Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Corbel Warolin |
2010 QCCDBQ 017
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Barreau du Québec |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N° : |
06-09-02491 |
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DATE : |
1er février 2010 |
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LE CONSEIL : |
Me JEAN PÂQUET |
Président |
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Me ANNE LESSARD |
Membre |
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Me CAROLE SAMUEL |
Membre |
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Me JEAN-MICHEL MONTBRIAND, en sa qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec |
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Partie plaignante |
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c. |
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Me PEGGY CORBEL WAROLIN |
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Partie intimée |
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DÉCISION SUR CULPABILITÉ |
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Le syndic adjoint plaignant se représente lui-même.
Il est assisté d’Édith Nadeau, stagiaire en droit.
L’intimée est représentée par Me Jacques Coutu.
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ORDONNANCE AYANT POUR BUT LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE (Article 142 du Code des professions)
[1] Tenant compte du dispositif de l’article 142 du Code des professions et du consentement des parties, le Conseil de discipline interdit la divulgation, la publication ou la diffusion des informations contenues aux pièces P-2, P-4, P-6, P-9, P-11, P-15, P-18 et P-19.
LA PLAINTE
[2] Dans le présent dossier, l’intimée fait l’objet d’une plainte disciplinaire portée le 26 mai 2009 dont les chefs sont ainsi libellés :
« Je, soussigné, JEAN-MICHEL MONTBRIAND, avocat, régulièrement inscrit au Tableau de l'Ordre des avocats, en ma qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec, déclare que :
Me Peggy Corbel Warolin (257042-4), avocate de la section de Abitibi-Téminscamingue, inscrite au Tableau de l'Ordre des avocats, a commis des actes dérogatoires à l'honneur et à la dignité du Barreau, à savoir :
1. À Témiscamingue (sic), du ou vers le 30 août 2006 au ou vers le 21 novembre 2006, s'est placée en situation de conflit d'intérêts en acceptant de représenter l'entreprise «T» dans le cadre d'une transaction immobilière, alors qu'elle représentait déjà, et pour toute la période précitée, monsieur B.McE. dans le cadre d'un autre dossier dans lequel son recours était contesté par la même entreprise «T», contrevenant ainsi aux articles 3.06.06 et 3.06.07 du Code de déontologie des avocats et à l'article 59.2 du Code des professions;
2. À Témiscamingue (sic), par lettre datée du 2 avril 2007, a induit en erreur son ex-client B.McE. en lui indiquant qu'elle ne représentait pas l'entreprise «T», le tout contrairement aux articles 4.02.01 d) du Code de déontologie des avocats et 59.2 du Code des professions;
3. À Témiscamingue (sic), par lettre datée du 16 juillet 2007, a entravé le travail d'enquête du syndic adjoint, Me Jean-Michel Montbriand, en lui indiquant qu'elle ne voyait pas de quoi son ex-client B.McE. voulait parler en invoquant un conflit d'intérêts du fait qu'elle aurait accompli un mandat pour l'entreprise «T» alors même qu'elle représentait son dit ex-client dans un autre dossier contesté par cette même entreprise «T», le tout contrairement aux articles 59.2, 114 et 122 du Code des professions;
4. À Témiscamingue (sic), par lettre datée du 25 février 2008, a entravé le travail d'enquête du syndic adjoint Me Jean-Michel Montbriand en omettant de lui fournir sa facture numéro 270, datée du 31 janvier 2007, à l'entreprise «T», le tout contrairement aux articles 59.2 , 114 et 122 du Code des professions;
5. À Témiscamingue (sic), par lettre datée du 29 avril 2009, a entravé le travail d'enquête du syndic adjoint Me Jean-Michel Montbriand en omettant de lui fournir copie de sa lettre du 18 octobre 2006, avec offre de services détaillée, qu'elle a transmise à l'entreprise «T», le tout contrairement aux articles 59.2 , 114 et 122 du Code des professions;
Se rendant ainsi passible des sanctions prévues à l'article 156 du Code des professions;
ET LE PLAIGNANT DEMANDE JUSTICE.
Me Jean-Michel Montbriand
Syndic adjoint du Barreau du Québec
Montréal, le 26 mai 2009 »
[3] L’instruction et l’audition de cette plainte disciplinaire ont été tenues le 7 octobre 2009.
[4] Dès le début de l’instruction et de l’audition de cette plainte disciplinaire, le procureur de l’intimée dépose une contestation écrite de cette plainte.
[5] Cette contestation est ainsi libellée :
« CONTESTATION
L’Intimée conteste chacun des chefs de la plainte du Plaignant pour les motifs ci-après détaillés :
LES FAITS :
1. Le mandat de l’Intimée reçu de M. B.McE., le 10 janvier 2006, était limité à une assistance pour un appel devant le Comité de révision de la CSST, recours qui avait peu de chance de succès au fonds (sic) et qui de plus était tardif;
2. M. B.McE., n’ayant plus d’autre recours à sa disposition, a insisté pour que l’Intimée prépare une requête contestant la décision de la CSST, en y incluant une demande d’extention (sic) de délai sur la base de ses représentations à l’effet que sa maladie et les médicaments qu’il prenait étaient la cause de son omission à exercer son droit d’appel dans le délai légal;
3. Cet ex-client de l’Intimée s’était vu refusé (sic) l’aide de son syndicat et il n’y avait pas d’autre avocat à Témiscaming pour l’assister dans son appel qui devenait très urgent pour avoir quelques chances de succès vu le délai d’appel expiré, et l’Intimée a même réussi à obtenir une lettre du syndicat pour tenter de soutenir les arguments de M. B.McE.;
4. Le retrait du dossier de l’Intimée avant l’audition a été convenu avec le client qui voulait éviter les frais qu’engendraient (sic) une telle audition en plus des frais déjà encourus (qu’il n’a toujours pas payés d’ailleurs, sa plainte au Barreau étant un moyen pour se justifier de ne pas payer le travail dont il a bénéficié pour pouvoir présenter son appel);
5. Tembec est un nom utilisé par au moins 2 entités corporatives internationales dont l’une se subdivise en un nombre considérable d’entreprises distinctes avec des places d’affaires, secondaires pour chaque établissement, chaque usine étant opérée séparément, surtout quant aux relations employés-employeurs, le tout tel qu’il sera démontré par des pièces et témoins lors de l’audition;
6. L’usine Tembec (Témiscaming), l’employeur de M. B.McE., est une entreprise ayant sa place d’affaires au 33, chemin Kipawa, Témiscaming (Québec) et c’est cette entreprise qui a donné un mandat à Me McGuire d’Amos concernant la CSST, l’Intimée n’ayant effectivement jamais reçu de mandat de cette entreprise;
7. Le mandat obtenu en août 2006 de Tembec, a été confié à l’Intimé (sic) à partir du siège administratif situé au 10, chemin Gatineau, C.P. 5000, Témiscaming, Qc, et il consistait en la vérification d’un renouvellement de bail et la vente d’un immeuble en Ontario, ce mandat n’ayant aucune connexité avec le dossier de C.S.S.T. de M. B.McE.;
8. Le siège social de Tembec Industries Inc., de qui relève (sic) au minimum 10 entreprises partout au Québec, en Ontario, ailleurs au Canada et même dans d’autres pays, est à Montréal, au 800 Boulevard René-Lévesque Ouest, et il est proprement inconcevable qu’en acceptant le mandat ponctuel de M. B.McE, l’Intimée ne puisse plus recevoir de mandat d’aucune desdites entreprises au Québec, en Ontario, au Canada ou ailleurs dans le monde;
9. L’acceptation et la réalisation du mandat immobilier de Tembec par l’Intimée n’était (sic) pas susceptible (sic) de nuire de quelque façon que ce soit, ni de près, ni de loin, au dossier de M. B.McE., et l’Intimée, avec raison, n’y voyait aucun conflit d’intérêt (sic), sans quoi elle se serait retirée du dossier de M. B.McE.;
10. Si M. B.McE s’était informé du fait qu’elle pouvait avoir représenté Tembec et s’il avait exigé que l’Intimée refuse tout mandat du Groupe Tembec, jamais elle n’aurait accepté de l’aider dans un tel dossier ponctuel;
11. Un avocat pratiquant dans une Ville comme Témiscaming, qui est mono industrielle, avec 2 500 habitants dont 950 sont employés de Tembec, a de forte (sic) chance (sic) de connaître les Parties opposées et si cette connaissance des Parties entraînait l’impossibilité de mandat non connexe, la pratique du droit deviendrait financièrement impossible;
12. En effet, si le fait de rencontrer ou de représenter un client empêchait de recevoir un mandat de son adversaire dans des dossiers non connexes, l’avocat dans une telle Ville se retrouverait sans clientèle possible à brêve (sic) échéance, surtout si l’exécution d’un mandat de Tembec l’empêchait de représenter plus de 75% des travailleurs de la ville, l’employeur pouvant être requis de donner des informations sur les salaires et plan de pension dans les cas de divorce, un employé pouvant être poursuivi au pénal ou au criminel, ou autres matières non-connexes;
LES CHEFS D’ACCUSATION
13. Quant au premier chef d’accusation, l’absence totale de connexité entre les mandats et même l’absence de communication entre les représentants des entreprises séparées du groupe Tembec entraînent une absence de conflit d’intérêt (sic) et même de possibilité de conflit d’intérêt (sic);
14. De plus le retrait de l’Intimée du dossier de M. B.McE, avant l’audition de l’appel devant la CSST, a automatiquement mis fin à toute potentialité de conflit d’intérêt (sic), même s’il est nié qu’il pouvait y avoir de possibilité d’un tel conflit, l’Intimée n’étant pas obligée de travailler sans honoraires et étant justifiée de se retirer dans les circonstances;
15. Quant au deuxième chef, l’Intimée n’a pas induit en erreur son ex-client, n’ayant pas à lui dévoiler les mandats de ses clients et ayant avec justesse répondu qu’elle n’avait reçu aucun mandat de son employeur l’entreprise opérant l’usine Tembec, ni en matière syndicale, de CSST ou en tout (sic) autre matière;
16. De surcroit, concernant ce deuxième chef, l’article cité n’est pas applicable à la demande de l’ex-client, car il s’applique à une déclaration fausse que l’avocat peut faire au profit de son client ou que le client peut faire sur recommandation de l’avocat afin de tromper un tiers;
17. Quant au troisième chef, l’Intimée était pleinement justifiée de s’informer en quoi le Plaignant voyait un conflit d’intérêt (sic) dans des mandats n’ayant aucune connexité, et le simple dépôt d’un tel chef d’accusation par le Plaignant, suite à la question légitime de l’Intimée, déconsidère tout le processus de plainte devant le Comité en constituant un blâme contre une accusée pour oser n’être pas de l’avis du Plaignant qui présume de sa culpabilité;
18. Quant au quatrième chef, le Plaignant n’avait pas demandé le document en question qui est une simple facture envoyée à Tembec, et il ne peut s’offusquer de ne l’avoir pas reçu, n’ayant qu’à la demander, et l’Intimée l’ayant d’ailleurs fourni dès que requis;
19. Quant au cinquième chef, il n’a pas d’objet, l’Intimée n’ayant pas à fournir des documents qui n’existent pas, le seul document du 18 octobre 2006 étant la facture pour laquelle le 4ième chef d’accusation est porté, document dont le syndic a obtenu copie lorsqu’il l’a demandé (sic);
20. La collaboration de l’Intimée avec le Plaignant a été totale, tel qu’il sera démontré lors de l’enquête, plus de 18 interventions écrites ou téléphoniques ayant eu lieu et ce, pendant une période où l’Intimée venait de donner naissance à un enfant, le plaignant s’étant montré particulièrement exigeant en mai 2007, alors que l’Intimée venait d’accoucher, en lui donnant des délais impossibles à respecter dans les circonstances;
21. La multiplication des chefs d’accusation dans ce dossier constitue un agissement abusif et injustifié susceptible de déconsidérer dans les circonstances tout le processus de contrôle des membres prévu au Code des professions;
22. L’Intimée a donc l’intention de demander le rejet de tous les chefs de la plainte.
Le tout respectueusement soumis.
ROUYN-NORANDA, ce 23 juin 2009
COUTU FORTIN (Me Jacques Coutu)
Procureurs de l’Intimée »
[6] Cette contestation avait été transmise à la partie plaignante ainsi qu’à la secrétaire du Conseil de discipline du Barreau du Québec le 25 juin 2009.
LA PREUVE
[7] Le Conseil de discipline a entendu successivement les témoignages du syndic adjoint plaignant, celui de Me Patrick Lebel et celui de l’intimée.
[8] Les témoignages de ceux-ci associés à la preuve documentaire (pièces P-1 à P-20 et I-1 à I-4) constituent l’essentiel de la preuve dans le présent dossier.
LE TÉMOIGNAGE DU SYNDIC ADJOINT PLAIGNANT
[9] Le syndic adjoint plaignant décrit tous les faits qui l’on conduit à porter cette plainte disciplinaire contre l’intimée.
