Décision

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Décision

Cyr c. 2968-2325 Québec inc.

2013 QCRDL 2202

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No :          

31 101104 070 G

 

 

Date :

22 janvier 2013

Régisseur :

Robin-Martial Guay, juge administratif

 

Mireille Cyr

 

Manon David

 

Mireille Cyr

 

Philippe Monbaron

 

Antohny Leblanc Cyr

 

Locataires - Partie demanderesse

c.

2968-2325 Québec Inc.

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le 4 novembre 2010, quatre personnes qui sont désignées au bail comme étant locataires, madame Manon David, madame Mireille Cyr, monsieur Philippe Montbaron et Anthony Leblanc Cyr saisissent la Régie du logement d'une demande à l’encontre du locateur à qui, ils réclament 1 856 $ en dommages-intérêts, plus 2 000 $ en dommages moraux ainsi que le remboursement de leurs frais judiciaires.

[2]      Les parties étaient liées par un bail de 12 mois débutant le 1er juillet 2010 au loyer mensuel de 900 $.

[3]      La demande des locataires a été signifiée par huissier en date du 10 novembre 2010.

[4]      Préalablement, une mise en demeure, datée du 19 octobre 2010 a été adressée et signifiée, par huissier, au locateur qui refusait de prendre livraison du courrier recommandé que lui avaient adressé les locataires.


[5]      Essentiellement, les locataires ont témoignés pour dire qu’après avoir signés en date du 29 mai 2010, un bail qui devait débuter le 1er juillet 2010, ils ont, à regret, constaté que le logement concerné était impropre à l’habitation au jour prévue pour la prise de possession, le 1er juillet 2010.

[6]      Il faut dire que, lors de la visite du logement en mai que plusieurs murs étaient dénudés et sans gypse. Il n’y avait alors ni eau ni électricité. Aucun module d’armoires de cuisine n’avait encore été installé. Le chauffe-eau était dans une des chambres et commandait d’être déplacé.

[7]      Toutefois, devant l’engagement ferme et convaincant du locateur comme quoi le logement serait prêt pour le 1er juillet 2010, les locataires ont tous les quatre signé le bail.

[8]      Qui plus est, pour l’occasion, Manon David remettait au locateur un chèque de 900 $ pour le paiement du loyer du mois de juillet 2010. Soulignons que madame David réclame aujourd’hui le remboursement de ce chèque de 900 $ qui fut encaissé par le locateur sans qu’il n’ait livré le logement concerné à la date convenue, le 1 er juillet 2010 ni plus tard d’ailleurs.

[9]      Sachant le logement concerné toujours en chantier de construction vers la fin du mois de juin et, devant l’insistance et les inquiétudes grandissantes des locataires, le locateur, en guise de solution temporaire, offrait aux locataires, en date du 27 juin 2010, qu’il puisse habiter deux logements et le sous-sol d’un autre de ses immeubles pour y remiser leurs biens et y vivre pendant deux semaines en attendant qu’il ait compléter les travaux de réparations au logement concerné.

[10]   L’offre du locateur était accompagnée d’un engagement de rembourser aux locataires, les coûts du déménagement supplémentaire de leurs biens meubles vers le logement concerné lorsqu’il sera prêt pour l’habitation.

[11]   Cette offre du locateur de s’établir même temporairement dans ces deux logements sera refusée du revers de la main par les locataires pour plusieurs raisons. À vrai dire, aucun d’eux ne dormira dans ce logement sauf Anthony pour quelques trois à quatre jours seulement; le temps pour lui de se trouver un endroit où aller vivre dans l’attente.

[12]    Il faut dire que les lieux étaient pitoyables selon les dires des témoins. C’est ainsi que tous iront vivre chez leurs parents dans l’attente que le locateur daigne bien vouloir livrer le logement concerné dans les meilleurs délais.

[13]   Somme toute, ils ne s’établiront pas dans les deux logements qui étaient d’ailleurs séparés d’un couloir, comme l’aurait ultimement souhaité le locateur, et ce, en raison, entre autre, de leurs états lamentables. Encore une fois, qu’il suffise d’examiner les photos (pièces L-2) qui ont été prises par le locataire Montbaron et déposées en preuve pour se convaincre de l’état lamentable des lieux qui, à toutes fins pratiques, a servi de lieu d’entreposage de certains des biens des locataires, à vrai dire les plus sensibles à l’humidité puisque les autres biens attendaient dans le sous-sol qui avait été mis à leur disposition dans l’attente.

