Mustillo c. St-Fort |
2015 QCRDL 27925 |
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RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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Nos dossiers : |
221126 31 20150604 G 221132 31 20150604 G 221132 31 20150604 N |
Nos demandes : |
1763252 1763278 1774966 |
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Date : |
10 septembre 2015 |
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Régisseure : |
Anne Mailfait, juge administrative |
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LINO MUSTILLO ROSA GRAVINO |
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Locateurs - Partie demanderesse (221126 31 20150604 G) Partie défenderesse (221132 31 20150604 G) (221132 31 20150604 N) |
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c. |
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Pierre Paulin St-Fort |
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Locataire - Partie défenderesse 221126 31 20150604 G) Partie demanderesse (221132 31 20150604 G) (221132 31 20150604 N) |
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D É C I S I O N R E C T I F I É E
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[1] Le Tribunal est saisi de deux demandes réunies.
[2] Les locateurs réclament la résiliation du bail ainsi que le remboursement des frais d’Hydro-Québec restés impayés par le locataire malgré la clause du bail l’en déclarant responsable.
[3] Les locateurs réclament une ordonnance d’exécution afin de replacer la boîte aux lettres et le numéro civique du logement, des dommages-intérêts moraux de 7 000 $ et par amendement verbal non contesté, des dommages-intérêts matériels de 3 000 $.
[4] Les locateurs sont représentés par avocat et le Tribunal questionne le locataire dès le début de l’audience quant à son droit d’y recourir également. Le locataire déclare ne pas avoir besoin des services d’un avocat.
[5] Il importe également de préciser que dès le début de l’audience, les parties tentent, en vain, un accord sur l’ensemble des éléments du litige, mais le locataire affirme accepter et même vouloir, en raison de la présence de rats au logement, la résiliation du bail. La date de celle-ci est laissée à l’appréciation du Tribunal qui en conséquence, ne statuera que sur la date de la résiliation.
LES FAITS PERTINENTS
La demande des locateurs relative aux frais d’Hydro-Québec du logement en litige
[6] Le bail porte sur un logement que le locataire habite depuis déjà plusieurs années lorsque les locateurs achètent l’immeuble le 18 juin 2014 (P2).
[7] L’immeuble comporte, selon l’annonce de vente, l’offre d’achat et les assureurs, six (6) unités.
[8] Les locateurs signent alors un nouveau bail avec chacun des locataires, dont le défendeur, même si ce bail maintient les conditions du bail précédent. Ainsi, le bail en litige prévoit que l’électricité, le chauffage et l’eau chaude sont à la charge du locataire.
[9] Sur conseil de leur vendeur, les locateurs amorcent la procédure pour faire enregistrer le sixième compteur, celui du logement en litige, auprès d’Hydro-Québec.
[10] L’électricien mandaté pour ce faire, conclut que l’enregistrement est impossible car le logement en litige ne possède pas une adresse officielle. En fait, l’adresse du logement, soit le 9030B, n’existe pas.
[11] Les locateurs décident de faire déclarer cette adresse comme étant officielle, car ils souhaitent continuer à en louer le logement en lui ajoutant un « B » au numéro civique 9030, car l’autre sous-sol déjà loué porte le 9030 « A ».
[12] Le rapport de l’inspecteur mentionne que le dossier a été fermé le 27 juillet 2014. Les locateurs expliquent qu’un changement de responsable a fait en sorte qu’ils n’ont jamais été informés de sa conclusion, sauf lors de l’envoi par télécopieur du 8 mai 2015 (P6).
[13] Le dossier est ouvert le 4 juillet 2014 (P6). Un inspecteur est mandaté, mais les démarches prennent du temps et les locateurs affirment avoir avisé verbalement le locataire de la nature de ces démarches. Le locataire nie avoir été informé à ce moment-là.
[14] Lors de ces démarches, l’électricien constate que la consommation d’électricité par le locataire-défendeur est directement reliée au compteur du logement situé au-dessus du sien et occupé par madame Maria Mathias. Ainsi, le locataire n’a jamais acquitté les frais relatifs à sa propre consommation, frais qui ont été assumés par une autre locataire.
[15] De façon temporaire et pour pallier ce fait aussi incongru qu’illégal, les locateurs installent un compteur dit « de service » par Hydro-Québec. Il s’agit d’un compteur légal, branché exclusivement sur le logement du locataire et comptabilisant la consommation de l’occupant du logement dont l’adresse n’est pas encore officielle, mais dont l’abonné est le locateur. La facturation est donc adressée à l’abonné, ici les locateurs.
[16] Les locateurs présentent au locataire les factures de sa consommation, mais celui-ci refuse de les acquitter au motif que les factures ne sont pas à son nom (P7). Il s’exclame devant le Tribunal et le questionne sur la normalité de payer des factures qui ne sont pas à son nom.
[17] Le locataire ajoute que c’est l’ancien locateur qui lui avait demandé de ne pas contacter Hydro-Québec. Il concède avoir ainsi bénéficié de la gratuité totale de sa consommation depuis le 1er juillet 2013, et ce, au détriment d’une locataire et de n’avoir rien tenté pour y remédier.
[18] Ses factures indiquent l’adresse du locateur et le montant total totalise 1 685,60 $ (P7).
[19] Quoiqu’exclue du débat, la question de la résiliation du bail est évoquée pour soutenir le caractère illégal du logement.