[10] Aux fins de supporter ses déclarations et explications, le syndic adjoint plaignant produit les pièces P-1 à P-20. Celles-ci illustrent ces faits, par ordre chronologique, pour la période s’étendant du 12 mars 2007 au 29 avril 2009.
[11] La dernière pièce (pièce P-20) fait état d’informations obtenues après le dépôt de la plainte disciplinaire.
[12] Entre contre-interrogatoire, le syndic adjoint plaignant reconnaît que l’intimée a transmis sa contestation écrite avant même qu’il ne divulgue la preuve recueillie.
[13] Voici comment le syndic adjoint plaignant décrit les faits soutenant les reproches formulés contre l’intimée.
[14] L’intimée est inscrite au tableau de l’Ordre depuis le 23 janvier 2004 (pièce P-1).
[15] Le 12 mars 2007, le client de l’intimée, monsieur Brian McElheran, formulait une demande d’enquête auprès du syndic du Barreau du Québec (pièce P-2 en liasse).
[16] La demande est ainsi rédigée :
« Le 12 mars 2007 Brian McElheran, 61 Elm Str.
Barreaux Du Québec, 445 Boulevard Thorne, Ont. P0H-2J0
St-Laurent, Montreal, Que.
H2Y-3T8
Barreau Du Syndique :
Good day, I’m corresponding to you concerning my ex-lawyer’s questionable tactics & ethics. She is claiming I owe monies for legal services rendered, the fee is outragous (sic), plus on top of that, she abandons me at the last minute.
I showed up at a C.L.P. tribunal hearing in Rouyn, Que. (11 22 2006) all alone, on medication and pain killers, with no representation (she faxed the C.L.P. stating she no longer represents me dated 11 21 2006.)
To make things even worst, she did not even send my medical history to the Commissaire’s office, as evidence for my C.S.S.T. file. (crucial to my file)
She failed to advise me of a second delay made on her part, although unintentional it may have been, she had a legal obligation to keep me appraised on the status of my case, because the C.L.P. used it against me.
November 21 2006 my lawyer advises me that my claim was rejected? a second time? why? As I recall the hearing is on November 22 2006! How can she say that prior to me even attending tribunal?
So here I am sitting at tribunal hearing, on meds, painkillers, herniated disc, back surgury, chronic depression, anxiety, memory loss, confused about a second delay, which my lawyer failed to advise me about, and no medical history is in my C.S.S.T. file? I’m lost at the hearing (rage). She basically ruined any chance I might of had at the hearing! now I must suffer the consequences of her incompetence, and she still sends me bills?
I’m just a little curious why C.L.P. would forward my new evidence to my ex-lawyer? She stopped representing me Nov 21st 2006, and the C.L.P. forwards my new evidence? to her office?
My best interest were not upheld in this matter, apparently, My lawyer does contract work for my Employer? I found this out after the tribunal hearing. This is conflict of interest.
Now I must suffer for her negligence?
So, as you can understand I’m a little confused about the services rendered, who was she representing? me or my employer?”
[17] Quelques documents sont annexés à cette demande d’enquête : l’un indique que la contestation de Brian McElheran avait été erronément acheminée à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) plutôt qu’à la Commission des lésions professionnelles (CLP), l’un montre que l’intimée a avisé la Commission des lésions professionnelles (CLP) le 21 novembre 2006 qu’elle ne représentait plus Brian McElheran et serait donc absente à l’audience fixée au 22 novembre 2006 (de la liasse de la pièce P-2).
[18] Une lettre de l’intimée à son client en date du 8 février 2007 lui fournit quelques explications (de la liasse de la pièce P-2).
[19] Cette mention y apparaît et elle a étonné son client :
« (…)
As I was able to see in a recent correspondence from the CSST, you have, following the advice of another lawyer, stopped the procedures and are waiting on the final decision.
(…) »
[20] Cette lettre de l’intimée est jointe à un rappel de son compte d’honoraires et de débours expédié à son client le 22 novembre 2006 (de la liasse de la pièce P-2).
[21] Le syndic adjoint plaignant a réclamé les explications de l’intimée (pièce P-3).
[22] Le 16 juillet 2007, dans une lettre expliquant sa conduite, l’intimée nie avoir abandonné son client et elle affirme que ce dernier a choisi de se représenter seul à l’audience de la Commission des lésions professionnelles (CLP) après qu’elle l’eût informé des coûts reliés à ses services et à son déplacement et du risque important que son recours en révision soit rejeté.
[23] Relativement au conflit d’intérêts évoqué par son client, l’intimée y écrit :
« (…)
Finalement concernant un éventuel conflit d’intérêt (sic), je ne vois pas de quoi M. McElheran veut parler. La compagnie Tembec est représentée par son service juridique qui est situé à Montréal et l’avocat qui représente le site de Témiscaming pour les réclamations auprès de la CSST est Me Jean McGuire. Si M. McElheran prétend que je suis en conflit d’intérêt (sic) j’aimerais savoir de quelle façon je le suis.
(…) » (de la liasse de la pièce P-4)
[24] Le 10 décembre 2007, le syndic adjoint plaignant écrivait à l’intimée et lui réclamait, notamment cette information :
« (…)
Par ailleurs, veuillez nous indiquer si Tembec Industries inc. et/ou toute personne ou entité y associée est ou a été votre cliente en rapport avec quelqu’affaire que ce soit.
(…) » (de la liasse de la pièce P-5)
[25] Le 3 janvier 2008, l’intimée répondait au syndic adjoint plaignant en ces termes :
« (…)
Concernant maintenant un éventuel conflit d’intérêt (sic) dû au fait que j’aurais possiblement représenté la compagnie Tembec inc., si vous permettez je préferais (sic) m’en tenir aux commentaires que je vous ai fait (sic) lors de notre dernière conversation téléphonique. Ma confiance en M. McElheran étant toute limitée, je ne tiens pas à ce que mes actes professionnels soient connus de M. McElheran. Je suis tenue au secret professionnel et j’entends bien le respecter. Si vous tenez à en savoir plus, j’insisterai pour avoir des garanties suffisantes que mes commentaires demeureront confidentiels et qu’ils ne seront jamais connus de M. McElheran ou que la compagnie Tembec m’y autorise préalablement par écrit.
(…) » (de la liasse de la pièce P-6)
[26] Le syndic adjoint plaignant ajoute à l’audience que l’intimée l’avait dès lors informé qu’elle avait reçu un mandat professionnel de la société.
[27] Le 10 janvier 2008, le syndic adjoint plaignant invitait l’intimée à fournir les informations requises et lui garantissait que celles-ci ne seraient pas communiquées à M. McElheran (pièce P-7).
[28] Le syndic adjoint plaignant réitérait sa demande à l’intimée le 20 février 2008. Il exigeait en sus que l’intimée lui transmette « copie intégrale de votre ou vos dossiers concernant le ou les mandats accomplis pour Tembec ». (de la liasse de la pièce P-8)
[29] L’intimée lui répondait le 25 février 2008.
[30] Elle expliquait au syndic adjoint plaignant la teneur du mandat reçu en ces termes :
« (…)
Avant toute chose, je voudrais vous préciser le contexte dans lequel nous nous trouvons à Témiscaming. La compagnie Tembec a pour siège social dans le centre ville de Témiscaming un édifice appelé White Oaks. À la sortie de la ville se trouve l’usine Tembec dans laquelle M. McElheran travaillait, comme la majorité de la population active de Témiscaming.
M. Mahendra Patel, vice-président Ingénérie (sic), achats et services de Tembec, ayant son bureau au « White Oaks » m’a donné le mandat de préparer un bail commercial et une contre offre pour la vente d’un immeuble industriel que Tembec Inc. possède à Témiscaming Shores, (anciennement New Liskeard) ville du nord est ontarien située à 3 heures au nord de Témiscaming.
Tembec Inc. louait déjà cet édifice à une entreprise, mais Tembec désirait profiter de la fin du bail pour vendre cet immeuble au locataire qui s’était d’ailleurs montré intéressé à l’acheter et qui avait transmis par l’intermédiaire de son avocat (un avocat ontraien (sic)) une offre d’achat. Après étude de ce document, M. Patel m’a demandé de préparer une contre offre et un nouveau bail au cas où les parties ne s’entendraient pas sur les termes de la vente avant l’échéance du bail en cours.
J’ai donc préparé ces deux documents et je les ai transmis à M. Patel pour approbation. M. Patel les a remis à l’avocat de Tembec qui travaille au siège social de Montréal, et ce dernier a continué le dossier.
J’ai facturé Tembec pour les services rendus et mon dossier est maintenant fermé.
Comme je vous le disais au téléphone, je ne me considère pas du tout en conflit d’intérêts car le corporatif et le « site » sont deux entités totalement différentes. Le corporatif a son service juridique qui est situé à Montréal et le « site » en matière de CSST fait affaire avec Me Jean McGuire, d’Amos. Ce sont les faits qui existaient au moment où j’ai travaillé dans ces deux dossiers. Je ne connais pas la situation actuelle, mais selon ce que j’ai entendu dire, c’est toujours Me McGuire qui représente le site.
Le dossier de M. McElheran a été ouvert le 10 janvier 2006 et ma dernière intervention date du 21 novembre 2006.
Le dossier de Tembec a été ouvert le 30 août 2006 et fermé le 2 avril 2007.
Vous trouverez en annexe une copie de mon dossier et des documents qui ont été rédigés à la demande de Tembec ainsi qu’une copie de mes comptes d’honoraires.
Tel que vous le mentionnez dans votre dernière correspondance, je prends pour acquis que ces documents vont rester strictement confidentiels et que M. McElheran n’y aura jamais accès car je vous le dit (sic) très franchement, je suis très mal à l’aise de vous transmettre ces documents sans l’approbation préalable de Tembec.
(…) » (de la liasse de la pièce P-9)
[31] Le syndic adjoint plaignant souligne à l’audience que le dossier joint à la lettre de l’intimée comporte un courriel d’un dirigeant de Tembec (Patel) destiné à un cocontractant (Smith) en copie conforme à l’intimée et qui porte la date du 24 octobre 2006.
« Mr Smith
Tembec has selected Me Peggy C. Warolin, L.L.B., to assist preparation of Buy-Sale agreement by working with you (buyer’s lawyer) as per my email date Oct 24, 06.
(…)» (de la liasse de la pièce P-9)
[32] Ce même dossier comporte un état de compte. Une rencontre entre monsieur Rocray (officier de Tembec) et l’intimée apparaît à l’état, en date du 30 août 2006 (de la liasse de la pièce P-9).
[33] Le syndic adjoint plaignant déclare que, selon lui, c’est la date du début du mandat de Tembec à l’intimée.
[34] Le syndic adjoint plaignant a, par la suite, requis et obtenu de l’intimée le dossier du client McElheran en avril 2008 (pièce P-10 en liasse et pièce P-11).
[35] Le syndic adjoint plaignant souligne quelques échanges y contenus; par ordre chronologique inverse :
[36] Le 2 avril 2007, l’intimée écrivait à son client :
« (…)
To answer your question in regards to an eventual conflict of interest, I inform you that I do not represent Tembec Inc. This company is, as you know, represented by Me Jean McGuire.
(…)” (de la liasse de la pièce P-11)
[37] Le 6 mars 2007, monsieur McElheran avait écrit à l’intimée :
« (…)
Me Peggy Warolin, in regards to your latest attempt to collect monies you claim I owe you for services rendered? Why on earth would you represent a Tembec employee who claims to have injured him self at Tembec, when you do contract work for Tembec? Get your priorities right, whose best interest do you have in mind? Tembec or me?
(…)” (de la liasse de la pièce P-11)
[38] La déclaration pour cesser d’occuper est signée par l’intimée le 21 novembre 2006 (de la liasse de la pièce P-11).
[39] Une comparution de Me Jean McGuire, pour Tembec Inc. (Division Temiscaming), apparaît et porte la date du 31 juillet 2006 (de la liasse de la pièce P-11).
[40] La contestation de monsieur McElheran a été reçue le 22 mars 2006 à la Commission des lésions professionnelles (CLP), relativement à la décision rendue le 31 janvier 2006 (de la liasse de la pièce P-11).
[41] Cette dernière décision faisait suite à la demande de révision de la décision rendue le 16 septembre 2005.
[42] La révision en a été au seul motif de la production de la demande hors délai, sans motif raisonnable pour expliquer le retard.
[43] Une comparution de l’intimée pour monsieur McElheran apparaît et porte la date du 25 janvier 2006 (de la liasse de la pièce P-11).
[44] Le syndic adjoint plaignant a cru que le dossier du client transmis était incomplet. Il a requis les explications de l’intimée le 7 mai 2008 (pièce P-12).
[45] Celle-ci a déclaré qu’il n’existait aucun autre document au dossier de monsieur McElheran (pièce P-13).
