Boujemaa c. Nouar | 2024 QCTAL 25747 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Longueuil | ||||||
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No dossier : | 763453 37 20240206 T | No demande : | 4343823 | |||
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Date : | 05 août 2024 | |||||
Devant la juge administrative : | Anne Mailfait | |||||
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Mohamed Boujemaa |
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Locataire - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Mohamed Nouar |
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Locateur - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Le Tribunal est saisi d'une demande de rétractation déposée par le locataire à l'encontre de la décision rendue le 23 mai 2024 par le juge administratif Philippe Morisset.
[2] Le recours est fondé sur l'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement :
« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.
Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.
La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.
La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.
Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »
LES FAITS PERTINENTS
[3] Les parties étaient liées par un bail du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024 au loyer de 1 025 $.
[4] Le 6 février 2024, le locateur dépose un recours en non-paiement de loyer pour résilier le bail.
[5] La demande est signifiée par courriel ProNotif du 12 février 2024.
[6] Le locataire y répond le 13 février 2024 dans les termes suivants :
« Bonjour Mr. Mohamed Nouar, suite à la réception des deux é-mail à la date du 12-02-2024 successivement à 12h38 et à 13h25 , concernant le retard du paiement du mois du février 2024, je vous rappelle que votre logement situé au […] QC J4R 2L3, est impropre à l'habitation, et d'après la loi 1915 et 1916 de l'année 1991 me permet d'abandonner l'appartement, aussi je suis dispensé de payer le loyer pour la période pendant laquelle le logement est impropre à l'habitation, vous avez était aviser par courrier avec accusé de réception le 05-02-2024 de mon départ, sous la référence RN 804 519 481 CA.
Je vous invite donc de ne plus m'adresser de courriels, concernant le retard, vue que je ne fait qu appliqué la loi.
Sinon je serais contrainte de faire appel au tribunal du logement pour un dommage et intérêt pendant toute la période que j'ai passé dans le logement indiqué ci dessus qui est loin d'être habitable. » [Reproduit tel quel]
[7] L'audience est tenue le 14 mars 2024 et le locataire y est absent.
[8] Il dépose toutefois une première demande de rétractation contre la décision rendue le 22 mars 2024 par la juge administrative D. Deland, décision le condamnant à payer le loyer du mois de février et constatant son départ du logement au cours du mois de février.
[9] Sa demande de rétractation est rejetée par le juge administratif Philippe Morisset le 23 mai 2024.
[10] La soussignée note que la demande de rétractation dont elle est saisie ne vise que la décision du 23 mai 2024 et que les motifs sont les suivants : « Le juge n'a pas voulu accepter de m'écouter » et « comme dans la première demande de rétractation, je maintiens les mêmes motifs ».
[11] En audience, le locataire débute son témoignage en lisant un texte de deux pages préalablement dactylographié, ce qui lui est refusé. Il tentera en fin d'audience de remettre ce même texte et fera face au même refus.
[12] Ceci étant, le locataire s'attache à expliquer les raisons de son absence lors de l'audience du 14 mars 2024, soit le fait qu'il était préoccupé par la maladie de sa mère et qu'il ne savait pas qu'il devait faire son changement d'adresse après avoir reçu signification de la demande.
[13] Il ajoute que lors de l'audience du 14 mai 2024, il ne savait pas qu'il devait produire ses preuves.
[14] Questionné sur la nature de ces preuves, il produit des billets d'avion établissant un départ pour la Tunisie le 6 avril 2024 avec retour le 23 avril, la transmission de la décision rejetant sa première demande de rétractation, et sa demande de rendez-vous au Tribunal administratif du logement pour le 18 mars 2024.
[15] Selon lui, c'est parce qu'il a eu rendez-vous le 18 mars 2024, pour déposer un recours en avis d'abandon du logement et dommages et intérêts, qu'il n'a pu se présenter à l'audience du 14 mars 2024.
[16] Questionné sur son défaut de n'avoir pas informé le Tribunal de son changement d'adresse en février 2024 alors que dûment signifié, il répond qu'il ne savait pas « car j'était en cession de bail pour le nouveau logement et j'avais peur que le locateur appelle l'agence ». [sic]
[17] Il confirme par ailleurs qu'à ce jour, il n'a pris aucun recours contre le locateur.
[18] Il confirme également qu'en date de l'audience du 14 mai 2024, il possédait les preuves dont il allègue n'avoir pu les produire, une partie étant chez lui et l'autre en la possession de son épouse en Tunisie.
ANALYSE
[19] La demande de rétractation est rejetée pour les motifs suivants.
[20] La demande telle que formulée vise la décision du 23 mai alors que le locataire ne cherche qu'à corriger son défaut de se présenter lors de l'audience du 14 mars 2024, se positionnant donc en appel du rejet de sa première demande de rétractation.
[21] Les preuves qu'il souhaite présenter sont sans pertinence sur l'objet puisque rien ne justifie son absence lors de cette audience du 14 mars : il a été signifié et il a négligé de faire son changement d'adresse. Sa réponse du 13 février confirme qu'il n'a jamais eu l'intention de se présenter et le simple fait d'interdire au locateur de communiquer avec lui discrédite son témoignage.
« 2845. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du tribunal. »
[22] Le Tribunal conclut que le locataire procède en appel de la décision du 14 mai 2024 et qu'en outre, ses allégués sont faux puisque le juge Morisset a procédé à l'examen complet et diligent de tous ces motifs et y a répondu avec motivation.
[23] Il est, par ailleurs, pour le moins incongru de la part du locataire de prétendre qu'il ne savait pas qu'il devait produire la preuve documentaire requise au soutien de ses prétentions alors même qu'il les invoque dans sa demande de rétractation du 25 avril 2024.
[24] Plus encore, possédant ces preuves, il ne peut utiliser le recours d’une procédure en rétractation pour pallier cette négligence.
[25] Il y a des limites à la négligence et à l'ignorance.
[26] Ainsi, la preuve du locataire ne répond pas aux critères prévus à l'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement. Il n'y a eu ni surprise, ni défaut ou empêchement hors de sa volonté et de sa capacité.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[27] REJETTE la demande de rétractation;
[28] MAINTIENT la décision du 23 mai 2024.
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Anne Mailfait | ||
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Présence(s) : | le locataire le locateur | ||
Date de l’audience : | 26 juillet 2024 | ||
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