CMC Électronique inc. c. Procureure générale du Québec |
2021 QCCS 3169 |
||||
COUR SUPÉRIEURE |
|||||
|
|||||
CANADA |
|||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||
DISTRICT DE |
QUÉBEC |
||||
|
|
||||
N° : |
200-17-030496-194 |
||||
|
|
||||
DATE : |
9 juin 2021 |
||||
______________________________________________________________________ |
|||||
|
|||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MARIE-PAULE GAGNON, J.C.S. |
|||
______________________________________________________________________ |
|||||
|
|||||
|
|||||
CMC ÉLECTRONIQUE INC. |
|||||
Demanderesse |
|||||
c. |
|||||
LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC, aux droits du MINISTÈRE DES TRANSPORTS DU QUÉBEC |
|||||
Défenderesse |
|||||
et |
|||||
VIKING AIR LIMITED |
|||||
Mise en cause |
|||||
|
|||||
______________________________________________________________________ |
|||||
|
|||||
JUGEMENT RECTIFIÉ sur demande en jugement déclaratoire et en nullité de contrat |
|||||
______________________________________________________________________ |
|||||
|
|||||
[1] CMC Électronique inc. (CMC), entreprise œuvrant dans l’industrie des pièces et des composantes électroniques, des solutions d’avionique et d’intégration de systèmes de postes de pilotage[1], demande au Tribunal de déclarer illégal le contrat octroyé de gré à gré en octobre 2019 par le ministère des Transports du Québec[2] (MTQ) à Viking Air Limited (Viking), pour la modernisation des équipements avioniques des avions-citernes CL-415[3].
[2] Elle allègue que le MTQ n’a pas respecté les exigences de la Loi sur les contrats des organismes publics[4] (LCOP), puisque ce contrat aurait dû faire l’objet d’un appel d’offres public. Elle reproche au MTQ, tant le processus menant à sa décision d’attribuer le contrat de gré à gré, que l’octroi du contrat sans appel d’offres. Elle précise que son recours constitue véritablement une demande en jugement déclaratoire et que le fardeau de prouver que l’application d’une dérogation à la règle relative à l’appel d’offres public repose sur le procureur général du Québec[5] (PGQ), qui a fait défaut de satisfaire à celui-ci. CMC fait finalement valoir que la nullité est le seul remède approprié dans les circonstances, même si son recours devait être qualifié de pourvoi en contrôle judiciaire.
[3] Le PGQ et la mise en cause Viking contestent vigoureusement la demande, invoquant l’application de la dérogation voulant qu’un contrat puisse être octroyé de gré à gré lorsqu’un seul contractant est possible en raison d’un droit de propriété ou d’un droit exclusif. Ils ajoutent que le recours introduit par CMC est en fait un pourvoi en contrôle judiciaire et que la décision du MTQ de ne pas procéder par appel d’offres, estimant qu’une modernisation satisfaisante des CL-415 nécessitait les données du manufacturier, est raisonnable. Le PGQ et Viking concluent ultimement que la nullité du contrat ne devrait de toute façon pas être prononcée pour des motifs d’intérêt public.
[4] Le Tribunal doit donc déterminer les questions en litige suivantes :
1. La demande en justice de CMC constitue-t-elle une véritable demande en jugement déclaratoire (article 142 du Code de procédure civile) ou plutôt un pourvoi en contrôle judiciaire (article 529 alinéa 2 du Code de procédure civile)? S’il s’agit plutôt d’un pourvoi en contrôle judiciaire, quelle est la norme de contrôle applicable?
2. Le processus ayant mené à la décision du MTQ d’attribuer le contrat de gré à gré à Viking au motif de l’application de l’exception prévue à l’article 13(20) de la LCOP et/ou la décision elle-même sont-ils légaux, suivant la norme de contrôle applicable, le cas échéant, ou suivant les critères d’analyse de la demande en jugement déclaratoire?
3. Si le Tribunal conclut à l’illégalité du processus et/ou de l’octroi du contrat à Viking, l’annulation du contrat doit-elle être prononcée et suivant quelles conditions?
[5] Le Tribunal conclut que la demande de CMC constitue une demande de pourvoi en contrôle judiciaire, sujette à la norme de contrôle de la décision raisonnable. Le Tribunal établit que le processus ayant mené à la décision et la décision du MTQ d’attribuer de gré à gré le contrat de modernisation des composantes avioniques à Viking sont déraisonnables. L’annulation du contrat n’est toutefois pas dans l’intérêt public. Voici pourquoi.
[6] Toute la preuve en l’instance est documentaire.
[7] Elle est constituée des différentes pièces produites de part et d’autre et de nombreuses déclarations sous serment et de transcriptions de notes sténographiques d’interrogatoires portant sur ces déclarations.
[8] Ainsi, les pièces P-1 à P-83, PGQ-1 à PGQ-49 et VAL-1 à VAL-13 ont été valablement produites de consentement.
[9] Les déclarations sous serment suivantes étayent les faits sur lesquels chacune des parties se repose aux fins de faire valoir sa position :
- Déclarations sous serment du représentant de CMC, Patrick Champagne, en date des 20 décembre 2019 et 23 janvier 2020;
- Déclarations sous serment d’un représentant du PGQ, Joël Rodrigue, en date des 13 et 30 janvier 2020 et 18 novembre 2020;
- Déclaration sous serment d’un autre représentant du PGQ, François Lemoyne, en date du 28 mai 2020[6];
- Déclarations sous serment du représentant de Viking, Gregory L. Davis, en date des 13 et 24 janvier[7], 7 février, 23 novembre et 4 décembre 2020[8].
[10] Les parties ont requis de consentement la mise sous scellés de certaines pièces, à savoir :
- Le contrat de vente des 8 CL-415 intervenu en 1992 entre le Gouvernement du Québec et Bombardier, pièce P-27[9];
- Le contrat de vente de tous les droits des avions amphibies de Bombardier du 17 juin 2016 intervenu entre Bombardier et Viking, pièces P-28 et VAL-1;
- Les informations transmises par Viking à CMC dans le cadre d’un appel d’offres de Viking, pièce VAL-12;
- Les comptes rendus des rencontres des 13 novembre, 27 novembre et 10 décembre 2018 qui traitent notamment de rencontres avec Viking ou d’analyses de la solution de Viking, pièce PGQ-38;
- Les différentes présentations de Viking au MTQ (7 décembre 2017, 16 avril 2018, 13 novembre 2018 et décembre 2018), sa proposition du 12 décembre 2018 et les notes de rencontres faisant état des différentes propositions de Viking (27 avril 2018 et 13 novembre 2018), pièce PGQ-37;
- L’autorisation du sous-ministre du MTQ du 26 février 2019 pour l’attribution du contrat de gré à gré à Viking, pièce PGQ-31[10];
- La proposition de Viking au MTQ en date du 12 avril 2019 pour son programme de modernisation des CL-415, pièce PGQ-33;
- La note administrative du 1er mai 2019, faisant état, aux termes de la section « Commentaires », de la proposition de Viking, pièce PGQ-29;
- L’entente de confidentialité entre le MTQ et Viking en date du 10 juin 2019, pièce PGQ-43;
- La proposition de Viking au MTQ en date du 5 septembre 2019 pour son programme de modernisation des CL-415, pièce PGQ-32;
- L’autorisation du sous-ministre du MTQ du 23 septembre 2019 pour l’attribution du contrat de gré à gré à Viking, pièces P-33 et PGQ-11 non caviardées se trouvant sur la clé USB[11];
- Le contrat pour la modernisation des composantes avioniques des CL-415 intervenu en octobre 2019 entre le MTQ et Viking, pièces P-34 et PGQ-12 non caviardée se trouvant sur la clé USB [12];
- Les preuves de transferts bancaires du MTQ à Viking en paiement du contrat, pièce PGQ-48;
- La présentation de Viking quant à l’état d’avancement du contrat avec le MTQ, pièce VAL-13.
[11] Elles ont aussi requis la mise sous scellés de certaines déclarations sous serment ou que certains paragraphes de certaines d’entre elles soient caviardés, à savoir :
- Le paragraphe 30 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue du 13 janvier 2020 (caviardage);
- Les paragraphes 8, 9 et 10 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue du 18 novembre 2020 (caviardage);
- Les déclarations sous serment de Gregory L. Davis des 24 janvier et 23 novembre 2020 (mise sous scellés);
- La déclaration sous serment de Joël Rodrigue du 18 novembre 2020 (mise sous scellés).
[12] L’article 11 du Code de procédure civile et l’article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne énoncent le principe de la publicité des débats judiciaires et des dossiers.
[13] Il est important de noter que ce principe de la publicité des débats « revêt une importance cruciale dans une société démocratique. Il garantit aux citoyens l’accès aux tribunaux, leur permettant ainsi de commenter le fonctionnement de ces institutions et les procédures qui s’y déroulent. L’accès du public aux tribunaux assure également l’intégrité des procédures judiciaires en ce que la transparence qu’il génère garantit que justice est rendue non pas de manière arbitraire, mais bien conformément à la primauté du droit »[13].
[14] Ce principe fondamental de notre droit « favorise la confiance du public dans la probité du système judiciaire et la compréhension de l'administration de la justice »[14].
[15] Le Tribunal peut faire exception à ce principe de la publicité par le biais d’une ordonnance de non-publication, de huis clos ou de mise sous scellés.
[16] L’article 12 du Code de procédure civile encadre de façon stricte les exceptions au principe, le Tribunal ne pouvant rendre une ordonnance de confidentialité que « s’il considère que l’ordre public, notamment (…) la protection d’intérêts légitimes importants » l’exige.
[17] L’arrêt Sierra Club du Canada c. Canada (Ministres des finances)[15] établit les conditions requises pour qu’une ordonnance de confidentialité soit rendue en matière commerciale : i) l’ordonnance doit être nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt commercial important, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter le risque et ii) les effets bénéfiques de l’ordonnance doivent l’emporter sur ses effets préjudiciables, notamment sur l’intérêt public dans la publicité des débats judiciaires.
[18] Qu’en est-il en l’espèce?
[19] Soulignons d’abord qu’il est acquis que CMC et Viking sont des concurrents. Ajoutons que le présent litige vise à annuler un contrat dans l’optique d’un éventuel appel d’offres public pour la modernisation des composantes avioniques des CL-415.
