9335-5121 Québec inc. c. Kadi | 2025 QCTAL 8085 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau de Montréal |
|
No dossier: | 808190 31 20240715 F | No demande: | 4398362 |
RN : | 4340691 |
Date : | 11 mars 2025 |
Devant la greffière spéciale : | Me Chantal Houde |
|
9335-5121 Québec Inc. |
Locatrice - Partie demanderesse |
c. |
Ezedeen Kadi Khadija Huseen Omer |
Locataires - Partie défenderesse |
|
DÉCISION
|
| | | | |
- La compagnie locatrice a produit une demande de fixation de loyer conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec et de remboursement des frais.
- Les parties sont liées par un bail du 1er octobre 2023 au 30 septembre 2024, à un loyer mensuel de 1 950,00 $, comprenant le coût de deux espaces de stationnement.
- Considérant la connexité entre les demandes relatives à l’ensemble immobilier situé sur la rue Davignon à Dollard-des-Ormeaux, celles-ci ont été réunies afin de favoriser la tenue d’un processus efficace et ainsi être entendues et jugées sur la même preuve, conformément à l'article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement [1].
- Le Tribunal rendra cependant une décision distincte pour chaque logement concerné.
- Les locataires soulèvent plusieurs insatisfactions quant aux services, entre autres, sur la décision de l’administration de fermer la piscine et la chute à déchet.
- En règle générale, dans le cadre d’une demande de fixation du loyer, le Tribunal ne peut pas tenir compte des inconvénients soulevés, lesquels n'ont pas pour effet de contrer la fixation du loyer au terme du bail à renouveler.
- Toutefois, lors d’une demande de fixation de loyer, le Tribunal peut réduire le loyer d'une valeur correspondant à la perte d'un accessoire ou d’un service sous deux conditions.
- La première est la perte d'un accessoire ou d’un service ayant eu lieu durant les douze mois précédant la période pour laquelle le loyer est à fixer, selon l'article 8 du Règlement sur les critères de fixation de loyer[2].
- La seconde doit permettre de constater que la perte subie par un locataire revêt un caractère de permanence[3] :
« 8. Le tribunal réduit le loyer exigible dans la mesure où le locateur a fait défaut durant les 12 mois précédant la période pour laquelle le loyer est à fixer de maintenir la qualité des services ou de procurer l’usage d’un accessoire ou d’une dépendance de l’immeuble ou du logement concerné. »
- Rappelons que l'article 8 est un recours exceptionnel de droit commun en ce sens qu'un locataire qui le soulève peut voir son loyer diminué sans même avoir exercé un recours au Tribunal. Il n'a qu'à invoquer un manquement de la part de la locatrice afin d’obtenir l'équivalent d'une diminution de loyer dans le cadre d'une demande d'augmentation intentée par la locatrice.
La perte de la chute à déchet
- Les locataires se plaignent que les chutes à déchets ont été fermées et que depuis certains d’entre eux doivent marcher jusqu’à 10 minutes afin de déposer leurs déchets organiques dans un bac brun le plus près.
- Les locataires témoignent que chaque ensemble immobilier de maisons de ville ne dispose pas d’un garage, d’où la marche pour se rendre à celui le plus près.
- La représentante de la locatrice explique qu’à la suite d’une inspection du service de sécurité incendie de la ville, un constat d’infraction a été émis en regard des portes qui ne se refermaient plus automatiquement.
- La locatrice a donc choisi de placer des bacs bruns dans les garages. Elle confirme que les chutes à déchets ont été définitivement fermées en janvier 2023.
- La preuve démontre que la locatrice a fait défaut de maintenir la qualité de ce service pendant 12 mois consécutifs. Le Tribunal peut en conséquence appliquer le Règlement selon les critères cités précédemment.
- Dans une décision similaire, le greffier spécial a conclu que le retrait du dépôt des déchets à l’étage constituait une perte de service [4].
Le rétablissement de l’aire de jeux.
- La représentante explique que les modules de l’aire de jeux qui étaient désuets ont été remplacés en juin 2023. À cet effet, elle demande le rétablissement du loyer, comme le prévoit le Règlement.
