[1] L’appelante se pourvoit à l’encontre d’un jugement de la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Benoît Moore) daté du 18 août 2017, rejetant sa requête en partage judiciaire d’un immeuble et en réclamation d’une indemnité, lui ordonnant de signer un acte de cession de cet immeuble en faveur de l’intimé et rejetant une demande reconventionnelle en dommages.
[2] Pour les motifs de la juge Hogue, auxquels souscrit la juge Roy, et ceux, concourants, du juge Doyon, LA COUR :
[3] REJETTE l’appel, sans frais de justice vu la nature du litige.
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FRANÇOIS DOYON, J.C.A. |
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MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A. |
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CLAUDINE ROY, J.C.A. |
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Me Violaine Belzile Me Lauranne Ste-Croix Me Marie-Ève Dorion |
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VIOLAINE BELZILE, AVOCATE |
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Pour l’appelante |
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Me Joanne Biron Me Stéphanie Alexia Herbert |
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MILLER THOMSON |
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Pour l’intimé |
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Date d’audience : |
3 juin 2019 |
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MOTIFS DU JUGE DOYON |
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[4] Je partage l’avis de ma collègue la juge Hogue qui propose le rejet de l’appel. J’y arrive toutefois en empruntant une voie légèrement différente.
[5] Contrairement à ma collègue, j’estime que l’arrêt Union Carbide Inc. c. Bombardier Inc., 2014 CSC 35 (« Union Carbide »), ne règle pas ici la question de l’exception au privilège relatif aux règlements, exception qui permet de lever la confidentialité pour faire la preuve des modalités d’un règlement ou d’une entente. En fait, selon moi, cet arrêt, rendu dans le contexte d’une entente survenue après une médiation commerciale menée par des corporations dûment conseillées par avocats, ne permet pas de répondre à la question de la confidentialité de la médiation familiale et de l’exception au privilège en cette matière.
[6] La médiation familiale reçoit un traitement distinct de la médiation en général, que ce soit dans le Code de procédure civile en vigueur à l’époque ou dans le nouveau Code de procédure civile en vigueur depuis le 1er janvier 2016. Il faut y voir la volonté du législateur de la soumettre à des règles distinctes lorsque cela est nécessaire.
[7] L’arrêt Union Carbide est strict : le simple rappel des règles de la confidentialité dans un contrat de médiation n’écarte pas automatiquement l’exception, qui demeure applicable, à moins que les parties ne l’excluent de façon claire. Pour me répéter, ce principe est retenu par la Cour suprême dans le cadre d’une médiation commerciale, comme le souligne d’ailleurs le juge Wagner (tel qu’il était alors), aux paragr. 52 et 53, qui précise que « la Loi type sur la conciliation commerciale internationale de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international » est conforme à l’approche qu’il préconise.
[8] Comme le rappelle aussi le juge Wagner, il faut porter attention à la liberté contractuelle, de sorte que la décision d’écarter l’exception au privilège est tout à fait acceptable, mais encore faut-il qu’elle soit exprimée clairement. Par ailleurs, dans Union Carbide, l’entente a eu lieu après la médiation, de sorte que le contrat de médiation, dont les clauses visaient la confidentialité des communications « au cours de la médiation », avait moins d’importance.
[9] L’interprétation du contrat de médiation doit être centrée sur l’intention des parties. Et pour connaître cette intention, il faut évidemment tenir compte « de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, […] » (art. 1426 C.c.Q.), de même que des usages, tout en examinant l’ensemble du contrat. D’ailleurs, dans Union Carbide, pour conclure que les parties n’avaient pas l’intention de passer outre à l’exception du privilège relatif aux règlements, le juge Wagner tient précisément compte de la nature du contrat et de ses circonstances, le tout analysé dans son ensemble.
[10] Qu’en est-il dans la présente affaire?
[11] Je reproduis d’abord deux clauses du contrat de médiation repris dans les motifs de ma collègue :
8. Nous reconnaissons que le contenu de nos rencontres, des entrevues et de notre dossier est confidentiel. Nous nous engageons à ne pas utiliser en preuve devant un tribunal tout document contenu au dossier incluant le résumé des ententes, sans le consentement des deux parties. Le médiateur ne peut communiquer ces informations à qui que ce soit, sauf lorsque la loi l’ordonne expressément.
[…]
10. Nous sommes informés que le résumé des ententes préparé à la fin de la médiation, le cas échéant, ne constituera ni un document légal ni une entente exécutoire. Il servira aux conseillers juridiques qui seront retenus pour préparer les documents légaux appropriés. Nous sommes également informés que la signature du résumé des ententes produit des effets juridiques, même s’il n’a pas de force exécutoire, et qu’il est préférable d’obtenir un avis juridique indépendant avant de procéder à la signature.
[12] Deux remarques. D’une part, la clause 8 est similaire à celle d’Union Carbide, en ce qu’elle reprend essentiellement la règle de la confidentialité et prohibe le dépôt en preuve de documents. Par contre, contrairement à Union Carbide, elle permet néanmoins un tel dépôt si les parties y consentent et elle ne prévoit pas précisément le dépôt ultérieur d’un document qu’une partie aurait pu autrement déposer en preuve.
[13] D’autre part, la clause 10 porte sur un sujet qui dépasse largement la seule question de la confidentialité des échanges en précisant les effets juridiques d’un document spécifique, soit le résumé des ententes. À ma connaissance, il n’y avait pas de telle clause dans Union Carbide.
[14] Bref, les deux contrats de médiation ne sont pas identiques et les clauses de celui en l’espèce me paraissent aller plus loin que le simple rappel de la règle de la confidentialité.
[15] De plus, comme le souligne l’intervenante, « [l]’intention des parties doit être interprétée non seulement à la lumière de documents ci-haut mentionnés, mais également à la lumière des attentes des justiciables dans ce processus. » En d’autres mots, puisqu’il faut tenir compte de l’ensemble des circonstances, il faut aussi considérer les informations fournies par l’État qui, faut-il le souligner, encourage fortement la médiation. Or, l’État a toujours insisté sur le caractère confidentiel des échanges.
[16] Bien entendu, nul n’est censé ignorer la loi. En revanche, devant toutes ces informations, le citoyen, qui ne peut être représenté par un conseiller juridique pendant les séances de médiation (art. 617 C.p.c.)[1], saura certainement que le processus est confidentiel, puisque cela est spécifiquement prévu dans le contrat de médiation, mais il ne sera aucunement informé de l’existence d’une exception, et surtout pas de la nécessité de l’exclure de façon claire s’il ne veut pas qu’elle s’applique. Il serait illusoire de prétendre qu’un profane, qui par ailleurs est en processus de séparation ou de divorce, connaisse cette subtilité ou, plus simplement, l’ait à l’esprit.
[17] Bref, à mon avis, la confidentialité du processus de médiation familiale au Québec est complète et absolue, à moins qu’un élément de preuve précis ne démontre le contraire. Cette confidentialité inclut à la fois les échanges, les documents et, parmi ceux-ci, le résumé des ententes. Par conséquent, vu le caractère particulier de la médiation familiale ainsi que l’importance d’en protéger la confidentialité en raison, bien souvent, de la situation de vulnérabilité de ceux et celles qui y ont recours à la lumière des informations qui leur sont transmises, il me semble que la règle devrait être inversée : l’exception au privilège relatif aux règlements ne s’applique pas, sauf si la preuve démontre que c’était le vœu des parties. En l’espèce, il n’y a pas de telle preuve.