[46] Le 19 novembre 2008, le syndic adjoint plaignant s’adressait à Me Patrick Lebel, chez Tembec inc., afin d’obtenir des informations qu’il croyait manquantes (pièce P-14)
[47] Me Patrick Lebel a répondu le 26 février 2009 pour et au nom de Tembec (pièce P-15).
[48] Il a transmis copie d’échanges entre l’intimée et des officiers de Tembec (pièce P-15 en liasse).
[49] Parmi ces documents, le syndic adjoint plaignant souligne :
- Une lettre de l’intimée le 18 octobre 2006 constituant une offre de services juridiques en regard de trois (3) mandats destinée à Tembec Inc., site de Témiscaming (de la liasse de la pièce P-15). Cette lettre débute ainsi :
« (…)
Mister Patel appreciate receiving a request for an additional mandate from Tembec… »
et trois mandats y sont ultérieurement mentionnés.
- Une offre de services de l’intimée à Tembec qui porte la date du 27 mars 2006 (de la liasse de la pièce P-15).
[50] Cette offre mentionne spécifiquement la représentation de Tembec auprès de la Commission de la Santé et de la Sécurité du travail (CSST).
[51] Le 2 avril 2009, le syndic adjoint plaignant adressait une ultime demande à l’intimée, aux fins d’obtenir copie de tous ses dossiers avec Tembec et toute la correspondance échangée avec ses officiers en regard de tous les mandats confiés (pièce P-16 en liasse).
[52] Le syndic adjoint plaignant réclamait également copie d’une lettre de l’intimée à monsieur McElheran le 22 février ainsi que la facture du 15 février 2006 (pièce P-16 en liasse).
[53] Le même 2 avril 2009, le syndic adjoint plaignant s’adressait de nouveau à Me Patrick Lebel de Tembec réclamant copie de tous les paiements de Tembec à l’intimée (pièce P-17).
[54] Le 9 avril 2009, Me Patrick Lebel transmettait au syndic adjoint plaignant copie de six (6) paiements à l’intimée portant les dates du 18 octobre 2006, 28 novembre 2006, 31 janvier 2007, 9 février 2007, 1er mars 2007 et 8 mars 2007 pour un total de 4 373,77 $ (de la liasse de la pièce P-18).
[55] Le 1er mai 2009, l’intimée répondait au syndic adjoint plaignant, lui transmettait copie de la facture à monsieur McElheran et déclarait qu’elle n’avait aucun autre document relatif à Tembec pour qui elle n’avait exécuté qu’un seul mandat (pièce P-19).
[56] À la demande du syndic adjoint plaignant, Me Patrick Lebel a fourni une lettre expliquant la structure corporative de Tembec, spécifiant l’autorité de ses vice-présidents ainsi qu’un organigramme de la société (pièce P-20).
[57] Contre interrogé, le syndic adjoint plaignant répond qu’il sait que le « site Témiscaming » est situé sur la rue Kepawa tandis que le « Centre administratif » est situé sur la rue Gatineau.
[58] Il souligne qu’il a réclamé à l’intimée à plusieurs reprises toutes ses factures à Tembec et l’intégralité de ses dossiers, avant de s’adresser à Me Patrick Lebel, agissant pour Tembec.
[59] Il précise que les faits reprochés au chef #3 réfèrent à la demande d’enquête de monsieur McElheran acheminée à l’intimée et à la réponse de celle-ci.
Le témoignage de Me Patrick Lebel
[60] Me Patrick Lebel est conseiller juridique de Tembec depuis septembre 2006.
[61] Son témoignage est offert par le syndic adjoint plaignant.
[62] Me Patrick Lebel reconnaît à l’audience les documents et lettres produites par le syndic adjoint plaignant (pièces P-15, P-18 et P-20) émanant de lui ou par lui transmises.
[63] Il précise que les vice-présidents de Tembec ont l’autorité requise pour engager les services d’avocats externes.
[64] Les vice-présidents ont par ailleurs des contacts fréquents et soutenus.
[65] C’était le cas de monsieur Rocray. Monsieur Bottari a succédé à monsieur Rocray à la fin 2006.
[66] Me Patrick Lebel a été informé par l’intimée à l’été 2009 du mandat confié à cette dernière par monsieur McElheran.
[67] Avant cette date, ni le témoin, ni monsieur Patel, ni monsieur Fratianni, ni ses autres supérieurs n’avaient été informés de l’existence de ce mandat.
[68] Me Lebel explique que Tembec est un « holding » qui a été restructuré en février 2009.
[69] Me Lebel explique qu’il arrive que la société émette un avenant lorsqu’on lui dénonce un conflit d’intérêts potentiel.
[70] Me Lebel exerce sa profession à Montréal. Il indique que la société a deux (2) sites à Témiscaming, l’un sur la rue Kipawa et l’autre sur la rue Gatineau.
Le témoignage de l’intimée
[71] Avocate depuis 2004, l’intimée Warolin exerce sa profession à temps complet à Témiscaming depuis septembre 2005.
[72] Elle produit et explique certains documents émanant d’une recherche du nom TEMBEC au registre des entreprises (système CIDREQ) aux fins d’illustrer la complexité de la société qui possède de multiples filiales (pièce I-2).
[73] L’intimée est la seule avocate exerçant à Témiscaming.
[74] La petite communauté industrielle de 2 500 personnes ne compte aucun autre avocat.
[75] Près de 1 000 personnes y sont employées par Tembec.
[76] L’intimée référait les dossiers de CSST à un confrère de Val d’Or.
[77] Elle a accepté le mandat confié par monsieur McElheran parce qu’il ne s’agissait pas d’un dossier de « grande envergure » et que le client, qui souffrait beaucoup, « faisait peine à voir ».
[78] Le recours du client était tardif; il n’était pas supporté par son syndicat.
[79] L’intimée avait besoin d’un certificat médical et d’une autorisation du syndicat avant même de requérir l’appel.
[80] Tout en attendant cela, l’intimée explique qu’elle a, en parallèle, soumis une offre de services à Tembec en mars 2006.
[81] Dès janvier 2004, l’intimée avait rencontré Frank Dottori, officier de Tembec. Heureux qu’il y ait un avocat à Témiscaming, il souhaitait requérir ses services mais craignait qu’on lui reproche d’empêcher la population de bénéficier des services du seul avocat exerçant sur place.
[82] À l’époque, l’intimée était fort intéressée à servir Tembec, mais elle n’exerçait alors qu’un seul jour par semaine à Témiscaming.
[83] Monsieur Dottori n’était pas pressé. Il a attendu que l’intimée s’installe à temps complet à Témiscaming, après la naissance de son enfant.
[84] L’intimée a alors offert ses services aux dirigeants de Tembec.
[85] Elle n’avait alors jamais exécuté de mandat de « CSST ».
[86] L’intimée explique qu’à Témiscaming, « tout le monde fait la différence entre le site de production et White Oaks, le corporatif ».
[87] L’intimée avait transmis son offre de services à White Oaks, rue Gatineau et n’avait rien envoyé à la filiale.
[88] Elle explique avoir adressé l’offre sur la rue Kipawa par erreur.
[89] Tembec n’a pas accusé réception de l’offre initiale de l’intimée.
[90] Le 30 août 2006, monsieur Rocray, dirigeant de Tembec, s’est présenté à l’étude de l’intimée.
[91] Il lui a proposé un mandat de nature immobilière.
[92] L’intimée n’a pas parlé de son dossier McElheran tout simplement parce qu’elle était convaincue que « c’était deux (2) entités différentes ».
[93] L’intimée assure qu’il n’y a eu aucune intervention dans le dossier de son client. Me Jean McGuire s’en occupait pour Tembec.
[94] Elle-même n’a pas pensé ou songé à s’en retirer.
[95] Elle s’est occupée de préparer le mérite du dossier. C’est alors qu’elle a expliqué à son client les risques encourus et les coûts reliés à son recours.
[96] Monsieur McElheran a choisi de se représenter seul.
[97] L’intimée assure qu’elle n’a jamais pensé à un conflit d’intérêts. Si tel avait été le cas, elle aurait référé son client à un autre avocat, préférant de loin agir pour Tembec.
[98] L’intimée ajoute quelques commentaires particuliers aux chefs subséquents de la plainte disciplinaire.
[99] En regard du chef #2, elle explique ainsi sa réponse à son client.
[100] Pour elle, Tembec, c’est le site de production représenté par Me Jean McGuire.
[101] Elle a reçu la lettre de son client le 6 mars 2007 soit quelques jours avant d’accoucher le 12 avril 2007 (de la liasse de la pièce P-11).
[102] Elle croit que son client savait fort bien cela.
[103] En regard du chef #3, elle explique ainsi son attitude.
[104] Elle n’y voyait sincèrement aucun conflit d’intérêts mais elle n’avait aucune intention d’entraver le travail du syndic adjoint plaignant.
[105] Elle dressait le « portrait » de la situation dans le seul but de mieux répondre à ses demandes.
[106] Sa seule réserve était de respecter le secret professionnel et elle a fait part de son inquiétude au syndic adjoint plaignant.
[107] En regard du chef #4, l’intimée déclare que l’omission de transmettre la facture est involontaire.
[108] La facture apparaissait à la comptabilité de l’intimée mais pas au dossier physique du client.
[109] Elle n’a transmis au syndic adjoint plaignant que la copie du dossier physique.
[110] L’intimée souligne que la facture ne lui a pas été demandée de façon particulière.
[111] L’intimée déclare que normalement, ses factures se retrouvent au dossier physique et que c’est là une exception.
[112] Lorsque l’intimée a rédigé sa contestation, la preuve du syndic adjoint plaignant n’avait pas été divulguée et elle n’avait aucun souvenir de cette facture jusqu’à ce que le syndic adjoint plaignant l’évoque.
[113] L’intimée produit une lettre de Me Jean McGuire qui déclare qu’il s’occupe de tous les dossiers de CSST pour son client, l’employeur Tembec, depuis une vingtaine d’années (pièce I-3).
[114] Il s’est occupé du dossier McElheran.
[115] L’intimée ignore qui autorise les mandats confiés à Me McGuire mais elle souligne qu’à cette époque, l’associé de ce dernier était membre du Conseil d’administration et secrétaire corporatif de Tembec.
[116] L’intimée produit également un rapport de l’inspection de son étude par les services de l’inspection professionnelle du Barreau du Québec (pièce I-4).
[117] Le rapport porte la date du 25 février 2009.
[118] L’intimée déclare qu’elle est sensible aux conflits d’intérêts et qu’elle exerce, notamment, les fonctions de commissaire au Centre de santé de Témiscaming.
[119] En contre-interrogatoire, l’intimée soutient de nouveau qu’il n’y a pas de connexité entre les mandats confiés par son ex-client McElheran et celui confié par Tembec, que tous les dossiers sont traités localement pour « le site » par Me McGuire et que son offre de services était destinée au « centre administratif ».
[120] Ce sont là, selon l’intimée, des entités distinctes.
[121] Elle n’a pas, tel que l’a prétendu son client McElheran, de « contract with my employer » et a offert ses services à Tembec en raison de l’ouverture manifestée par Frank Dottori.
[122] Elle n’a pas caché la facture et les offres de services volontairement.
[123] Elle n’a pas vu la première à son dossier physique et n’a tout simplement pas pensé aux secondes.
LES REPRÉSENTATIONS DES PARTIES
LES REPRÉSENTATIONS DU SYNDIC ADJOINT PLAIGNANT
[124] Le syndic adjoint offre ses représentations et produit plusieurs autorités au regard de chacun des cinq (5) chefs de cette plainte disciplinaire.
Sur le chef #1
« 1. À Témiscamingue (sic), du ou vers le 30 août 2006 au ou vers le 21 novembre 2006, s'est placée en situation de conflit d'intérêts en acceptant de représenter l'entreprise «T» dans le cadre d'une transaction immobilière, alors qu'elle représentait déjà, et pour toute la période précitée, monsieur B.McE. dans le cadre d'un autre dossier dans lequel son recours était contesté par la même entreprise «T», contrevenant ainsi aux articles 3.06.06 et 3.06.07 du Code de déontologie des avocats et à l'article 59.2 du Code des professions; »
[125] Il souligne au Conseil de discipline que le témoignage et les documents au soutien du témoignage de Me Lebel sont fort explicites.
[126] Ainsi, il faut en déduire que le site de production n’est pas une entité distincte du centre administratif et que tout est régi par « la rue Gatineau ».
[127] Tous les mandats de Tembec sont confiés par les vice-présidents, y incluant ceux des ressources humaines.
[128] La prétention de l’intimée doit être rejetée parce qu’il ne s’agit pas d’entités distinctes.
[129] Le syndic adjoint plaignant rappelle également que l’intimée n’aurait pu, comme elle l’a affirmé, « cesser de représenter le client pour garder Tembec si j’avais pensé au conflit d’intérêts » puisqu’elle aurait alors tout de même enfreint les dispositions du Code de déontologie.
