Décision

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Belley c. Fortin

2022 QCTAL 30381

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Québec

 

No dossier :

638844 18 20220620 G

No demande :

3588147

 

 

Date :

27 octobre 2022

Devant le juge administratif :

Stéphan Samson

 

Sabryna Belley

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Jean-Maxime Fortin

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Par sa demande introduite le 20 juin 2022, la locataire désire obtenir une ordonnance du Tribunal afin de forcer le locateur à exécuter certains travaux et à lui laisser le libre accès au terrain.

[2]         À la suite d’un amendement, la locataire réclame également une diminution de loyer, des dommages punitifs et le remboursement d’une pergola.

[3]         Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022 au loyer mensuel de 1 000 $. (Pièce D-1)

[4]         De l’ensemble de la preuve, le Tribunal retient particulièrement les éléments pertinents qui suivent, et ce, pour chacun des points en litige.

Présence de souris

[5]         La locataire témoigne qu’en janvier 2022, elle a entendu gratter dans les murs de la maison. Elle a communiqué cette information au locateur qui a mandaté un exterminateur pour se rendre sur place.

[6]         Malgré les interventions de l’exterminateur, aucune capture n’a été effectuée.

[7]         La dernière fois qu’elle communique avec le locateur c’est en avril 2022.

[8]         De son côté, le locateur prétend qu’il a pris les mesures nécessaires dès le début du mois de février 2022 pour mandater un exterminateur qui s’est rendu sur place à quatre reprises.

[9]         Malgré ces visites, l’exterminateur n’a pas constaté la présence de rongeurs dans la maison.

[10]     Les rapports de visite du technicien de l’exterminateur sont déposés en pièce D-7.


Porte de garage

[11]     Selon la locataire, le bail prévoit que la porte du garage doit être changée en cours de bail. Dans les faits, le locateur n’a changé qu’une seule des deux portes, soit celle qui permet l’entrée des personnes physiques et non des véhicules.

[12]     La locataire entrepose dans le garage des meubles et divers biens qui ne sont pas en sécurité en raison de l’état actuel de la porte.

[13]     Le locateur prétend qu’il a rempli son obligation mentionnée au bail puisqu’il a changé la porte qu’utilisent les personnes physiques pour entrer dans le garage. Il produit les pièces D-2 et D-3 au soutien de ses prétentions.

[14]     Selon son interprétation du bail, il n’avait pas à changer la grande porte du garage.

Blocs de béton

[15]     À l’aide de photos et de croquis, la locataire démontre que le locateur a installé des blocs de béton qui bloquent l’un des deux accès au terrain, contrairement à ce que prévoit le bail.

[16]     De son côté, le locateur prétend qu’il était en droit d’installer ces blocs de béton pour sassurer que seuls les locataires de l’immeuble situé derrière la maison puissent avoir accès au petit chemin menant vers l’immeuble.

[17]     Le locateur prétend qu’il a simplement toléré que le locataire utilise cet accès

[18]     Il affirme qu’après la pause de ces blocs de béton, la locataire a quand même accédé à son terrain en l’endommageant, tel qu’il appert des photos D-4 et de la facture D-5.

Travaux d’isolation de l’espace laveuse/sécheuse.

[19]     La locataire prétend que durant l’hiver, cet espace est mal isolé et que le froid fait geler les tuyaux de la laveuse. Elle demande au Tribunal d’émettre une ordonnance pour forcer le locateur à exécuter des travaux d’isolation.

[20]     De son côté, le locateur prétend que l’endroit est convenable et qu’il est muni de chauffage qui n’était pas en marche au moment où il a visité la maison à la suite de la plainte de la locataire.

[21]     Cette version du locateur est en partie confirmée par le témoin Marc-Antoine Morin.

Cuisinière non fonctionnelle

[22]     La locataire réclame une diminution de loyer au motif que pendant un certain temps le four de sa cuisinière n’était pas fonctionnel, cuisinière qui est incluse dans le bail.

[23]     Elle réclame également le remboursement de divers repas qu’elle aurait pris au restaurant en raison de cette situation.

[24]     Le locateur acquiesce à la demande de la locataire en ce qui concerne la diminution de loyer, mais refuse de payer les frais de repas au restaurant puisque ceux-ci ne sont pas reliés au nonfonctionnement de la cuisinière.

Dommages punitifs

[25]     La locataire réclame 4 000 $ à titre de dommages punitifs en raison de la pose des blocs de béton par le locateur, ce qui rend dangereuse la sortie de son véhicule sur la rue principale où est située la maison.

[26]     Elle prétend être stressée par cette situation qui découle uniquement de la mauvaise foi du locateur en lien avec leur relation amoureuse antérieure.


[27]     De plus, elle ajoute qu’elle a été victime de harcèlement de la part du locateur qui aurait fait appel aux services de police, alors que l’un de ses amis avait stationné un véhicule et une roulotte dans le chemin d’accès.

[28]     De son côté, le locateur prétend ne pas avoir agi de mauvaise foi et que la réclamation de la locataire est mal fondée.

Pergola

[29]     La locataire réclame une somme approximative de 400 $ représentant 50 % du coût d’achat d’une pergola. Elle prétend avoir été obligée d’acheter cette pergola pour obtenir un peu d’intimité en raison du va-et-vient des véhicules qui utilisent le petit chemin situé à côté de la maison.

[30]     Le locateur nie devoir ce montant puisqu’il était déjà prévu au plan d’implantation D-6 qu’il y aurait une haie de cèdres le long de la ligne du lot pour assurer l’intimité de la locataire. La haie devrait être plantée à l’intérieur du délai imparti par la Ville.