[18] Le présent dossier comporte toutefois un élément factuel particulier. Ce sont les échanges de courriels et de chèques survenus après la médiation dont fait état ma collègue dans ses motifs. Que l’on qualifie ces échanges de reconnaissance de l’existence d’une entente ou, comme le juge de première instance, de « renonciation implicite à la confidentialité » (non pas dans le sens traditionnel où les parties agissent de manière à rendre public un fait confidentiel, mais plutôt dans le sens où les parties renoncent à invoquer le caractère confidentiel des échanges et permettent donc leur utilisation subséquente), ils sont en droite ligne avec la mise en garde qui suit, rédigée par le médiateur et remise aux parties :
De la même façon, nous désirons vous informer que la mise en application de tout ou partie des ententes peut également produire des effets juridiques, en ce sens qu’une telle mise en application peut constituer une reconnaissance de l’entente préalablement à la judiciarisation.
[19] C’est dans ce contexte que, selon moi, la preuve de l’entente était permise. À l’instar de ma collègue, j’estime toutefois que le résumé des ententes ne peut être utilisé à cette fin, mais, comme elle, je suis d’avis que la preuve testimoniale et écrite démontrait ici l’existence d’une entente, comme l’a d’ailleurs conclu le juge de première instance.
[20] C’est pourquoi je suis d’avis que l’appel doit être rejeté, même s’il l’est en raison de motifs qui diffèrent de ceux du juge de première instance, du moins en partie.
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FRANÇOIS DOYON, J.C.A. |
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MOTIFS DE LA JUGE HOGUE |
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[21] Le pourvoi soulève essentiellement la question de l’admissibilité en preuve du « résumé des ententes » préparé par le médiateur qui a assisté les parties dans le cadre d’un processus de médiation familiale ainsi que celle de l’admissibilité de la preuve testimoniale des échanges intervenus entre elles pendant ce processus.
[22] L’Association de médiation familiale du Québec (« l’Association ») a obtenu l’autorisation d’intervenir au dossier, a déposé un exposé et fait des observations à l’audience.
[23] Les parties ont vécu en union de fait d’avril 2009 à juillet 2012. Elles ont eu deux enfants, nés en septembre 2009 et en mai 2011.
[24] En octobre 2010, elles acquièrent une résidence au prix de 445 000 $. Elles la rénovent, la meublent et y emménagent en avril 2011. Une grande partie du coût d’acquisition est payé par M. Bouvier avec l’argent provenant de la vente d’un condominium lui appartenant et dans lequel les parties ont vécu jusqu’alors. Mme Bisaillon soutient avoir aussi contribué à la mise de fonds, mais dans une moindre mesure.
[25] Les parties se séparent en juillet 2012 et participent, à compter du mois d’août, à cinq séances de médiation, la dernière ayant lieu en décembre 2012. Elles signent la convention-type proposée par l’Association dès le début du processus.
[26] Celle-ci comporte plusieurs dispositions, dont les suivantes :
1. Nous, soussignés, comprenons que la médiation a pour but de permettre à des conjoints qui sont séparés, divorcés ou qui ont pris la décision de ne plus vivre ensemble, d’en arriver à une entente quant à l’exercice de l’autorité parentale, l’accès et la résidence des enfants, les responsabilités financières, le partage des biens familiaux et le règlement du régime matrimonial, le cas échéant.
3. Nous reconnaissons que le médiateur est une personne impartiale et neutre qui ne représente ni l’un ni l’autre de nous, mais a pour rôle de nous aider à négocier une entente sur les questions ci-haut énumérées.
8. Nous reconnaissons que le contenu de nos rencontres, des entrevues et de notre dossier est confidentiel. Nous nous engageons à ne pas utiliser en preuve devant un tribunal tout document contenu au dossier incluant le résumé des ententes, sans le consentement des deux parties. Le médiateur ne peut communiquer ces informations à qui que ce soit, sauf lorsque la loi l’ordonne expressément.
10. Nous sommes informés que le résumé des ententes préparé à la fin de la médiation, le cas échéant, ne constituera ni un document légal, ni une entente exécutoire. Il servira aux conseillers juridiques qui seront retenus pour préparer les documents légaux appropriés. Nous sommes également informés que la signature du résumé des ententes produit des effets juridiques, même s’il n’a pas de force exécutoire, et qu’il est préférable d’obtenir un avis juridique indépendant avant de procéder à la signature.
[27] Une fois cette médiation terminée, le médiateur rédige un « résumé des ententes de médiation » qu’il transmet aux parties en les invitant à communiquer avec lui si elles constatent des erreurs ou des omissions.
[28] En sus de traiter de la garde des enfants et de la pension alimentaire payable pour ceux-ci, le résumé fait état d’un engagement à assumer seul le solde de l’emprunt hypothécaire relatif à la résidence et de verser à Mme Bisaillon 60 000 $ en contrepartie de la cession de tous les droits et intérêts qu’elle détient dans l’immeuble. De cette somme, 20 000 $ doivent être payés avant le 1er février 2013. Le solde ne le sera toutefois qu’à la signature de l’acte par lequel Mme Bisaillon cèdera ses droits, ce qui ne pourra se faire avant qu’un litige opposant les parties à l’entrepreneur ayant rénové l’immeuble soit réglé, vu l’hypothèque légale enregistrée par ce dernier.
[29] Ce résumé mentionne également un engagement de M. Bouvier à verser 25 000 $ à Mme Bisaillon en compensation du fait qu’elle a cessé de travailler pendant trois ans pour se consacrer à la famille et pour remédier aux inconvénients résultant de la rupture. Il prévoit, finalement, que les parties se donnent quittance complète et finale de toutes réclamations.
[30] Aucune des parties ne communique avec le médiateur après avoir reçu ce résumé des ententes. Elles ne le signent pas ni ne font rédiger d’entente « formelle ».
[31] Le 14 janvier 2013, M. Bouvier fait un chèque de 5 000 $ à Mme Bisaillon sur lequel apparaît la mention « remise selon médiation ». Il lui transmet le même jour un courriel dans lequel il lui raconte comment la semaine avec les enfants s’est déroulée et lui indique avoir laissé dans le casier de leur fille, à la garderie, une enveloppe contenant deux chèques « un pour la pension annuelle et l’autre pour l’entente de médiation ».
[32] Une semaine plus tard, Madame Bisaillon lui transmet un courriel dans lequel elle décrit, à son tour, la semaine passée en compagnie des enfants. Elle y ajoute en post-scriptum « pour le chèque….tu m’As donner 5000…je croyais que c’était 20000 pour janvier. Peut-être que c’est pcq tu vas me donner la balance la sem prochiane… donne moi des nouvelles. » [Transcription textuelle]
[33] M. Bouvier y donne suite le même jour. Après avoir répondu à certaines questions quant aux enfants, il écrit : « Oui je vais faire un ou deux versements…Tu vas payer la garderie pour février? » [Transcription textuelle]
[34] Le 28 janvier suivant, il lui transmet un nouveau courriel résumant de nouveau les faits saillants de la semaine écoulée avec les enfants. Il ajoute, en post-scriptum : « j’ai fait un chèque de 10 000 $. Pour l’autre versement, je vais faire le net avec les frais de l’accident de la BMW. Je n’ai pas pris le temps de le calculer…Il y a le deductible de 1 800 $ plus une somme que l’assureur n’as pas rembourser concernant les frais du garagiste. […] » [Transcription textuelle]
[35] Finalement, il l’informe le 11 février 2013 avoir « laissé un autre chèque, soit 5 000 $ moins les frais associés à l’accident de la BM (Franchise 1 800 $ plus les frais que l’assureur n’a pas remboursé). Les détails et facture sont dans l’enveloppe. » [Transcription textuelle]
[36] Malheureusement, la relation entre les parties se détériore à la suite notamment d’une demande de Mme Bisaillon pour l’obtention de la garde exclusive des enfants.