[20] En effet, le 6 mai 2015, les locateurs, inquiets de n’avoir aucune nouvelle depuis l’automne 2014 de la part des autorités municipales, demandent et reçoivent le compte rendu du rapport de l’inspecteur fait en 2014 (P6).
[21] Ce n’est donc qu’à cette date du 6 mai 2015 qu’ils prennent acte des contraintes juridiques entrainant l’inexistence du logement : Le règlement de la Ville d’Anjou interdit l’existence d’un logement B dès lors qu’une unité A est déjà reconnue.
« 5.9.4.12 Nombre de logement au sous-sol
Un (1) seul logement au sous-sol est autorisé dans une habitation multiplex (h2).
(Règl. 1888-255 a. 1). »
[22] C’est aussi à cette date qu’ils en informent officiellement le locataire par la voix de leur procureur (P 8) :
« OBJET : ROSA GRAVINO -et- LINO MUSTILLO c. VOUS-MÊME
Monsieur,
Nous sommes les procureurs et conseillers juridiques de Madame Rosa Gravino et de Monsieur Lino Mustillo lesquels nous ont mandatés afin de vous signifier la présente mise en demeure.
Nos clients viennent de découvrir que le logement que vous occupez est un logement non-autorisé en vertu de l’article 5.9.4.12 du Règlement de zonage 1886 de l’arrondissement de Saint-Léonard.
De plus, nos clients nous informent que vous leur devez la somme de 1 685.00 $ pour consommation d’électricité.
Par conséquent, vous êtes formellement mis en demeure par la présente de quitter votre logement au plus tard le 30 mai 2015.
Au surplus, vous êtes formellement mis en demeure par la présente de nous faire parvenir au plus tard le 30 mai 2015 la somme de mille six cent quatre vingt cinq (1 685.99 $) par chèque certifié ou traite bancaire émise à l’ordre de Pasquale Artuso & Associés en fidéicommis.
À défaut par vous d’obtempérer à la présente dans le délai imparti, soyez avisé que nous avons reçu strictes instructions d’entreprendre toutes procédures judiciaires appropriées sans autre avis ou délai.
VEUILLEZ AGIR EN CONSÉQUENCE. »
[23] Le locataire conteste le fait que les locateurs n’aient eu confirmation du caractère illégal du logement qu’en mai 2015. Selon lui, dès septembre 2014, ils savaient que le dossier avait été fermé par la Ville.
[24] Quant aux factures d’Hydro-Québec, il ajoute que les propriétaires n’ont pas voulu collaborer, c’est pour cela qu’il refuse de les payer mais qu’ils auraient pu prendre une entente, mais comme il n’a pas été avisé du caractère illégal du logement et qu’on lui demande de quitter, il lui faut un nom sur les factures et que globalement, il se sent perdu.
La demande du locataire
[25] Considérant la résiliation du bail acceptée par le locataire, la conclusion relative à l’ordonnance d’exécution n’a plus d’objet.
Les dommages moraux (7 000 $)
[26] Le locataire faire valoir que la recherche d’un logement lui a valu de grands et intenses tracas moraux, ajoutant que la perte de sa boîte aux lettres et de son numéro civique lui ont causé d’importants inconvénients, tels que la nécessité de faire un changement d’adresse.
[27] Il affirme n’avoir pas eu la jouissance des lieux.
[28] Questionné sur la nature et l’étendue des dommages subis pour la recherche du logement, le locataire oppose l’argument du bon sens pour finalement concéder qu’il a arrêté de chercher un logement quand il a compris « qu’il ne pouvait pas avoir deux baux ».
[29] Néanmoins, il réclame les frais d’essence, de kilométrage, de l’envoi de linge au nettoyeur, des repas à l’extérieur. Il évoque également un dommage psychologique, car, dit-il, il ne voulait pas déménager, ainsi que les tracas reliés aux demandes faites à la Ville pour replacer son adresse civique.
[30] Là encore questionné sur l’existence d’une telle demande, verbale ou écrite, il précise l’avoir faite verbalement, mais que la Ville aurait refusé de lui donner une réponse écrite.
[31] Le Tribunal questionne le locataire sur l’existence d’une preuve ou d’une trace écrite du changement d’adresse comme cause majeure de son trouble moral, de ses recherches de logements ou encore de ses pénibles et stressantes démarches administratives auprès de la Ville.
[32] Aucun document n’est déposé par le locataire attestant des démarches alléguées et causes de ses dommages hormis une demande d’accès à la Ville.
Réplique
[33] Le locateur explique qu’il a profité de la vacance du 9030A pour utiliser sa boîte aux lettres et son adresse civique en y remplaçant l’adresse 9030B, celle initialement utilisée par le locataire depuis le début de son bail.
[34] Quant à la disparition de la boîte aux lettres initiale du locataire, il n’en a été avisé par le locataire que le 3 juin 2015, dans le cadre de sa mise en demeure :
« Objet : Mise en demeure
Madame, Monsieur,
Nous sommes liés par le bail d’un logement situé au […], St-Léonard. Ce bail est d’une durée de 12 mois, du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015, au loyer mensuel de 650.00 $.