Questions en litige

[31]     Les réclamations de la locataire sont-elles justifiées?

[32]     Dans l’affirmative le Tribunal peut-il émettre les ordonnances demandées et quel est le montant des dommages auxquels la locataire aura droit?

Analyse et décision

Les réclamations de la locataire sont-elles justifiées?

[33]     Le Tribunal tient à souligner qu’il appartient à celui qui veut faire valoir un droit de prouver les faits qui soutiennent sa prétention, et ce, de façon prépondérante. Ainsi, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante, la preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du Tribunal.[1]

[34]     Le degré de preuve requis ne réfère pas à son caractère quantitatif, mais plutôt qualitatif. La preuve testimoniale est évaluée en fonction de la capacité de convaincre des témoins et non pas en fonction de leur nombre.

[35]     Le plaideur doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable et il n'est pas toujours aisé de faire cette distinction. Par ailleurs, la preuve offerte ne doit pas nécessairement conduire à une certitude absolue, scientifique ou mathématique. Il suffit que la preuve rende probable le fait litigieux.

[36]     Si une partie ne s'acquitte pas de son fardeau de convaincre le Tribunal ou que ce dernier soit placé devant une preuve contradictoire, c'est cette partie qui succombera et verra sa demande rejetée.

[37]     Ainsi, le Tribunal se prononcera de façon successive sur chacune des demandes de la locataire.

Souris

[38]     La preuve de la locataire n’a pas convaincu le Tribunal qu’il y avait des souris dans la maison. Au surplus, les rapports de visite de l’exterminateur démontrent le contraire.

[39]     Cette demande de la locataire sera donc rejetée.

Porte de garage

[40]     Après avoir pris connaissance des dispositions du bail et entendu les parties sur cet aspect du litige, le Tribunal conclut que le locateur s’était engagé à changer la grande porte de garage et une ordonnance à cet effet sera émise contre lui.

[41]     Il apparaît invraisemblable pour le Tribunal de laisser la grande porte de garage actuelle en place alors que cette dernière n’est nullement sécuritaire et permet à plusieurs animaux de petite et moyenne taille d’entrer dans le garage facilement.


Blocs de béton

[42]     La locataire a convaincu le Tribunal que les blocs de béton installés par le locateur vont à l’encontre des dispositions du bail. Ce dernier prévoit que la locataire a accès au terrain et au moment de la signature du bail, il y avait deux entrées qui permettaient l’accès au terrain.

[43]     Le Tribunal conclut que le locateur utilise un prétexte pour bloquer le deuxième accès au terrain, ce qui va à l’encontre des dispositions du bail.

[44]     Une ordonnance sera donc émise afin que les blocs de béton soient retirés.

Travaux d’isolation de l’espace laveuse/sécheuse

[45]     Le locateur a convaincu le Tribunal qu’aucuns travaux n’étaient nécessaires dans cet espace puisque ce dernier était déjà muni d’une unité de chauffage que la locataire pouvait utiliser pour empêcher le gel des tuyaux.

[46]     Cette demande de la locataire sera donc rejetée.

Cuisinière non fonctionnelle

[47]     Le Tribunal prend acte de l’acquiescement partiel du locateur à payer à la locataire la diminution de loyer réclamée au montant de total de 180 $.

[48]     Toutefois, la réclamation de la locataire pour les frais reliés au non-fonctionnement de la cuisinière sera rejetée puisque la preuve de la locataire n’a pas convaincu le Tribunal.

Dommages punitifs

[49]     De l’ensemble de la preuve, le Tribunal retient que le locateur a installé des blocs de béton dans un accès au terrain dans l’unique but de nuire à la locataire.

[50]     Tel que déjà mentionné, les motifs invoqués par le locateur semblent être des prétextes pour nuire à la locataire.

[51]     Le Tribunal reconnaît cependant que le locateur était en droit d’exiger que l’ami de la locataire déplace son véhicule et la roulotte qui était stationnée, même temporairement, dans le chemin d’accès à l’immeuble arrière.

[52]     Toutefois, pour obtenir des dommages punitifs, la locataire devait convaincre le Tribunal qu’il y avait eu atteinte à un de ses droits garantis par la Charte des droits et libertés. En l’absence de cette preuve, aucun dommage punitif ne sera accordé à la locataire.

Pergola

[53]     Cette réclamation de la locataire sera rejetée puisque rien ne justifiait l’achat de la pergola.

[54]     Au surplus, lorsque la locataire déménagera, elle pourra conserver cette pergola à son propre bénéfice.

[55]     L’installation imminente d’une haie de cèdres permettra à la locataire d’obtenir l’intimité recherchée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[56]     AccueilLE en partie la demande de la locataire;

[57]     Ordonne au locateur de changer la grande porte du garage dans les 30 jours de la présente décision;


[58]     Ordonne au locateur de déplacer dans les 30 jours de la présente décision les blocs de béton afin de libérer l’accès au terrain et ordonne au locateur de ne pas bloquer cet accès de quelque façon que ce soit, et ce, pour toute la durée du bail et pour tous les renouvellements;

[59]     Condamne le locateur à payer à la locataire la somme de 180 $, plus les frais de justice de 80 $ et de notification de 9,75 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Stéphan Samson

 

Présence(s) :

la locataire

le locateur

Me Léa Moreau, avocate du locateur

Date de l’audience : 

23 septembre 2022

 

 

 


[1] Articles 2803, 2804 et 2845 du Code civil du Québec.

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