[20] Or, les pièces pour lesquelles on demande la mise sous scellés font référence à des informations techniques protégées vraisemblablement par des droits sur la propriété intellectuelle, à des propositions contractuelles de Viking au MTQ pour la modernisation des composantes avioniques des CL-415, incluant des prix, des modalités et des aspects techniques de la modernisation. Certaines font aussi référence à de l’information sur des tiers au présent litige. Ces informations sont traitées confidentiellement par Viking, qui bénéficie aussi d’une expectative de confidentialité de la part de ses contractants[16]. Il s’agit d’informations de la nature de secrets de commerce ou commercialement sensibles, sauf les sections autres que « Commentaires » de la pièce PGQ-29 et l’entente de confidentialité du 10 juin 2019, PGQ-43, qui n’appartiennent pas, selon le Tribunal, à cette catégorie d’informations.
[21] La divulgation de secrets de commerce ou d’informations sensibles serait grandement préjudiciable à Viking, ayant alors pour effet d’accorder à ses concurrents un avantage commercial à son détriment. Plus encore, dans un contexte où la présente décision pourrait conduire à un éventuel appel d’offres public pour la modernisation des CL-415, leur divulgation pourrait avantager d’éventuels soumissionnaires, dont CMC, et rompre l’équité entre les soumissionnaires[17]. Le juge Bernard Tremblay avait d’ailleurs ordonné la communication des pièces PGQ-5 et PGQ-11 sous pli cacheté[18].
[22] La production de certaines de ces pièces caviardées limite l’atteinte à la publicité des débats à ce qui est nécessaire pour protéger des intérêts légitimes importants. La demande de mise sous scellés paraît un remède proportionné. Aussi, la mise sous scellés des pièces mentionnées ci-avant est ordonnée, sauf quant aux sections autres que la section « Commentaires » de la pièce PGQ-29 et quant à la pièce PGQ-43, dont la divulgation ne sera pas préjudiciable à Viking, ni à un éventuel appel d’offres public.
[23] Pour les déclarations sous serment de Gregory L. Davis, le Tribunal est d’avis que seuls les paragraphes 15 à 18 de la déclaration sous serment du 23 novembre 2020 doivent être caviardés, puisqu’ils traitent de l’état d’avancement du contrat en cours. Les autres paragraphes des déclarations sous serment des 24 janvier et 23 novembre 2020 n’ont rien de confidentiels, ils ne font qu’exposer le caractère confidentiel des informations contenues dans les documents dont on demande la mise sous scellés, sans qu’il n’y ait aucune révélation compromettante.
[24] Finalement, le paragraphe 30 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue du 13 janvier 2020 et les paragraphes 8, 9 et 10 de celle du 18 novembre 2020 réfèrent à des modalités de paiement du contrat de modernisation des composantes avioniques des CL-415. Pour les motifs exposés quant aux pièces dont on demande la mise sous scellés, ils doivent être caviardés.
[25] La Direction générale du Service aérien gouvernemental (DGSAG), qui relève du MTQ, dispose notamment de 8 avions-citernes CL-415, acquis de Bombardier inc. (Bombardier) par le Gouvernement du Québec en 1992[19].
[26] Ces 8 avions-citernes servent à la lutte contre les feux de forêt au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde par le biais de la SOPFEU, qui a pour mission la prévention, la détection et l’extinction des incendies de forêt sur tout le territoire québécois[20].
[27] Plus largement, la flotte mondiale de CL-415 est de 64 appareils, propriété notamment de différents gouvernements[21].
[28] La désuétude de plusieurs composantes avioniques[22] des CL-415 est anticipée par le manufacturier dès 2009 ou 2012, alors que Bombardier envisage elle-même un projet de modernisation de ces composantes[23].
[29] D’importantes difficultés d’approvisionnement de pièces surviennent au fil du temps, la réparation de certaines d’entre elles devient aussi difficile. Vers 2012, les opérateurs de CL-415, dont le MTQ, commencent à connaître des problèmes concernant les équipements avioniques du poste de pilotage. Le support technique au niveau de la réparation et révision de ces équipements commence aussi à se faire de plus en plus rare[24].
[30] Le 17 juin 2016, Viking acquiert tous les droits des avions amphibies de Bombardier, incluant tous les droits exclusifs de propriété intellectuelle liés à la conception des avions CL-415[25]. Aussi, le 12 septembre 2016, Bombardier requiert du MTQ son consentement à la cession des contrats de CL-415 à Viking[26]. Aucune suite ne sera donnée à cette demande, ce qui ne fait pas obstacle, selon le Tribunal, aux droits de Viking.
[31] En août 2017, CMC signe un engagement de confidentialité au bénéfice de Viking selon lequel elle ne se servira des informations confidentielles que pour les fins du « Review Avionics Upgrade for Viking CL215T and CL415 Aircraft »[27]. Cet engagement intervient dans le cadre de la participation de CMC à un appel d’offres lancé par Viking en lien avec son programme de modernisation des CL-415[28].
[32] En décembre 2017, Viking, qui souhaite moderniser les CL-415, approche le Gouvernement du Québec[29]. Elle lui présente son programme de modernisation le 7 décembre 2017[30]. À ce moment, Viking entend travailler son programme de modernisation des CL-415 avec CMC ou Rockwell Collins, son choix n’est pas encore arrêté[31].
[33] C’est dans ce contexte que monsieur Robert Charbonneau a été mandaté par le MTQ, à compter du 12 mars 2018[32], afin : i) d’analyser la problématique de la désuétude des équipements avioniques dans le poste de pilotage du CL-415, ii) de faire état de la situation et recommander des solutions techniques, iii) d’organiser et présider des rencontres avec les experts du Service aérien et le partenaire SOPFEU, iv) de rédiger le cahier de charges, devis technique et autres clauses particulières pour un éventuel appel d’offres ou une négociation avec le fabricant du CL-415, et v) d’analyser les différents modes d’acquisition et recommander aux autorités le mode le plus adapté à la situation[33].
[34] Ainsi, le 22 mars 2018, une première rencontre intervient entre Robert Charbonneau et des représentants de la direction de la maintenance des aéronefs (DMA), afin de discuter du projet de modernisation des CL-415 de Viking et des démarches du MTQ visant à contrer les difficultés d’approvisionnement de pièces de rechange, de révision de composantes et du support technique des composantes avioniques[34].
[35] Le 13 avril 2018, une seconde réunion est tenue, à laquelle participe Robert Charbonneau et des représentants de la SOPFEU, de la DSAG et du ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs (MFFP). Robert Charbonneau décrit alors son rôle de coordonnateur et aborde le projet de modernisation des CL-415 de Viking. La question des droits d’auteur ou de propriété de Viking est dès lors soulevée, suggérant que la position de Viking à cet égard devra être connue[35].
[36] Le 27 avril 2018, Viking rencontre à sa demande les représentants du MTQ de la DSAG pour une session d’information[36]. On y indique alors que Viking est en processus d’appel d’offres pour la conception de son nouveau poste de pilotage et que le choix final n’est pas encore arrêté[37].
[37] Le 15 mai 2018, Robert Charbonneau fait le point sur l’état d’avancement du dossier de la modernisation avionique du poste de pilotage des CL-415 aux représentants de la DSAG, de la SOPFEU et du MFFP[38]. On y indique alors notamment que l’Ontario a refusé la solution de Viking pour la modernisation des CL-415. On y précise aussi qu’une rencontre avec la direction générale de l’expertise contractuelle (DGEC) sera tenue le 17 mai 2018 afin de discuter du mode d’acquisition à utiliser pour ce projet (par appel d’offres public, avec un avis d’intention ou négociations avec Viking)[39]. Il est finalement noté que dans l’intervalle on tentera de comprendre si la fin du processus d’appel d’offres en Ontario en 2012 relève d’une difficulté légale liée à la propriété intellectuelle ou davantage d’une question d’ordre politique.
[38] Le 17 mai 2018, Robert Charbonneau rencontre effectivement les représentants de la DGEC, du MTQ et de la DSAG. Ils s’interrogent afin de déterminer si Viking est vraiment le fournisseur unique. Robert Charbonneau indique à son compte rendu que certaines personnes ne croient pas que l’unicité du contractant ne se justifie pour une raison de droit d’auteur et qu’il est difficile de justifier que Viking soit un fournisseur unique. Il s’interroge aussi à savoir s’il est possible que Viking fasse éventuellement annuler un appel d’offres qui serait initié. On y indique également que l’appel d’offres serait un excellent moyen pour diminuer les coûts du projet et qu’un appel d’intérêt pourrait permettre de confirmer si les données de conception de l’avion qui appartiennent au manufacturier de celui-ci sont nécessaires[40].
[39] Le 23 mai 2018, Robert Charbonneau transmet un courriel à la DGEC proposant que certaines questions soient adressées à Viking : « 1. Viking permettrait-il à un ou des opérateurs de lancer un appel d’offres public dans le but d’obtenir les services d’un DAR (Design Approved Representative) pour la conception et la modernisation de l’avionique du poste de pilotage du CL415 2. Dans l’éventualité de restrictions ou d’objections, que seraient-elles [sic] 3. Quelles seraient les raisons? 4. L’option de vendre sous License [sic] certaines informations confidentielles est-elle acceptable pour Viking? »[41].
[40] Les 16 et 17 juillet 2018, il semble que le mode d’acquisition du projet de modernisation des composantes avioniques des CL-415 n’est toujours pas arrêté[42]. Le 16 juillet, Robert Charbonneau évoque d’ailleurs les différents scénarios par courriel à la DGEC et indique : « il sera difficile de justifier que Viking est le seul fournisseur et fournisseur unique pour développer une solution »[43].
[41] En date des 6 et 15 août 2018, le MTQ paraît toujours envisager l’appel d’offres public selon le devis technique révisé[44] et le projet de contrat de services techniques[45].
[42] Le 27 août 2018, Robert Charbonneau, chargé de projet du MTQ, informe Viking qu’il travaille à la description des besoins du MTQ quant à la modernisation des composantes avioniques des CL-415, dans le but de publier un appel d’offres public auquel le Gouvernement est tenu. Il demande à Viking de lui indiquer tout obstacle d’ordre légal à cette façon de faire, en référant à l’annulation d’un appel d’offres en 2012 en Ontario[46].