Il y a de cela deux semaines, soit le 15 mai dernier, j’ai reçu une mise en demeure de votre part me demandant de quitter le logement en date du 30 mai. La raison qui m’a été donnée est que la location du logement que j’occupe présentement va à l’encontre de la réglementation municipale. En effet, après m’être renseigné auprès de la ville, j’ai été surpris d’apprendre que vous n’aviez pas le droit de louer ce logement. Cependant, selon le bail que nous avons signé sans que je ne sois informé de cette situation, j’ai le droit d’usage du logement jusqu’au 30 juin 2015. De plus, ce bail a été renouvelé jusqu’au 30 juin 2016 sans qu’aucune mention de cette situation ne m’ait été faite. Ajoutant à cela, le délai qui m’a été donné pour quitter mon appartement et procéder à la recherche d’un autre logement est déraisonnable étant donné qu’il est beaucoup trop court. Malgré le fait que je vous ai exposé dans une lettre ces raisons qui m’empêchent de partir dans un délai aussi court, il y a eu un manque flagrant de collaboration de votre part. En effet, hier, le 2 juin 2015, vous avez retiré le numéro civique qui se trouvait devant mon logement ainsi que ma boîte aux lettres rendant impossible la réception de mon courrier.
Ajoutant à cette situation, vous m’exigez le paiement de la somme de 1685.00 $ pour les frais d’électricité. Cependant, aucun document prouvant le montant demandé est réellement relié à ma consommation personnelle d’électricité ne m’a été présenté comme preuve. De plus, en décembre 2014, j’ai voulu contacter Hydro-Québec afin de pouvoir obtenir une facture d’électricité à mon nom ainsi qu’’installer un compteur dans le but de déterminer ma consommation d’électricité. Vous avez catégoriquement refusé que je contacte Hydro-Québec. Ainsi, je suis dans l’obligation de refuser de vous payer la somme demandée tant qu’une preuve de ma consommation réelle d’électricité ainsi que de la manière dont la somme a été établie ne me soit fournie.
Cette situation porte
clairement atteinte à mon droit à la jouissance paisible des lieux, lequel
m’est reconnu par l’article
VEUILLEZ AGIR EN CONSÉQUENCE. »
[35] Le locataire persiste et insiste : c’est le locateur qui a déplacé sa boîte aux lettres. Il le sait car, dit-il, « c’est une formule mathématique » et que « tout le monde le pense ». Le bon sens est de nouveau invoqué et évoqué.
Les dommages matériels (3000 $)
[36] Le Tribunal rappelle que dès le début de l’audience, le locataire manifeste son accord pour résilier le bail, car il vient de subir, le 3 juillet 2015, une invasion de rats dans son logement.
[37] Lors du procès, le locataire concède que d’une part, il n’a jamais vu un seul rat et d’autre part, que l’invasion a eu lieu dans le garage qu’il partage avec un autre locataire.
[38] Le passage de cette vermine n’est toutefois pas contesté puisque le locateur explique que c’est la locataire jouissant de l’autre partie du garage qui l’a avisé. Lorsqu’il se présente sur les lieux, il constate que la plaque fermant l’arrivée du drain principal a été déplacée. Il déduit que les rats sont passés par cette voie et il scelle la plaque.
[39] Selon le locateur, cette réparation suffisait et de fait, il n’y a plus de traces d’excréments depuis le 3 juillet 2015.
[40] La présence de la vermine est déduite de l’ampleur des excréments qu’elle y a laissés. Selon lui, les rats ont eu accès au garage pendant près de deux semaines, car il se souvient avoir fait des travaux au garage deux semaines avant.
[41] Le locataire réclame 3 000 $ de dommages. Il présente des photos de boîtes où étaient entreposés disques (CD), feuilles, manuscrits, linges divers et sacs plastiques fermés.
[42] Le locateur affirme que le locataire, le jour du 3 juillet, ne lui a pas fait part des dommages qu’il aurait pu alors constater immédiatement. Beaucoup de boîtes étaient fermées.
[43] Le locataire ajoute, après l’interrogatoire en défense des locateurs, qu’il a vu, dimanche le 12 juillet, d’autres crottes de rats.
[44] Il n’en a pas avisé les locateurs car dit-il, « pourquoi l’aviser car il ne veut rien faire », ajoutant : « Il n’a aucun intérêt à le faire ». Il prétend que seul un exterminateur peut éradiquer cette présence de rats.
[45] Questionné sur la détermination du montant réclamé, l’existence des biens endommagés et leur valeur ainsi que sur d’éventuelles factures, le locataire dit n’avoir rien à produire.
ANALYSE
La résiliation du bail
[46] Cette conclusion a fait l’objet d’une entente de principe. Le Tribunal doit néanmoins statuer sur la date.
[47] Considérant l’urgence de la situation due à l’illégalité du logement, le Tribunal statue que le locataire devra quitter au plus tard le 30 septembre 2015 et il est avisé, en audience, de la nécessité d’amorcer dès le lendemain, ses recherches.
Le remboursement des frais d’Hydro-Québec
[48] Il n’est pas contesté que le locataire a consommé les frais d’électricité tels que facturés par Hydro-Québec. Tout en admettant que sa consommation a été acquittée par un locataire-tiers depuis le début du bail, le locataire refuse de payer car les factures d’Hydro-Québec ne sont pas émises à son nom.
[49] L’argument soulevé par le locataire est-il fondé ?
[50] Seule la mauvaise foi peut conduire à un tel argument.
[51] Les locateurs ont démontré que le compteur installé par Hydro-Québec l’a été dans la seule et unique perspective d’attendre l’officialisation de l’adresse, d’où l’absence du nom du locataire sur la facture, mais que techniquement, il enregistre seulement la consommation du locataire.
