Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Lanaudière

JOLIETTE, le 4 mars 2003

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

190403-63-0209

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Réal Brassard

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Monsieur Alain Crampé

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Madame Giselle Rivet

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

116606211-2

AUDIENCE TENUE LE :

27 février 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

JOLIETTE

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FRANÇOIS R. BEAUSÉJOUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BRIDGESTONE FIRESTONE CANADA INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 12 septembre 2002, monsieur François R. Beauséjour (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 28 août 2002, à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue, le 21 mars 2002, et déclare que le travailleur n’a pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu pour la maladie professionnelle (surdité) dont il a été victime et ce à compter du 1er mars 2000, date à laquelle il a pris sa retraite.

[3]               Le travailleur est présent à l’audience et représenté. L’employeur, Bridgestone Firestone Canada inc., est également représenté.

 

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]               Le travailleur demande de déterminer qu’il continue d’avoir droit à l’indemnité de remplacement du revenu après le 1er mars 2000, même s’il a accepté l’offre de l’employeur de prendre une retraite anticipée à cette date.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[5]               Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que le travailleur n’a pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu puisqu’il est demeuré capable d’exercer son emploi chez l’employeur. Il considère que le fait que le médecin ayant charge, le docteur Bertrand, ne l’a pas retiré du travail et ne lui a pas reconnu de limitations fonctionnelles, démontre que le travailleur était capable d’exercer son emploi malgré sa maladie professionnelle et qu’il n’a donc pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévu à l’article 53 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Le membre issu des associations d’employeurs est donc d’avis que la Commission des lésions professionnelles devrait rejeter la requête du travailleur.

[6]               Le membre issu des associations syndicales est d’avis que le travailleur a droit à la réadaptation que nécessite son état et qu’il a droit à l’indemnité de remplacement du revenu tant qu’il ne sera pas redevenu capable d’exercer son emploi ou un emploi équivalent. Elle considère  que le fait que le travailleur ait occupé son emploi malgré sa maladie professionnelle ne permet pas de conclure qu’il était capable de le faire, puisqu’il réussissait à faire son emploi grâce à son expérience, comme le travailleur l’a indiqué lors de son témoignage. Il souligne également que le travailleur, malgré l’offre de retraite qu’il a acceptée chez l’employeur, est demeuré disponible sur le marché du travail puisqu’il a occupé un emploi chez un autre employeur à l’automne 2000.

[7]               Le membre issu des associations syndicales est donc d’avis que la Commission des lésions professionnelles devrait accueillir la requête du travailleur.

 

LES FAITS ET MOTIFS DE LA DÉCISION

[8]               Le travailleur travaille chez l’employeur depuis juin 1966. Il a occupé le poste de cariste pendant 7 ans, puis celui de superviseur, de contremaître et de chef d’atelier jusqu’à sa mise à la retraite en mars 2000.

[9]               Il est âgé de 56 ans quand, le 19 avril 1999, il fait une demande d’indemnisation pour surdité professionnelle. La réclamation est refusée par la CSST. Le travailleur a contesté cette décision et celle-ci a finalement été infirmée par la Commission des lésions professionnelles par une décision rendue le 9 août 2001. La surdité du travailleur est donc reconnue comme étant une maladie professionnelle en vertu de la loi. Et, le 5 septembre 2001, la CSST a reconnu au travailleur une atteinte permanente de 27 %, conformément au rapport d’évaluation médicale complété le 19 avril 1999 par le docteur Bertrand, médecin du travailleur.

[10]           C’est à la suite de la décision de la Commission des lésions professionnelles que, le 29 août 2001, le représentant du travailleur s’adresse à la CSST pour lui demander de verser à ce dernier les indemnités de remplacement du revenu rétroactivement au 19 avril 1999. Par décision datée du 21 mars 2002, la CSST refuse la réclamation. La CSST refuse de verser des indemnités de remplacement du revenu parce qu’aucune restriction fonctionnelle n’a été reconnue au travailleur et que ce dernier, selon elle, demeurait capable d’exercer son emploi malgré sa maladie professionnelle. La CSST ajoutait qu’en plus le travailleur était à la retraite depuis le 1er mars 2000. Contestée, cette décision a été maintenue en révision administrative par la CSST, d’où la présente requête.