[43] Le même jour, Viking indique préliminairement au MTQ être la seule propriétaire de l’information requise pour moderniser les composantes avioniques du CL-415, incluant les manuels, et qu’ainsi Viking requerrait un contrat de licence avec le gagnant de l’appel d’offres[47].
[44] Le 28 août 2018, Viking répond officiellement au MTQ : i) la propriété intellectuelle relative aux avions appartient à Viking, ii) la propriété intellectuelle de Viking et les données qui lui appartiennent ne peuvent être partagées avec un tiers, à moins d’une entente de licence, sujette au paiement de royautés et iii) Viking est engagée à supporter le MTQ pour la modernisation des composantes avioniques des CL-415[48]. Cette lettre est transmise par courriel au MTQ le 29 août 2018[49].
[45] Le 29 août 2018, Robert Charbonneau répond à Viking : le MTQ reconnaît la propriété intellectuelle de Viking, mais ne croit pas que les données sont requises pour la modernisation des composantes avioniques. Il demande la documentation sur laquelle Viking se base pour conclure que les données sont requises ou la liste des équipements avioniques qui requièrent ces données[50].
[46] Le même jour, Viking transmet à Charbonneau un courriel : « I concede that it might be possible to develop a modification to an aircraft without the use of the manuals, but from a practical standpoint, I do feel it would be most difficult »[51]. Viking ne transmet aucune documentation ni liste d’équipements avioniques requérant les données du manufacturier pour procéder à leur modernisation.
[47] En septembre 2018, surviennent diverses discussions internes au MTQ sur le devis technique révisé qui réfère alors toujours à un appel d’offres[52].
[48] Le 11 septembre 2018, Robert Charbonneau, alors en discussion avec un représentant en Ontario du Ministry of Natural Resources and Forestry (MNRF), notamment relativement à l’appel d’offres pour la modernisation des CL-415 annulé en 2012, indique qu’il a de sérieux doutes quant à la nécessité des données de conception de l’avion ou des manuels pour procéder à la modernisation des composantes avioniques des CL-415. Il indique aussi que selon lui, Viking accepterait probablement de consentir une licence, mais à quel prix[53]? Le 14 septembre 2018, Mark Lawson du MNRF indique qu’en 2012, Viking avait refusé d’accorder au Gouvernement de l’Ontario une licence[54].
[49] Les 27 et 28 septembre 2018, des discussions interviennent entre Robert Charbonneau, Mario Legault et le chef du secteur avionique de la direction de la maintenance, dont la teneur n’est pas connue[55]. Ils auraient discuté vaguement du projet sans qu’aucune documentation n’ait été remise à Mario Legault[56].
[50] Le 5 novembre 2018, Viking informe le MTQ avoir choisi Rockwell Collins Fusion System pour son programme de modernisation des CL-415[57]. Il sollicite une rencontre avec le MTQ.
[51] Le 13 novembre 2018, une rencontre entre le sous-ministre, les représentants du MTQ, du MFFP et de Viking est tenue. Au cours de celle-ci, Viking présente son projet de modernisation des composantes avioniques des CL-415[58]. Il y est précisé que la solution intégrée a été retenue pour leur programme. Aucune décision n’est alors prise par le MTQ, des discussions internes étant requises.
[52] Le 14 novembre 2018, les représentants de la DSAG, de la DGCE et de la direction des affaires juridiques (DAJ) se rencontrent. Il est alors établi qu’une demande d’autorisation au sous-ministre sera complétée afin d’attribuer de gré à gré le contrat de modernisation des composantes avioniques des CL-415[59]. Le Tribunal ne bénéficie pas des échanges ayant conduit à cette décision.
[53] Lors d’une réunion du 27 novembre 2018, les représentants de la DMA, de la DSAG et de la direction des opérations se mettent d’accord pour l’attribution de gré à gré du contrat pour la modernisation des composantes avioniques des CL-415, vu les droits de propriété intellectuelle, sans plus de détail à cet égard[60].
[54] Le 27 novembre 2018, Robert Charbonneau transmet à Viking 2 courriels. Le premier pour demander à son interlocuteur de l’appeler sur réception du second à lui être transmis. Ce deuxième courriel à Viking demande une confirmation selon laquelle Viking est la seule propriétaire de la propriété intellectuelle pour un projet majeur tel que la modernisation des composantes avioniques des postes de pilotage des CL-415[61].
[55] C’est ainsi que le même jour, Viking réitère que la propriété intellectuelle des CL-415 leur appartient et se dit « uniquely positioned to undertake the development of major modifications to the aircraft, including the comprehensive upgrade to the aircraft’ avionics suite »[62].
[56] Le 10 décembre 2018, les représentants de la DSAG, du MFFP et de la SOPFEU se mettent tous d’accord pour demander l’autorisation au sous-ministre pour la négociation de gré à gré avec Viking relativement à la modernisation des composantes avioniques des CL-415[63]. On invoque alors la propriété intellectuelle de Viking que cette dernière a fait valoir quant à la modernisation des CL-415.
[57] Le 12 décembre 2018, Viking propose au MTQ d’être son client de lancement pour son programme de modernisation des composantes avioniques des CL-415[64].
[58] Le 19 décembre 2018, le conseil d’administration de la SOPFEU adopte une résolution pour conclure une entente de modernisation des équipements avioniques du poste de pilotage des CL-415 et qu’une lettre d’intérêt soit émise pour la solution de Viking[65].
[59] Au début 2019, CMC apprend ne pas avoir été retenue par Viking dans le cadre de son appel d’offres d’août 2017[66]. Par la suite, CMC communique avec Denis Germain, directeur général de la DGSAG, afin de l’informer de son intérêt à être un soumissionnaire potentiel[67].
[60] Le 26 février 2019, le sous-ministre du MTQ autorise l’attribution d’un contrat de modernisation des composantes avioniques des CL-415 à Viking, de gré à gré[68]. Les motifs alors allégués au soutien de la demande d’autorisation sont les suivants : droits de propriété intellectuelle de Viking sur les avions-citernes CL-415, aux droits de Bombardier, ainsi « Viking devenait la seule firme en mesure de concevoir la modernisation des équipements avioniques des avions citernes de type CL-415 », Viking n’entendant pas procéder à la vente de sa licence sur ses droits de propriété intellectuelle. On y précise qu’aucune autre recherche n’a été effectuée, puisque Viking détient les droits exclusifs de propriété.
[61] Le 7 mars 2019, se tient une rencontre préparatoire en vue du début des négociations avec Viking[69]. On y indique que des recherches doivent être entamées afin d’identifier un expert en négociation et un expert en évaluation de projet.
[62] Le 20 mars 2019, le MTQ transmet à Viking une lettre d’intention[70].
[63] Une première proposition est faite par Viking au MTQ en date du 12 avril 2019[71].
[64] En mai 2019, le MTQ lance un appel d’offres pour soutien professionnel à la négociation avec Viking. Le 30 mai 2019, Impact-Pro (9274-5184 Québec inc.) dépose sa soumission[72]. Un contrat avec Impact-Pro intervient le 4 juin 2019[73].
[65] Le 30 mai 2019, l’École nationale d’aéronautique du Cégep Édouard-Montpetit (l’ÉNA) dépose au MTQ une offre de services pour l’évaluation technique des modifications aux CL-415 proposées par Viking[74]. Un contrat est accordé à l’ÉNA.
[66] Le 10 juin 2019, une entente de confidentialité intervient entre le MTQ et Viking, en lien notamment avec la proposition de cette dernière du 20 mars 2019[75].
[67] Le 19 juin 2019, une rencontre se tient entre les représentants du MTQ et l’ÉNA[76].
[68] Le 11 juillet 2019, intervient une entente de licence entre Viking et le MTQ pour les manuels et la mise à jour de ceux-ci, rappelant les droits de propriété intellectuelle de Viking[77].
[69] Les négociations avec Viking débutent les 5 et 6 août 2019[78]. Elles se poursuivent par l’échange de différents courriels en août 2019[79] et des rencontres les 4 et 5 septembre 2019[80]. Une nouvelle proposition est d’ailleurs faite au MTQ par Viking en date du 5 septembre 2019[81].
[70] Le 11 septembre 2019, les représentants du MTQ conviennent de l’augmentation du prix de l’éventuel contrat avec Viking et de formuler une nouvelle demande d’autorisation au sous-ministre[82].
[71] Le 23 septembre 2019, le sous-ministre du MTQ autorise l’attribution du contrat de modernisation des composantes avioniques des CL-415 à Viking, de gré à gré[83]. Les motifs alors allégués au soutien de la demande d’autorisation sont les mêmes qu’en février 2019, à savoir : droits de propriété intellectuelle de Viking sur les avions-citernes CL-415, aux droits de Bombardier, ainsi « Viking devenait la seule firme en mesure de concevoir la modernisation des équipements avioniques des avions-citernes de type CL-415 », Viking n’entendant pas procéder à la vente de sa licence sur ses droits de propriété intellectuelle. On y précise à nouveau qu’aucune autre recherche n’a été effectuée puisque Viking détient les droits exclusifs de propriété.
[72] Le 26 septembre 2019, une rencontre interne est tenue pour le suivi du dossier de la modernisation des CL-415 au cours de laquelle un compte rendu de la rencontre du même jour avec Viking est fait[84].
[73] Les 10 et 11 octobre 2019, les négociations contractuelles avec Viking se poursuivent[85].
[74] Les 23 et 24 octobre 2019, le contrat pour la modernisation des composantes avioniques des CL-415 intervient entre Viking et le Gouvernement du Québec[86].
[75] Le 14 novembre 2019, le ministère des armées français, qui envisage la mise à hauteur avionique de ses 12 CL-415, publie un avis de pré-information annonçant son intention de lancer une procédure de mise en concurrence[87].
[76] Le 19 novembre 2019, le Gouvernement du Québec annonce la modernisation des CL-415 et la conclusion du contrat avec Viking[88].
[77] Le 22 novembre 2019, le Gouvernement du Québec publie sur son système électronique d’appel d’offres l’existence de ce contrat intervenu avec Viking[89]. On y précise qu’il s’agit d’un contrat de 56 151 060 $.
[78] Le 25 novembre 2019, Viking transmet une lettre au MTQ aux termes de laquelle on indique : « The Viking Intellectual Property is absolutly essential to be able to execute the program in a cost-effective way while assuring airworthlness and flight safety. In summary, I can assure you that by selecting Viking the Quebec Government has made the correct decision »[90].