[52] Non content d’avoir bénéficié d’un chauffage, d’une eau chaude et d’un éclairage gratuits pendant plusieurs années, le locataire persiste même devant l’évidence et le bon sens, bon sens que pourtant, il semble affectionner particulièrement.
[53] Le bail indique pourtant clairement que les frais d’électricité, d’eau chaude et de chauffage sont la charge du locataire.
[54] Aussi, le locataire faillit à son obligation d’exécuter ses obligations contractuelles de bonne foi :
«1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction.»
[55] Ce concept de bonne foi, une des colonnes architecturales du Code civil du Québec, revêt plusieurs acceptions et l’auteur François Gendron en fait l’analyse :
« La bonne foi
Le législateur a
réglementé la question de la bonne foi aux articles
Art. 6. Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.
Art. 7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.
Art. 1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction.
L’article
[…]
L’article
Équivalent juridique de la bonne volonté morale et liée à l’équité, la notion de bonne foi sert à relier les principes juridiques aux notions fondamentales de justice.
Le Code civil n’a pas défini la bonne foi, sans doute pour ne pas en limiter l’application. Ce n’est pas une abstraction indéterminée pour autant. L’interprète peut en effet l’envisager subjectivement - la bonne foi correspond alors à l’intention droite de l’honnête homme, par opposition à l’intention malveillante et malicieuse; elle se traduit en ce cas par la conviction erronée de se conformer au droit, et on l’apprécie in concerto. L’interprète peut aussi l’envisager objectivement - la bonne foi correspond alors à la conduite loyale et intègre que prescrivent les normes sociales, par opposition à la conduite incorrecte et déraisonnable; elle se traduit en ce cas par la conformité aux impératifs de la vie en société, et on l’apprécie in abstracto297. Dans les deux cas, elle s’impose à chacun dès qu’on se trouve en situation contractuelle. La bonne foi constitue un principe directeur d’interprétation, principe d’application universelle, et qui commande d’interpréter le contrat d’après le sens qui, normalement, s’imposerait à l’honnête homme.
[…]
Le contrat met en présence des intérêts opposés, c’est entendu, et c’est pour cette raison que la bonne foi interdit, comme nous l’avons vu plus haut, la duplicité et les abus de droit. Mais le contrat est aussi, et surtout peut-être, une convergence d’intérêts communs et équilibrés, ce qui permet, toujours au nom de la bonne foi, d’y inclure des devoirs tacites de renseignement, de loyauté et de cohérence.
[…] Le principe : la sincérité contractuelle exige la révélation spontanée, par celui qui le connaît, d’un fait décisif pour celui qui l’ignore. »[1] (Le Tribunal souligne)
[56] Dénué de sincérité contractuelle, le locataire n’aura ainsi pas besoin d’une facture à son nom puisque le Tribunal procédera à sa condamnation par voie judiciaire.
Sur les dommages matériels réclamés par le locataire (3 000 $)
[57] La preuve de la présence des rats dans le garage n’est pas contestée. Son ampleur et sa résultante, soit les dommages, n’ont toutefois pas fait l’objet d’une preuve prépondérante de la part du demandeur.
[58] D’une part, les photos ne sont pas probantes : les boîtes sont vieilles, mais pas rongées ni déchirées. Les disques et autres que le locataire réclame sont difficilement mangeables par un rat. Il en est de même des quelques habits dont le Tribunal constate toutefois qu’ils ont probablement été déchirés par les rats. Les autres photos révèlent des sacs en plastique et des lieux sans objets, mais parsemés d’excréments de rats.
[59] Le locataire ne détaille pas les objets endommagés, ne précise aucunement leur valeur et il n’explicite pas, ne serait-ce que de façon approximative, le montant substantiel déterminé et réclamé.
[60] Deux habits grignotés par les rats, voilà à quoi se résume la preuve du locataire. Il s’avère impossible pour le Tribunal de déterminer la valeur de ces deux items dont il ne sait en outre si, laissés au garage, ils recelaient quelque valeur ni dans quel état ils étaient avant le passage de la vermine.
[61] D’autre part, le locataire ne produit aucune facture pouvant établir une valeur quelconque à ces items en plus de ne pas démontrer, pour chacun des items réclamés, leur existence et l’ampleur réelle des dommages et le lien direct et exclusif avec le passage de la vermine.
[62] Le Tribunal croit que le locataire profite d’un épisode, certes malheureux, de rats pour faire croire à des dommages et en tirer un profit pécuniaire substantiel.
[63] Le Tribunal rejette la
demande du locataire pour insuffisance de la preuve et défaut de crédibilité.
Le locataire n’a pas rencontré son fardeau inscrit aux articles
« 2845. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du tribunal. »
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[64] REJETTE la demande du locataire qui en assume les frais;
[65] PREND ACTE de l’entente des parties et RÉSILIE le bail en date du 30 septembre 2015;
[66] ORDONNE au locataire de quitter le logement au plus tard le 30 septembre 2015;
[67] ACCUEILLE la demande des locateurs;
[68] CONDAMNE le
locataire à payer aux locateurs la somme de 1 685 $ à titre de
dommages matériels, le tout avec intérêt au taux légal à compter du 4 juin
2015, plus l’indemnité additionnelle de l’article
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Anne Mailfait |
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Présence(s) : |
les locateurs Me Natasha, Scarano, avocate des locateurs le locataire |
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Date de l’audience : |
16 juillet 2015 |
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Mustillo c. St-Fort |
2015 QCRDL 27925 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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Nos dossiers : |
221126 31 20150604 G 221132 31 20150604 G 221132 31 20150604 N |
Nos demandes : |
1763252 1763278 1774966 |
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Date : |
26 août 2015 |
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Régisseure : |
Anne Mailfait, juge administratif |
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LINO MUSTILLO ROSA GRAVINO |
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Locateurs - Partie demanderesse (221126 31 20150604 G) Partie défenderesse (221132 31 20150604 G) (221132 31 20150604 N) |
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c. |
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pierre Paulin St-Fort |
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Locataire - Partie défenderesse (221126 31 20150604 G) Partie demanderesse (221132 31 20150604 G) (221132 31 20150604 N) |
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D É C I S I O N
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[1] Le Tribunal est saisi de deux demandes réunies.
