Shirin c. R. | 2023 QCCA 1330 | ||
COUR D'APPEL | |||
CANADA | |||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||
GREFFE DE | |||
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No : | 500-10-007299-207, 500-10-007300-203 | ||
(540-01-078305-177 SÉQ. 002 et 005) | |||
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PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE | |||
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DATE : Le 25 octobre 2023 |
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FORMATION : LES HONORABLES | |
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No : 500-10-007299-207 (540-01-078305-177 SÉQ. 002 et 005) | |
PARTIE APPELANTE | AVOCATE |
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PARTIE INTIMÉE | AVOCATS |
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Me vicky pilote-henry (Directeur des poursuites criminelles et pénales)
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No : 500-10-007300-203 (540-01-078305-177 SÉQ. 002 et 005) | |
PARTIE APPELANTE | AVOCATE |
charles chouchani |
Me Annik magri Par visioconférence
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PARTIE INTIMÉE | AVOCATES |
SA MAJESTÉ LE ROI |
Me VICKY PILOTE-HENRY Me magalie cimon (Directeur des poursuites criminelles et pénales)
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500-10-007299-207, 500-10-007300-203
En appel d’un jugement rendu le 29 janvier 2020 par l’honorable Marc-André Dagenais de la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, district de Laval. |
NATURE DE L’APPEL : | Culpabilité – Trafic de stupéfiants. Pourvoi contre la condamnation – Trafic de stupéfiants. |
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Salle : Pierre-Basile-Mignault |
AUDITION |
9 h 31 | Début de l’audience. Identification du dossier et des avocats. Remarque préliminaire de la Cour. |
9 h 33 | Argumentation Me Lapierre. |
9 h 35 | Argumentation Me Magri. |
9 h 41 | Argumentation de Me Pilote-Henry. |
9 h 44 | Question de la Cour et réponse de Me Pilote-Henry. |
9 h 49 | Réplique de Me Lapierre. |
9 h 50 | Réplique de Me Magri. |
9 h 52 | Suspension de l’audience. |
10 h 02 | Reprise de l’audience. PAR LA COUR : Arrêt rendu séance tenante – voir page 4. |
10 h 03 | Fin de l’audience. |
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Vitélina Saint-Phard, Greffière-audiencière |
ARRÊT |
[1] Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 29 janvier 2020 par la Cour du Québec, district de Laval (l’honorable Marc-André Dagenais), lequel a reconnu coupables l’appelant Mark Shirin de complot et de trafic de stupéfiants et l’appelant Charles Chouchani de complot et de trafic de stupéfiants, ainsi que de possession de stupéfiants dans le but d’en faire le trafic[1].
[2] La majorité de la preuve contre les appelants est obtenue à la suite de l’exécution de plusieurs autorisations judiciaires dont la validité est contestée au procès. Bien que les appelants soulèvent huit moyens, le premier scelle le sort de l’appel.
[3] Ils soutiennent que le juge a erré en refusant, à l’occasion de jugements interlocutoires, leurs demandes de divulgation des rapports de sources consultés par les affiants afin de rédiger leurs déclarations assermentées au soutien des autorisations judiciaires demandées.
[4] À bon droit, l’intimé concède l’erreur du juge, qui avait exigé que les appelants établissent l’utilité probante des éléments consultés par les affiants dans la rédaction de leurs déclarations assermentées. Or, aucun tel fardeau n’incombe à la défense pour en obtenir la divulgation. La jurisprudence veut plutôt que ces renseignements doivent être communiqués par le poursuivant, suivant le régime général de l’arrêt Stinchcombe[2].
[5] Puisque l’intimé reconnaît l’erreur du juge, il espérait pouvoir établir que la non-divulgation n’a pas influé sur le bien-fondé des déclarations de culpabilité ni sur l’équité du procès, en application des arrêts Dixon[3] et Taillefer[4], en présentant en appel les éléments non divulgués.