[37] Le 6 octobre 2014, elle dépose une demande en partage judiciaire de la résidence alors habitée par M. Bouvier. Elle requiert qu’elle soit vendue sous contrôle de justice et que le prix de vente soit partagé également entre eux. Elle réclame également une indemnité pour l’usage qu’il en fait depuis leur séparation.
[38] M. Bouvier rétorque en invoquant l’existence d’une transaction. Le processus de médiation, dit-il, a permis de régler les conséquences de leur rupture, notamment en ce qui a trait à la résidence. Il dépose le résumé des ententes au soutien de cette défense et, par demande reconventionnelle, en demande l’homologation.
[39] Mme Bisaillon présente un moyen d’irrecevabilité par lequel elle s’oppose au dépôt du résumé des ententes, invoquant le principe de confidentialité du processus de médiation et les dispositions de la convention de médiation. Elle ajoute que ce résumé, quoi qu’il en soit, ne constitue pas un contrat et demande le rejet de la défense et de la demande reconventionnelle.
[40] Sa requête est rejetée par la Cour supérieure[2]. Elle tente d’obtenir la permission de se pourvoir à l’encontre de ce jugement, mais sans succès[3].
[41] L’audition au fond a lieu en juin 2017. Mme Bisaillon s’oppose de nouveau au dépôt en preuve du résumé des ententes et à la preuve testimoniale des échanges intervenus dans le cadre de la médiation. Elle s’appuie de nouveau sur le principe de confidentialité et sur les termes de la convention de médiation.
[42] Ces objections sont prises sous réserve. Le juge les rejette finalement dans le cadre du jugement qu’il rend sur le fond et à l’encontre duquel l’appelante se pourvoit maintenant.
[43] Le juge d’instance s’intéresse d’abord à l’admissibilité en preuve du « résumé des ententes » et des négociations qui y ont mené. Il reconnaît que ces communications et ce document sont confidentiels, mais, se fondant sur deux décisions de la Cour, ajoute qu’il est possible pour les parties de renoncer à cette confidentialité, expressément ou implicitement. Puis, ayant revu la preuve administrée, il estime qu’elles y ont implicitement renoncé en référant à l’entente dans des courriels et en l’exécutant partiellement.
[44] Il écrit :
[37] Toutefois, à l’instar de la juge Nantel, le Tribunal conclut à l’existence, dans les faits de l’espèce, d’une renonciation implicite à la confidentialité découlant de la médiation.
[38] Rappelons que Monsieur émet trois chèques référant à la médiation. Le premier, du 14 janvier 2013, porte la mention « remise selon médiation », alors que le deuxième, émis le 27 janvier 2013, porte la mention « versement #2 total 1500$ (sic) (médiation) ». De même, l’échange de courriels entre les parties à ce moment fait référence à une entente. Ainsi, Monsieur écrit, le 14 janvier 2013, accompagnant le premier chèque : « Dans l’enveloppe que j’ai laissé (sic) j’ai aussi mis deux chèques un pour la pension annuelle et l’autre pour l’entente de médiation. Pour l’accident avec la BMW, j’ai reçu le dernier pmt de l’assureur la semaine dernière
[39] Non seulement Madame encaisse ces chèques sans contester d’aucune façon l’existence d’une convention ou proposer un autre fondement à ceux-ci, mais elle réfère elle aussi à l’entente dans au moins un de ses courriels. Ainsi, en réponse au courriel de Monsieur, elle écrit le 21 janvier 2013 : « (…) p.s. pour le chèque…tu m’As donner 5000… je croisyais que c’était 20 000 pour janvier. Peut-etre que c’est pcq tu vas me donner la balance la sem prochaine.. donne moi des nouvelles ». Le Tribunal tire de ces éléments de preuve que les parties ont renoncé au privilège de confidentialité, en exécutant et invoquant l’entente intervenue.
[45] S’appuyant ensuite sur l’affaire Union Carbide[4], le juge ajoute que le but que poursuit l’intimé par la production du résumé des ententes le rend également admissible :
[40] […] ne souhaite pas ici invoquer les discussions intervenues au cours de la médiation afin de convaincre le Tribunal du bien-fondé de sa position, ce qui est le fondement du principe de confidentialité, mais bien établir que le processus de médiation a porté fruit en ce qu’il a abouti à une entente entre les parties. Or, dit-il, le privilège de confidentialité, bien qu’interprété largement, ne s’étend pas à la preuve d’une entente issue d’une médiation.
[46] Une fois parvenu à cette conclusion, il cherche ensuite à déterminer si les parties ont véritablement conclu une entente quant au partage de la résidence. Il note d’abord que la qualification juridique du résumé des ententes (contrat ou non) variera selon les faits de chaque affaire et conclut qu’en l’espèce, bien qu’il n’ait été ni signé ni homologué, les parties l’ont rendu légalement contraignant en l’exécutant en partie, exprimant par là leur consentement à s’engager. L’entente couvrant toutefois aussi la pension alimentaire payable au bénéfice des enfants, le juge refuse de l’homologuer à titre de transaction, mais en constate « l’existence » et en ordonne l’exécution pour ce qui concerne le partage de l’immeuble.
[47] Devant nous, Madame attaque essentiellement la conclusion voulant qu’elle ait renoncé à la confidentialité du processus de médiation et celle voulant que le résumé des ententes soit admissible en preuve.
[48] L’intervenante l’appuie et soutient pour sa part que rien de ce qui se dit ou se fait dans le cadre du processus de médiation familiale ne doit pouvoir être porté à l’attention des tribunaux. L’entente qui peut y être conclue, dit-elle, n’a pas de force obligatoire tant qu’elle n’est pas constatée dans un écrit signé par les parties.
[49] Ainsi, plaide-t-elle, une partie qui, après réflexion, choisit de ne pas formaliser ce qui a été convenu lors de la médiation peut refuser d’exécuter l’obligation à laquelle elle s’était engagée. Son cocontractant peut alors s’adresser au tribunal pour faire trancher le différend original, mais sans égard à ce qui a pu être convenu lors de la médiation.
[50] En cas d’exécution partielle, le tribunal peut certes constater le paiement, ou l’exécution d’une prestation, mais il ne peut, selon elle, en déduire qu’il s’agit de l’exécution partielle d’une entente plus large conclue lors de la médiation.
[51] Le résumé des ententes, ajoute-t-elle, n’est pas un contrat et il est inadmissible en preuve même dans le cadre d’une procédure judiciaire visant à démontrer qu’une entente a été conclue lors du processus de médiation.