[14]   Plus encore, ces deux logements que le locateur avait mis à leur disposition en attendant qu’il ait complété ses travaux sur la rue Prieur étaient situés dans un tout autre quartier que celui recherché par les locataires. Aussi, ces deux logements ne répondaient en rien aux besoins bien identifiés des locataires. Ceux-ci n’avaient pas besoin d’un espace divisé par un couloir et incidemment, pourvu de deux cuisines et de deux salons et qui comptait huit pièces.

[15]   Ils insistaient donc auprès du locateur pour qu’il accélère les travaux qui rendraient enfin le logement concerné propre à l’habitation surtout que le début des cours au CEGEP avançait à grand pas. Le malheur veut que le logement concerné qui était situé sur la rue Prieur ne leur soit jamais délivré par le locateur.

[16]   C’est ainsi que Philippe Montbaron qui communiquait avec le locateur pour s’enquérir de la situation et de l’avancement des travaux, voyant que le locateur disait faux sur l’avancement des travaux puisqu’il passait souvent devant le logement concerné pour visualiser l’état des lieux, avisait le locateur qu’ils signeraient un bail avec un autre locateur si rien n’était fait.

[17]   De fait, ayant tous perdu confiance dans la capacité du locateur de délivrer le logement concerné dans un délai raisonnable et dans un état qui soit propre à l’habitation, ils ont donc fait transmettre par courrier une mise en demeure au locateur.

[18]   C’est ainsi que faute de se voir délivrer un logement qui ne soit pas impropre à l’habitation tel qu’en font foi les photos du logement concerné en date du 10 août et qui ont été déposées en preuve (pièces P-1), que les locataires qui commençaient des études collégiales vers le 24 août 2010 se sont vus contraints de signer un nouveau bail avec un autre locateur en date du 10 août 2011.


[19]   Ils déménageront ensuite dans ce logement le 12 août 2010. Coût du déménagement : 260 $ que monsieur Montbaron réclame au locateur.

[20]   De cette situation totalement imputable à l’indifférence et l’insouciance du locateur, les locataires ont unanimement témoigné pour dire qu’ils ont souffert des préjudices dont ils demandent réparation. Ils ont vécu beaucoup de stress. Ils étaient devenus irascibles, impatients, frustrés par les mensonges du locateur, voir même devenu agressifs aux dires de la mère de Montbaron.

ANALYSE

[21]   La loi impose des obligations très sévères au locateur, quant à la délivrance et à la jouissance du logement. Les articles 1854, 1913 et 1914 trouvent application dans la présente affaire.

[22]   D’abord, l'article 1854 C.c.Q. édicte ce qui suit :

« 1854.      Le locateur est tenu de délivrer au loca­taire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouis­sance paisible pendant toute la durée du bail.

                 Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail.»

[23]   Le premier alinéa de cet article prévoit une obligation appelée par la doctrine de résultat.

[24]   Voici ce qu'en disent les auteurs Baudoin et Jobin :

« ...Dans le cas d'une obligation de résultat, la simple constatation de l'absence du résultat ou du préjudice subi suffit à faire présumer la faute du débiteur, une fois le fait même de l'inexécution ou la survenance du dommage démontrée par le créancier. Dès lors, le débiteur, pour dégager sa responsabilité, doit aller au-delà d'une preuve de simple absence de faute, c'est-à-dire démontrer que l'inexécution ou le préjudice subi provient d'une force majeure. Il ne saurait être admis à dégager sa responsabilité en rapportant seulement une preuve d'absence de faute, c'est-à-dire démontrer que l'inexécution ou le préjudice subi provient d'une force majeure. Il ne saurait être admis à dégager sa responsabilité en rapportant seulement une absence de faute. »[1]

[25]   Et lorsque, comme cela a été le cas à la date de livraison convenue, le logement ne peut servir à l'usage auquel il est destiné, la loi est encore plus exigeante. Celle-ci impose une obligation de garantie :

« En présence enfin d'une obligation de garantie, le débiteur est présumé responsable. La seule façon pour lui d'échapper à sa responsabilité est de démontrer que c'est par le fait même du créancier qu'il a été empêché d'exécuter son obligation, ou encore que l'inexécution alléguée se situe complètement en dehors du champ de l'obligation assumée. »[2]

[26]   Quant aux articles 1913 et 1914 qui définissent les droits et obligations des parties dans le cas d’un logement impropre à l’habitation stipulent ce qui suit

« 1913.      Le locateur ne peut offrir en location ni délivrer un logement impropre à l'habitation.