[11]           Dans la présente affaire, la Commission des lésions professionnelles doit donc déterminer si le travailleur a droit à l’indemnité de remplacement du revenu, à la suite de sa réclamation pour surdité professionnelle faite le 19 avril 1999.

[12]           Puisque le travailleur était âgé de 56 ans lorsqu’on a reconnu qu’il était atteint d’une maladie professionnelle, la Commission des lésions professionnelles doit se référer à l’article 53 de la loi. Cet article se lit comme suit :

53. Le travailleur victime d'une maladie professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 55 ans ou celui qui est victime d'une autre lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 60 ans et qui subit, en raison de cette maladie ou de cette autre lésion, une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique qui le rend incapable d'exercer son emploi a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 tant qu'il n'occupe pas un nouvel emploi ou un emploi convenable disponible chez son employeur.

 

Si ce travailleur occupe un nouvel emploi, il a droit à l'indemnité prévue par l'article 52; s'il occupe un emploi convenable chez son employeur ou refuse sans raison valable de l'occuper, il a droit à une indemnité réduite du revenu net retenu qu'il tire ou qu'il pourrait tirer de cet emploi convenable, déterminé conformément à l'article 50.

 

Lorsque ce travailleur occupe un emploi convenable disponible chez son employeur et que ce dernier met fin à cet emploi dans les deux ans suivant la date où le travailleur a commencé à l'exercer, celui-ci récupère son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 et aux autres prestations prévues par la présente loi.

________

1985, c. 6, a. 53; 1992, c. 11, a. 3.

 

 

[13]           L’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique est la première condition pour avoir droit à l’indemnité de remplacement du revenu selon cet article. Cette atteinte permanente doit être telle qu’elle rend le travailleur incapable d’exercer son emploi : c’est la seconde condition d’application de l’article 53. Cette seconde condition est l’objet du présent litige, l’employeur soutenant, comme l’a indiqué la CSST dans sa décision, que le travailleur n’a pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu parce que sa maladie professionnelle ne l’a pas rendu incapable d’exercer son emploi.

[14]           L’employeur en veut pour preuve que le travailleur a continué d’exercer son emploi après sa réclamation jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite en mars 2000.

[15]           Sur cette question de capacité de faire le travail, la Commission des lésions professionnelles a entendu le travailleur en témoignage. Son travail chez l’employeur nécessitait de nombreux appels téléphoniques à l’extérieur et avec la maison-mère. Pour ces appels, il bénéficiait d’un appareil téléphonique avec amplificateur. Il explique que son problème de surdité fait qu’il a perdu certaines fréquences, ce qui fait qu’il perd certaines syllabes. L’amplificateur téléphonique a pour fonction, dit-il, d’amplifier le son mais pas de lui redonner les fréquences qu’il a perdues. Et cet appareil ne fait pas qu’amplifier le son de la voix au téléphone mais aussi les bruits environnants.

[16]           Chez l’employeur, malgré son handicap de surdité, il arrivait à s’en tirer au téléphone grâce à son expérience, qui lui permettait de compenser pour ce qu’il n’arrivait pas à comprendre, surtout quand c’était lui-même qui plaçait un appel, sachant d’avance le sujet de conversation. Mais quand l’appel téléphonique était un appel entrant, il était incapable : il devait alors passer l’appareil à une commis, madame Coulombe. Il porte aussi une orthèse auditive et, malgré cet appareil, lors des réunions, il avait peine à suivre les débats. Il devait même enlever son appareil qui lui causait des bourdonnements lorsque plusieurs personnes parlaient en même temps. Il arrivait quand même à suivre tant bien que mal parce qu’il réussissait à lire sur les lèvres, mais dès qu’on lui posait des questions précises, il avait l’air fou, dit-il.

[17]           Après sa mise à la retraite, en septembre 2000, il a travaillé chez Bermex. Dans cette entreprise, il devait faire de nombreux téléphones aux États-Unis. Et là, son inexpérience a fait en sorte qu’il a commis de graves erreurs parce qu’il ne comprenait pas ce qu’on lui disait au téléphone. Il a notamment fait venir des camions pour des chargements alors qu’il n’y avait pas de chargement à faire. L’entreprise l’a congédié en raison de ses erreurs, qui, selon lui, étaient strictement reliées à son handicap auditif.