[52] L’Association justifie sa position par le fait que la médiation familiale est un processus très particulier lors duquel les parties, qui sont souvent dans un rapport de force inégal, ne sont pas représentées par avocat. La confidentialité de ce processus doit être totale et doit être maintenue, même lorsque l’une des parties soutient qu’une entente est intervenue et veut en faire la preuve.
[53] De plus, accepter que les ententes que les parties ont pu conclure aient force obligatoire, alors même qu’elles n’ont ni signé le résumé des ententes ni consigné ces prétendues ententes dans un document légal, ouvrirait la porte à de nombreux litiges, l’une ou l’autre des parties à une médiation ayant souvent intérêt à soutenir qu’une entente y a été conclue.
[54] L’intimé, pour sa part, adopte la position civiliste traditionnelle voulant qu’une entente soit obligatoire dès lors qu’elle est conclue, et cela sans égard à sa forme. Reconnaissant par ailleurs que le processus de médiation est confidentiel, il s’appuie sur l’affaire Union Carbide et sur la jurisprudence antérieure[5], qui reconnaissent des exceptions au privilège relatif aux règlements, pour soutenir que le juge d’instance a eu raison d’écarter l’obligation de confidentialité pour lui permettre de démontrer que le processus entrepris a mené à une entente.
[55] Quoique j’adopte un cadre d’analyse différent de celui du juge de première instance, je suis d’avis qu’il a eu raison, dans les circonstances de ce dossier, de rejeter les objections formulées par l’appelante et qu’ainsi le pourvoi doit échouer.
[56] J’estime par ailleurs utile, vu l’intervention de l’Association et l’importance de la question, de traiter du motif qui pourrait justifier une objection à l’encontre de la production du résumé des ententes, lequel n’a toutefois pas été formulé par l’appelante en l’instance.
[57] Je rappelle d’abord en quoi consiste une médiation familiale et quel est son cadre juridique.
[58] La médiation familiale n’est pas nouvelle. Dès 1997, le législateur québécois adopte des dispositions pour l’encadrer (art. 814.3 à 814.14 a.C.p.c.). À compter de 2014, il les modifie en ajoutant au Code de procédure civile des dispositions applicables à l’ensemble des modes privés de prévention et de règlement des différends, ce qui inclut la médiation (art. 1 à 7 C.p.c.), d’autres qui ne s’appliquent qu’à la médiation en général, ce qui inclut la médiation familiale (art. 605 à 615 C.p.c.) et, finalement, certaines qui y sont spécifiques (art. 616 à 619 C.p.c.). Ces dernières sont semblables aux règles qui étaient en vigueur de 1997 à 2014.
[59] Les articles suivants présentent un intérêt particulier en l’espèce :
DISPOSITIONS APPLICABLES AUX MODES PRIVÉS DE PRÉVENTION ET DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS
1. Choix commun des parties Les modes privés de prévention et de règlement des différends sont choisis d’un commun accord par les parties intéressées, dans le but de prévenir un différend à naître ou de résoudre un différend déjà né.
[…]
4. Confidentialité des modes privés Les parties qui choisissent de prévenir un différend ou de régler celui qui les oppose par un mode privé et le tiers qui les assiste s’engagent à préserver la confidentialité de ce qui est dit, écrit ou fait dans le cours du processus, sous réserve de leur entente sur le sujet ou de dispositions particulières de la loi. |
1. Mutual agreement of parties To prevent a potential dispute or resolve an existing one, the parties concerned, by mutual agreement, may opt for a private dispute prevention and resolution process.
[…]
4. Confidentiality of private processes Parties who opt for a private dispute prevention and resolution process and the third person assisting them undertake to preserve the confidentiality of anything said, written or done during the process, subject to any agreement between them on the matter or to any special provisions of the law. |
DISPOSITIONS APPLICABLES À LA MÉDIATION EN GÉNÉRAL
605. Choix du médiateur Le médiateur est choisi par les parties d’un commun accord, directement ou par l’entremise d’un tiers.
Rôle du médiateur Il aide les parties à dialoguer, à clarifier leur point de vue, à cerner leur différend, à identifier leurs besoins et leurs intérêts, à explorer des solutions et à parvenir, s’il y a lieu, à une entente mutuellement satisfaisante. Les parties peuvent le charger d’élaborer avec elles une proposition pour prévenir ou régler le différend.
[…]
606. Non-contraignabilité Le médiateur ou un participant à la médiation ne peut être contraint de dévoiler, dans une procédure arbitrale, administrative ou judiciaire liée ou non au différend, ce qui lui a été dit ou ce dont il a eu connaissance lors de la médiation. Il ne peut non plus être tenu de produire un document préparé ou obtenu au cours de ce processus, sauf si la loi en exige la divulgation, si la vie, la sécurité ou l’intégrité d’une personne est en jeu, ou encore pour permettre au médiateur de se défendre contre une accusation de faute professionnelle. Enfin, aucune information ou déclaration donnée ou faite dans le cours du processus ne peut être utilisée en preuve dans une telle procédure.
Accréditation Pour invoquer le privilège de non-contraignabilité, le médiateur doit être accrédité par un organisme reconnu par le ministre de la Justice; en outre, il doit être assujetti à des règles déontologiques et tenu de garantir sa responsabilité civile par une assurance de responsabilité ou au moyen d’une autre sûreté.
[…]
609. Informations aux parties Avant d’entreprendre la médiation, le médiateur informe les parties sur son rôle et ses devoirs et précise avec elles les règles applicables à la médiation et la durée du processus.
[…]
613. Entente L’entente contient les engagements des parties et met un terme au différend. Elle ne constitue une transaction que si la matière et les circonstances s’y prêtent et que la volonté des parties à cet égard est manifeste.
Devoir du médiateur Le médiateur veille à ce que l’entente soit comprise par les parties. |
605. Choice of the mediator A mediator is chosen, directly or through a third person, by mutual agreement of the parties.
Role of the mediator The mediator helps the parties to engage in dialogue, clarify their views, define the issues in dispute, identify their needs and interests, explore solutions and reach, if possible, a mutually satisfactory agreement. The parties may ask the mediator to develop with them a proposal to prevent or resolve the dispute.
[…]
606. Non-compellability The mediator and mediation participants cannot be compelled, in arbitration, administrative or judicial proceedings, whether related or unrelated to the dispute, to disclose anything they hear or learn in the course of the mediation process. Nor can the mediator and mediation participants be compelled to produce a document prepared or obtained in the course of the mediation process, unless the law requires its disclosure, a person’s life, safety or personal integrity is at stake or its disclosure is necessary for the mediator to be able to defend against a claim of professional fault. No information given or statement made in the course of the mediation process may be admitted in evidence in such proceedings.
Certification To claim the privilege of non-compellability, the mediator must be certified by a body recognized by the Minister of Justice. In addition, the mediator must be subject to rules of professional conduct and be required to take out civil liability insurance or provide some other form of security to cover injury to third persons.
[…]
609. Informations to the parties Before starting the mediation process, the mediator informs the parties of a mediator’s role and duties, and determines with them the rules applicable to and the length of the mediation process.
[…] 613. Settlement agreement A settlement agreement contains the undertakings of the parties and terminates the dispute. The settlement agreement constitutes a transaction only if the subject matter and the circumstances permit and the parties’ wishes in that respect are clear.