[6] À cette fin, il a présenté une requête demandant d’une part l’autorisation de divulguer tardivement aux appelants les rapports de sources caviardés, accompagnés d’un tableau de type Gardiner et d’autre part de présenter lesdits rapports de sources à titre de preuve nouvelle. La Cour a rejeté cette requête le 19 mai 2023[5], soulignant que l’intimé se trompe en prétendant que l’état du droit quant à l’obligation du ministère public de divulguer les rapports de sources avait changé entre le moment où les jugements interlocutoires contestés en appel ont été rendus et la production des mémoires des appelants. Ainsi, la Cour refuse de permettre le dépôt d’une preuve en appel que le poursuivant a refusé de communiquer à la défense malgré son obligation de le faire. Elle écrit:
[11] Or, le test de l’arrêt Dixon ne vise pas à permettre au poursuivant de mieux contester le pourvoi des appelants par le biais du dépôt en appel d’une preuve qu’il refusait de dévoiler en première instance. Ce test vise plutôt à garantir l’équité globale de la procédure pénale engagée contre un accusé en vérifiant, au regard de l’ensemble de la preuve, si celle qui n’a pas été divulguée pouvait raisonnablement modifier le verdict, et subsidiairement, de se « demander s’il existe une possibilité raisonnable que la non-divulgation ait affecté l’équité globale du procès ». C’est d’ailleurs, et pour l’essentiel, ce sur quoi la Cour devra se prononcer lors de l’audition de l’appel au fond.
[7] L’intimé tente maintenant d’éviter un nouveau procès en invoquant l’application de la disposition réparatrice du sous-al. 686(1)b)iii) du Code criminel.
[8] L’intimé soutient que l’erreur est sans conséquence parce que son témoin en première instance, l’affiant Dumais, l’affirme. Selon ce dernier, il n’y avait rien dans les rapports de sources qui ne se trouvait pas dans les affidavits au soutien des autorisations judiciaires. Cet argument réduit à néant l’utilité d’un contre-interrogatoire et expose, au contraire, l’impossibilité pour les appelants de tester cette affirmation du témoin, justement parce qu’ils ont été privés des éléments auxquels ils avaient droit. Sans connaître le contenu de ce qui n’a pas été divulgué, il est impossible de parler d’une erreur inoffensive ou négligeable.
[9] L’intimé ajoute que compte tenu des ressources judiciaires limitées, il ne serait pas opportun d’ordonner un nouveau procès (celui-ci a requis 30 jours d’audition) alors que le résultat serait sans équivoque le même, soit la condamnation des appelants. La Cour suprême écrivait ce qui suit dans R. c. Jolivet[6] :
[46] […] Ordonner la tenue d’un nouveau procès soulève des questions importantes relativement à l’administration de la justice et à l’affectation adéquate des ressources. Si la preuve contre l’accusé est forte et qu’il n’y a aucune possibilité réaliste qu’un nouveau procès aboutisse à un verdict différent, il est manifestement dans l’intérêt public d’éviter les coûts et retards qu’entraînent des procédures supplémentaires. C’est ce que le législateur a prévu.
[10] Sans minimiser l’importance de conserver les ressources judiciaires déjà limitées, il faut considérer que les éléments non divulgués touchent au cœur de la preuve qui a mené à la condamnation des appelants. On ne peut ainsi affirmer qu’il n’existe aucune possibilité raisonnable que le verdict eût été différent en l’absence de l’erreur du juge de rejeter les requêtes en divulgation des appelants[7]. La disposition réparatrice ne peut donc trouver application en l’espèce.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[11] ACCUEILLE l’appel;
[12] ANNULE les condamnations des appelants;
[13] ORDONNE la tenue d’un nouveau procès.
| YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A. |
| SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A. |
| LORI RENÉE WEITZMAN, J.C.A. |
[1] Chouchani c. R., 2020 QCCQ 233
[2] Badaro c. R., 2021 QCCA 1353, par. 115-118, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 12 janvier 2023, n° 39930.
[3] R. c. Dixon, [1998] 1 RCS 244.
[4] R. c. Taillefer; R. c. Duguay, 2003 CSC 70.
[5] Shirin c. R., 2023 QCCA 699.
[6] 200 CSC 29.
[7] R. c. R.V., 2019 CSC 41, par. 85.
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