Investisseurs Famille de Yi inc. c. Watier | 2024 QCTAL 4474 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||
Bureau de Montréal | ||||
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No dossier: | 694181 31 20230324 F | No demande: | 3857905 | |
RN :
| 3922500
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Date : | 12 février 2024 | |||
Devant la greffière spéciale : | Me Julie Langlois | |||
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Investisseurs Famille de Yi Inc. | ||||
Locatrice - Partie demanderesse | ||||
c. | ||||
Mathieu Watier
William Laberge | ||||
Locataires - Partie défenderesse | ||||
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DÉCISION
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[1] La locatrice a produit une demande de fixation de loyer et de modification d’une autre condition du bail, conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec. Elle demande également le remboursement des frais.
[2] La locatrice demande au Tribunal de statuer sur la modification suivante :
« AJOUTER LE RÈGLEMENT DE L’IMMEUBLE »
[3] Le Tribunal, lorsque saisi d'une demande de fixation de loyer, détermine le montant du loyer selon les critères prévus au Règlement sur les critères de fixation de loyer[1] (ci-après « le Règlement »).
[4] Suivant ce Règlement, l'ajustement du loyer est calculé à partir du loyer payé au terme du bail, en tenant compte de la part attribuable du logement et en fonction de certaines dépenses précises encourues par la locatrice durant l'année de référence. Ces dépenses comprennent notamment la variation des taxes municipales, des taxes scolaires et des assurances, le coût encouru pour les frais d'énergie, les frais d'entretien, ainsi que des dépenses pour les réparations majeures.
[5] En tant que demanderesse, la locatrice assume le fardeau de prouver, lors de l'audience, les montants inscrits au Formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer (ci-après : « le Formulaire »).
[6] Plusieurs dossiers de fixation de loyer visant des logements du même immeuble ou du même ensemble immobilier et concernant la même période de référence ont été entendus en même temps, conformément à l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[2].
[7] Chaque immeuble ayant ses propres comptes de taxes, ils seront traités par quatre Formulaires distincts.
FIXATION DU LOYER
[8] Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, à un loyer mensuel de 1 435,00 $, comprenant le coût de l’espace de stationnement.
[9] Selon le Règlement, le loyer considéré est celui payé au terme du bail et inclut tous les services et les accessoires prévus au bail et ceux qui font partie d’un bail distinct, cela inclut notamment l’espace de stationnement, et ce, même s’il fait l’objet d’un contrat distinct[3].
[10] À l’audience, les parties sont présentes et font valoir leur point de vue sur le dossier.
[11] Le Tribunal a bien pris note de l’ensemble des témoignages et de la preuve administrée devant lui, mais il ne sera fait mention dans la présente décision que des éléments pertinents retenus pour fonder celle-ci.
[12] Le Tribunal comprend des commentaires et explications des locataires présents qu’ils se montrent insatisfaits de certains aspects de leur logement, d’un manque d’entretien, de même que de travaux qu’ils souhaiteraient voir être réalisés sur l’immeuble ou dans leur appartement.
[13] Le Tribunal a bien entendu les demandes, mais a pu préciser séance tenante aux locataires présents que la demande de fixation de loyer dont il est saisi n’est pas le bon forum pour faire valoir les plaintes et insatisfactions au sujet de l’état de l’immeuble et du logement.
[14] Le Tribunal encourage les parties à communiquer afin de trouver des solutions avant de saisir le Tribunal. Advenant divergence malgré les échanges et communications, d’autres recours sont alors possibles.
[15] La locatrice a produit le Formulaire ainsi que les pièces justificatives et les factures au soutien de ces renseignements, sauf en ce qui concerne les polices d’assurances en vigueur au 31 décembre 2022 et 31 décembre 2021, incluant la ventilation des primes couvertes et la preuve des revenus de stationnement pour 2022 suivant les allégations des locataires.
[16] À cette fin, lors de l’audience, le Tribunal a autorisé[4] la locatrice à lui transmettre, au plus tard le 30 novembre 2023, les documents susmentionnés, le tout tel qu’il appert au formulaire d’autorisation de produire un document déposé au dossier.
[17] La locatrice a transmis en date du 24 novembre 2023 les documents tel que stipulé à l’autorisation de produire un document.
[18] Toute somme non prise en charge par le Règlement doit être retranchée des polices d’assurances soumises.
[19] Concernant les frais d’entretien, le Tribunal ne retient qu’un montant de 804,80 $ puisque les frais de location des chauffe-eaux sont déplacés à la section 10 du Formulaire.
[20] Ensuite, les dépenses inscrites à la section 12 du Formulaire concernant le certificat de localisation sont rayées, puisqu’elles ne sont pas prévues au Règlement.
[21] Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[5] est de 101,17 $ par mois, s’établissant comme suit :
Taxes municipales et scolaires | 5,79 $ |
Assurances | 38,78 $ |
Gaz | 0,00 $ |
Électricité | 0,41 $ |
Mazout | 0,00 $ |
Frais d’entretien | 0,58 $ |
Frais de services | 0,57 $ |
Frais de gestion | 2,51 $ |
Réparations majeures, améliorations majeures, mise en place d’un nouveau service |
34,45 $ |
Ajustement du revenu net | 18,08 $
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TOTAL |
101,17 $ |
MODIFICATION AU BAIL
[22] La locatrice dépose lors de l’audition un document intitulé « Annexe 1 : Règlements de l’immeuble » contenant une vingtaine de clauses.