Duty of the mediator The mediator must see that the parties understand the agreement. |
DISPOSITIONS PARTICULIÈRES À LA MÉDIATION FAMILIALE
617. Séance de médiation Les séances de médiation ont lieu en présence des deux parties et d’un médiateur ou, si les parties en conviennent, de deux médiateurs. Les séances peuvent aussi, si tous y consentent, avoir lieu en présence d’une seule partie ou de l’enfant ou encore d’autres personnes qui ne sont ni experts ni conseillers, si leur contribution peut être utile au règlement du différend.
[…] |
617. Mediation sessions Mediation sessions take place in the presence of both parties and a mediator or, if the parties so agree, two mediators. The sessions may also, if all agree, take place in the presence of a single party, in the presence of the child concerned or in the presence of other persons who are neither experts nor advisers if their contribution may be helpful in resolving the dispute.
[…] |
[60] La participation à un processus de médiation familiale lors d’une rupture est fortement encouragée. Elle l’est par le législateur et par les divers intervenants du système judiciaire.
[61] Le programme de médiation familiale auquel les parties ont participé, qui est administré par le ministre de la Justice, est ouvert aux couples, mariés ou non, ayant des enfants en commun, qu’ils soient mineurs ou à charge. Il permet aux parents de bénéficier, au moment de la rupture, de 2 h 30 d’informations sur la parentalité après la rupture (généralement en participant à un séminaire sur la coparentalité) et à 5 heures de médiation payées par l’état. Plus tard, s’ils le souhaitent, ils ont aussi droit à 2 h 30 de médiation gratuite s’ils demandent la révision d’un jugement ou d’une entente ou encore lorsqu’ils ont bénéficié du service de médiation familiale lors de leur rupture ou ont obtenu un jugement en séparation de corps[6].
[62] La participation à la séance d’information sur la parentalité est obligatoire alors que la médiation est volontaire. Un tribunal peut toutefois choisir de l’ordonner (art. 420 C.p.c.).
[63] Le processus, par nécessité, a souvent lieu tôt après la rupture, alors que les émotions sont encore très présentes, et les parties qui y participent ne sont pas toujours dans un rapport de force égal.
[64] Les séances ont lieu en présence des deux parents et d’un médiateur (ou plus rarement, de deux). Si elles y consentent, les parties peuvent être accompagnées, mais elles ne peuvent l’être par un expert ou un conseiller[7]. Elles peuvent par ailleurs demander en tout temps la suspension du processus pour leur permettre d’en consulter un, incluant un conseiller juridique.
[65] Elles sont libres de choisir les sujets dont elles discuteront dans la mesure où ceux-ci ont trait à l’autorité parentale, la garde des enfants, le partage des responsabilités financières quant aux enfants, le partage des biens et le soutien financier qu’une peut devoir à l’autre.
[66] Le cas échéant, à l’issue de la médiation, un résumé des ententes intervenues leur est généralement remis par le médiateur. Ce résumé est différent du rapport du médiateur imposé par le législateur.
[67] Les parties peuvent décider de faire suivre ce résumé d’une entente formelle, qui peut ou non être préparée par un professionnel, mais ne sont pas tenues de le faire. Elles peuvent choisir de le signer, exprimant par là leur intention d’être liées par lui. Elles peuvent aussi faire homologuer leur entente par un tribunal, ce qui lui confère la même force exécutoire qu’un jugement.
[68] Finalement, le médiateur transmet au Service de médiation familiale un rapport faisant état de la présence des parties et des sujets sur lesquels elles ont conclu une entente, sans y ajouter d’autres informations[8].
[69] Seuls des médiateurs accrédités peuvent agir comme médiateurs en matière familiale et seuls certains ordres professionnels sont autorisés à accréditer leurs membres, en l’occurrence le Barreau du Québec, la Chambre des notaires du Québec, l’Ordre professionnel des conseillers et conseillères d’orientation du Québec, l’Ordre des psychologues du Québec, l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec et l’Ordre professionnel des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec. Les centres jeunesse peuvent aussi accréditer certains de leurs employés. (Art. 1 du Règlement sur la médiation familiale[9]).
[70] Les médiateurs sont tous des professionnels formés et qualifiés pour mener à bien le processus de médiation. Ils doivent être et demeurer neutres[10]. Un médiateur peut, tout au plus, suspendre la médiation dans l’intérêt des parties ou de l’une d’elles ou y mettre fin s’il est convaincu que le processus est susceptible de causer un préjudice sérieux à une partie s’il se poursuit[11].
[71] Quoiqu’il ait l’obligation de veiller à ce que l’entente soit comprise par les parties[12], un médiateur ne peut agir comme un conseiller juridique. Plusieurs des médiateurs ne sont d’ailleurs pas des juristes.
[72] Ainsi, les médiateurs recommandent généralement aux parties de consulter un conseiller juridique avant de s’engager définitivement. Ce fut le cas en l’espèce.
[73] Le résumé des ententes remis à Mme Bisaillon et M. Bouvier comporte les mises en garde suivantes :
Madame et Monsieur sont informés que le présent projet d’entente ne constitue ni un contrat ni un jugement et, par conséquent, il ne peut avoir d’effet juridique.
Pour vous assurer de donner force exécutoire à toutes les clauses de votre résumé, nous vous soulignons l’obligation de le faire entériner par le tribunal compétent, et ce, dans les meilleurs délais. Avant d’entreprendre cette démarche, une consultation juridique indépendante est recommandée.
Nous vous informons également que la signature du résumé des ententes de médiation produirait des effets juridiques, même s’il n’a pas de force exécutoire, et qu’il est alors préférable de ne pas procéder à sa signature avant d’obtenir un avis juridique indépendant.
De la même façon, nous désirons vous informer que la mise en application de tout ou partie des ententes peut également produire des effets juridiques, en ce sens qu’une telle mise en application peut constituer une reconnaissance de l’entente préalablement à la judiciarisation.
Madame et Monsieur se sont engagés lors du contrat de médiation à ne pas utiliser en preuve devant un tribunal tout document contenu au dossier, incluant le présent résumé des ententes de médiation, sans le consentement des deux.
[Soulignement ajouté]
[74] Le résumé réitère donc en des termes différents le contenu de l’article 10 de la convention de médiation et y ajoute la mention que la mise en application, même partielle, de l’entente peut constituer une reconnaissance de cette entente.
[75] Le processus de médiation est confidentiel. Tant les parties que le médiateur sont ainsi tenus de garder secrets la nature et le contenu des échanges qui y ont lieu. Ce caractère confidentiel découle d’une règle de preuve émanant de la common law connue sous le vocable de privilège relatif aux règlements. Celle-ci est maintenant codifiée au Code de procédure civile :
4. Les parties qui choisissent de prévenir un différend ou de régler celui qui les oppose par un mode privé et le tiers qui les assiste s’engagent à préserver la confidentialité de ce qui est dit, écrit ou fait dans le cours du processus, sous réserve de leur entente sur le sujet ou des dispositions particulières de la loi.
[76] Ce privilège protège les échanges, écrits ou verbaux, qui interviennent entre des parties qui tentent de régler un différend. Il vise essentiellement à favoriser les discussions franches et ouvertes en rassurant les parties quant au fait que le contenu de leurs échanges ne pourra être utilisé contre elles si elles ne parviennent pas à conclure un règlement[13].
