Date de l’audience : 

31 juillet 2023

 

 

 


 


[1]  Entreprises Roger Pilon inc. et al. c. Atlantis Real Estate Co., [1980] C.A. 218.

[2] Adam O'Callagan c. Salim Fattal [2003] J.L. 265.

[3] [2003] J.L. 265 et 267.

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