[130] Le syndic adjoint plaignant rappelle qu’il s’infère de ces dispositions que le conflit d’intérêts doit être non seulement évité mais également prévenu.
[131] Il ne suffit donc pas de délaisser un mandat engagé pour un nouveau mandat.
[132] Il n’est pas nécessaire qu’il y ait connexité entre les mandats pour que le conflit existe.
[133] Le syndic adjoint plaignant invite le Conseil à « se mettre dans les souliers du client » représenté par l’intimée qui sert par ailleurs son employeur.
[134] La conduite de l’intimée est, selon le syndic adjoint plaignant, contraire aux intérêts supérieurs de la justice.
[135] L’intimée ne peut par ailleurs invoquer le consentement du client qui ignorait la situation conflictuelle.
[136] Le syndic adjoint plaignant soumet plusieurs autorités au soutien de ses prétentions.
[137] L’affaire R. c. Neil 2002 CSC 70 : il s’agit d’une affaire de droit criminel où un arrêt des procédures a été requis au motif que les avocats étaient en conflit d’intérêts.
[138] Le syndic adjoint plaignant cite ces extraits de l’arrêt :
« 12. (…)
Voilà des mots fort éloignés, dans le temps et dans l’espace, du monde juridique dans lequel évoluait le cabinet Venkatraman, mais le principe de base — le devoir de loyauté — demeure le même. Il subsiste parce qu’il est essentiel à l’intégrité de l’administration de la justice et il est primordial de préserver la confiance du public dans cette intégrité : Succession MacDonald c. Martin, [1990] 3 R.C.S. 1235 , p. 1243 et 1265, et Tanny c. Gurman, [1994] R.D.J. 10 (C.A. Qué.). Si une partie à un litige n’est pas assurée de la loyauté sans partage de son avocat, ni cette partie ni le public ne croiront que le système juridique, qui leur paraît peut-être hostile et affreusement complexe, peut s’avérer un moyen sûr et fiable de résoudre leurs conflits et différends: R. c. McClure, [2001] 1 R.C.S. 445 , 2001 CSC 14 , par. 2; Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455 . Comme le faisait remarquer le juge O’Connor (maintenant juge en chef adjoint de l’Ontario) dans R. c. McCallen (1999), 43 O.R. (3d) 56 (C.A.), p. 67 :
[traduction] . . . la relation entre client et avocat exige que les clients, qui n’ont généralement pas de formation en droit et ne possèdent pas le savoir-faire propre aux avocats, confient l’administration et la conduite de leur cause à l’avocat qui agit en leur nom. Il ne devrait y avoir aucun doute possible quant à la loyauté de l’avocat et à son dévouement à la cause de son client.
(…)
19 Les aspects du devoir de loyauté pertinents quant au présent pourvoi incluent effectivement des questions de confidentialité relativement aux affaires Canada Trust, mais les trois aspects suivants sont plus particulièrement en cause :
(i) le devoir d’éviter les conflits d’intérêts : Davey c. Woolley, Hames, Dale & Dingwall (1982), 35 O.R. (2d) 599 (C.A.), et Services environnementaux Laidlaw (Mercier) Ltée c. Québec (Procureur général), [1995] R.J.Q. 2393 (C.A.); notamment en ce qui concerne l’intérêt personnel de l’avocat : Szarfer c. Chodos (1986), 54 O.R. (2d) 663 (H.C.), conf. par (1988), 66 O.R. (2d) 350 (C.A.); Moffat c. Wetstein (1996), 29 O.R. (3d) 371 (Div. gén.); Stewart c. Canadian Broadcasting Corp., précité;
(ii) le devoir de dévouement à la cause de son client (qu’on appelle parfois la « représentation zélée »), qui existe dès le moment où les services de l’avocat sont retenus et pas seulement pendant le procès, c’est-à-dire veiller à ce qu’une situation de loyauté partagée n’incite par l’avocat à « mettre une sourdine » à la défense de son client par souci d’en ménager un autre, comme dans les affaires R. c. Silvini (1991), 5 O.R. (3d) 545 (C.A.); R. c. Widdifield (1995), 25 O.R. (3d) 161 (C.A.); R. c. Graham, [1994] O.J. No. 145 (QL) (Div. prov.);
(iii) un devoir de franchise envers son client pour les questions pertinentes quant au mandat : Henry c. La Reine, [1990] R.J.Q. 2455 (C.A.), p. 2461, le juge Gendreau; Spector c. Ageda, [1971] 3 All E.R. 417 (Ch. D.), p. 430; le Code de déontologie professionnelle de l’Association du Barreau canadien (1988), ch. 5, Commentaires 4 à 6. S’il survient un conflit, le client devrait être parmi les premiers à en entendre parler.
(…) »
[139] Le syndic adjoint plaignant cite également l’affaire Strother c. 3464920 Canada inc. 2007 CSC 24 (ci-après désigné l’arrêt Davis) et en souligne ces extraits lesquels reprennent l’arrêt Neil précité :
« 51 (…) La règle de la « démarcation très nette » est le fruit de la mise en balance d’intérêts et non un mécanisme qui donne ouverture à une autre mise en balance interne. Dans l’arrêt Neil, la Cour a précisé ceci (par. 29) :
Cette ligne de démarcation très nette est tracée par la règle générale interdisant à un avocat de représenter un client dont les intérêts sont directement opposés aux intérêts immédiats d’un autre client actuel — même si les deux mandats n’ont aucun rapport entre eux — à moins que les deux clients n’y aient consenti après avoir été pleinement informés (et de préférence après avoir obtenu des avis juridiques indépendants) et que l’avocat ou l’avocate estime raisonnablement pouvoir représenter chaque client sans nuire à l’autre. [En italique dans l’original.]
(…) »
[140] Le syndic adjoint plaignant rappelle au Conseil que l’on ne saurait présumer du consentement du client à être représenté malgré le conflit d’intérêts.
[141] Et il cite ce dernier passage du même arrêt Davis :
« (…)
On ne saurait présumer qu’un client a consenti à des conflits dont il ignore l’existence. La prudence exige que l’avocat obtienne un consentement éclairé.
c) Le devoir de loyauté vise la représentation du client
56 Le devoir de loyauté est axé sur la capacité de l’avocat de bien représenter son client, mais il ne se limite pas à l’obligation d’éviter les conflits d’intérêts avec d’autres clients concurrents. La notion de « conflit d’intérêts » a été définie dans l’arrêt Neil comme étant
un risque sérieux que les intérêts personnels de l’avocat ou ses devoirs envers un autre client actuel, un ancien client ou une tierce personne nuisent de façon appréciable à la représentation du client par l’avocat.
(Neil, adoptant, au par. 31, le § 121 de Restatement (Third) of Law Governing Lawyers, vol. 2, p. 244-245)
57 Dans l’arrêt Hilton, invoqué par le cabinet Davis, la Chambre des lords a jugé que l’omission de divulguer à un client des renseignements préjudiciables (mais non confidentiels) concernant un autre client, dans un cas où le cabinet d’avocats défendeur représentait les deux clients dans le cadre d’une coentreprise, donnait ouverture à une action contractuelle même si, en soi, la qualité du travail juridique effectué n’était pas critiquée. La Chambre des lords a accordé des dommages-intérêts fondés sur le droit des contrats, mais l’arrêt Martin c. Goldfarb (1998), 41 O.R. (3d) 161 (C.A.), indique que, au Canada, une telle action pourrait également être fondée sur le manquement à une obligation fiduciaire, même en l’absence de conflit entre clients. Dans cette affaire, un avocat ontarien a été condamné à verser des dommages-intérêts à un client pour le motif qu’il avait manqué à son devoir fiduciaire de franchise en ne révélant pas à ce client qu’il savait que son conseiller d’entreprise avait un casier judiciaire.
58 Des cas exceptionnels ne devraient toutefois pas occulter la principale fonction de la règle de la « démarcation très nette », qui concerne le devoir de l’avocat d’éviter les conflits qui compromettent la représentation respective des intérêts de ses clients concurrents, que ce soit dans le cadre d’un litige ou autrement; voir, par exemple, Waxman c. Waxman (2004), 186 O.A.C. 201 (C.A.). »
[142] Et le syndic adjoint plaignant cite ces extraits des décisions suivantes qui expriment simplement la règle.
[143] De l’arrêt Chassé c. Caron 2000 CanLII 9217 (QC C.A.) :
« [14] Considérons d'abord le second motif retenu par le juge. Le Code de déontologie du Barreau du Québec prévoit clairement qu'un cabinet ne peut à la fois agir pour un client et contre lui simultanément. C'est le cas en l'espèce. Techniquement, les deux instances, plainte et grief, sont encore pendantes. Bien que l'on puisse prétendre que les recours sont «matériellement» réglés à cause d'une lettre de l'employeur qui affirme avoir retiré la lettre de réprimande du dossier personnel de l'intimé, ce dernier a demandé à Me Claude Leblanc d'obtenir une lettre annulant la réprimande. Leblanc n'a pas refusé le mandat et n'a pas donné suite à cette demande. »
[144] De la décision Liquitransport Distribution inc. et al c. Administration de pilotage des Larentides et als REJB 2001-3195 :
« 26. Il est en effet peu banal, pour reprendre les termes de cette dernière, qu’une même étude d’avocats représente une partie dans un dossier et prenne action contre celle-ci dans un autre dossier. Il s’agirait là effectivement d’un cas de conflit d’intérêts patent sur lequel il faudrait normalement intervenir. »
« 42. (…) Cela pose donc le problème suivant : est-ce qu’un même avocat peut poursuivre au nom d’un de ses clients un autre de ses clients? Cette situation apparaît plutôt incongrue et laisserait voir au grand public que l’intérêt de la justice ne serait pas bien servi par le fait qu’un avocat pourrait à la fois représenter deux clients aux intérêts divergents. Il veut d’une main sauvegarder les intérêts de l’un et de l’autre main obtenir condamnation contre l’autre. »
[145] Enfin, toujours en regard du premier chef, le syndic adjoint plaignant cite une courte décision du Comité de discipline du Barreau du Québec, l’affaire Guimont c. Plourde, 06-94-00780, où l’intimé a reconnu sa culpabilité à un chef d’infraction tout à fait semblable.
[146] Et il répète que la conduite de l’intimée est contraire à l’intérêt supérieur de la justice.
Sur le chef #2
« 2. À Témiscamingue (sic), par lettre datée du 2 avril 2007, a induit en erreur son ex-client B.McE. en lui indiquant qu'elle ne représentait pas l'entreprise «T», le tout contrairement aux articles 4.02.01 d) du Code de déontologie des avocats et 59.2 du Code des professions; »
[147] Le syndic adjoint plaignant rappelle que la preuve démontre que l’intimée a nié représenter l’entreprise Tembec auprès de son client.
[148] Elle ne s’est pas abstenue, elle a nié.
[149] Et le syndic adjoint plaignant soumet l’affaire Barreau du Québec c. Crevier 2009 QC CDBQ 063 où l’intimé avait reconnu sa culpabilité à semblable infraction.
Sur le chef #3
« 3. À Témiscamingue (sic), par lettre datée du 16 juillet 2007, a entravé le travail d'enquête du syndic adjoint, Me Jean-Michel Montbriand, en lui indiquant qu'elle ne voyait pas de quoi son ex-client B.McE. voulait parler en invoquant un conflit d'intérêts du fait qu'elle aurait accompli un mandat pour l'entreprise «T» alors même qu'elle représentait son dit ex-client dans un autre dossier contesté par cette même entreprise «T», le tout contrairement aux articles 59.2 , 114 et 122 du Code des professions; »
[150] Le syndic adjoint plaignant soutient que le témoignage de l’intimée et ses prétentions n’offrent aucune crédibilité.
[151] Celle-ci ne pouvait ignorer le conflit d’intérêts.
[152] Elle n’avait qu’un seul mandat de Tembec et un autre avec un employé de Tembec.
Sur les chefs #4 et #5
« 4. À Témiscamingue (sic), par lettre datée du 25 février 2008, a entravé le travail d'enquête du syndic adjoint Me Jean-Michel Montbriand en omettant de lui fournir sa facture numéro 270, datée du 31 janvier 2007, à l'entreprise «T», le tout contrairement aux articles 59.2 , 114 et 122 du Code des professions; »
5. À Témiscamingue (sic), par lettre datée du 29 avril 2009, a entravé le travail d'enquête du syndic adjoint Me Jean-Michel Montbriand en omettant de lui fournir copie de sa lettre du 18 octobre 2006, avec offre de services détaillée, qu'elle a transmise à l'entreprise «T», le tout contrairement aux articles 59.2 , 114 et 122 du Code des professions; »
[153] Le syndic adjoint plaignant rappelle au Conseil que les omissions de l’intimée constituent l’infraction alléguée.