[18]           Le travailleur mentionne qu’il a, par la suite, contacté plusieurs employeurs pour obtenir un autre emploi. On lui téléphonait parfois et, dès qu’on se rendait compte de sa surdité, on coupait court à la conversation. Il ajoute qu’il a alors décidé de se recycler lui-même en informatique. Il s’est inscrit à une session de programmeur-analyste de 63 semaines.

[19]           En contrepreuve, l’employeur a fait entendre monsieur Yves Malouin, directeur général de l’usine. Celui-ci confirme que le programme de mise à la retraite offert au travailleur avait été établi en raison d’une restructuration. Le programme n’a pas été offert au travailleur en raison de son handicap de surdité. Le programme de structuration comprenait notamment une coupure de quatre postes de superviseur. La surdité du travailleur n’a jamais été un facteur, dit-il, pour le pousser à la retraite. Il ne savait même pas que le travailleur portait une orthèse auditive, pas plus qu’il n’était au courant qu’il disposait d’un appareil téléphonique adapté.

[20]           Peut-on conclure de cette preuve que le travailleur était incapable de faire son travail ?

[21]           L’analyse de la preuve amène la Commission des lésions professionnelles à conclure qu’effectivement, malgré que le travailleur a fait son travail chez l’employeur tout en étant atteint d’une surdité importante (on lui a reconnu une atteinte permanente de 27 %), il est incapable de faire normalement un travail exigeant de nombreux appels téléphoniques et des réunions. La preuve démontre que le travailleur arrivait « à s’en tirer », pour utiliser son expression tout simplement en raison de sa longue expérience chez l’employeur. Et dès qu’il a été appelé à faire un travail similaire chez un autre employeur (Bermex), il a été incapable de faire le travail convenablement. Ses erreurs ont amené son congédiement. Par ailleurs, il n’est pas difficile de comprendre qu’une personne atteinte d’une surdité importante, comme le travailleur, aura des difficultés importantes à tenir une conversation téléphonique, même avec un appareil amplificateur. En effet, comme l’a indiqué le travailleur lors de son témoignage, l’amplificateur ne peut compenser pour une perte auditive importante de certaines fréquences. Le soussigné verrait difficilement que l’on considère comme emploi convenable, pour une personne atteinte de surdité, un emploi exigeant de nombreux appels téléphoniques et des réunions.

[22]           La Commission des lésions professionnelles en arrive à la conclusion que, malgré le fait que le travailleur ait pu faire son emploi chez l’employeur en raison de son expérience, il lui est impossible de faire ce genre d’emploi convenablement. Il n’a pas pu le faire chez un autre employeur et il n’a pu trouver un emploi semblable en raison de son handicap. Il a dû se recycler lui-même pour pouvoir retourner sur le marché du travail.

[23]           L’employeur a soutenu, par ailleurs, que la Commission des lésions professionnelles est liée par l’avis du médecin qui avait charge du travailleur, le docteur  Bertrand, qui aurait indiqué dans son rapport d’évaluation médicale qu’aucune limitation fonctionnelle ne résultait de la surdité du travailleur. Or, le rapport d’évaluation en question n’indique pas l’absence de limitations fonctionnelles : le docteur Bertrand a simplement indiqué que ce critère d’évaluation ne s’appliquait pas au travailleur, non pas qu’il y a absence de limitations fonctionnelles. Il serait d’ailleurs bien étonnant qu’une surdité résultant en une atteinte permanente de 27 % ne donne aucune limitation fonctionnelle. Tous nous savons qu’une personne sourde est nécessairement handicapée dans ses fonctions. Peut-être que le médecin du travailleur a voulu éviter de nuire à l’employabilité du travailleur en évitant de se prononcer sur les limitations fonctionnelles, car c’est bien ce que fait le docteur Bertrand quand il écrit que ce critère ne s’applique pas au problème de surdité, alors même qu’à sa face même, il s’agit bien d’un handicap causant des limitations fonctionnelles.

[24]           La Commission des lésions professionnelles en arrive donc à la conclusion que la surdité professionnelle du travailleur le rend incapable d’exercer l’emploi qu’il exerçait chez l’employeur, même s’il a effectivement réussi à occuper cet emploi en raison de son expérience et que l’employeur ne se plaignait pas de son rendement.