[2] Les locateurs réclament la résiliation du bail ainsi que le remboursement des frais d’Hydro-Québec restés impayés par le locataire malgré la clause du bail l’en déclarant responsable.
[3] Les locateurs réclament une ordonnance d’exécution afin de replacer la boîte aux lettres et le numéro civique du logement, des dommages-intérêts moraux de 7 000 $ et par amendement verbal non contesté, des dommages-intérêts matériels de 3 000 $.
[4] Les locateurs sont représentés par avocat et le Tribunal questionne le locataire dès le début de l’audience quant à son droit d’y recourir également. Le locataire déclare ne pas avoir besoin des services d’un avocat.
[5] Il importe également de préciser que dès le début de l’audience, les parties tentent, en vain, un accord sur l’ensemble des éléments du litige, mais le locataire affirme accepter et même vouloir, en raison de la présence de rats au logement, la résiliation du bail. La date de celle-ci est laissée à l’appréciation du Tribunal qui en conséquence, ne statuera que sur la date de la résiliation.
LES FAITS PERTINENTS
La demande des locateurs relative aux frais d’Hydro-Québec du logement en litige
[6] Le bail porte sur un logement que le locataire habite depuis déjà plusieurs années lorsque les locateurs achètent l’immeuble le 18 juin 2014 (P2).
[7] L’immeuble comporte, selon l’annonce de vente, l’offre d’achat et les assureurs, six (6) unités.
[8] Les locateurs signent alors un nouveau bail avec chacun des locataires, dont le défendeur, même si ce bail maintient les conditions du bail précédent. Ainsi, le bail en litige prévoit que l’électricité, le chauffage et l’eau chaude sont à la charge du locataire.
[9] Sur conseil de leur vendeur, les locateurs amorcent la procédure pour faire enregistrer le sixième compteur, celui du logement en litige, auprès d’Hydro-Québec.
[10] L’électricien mandaté pour ce faire, conclut que l’enregistrement est impossible car le logement en litige ne possède pas une adresse officielle. En fait, l’adresse du logement, soit le 9030B, n’existe pas.
[11] Les locateurs décident de faire déclarer cette adresse comme étant officielle, car ils souhaitent continuer à en louer le logement en lui ajoutant un « B » au numéro civique 9030, car l’autre sous-sol déjà loué porte le 9030 « A ».
[12] Le rapport de l’inspecteur mentionne que le dossier a été fermé le 27 juillet 2014. Les locateurs expliquent qu’un changement de responsable a fait en sorte qu’ils n’ont jamais été informés de sa conclusion, sauf lors de l’envoi par télécopieur du 8 mai 2015 (P6).
[13] Le dossier est ouvert le 4 juillet 2014 (P6). Un inspecteur est mandaté, mais les démarches prennent du temps et les locateurs affirment avoir avisé verbalement le locataire de la nature de ces démarches. Le locataire nie avoir été informé à ce moment-là.
[14] Lors de ces démarches, l’électricien constate que la consommation d’électricité par le locataire-défendeur est directement reliée au compteur du logement situé au-dessus du sien et occupé par madame Maria Mathias. Ainsi, le locataire n’a jamais acquitté les frais relatifs à sa propre consommation, frais qui ont été assumés par une autre locataire.
[15] De façon temporaire et pour pallier ce fait aussi incongru qu’illégal, les locateurs installent un compteur dit « de service » par Hydro-Québec. Il s’agit d’un compteur légal, branché exclusivement sur le logement du locataire et comptabilisant la consommation de l’occupant du logement dont l’adresse n’est pas encore officielle, mais dont l’abonné est le locateur. La facturation est donc adressée à l’abonné, ici les locateurs.
[16] Les locateurs présentent au locataire les factures de sa consommation, mais celui-ci refuse de les acquitter au motif que les factures ne sont pas à son nom (P7). Il s’exclame devant le Tribunal et le questionne sur la normalité de payer des factures qui ne sont pas à son nom.
[17] Le locataire ajoute que c’est l’ancien locateur qui lui avait demandé de ne pas contacter Hydro-Québec. Il concède avoir ainsi bénéficié de la gratuité totale de sa consommation depuis le 1er juillet 2013, et ce, au détriment d’une locataire et de n’avoir rien tenté pour y remédier.
[18] Ses factures indiquent l’adresse du locateur et le montant total totalise 1 685,60 $ (P7).
[19] Quoiqu’exclue du débat, la question de la résiliation du bail est évoquée pour soutenir le caractère illégal du logement.
[20] En effet, le 6 mai 2015, les locateurs, inquiets de n’avoir aucune nouvelle depuis l’automne 2014 de la part des autorités municipales, demandent et reçoivent le compte rendu du rapport de l’inspecteur fait en 2014 (P6).