[77] Il comporte toutefois certaines exceptions, dont celle voulant que les échanges ou certains de ceux-ci puissent être divulgués par l’une des parties lorsque cela est nécessaire pour faire la preuve qu’une entente est intervenue lors des discussions ou encore pour faire la preuve de l’étendue de l’entente que les parties reconnaissent par ailleurs avoir conclue (« l’exception d’une entente »)[14].
[78] Dans Union Carbide, la Cour suprême réitère que ce privilège, maintenant codifié, s’applique en droit québécois, mais rappelle l’importance, par ailleurs, de respecter la liberté contractuelle des parties qui choisissent d’entreprendre un processus de médiation ou de s’engager dans un autre mode privé de règlement des différends[15].
[79] Elle leur reconnaît le droit de se doter, en matière de confidentialité, d’exigences différentes de celles que leur offre le privilège relatif aux règlements, et même celui d’écarter contractuellement l’exception d’une entente :
[29] […] je suis d’accord avec les appelantes pour dire que les tribunaux doivent donner effet à une clause de confidentialité acceptée par les deux parties, et que les parties peuvent se soustraire par contrat aux règles de la common law, y compris à l’exception au privilège relatif aux règlements. Les parties peuvent souhaiter renforcer la protection des renseignements confidentiels échangés lors de la médiation au-delà de la protection qu’offre le privilège de la common law. Faire abstraction de leur volonté à cet égard irait à l’encontre de l’un des principaux aspects qui encouragent les parties à choisir cette forme communément acceptée de règlement extrajudiciaire des différends. […][16]
[…]
[39] […] Mais la médiation est aussi une [traduction] création contractuelle’ puisqu’elle permet aux parties de se doter, en matière de confidentialité, d’exigences supérieures à celles que leur offre le privilège et, en cas de manquement, de se prévaloir d’un recours contractuel.[17] [Renvoi omis]
[80] Elle insiste toutefois sur le fait qu’il est essentiel que l’intention des parties d’écarter cette exception soit exprimée clairement et souligne qu’une clause générale de confidentialité sera généralement insuffisante pour inférer une telle intention :
[54] Lorsqu’une entente pourrait avoir pour effet d’empêcher l’application d’une exception reconnue au privilège relatif aux règlements, elle doit l’exprimer clairement. On ne saurait présumer que les parties, qui ont renforcé par contrat la confidentialité afin de favoriser l’échange en toute franchise des communications et de promouvoir de ce fait un règlement, entendaient également écarter une exception au privilège relatif aux règlements dont l’objet est aussi de promouvoir un règlement. Les parties ont toute liberté de le faire, pourvu qu’elles le fassent clairement. […][18]
[81] Ici, les parties ont conventionnellement confirmé l’application du privilège relatif au règlement, mais, selon moi, n’ont pas écarté l’exception permettant la divulgation pour prouver l’existence d’une entente.
[82] Je rappelle le libellé de l’article 8 de leur convention:
8. Nous reconnaissons que le contenu de nos rencontres, des entrevues et de notre dossier est confidentiel. Nous nous engageons à ne pas utiliser en preuve devant un tribunal tout document contenu au dossier incluant le résumé des ententes, sans le consentement des deux parties. Le médiateur ne peut communiquer ces informations à qui que ce soit, sauf lorsque la loi l’ordonne expressément.
[83] Cette disposition, à mon avis, ne fait que confirmer que le contenu du processus de médiation est et demeurera confidentiel, sans plus. Elle est d’ailleurs très semblable à la disposition contractuelle interprétée par la Cour suprême dans l’affaire Union Carbide, laquelle a été jugée trop générale pour conclure que les parties y avaient exprimé l’intention d’écarter l’exception au privilège.
[84] Contrairement à ce que soutient l’Association, le fait qu’il s’agit d’une médiation familiale ne change rien et n’empêche pas l’exception de s’appliquer. La finalité d’une telle médiation est en effet la même que celle de toutes les autres médiations, quelle qu’en soit la forme : prévenir un différend à naître ou régler un litige existant par la conclusion d’une entente librement négociée.
[85] Ainsi, les motifs énoncés par la Cour Suprême dans Union Carbide pour justifier l’existence de l’exception d’une entente sont tout aussi valables en cette matière qu’ils l’étaient en matière de médiation commerciale.
[86] En l’absence d’autres indices laissant croire que les parties ont ici voulu qu’il en soit autrement, j’estime que l’entente de médiation doit être interprétée de la même façon et qu’il y a lieu de conclure qu’elle est trop générale pour en inférer une intention d’écarter l’exception.
[87] Cela étant, dans la mesure où elles n’ont pas écarté contractuellement l’exception et n’ont pas protégé autrement les échanges qu’elles ont eus pendant la médiation, le privilège de confidentialité n’empêche pas l’une ou l’autre des parties de mettre en preuve le contenu de ces échanges, en autant toutefois qu’ils soient nécessaires pour démontrer qu’une entente a été conclue lors du processus.
[88] Il y aurait sans doute avantage à ce que le contrat de médiation fasse clairement référence aux limites du privilège de confidentialité, c'est-à-dire qu'il mentionne que les discussions pourraient être divulguées lorsque cela est nécessaire pour prouver l'existence d'une entente, à moins que les parties à la médiation n'écartent expressément cette exception. Cette mention paraît d'autant plus importante dans le cadre d'une médiation en matière familiale où les parties ne sont pas représentées par avocat.
[89] On pourrait s’interroger, dans d’autres circonstances, sur l’admissibilité d’une preuve qui ne serait que testimoniale pour prouver un acte juridique ayant une valeur de plus de 1500 $, mais, ici, les échanges intervenus entre les parties, après la médiation, constituent un début de preuve par écrit rendant ce moyen de preuve admissible[19].
[90] Les parties n’ayant pas écarté l’exception et aucun autre motif n’ayant été soulevé par l’appelante au soutien de ses objections, le juge d’instance a eu raison de les rejeter[20].
[91] Cela étant, existe-t-il un autre motif permettant de s’opposer à la production d’un résumé des ententes rédigé par un médiateur?
[92] J’estime que oui.
[93] Un écrit - lequel constitue d’ailleurs souvent la meilleure preuve - est fréquemment utilisé pour prouver l’existence et le contenu d’une entente. Ce ne sont toutefois pas tous les écrits qui sont admissibles pour ce faire. L’écrit produit en vue de faire la preuve d’un acte juridique doit en effet satisfaire à certaines conditions pour être recevable. Ainsi, sera recevable en preuve pour prouver un acte juridique l’écrit authentique, la copie authentique ou l’extrait de cet écrit authentique (art. 2813 et ss. C.c.Q.), l’écrit sous seing privé (2826 C.c.Q.) ou l’écrit non signé, mais habituellement utilisé dans le cours des activités d’une entreprise (art.2831 C.c.Q.).
[94] Les registres et papiers domestiques ainsi que les mentions libératoires apposées sur un titre pourront aussi, en certaines circonstances, être admissibles[21].
[95] Ce n’est qu’exceptionnellement qu’un écrit d’un autre type que ceux-là pourra, alors qu’il n’est pas signé, faire preuve d’un acte juridique[22].