9. Le tribunal relève le loyer exigible dans la mesure où:
1° la réduction de loyer consentie par un locateur pendant les 12 mois précédant la période pour laquelle le loyer est à fixer pour permettre au locataire d’effectuer à ses frais une réparation, une amélioration ou la mise en place d’un nouveau service s’avère supérieure aux dépenses encourues;
2° le locateur a remédié au défaut en raison duquel le loyer au terme du bail constitue un loyer réduit en vertu de l’article 8.
- Le Tribunal est d’avis que la locatrice a remédié au défaut en raison duquel le loyer avait été réduit en vertu de l’article 8.
- En conséquence, le Tribunal estime que la valeur de la perte des chutes à déchets est équivalente au rétablissement de l’aire de jeux.
- Le Tribunal n’accorde donc aucun ajustement de loyer quant à ces deux services.
La perte de la piscine.
- Plusieurs locataires ont déjà bénéficié d’une réduction de loyer de 2% pour la perte de l’usage de la piscine extérieure et de l’aire de jeux. Ces derniers locataires jouiront de cette réduction jusqu’à ce que la locatrice rétablisse l’accès à la piscine.
- Les locataires qui font l’objet de la présente demande de fixation et qui n’ont pas déjà obtenu la réduction de loyer de 2% aux termes des jugements précédents auront droit à ce même pourcentage dans cette décision.
La preuve de signification
- Le locataire de l’unité 165 affirme ne pas avoir reçu la demande et le formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer.
- L’huissier indique sur son procès-verbal avoir fait une tentative au préalable en laissant un avis de passage et avoir déposé ultérieurement la procédure sous l’huis de la porte, conformément à l’article 116 du Code de procédure civile du Québec.
- Le procès-verbal est un acte authentique, lequel ne peut être contredit par simple témoignage. Ce rapport fait donc, en l’absence d’une inscription en faux, preuve de la véracité de son contenu pour tous les faits que l’huissier a pour mission de constater ou d’inscrire [5].
- En conséquence, le locataire devra présenter une inscription en faux, comme le prévoit la loi.
FIXATION
- La locatrice a fourni le formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer, ainsi que les pièces justificatives et les factures au soutien de ces renseignements.
- La locatrice a le fardeau de prouver, selon la règle de la prépondérance de la preuve et de la balance des probabilités, les dépenses et les montants inscrits dans le formulaire de renseignements nécessaires pour permettre au Tribunal de calculer l'augmentation du loyer selon les critères prévus au Règlement sur les critères de fixation de loyer [6].
- Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[7] est de 87,62 $ par mois, s’établissant comme suit :
Taxes municipales et scolaires | 19,15 $ |
Assurances | 12,38 $ |
Gaz | (10,53 $) |
Électricité | 0,47 $ |
Mazout | 0,00 $ |
Frais d’entretien | 10,15 $ |
Frais de services | 0,00 $ |
Frais de gestion | 5,46 $ |
Réparations majeures, améliorations majeures, mise en place d’un nouveau service | 0,00 $ |
Ajustement du revenu net | 50,54 $ |
TOTAL | 87,62 $ |
- CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;
- CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 87,62 $ est justifié;
- CONSIDÉRANT qu’il y a lieu de faire droit à une réduction de loyer en vertu de l’article 8, ainsi qu’à un rétablissement de celui-ci en vertu de l’article 9, et que les valeurs sont identiques.
- CONSIDÉRANT l’absence de preuve justifiant la condamnation de la partie défenderesse au paiement des frais;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 2 038,00 $ par mois du 1er octobre 2024 au 30 septembre 2025, comprenant le coût de deux espaces de stationnement.
- CONSTATE qu’il n’y a pas lieu d’ajuster le loyer en vertu des articles 8 et 9 du Règlement.
- Les autres conditions du bail demeurent inchangées.
- La locatrice assume les frais de la demande.
| | |
| Me Chantal Houde, greffière spéciale |
|
Présence(s) : | la mandataire de la locatrice le mandataire des locataires |
Date de l’audience : | 20 décembre 2024 |
|
|
| | | |
[3] Chaltchi c. Mallay, 31-060511-118F, 6 février 2007, Me Ginette Chartrand; Bessette c. Mathieu, 2020 QCRDL 5527 (CanLII), 2020 QCTAL 5527.
[5] Vassiliadis c. Domaine de la pépinière inc., 2020 QCRDL 7601 (CanLII); Naydenov c. 8664501 Canada inc., 2021 QCTAL 17295 (CanLII).