[21] Ce n’est donc qu’à cette date du 6 mai 2015 qu’ils prennent acte des contraintes juridiques entrainant l’inexistence du logement : Le règlement de la Ville d’Anjou interdit l’existence d’un logement B dès lors qu’une unité A est déjà reconnue.
« 5.9.4.12 Nombre de logement au sous-sol
Un (1) seul logement au sous-sol est autorisé dans une habitation multiplex (h2).
(Règl. 1888-255 a. 1). »
[22] C’est aussi à cette date qu’ils en informent officiellement le locataire par la voix de leur procureur (P 8) :
« OBJET : ROSA GRAVINO -et- LINO MUSTILLO c. VOUS-MÊME
Monsieur,
Nous sommes les procureurs et conseillers juridiques de Madame Rosa Gravino et de Monsieur Lino Mustillo lesquels nous ont mandatés afin de vous signifier la présente mise en demeure.
Nos clients viennent de découvrir que le logement que vous occupez est un logement non-autorisé en vertu de l’article 5.9.4.12 du Règlement de zonage 1886 de l’arrondissement de Saint-Léonard.
De plus, nos clients nous informent que vous leur devez la somme de 1 685.00 $ pour consommation d’électricité.
Par conséquent, vous êtes formellement mis en demeure par la présente de quitter votre logement au plus tard le 30 mai 2015.
Au surplus, vous êtes formellement mis en demeure par la présente de nous faire parvenir au plus tard le 30 mai 2015 la somme de mille six cent quatre vingt cinq (1 685.99 $) par chèque certifié ou traite bancaire émise à l’ordre de Pasquale Artuso & Associés en fidéicommis.
À défaut par vous d’obtempérer à la présente dans le délai imparti, soyez avisé que nous avons reçu strictes instructions d’entreprendre toutes procédures judiciaires appropriées sans autre avis ou délai.
VEUILLEZ AGIR EN CONSÉQUENCE. »
[23] Le locataire conteste le fait que les locateurs n’aient eu confirmation du caractère illégal du logement qu’en mai 2015. Selon lui, dès septembre 2014, ils savaient que le dossier avait été fermé par la Ville.
[24] Quant aux factures d’Hydro-Québec, il ajoute que les propriétaires n’ont pas voulu collaborer, c’est pour cela qu’il refuse de les payer mais qu’ils auraient pu prendre une entente, mais comme il n’a pas été avisé du caractère illégal du logement et qu’on lui demande de quitter, il lui faut un nom sur les factures et que globalement, il se sent perdu.
La demande du locataire
[25] Considérant la résiliation du bail acceptée par le locataire, la conclusion relative à l’ordonnance d’exécution n’a plus d’objet.
Les dommages moraux (7 000 $)
[26] Le locataire faire valoir que la recherche d’un logement lui a valu de grands et intenses tracas moraux, ajoutant que la perte de sa boîte aux lettres et de son numéro civique lui ont causé d’importants inconvénients, tels que la nécessité de faire un changement d’adresse.
[27] Il affirme n’avoir pas eu la jouissance des lieux.
[28] Questionné sur la nature et l’étendue des dommages subis pour la recherche du logement, le locataire oppose l’argument du bon sens pour finalement concéder qu’il a arrêté de chercher un logement quand il a compris « qu’il ne pouvait pas avoir deux baux ».
[29] Néanmoins, il réclame les frais d’essence, de kilométrage, de l’envoi de linge au nettoyeur, des repas à l’extérieur. Il évoque également un dommage psychologique, car, dit-il, il ne voulait pas déménager, ainsi que les tracas reliés aux demandes faites à la Ville pour replacer son adresse civique.
[30] Là encore questionné sur l’existence d’une telle demande, verbale ou écrite, il précise l’avoir faite verbalement, mais que la Ville aurait refusé de lui donner une réponse écrite.
[31] Le Tribunal questionne le locataire sur l’existence d’une preuve ou d’une trace écrite du changement d’adresse comme cause majeure de son trouble moral, de ses recherches de logements ou encore de ses pénibles et stressantes démarches administratives auprès de la Ville.
[32] Aucun document n’est déposé par le locataire attestant des démarches alléguées et causes de ses dommages hormis une demande d’accès à la Ville.
Réplique
[33] Le locateur explique qu’il a profité de la vacance du 9030A pour utiliser sa boîte aux lettres et son adresse civique en y remplaçant l’adresse 9030B, celle initialement utilisée par le locataire depuis le début de son bail.
[34] Quant à la disparition de la boîte aux lettres initiale du locataire, il n’en a été avisé par le locataire que le 3 juin 2015, dans le cadre de sa mise en demeure :
« Objet : Mise en demeure
Madame, Monsieur,
Nous sommes liés par le bail d’un logement situé au 9030B, rue Picasso, H1P 3E5, St-Léonard. Ce bail est d’une durée de 12 mois, du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015, au loyer mensuel de 650.00 $.