[154] Il cite au soutien de ses prétentions plusieurs extraits des décisions suivantes :
[155] De l’affaire Barreau du Québec c. Gravel 2009 QC CDBQ 011 :
« [29] Dans l’affaire Truchon c. Charles, 20-2005-00333, 17 août 2006, le Comité de discipline s’exprimait ainsi :
« L’entrave au travail d’un responsable de l’inspection professionnelle, tout comme l’entrave au travail du syndic, est une faute que l’ont peut qualifier de très grave puisque ce sont notamment eux qui ont la responsabilité d’assurer la protection du public. Ce principe a d’ailleurs été réitéré à de nombreuses reprises :
« Dans la décision Arpenteurs-géomètres c. Savoie, le comité de discipline mentionnait :
« La fonction de syndic en est une qui se révèle fondamentale dans notre système de droit disciplinaire. Lorsqu’un client insatisfait s’adresse à lui, il a le rôle délicat d’être une oreille attentive aux insatisfactions manifestées, afin d’abord de mesurer si un remède peut être apporté rapidement au problème soulevé, en même temps que d’évaluer s’il y a eu faute déontologique justifiant son intervention.
En prenant une action ou des décisions dans le cadre d’une affaire précise et privée, il lui est souvent donné, par ses actions ou interventions, de réhabiliter l’image des professionnels de l’Ordre tout entier auprès de la personne plaignante.
La première des actions du syndic est de recueillir la version du professionnel concerné pour au moins pouvoir se faire une idée du problème précis qu’il devra résoudre par la conciliation, par la fermeture pure et simple du dossier ou par l’institution d’une plainte disciplinaire.
Lorsqu’un professionnel n’offre pas toute sa collaboration au syndic de l’Ordre, c’est le système disciplinaire au complet qu’il met en péril. »
Dans son traité, Le droit disciplinaire des corporations professionnelles, l’auteur s’exprime ainsi :
« Afin de pouvoir assumer leur mission de protection du public, les corporations professionnelles ont mis sur pied un ensemble de règles et un mécanisme correctif. Le non-respect de ces règles ou une entrave à ce mécanisme constitue une faute contre l’autorité de la corporation concernée.
Me Baulne explique le fondement de cette autorité de la façon suivante :
Il est essentiel pour toute corporation professionnelle que l’image qu’elle projette sur le public soit celle « d’une république organisée » où la discorde entre corporation et membres est inconnue et où la moralité la plus élevée des membres est assurée. De plus, la corporation doit instaurer un mécanisme répressif efficace, qui permette de maintenir les objectifs d’une profession où l’éthique fait partie du « produit ».
Le syndic fait partie de ce mécanisme. C’est à ce dernier qu’incombe en premier lieu la tâche de veiller à la bonne conduite des membres. Refuser de collaborer avec lui même lorsqu’il exige l’accès à des documents confidentiels, constitue une faute (art. 114 et 122 C. prof.).
Le défaut de collaborer prend le plus souvent la forme d’un refus de répondre. Ce type de faute est relativement grave, parce que la protection du public est alors impliquée. D’ailleurs, les comités de discipline le répètent constamment :
Le défaut de répondre peut entraîner des conséquences graves pour le public parce qu’il ralentit les opérations de surveillance du syndic et l’empêche d’intervenir au moment opportun, s’il y a lieu.
On doit considérer l’obligation de répondre comme prioritaire cette règle ne devant souffrir d’aucune exception, sauf s’il y a impossibilité absolue. » » [1]
[30] On aura compris que le défaut de collaborer avec le syndic de son Ordre met en péril tout le processus disciplinaire et compromet donc en conséquence la protection du public. »
[1] Arpenteurs-géomètres c. Laurendeau, C.D. Arp.-géom. 04-2001-000240, 12 février 2002, pp.6 à 8;
[156] De l’affaire Barreau du Québec c. Fuchs 2009 QC CDBQ 026, il souligne la même citation.
[157] De l’affaire Erybalin c. Avocats 2003 QCTP 009 :
« [9] Dans une décision rendue en 1998 ([10]) on pouvait lire :
"Il ne s'agit certainement pas d'une faute mineure que de manquer, à divers degrés, aux devoirs de collaboration que les professionnels ont à l'égard du syndic de leur Ordre professionnel.
La fonction de syndic en est une qui se révèle fondamentale dans notre système de droit disciplinaire. Lorsqu'un client insatisfait s'adresse à lui, il a le rôle délicat d'être une oreille attentive aux insatisfactions manifestées, afin d'abord de mesurer si un remède peut être apporté rapidement au problème soulevé, en même temps que d'évaluer s'il y a eu faute déontologique justifiant son intervention.
En prenant une action ou des décisions dans le cadre d,une affaire précise et privée, il lui est souvent donné, par ses actions ou interventions, de réhabiliter l'image des professionnels de l'Ordre tout entier auprès de la personne plaignante.
(…)
Lorsqu'un professionnel n'offre pas toute sa collaboration au syndic de l'Ordre, c'est le système disciplinaire au complet qu'il met en péril. ([11]) "
[10] Grondines c. Savoie, Comité de discipline de l'Ordre des arpenteurs géomètres du Québec. Le 20 janvier 1998, page 65, 04-93000-117
[11] Supra note (10) p. 8 et 9
[158] Et ces extraits de l’affaire Chené c. Chiropraticiens 2006 QCTP 102 :
« (…)
[48] Ces articles confirment le large pouvoir d'enquête du syndic et, en parallèle, l'obligation du professionnel de fournir tout renseignement ou tout document demandé. Cela ne nécessite pas d'écrit. Ainsi donc, une demande verbale suffit.
(…)
[52] Il y a preuve prépondérante : bien que ce soient les dossiers complets qui ont été demandés, l'appelant ne les a pas remis.
(…)
[62] L'obligation de remettre intégralement tous les documents en est une de résultat qui incombe au professionnel. Dans Marin c. Lemay, le Tribunal écrivait :
« [43] Selon le Comité, pour se conformer à son Code de déontologie et se mettre à l’abri d’une plainte disciplinaire, il suffisait à l’appelant de répondre qu’il ne détenait pas les lettres plutôt que de tenter d’obtenir ces documents.
[44] Cette interprétation est pour le moins paradoxale puisqu’elle encourage des réponses simplistes au détriment de la transmission d’informations susceptibles de faire avancer l’enquête du syndic, ce qui constitue le véritable objectif de cette disposition.
[45] Au surplus, elle restreint considérablement l’étendue de l’obligation déontologique qui, en plus d’imposer une réponse au syndic, exige aussi une véritable collaboration du professionnel avec le syndic. »[46] »
[46] Marin c. Lemay, 2002 QCTP 29 (CanLII), 2002 QCTP 29
[159] Le syndic adjoint plaignant rappelle que l’infraction ne comporte pas l’élément d’intention de l’intimée et il cite à cet effet cet extrait de la décision Ouimet c. Denturologistes 2004 QCTP 090 :
« (…)
[3] (…)
[50] L'appelant prétend que la notion d'entrave exige la notion d'intention, de mens rea.
[51] Le Tribunal ne partage pas cette opinion. Il ne s'agit pas en matière disciplinaire d'une infraction à intention spécifique. Le procureur de la syndic n'avait pas à prouver la mauvaise foi.
[52] Le Petit Larousse définit entraver comme : mettre des obstacles à, empêcher.
[53] Or, c'est précisément ce qu'a fait l'appelant comme en font foi les lettres qu'il a fait parvenir à la syndic les 14 et 15 mars 2003, lesquelles furent produites comme pièces P-2 et P-3. Il a délibérément choisi de ne pas fournir les dossiers demandés. »
[160] Et le syndic adjoint plaignant invite le Conseil de discipline à conclure à la culpabilité de l’intimée à l’égard des cinq (5) chefs d’infraction reprochés.
LES REPRÉSENTATIONS DU PROCUREUR DE L’INTIMÉE
[161] Le procureur rappelle dans un premier temps que l’intimée est une jeune avocate qui exerce seule, en région éloignée des grands centres.
[162] Selon lui, il n’y avait pas là une situation de conflit d’intérêts.
[163] Cependant, sa cliente aurait dû aviser, « parler à ses clients ».
[164] C’est là, selon le procureur, « sa seule faute ».
[165] Le procureur ajoute que l’intimée a rendu des services corrects à son client et a rencontré son mandat.
[166] L’intimée était de bonne foi, elle débutait sa pratique professionnelle et n’a pas vu de connexité entre les deux (2) mandats qui lui étaient confiés.
[167] Le procureur invite le Conseil à conclure que l’intimée a reçu mandat d’une personne morale différente et distincte de celle poursuivie par son client McElheran.
[168] Selon le procureur, « c’est possible qu’il y ait des conflits (d’intérêts) dans une région comme la nôtre ».
[169] Ces conflits, selon lui, « engendrent la mauvaise foi et ce n’est pas le cas de l’intimée ».
[170] Et le procureur ajoute ces commentaires.
[171] Il ne faut pas priver la population de Témiscaming des services de l’intimée.
[172] Elle y est la seule avocate.
[173] Elle a cessé d’occuper pour le client McElheran mettant fin au conflit.
[174] Le client a perdu son recours et il cherche un bouc émissaire.
[175] L’intimée n’a pas songé au conflit d’intérêts.
[176] Elle a contracté avec le vice-président aux ressources humaines.
[177] Lorsque le syndic adjoint plaignant requiert tout le dossier, il est vrai que l’on doit vérifier le contenu informatisé, les courriels et le dossier général.
[178] Le procureur de l’intimée cite et commente quelques décisions au soutien de son argumentation.
[179] Dans une affaire J.P. et Syndicat A 2008 QC CLP 2345, la Commission des lésions professionnelles a rejeté une requête en déclaration d’inhabilité d’un procureur au motif de conflit d’intérêts et ces termes :
« (…)
[60] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis de rejeter la requête en déclaration d’inhabilité présentée par l’employeur. La preuve démontre qu’il y a absence de connexité entre les mandats antérieurs de Me Pelletier et le mandat actuel où il représente un travailleur qui prétend avoir subi une lésion professionnelle.
(…)
[62] Enfin, les membres sont convaincus qu’aucun renseignement pertinent qui pourrait être utilisé au détriment de l’employeur n’a été communiqué à Me Pelletier lorsqu’il représentait l’employeur.
(…)
[74] La Cour suprême nous enseigne, dans l’affaire Succession MacDonald[9], que pour décider s’il existe un conflit d’intérêts entraînant une inhabilité, la Cour doit prendre en considération trois valeurs en même temps : 1) le souci de préserver les normes exigeantes de la profession d’avocat et l’intégrité de notre système judiciaire; 2) en contrepoids, le droit du justiciable de ne pas être privé sans raison valable de son droit de retenir les services de l’avocat de son choix; et 3) la mobilité raisonnable qu’il est souhaitable de permettre au sein de la profession.
[75] Pour nous aider à régler ce genre de conflit, la Cour indique qu’il y a lieu de répondre aux deux questions suivantes : 1) L’avocat a-t-il appris des faits confidentiels, grâce à des rapports antérieurs d’avocat à client, qui concernent le litige? 2) Y-a-t-il un risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du client? Voici comment s’exprime le juge Sopinka relativement à ces questions :
46 Pour réponde à la première question, la cour doit résoudre un dilemme. Il peut en effet être nécessaire, pour examiner à fond la question, de révéler les renseignements confidentiels que l’on cherche justement à protéger. La requête perdrait alors tout son sens. Les tribunaux américains ont résolu ce dilemme en adoptant le critère du «lien important». L’établissement d’un «lien important» fait naître une présomption irréfragable selon laquelle l’avocat a appris des faits confidentiels. À mon avis, ce critère est trop rigide. Il peut arriver qu’il soit prouvé hors de tout doute raisonnable qu’aucun renseignement confidentiel pertinent en l’espèce n’a été divulgué; le requérant a pu, par exemple, reconnaître ce fait au cours de son contre-interrogatoire. Or, cette preuve serait inefficace au regard d’une présomption irréfragable. À mon avis, dès que le client a prouvé l’existence d’un lien antérieur dont la connexité avec le mandat dont on veut priver l’avocat est suffisante, la Cour doit en inférer que des renseignements confidentiels ont été transmis, sauf si l’avocat convainc la Cour qu’aucun renseignement pertinent n’a été communiqué. C’est un fardeau de preuve dont il aura bien de la difficulté à s’acquitter. Non seulement la Cour doit être convaincue, au point qu’un membre du public raisonnablement informé serait persuadé qu’aucun renseignement de cette nature n’a été transmis, mais encore la preuve doit être faite sans que soient révélés les détails de la [page 1261] communication privilégiée. Néanmoins, je suis d’avis qu’il ne convient pas de priver de tout moyen d’action l’avocat qui veut s’acquitter de ce lourd fardeau.