[79] Le 20 décembre 2019, CMC introduit sa demande introductive d’instance en jugement déclaratoire et en nullité du contrat d’octobre 2019 intervenu entre Viking et le MTQ, dont le Tribunal est maintenant saisi.
[80] Depuis la conclusion du contrat, 1 CL-415 du Gouvernement du Québec est en possession de Viking[91]. Les travaux ont débuté et trois versements ont été faits à Viking les 29 octobre 2019, 20 décembre 2019 et le 29 octobre 2020[92].
[81] Un quatrième versement devait se faire en 2020 et deux versements d’ici la livraison du premier avion entre la fin 2021 et le début 2022[93].
[82] Finalement, d’autres versements monétaires sont à prévoir pour les travaux sur les 7 autres CL-415[94].
1. Le recours véritable en est un en contrôle judiciaire
Nature du recours
[83] Il est vrai que le recours entrepris par CMC vise un contrat qui possède les caractéristiques d’un contrat administratif, comme dans l’arrêt Ferme Vi-Ber inc. c. Financière Agricole du Québec[95]. Là s’arrête toutefois la similitude avec cet arrêt puisqu’en l’instance, il n’est pas question de l’interprétation du contrat dont on demande la nullité, laquelle interprétation ne serait pas, selon les enseignements de la Cour suprême, assujettie aux principes de la révision judiciaire en droit administratif. Il s’agit plutôt ici du recours d’un tiers au contrat, qui invoque que l’attribution de celui-ci est contraire aux règles de droit public en matière d’adjudication et d’attribution des contrats publics. C’est le respect du processus en amont du contrat qui est remis en doute par CMC et l’octroi sans appel d’offres public du contrat. CMC reproche au MTQ d’avoir conclu à tort à l’application de l’article 13(20) de la LCOP. Le processus pour arriver à cette conclusion est aussi jugé inadéquat par CMC.
[84] En l’espèce, la situation s’apparente davantage à celle qui prévalait dans l’arrêt Transport en commun La Québécoise inc. c. Réseau de transport métropolitain[96]. L’objet véritable du recours de CMC est de faire déclarer la nullité du contrat au motif que les règles d’ordre public applicables en matière d’octroi des contrats des organismes publics n’ont pas été respectées. Ces règles sont celles du droit public et relèvent du pouvoir général de contrôle judiciaire de la Cour supérieure sur une personne morale de droit public telle le MTQ.
Norme de contrôle
[85] Considérant que le recours de CMC est un pourvoi en contrôle judiciaire, le Tribunal doit déterminer la norme de contrôle applicable.
[86] À cet égard, la Cour suprême du Canada nous enseigne que la norme de la décision raisonnable est présumée trouver application, à moins qu’il s’agisse d’un cas où le législateur réfère clairement à une norme différente ou que la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte[97].
[87] Puisqu’aucune situation permettant de réfuter la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable ne prévaut[98], c’est celle-ci qui gouvernera la présente décision.
[88] La jurisprudence antérieure et postérieure à cet arrêt établit d’ailleurs que la norme de contrôle applicable aux décisions visant à déterminer le respect des règles de la LCOP ou de d’autres dispositions législatives semblables est celle de la décision raisonnable[99].
[89] Le Tribunal doit donc faire preuve d’une grande déférence et ne peut intervenir que dans la mesure où la décision « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence »[100].
[90] La Cour d’appel a récemment réitéré qu’aux termes de l’arrêt Vavilov, la « Cour suprême y souligne le rôle central des motifs et de la justification dans l’évaluation du caractère raisonnable d’une décision. Elle y exprime le souhait de favoriser le renforcement d’une « culture de la justification » »[101]. La décision raisonnable est celle fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent, justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles qui ont une incidence sur la décision[102].
[91] Rappelons finalement que c’est sur CMC que repose le fardeau de démontrer que la décision du MTQ d’octroyer le contrat sans appel d’offres public à Viking est déraisonnable[103].
[92] C’est à la lumière de ces principes que le Tribunal procède maintenant à l’analyse du caractère raisonnable du processus ayant conduit à la décision d’attribuer le contrat de gré à gré et de la décision du MTQ.
2. Le processus ayant conduit à la décision et la décision de procéder à l’attribution du contrat de gré à gré sont déraisonnables
La LCOP et ses exigences / contraintes juridiques
[93] Le premier alinéa de l’article 10 de la LCOP prévoit qu’un organisme public doit recourir à la procédure d’appel d’offres public pour l’octroi de tout contrat d’approvisionnement, de services ou de travaux de construction comportant une dépense supérieure à 100 000 $. Cette obligation « vise à favoriser la concurrence et à permettre au gouvernement de répondre à ses besoins au meilleur prix et ce, dans le meilleur intérêt de tous les contribuables »[104]. Elle assure aussi le respect du principe de l’égalité devant les services publics, tous les administrés qualifiés devant avoir le droit de contracter avec le Gouvernement ou plus largement avec l’Administration[105].
[94] Un tel contrat peut toutefois être conclu de gré à gré « lorsqu’un seul contractant est possible en raison d’une garantie, d’un droit de propriété ou d’un droit exclusif, tel un droit d’auteur ou un droit fondé sur une licence exclusive ou un brevet, (…) du bien ou du service requis »[106].
[95] Les tribunaux nous enseignent que la LCOP est une loi d’ordre public de direction[107]. L’exigence de l’appel d’offres public pour tout contrat d’approvisionnement, de services ou de travaux de construction comportant une dépense supérieure à 100 000 $ est impérative[108]. Les dérogations à la règle générale de l’appel d’offres public commandent une interprétation restrictive[109]. Il appartient à l’organisme public de démontrer l’application de l’une d’elles[110], bien que dans un contexte de contrôle judiciaire, le fardeau de démontrer que la décision du MTQ d’appliquer une exception au principe de l’appel d’offres public est déraisonnable appartient à CMC[111].
[96] En regard de l’exception relative à l’existence d’un seul contractant en raison d’une garantie, d’un droit de propriété ou d’un droit exclusif, certains auteurs paraissent conclure que l’organisme public doit être en mesure « de démontrer avoir mené des recherches sérieuses et documentées »[112]. À défaut de faire la preuve de cet exercice, préalablement à la conclusion du contrat, l’organisme public serait forclos de se prévaloir de cette exception[113].
[97] Il est toutefois vrai, comme le souligne le PGQ, que l’exception prévue à l’article 13(20) de la LCOP ne prévoit pas expressément l’exigence de cette recherche sérieuse et documentée, comme c’était le cas à l’article 12(40) du Règlement sur les contrats d’approvisionnement, de construction et de services des ministères et des organismes publics[114], maintenant abrogé, en litige dans l’affaire Savoir-faire Linux[115]. D’ailleurs, l’exception visée en l’instance, prévue alors aux termes de ce même règlement à l’article 12(70), ne prévoyait pas cette exigence.
[98] Le Tribunal est d’avis qu’en l’absence d’une disposition expresse requérant la recherche sérieuse et documentée, l’organisme public n’est pas pour autant dispensé d’une vérification sérieuse de l’existence des conditions requises pour l’application, en l’espèce, de l’article 13(20) de la LCOP. Comment une décision relative à l’unicité d’un contractant en raison d’une garantie, d’un droit de propriété ou d’un droit exclusif, prise sans vérification sérieuse quant aux effets de ces droits sur la capacité de d’autres contractants à réaliser le contrat, pourrait paraître raisonnable, alors que l’exercice d’analyse de la raisonnabilité de celle-ci dans le contexte d’un pourvoi en contrôle judiciaire commande que l’on s’attarde à la justification de la décision?
[99] Quant au caractère documenté de cette vérification, le Tribunal croit qu’en l’absence de disposition expresse, elle relève davantage de la preuve et de son évaluation.
[100] Finalement, soulignons que pour l’application de l’exception de l’article 13(20) de la LCOP, les conditions suivantes doivent être satisfaites : i) existence d’un droit de propriété ou d’un droit exclusif et ii) un seul contractant n’est possible en raison de ce droit de propriété ou droit exclusif. Le Tribunal note qu’il ne s’agit pas de déterminer si ce droit de propriété ou ce droit exclusif empêche un contractant d’être concurrentiel, mais plutôt s’il est ainsi empêché d’effectuer le contrat projeté. L’existence d’un droit de propriété intellectuelle ne suffit pas, ce droit doit empêcher tout autre contractant d’effectuer le contrat.
Les droits de propriété de Viking
[101] En l’espèce, l’article 10.8 du contrat entre Bombardier et le Gouvernement du Québec en 1992 prévoit que[116] :
10.8 Il est entendu entre les parties que toutes les publications, données, croquis ou autres informations publiées par la Société sont la propriété de la Société et que tous les droits, y compris les droits d’auteur, appartiennent à la Société et qu’ils devront être gardés en toute confidentialité par le Gouvernement et ne devront être dévoilés, utilisés ou transmis à une tierce partie sauf avec l’accord écrit au préalable de la Société et uniquement dans le but de permettre au Gouvernement d’entretenir, d’opérer et de réparer chaque CL-415 ou d’y faire réparer chaque avion CL-415 ou d’y faire toute installation ou changement permis, à la condition que la tierce partie s’engage par écrit à respecter et à faire respecter les dispositions de cette clause par ses administrateurs, officiers, employés, représentants, ainsi que des fournisseurs et sous-traitants, directs ou indirects, retenus pour effectuer le travail.
[102] Lors de l’acquisition en 2017 par Viking de tous les droits des avions amphibies de Bombardier, Viking acquiert tous les droits exclusifs de propriété intellectuelle liés à la conception des avions CL-415[117].
[103] Personne ne nie que Viking détienne la propriété intellectuelle sur les données techniques des CL-415. La conclusion du MTQ de l’existence d’un droit de propriété intellectuelle sur les données techniques du CL-415 paraît raisonnable. Reste à déterminer si le MTQ a raisonnablement conclu que ce droit empêchait tout autre contractant d’effectuer le contrat de modernisation des composantes avioniques du CL-415.
Viking n’est pas la seule contractante possible en raison de cette propriété intellectuelle
[104] Rien aux termes de la preuve administrée devant le Tribunal ne permettait au MTQ de conclure que les droits de propriété intellectuelle de Viking rendaient celle-ci la seule contractante possible pour la modernisation des postes de pilotage des CL-415, même s’il est vrai que CMC n’a pas démontré avoir déjà préalablement réalisé un contrat de modernisation de composantes avioniques sans qu’elle ne détienne aucune donnée au préalable[118].