[23] La locatrice précise qu’il s’agit d’un nouveau règlement général qui ne concerne pas uniquement l’immeuble des locataires.
[24] La soussignée fait siens les propos du greffier spécial Me William Durand dans la décision 9222-2363 Québec inc. c. Bouchard Loranger[6] relativement à l’ajout d’un règlement d’immeuble :
« [7] Le Tribunal tient également à indiquer qu’un règlement d’immeuble, tel que celui produit par la locatrice, n’est pas le véhicule approprié pour tenter de prévoir toutes les situations possibles et inimaginables pouvant survenir dans le cadre du bail. Le Code civil du Québec impose déjà des obligations aux parties, dont celles de ne pas troubler la jouissance paisible des autres locataires et de garder le logement en bon état. La microgestion des faits et gestes des locataires par l’introduction de divers règlements et interdictions au bail ne sont certainement pas l’outil adéquat permettant aux locataires de jouir pleinement de leur logement dans le respect de ces obligations.
[8] Un règlement devrait plutôt être l’opportunité d’adresser certains aspects spécifiques à l’immeuble, comme les journées de cueillette des ordures, les disponibilités du concierge, la hauteur maximale des véhicules pouvant accéder au stationnement intérieur ou encore les heures d’accès à la piscine, afin de simplifier la cohabitation de ses habitants.
[9] De l’aveu de la locatrice, il s’agit d’un modèle de Règlement générique utilisé pour l’ensemble de ses propriétés.
[10] La majorité des clauses sont d’ailleurs inopérantes ou redondantes à plusieurs égards, car soit : non applicables à l’immeuble de la locataire (comme mentionné au paragraphe précédent), déjà prévue par la Loi, déjà prévue au bail, contenant des obligations pénales[2] ou encore impliquant une présomption de responsabilité du locataire ou une limitation de la responsabilité du locateur[3].
[11] Les quelques clauses ne tombant pas dans l’une de ces catégories sont généralement hypothétiques, vagues ou imprécises.
[12] Si la locatrice souhaite modifier certaines conditions du bail de la locataire, elle pourra le faire lors d’un renouvellement ultérieur en dénonçant clairement les modifications recherchées et la pertinence de celles-ci. »
(Références omises)
[25] Par conséquent, le Tribunal est d’avis que la locatrice n’a pas réussi à démontrer le bien-fondé des modifications.
[26] Finalement, en ce qui concerne les frais de la demande, comme le souligne la greffière spéciale Me Isabelle Hébert[7], la jurisprudence est très claire à ce sujet :
« [27] Tel que rappelé par le Bureau de révision dans la décision A. Rossi buildings c. Bradley[5] et plus récemment dans Capital Augusta Inc. c. Faye[6], contrairement aux dossiers civils où le Tribunal condamne généralement la partie perdante au paiement des frais, le principe applicable en matière de fixation de loyer veut que le locateur assume les frais entourant sa demande de fixation.
[28] Lorsque le locateur demande au Tribunal de renverser cette règle et de condamner le locataire au remboursement des frais, celui-ci doit non seulement obtenir un ajustement de loyer égal ou supérieur au montant demandé dans l’avis de modification, mais aussi démontrer que le locataire a usé de son droit de refus de manière déraisonnable.
[29] Ainsi, un locataire qui disposait des renseignements pertinents au calcul de l’augmentation lui permettant de prendre une décision éclairée relativement à la proposition d’augmentation ou qui aurait refusé systématiquement toute négociation ou discussion avec le locateur pourrait être condamné à rembourser au locateur les frais payés par ce dernier pour l’introduction de la demande, de même que certains coûts associés à sa signification. »
[27] Dans la présente instance, il n’y a pas lieu de condamner les locataires au remboursement des frais, puisque l’augmentation initiale de 102,00 $ demandée par la locatrice est plus élevée que l’ajustement de loyer accordé par le Tribunal en vertu du Règlement.
[28] CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;
[29] CONSIDÉRANT la jurisprudence unanime à l’effet que le loyer fixé par règlement peut être supérieur ou inférieur à celui mentionné dans l’avis de modification de la locatrice;
[30] CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 101,17 $ est justifié;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[31] FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 1 536,00 $ par mois du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, comprenant le coût de l’espace de stationnement.
[32] REJETTE la demande de modification visant à insérer un règlement d’immeuble.
[33] Les autres conditions du bail demeurent inchangées.
[34] La locatrice assume les frais de la demande.
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Me Julie Langlois, greffière spéciale | ||
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Présence(s) : | le mandataire de la locatrice les locataires | ||
Date de l’audience : | 9 novembre 2023 | ||
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[1] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.
[3] Coop d'Habitation Lezarts c. Lampron, 2012 CanLII 125509 (QC TAL).
[4] Art. 37, Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement, chapitre T‑15.01, r. 5.
[5] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.
[6]
[7] Warren c. Lamothe, 2013 CanLII 132138 (QC RDL).
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