47 Il s’agit en deuxième lieu de décider si un mauvais usage sera fait des renseignements confidentiels. Un avocat qui a appris des faits confidentiels pertinents ne peut pas agir contre son client ou son ancien client. Il sera automatiquement déclaré inhabile à agir. Peu importe qu’il donne l’assurance ou qu’il promette de ne pas utiliser les renseignements. L’avocat ne peut pas compartimenter son esprit de façon à trier les renseignements appris de son client et ceux obtenus d’autres sources. Au surplus, il risquerait de s’abstenir d’utiliser des renseignements obtenus licitement, par crainte de donner l’impression qu’ils proviennent du client. L’avocat serait ainsi empêché de bien représenter son nouveau client. Par surcroît, l’ancien client aurait le sentiment d’être désavantagé. Il ne pourrait s’empêcher de penser que les questions posées au cours du contre-interrogatoire au sujet de sa vie privée, par exemple, ont leur origine dans la relation antérieure.
[nos soulignements]
ANALYSE
[76] La Commission des lésions professionnelles doit donc décider, dans un premier temps, s’il y a connexité entre le mandat que Me Pelletier a exécuté pour l’employeur et le présent mandat, soit celui de représenter le travailleur dans le présent dossier.
[77] À ce sujet, la Cour d’appel, dans l’affaire Syndicat professionnel des ingénieurs d’Hydro-Québec (SPIHQ) c. Rouleau et als[10] nous enseigne que «l’examen sur la connexité entre les divers mandats doit se faire en tenant compte du contexte et surtout de la question présentement en litige…».
(…)
[115] La Commission des lésions professionnelles abonde dans le même sens que le juge Bourduas en ce qui concerne les opinions légales demandées à Me Pelletier en janvier 2005, lorsqu’il écrit : «rien ne laisse croire qu’il y a quelque connexité que ce soit avec les présentes actions». Le présent litige n’a rien à voir avec les opinions que Me Pelletier a pu donner à titre de procureur du Syndicat-employeur concernant l’interprétation de la convention collective ou de la loi, en ce qui a trait à l’application de l’ancienneté en cas de mise-à-pied. Il ne représente pas aujourd’hui le Syndicat B. Il représente un travailleur qui n’était pas un employé de bureau, qui cherche à faire reconnaître qu’il a subi une lésion professionnelle.
(…)
[123] En résumé, l’employeur n’a pas prouvé l’existence d’un lien antérieur dont la connexité avec le mandant dont on veut priver l’avocat est suffisante. Mais il y a lieu d’ajouter que, même si la Commission des lésions professionnelles en était venue à la conclusion qu’une telle connexité avait été établie, ce qui n’est pas le cas, Me Pelletier a fait la preuve qu’aucun renseignement pertinent ne lui a été communiqué. Il était surtout le procureur des salariés. À l’occasion, la preuve démontre qu’il a été consulté pour des affaires concernant plus directement l’employeur, mais la preuve démontre qu’il n’était pas le conseiller de l’exécutif, il n’était impliqué dans aucune stratégie syndicale et, de plus, selon le témoignage de monsieur X, on ne lui faisait pas vraiment confiance et ce, depuis déjà quelques années avant son départ.
(…)
[132] La Cour avait donc raison de déclarer ce cabinet d’avocats inhabile à représenter la mise en cause pour préserver l’intégrité du système judiciaire. Dans le présent dossier, l’intégrité du système judiciaire ne risque pas d’être remise en question si Me Pelletier continue à représenter le travailleur. La Commission des lésions professionnelles a plutôt tendance, comme le juge Bourduas, de croire que le fait d’accueillir la requête en inhabilité, dans les circonstances particulières du présent dossier, équivaudrait à concéder à l’employeur un avantage additionnel qui ne servirait certes pas l’intégrité du système judiciaire.
(…)
[138] Le tribunal est convaincu qu’il n’y a aucune connexité entre les mandats antérieurs de Me Pelletier et le présent dossier dans lequel il représente un travailleur qui allègue avoir subi une lésion professionnelle. »
[9] Précitée, note 7
[10] C.A. Montréal, 500-09-014313-043, 21 mars 2005, jj. Forget, Rochette et Pelletier
[180] Le procureur de l’intimée cite plusieurs extraits de la décision Succession MacDonald c. Martin [1990] 3 R.C.S. 1235 qui établit les principes généraux de la gestion du conflit d’intérêts aux fins de rappeler ce commentaire de la Cour :
« Au Canada, la question de savoir s’il existe un conflit d’intérêts entraînant une inhabileté a été résolue selon deux critères fondamentaux : premièrement, la probabilité de préjudice réel; deuxièmement, la possibilité de préjudice réel. (…) » (de la page 15 de la décision)
[181] Et le procureur souligne que l’exécution des deux mandats par l’intimée ne pouvait causer aucun préjudice.
[182] Le procureur cite la décision Talbot c. CFCL Roche International limited AZ-98026039 où la Cour supérieure rejette une requête en déclaration d’inhabilité au motif qu’il n’y a pas de lien de connexité entre les dossiers.
[183] Et enfin le procureur cite la décision Barreau du Québec c. Brisebois 2003 CanLII 54649 QC CDBQ qui reprend les principaux critères d’analyse des conflits d’intérêts, soient « l’intérêt supérieur de la justice, le consentement exprès ou implicite des parties, l’étendue du préjudice pour chacune des parties, le laps de temps écoulé depuis la naissance de la situation pouvant constituer ce conflit et la bonne foi des parties ».
[184] Le procureur invite le Conseil de discipline à conclure que le chef #1 ne peut être retenu contre l’intimée.
[185] Il estime que le syndic adjoint plaignant aurait dû avoir une discussion avec l’intimée et même une médiation avec celle-ci, tel que le prévoit le Code des professions.
[186] Quant à l’infraction d’entrave, elle exige, selon le procureur, un élément d’intention qui n’est pas démontré chez l’intimée.
[187] Et le procureur rappelle que le rapport des services de l’Inspection professionnelle du Barreau du Québec a conclu que l’intimée avait une bonne pratique, qu’elle gérait bien ses affaires professionnelles.
LA RÉPLIQUE DU SYNDIC ADJOINT PLAIGNANT
[188] Ce dernier souligne que les décisions Brisebois et Talbot citées par le procureur de l’intimée présentaient des situations où les mandats étaient confiés et exécutés de façon consécutive.
[189] Et depuis lors, les règles déontologiques ont été modifiées.
[190] Selon le syndic adjoint plaignant, la situation de l’intimée est fort simple : celle-ci a offert ses services à Tembec en regard des dossiers de CSST alors qu’elle représentait monsieur McElheran contre Tembec dans un dossier de CSST.
[191] Le conflit est donc, selon lui, évident.
DISCUSSION
[192] Le Conseil de discipline a considéré la preuve offerte par les parties en regard de chacun des cinq (5) chefs d’infraction.
[193] Le Conseil a entendu et considéré cette preuve et les moyens de contestation offerts par l’intimée ainsi que l’argumentation des parties.
[194] Il a également considéré les autorités produites et citées par chacune des parties.
[195] Et le Conseil conclut ainsi en regard de chaque chef d’infraction pour les motifs qui suivent.
En regard du chef #1
[196] Le syndic adjoint plaignant y reproche à l’intimée d’avoir enfreint ces dispositions du Code de déontologie des avocats :
« 3.06.06. L'avocat doit éviter toute situation de conflit d'intérêts. »
« 3.06.07. L'avocat est en conflit d'intérêts lorsque, notamment:
1° il représente des intérêts opposés;
2° il représente des intérêts de nature telle qu'il peut être porté à préférer certains d'entre eux ou que son jugement et sa loyauté peuvent en être défavorablement affectés;
3° il agit à titre d'avocat d'un syndic ou d'un liquidateur, sauf à titre d'avocat du liquidateur nommé en vertu de la Loi sur la liquidation des compagnies (L.R.Q., c. L-4), et représente le débiteur, la compagnie ou la société en liquidation, un créancier garanti ou un créancier dont la réclamation est contestée ou a représenté une de ces personnes dans les 2 années précédentes, à moins qu'il ne dénonce par écrit aux créanciers ou aux inspecteurs tout contrat de services professionnels antérieur reçu du débiteur, de la compagnie ou de la société ou de leurs créanciers pendant cette période.
Dans tous les cas où l'avocat exerce ses activités professionnelles au sein d'une société, les situations de conflits d'intérêts s'évaluent à l'égard de tous les clients de la société. »
et les dispositions de cet article du Code des professions :
« 59.2. Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l'ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l'honneur, la dignité ou l'exercice de sa profession. »
[197] La jurisprudence des tribunaux disciplinaires en cette matière est fort abondante.
[198] Tants les comités et conseils de discipline que le Tribunal des professions et les tribunaux supérieurs ont appliqué les règles édictées par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Succession Mc Donald, R. c. Neil.
[199] Ces arrêts sont les phares des tribunaux.
[200] Ils servent à apprécier chaque situation où le conflit d’intérêts ou perte d’indépendance est invoqué.
[201] Le Conseil reprend, simplement et à titre d’exemple, ces extraits d’une décision récente du Tribunal des professions dans l’affaire Avocats c. Karkar 2008 QCTP 163 .
[202] L’une des questions en litige devant le Tribunal des professions était celle-ci :
« [61] L’appelant soulève huit questions.
[62] Six d’entre elles concernent les éléments factuels et juridiques étayant le conflit d’intérêts auquel le Comité se devait de conclure selon l’appelant.
[63] Il y a lieu de les formuler comme suit :
Question 1 : Les membres majoritaires du Comité commettent-ils une erreur de droit en ne reconnaissant pas que le fait de représenter simultanément dans une affaire criminelle l’accusé et la victime dans une autre affaire constitue un conflit d’intérêts parce que contraire à l’ordre public et à l’intérêt supérieur de la justice, contrevenant ainsi au Code de déontologie?
(…)
[203] La dernière question en litige était celle-ci :
« Question 6 : Les membres majoritaires du Comité commettent-ils une erreur de droit en considérant qu’un préjudice doit être prouvé pour conclure à la culpabilité de l’intimé?
(…) »
[204] Et voici comment le Tribunal y répond :
« [110] Le Code de déontologie ne donne aucune définition du conflit d’intérêts.
[111] L’article 3.06.07 énumère, de façon non exhaustive, des situations claires de conflit d’intérêts, et notamment le paragraphe 2 :
« L’avocat est en conflit d’intérêts, lorsque, notamment:
[…]
2o il représente des intérêts de nature telle qu’il peut être porté à préférer certains d’entre eux ou que son jugement et sa loyauté peuvent en être défavorablement affectés; »
[112] Cette situation m’apparaît être celle où se trouve l’intimé lorsqu’il accepte en mars 2004 d’assurer la défense de M.D. à une accusation criminelle portée contre lui par son client C.O.
[113] Les faits établissent de manière prépondérante qu’en mars 2004, l’intimé agit déjà pour C.O. en marge de son statut de résident au Canada auprès des autorités canadiennes de l’immigration. Dans cette perspective, il serait déraisonnable de ne pas considérer C.O. comme l’un des clients de l’intimé.
[114] Dans R c. Neil[43], la Cour suprême du Canada rappelle que la relation avocat-client implique un devoir de loyauté du premier envers le second qui transcende la prévention des conflits d’intérêts.
[115] Ce devoir de loyauté peut regrouper plusieurs aspects dont l’un, pertinent aux fins de la présente affaire, est décrit comme suit par monsieur le juge Binnie, au nom de la majorité dans Neil :
« [19] […]
(ii) le devoir de dévouement à la cause de son client (qu’on appelle parfois « la représentation zélée »), qui existe dès le moment où les services de l’avocat sont retenus et pas seulement pendant le procès, c’est-à-dire veiller à ce qu’une situation de loyauté partagée n’incite par (sic) l’avocat à « mettre en sourdine » à la défense de son client par souci d’en ménager un autre, […]. »
[116] Le juge Binnie cite un passage d’un arrêt de la Cour d’appel d’Ontario dans Davey c. Woolley, Hames, Dale & Dingwall[44] :
« […] Le principe sous-jacent […] est que, la nature humaine étant ce qu’elle est, l’avocat ne peut consacrer aux intérêts de son client son attention pleine, entière et exclusive s’il est déchiré entre les intérêts de son client et ses propres intérêts ou entre les intérêts de son client et ceux d’un autre client envers qui il a ce même devoir de loyauté, de dévouement et de bonne foi »[45]
[117] La Cour d’appel du Québec dans Clément Marchand Service Gaz Naturel Ltée c. Roger Lachapelle Pontiac Buick[46] observe que le devoir de loyauté constitue l’un des aspects du conflit d’intérêts.
[118] De toute manière, l’évocation de la loyauté au paragraphe 2 de l’article 3.06.07 du Code de déontologie ne saurait faire aucun doute sur l’importance de cette dimension lorsqu’il s’agit d'un conflit d’intérêts.
(…)
[122] Le conflit d’intérêts naît au moment même où les conditions qui le sous-tendent apparaissent.
[123] L’obligation faite aux avocats d’éviter toute situation de conflit d’intérêts suppose non seulement d’éviter les conflits réels, mais encore les conflits qui ne seraient qu’apparents[49].