[105] Au contraire, Viking elle-même confirme au MTQ ne pas être la seule contractante possible :
- Le 28 août 2018, Viking indique qu’un éventuel gagnant de l’appel d’offres devra conclure avec elle une entente de licence, sujette au paiement de royautés[119]. Elle ne dit pas qu’elle n’entend pas conclure une telle entente éventuellement, ni que l’appel d’offres n’est pas possible. Il est vrai que son intérêt à réaliser elle-même la modernisation des CL-415 ne fait pas de doute[120], mais le Tribunal ne croit pas que cet intérêt permette au MTQ de présumer qu’elle refusera de conclure une entente de licence, comme le fait Joël Rodrigue aux termes de ses déclarations sous serment des 13 et 30 janvier 2020[121]. Le MTQ n’a pas requis cette licence[122]. L’article 10.8 du contrat avec Bombardier prévoit d’ailleurs la possibilité pour le Gouvernement du Québec d’obtenir de Bombardier l’autorisation de communiquer les données à un tiers pour procéder à des changements sur les appareils, moyennant un engagement de confidentialité;
- En réponse au courriel du 29 août 2018 de Robert Charbonneau du MTQ qui indique ne pas croire que les données protégées par la propriété intellectuelle de Viking soient requises pour la modernisation des composantes avioniques des CL-415 et demandant la documentation sur laquelle Viking se base pour conclure que les données sont requises ou la liste des équipements avioniques qui requièrent ces données[123], Viking indique : « I concede that it might be possible to develop a modification to an aircraft without the use of the manuals, but from a practical standpoint, I do feel it would be most difficult »[124] [Soulignements ajoutés]. Viking ne transmet aucune documentation ni liste d’équipements avioniques requérant les données du manufacturier pour procéder à leur modernisation;
- Le 27 novembre 2018, invitée à confirmer au MTQ qu’elle est la seule contractante possible pour la modernisation des CL-415, Viking se dit « uniquely positioned to undertake the development of major modifications to the aircraft, including the comprehensive upgrade to the aircraft’ avionics suite » [Soulignement ajouté][125];
- Le 25 novembre 2019, Viking transmet une lettre au MTQ aux termes de laquelle on indique : « The Viking Intellectual Property is absolutly essential to be able to execute the program in a cost-effective way while assuring airworthlness and flight safety. In summary, I can assure you that by selecting Viking the Quebec Government has made the correct decision » et quant au Transport Canada Civil Aircraft Type Certificate Holder et au Registered OEM manufacturer, Viking ajoute : « Viking will only provide access to data to organizations that meet our commercial and technical requirements »[126] [Soulignement ajouté];
- Gregory L. Davis allègue aux termes de sa déclaration sous serment du 13 janvier 2020 : « it is not feasible nor practical for a third party to recreate this data in a timely and cost-effective manner »[127] [Soulignement ajouté];
- Gregory L. Davis allègue également aux termes de sa déclaration sous serment du 7 février 2020 : « reverse engineering (…), is very long and expensive for anyone who does not possess the data of the Aircraft »[128] [Soulignement ajouté];
- Gregory L. Davis allègue finalement aux termes de sa déclaration sous serment du 23 novembre 2020 : « it [ reverse engineering] would take a tremendous effort to accomplish and add and enormous cost and amount of time to the schedule for any potential competitor »[129] et « (…) proceed by reverse engineering the information, which would add a costly and time-consuming step to the aircraft avionics modernization process (…) »[130].[Soulignement ajouté]
[106] Ainsi, Viking, la personne la plus intéressée à obtenir le contrat avec le MTQ de gré à gré, et la propriétaire de la propriété intellectuelle, confirme que la modernisation des composantes avioniques des postes de pilotage est possible par d’autres contractants. Elle le confirme avant l’attribution du contrat par le MTQ, mais aussi après et même à la suite de l’introduction de la demande introductive d’instance. Elle démontre aussi une ouverture quant à une éventuelle licence au bénéfice de tiers.
[107] Au surplus, au début de l’année 2019, avant l’attribution du contrat à Viking sans appel d’offres, CMC communique avec Denis Germain, directeur général de la DGSAG, afin de l’informer de son intérêt à être un soumissionnaire potentiel pour la modernisation des postes de pilotage des CL-415[131]. Le MTQ avait alors une information selon laquelle un autre contractant s’estimait en mesure de procéder à la modernisation des postes de pilotage des CL-415.
[108] Le Tribunal doit aussi souligner que Robert Charbonneau, mandaté expressément par le MTQ pour notamment analyser les différents modes d’acquisition et recommander aux autorités le mode le plus adapté à la situation[132], doute que Viking soit la seule contractante possible :
- Le 17 mai 2018, Robert Charbonneau rencontre les représentants de la DGEC, du MTQ et de la DSAG. Ils s’interrogent afin de déterminer si Viking est vraiment le fournisseur unique. Robert Charbonneau indique à son compte rendu de la réunion que certaines personnes ne croient pas que l’unicité du contractant ne se justifie pour une raison de droit d’auteur et qu’il est difficile de justifier que Viking soit un fournisseur unique[133]. Plus encore, il entrevoit un processus d’appel d’intérêt comme un moyen de répondre à la question de savoir si les données de conception de l’avion CL-415 sont requises pour le projet de modernisation des appareils;
- Le 16 juillet 2018, Robert Charbonneau évoque les différents scénarios d’attribution du contrat par courriel à la DGEC et indique : « il sera difficile de justifier que Viking est le seul fournisseur et fournisseur unique pour développer une solution »[134];
- Le 28 août 2018, Robert Charbonneau informe Viking que le MTQ procèdera par appel d’offres, mais demande si Viking y voit un empêchement légal[135];
- Le 29 août 2018, Robert Charbonneau transmet à Viking un courriel indiquant ne pas croire que les données protégées par la propriété intellectuelle de Viking soient requises pour la modernisation des composantes avioniques des CL-415. Il demande la documentation sur laquelle Viking se base pour conclure que les données sont requises ou la liste des équipements avioniques qui requièrent ces données;
- Aucune documentation n’est transmise par Viking au MTQ pour établir que les données sont requises pour la réalisation de la modernisation des composantes avioniques du CL-415, aucune liste des équipements avioniques qui requièrent ces données n’est transmise ou du moins mise en preuve devant le Tribunal;
- Le 11 septembre 2018, Robert Charbonneau, alors en discussion avec un représentant en Ontario du Ministry of Natural Resources and Forestry (MNRF), notamment relativement à l’appel d’offres pour la modernisation des CL-415 annulé en 2012, indique qu’il a de sérieux doutes quant à la nécessité des données de conception de l’avion ou des manuels pour procéder à la modernisation des composantes avioniques des CL-415. Il indique aussi que selon lui, Viking accepterait probablement de consentir une licence, mais à quel prix[136]?
[109] Rien dans la preuve ne permet d’expliquer comment les doutes de Robert Charbonneau ont été dissipés. D’ailleurs, il ne souscrit aucune déclaration sous serment en l’instance. Les déclarations sous serment de Joël Rodrigue, représentant de la DGSAG, sont silencieuses quant à une explication quelconque relative aux interrogations soulevées par Robert Charbonneau et quant aux réponses obtenues.
La déraisonnabilité de la décision
[110] Le Tribunal est d’avis que le raisonnement suivi par le décideur, le MTQ, est déraisonnable, puisque la conclusion tirée ne peut prendre sa source dans l’analyse effectuée par le MTQ[137] et parce qu’elle n’est pas justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles[138]. Le processus suivi pour parvenir à sa conclusion n’est pas non plus raisonnable.
[111] En effet, tel que mentionné précédemment, le MTQ est informé par Viking et CMC que Viking n’est pas la seule contractante possible. Que la réalisation du contrat de modernisation des composantes avioniques du CL-415 soit plus difficile pour des potentiels contractants qui ne détiennent pas les informations protégées par la propriété intellectuelle de Viking, que ce soit plus long ou plus coûteux n’est pas le critère applicable de l’article 13(20) de la LCOP. Il faut que le contractant soit le seul « possible ». C’est l’appel d’offres public qui permet de mettre les potentiels contractants en concurrence et c’est celui-ci qui déterminera si effectivement Viking soumet le meilleur prix et des conditions avantageuses. Cet exercice de comparaison des coûts et autres caractéristiques des contractants ou de leurs méthodes ne doit pas être fait en amont pour justifier l’attribution de gré à gré d’un contrat. D’ailleurs, le Tribunal souligne que le marché pourrait répondre à l’appel d’offres en proposant une solution à la modernisation des composantes avioniques des CL-415 qui n’a pas été envisagée par Viking, le MTQ ou CMC[139].
[112] Contrairement à ce qui est invoqué aux termes des autorisations sous-ministérielles[140], Viking n’est pas la seule contractante possible, de l’aveu même de Viking, celle qui a le plus grand intérêt à soutenir le contraire. Au surplus, Viking n’a pas refusé de consentir une licence à un éventuel autre contractant, elle n’a qu’avisé le MTQ qu’une telle licence emporterait paiement de royautés[141] et qu’elle avait l’intérêt à réaliser le projet de modernisation des composantes avioniques des CL-415. Le MTQ n’a même pas requise cette licence.
[113] Le raisonnement du MTQ aux termes des autorisations sous-ministérielles ne « se tient » pas, il est circulaire : parce que Viking détient des droits de propriété intellectuelle sur les données techniques des CL-415, « par le fait même » elle est la seule contractante possible[142] et ainsi on ne fait pas d’ « autre recherche »[143]. Si l’exception de l’article 13(20) de la LCOP ne reposait que sur l’existence de droits de propriété intellectuelle, le législateur n’aurait pas précisé qu’en raison de ces droits, un seul contractant n’est possible. Le MTQ ne pouvait ignorer que Viking et CMC estimaient que d’autres contractants étaient possibles pour la réalisation de ce projet de modernisation, Robert Charbonneau mandaté par le MTQ le croyait aussi.