 

                Est impropre à l'habitation le logement dont l'état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré tel par le tribunal ou par l'autorité compétente.»

 

« 1914.      Le locataire peut refuser de prendre pos­ses­sion du logement qui lui est délivré s'il est impropre à l'habitation; le bail est alors rési­lié de plein droit.»

[27]   Dans le cas qui nous occupe, le tribunal conclut que le locateur a fait défaut d’honorer son obligation contractuelle de délivrer aux locataires un logement qui ne soit pas impropre à l’habitation.

[28]   En effet, qu’il suffise d’examiner les photos (pièces L-1 en liasse) qui ont été prises par le locataire Philippe Montbaron au début du mois d’août 2010 et qui ont été déposées en preuve à l’audience pour se convaincre que le logement concerné était toujours un logement impropre à l’habitation le 10 août 2010, lorsqu’ils ont signé un autre bail avec un nouveau locateur.


[29]   En conséquence, le tribunal fait droit en partie à la demande des locataires pour les dommages matériels et dommages moraux qu’ils ont subis en raison du défaut du locateur de délivrer, en date du 1er juillet 2010, le logement pour lesquels les locataires avaient signés un bail le 29 mai 2010 mais qui était toujours impropre à l’habitation le 10 août 2010.

[30]   Le tribunal accorde à madame Manon David un montant de 900 $ correspondant au versement par chèque (pièce L-3) du loyer du mois de juillet 2010 et qui fut encaissé par le locateur dans les jours qui ont suivis la signature du bail, le 29 mai 2010.

[31]   Aussi, le tribunal accorde au locataire Philippe Montbaron la somme de 260 $ (pièce L-4) correspondant aux coûts qu’il a dû encourir pour le déménagement supplémentaire de ses biens et de ceux des autres locataires sur la rue Balzac et qui étaient temporairement entreposés dans l’immeuble de la rue Iberville que leur avait assigné le locateur dans l’attente que le logement sur la rue Prieur soit prêt.

[32]   Aussi, le tribunal accorde au locataire Philippe Montbaron un montant de 450 $ et, à chacun des autres locataires mais dans une moindre mesure soit à monsieur Anthony Leblanc Cyr, madame Manon David et Mireille Cyr, un montant de 150 $ pour les dommages moraux constitués des troubles, ennuis et inconvénients qu’ils ont, dans une proportion différente de Philippe Montbaron, subis entre le 29 mai 2010 et leur installation dans un logement adéquat le 12 août 2010 et dont la responsabilité des dommages incombent au locateur qui n’a pas délivré le logement concerné par le bail en date du 1er juillet 2010.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[33]   CONSTATE la résiliation du bail intervenu entre les parties;

[34]   CONDAMNE le locateur à payer à monsieur Philippe Montbaron la somme de 710 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 4 novembre 2010;

[35]   CONDAMNE le locateur à payer 150 $ à monsieur Anthony Leblanc Cyr, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 4 novembre 2010;

[36]   CONDAMNE le locateur à payer à madame Manon David la somme de 1 050 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 4 novembre 2010;

[37]   CONDAMNE le locateur à payer 150 $ à madame Mireille Cyr, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 4 novembre 2010;

[38]   CONDAMNE le locateur à payer à madame Manon David, les frais judiciaires et de significations totalisant 186 $.

 

 

 

 

 

Robin-Martial Guay

 

Présence(s) :

les locataires

Date de l’audience :  

10 janvier 2013

 


 



[1] Jean-Louis Baudouin, Pierre Gabriel Jobin. Les obligations, 5e édition, Cowansville : Yvon Blais, 1996, p. 36.

[2] Idem p. 37.

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