(…)
[128] L’intégrité de la profession d’avocat, et au-delà, celle du système judiciaire, requièrent que soient maintenues voire consolidées des normes professionnelles exigeantes, en regard des situations de conflit d’intérêts, nécessaires à la préservation de la confiance du public.
[129] La confiance du public tient, entre autres, à l’assurance que l’avocat retenu par le client sera totalement dédié à sa cause et se mettra à l’abri de toute intervention ou quelque autre intérêt susceptible d’affaiblir sa représentation.
(…)
[43] 2002 CSC 70 (CanLII), [2002] 3 R.C.S. 631 .
[44] (1982) 35 O.R. (2éd) 599.
[45] Id., paragr. 26.
[46] C.A.M 500-09-000928-945, 12-04-1995, J.E. 95-865 .
[47] D.C., Vol I, p. 12.
[48] M.A., p. 14-15.
[49] Succession MacDonald c. Martin, [1990] 3 R.C.S 12135.
[205] Et enfin, le Tribunal répond en ces termes à la question dernière, celle relative au nécessaire préjudice pour conclure au conflit d’intérêts :
« [158] L’appelant reproche aux membres majoritaires du Comité de considérer qu’il faille une preuve de préjudice pour conclure en l’espèce à la culpabilité de l’intimé.
[159] À tout le moins, c’est l’inférence qu’on peut leur prêter à la lecture du paragraphe 71 de la décision.
[160] Vu le sort de l’appel au regard des autres moyens invoqués, l’examen de cette question, comme d’ailleurs la question no 5, s’avère superfétatoire.
[161] Qu’il suffise de dire que la faute disciplinaire se distingue de la faute civile en ce qu’elle ne s’intéresse pas, lorsqu’il s’agit de déterminer la culpabilité, aux conséquences des actions posées ni au préjudice causé, le cas échéant. La déontologie professionnelle se préoccupe essentiellement de la protection du public et dans cette perspective, elle recherche la sanction de l’infraction sans égard aux dommages en résultant.
[162] En règle générale, la preuve d’un préjudice ne constitue donc pas un élément essentiel de la faute déontologique.
[163] Cependant, l’article 3.06.08 du Code de déontologie fait de l’étendue du préjudice pour chacune des parties l’une des considérations de toute question relative à un conflit d’intérêts.
[164] J’estime que l’étendue du préjudice pour les parties relève d’une évaluation prospective, et non rétrospective, puisque c’est au moment où les conditions réelles ou apparentes du conflit d’intérêts apparaissent qu’il faut se placer pour en évaluer l’importance.
(…) »
[206] Dans cette affaire Karkar, le Tribunal des professions a substitué un verdict de culpabilité à l’acquittement prononcé par le Conseil de discipline du Barreau du Québec.
[207] Il s’agit là, le Conseil le répète, d’un exemple d’application jurisprudentielle d’une règle fort simple.
[208] Celle qui édicte qu’un avocat ne peut représenter des intérêts opposés.
[209] Dans la présente situation, il n’est même pas nécessaire de considérer l’époque des mandats confiés et celle de leur exécution.
[210] Il s’agit manifestement de périodes concurrentes.
[211] Le Conseil estime au surplus que les mandats en cause présentent les éléments de la connexité.
[212] L’organigramme produit et expliqué par le témoin Me Patrick Lebel montre qu’il s’agit d’une seule entité corporative.
[213] Me Lebel a de plus affirmé que les différents vice-présidents de la société entretenaient de fréquents échanges.
[214] Voici pourquoi le Conseil retient les prétentions du syndic adjoint plaignant et conclut que l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts.
[215] L’absence d’intention malicieuse et la bonne foi de l’intimée ne peuvent pas être prises en compte tel un moyen de contestation.
[216] Au plus, ces facteurs seront considérés en temps opportun, celui où ce Conseil déterminera la sanction appropriée à l’inconduite de l’intimée.
[217] Le chef d’infraction à l’article 3.06.06 est spécifique et il est retenu.
[218] Les procédures intentées contre l’intimée en regard de l’infraction à l’article 3.06.07 seront suspendues conditionnement à l’appel.
[219] Par ailleurs, il n’est nul besoin d’invoquer l’infraction à l’article 59.2 du Code des professions, puisque les faits reprochés à l’intimée constituent les infractions aux dispositions prévues au Code de déontologie des avocats.
[220] L’intimée sera en conséquence acquittée de l’infraction à l’article 59.2 du Code des professions.
En regard du chef #2
[221] Le syndic adjoint plaignant y reproche à l’intimée d’avoir enfreint cette disposition du Code de déontologie des avocats :
« 4.02.01. En outre des actes dérogatoires mentionnés aux articles 57, 58, 59.1 et ceux qui peuvent être déterminés en application du deuxième alinéa de l'article 152 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26), est dérogatoire à la dignité de la profession le fait pour un avocat:
(…)
d) de faire ou d'aider le client à faire une déclaration en droit ou en fait la sachant fausse; »
et le même article 59.2 d Code des professions cité en regard du chef #1.
[222] La disposition du Code de déontologie est spécifique et, si tant est que la preuve des éléments constitutifs de l’infraction est concluante, il n’y aura, cette fois encore, nul besoin d’invoquer la disposition du Code des professions.
[223] La seule question est celle-ci : L’intimée a-t-elle fait (à son client) une déclaration en fait, la sachant fausse?
[224] Le conseil conclut que l’intimée a commis cette faute.
[225] L’intimée écrivait en effet à son client le 2 avril 2007 (de la liasse de la pièce P-11) :
« (…)
I inform you that I do not represent Tembec Inc. This company is, as you know, represented by Me Jean McGuire.
(…) »
et ce, alors même que son client s’interrogeait et interrogeait l’intimée en regard d‘une possible situation de conflit d’intérêts.
[226] La preuve n’est pas contredite.
[227] Le Conseil n’ayant pas retenu la thèse de l’intimée à l’effet qu’elle servait et poursuivait deux (2) entités corporatives distinctes, il faut constater que l’intimée a menti à son client.
[228] Elle est donc reconnue coupable de l’infraction à l’article 4.02.01 d) du Code de déontologie des avocats et acquittée de l’infraction à l’article 59.2 du Code des professions.
En regard du chef #3
[229] Le syndic adjoint plaignant y reproche à l’intimée d’avoir enfreint les dispositions de l’article 59.2 du Code des professions précité en regard du chef #3 et celles de ces articles du Code des professions :
« 114. Il est interdit d'entraver de quelque façon que ce soit un membre du comité, la personne responsable de l'inspection professionnelle nommée conformément à l'article 90, un inspecteur ou un expert, dans l'exercice des fonctions qui lui sont conférées par le présent code, de le tromper par des réticences ou par de fausses déclarations, de refuser de lui fournir un renseignement ou document relatif à une inspection tenue en vertu du présent code ou de refuser de lui laisser prendre copie d'un tel document.
De plus, il est interdit au professionnel d'inciter une personne détenant des renseignements le concernant à ne pas collaborer avec une personne mentionnée au premier alinéa ou, malgré une demande à cet effet, de ne pas autoriser cette personne à divulguer des renseignements le concernant. »
« 122. Un syndic peut, à la suite d'une information à l'effet qu'un professionnel a commis une infraction visée à l'article 116, faire une enquête à ce sujet et exiger qu'on lui fournisse tout renseignement et tout document relatif à cette enquête. Il ne peut refuser de faire enquête pour le seul motif que la demande d'enquête ne lui a pas été présentée au moyen du formulaire proposé en application du paragraphe 9° du troisième alinéa de l'article 12.
L'article 114 s'applique à toute enquête tenue en vertu du présent article. »
[230] Précisons d’emblée que l’article 122 du Code des professions n’est en aucun cas générateur d’infraction. La disposition est utile à conférer le pouvoir d’enquête du syndic.
[231] L’intimée sera donc acquittée de l’infraction à l’article 122 du Code des professions.
[232] Les dispositions de l’article 114 du Code des professions sont par ailleurs spécifiques et, si tant est que la preuve des éléments constitutifs de l’infraction est concluante, il n’y aura nul besoin d’invoquer l’article 59.2 du même Code et l’intimée sera acquittée de l’infraction y reliée.
[233] Puisque le fait évoqué, la déclaration écrite de l’intimée, ne peut être nié et n’est pas contesté, la question est donc la suivante :
[234] Cette affirmation de l’intimée constitue-t-elle une entrave à l’enquête du syndic adjoint?
[235] L’intimée invoque un sentiment sincère : elle ne voyait pas le conflit d’intérêts.
[236] Le syndic adjoint plaignant soutient qu’elle n’est pas crédible. N’ayant qu’un seul mandat pour Tembec et qu’un seul mandat contre Tembec, l’intimée ne pouvait pas ignorer le conflit.
[237] Cela dit, l’affirmation de l’intimée ne constitue pas, selon le Conseil de discipline, une entrave à l’enquête du syndic adjoint.
[238] L’intimée n’a pas, de ce fait, nié des faits existants, elle a soumis sa propre interprétation de ces faits.
[239] La déclaration de l’intimée n’a pas eu l’effet de priver le syndic d’informations dans le cadre de son enquête.
[240] L’intimée n’a ni détourné, ni retardé l’enquête par son affirmation.
[241] L’intimée sera acquittée de l’infraction à l’article 114 du Code des professions.
En regard du chef #4
[242] Le syndic adjoint plaignant y reproche à l’intimée d’avoir enfreint les mêmes dispositions des articles 59.2 , 114 et 122 du Code des professions.
[243] Les commentaires émis et les conclusions tirées au regard des dispositions prévues à l’article 122 du Code des professions au regard du chef #3 sont ici répétés et appliqués.
[244] L’intimée n’a pas nié avoir omis de transmettre au syndic adjoint plaignant la facture concernée.
[245] Elle a simplement indiqué de nouveau sa bonne foi, alléguant que la facture n’était pas au « dossier physique » de sa cliente Tembec, mais aux entrées comptables informatisées.
[246] Le syndic adjoint plaignant a démontré par la preuve offerte et les autorités citées, tous les éléments qui constituent l’infraction d’entrave.
[247] L’absence d’intention ne constitue pas un moyen de contestation valable à l’encontre du reproche.
[248] L’omission de l’intimée a entravé l’enquête du syndic adjoint plaignant, l’obligeant à recueillir ailleurs les informations.
[249] L’intimée est coupable de l’infraction aux dispositions de l’article 114 du Code des professions.
En regard du chef #5
[250] Le syndic adjoint plaignant y reproche à l’intimée d’avoir enfreint les mêmes dispositions des articles 59.2 , 114 et 122 du Code des professions.
[251] Les commentaires émis et les conclusions tirées au regard de ces dispositions aux chefs #3 et #4 qui précèdent sont répétés et appliqués.
[252] L’intimée n’a pas nié avoir omis de transmettre l’offre de services. Elle a invoqué sa bonne foi, l’absence d’intention malicieuse.
[253] Tout comme au chef précédent, l’analyse de la preuve permet au Conseil de conclure à la culpabilité de l’intimée puisque l’absence d’intention, si tant est qu’elle avait été probante, ne constitue pas un motif valable pour la disculper.
[254] L’intimée a entravé l’enquête du syndic adjoint plaignant par son omission de répondre correctement à sa demande.
[255] L’intimée est coupable de l’infraction aux dispositions de l’article 114 du Code des professions.
DÉCISION
EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT:
INTERDIT la divulgation, la publication ou la diffusion des informations contenues aux pièces P-2, P-4, P-6, P-9, P-11, P-15, P-18, et P-19;
En regard du chef #1
DÉCLARE l’intimée coupable de l’infraction à l’article 3.06.06 du Code de déontologie des avocats;
SUSPEND conditionnellement les procédures intentées contre l’intimée en regard de l’infraction à l’article 3.06.07 du Code de déontologie des avocats;
ACQUITTE l’intimée de l’infraction à l’article 59.2 du Code des professions;
En regard du chef #2
DÉCLARE l’intimée coupable de l’infraction à l’article 4.02.01 d) du Code de déontologie des avocats;
ACQUITTE l’intimée de l’infraction à l’article 59.2 du Code des professions;
En regard du chef #3
ACQUITTE l’intimée des infractions aux articles 59.2 , 114 et 122 du Code des professions;
En regard du chef #4
DÉCLARE l’intimée coupable de l’infraction à l’article 114 du Code des professions;
ACQUITTE l’intimée des infractions aux articles 59.2 et 122 du Code des professions;
En regard du chef #5
DÉCLARE l’intimée coupable de l’infraction à l’article 114 du Code des professions;
ACQUITTE l’intimée des infractions aux articles 59.2 et 122 du Code des professions;
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__________________________________ Me JEAN PÂQUET, président
__________________________________ Me ANNE LESSARD, membre
__________________________________ Me CAROLE SAMUEL, membre |
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Me Jean-Michel Montbriand, syndic adjoint plaignant, assisté d’Édith Nadeau, stagiaire en droit |
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Partie plaignante |
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Me Jacques Coutu |
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Procureur de la partie intimée |
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Date d’audience : |
7 octobre 2009 |
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Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Warolin |
2010 QCCDBQ 144 |
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Barreau du Québec |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N° : |
06-09-02491 |
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DATE : |
23 décembre 2010 |
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LE CONSEIL : |
Me JEAN PÂQUET |
Président |
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Me ANNE LESSARD |
Membre |
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Me CAROLE SAMUEL |
Membre |
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Me JEAN-MICHEL MONTBRIAND, en sa qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec |
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Partie plaignante |
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c. |
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Me PEGGY CORBEL WAROLIN |
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Partie intimée |
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DÉCISION SUR SANCTION |
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Le syndic adjoint plaignant se représente lui-même.
