Décision

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9123-8600 Québec inc. c. Al-Dulaimi

2024 QCTAL 27447

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Saint-Hyacinthe

 

No dossier :

765510 23 20240214 G

No demande :

4207185

 

 

Date :

29 août 2024

Devant la juge administrative :

Marilyne Trudeau

 

9123-8600 Québec Inc

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Aedah Al-Dulaimi

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Par un recours introduit le 14 février 2024, la locatrice demande la résiliation du bail et le recouvrement de tous les loyers dus au moment de l'audience. Comme deuxième motif de résiliation, elle invoque que la locataire paie fréquemment son loyer en retard. Elle demande également l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel et les frais de justice.

[2]         Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020 au loyer mensuel de 625 $, reconduit jusqu’au 30 juin 2025.

APERÇU

Preuve de la locatrice  

[3]         Selon le mandataire de la locatrice, le loyer mensuel a été augmenté de 691 $ à 710 $ à compter du 1er juillet 2023.

[4]         Il explique avoir personnellement remis un avis d’augmentation du loyer à la locataire le 4 février 2023, tel qu’il appert de la signature sur le document soumis[1]. Le fils de la locataire, présent à l’audience, est celui qui a signé le document, la locataire ne signant jamais aucun document personnellement.

[5]         N’ayant reçu aucune réponse à cet avis, la locatrice estime que le loyer a valablement été augmenté de 13 $ par mois à compter du 1er juillet 2023.

[6]         Le mandataire de la locatrice soumet que la locataire doit donc la somme de 247 $ en loyer impayé depuis le mois de juillet 2023 (13 mois).


[7]         La locatrice invoque également que la locataire paie son loyer fréquemment en retard. Le loyer n’a pas été payé en totalité le premier jour du mois depuis le 1er juillet 2023.

[8]         Le mandataire de la locatrice ajoute que la locataire a valablement refusé l’augmentation demandée pour la période du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 et qu’aucune demande de fixation du loyer n’a été introduite auprès du Tribunal administratif du logement. L’avis de refus de l’augmentation de loyer demandée pour l’année 2024-2025 est produit.

Preuve de la locataire

[9]         La locataire croyait avoir refusé l’augmentation demandée par la locatrice.

[10]     Son fils Abdolkeem Moniir, présent à l’audience, admet avoir reçu l’avis d’augmentation en mains propres en février 2023 en présence de sa mère. Il nie toutefois l’avoir accepté.

[11]     Questionnée, la locataire admet de ne pas avoir la preuve de son refus de l’augmentation demandée pour l’année 2023-2024.

QUESTIONS EN LITIGE

1)          Quel est le loyer mensuel payable par la locataire?

2)          Des sommes sont-elles dues à la locatrice en loyer impayé?

3)          La locataire est-elle en retard de plus de trois semaines dans le paiement de son loyer?

4)          La locataire paie-t-elle son loyer fréquemment en retard, justifiant ainsi la résiliation du bail?

ANALYSE ET DÉCISION

Le fardeau de preuve

[12]     Le Tribunal juge pertinent de rappeler les articles 2803, 2804 et 2845 du Code civil du Québec qui prévoient que celui qui veut faire valoir un droit doit faire la preuve des faits allégués dans sa demande, et ce, de façon prépondérante.

[13]     La force probante de la preuve testimoniale est laissée à l'appréciation du Tribunal, qui, pour ce faire, évalue la crédibilité des témoignages à la lumière de la chronologie des événements, de ce qui apparaît de la motivation des parties à agir et de la corroboration des allégations par d'autres témoignages notamment.

[14]     Par conséquent, si, par rapport à un fait essentiel, la preuve offerte n'est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve est contradictoire et que le Tribunal est dans l'impossibilité de déterminer où se situe la vérité, la partie demanderesse perdra[2].

[15]     Comme le soulignent les auteurs Nadeau et Ducharme dans leur Traité de droit civil du Québec :

Celui sur qui repose l'obligation de convaincre le juge supporte le risque de l'absence de preuve, c'est-à-dire qu'il perdra son procès si la preuve qu'il a offerte n'est pas suffisamment convaincante ou encore si la preuve offerte de part et d'autre est contradictoire et que le juge est placé dans l'impossibilité de déterminer où se trouve la vérité[3].