Il y a de cela deux semaines, soit le 15 mai dernier, j’ai reçu une mise en demeure de votre part me demandant de quitter le logement en date du 30 mai. La raison qui m’a été donnée est que la location du logement que j’occupe présentement va à l’encontre de la réglementation municipale. En effet, après m’être renseigné auprès de la ville, j’ai été surpris d’apprendre que vous n’aviez pas le droit de louer ce logement. Cependant, selon le bail que nous avons signé sans que je ne sois informé de cette situation, j’ai le droit d’usage du logement jusqu’au 30 juin 2015. De plus, ce bail a été renouvelé jusqu’au 30 juin 2016 sans qu’aucune mention de cette situation ne m’ait été faite. Ajoutant à cela, le délai qui m’a été donné pour quitter mon appartement et procéder à la recherche d’un autre logement est déraisonnable étant donné qu’il est beaucoup trop court. Malgré le fait que je vous ai exposé dans une lettre ces raisons qui m’empêchent de partir dans un délai aussi court, il y a eu un manque flagrant de collaboration de votre part. En effet, hier, le 2 juin 2015, vous avez retiré le numéro civique qui se trouvait devant mon logement ainsi que ma boîte aux lettres rendant impossible la réception de mon courrier.
Ajoutant à cette situation, vous m’exigez le paiement de la somme de 1685.00 $ pour les frais d’électricité. Cependant, aucun document prouvant le montant demandé est réellement relié à ma consommation personnelle d’électricité ne m’a été présenté comme preuve. De plus, en décembre 2014, j’ai voulu contacter Hydro-Québec afin de pouvoir obtenir une facture d’électricité à mon nom ainsi qu’’installer un compteur dans le but de déterminer ma consommation d’électricité. Vous avez catégoriquement refusé que je contacte Hydro-Québec. Ainsi, je suis dans l’obligation de refuser de vous payer la somme demandée tant qu’une preuve de ma consommation réelle d’électricité ainsi que de la manière dont la somme a été établie ne me soit fournie.
Cette situation porte
clairement atteinte à mon droit à la jouissance paisible des lieux, lequel
m’est reconnu par l’article
VEUILLEZ AGIR EN CONSÉQUENCE. »
[35] Le locataire persiste et insiste : c’est le locateur qui a déplacé sa boîte aux lettres. Il le sait car, dit-il, « c’est une formule mathématique » et que « tout le monde le pense ». Le bon sens est de nouveau invoqué et évoqué.
Les dommages matériels (3000 $)
[36] Le Tribunal rappelle que dès le début de l’audience, le locataire manifeste son accord pour résilier le bail, car il vient de subir, le 3 juillet 2015, une invasion de rats dans son logement.
[37] Lors du procès, le locataire concède que d’une part, il n’a jamais vu un seul rat et d’autre part, que l’invasion a eu lieu dans le garage qu’il partage avec un autre locataire.
[38] Le passage de cette vermine n’est toutefois pas contesté puisque le locateur explique que c’est la locataire jouissant de l’autre partie du garage qui l’a avisé. Lorsqu’il se présente sur les lieux, il constate que la plaque fermant l’arrivée du drain principal a été déplacée. Il déduit que les rats sont passés par cette voie et il scelle la plaque.
[39] Selon le locateur, cette réparation suffisait et de fait, il n’y a plus de traces d’excréments depuis le 3 juillet 2015.
[40] La présence de la vermine est déduite de l’ampleur des excréments qu’elle y a laissés. Selon lui, les rats ont eu accès au garage pendant près de deux semaines, car il se souvient avoir fait des travaux au garage deux semaines avant.
[41] Le locataire réclame 3 000 $ de dommages. Il présente des photos de boîtes où étaient entreposés disques (CD), feuilles, manuscrits, linges divers et sacs plastiques fermés.
[42] Le locateur affirme que le locataire, le jour du 3 juillet, ne lui a pas fait part des dommages qu’il aurait pu alors constater immédiatement. Beaucoup de boîtes étaient fermées.
[43] Le locataire ajoute, après l’interrogatoire en défense des locateurs, qu’il a vu, dimanche le 12 juillet, d’autres crottes de rats.
[44] Il n’en a pas avisé les locateurs car dit-il, « pourquoi l’aviser car il ne veut rien faire », ajoutant : « Il n’a aucun intérêt à le faire ». Il prétend que seul un exterminateur peut éradiquer cette présence de rats.
[45] Questionné sur la détermination du montant réclamé, l’existence des biens endommagés et leur valeur ainsi que sur d’éventuelles factures, le locataire dit n’avoir rien à produire.
ANALYSE
La résiliation du bail
[46] Cette conclusion a fait l’objet d’une entente de principe. Le Tribunal doit néanmoins statuer sur la date.
[47] Considérant l’urgence de la situation due à l’illégalité du logement, le Tribunal statue que le locataire devra quitter au plus tard le 30 septembre 2015 et il est avisé, en audience, de la nécessité d’amorcer dès le lendemain, ses recherches.
Le remboursement des frais d’Hydro-Québec
[48] Il n’est pas contesté que le locataire a consommé les frais d’électricité tels que facturés par Hydro-Québec. Tout en admettant que sa consommation a été acquittée par un locataire-tiers depuis le début du bail, le locataire refuse de payer car les factures d’Hydro-Québec ne sont pas émises à son nom.
[49] L’argument soulevé par le locataire est-il fondé ?
[50] Seule la mauvaise foi peut conduire à un tel argument.
[51] Les locateurs ont démontré que le compteur installé par Hydro-Québec l’a été dans la seule et unique perspective d’attendre l’officialisation de l’adresse, d’où l’absence du nom du locataire sur la facture, mais que techniquement, il enregistre seulement la consommation du locataire.