Me Érick Vanchestein agit pour l’intimée présente à l’audience.
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ORDONNANCE AYANT POUR BUT LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE (Article 142 du Code des professions)
[1] Il y a lieu de maintenir l’ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion des informations contenues aux pièces P-2, P-4, P-6, P-9, P-11, P-15, P-18 et P-19 émise par le Conseil à l’occasion de l’audition de cette plainte disciplinaire en son mérite.
[2] Dans le présent dossier, l’intimée a été déclarée coupable sous les premier, deuxième, quatrième et cinquième chefs d’une plainte disciplinaire ainsi libellée :
« Je, soussigné, JEAN-MICHEL MONTBRIAND, avocat, régulièrement inscrit au Tableau de l'Ordre des avocats, en ma qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec, déclare que :
Me Peggy Corbel Warolin (257042-4), avocate de la section de Abitibi-Téminscamingue, inscrite au Tableau de l'Ordre des avocats, a commis des actes dérogatoires à l'honneur et à la dignité du Barreau, à savoir :
6. À Témiscamingue, du ou vers le 30 août 2006 au ou vers le 21 novembre 2006, s'est placée en situation de conflit d'intérêts en acceptant de représenter l'entreprise «T» dans le cadre d'une transaction immobilière, alors qu'elle représentait déjà, et pour toute la période précitée, monsieur B.McE. dans le cadre d'un autre dossier dans lequel son recours était contesté par la même entreprise «T», contrevenant ainsi aux articles 3.06.06 et 3.06.07 du Code de déontologie des avocats et à l'article 59.2 du Code des professions;
7. À Témiscamingue, par lettre datée du 2 avril 2007, a induit en erreur son ex-client B.McE. en lui indiquant qu'elle ne représentait pas l'entreprise «T», le tout contrairement aux articles 4.02.01 d) du Code de déontologie des avocats et 59.2 du Code des professions;
8. À Témiscamingue, par lettre datée du 16 juillet 2007, a entravé le travail d'enquête du syndic adjoint, Me Jean-Michel Montbriand, en lui indiquant qu'elle ne voyait pas de quoi son ex-client B.McE. voulait parler en invoquant un conflit d'intérêts du fait qu'elle aurait accompli un mandat pour l'entreprise «T» alors même qu'elle représentait son dit ex-client dans un autre dossier contesté par cette même entreprise «T», le tout contrairement aux articles 59.2, 114 et 122 du Code des professions;
9. À Témiscamingue, par lettre datée du 25 février 2008, a entravé le travail d'enquête du syndic adjoint Me Jean-Michel Montbriand en omettant de lui fournir sa facture numéro 270, datée du 31 janvier 2007, à l'entreprise «T», le tout contrairement aux articles 59.2 , 114 et 122 du Code des professions;
10. À Témiscamingue, par lettre datée du 29 avril 2009, a entravé le travail d'enquête du syndic adjoint Me Jean-Michel Montbriand en omettant de lui fournir copie de sa lettre du 18 octobre 2006, avec offre de services détaillée, qu'elle a transmise à l'entreprise «T», le tout contrairement aux articles 59.2 , 114 et 122 du Code des professions;
Se rendant ainsi passible des sanctions prévues à l'article 156 du Code des professions;
ET LE PLAIGNANT DEMANDE JUSTICE.
Me Jean-Michel Montbriand
Syndic adjoint du Barreau du Québec
Montréal, le 26 mai 2009 »
[3] Il y a lieu de noter que l’intimée a été acquittée des reproches formulés à son encontre sous le troisième chef d’infraction de cette plainte disciplinaire.
[4] Les parties ont été convoquées pour l’instruction et l’audition de cette plainte disciplinaire à l’étape des sanctions le 30 novembre 2010.
[5] Dès le début de l’instruction et de l’audition de cette plainte disciplinaire à l’étape des sanctions, tant le syndic adjoint plaignant que le procureur de l’intimée se sont déclarés prêts à procéder à leurs représentations sur sanctions qu’ils annoncent par ailleurs comme étant communes et conjointes.
[6] Avant de ce faire cependant, il est procédé à une courte preuve.
[7] Celle-ci se résume essentiellement à l’affirmation du syndic adjoint plaignant de l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimée et sur la production par le procureur de l’intimée des pièces SI-1, SI-2 et SI-3 sur lesquelles nous reviendrons un peu plus loin.
LES REPRÉSENTATIONS COMMUNES ET CONJOINTES DES PARTIES
[8] Le syndic adjoint plaignant et le procureur de l’intimée ont déclaré qu’après de constructifs échanges entre eux, ils en étaient arrivés à pouvoir soumettre au Conseil des recommandations communes et conjointes sous chacun des chefs d’infraction pour lesquels l’intimée a été déclarée coupable.
[9] C’est ainsi que le syndic adjoint plaignant et le procureur de l’intimée suggèrent à titre de sanction sous les premier, deuxième, quatrième et cinquième chefs de cette plainte disciplinaire une sanction relevant de l’amende minimale pour chacun de ces chefs.
[10] En raison de l’époque des faits reprochés sous chacun de ces chefs d’infraction et de la modification apportée au Code des professions le 4 décembre 2007 portant l’amende minimale de 600 $ à 1 000 $ à compter de cette date, l’amende suggérée s’établit à 600 $ sous les premier et deuxième chefs et à 1 000 $ sous les quatrième et cinquième chefs de cette plainte disciplinaire.
[11] Au soutien de leurs représentations, le syndic adjoint plaignant et le procureur de l’intimée prennent en compte le fait que cette dernière a suivi le 9 septembre 2010 une formation offerte par le Barreau sur le secret professionnel, les conflits d’intérêts et le devoir de loyauté (pièce SI-3).
[12] Le syndic adjoint plaignant et le procureur de l’intimée prennent de plus en compte l’engagement de l’intimée à suivre la formation intitulée « Déontologie et droit familial » prévue les 10 et 11 février 2011 et, à défaut pour des raisons administratives ou autres de la tenue de cette formation à la date précitée, de l’engagement à suivre cette formation au plus tard d’ici le mois de juin 2011.
[13] Le syndic adjoint plaignant et le procureur de l’intimée rappellent par ailleurs que cette dernière ne fait l’objet d’aucun antécédent disciplinaire, qu’elle est impliquée dans sa communauté et qu’elle a tiré une leçon positive des reproches qui avaient été, avec raison, formulés à son encontre.
DISCUSSION
[14] Les gestes reprochés à l’intimée contreviennent aux articles 3.06.06 et 4.02.01 d) du Code de déontologie des avocats et 59.2 du Code des professions.que le Conseil croit utile de reproduire ci-après :
« 3.06.06. L'avocat doit éviter toute situation de conflit d'intérêts. »
« 4.02.01. En outre des actes dérogatoires mentionnés aux articles 57, 58, 59.1 et ceux qui peuvent être déterminés en application du deuxième alinéa de l'article 152 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26), est dérogatoire à la dignité de la profession le fait pour un avocat :
(…)
d) de faire ou d'aider le client à faire une déclaration en droit ou en fait la sachant fausse;
(…) »
« 59.2 Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession. »
[15] L’article 3.06.06 précité du Code de déontologie des avocats est contenu dans la sous-section 6 de la section III dudit Code traitant du secret professionnel et du conflit d’intérêts et des devoirs et obligations de l’avocat envers le client.
[16] L’article 4.02.01 d) précité du Code de déontologie des avocats est contenu dans la sous-section 2 de la section IV dudit Code traitant des actes dérogatoires et des devoirs et obligations de l’avocat envers la profession.
[17] Quant à l’article 59.2 du Code des professions, il impose notamment à l’ensemble des professionnels l’obligation de ne poser aucun acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession.
[18] En matière de gravité objective, les gestes reprochés à l’intimée sont sérieux.
[19] Ils se situent au cœur même de l’exercice de la profession.
[20] Se placer en situation de conflit d’intérêts et induire son client en erreur sont des fautes qui minent la confiance du public à l’égard de la profession et en ce sens, la conduite de l’intimée porte ombrage à l’ensemble de la profession.
[21] Faire entrave au travail du syndic de son ordre met en péril tout le processus disciplinaire.
[22] Cependant, à la décharge de l’intimée, les reproches formulés sous les premier et deuxième chefs reposent principalement sur la méconnaissance des principes et des règles applicables en matière de conflit d’intérêts à l’époque des faits reprochés à l’intimée.
[23] Il faut dire qu’à cette époque, la jurisprudence a précisé ces règles et ces principes.
[24] Jeune avocate inscrite au tableau de l’Ordre depuis 2004, l’intimée a exercé la profession depuis cette date et après un congé maternité, a ouvert son propre cabinet en septembre 2005 pour y exercer seule la profession dans une région où il y a peu d’avocats, et notamment à Témiscamingue où elle est la seule avocate de la ville.
[25] Après avoir obtenu les explications de l’intimée à l’occasion de l’audience sur le mérite de cette plainte et les représentations de son procureur à l’audience sur sanction, le Conseil a bien compris que l’intimée n’était pas de mauvaise foi ni animée de quelque intention malveillante.
[26] L’intimée jouit par ailleurs d’une bonne réputation et de la reconnaissance de ses pairs tel qu’en font foi des lettres de ceux-ci acheminées à l’attention de son procureur (pièces SI-1 et SI-2).
[27] Le Conseil note enfin que les clients de l’intimée n’ont subi aucun préjudice de sa conduite.
[28] C’est pourquoi, les suggestions communes et conjointes de sanctions relevant de la nature de l’amende minimale sous chacun des chefs d’infraction pour lesquels l’intimée a été déclarée coupable emportent l’adhésion du Conseil.
[29] L’intimée se verra donc imposer l’amende minimale de 600 $ sous les premier et deuxième chefs d’infraction et l’amende minimale de 1 000 $ sous les quatrième et cinquième chefs d’infraction de cette plainte disciplinaire.
[30] Le Conseil prendra acte de l’engagement de l’intimée à suivre la formation intitulée « Déontologie et droit familial » les 10 et 11 février 2011 ou à défaut, au plus tard d’ici le mois de juin 2011.
[31] Ces sanctions sont justes et appropriées dans les circonstances.
[32] Elles ont de plus le mérite d’empêcher la récidive auprès de l’intimée tout en atteignant les objectifs d’exemplarité pour la profession et de protection du public.
[33] L’intimée se verra de plus condamner au paiement des entiers débours, mais jusqu’à concurrence de 600 $ seulement pour les débours reliés aux frais de signification par huissier du jugement rendu par ce Conseil sur le mérite de la plainte et des avis qui lui furent signifiés.
[34] Enfin, un délai de six (6) mois sera accordé à l’intimée pour le paiement des amendes et des débours.
DÉCISION
EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :
PREND ACTE de l’engagement de l’intimée à suivre la formation intitulée « Déontologie et droit familial » les 10 et 11 février 2011 ou à défaut, au plus tard d’ici le mois de juin 2011;
En regard du chef #1
IMPOSE à l’intimé une amende de 600 $;
En regard du chef #2
IMPOSE à l’intimé une amende de 600 $;
En regard du chef #4
IMPOSE à l’intimé une amende de 1 000 $;
En regard du chef #5
IMPOSE à l’intimé une amende de 1 000 $;
CONDAMNE l’intimée au paiement des entiers débours jusqu’à concurrence de 600 $ seulement pour les frais de signification par huissier du jugement rendu par le Conseil sur le mérite de la plainte et des avis qui lui ont été signifiés;
ACCORDE un délai de six (6) mois à l’intimée pour le paiement des amendes et des débours.
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__________________________________ Me JEAN PÂQUET, président
__________________________________ Me ANNE LESSARD, membre
__________________________________ Me CAROLE SAMUEL, membre |
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Me Jean-Michel Montbriand, syndic adjoint |
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Partie plaignante |
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Me Érick Vanchestein |
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Procureur de la partie intimée |
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Date d’audience : |
30 novembre 2010 |
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AUTORITÉS CITÉES
- L’Écuyer c. Administrateurs agréés (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 38 ;
- Richard c. Brodeur, 06-03-01784, 7 janvier 2004;
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.