[114] De la même façon, l’argument selon lequel les droits de Viking sur les données techniques des CL-415 l’empêchent de les utiliser pour l’élaboration d’un appel d’offres à moins d’un accord avec Viking[144] ne témoigne pas d’un empêchement de procéder à un appel d’offres public pour la modernisation des composantes avioniques des CL-415. D’ailleurs, cet argument n’est pas évoqué aux termes des autorisations sous-ministérielles[145], ni des pièces produites, précédant l’attribution du contrat de gré à gré à Viking, mais seulement aux termes des déclarations sous serment de Joël Rodrigue déposées à l’encontre du pourvoi en l’instance.
[115] Le Tribunal ne bénéficie pas des motifs du MTQ, à l’époque contemporaine à sa décision d’attribuer le contrat de modernisation des composantes avioniques des CL-415 à Viking de gré à gré, l’ayant conduit, le cas échéant, i) à conclure à la nécessité des données techniques pour la réalisation du contrat projeté ou de l’appel d’offres, ii) à écarter les réponses de Viking selon lesquelles la modernisation par d’autres contractants était possible, iii) à écarter que CMC, qui avait signifié au début de l’année 2019 son intérêt à participer à un éventuel appel d’offres pour la modernisation des composantes avioniques des CL-415, puisse réaliser le contrat projeté et iv) à écarter la possibilité d’octroi d’une licence par Viking.
[116] Le Tribunal constate l’absence d’explication relativement à ces éléments et ceux ayant permis de dissiper les doutes de Robert Charbonneau selon lesquels Viking ne serait pas la seule contractante possible, que ce soit à l’époque ou aux termes des déclarations sous serment du représentant du MTQ aux termes du présent pourvoi.
[117] D’ailleurs, les autorisations sous-ministérielles indiquent spécifiquement qu’aucune recherche pour déterminer si Viking est la seule à pouvoir réaliser le contrat n’a été faite à l’époque, puisque le MTQ considérait que la réponse de Viking du 28 août 2018, indiquant qu’elle détenait la propriété intellectuelle sur les données techniques des CL-415, jumelée à l’absence d’intention de Viking de céder ses droits, qui n’est pas supportée par la preuve[146], engendrait cette impossibilité pour les autres de réaliser le projet envisagé[147]. Le MTQ faisait alors fi des informations obtenues de Viking, CMC et des constats de son mandataire Robert Charbonneau.
[118] Au surplus, le Tribunal est d’avis que le MTQ a fait défaut de faire un exercice sérieux et raisonnable de validation, alors qu’il choisit de s’en remettre à Viking afin de déterminer si les droits de propriété intellectuelle de celle-ci font d’elle la seule contractante possible. Viking a évidemment tout intérêt à obtenir le contrat de gré à gré et s’en remettre à son opinion ne peut constituer qu’un processus irrationnel et illogique. Le Tribunal note aussi que le MTQ mandate l’expert pour l’évaluation technique des modifications aux CL-415 plusieurs mois postérieurement à la première autorisation sous-ministérielle d’attribuer le contrat de gré à gré à Viking[148], ce n’est donc pas cet expert qui a pu éclairer le MTQ quant à la possibilité ou non de contractants autres que Viking pour la modernisation des composantes avioniques des CL-415. Finalement, le MTQ ne requiert pas de licence de Viking, se contentant de présumer que sa demande serait refusée en raison de l’intérêt de Viking à réaliser le projet de modernisation. Ces éléments additionnels amènent le Tribunal à perdre confiance dans le résultat obtenu[149]. Cette façon de faire ajoute à la déraisonnabilité de la décision du MTQ.
[119] Viking invite le Tribunal à la déférence, invoquant habilement que le Tribunal ne doit pas remettre en question la décision du MTQ d’exclure la rétro-ingénierie pour son processus de modernisation des composantes avioniques des postes de pilotage des CL-415, ajoutant qu’il ne revient pas aux tribunaux de juger des questions d’opportunité. Or, l’analyse du Tribunal ne doit pas se situer à ce niveau puisque : i) le MTQ n’a lui-même pas analysé cette possibilité de rétro-ingénierie avant l’attribution du contrat à Viking, se contentant de conclure que l’existence de droits de propriété intellectuelle engendrait l’impossibilité pour d’autres contractants de réaliser le projet envisagé à la lumière de la correspondance de Viking du 28 août 2018, qui n’indique pas cette impossibilité[150], ii) l’exclusion de la rétro-ingénierie par le MTQ pour la modernisation des composantes avioniques des CL-415 ne constitue pas une justification avancée par le MTQ pour l’attribution du contrat de gré à gré et iii) c’est l’existence d’un seul contractant possible qui fait l’objet de l’article 13(20) de la LCOP et non les méthodes de réalisation de l’éventuel contrat.
[120] Le PGQ insiste sur le fait que CMC n’est pas parvenue à démontrer que le processus de rétro-ingénierie lui permettrait de réaliser le processus de modernisation des composantes avioniques des CL-415 et qu’elle n’a jamais réalisé un contrat de modernisation sans les données de l’aéronef[151]. Ainsi, le PGQ soutient que ce constat permet de conclure que le MTQ pouvait raisonnablement conclure que les droits de Viking empêchaient un autre contractant de réaliser le contrat. Or, CMC n’a pas le fardeau de faire la démonstration qu’elle peut réaliser le contrat sans les données techniques des CL-415. C’est la décision du MTQ qui fait l’objet de l’analyse du Tribunal dans le cadre du pourvoi en contrôle judiciaire, c’est elle qui doit être raisonnable et qui ne l’est pas pour les motifs exprimés ci-avant.
[121] La déraisonnabilité de la décision du MTQ de procéder par attribution de gré à gré du contrat de modernisation des composantes avioniques des CL-415 devrait-elle emporter la réparation sollicitée par CMC? L’annulation du contrat doit-elle être ordonnée?
3. L’annulation du contrat ne doit pas être prononcée
[122] Il est nécessaire de rappeler que le pourvoi en contrôle judiciaire est un recours discrétionnaire qui peut être rejeté, même si les justiciables paraissent y avoir droit[152]. C’est le cas notamment lorsque l’intervention n’est pas opportune puisque donner suite aux conclusions recherchées causerait des inconvénients majeurs[153] ou lorsque celles-ci revêtent un caractère excessif[154].
[123] Ce pouvoir discrétionnaire du Tribunal de refuser les conclusions recherchées ou partie de celles-ci doit être exercé avec la plus grande diligence en raison de la primauté du droit, en tenant compte notamment de la prépondérance des inconvénients[155].
[124] En l’espèce, la preuve révèle qu’au moment de l’instruction, la réalisation du contrat est avancée : i) la conception est achevée à 100 %[156], ii) la fabrication des équipements à installer sur les appareils est achevée à 60 %[157], iii) l’installation des équipements sur l’appareil prototype est achevée à 18 %[158], et iv) la certification, soit la dernière étape de la modernisation, est achevée à 20 %[159].
[125] Le premier CL-415 doit être livré au MTQ à la fin de l’année 2021 ou au début de l’année 2022[160]. Le paiement de sommes considérables a déjà été fait[161].
[126] Comme dans l’affaire Savoir-faire Linux[162], il ne serait pas, dans les circonstances de l’espèce, raisonnable d’annuler rétroactivement le contrat de modernisation des composantes avioniques des CL-415, ni d’annuler seulement le contrat pour les 7 autres avions-citernes. L’avancement des travaux paraît significatif, le prototype sera livré d’ici quelques mois. L’annulation du contrat impliquerait des travaux pour remettre le CL-415 dans son état préalable. Au surplus, bien que l’on ait pu penser pouvoir dissocier les travaux pour chacun des avions, cet exercice serait particulièrement difficile : i) l’état d’avancement de la fabrication des équipements pour tous les avions étant achevé à 60 % lors de l’instruction et ii) des enjeux de propriété intellectuelle pouvant être soulevés.
[127] L’annulation du contrat emporterait de longs délais à la modernisation des CL-415 dont la nécessité n’est pas contestée, alors que la réalisation du contrat est entamée depuis maintenant près de 2 ans. Le MTQ devrait procéder à un exercice valable afin de déterminer si l’appel d’offres public est requis et le cas échéant, devrait préparer cet appel d’offres et procéder à celui-ci avec les délais que cela comporte. Nous ne pouvons évidemment connaître l’issue d’un tel appel d’offres. Le retour du CL-415, dit prototype, non modernisé, pourrait aussi requérir un certain temps, alors que le MTQ est déjà privé de cet appareil depuis plusieurs mois.
[128] Pour reprendre les propos du juge Michel Yergeau dans l’affaire Compagnie de recyclage de papiers MD[163], cette annulation constituerait « un remède pire pour les contribuables que le mal à soigner ».
[129] Le Tribunal estime toutefois qu’il est juste et nécessaire de faire droit aux conclusions déclaratoires recherchées, légèrement modifiées. Une conclusion déclaratoire est aussi ajoutée, laquelle découle du rejet de la demande en annulation du contrat.
[130] ORDONNE que les pièces P-27, P-28, VAL-1, VAL-12, PGQ-38, PGQ-37, PGQ-31, PGQ-33, PGQ-32, PGQ-11 non caviardée se trouvant sur la clé USB des pièces du PGQ, P-34, PGQ-12 non caviardée se trouvant sur la clé USB des pièces du PGQ, PGQ-48 et VAL-13 soient conservées au dossier, jusqu’à leur retrait par les parties, sous scellés, avec accès limité aux avocats des parties en l’instance, à moins d’une ordonnance du Tribunal à la suite d’une demande pour laquelle les parties auront été avisées afin de faire valoir leur point de vue;
[131] ORDONNE que la section « Commentaires » de la pièce PGQ-29 soit caviardée et la pièce PGQ-29 non caviardée soit conservée au dossier, jusqu’à son retrait par les parties, sous scellés, avec accès limité aux avocats des parties en l’instance, à moins d’une ordonnance du Tribunal à la suite d’une demande pour laquelle les parties auront été avisées afin de faire valoir leur point de vue;
[132] DÉCLARE confidentielles
les pièces P-27, P-28, VAL-1, VAL-12, PGQ-38, PGQ-37, PGQ-31,
PGQ-33, PGQ-29 (section « Commentaires »), PGQ-32, PGQ-11 non caviardée se
trouvant sur la clé USB des pièces du PGQ, P-34, PGQ-12 non caviardée se
trouvant sur la clé USB des pièces du PGQ, PGQ-48
et VAL-13;
[132a] ORDONNE que soient caviardés les paragraphes indiqués ci-après des déclarations sous serment suivantes :
- paragraphe 30 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue du 13 janvier 2020;
- paragraphes 8, 9 et 10 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue du 18 novembre 2020;
-
paragraphes 15 à 18
de la déclaration sous serment de Gregory L. Davis du 23 novembre 2020;
[132b] ORDONNE que les déclarations sous serment
de Joël Rodrigue des 13 janvier et 18 novembre 2020 et celle de Gregory L.
