Villeneuve c. Savard | 2024 QCTAL 895 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Québec | ||||||
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No dossier : | 707441 18 20230504 F | No demande : | 3904480 | |||
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Date : | 15 janvier 2024 | |||||
Devant la greffière spéciale : | Me Chantal Houde | |||||
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Gabriel Villeneuve |
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Locateur - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Alain Savard |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Le locateur a produit une demande de fixation de loyer conformément aux dispositions de l’article
[2] Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, à un loyer mensuel de 565 $, comprenant le coût de l’espace de stationnement.
[3] Le locateur explique avoir notifié la demande au locataire à la mauvaise adresse et l’avoir réexpédié une seconde fois, d’où le délai du 27 juin.
[4] Le locateur doit notifier la demande dans les 45 jours de l’ouverture du dossier, conformément à l’article 56.2 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement [1]. Selon la computation de ce délai, le locateur avait jusqu’au 19 juin 2023 pour soumettre cette preuve.
[5] Le Tribunal constate également que le formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer (ci-après : « Formulaire RN ») n’est pas au dossier, pas plus que la preuve de sa notification.
[6] Le locateur n’a pas transmis le Formulaire RN et avoue ne pas être familier avec la procédure du Tribunal, il dit « apprendre sur le tas ». De plus, il était sous l’impression que sa demande était fermée définitivement et il n’a donc pas donné suite après avoir notifié la demande.
[7] Le Tribunal a envoyé un accusé de réception au locateur le 16 mai 2023, incluant deux Formulaires RN, l’informant de son obligation de notifier la demande dans un délai de 45 jours et le Formulaire RN dans les 90 jours de la demande et des conséquences du défaut.
[8] Questionné sur cet accusé de réception, le locateur confirme l’avoir reçu, mais avoir compris d’envoyer seulement la demande.
Le droit
[9] Les dispositions légales pertinentes sont les articles
« 1942. Le locateur peut, lors de la reconduction du bail, modifier les conditions de celui-ci, notamment la durée ou le loyer; il ne peut cependant le faire que s’il donne un avis de modification au locataire, au moins trois mois, mais pas plus de six mois, avant l’arrivée du terme. Si la durée du bail est de moins de 12 mois, l’avis doit être donné, au moins un mois, mais pas plus de deux mois, avant le terme.
Lorsque le bail est à durée indéterminée, le locateur ne peut le modifier, à moins de donner au locataire un avis d’au moins un mois, mais d’au plus deux mois.
Ces délais sont respectivement réduits à 10 jours et 20 jours s’il s’agit du bail d’une chambre. »
« 1947. Le locateur peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s’adresser au Tribunal dans le mois de la réception de l’avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s’il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures. »
« 56.2. La preuve de la notification ainsi qu’une liste des pièces au soutien de la demande doivent être déposées au dossier du Tribunal. Ce dernier peut refuser de convoquer les parties en audience tant que ces documents n’ont pas été déposés.
Si la preuve de notification n’est pas déposée dans les 45 jours suivant l’introduction de la demande, cette dernière est alors périmée et le Tribunal ferme le dossier.
Le présent article n’a pas pour effet d’empêcher le Tribunal de convoquer les parties sans délai lorsqu’il le juge approprié, auquel cas la preuve de notification de la demande doit être produite à l’audience sous peine du rejet de la demande. »
[10] L’article 56.3 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, lequel se lit comme suit, énonce que le locateur a 90 jours pour notifier le formulaire et qu’à l’expiration de ce délai, la demande est alors périmée et le Tribunal ferme le dossier.
« 56.3. Lorsque le Tribunal est saisi d’une demande de fixation de loyer, le locateur doit, dans les 90 jours suivant la date de la transmission, par le Tribunal, du formulaire relatif aux renseignements nécessaires à la fixation, déposer au dossier ce formulaire dûment complété.
Il doit également, dans le même délai, notifier une copie de ce formulaire complété au locataire et produire au dossier du Tribunal la preuve de cette notification. Lorsque le demandeur est le locateur et qu’il fait défaut de produire au dossier du Tribunal cette preuve de notification dans le délai requis, la demande est alors périmée et le Tribunal ferme le dossier.
Malgré les articles 56.1 et 56.2, le demandeur n’a pas à notifier les pièces ni une liste des pièces au soutien de sa demande et il n’a pas à déposer une telle liste au dossier du Tribunal.
Le présent article ne s’applique pas à une demande de révision du loyer d’un logement à loyer modique au sens de l’article
[11] L’article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement prévoit qu’une partie peut être relevée de son défaut de respecter un délai, si elle a des motifs raisonnables à faire valoir.
« 59. Le Tribunal peut, pour un motif raisonnable et aux conditions appropriées, prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter, si l’autre partie n’en subit aucun préjudice grave. »
L’analyse
[12] Le locateur doit invoquer un motif raisonnable afin de convaincre le Tribunal de le relever du défaut relativement au respect des délais.
[13] Concernant les motifs pouvant être invoqués, la jurisprudence du Tribunal a statué à plusieurs reprises que l’ignorance de la loi n’est pas un motif raisonnable[2]. De plus, le locateur doit faire preuve de prudence en s’informant et en prenant connaissance de l’information qui lui est transmise par le TAL.
[14] Dans l’affaire Van c. Eddarissi [3], la juge administrative Francine Jodoin s’exprime comme suit à propos de la mauvaise compréhension ou l’ignorance de la loi:
« L'omission de respecter une exigence légale dans la mise en œuvre d'un droit lorsqu'elle résulte de la négligence, d'une mauvaise compréhension ou ignorance de la loi n'est pas retenue comme motif raisonnable permettant de justifier la prolongation du délai. »
[15] Dans une autre cause, la juge administrative Claudine Novello[4] énonce plusieurs raisons que le Tribunal ne peut retenir comme motifs raisonnables:
« À maintes reprises, la locataire a soulevé son erreur et manque de vigilance dans la gestion de son dossier. Toutefois, à sa défense, elle oppose son horaire chargé, son absence à l’extérieur du pays, les difficultés à lire et répondre dans la langue anglaise, l’ignorance de la loi et les mauvaises informations reçues de la Régie du logement, autant de motifs que le Tribunal ne peut retenir. »
[16] Considérant que l’ignorance de la loi et la mauvaise compréhension ne constituent pas des motifs raisonnables permettant au Tribunal de relever le locateur en défaut et qu’il lui incombe d’agir avec diligence de manière à se conformer à la loi afin de protéger ses droits.
[17] Le Tribunal constate que la demande du locateur est périmée, tel que prévu aux articles 56.2 et 56.3 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement. Selon ces mêmes articles, le Tribunal ferme le dossier.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[18] REJETTE la demande du locateur qui en supporte les frais.
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Me Chantal Houde, greffière spéciale | ||
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Présence(s) : | le locateur le locataire | ||
Date de l’audience : | 3 novembre 2023 | ||
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[1] RLRQ, c. T-15.01.
[2] Min c. Ghernouti,
[3] Van c. Eddarissi, R.D.L., 2015-02-19,
[4] Manouchehr Memari c. RyshpanManouchehr, 2011 CanLII 127659 (QC RDL).
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