[96] En l’espèce, le résumé des ententes ne correspond à aucune de ces formes.
[97] Il n’est pas un acte authentique ou semi-authentique, ne comporte pas la signature des parties, n’émane pas d’elles et n’est pas un document constitué dans le cours normal des activités d’une entreprise. Il ne constitue pas davantage un papier domestique ni un titre comportant une mention libératoire. Il n’est qu’un simple écrit, rédigé par le médiateur, reflétant la compréhension qu’a celui-ci des éléments sur lesquels les parties se sont dites d’accord.
[98] Il ne s’agit pas non plus d’un cas exceptionnel où, quoique non signé, l’écrit exprime clairement le consentement des parties à l’acte juridique qu’il constate.
[99] Celles-ci, au contraire, reconnaissent dans la convention de médiation avoir été informées que ce résumé ne constituerait ni un document légal ni une entente exécutoire.
[100] Le médiateur, à la fin de la médiation, leur rappelle d’ailleurs que ce résumé n’est pas un contrat et les met en garde quant au fait que sa signature ou sa mise en œuvre, même partielle, puisse entraîner des effets juridiques.
[101] Ce résumé, on le constate, n’a donc pas pour vocation de constituer un écrit instrumentaire. À moins que les parties ne choisissent de le signer, auquel cas il devient un contrat, l’intention de tous les intervenants semble plutôt être qu’il ne soit qu’un outil.
[102] Dans un tel contexte, j’estime qu’une partie pourrait, pour ce motif, s’opposer à ce qu’il soit admis pour faire la preuve de l’acte juridique que constitue l’entente alléguée.
[103] Je rappelle toutefois qu’un écrit qui n’est pas admissible pour prouver un acte juridique peut parfois être admissible pour prouver un fait juridique[23]. Ce sera le cas notamment de l’écrit produit à titre d’indice d’une présomption de fait[24].
[104] En l’absence du résumé des ententes, le Tribunal appelé à déterminer si une entente ayant force obligatoire a été conclue lors d’un processus de médiation familiale devra donc, généralement, vérifier lui-même s’il y a eu accord de volontés et si un consentement valide a été donné. Il lui incombera aussi, dans l’affirmative, d’en identifier les modalités.
[105] Cela étant, l’omission de l’appelante d’invoquer ce motif pour justifier son objection n’aurait ici rien changé au résultat puisque la preuve testimoniale conduisait à la conclusion qu’une entente avait été conclue.
[106] M. Bouvier ne s’est en effet pas contenté de produire le résumé des ententes pour faire la preuve de celle intervenue entre lui et Mme Bisaillon. Il a également témoigné des échanges intervenus lors de la médiation. Mme Bisaillon a fait de même, sous réserve évidemment de ses objections. Les courriels que les parties se sont échangés par la suite ont également été produits, ceux-ci ne bénéficiant d’aucune protection.
[107] M. Bouvier a été précis quant à la demande financière formulée initialement par Mme Bisaillon en lien avec le partage de la résidence et avec le revenu dont elle a été privée pendant la vie commune, et quant aux suites qui y ont été données.
[108] Il a affirmé que Mme Bisaillon, consciente qu’elle n’avait pas déboursé autant que lui pour l’achat de la résidence, a initialement demandé une somme de 100 000 $ et qu’ils ont finalement convenu d’un montant global de 85 000 $, en échange de tous les droits qu’elle possédait dans la résidence :
R. Par la suite, on aborde tout de suite les enfants, ou, ça va être moi…ça a été un processus, je vous dirais, quand même, relativement facile parce que les demandes…ça a été…pour moi, cette période ça a été très juste comme discussions : on prend les enfants moitié moitié, on s’entend là-dessus, parfait, on ajuste…maître Malouin avait calculé les pensions alimentaires. O.K., on s’entend là-dessus.
Il restait la maison. La maison, ce qui rendait un peu complexe, c’était le fait qu’on avait une hypothèque légale enregistrée sur la résidence. Cette hypothèque légale là venait du…vu qu’on avait fait des rénovations assez importantes dans notre résidence, dans la résidence familiale, puis on n’était pas satisfait des travaux, on a cessé de payer le contracteur, puis on tentait de trouver des solutions. Et monsieur le contracteur, qui s’appelle Multi-Fonctions, a enregistré une hypothèque légale. Donc, maître Malouin nous a expliqué, à Isabelle et moi, les conséquences d’une transaction, de faire…t’sais, il nous a expliqué qu’il fallait attendre pour ne pas lever l’hypothèque légale et, là, être obligé de donner au contracteur soixante-quinze mille dollars (75 000$).
Donc, on s’est assis, on a discuté de ça, et c’est là qu’on est arrivé…Isabelle est arrivée puis elle a dit : « Michel, moi, je veux cent mille dollars (100 000?), l’argent que j’ai mis dans la maison et je veux un montant supplémentaire…je veux, incluant ça, une somme qui représente les pertes de salaire que j’ai eues. »
Q. [107] Donc, elle voulait un total de cent mille (100 000)?
R. Elle voulait un total de cent mille dollars (100 000$) pour compenser ces sommes-là. Puis là…
Q. [108] Bon. Je vous arrête…
R. Excusez-moi.
Q. [109]…deux (2) instants. Et ça, elle l’a mentionné à quel moment, ça?
R. Mais au début, elle a mentionné : « Je veux être compensée pour les sommes que j’ai mises dans la maison, puis je veux…» Elle n’a pas nécessairement mentionné un montant. C’était le principe : « Je veux être…lors des rencontres : Je veux être compensée pour l’argent que j’ai mis dans la maison, ce que j’ai investi dans la famille et je veux être compensée pour les pertes de salaire que j’ai eues. » Là, j’ai dit : « O.K. » Là, je suis comme un peu entre deux (2) mondes, là. Je ne connaissais pas les montants. Je ne connaissais pas qu’est-ce qu’elle recherchait, puis il y a eu des échanges de courriels : « Isabelle, on a-tu progressé? Où est-ce que tu es rendue? »
Q. [110] Alors, je vous montre, justement, un courriel, qui est la pièce D-4(C), dans le livre bleu. Il faut que j’y pense à chaque fois.
LE TRIBUNAL :
Moi aussi. C, bleu; F, rose,
Me JOANNE BIRON :
J’y vais doucement, mais c’est parce que j’y pense. D-4(C).
R. Une chance qu’il n’y pas de daltonien ici!
Q. [111] Alors, je vous montre un courriel ici dont madame à traité hier et qui est produit dans notre cahier. Est-ce que c’est la nature des échanges que vous avez eus…
R. Oui.
Q. [112] …relativement au montant qui était réclamé par madame?
R. Exact. Oui, c’était dans cette envergure-là et, là, lorsqu’elle m’a dit…mais là, j’ai dit : « Isabelle…» Je veux juste ramener un petit peu mon commentaire de tantôt quand je disais moi, je ne comptais pas combien Isabelle mettait dans la maison et je ne comptais pas combien j’en mettais. Je ne comptais pas combien je mettais de sommes. Pour moi, c’était, on se construit notre capital bonheur. Notre petite maison, notre petit chez-nous, puis c’est ça.