Davis du 23 novembre 2020, non caviardées, soient conservées au dossier, sous
scellés, avec accès limité aux avocats des parties en l’instance, à moins d’une
ordonnance du Tribunal à la suite d’une demande pour laquelle les parties
auront été avisées afin de faire valoir leur point de vue;
[132c] DÉCLARE confidentiels les paragraphes indiqués ci-après des déclarations sous serment suivantes :
- paragraphe 30 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue du 13 janvier 2020;
- paragraphes 8, 9 et 10 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue du 18 novembre 2020;
- paragraphes 15 à 18 de la déclaration sous serment de Gregory L. Davis du 23 novembre 2020;
[133] DÉCLARE que le ministère des Transports du Québec a agi illégalement à l’automne 2019, en omettant de procéder à un appel d’offres conformément à la Loi sur les contrats des organismes publics en ce qui concerne le contrat pour la « modernisation des équipements avioniques du poste de pilotage du CL-415 » pour les appareils qu’il détient;
[134] DÉCLARE que le ministère des Transports du Québec ne pouvait, à l’automne 2019, se prévaloir de l’exception prévue à l’article 13(20) de la Loi sur les contrats des organismes publics en ce qui concerne le contrat pour la « modernisation des équipements avioniques du poste de pilotage du CL-415 » pour les appareils qu’il détient;
[135] DÉCLARE que le ministère des Transports du Québec ne pouvait, à l’automne 2019, attribuer sans appel d’offres un contrat à Viking Air Limited pour la « modernisation des équipements avioniques du poste de pilotage du CL-415 » pour les appareils qu’il détient;
[136] REJETTE la demande de nullité du contrat octroyé de gré à gré par le ministère des Transports du Québec à Viking Air Limited les 23 et 24 octobre 2019 pour la « modernisation des équipements avioniques du poste de pilotage du CL-415 » pour les appareils qu’il détient;
[137] Avec frais de justice, à l’encontre de la défenderesse.
|
|
||
|
__________________________________MARIE-PAULE GAGNON, j.c.s. |
||
|
|||
|
|||
Me Pierre Duquette Me Marie Cossette |
|||
Norton Rose Fulbright |
|||
Casier 92 |
|||
|
|||
Avocats de la demanderesse |
|||
|
|||
|
|||
Me Annick Dupré Me Marie-Louise Bernier Me Geneviève Simard-Côté |
|||
Lavoie-Rousseau (Ministère de la justice) |
|||
Casier 134 |
|||
|
|||
Avocates de la défenderesse |
|||
|
|||
|
|||
Me AndréAnne Fortin Me Jean-Benoît Pouliot |
|||
Langlois avocats |
|||
Casier 115 |
|||
|
|||
Avocats de la mise en cause |
|||
|
|||
Dates de l’instruction : |
7 et 8 décembre 2020 |
||
[1] Pièces P-1, P-12 et P-13.
[2] Aussi connu à une certaine période sous le nom de ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports, mais toujours indiqué aux termes du présent jugement comme étant le MTQ.
[3] Pièces PGQ-12 et P-34.
[4] RLRQ, c. C-65.1.
[5] Au moment de l’introduction des procédures, il s’agissait d’une procureure générale, c’est désormais un procureur général, aussi le Tribunal utilisera aux termes du présent jugement l’expression le PGQ.
[6] Aucun argument n’est tiré par la demanderesse des faits rapportés par ce témoin; la demanderesse ne soulève pas l’absence en temps opportun de la transmission au Conseil du trésor de l’autorisation de procéder à l’attribution du contrat sans que Viking soit autorisée par l’Autorité des marchés publics (puisque Viking n’a pas d’établissement au Québec et que le contrat ne se réalisera pas au Québec).
[7] Cette déclaration sous serment porte sur la confidentialité de certaines pièces.
[8] Cette déclaration sous serment porte aussi sur la confidentialité de certaines pièces.
[9] Le dépôt de cette pièce caviardée, PGQ-5, ne requiert pas la mise sous scellés, cependant la pièce PGQ-5 de la clé USB n’est pas caviardée et requiert une mise sous scellés.
[10] Le dépôt de cette pièce caviardée, P-32, ne requiert pas la mise sous scellés.
[11] Le dépôt de cette pièce caviardée, PGQ-11, sauf quant à la clé USB, ne requiert pas la mise sous scellés.
[12] Le dépôt de cette pièce caviardée, PGQ-12, sauf quant à la clé USB, ne requiert pas la mise sous scellés.
[13] Société Radio-Canada c. Canada (Procureur général), [2011] 1 R.C.S. 19, par. 1; voir aussi l’arrêt S. c. Lamontagne, 2020 QCCA 663, par. 12 à 15, qui rappelle aussi ces principes.
[14] Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 480, par. 22 et 23.
[15] [2002] 2 R.C.S. 522, par. 53.
[16] Paragraphe 6 de la déclaration sous serment de Gregory L. Davis en date du 24 janvier 2020; paragraphes 8, 9 et 10 de la déclaration sous serment de Gregory L. Davis en date du 23 novembre 2020; déclaration sous serment de Gregory L. Davis en date du 4 décembre 2020.
[17] Gauthier c. Bombardier inc., 2019 QCCS 4555, par. 42 c).
[18] Jugement du 29 janvier 2020.
[19] Pièces PGQ-5 et P-27 et paragraphe 10 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 13 janvier 2020.
[20] Pièces P-3, PGQ-1 et PGQ-2 et paragraphes 4, 5 et 6 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 13 janvier 2020.
[21] Pièce P-43, p. 1.
[22] Les composantes avioniques sont les équipements électriques et électroniques notamment utilisés pour la navigation, les communications et les divers systèmes d’alimentation et de contrôle de l’avion; paragraphe 12 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 13 janvier 2020.
[23] Pièce P-24, p. 28 et 29; paragraphe 13 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 13 janvier 2020.
[24] Pièce P-43, p.1 et paragraphe 15 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 13 janvier 2020.
[25] Pièces P-28 et VAL-1.
[26] Pièces PG-6 et P-29.
[27] Pièce PGQ-47.
[28] Pièce PGQ-23, p. 11 à 16.
[29] Pièce P-24, p. 27, 31 et 32.
[30] Pièces P-36 et PGQ-37.
[31] Pièces P-36 et PGQ-37.
[32] Contrat du 10 avril 2018, avec effet rétroactif au 12 mars 2018.
[33] Pièces PGQ-34 et P-37; paragraphe 3 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue du 30 janvier 2020.
[34] Pièce P-38.
[35] Pièce P-39.
[36] Pièces P-40, P-41 et PGQ-37.
[37] Pièce P-41.
[38] Pièce P-42.
[39] Idem.
[40] Pièce P-43.
[41] Pièce P-44, p. 3 et 4.
[42] Pièce P-44, p. 1 et 2.
[43] Idem.
[44] Pièces P-49, p. 2 et suivantes et PGQ-25.
[45] Pièces P-46 et PGQ-25.
[46] Pièces PGQ-7, PG-8, p. 4, PGQ-27, PGQ-36 et P-47, p. 4; paragraphe 17 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 13 janvier 2020; paragraphe 5 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 30 janvier 2020.
[47] Pièces PG-8, p. 3, PGQ-27, PGQ-36 et P-47, p. 3; paragraphe 18 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 13 janvier 2020; paragraphe 6 de la déclaration sous serment de Gregory L. Davis en date du 13 janvier 2020.
[48] Pièces PGQ-9, PGQ-27, P-48, p. 4 et VAL-2; paragraphe 19 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 13 janvier 2020.
[49] Pièces PGQ-8, p. 1, PGQ-27, PGQ-36, P-47, p. 2 et P-48, p. 1; paragraphe 7 de la déclaration sous serment de Gregory L. Davis en date du 13 janvier 2020.
[50] Pièces P-47, p. 2 et PGQ-27.
[51] Pièces P-47, p. 1 et PGQ-27.
[52] Pièce P-50, p. 4 et suivantes.
[53] Pièce P-52.
[54] Pièces P-52, p. 1 et PGQ-30.
[55] Pièce P-54.
[56] Pièces P-54, P-24, p. 172 à 175, P-25 et EJR-66.
[57] Pièces P-55 et PGQ-27.
[58] Pièces P-56, P-57, P-58 et PGQ-37.
[59] Pièces P-44, p. 11, P-59 et P-66, p. 5.
[60] Pièces P-61 et PGQ-38.
[61] Pièce P-60.
[62] Pièces PGQ-10, PGQ-36, P-52, p. 16, P-53, p. 2 et VAL-3; paragraphe 190 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 13 janvier 2020; paragraphe 9 de la déclaration sous serment de Gregory L. Davis en date du 13 janvier 2020.
[63] Pièces P-63 et PGQ-38.
[64] Pièce PGQ-37.
[65] Pièce P-65.
[66] Pièce PGQ-23, p. 43 à 45 (aucun écrit n’a toutefois été retracé par CMC par lequel cette dernière aurait été informée ne pas avoir été retenue par Viking - pièces PGQ-45, EPC-5).
[67] Pièce PGQ-23, p. 47 à 49 et 53.
[68] Pièces P-32, P-66 et PGQ-31.
[69] Pièces P-44, p. 14 et 15 et P-67.
[70] Pièces P-68 et PGQ-28.
[71] Pièce PGQ-33.
[72] Pièce P-69.
[73] Pièce P-69, p. 53 et suivantes.
[74] Pièce P-69, p. 31 et suivantes.
[75] Pièce PGQ-43.
[76] Pièce P-69, p. 27, 28 et 29.
[77] Pièces PGQ-16, PGQ-35 et PGQ-44; paragraphe 17 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 30 janvier 2020.
[78] Pièce P-71.
[79] Pièce P-72.
[80] Pièces P-44, p. 12 et P-73, p. 1.