[52] Non content d’avoir bénéficié d’un chauffage, d’une eau chaude et d’un éclairage gratuits pendant plusieurs années, le locataire persiste même devant l’évidence et le bon sens, bon sens que pourtant, il semble affectionner particulièrement.
[53] Le bail indique pourtant clairement que les frais d’électricité, d’eau chaude et de chauffage sont la charge du locataire.
[54] Aussi, le locataire faillit à son obligation d’exécuter ses obligations contractuelles de bonne foi :
«1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction.»
[55] Ce concept de bonne foi, une des colonnes architecturales du Code civil du Québec, revêt plusieurs acceptions et l’auteur François Gendron en fait l’analyse :
« La bonne foi
Le législateur a
réglementé la question de la bonne foi aux articles
Art. 6. Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.
Art. 7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.
Art. 1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction.
L’article
[…]
L’article
Équivalent juridique de la bonne volonté morale et liée à l’équité, la notion de bonne foi sert à relier les principes juridiques aux notions fondamentales de justice.
Le Code civil n’a pas défini la bonne foi, sans doute pour ne pas en limiter l’application. Ce n’est pas une abstraction indéterminée pour autant. L’interprète peut en effet l’envisager subjectivement - la bonne foi correspond alors à l’intention droite de l’honnête homme, par opposition à l’intention malveillante et malicieuse; elle se traduit en ce cas par la conviction erronée de se conformer au droit, et on l’apprécie in concerto. L’interprète peut aussi l’envisager objectivement - la bonne foi correspond alors à la conduite loyale et intègre que prescrivent les normes sociales, par opposition à la conduite incorrecte et déraisonnable; elle se traduit en ce cas par la conformité aux impératifs de la vie en société, et on l’apprécie in abstracto297. Dans les deux cas, elle s’impose à chacun dès qu’on se trouve en situation contractuelle. La bonne foi constitue un principe directeur d’interprétation, principe d’application universelle, et qui commande d’interpréter le contrat d’après le sens qui, normalement, s’imposerait à l’honnête homme.
[…]
Le contrat met en présence des intérêts opposés, c’est entendu, et c’est pour cette raison que la bonne foi interdit, comme nous l’avons vu plus haut, la duplicité et les abus de droit. Mais le contrat est aussi, et surtout peut-être, une convergence d’intérêts communs et équilibrés, ce qui permet, toujours au nom de la bonne foi, d’y inclure des devoirs tacites de renseignement, de loyauté et de cohérence.
[…] Le principe : la sincérité contractuelle exige la révélation spontanée, par celui qui le connaît, d’un fait décisif pour celui qui l’ignore. »[2] (Le Tribunal souligne)
[56] Dénué de sincérité contractuelle, le locataire n’aura ainsi pas besoin d’une facture à son nom puisque le Tribunal procédera à sa condamnation par voie judiciaire.
Sur les dommages matériels réclamés par le locataire (3 000 $)
[57] La preuve de la présence des rats dans le garage n’est pas contestée. Son ampleur et sa résultante, soit les dommages, n’ont toutefois pas fait l’objet d’une preuve prépondérante de la part du demandeur.
[58] D’une part, les photos ne sont pas probantes : les boîtes sont vieilles, mais pas rongées ni déchirées. Les disques et autres que le locataire réclame sont difficilement mangeables par un rat. Il en est de même des quelques habits dont le Tribunal constate toutefois qu’ils ont probablement été déchirés par les rats. Les autres photos révèlent des sacs en plastique et des lieux sans objets, mais parsemés d’excréments de rats.
[59] Le locataire ne détaille pas les objets endommagés, ne précise aucunement leur valeur et il n’explicite pas, ne serait-ce que de façon approximative, le montant substantiel déterminé et réclamé.
[60] Deux habits grignotés par les rats, voilà à quoi se résume la preuve du locataire. Il s’avère impossible pour le Tribunal de déterminer la valeur de ces deux items dont il ne sait en outre si, laissés au garage, ils recelaient quelque valeur ni dans quel état ils étaient avant le passage de la vermine.
[61] D’autre part, le locataire ne produit aucune facture pouvant établir une valeur quelconque à ces items en plus de ne pas démontrer, pour chacun des items réclamés, leur existence et l’ampleur réelle des dommages et le lien direct et exclusif avec le passage de la vermine.
[62] Le Tribunal croit que le locataire profite d’un épisode, certes malheureux, de rats pour faire croire à des dommages et en tirer un profit pécuniaire substantiel.
[63] Avoir profité de plus d’un an de consommation gratuite d’électricité ne lui semble pas suffisant.
[64] Le Tribunal rejette la
demande du locataire pour insuffisance de la preuve et défaut de crédibilité.
Le locataire n’a pas rencontré son fardeau inscrit aux articles
« 2845. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du tribunal. »
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[65] REJETTE la demande du locataire qui en assume les frais;
[66] PREND ACTE de l’entente des parties et RÉSILIE le bail en date du 30 septembre 2015;
[67] ORDONNE au locataire de quitter le logement au plus tard le 30 septembre 2015;
[68] ACCUEILLE la demande des locateurs;
[69] CONDAMNE le
locataire à payer aux locateurs la somme de 1 685 $ à titre de
dommages matériels, le tout avec intérêt au taux légal à compter du 4 juin 2015,
plus l’indemnité additionnelle de l’article
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Anne Mailfait |
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Présence(s) : |
les locateurs Me Natasha Scarano, avocate des locateurs le locataire |
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Date de l’audience : |
16 juillet 2015 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.