Le loyer payable

[16]     Les articles 1942, 1945 et 1947 du Code civil du Québec stipulent ce qui suit :

1942. Le locateur peut, lors de la reconduction du bail, modifier les conditions de celui-ci, notamment la durée ou le loyer; il ne peut cependant le faire que s'il donne un avis de modification au locataire, au moins trois mois, mais pas plus de six mois, avant l'arrivée du terme. Si la durée du bail est de moins de 12 mois, l'avis doit être donné, au moins un mois, mais pas plus de deux mois, avant le terme.


Lorsque le bail est à durée indéterminée, le locateur ne peut le modifier, à moins de donner au locataire un avis d'au moins un mois, mais d'au plus deux mois.

Ces délais sont respectivement réduits à 10 jours et 20 jours s'il s'agit du bail d'une chambre.

1945. Le locataire qui refuse la modification proposée par le locateur est tenu, dans le mois de la réception de l'avis de modification du bail, d'aviser le locateur de son refus ou de l'aviser qu'il quitte le logement; s'il omet de le faire, il est réputé avoir accepté la reconduction du bail aux conditions proposées par le locateur.

Toutefois, lorsque le bail porte sur un logement visé à l'article 1955, le locataire qui refuse la modification proposée doit quitter le logement à la fin du bail.

1947. Le locateur peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s'adresser au tribunal dans le mois de la réception de l'avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s'il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures.

[17]     Dans la présente affaire, le Tribunal conclut que la prépondérance de preuve démontre que la locatrice a valablement remis en mains propres en février 2023 un avis portant le loyer mensuel à 710 $ pour la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024. La locataire n’ayant pas refusé les modifications proposées, elle est réputée les avoir acceptées.

Le recouvrement du loyer

[18]     La locatrice réclame la somme de 247 $, soit 13 $ par mois depuis le mois de juillet 2023.

[19]     Le Tribunal ayant déterminé que le loyer payable par la locataire depuis le 1er juillet 2023 étant de 710 $ plutôt que de 691 $, la locataire doit donc la somme réclamée.

[20]     Par imputation des paiements faits sur les dettes les plus anciennes, il s’agit d’un solde du loyer de juillet 2024.  

[21]     Au jour de l’audience, la locataire n’étant pas en retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer, la résiliation du bail n’est pas justifiée.

Les retards fréquents dans le paiement du loyer

[22]     Quant au deuxième motif de résiliation, la locatrice invoque les retards fréquents de la locataire à payer son loyer.

[23]     Pour obtenir cette conclusion, la loi impose qu’elle fasse la preuve de la fréquence desdits retards et également la preuve du préjudice sérieux que ceux-ci lui occasionnent.

[24]     Dans la présente affaire, considérant que les droits et les obligations des parties sont déterminés par la présente décision et considérant le principe fondamental du droit au maintien dans les lieux, le Tribunal ne peut conclure que le non-paiement de l’augmentation du loyer constitue des retards réguliers et continuels dans le paiement du loyer dont la fréquence de ces retards satisfait les critères de l'article 1971 C.c.Q. Cette partie de la demande est donc rejetée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[25]     ACCUEILLE en partie la demande de la locatrice;

[26]     DÉTERMINE que le loyer payable pour la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024 ainsi que du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 est de 710 $ par mois;

[27]     CONDAMNE la locataire à payer à la locatrice la somme de 247 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 1er juillet 2024, plus les frais judiciaires de 112,50 $;


[28]     REJETTE la demande quant au surplus et aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marilyne Trudeau

 

Présence(s) :

le mandataire de la locatrice

la locataire

Me Hugo Namy, avocat de la locataire

Date de l’audience : 

5 juillet 2024

 

 

 


 


[1] Pièce P-1.

[2] Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 6e édition, 2005, Wilson et Lafleur ltée, p. 62.

[3] Nadeau, André et Ducharme, Léo, vol. 9, 1965, Montréal, Wilson et Lafleur, pages 98 et 99.

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