[81] Pièce PGQ-32.
[82] Pièces P-44, p. 12 et P-73, p. 1.
[83] Pièces PGQ-11 et P-33.
[84] Pièce P-74.
[85] Pièce P-75.
[86] Pièce PGQ-12.
[87] Pièce P-8.
[88] Pièces P-7 et PGQ-13.
[89] Pièce P-6.
[90] Pièces P-53, p. 3 et PGQ-36.
[91] Paragraphe 28 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 13 janvier 2020; paragraphe 12 de la déclaration sous serment de Gregory L. Davis en date du 13 janvier 2020.
[92] Pièce PGQ-48; paragraphe 8 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 18 novembre 2020; paragraphe 12 de la déclaration sous serment de Gregory L. Davis en date du 13 janvier 2020.
[93] Pièce PGQ-48; paragraphes 9 et 10 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 18 novembre 2020; paragraphe 18 de la déclaration sous serment de Gregory L. Davis en date du 23 novembre 2020.
[94] Paragraphe 11 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 18 novembre 2020.
[95] [2016] 1 R.C.S. 1032.
[96] 2019 QCCA 752; diverses décisions, bien qu’antérieures à l’arrêt Ferme Vi-Ber et/ou l’arrêt La Québécoise sont au même effet : Alstom Canada inc. c. Société de transport de Montréal, 2008 QCCS 8, par. 154 à 158, Savoir-faire Linux inc. c. Régie des rentes du Québec, 2010 QCCS 2375, par. 135 et suivants, Indigo Parc Canada inc. c. Commission scolaire des Découvreurs, 2017 QCCS 1852, par. 33; voir aussi Compagnie de recyclage de papiers MD inc. c. MRC de Vaudreuil-Soulanges, 2019 QCCS 4169, par. 264.
[97] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 10, 16, 17, 23 et 25.
[98] Le législateur n’a pas prévu l’application d’une autre norme, il n’y a aucune question constitutionnelle, aucune question de droit générale d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, ni de question de délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs; Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration) c. Vavilov, préc., note 97, par. 10, 17, 33, 53 et 69.
[99] Savoir-faire Linux inc. c. Régie des rentes du Québec, préc., note 96, par. 135 et suivants; Alstom Canada inc. c. Société de transport de Montréal, préc., note 96, par. 173; Fédération des transporteurs par autobus c. Commission scolaire Central Québec, 2020 QCCS 828, par. 68 (requête pour permission d’appeler accueillie, 2020 QCCA 670).
[100] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, préc., note 97, par. 100.
[101] Coroner en chef du Québec c. Duhamel, 2021 QCCA 796, par. 97.
[102] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, préc., note 97, par. 101 et 102.
[103] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, préc., note 97, par. 100.
[104] Savoir-faire Linux inc. c. Régie des rentes du Québec, préc., note 96, par. 188.
[105] Alain HUDON, « La Loi sur les contrats des organismes publics et sa règlementation en matière de marchés publics : Survol et commentaires » dans XIXe Conférence des juristes de l’État, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1.1, p. 274.
[106] Article 13(20) de la LCOP.
[107] Pentax Canada inc. c. Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), 2019 QCCS 471.
[108] Sébastien LAPRISE, François ÉMOND, Jean-Benoît POULIOT et Gilles ST-LAURENT, Contrats des organismes publics - Manuel sur les meilleures stratégies, Brossard, Wolters Kluwer, 2016, 4.1.1.
[109] Compagnie de recyclage de papiers MD inc. c. MRC de Vaudreuil-Soulanges, préc., note 96, par. 190.
[110] Pierre GIROUX, Denis LEMIEUX et Nicholas JOBIDON, Contrat des organismes publics : loi commentée, 2e éd., Brossard, Publication CCH, 2013, art. 13, p. 157; voir aussi Sébastien LAPRISE, François ÉMOND, Jean-Benoît POULIOT et Gilles ST-LAURENT, préc., note 107, 4.1.3.2.2.; Alain HUDON, préc., note 105, 2.2.1.2.
[111] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, préc., note 97, par. 100.
[112] Sébastien LAPRISE, François ÉMOND, Jean-Benoît POULIOT et Gilles ST-LAURENT, préc., note 108.
[113] Savoir-faire Linux inc.c. Régie des rentes du Québec, préc., note 96, par. 140.
[114] L.R.Q., c. A-6.01, r. 0.03, en vigueur à l’époque des faits de l’affaire.
[115] Préc., note 96; les affaires Alstom Canada inc. c. Société de transport de Montréal, préc., note 96 et Centre de téléphone mobile (Québec) inc. c. Marieville (Ville de), 2006 QCCS 1179 réfèrent aussi à des dispositions réglementaires ou législatives différentes qui réfèrent à l’unicité du fournisseur dans un autre contexte, mais surtout, qui prévoient spécifiquement cette exigence statutaire de recherche sérieuse et documentée.
[116] Pièces PGQ-5 et P-27.
[117] Pièces P-28 et VAL-1, paragraphes 2.1, 2.1.5, 2.1.6, 1.1.47 et 1.1.59; paragraphe 2 de la déclaration sous serment de Gregory L. Davis du 13 janvier 2020.
[118] Transcription des notes sténographiques de l’interrogatoire de Patrick Champagne du 11 mars 2020 par le PGQ, p. 56.
[119] Pièces PGQ-9, PGQ-27, P-48, p. 4 et VAL-2.
[120] Différentes présentations de Viking au MTQ, différents échanges; voir notamment pièces P-24, p. 27, 31 et 32, P-36, P-40, P-41 et PGQ-37.
[121] Paragraphe 21 de la déclaration sous serment du 13 janvier 2020 et paragraphe 7 de la déclaration sous serment du 30 janvier 2020.
[122] Pièce P-24, p. 66 et 67.
[123] Pièces P-47, p. 2 et PGQ-27.
[124] Pièces P-47, p. 1 et PGQ-27.
[125] Pièces PGQ-10, PGQ-36, P-52, p. 16, P-53, p. 2 et VAL-3; paragraphe 190 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 13 janvier 2020; paragraphe 9 de la déclaration sous serment de Gregory L. Davis en date du 13 janvier 2020.
[126] Pièces P-53, p. 3 et PGQ-36.
[127] Paragraphe 4 de cette déclaration sous serment.
[128] Paragraphe 2 de cette déclaration sous serment.
[129] Paragraphe 4 de cette déclaration sous serment.
[130] Paragraphe 7 de cette déclaration sous serment.
[131] Pièce PGQ-23, p. 47 à 49 et 53.
[132] Pièces PGQ-34 et P-37; paragraphe 3 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue du 30 janvier 2020.
[133] Pièce P-43.
[134] Pièce P-44, p. 1 et 2.
[135] Pièce P-52, p. 6.
[136] Pièce P-52.
[137] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, préc., note 97, par.103.
[138] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, préc., note 97, par. 105 et 106.
[139] Les auteurs Me Sébastien Laprise, M. François Émond, Me Jean-Benoit Pouliot et M. Gilles St-Laurent s’expriment d’ailleurs en ce sens en regard de l’unicité de fournisseur de l’article 12 du Règlement sur les contrats d’approvisionnement, de construction et de services des ministères des organismes publics dans leur ouvrage Contrats des organismes publics - Manuel sur les meilleures stratégies, préc., note 108, 3.4.3, p. 144.
[140] Pièces P-32, P-66, PGQ-31, PGQ-11 et P-33.
[141] Pièces PGQ-9, PGQ-27, P-48, p. 4 et VAL-2.
[142] Pièces P-32 et P-33.
[143] Pièces P-32 et P-33.
[144] Paragraphes 20 à 22 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue en date du 13 janvier 2020 et paragraphe 9 de celle du 30 janvier 2020.
[145] Pièces P-32 et P-33.
[146] Pièces P-52, p. 5, PGQ-9 et P-48, p. 4; Joël Rodrigue admet d’ailleurs, lors de son interrogatoire au préalable du 11 mars 2020, que le MTQ n’a pas demandé à Viking les conditions d’une éventuelle licence indiquée dans sa correspondance du 28 août 2018; pièce P-24, pages 65 à 67; même après l’attribution du contrat par le MTQ à Viking, celle-ci précise au MTQ qu’elle n’accorde l’accès aux données techniques des CL-415, qu’aux organisations qui rencontrent ses prérequis techniques et commerciaux, pièce P-34.
[147] Pièces P-32 et P-33.
[148] Pièce P-69, p. 31 et suivantes.
[149] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, préc., note 97, par. 106.
[150] La rétro-ingénierie est abordée par le MTQ seulement en réaction aux déclarations sous serment du représentant de CMC au soutien de sa demande en l’instance.
[151] Transcription des notes sténographiques de l’interrogatoire de Patrick Champagne par le PGQ, p. 56, 90, 92, 93 et 94.
[152] Pierre GIROUX, Stéphane ROCHETTE et Nicholas JOBIDON, « Les moyens de se pourvoir à l’encontre de mesures administratives - les recours judiciaires en droit public », dans Collection de droit 2020-2021, École du Barreau du Québec, vol. 7, Droit public et administratif, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2020, p. 250; Strickland c. Canada (Procureur général), [2015] 2 R.C.S. 713, par. 37.
[153] Pierre GIROUX, Stéphane ROCHETTE et Nicholas JOBIDON, préc., note 153, p. 251.
[154] Savoir-faire Linux inc. c. Régie des rentes du Québec, préc., note 96, par. 209.
[155] Mines Alerte Canada c. Canada (Pêches et Océans), [2010] 1 R.C.S. 6, par. 52; Compagnie de recyclage de papiers MD inc. c. MRC de Vaudreuil-Soulanges, préc., note 96, par. 269 et 270.
[156] Paragraphe 15 de la déclaration sous serment de Gregory L. Davis du 23 novembre 2020.
[157] Paragraphe 16 de la déclaration sous serment de Gregory L. Davis du 23 novembre 2020.
[158] Idem.
[159] Paragraphe 16 de la déclaration sous serment de Gregory L. Davis du 23 novembre 2020.
[160] Paragraphe 10 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue du 18 novembre 2020.
[161] Pièce PGQ-48; paragraphes 8, 9 et 10 de la déclaration sous serment de Joël Rodrigue du 18 novembre 2020.
[162] Préc., note 96, par. 210 et 211.
[163] Préc., note 96.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.