[25]           La question s’est aussi posée à savoir si la mise à la retraite faisait en sorte que le travailleur n’a pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 1er mars 2000. La jurisprudence constante, tant de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles que de la Commission des lésions professionnelles, nous indique que la retraite ne met pas fin au droit du travailleur de recevoir l’indemnité de remplacement du revenu.

[26]           Ainsi, dans l’affaire Hydro-Québec et Denis Jarry[2], la Commission des lésions professionnelles s’exprime comme suit sur la question de la retraite en regard du droit à l’indemnité de remplacement du revenu :

La Commission des lésions professionnelles doit donc décider si le travailleur, qui recevait une rente de retraite privée au moment de sa récidive, rechute ou aggravation du 23 février 1998 reliée à une lésion professionnelle initiale du 25 mars 1993, alors qu’il était actif chez l’employeur, a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

La Commission des lésions professionnelles faisant suite d’ailleurs à une jurisprudence très majoritaire du tribunal à ce sujet, considère que le travailleur retraité avait droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu.

Il faut aller plus loin dans l’interprétation de la loi que l’analyse des objectifs fondamentaux poursuivis, qui évidemment traitent des indemnités qui remplacent le revenu et se demander de quel revenu il est question.  Toute l’économie de la loi à ce sujet, soit les articles 52, 57 et 59 et suivants, traitent uniquement des revenus d’emploi, soit des salaires.  Or, le revenu de retraite représente une réalité bien différente.  Ainsi, il s’agit d’un revenu généré au moins en partie par le travailleur lui-même.  Dans ce sens, il est plus assimilable aux intérêts d’un placement personnel qu’à un revenu d’emploi (salaire).  Par ailleurs, la loi ne prévoit nulle part, ni à l’article 57, ni à un autre article, qu’un tel revenu empêche le versement de l’INDEMNITÉ DE REMPLACEMENT DU REVENU ou vienne le réduire.

La loi est à l’effet qu’un travailleur peut recevoir une indemnité de remplacement du revenu s’il devient incapable d’exercer son emploi, en raison d’une lésion professionnelle et il est précisé qu’il a droit à l’indemnité de remplacement du revenu, même s’il n’a plus d’emploi.  Donc le fondement de l’indemnité de remplacement du revenu est l’incapacité d’occuper un emploi et non le revenu y rattaché.

 

 

[27]           Cette approche est confirmée dans l’affaire Robert Thibault et Ville du Cap-de-la-Madeleine[3] :

C’est à bon droit que la CSST, dans le cadre de sa décision en révision administrative, a écarté le motif de la retraite pour s’en tenir à l’examen de la capacité d’exercer l’emploi. A cet égard, la jurisprudence majoritaire de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des lésions professionnelles est à l’effet que la notion d’indemnité de remplacement du revenu réfère à la perte de capacité de gagner un revenu, ce qui n’équivaut pas nécessairement à la perte économique réelle découlant d’une lésion professionnelle.

 

 

[28]           À nouveau, le 23 novembre 2000, la Commission des lésions professionnelles a confirmé cette interprétation relativement à la retraite :

Le travailleur, à la suite de l'intervention du 1er février 1999, même s'il n'avait pas d'emploi, était incapable d'exercer l'emploi qu'il avait l'habitude d'exercer et ce, en raison de la rechute, récidive ou aggravation qu'il avait subie avant d'avoir atteint l'âge de 65 ans.

Le travailleur a donc droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu'à ce que survienne l'un des événements prévus à l'article 57 de la LATMP.  L'on remarque que le fait pour un travailleur de «prendre sa retraite» n'est pas un des événements mentionnés à l'article 57 de la LATMP mettant fin au droit à l’indemnité de remplacement du revenu[4].

Le fait que le travailleur ait déjà été à la retraite lors de la rechute, récidive ou aggravation ne constitue pas non plus un obstacle au droit du travail à l’indemnité de remplacement du revenu.  La Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (CALP) a déjà statué en ce sens sur le sujet[5] et la Commission des lésions professionnelles souscrit aux propos suivants de la commissaire Godin dans l'affaire Société Asbestos Ltée et Vachon[6]:

(…)

 

En regard de l'article 44 de la loi invoqué par l'employeur à l'effet que le travailleur aurait été incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement en raison de son choix personnel de se prévaloir d'une retraite anticipée et non d'une lésion professionnelle, la Commission d'appel ne peut souscrire à cette prétention.  Comme dit précédemment, le droit à une indemnité de remplacement du revenu n'est qu'une modalité de compensation des conséquences entraînées par une lésion professionnelle.

 

Dans l'application de l'article 44 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la seule question que doit se poser la Commission d'appel consiste à déterminer si la lésion professionnelle du travailleur entraîne une incapacité à exercer l'emploi occupé habituellement.  Dans l'affirmative, le travailleur a droit à compensation et à une indemnité, laquelle est calculée conformément à l'article 44.

 

 

La CALP a clairement déjà statué que le fait qu'un travailleur ait pris sa retraite, ait été mis à pied ou ait abandonné son emploi ne peut priver un tel travailleur du droit à l’indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable ainsi que le prévoit le dernier alinéa de l'article 44 d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement[7].

La Commission des lésions professionnelles retient cette position dans la présente affaire parce que l’indemnité de remplacement du revenu n'a pas pour objet de compenser la perte de revenu mais vise plutôt à compenser la perte de capacité du travailleur de travailler.

 

 

[29]           En l’espèce, compte tenu que le travailleur était âgé de plus de 55 ans lors de la reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie, c’est l’article 53 supra qui doit recevoir application.  En vertu de cet article, le travailleur a droit à l’indemnité de remplacement du revenu tant qu’il est incapable d’exercer l’emploi qu’il faisait chez l’employeur ou tant qu’il n’occupe pas un nouvel emploi ou un emploi convenable chez l’employeur ou jusqu’à ce que l’une des conditions prévues à l’article 57 soit rencontrée. En l’espèce, le droit à l’indemnité de remplacement du revenu débute le 1er mars 2000, date à laquelle il a été mis à la retraite.

[30]           Par ailleurs, il y a aussi lieu d’appliquer les dispositions de l’article 52 en regard de l’emploi occupé par le travailleur du 2 octobre 2000 au 4 février 2001. Le travailleur a droit, pour cette période, à une indemnité de remplacement du revenu réduite, tenant compte du revenu qu’il recevait lorsqu’il a occupé l’emploi chez Bermex.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur François R. Beauséjour;

INFIRME la décision rendue le 28 août 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur François R. Beauséjour a droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévue à l’article 45 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles à compter du 1er mars 2000, et ce jusqu’à ce que l’un des événements énumérés à l’article 57 survienne;

DÉCLARE que monsieur François R. Beauséjour à droit, pour la période du 2 octobre 2000 au 4 février 2001, à une indemnité de remplacement du revenu réduite tenant compte du revenu gagné chez Bermex inc.;

DÉCLARE que monsieur François Beauséjour a droit également au paiement des intérêts prévus à l’article 364 pour les sommes à être versées rétroactivement au 1er mars 2000;

ORDONNE à la Commission de la santé et de la sécurité d’indemniser monsieur François R. Beauséjour, conformément à la présente décision.

 

 

 

 

Réal Brassard

 

Commissaire

 

 

 

 

 

Me André Laporte

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

Me Rosaire S. Houde

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001.

[2]          Hydro-Québec et Denis Jarry, C.L.P. 118695-04-9905, le 18 mai 2000, G. Perrault

[3]          Robert Thibault et Ville du Cap-de-la-Madeleine, C.L.P. 124690-04-9910, le 28 juin 2000, L. Collin

[4]          Dion et Au Roi des pièces d'autos usagées [1990] CALP 922; Meloche et Société canadienne des postes [1990] CALP 831

[5]            Campeau et C.P. Fabien inc. et CSST ( [1994] CALP 1531

[6]          Société Asbestos Ltée et Vachon [1990] CALP 1177

[7]          [1994] CALP 1250 , Bardier et O.T.T. Fer et Titane inc., CALP 17698-62-9104, le 3 décembre 1993; Croteau et Commission scolaire de Chambly [1995] CALP 331; Russo et Canadien Pacifique ltée [1997] CALP 475

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.