Et dans ce contexte-là, là, j’ai dit : « Mais, Isabelle, cent mille (100 000). Cent mille (100 000)…oups, woh. Combien t’as mis dans la maison? Je n’ai pas tenu compte…» Et là, je dis : « Mais as-tu des documents, des choses, fais-moi un sommaire. Je veux savoir qu’est-ce que c’est. »
Et là, c’est là qu’Isabelle m’a fait parvenir…et là je ne me souviens pas d’où, si c’est par courriel ou à la médiation, mais là, elle m’a transmis un document.
Q. [113] O.K. Alors, je vous montre la pièce D-16(C) et je veux…est-ce que vous reconnaissez ce document-là?
R. Oui.
LE TRIBUNAL :
D-16?
Me JOHANNE BIRON :
D-16(C).
Q. [114] Ce document-là a cinq (5), six (6) pages, c’est bien ça?
R. Exact.
Q. [115] est-ce que c’est le document qui vous a été transmis par madame?
R. Exact.
[…]
Et là, j’ai regardé ça, mais je ne lui ai pas demandé de preuve, je ne lui ai pas demandé de document de support : « Prouve-moi X, prouve-moi tel montant, prouve-moi telle facture. » J’ai pris ce document-là pour du « cash ». C’était les factures, les choses…je me suis fié principalement aux en-têtes et, là, j’ai été sceptique. Là, je me suis reculé puis je me suis dit : « Woh, arrête. » Quand j’ai vu épicerie, quand j’ai vu pharmacie, puis là, je regardais un peu les articles de maison, j’ai dit : « My god, là, elle veut que je paye les épiceries. Elle veut que je paye les montants de …» Et là, ce que j’ai compris en faisant des petits calculs, qu’elle voulait que je paye cinquante pour cent (50%) de l’épicerie, cinq…là, je me suis dit : « "My god", c’est vraiment calculateur, c’est particulier. » Puis là, c’est là que je me suis dit : « Regarde, Isabelle, moi, je vais prendre ce document-là, puis j’ai dit, au total, on va s’entendre pour quatre-vingt-cinq mille dollars (85 000$), voici l’entente que l’on a. » Et on a discuté des modalités de paiement en fonction des sommes d’argent que je prévoyais encaisser, puis de l’entente où est-ce que, comme je mentionnais un peu tantôt, il y avait une poursuite puis je ne voulais pas assumer les frais seul de cette poursuite-là, les frais légaux qui étaient associés parce que je me…Je trouvais que je me ramassais un peu : « Moi, je pars, je m’en vais, je te laisse avec le tapon, je te laisse avec la maison, les ci, les ça, donne-moi mes billes, moi, je sors du jeu. »
Q. [118] Est-ce que madame était d’accord avec cette proposition-là que vous lui avez faite?
R. Bien, c’est ce qu’on a…ça a été…c’est ce que maître Malouin a inscrit ou a fait dans l’entente finale que nous avons eue ensemble.
Q. [119] Mais c’est important pour le Tribunal de savoir aujourd’hui si madame était d’accord avec ce montant?
R. Oui, elle était d’accord.
Q. [120] D’accord.
LE TRIBUNAL :
Q. [121] Avec quatre-vingt-cinq mille (85 000)?
R. Oui, elle était d’accord.
Et plus loin :
R. Jamais. Jamais. Isabelle est arrivée puis elle m’a dit : « Michel je veux cent mille dollars (100 000$). Je veux être compensée pour les sommes d’argent. »
Maître Malouin, lorsqu’on a eu la médiation, c’est sûr que j’ai…lorsqu’on a eu la médiation, maître Malouin a mentionné que c’était important d’avoir une entente ou d’arriver puis d’avoir un climat de franchise et d’honnêteté. Il y a des transactions qui se font dans la vie puis c’est un peu ça qu’il nous expliquait. Puis il donnait l’exemple, il dit : « Madame, vous, vous êtes travailleure autonome, vous avez plus de flexibilité au niveau de vos dépenses, au niveau de ci. Il dit, c’est important pour les enfants d’être honnête, de dire les vrais revenus puis tout ça, pour ne pas débalancer. C’est le même principe au niveau de la maison Il dit, qu’est-ce que vous avez mis, dans les faits? Combien d’argent qui a été mis, puis on ne veut pas que personne parte de cette négociation-là ou de ce processus de médiation là où est-ce qu’il sait qu’il s’est fait arnaquer. » Et c’est là que les sommes…Isabelle, de façon très honnête comme…la même chose de ce qu’on a déclaré : « Michel, moi, je veux les sommes d’argent et je veux que tu me compenses pour les pertes de rémunération. » On n’était pas marié, sur le coup, compenser pour les pertes, on n’est pas marié. O.K., on va mettre une somme d’argent là-dedans. Ça a été fait d’un commun accord.
Q. [175] Mais ce que vous me dites, c’est que ça n’a pas été mis au centre que la maison appartenait à cinquante, cinquante (50/50), juridiquement, entre vous et madame?
R. Moi, je sais…mais Isabelle, comme je vous disais tantôt, Isabelle, son père est impliqué dans le processus avec Isabelle.
Q. [176] Oui, mais dans la…pendant la discussion…
R. Dans la discussion, on n’en a pas parlé.
Q. [177]…avec le médiateur?
R. Non, on n’en a pas parlé. On a dit…Isabelle a manifesté le fait que : « Compense-moi…» Suite à ces premières rencontres-là : « Compense-moi pour les…donne-moi les sommes que j’ai mises dans la maison et dans la vie. » Et c’est la liste de documents qu’elle m’a remis.
Me JOANNE BIRON
Q. [178] Est-ce qu’elle voulait autre chose?
R. Non, elle ne voulait pas autre chose. La seule autre chose qu’elle voulait, c’est comme je vous disais, c’est d’être compensée pour sa rémunération qu’elle avait perdue. Ce qu’elle utilisait, c’est les sommes qu’elle aurait pu économiser si elle avait travaillé.
Puis juste pour revenir…t’sais, Isabelle était consciente de la valeur de la maison, elle savait qu’est-ce que…ou les éléments de cette entente cinquante, cinquante (50/50), elle avait de l’information, elle n’était pas…je ne sentais pas qu’elle était seule…
Q. [179] Mais ce n’est pas ça qu’elle a dit non plus?
R. Non, puis ce n’est pas ça qu’elle a dit non plus.
[Transcription textuelle]
[109] Mme Bisaillon, de son côté, s’est montrée plutôt sibylline quant à ces échanges. Elle a reconnu avoir demandé 100 000 $ initialement, mais son témoignage a été plus confus quant à la suite :
Q. [172] Vous avez dit tantôt que votre première demande c’était cent mille dollars (100 000 $)?
R. Oui.
Q. [173] Ma question c’est qu’est-ce qui fait en sorte que vous étiez prête à accepter ça, pis dans votre demande de partage, vous demandez la moitié de la maison?
R. En fait, à cette époque-là, on s’entendait bien au niveau des enfants, on était dans un climat de collaboration certaine. Je me disais qu’après le deuil de la séparation, tout allait bien aller. Donc, comme je n’avais aucune dette, j’avais l’impression que cent mille dollars (100 000$) c’était suffisant pour me repartir, mais étant donné les frais d’avocats, les difficultés par rapport à…
[…]
Par contre, au niveau financier, bien, c’est sûr que le médiateur nous a expliqué comment ça fonctionnait. Il a demandé aux deux (2)…à chacun des deux (2) de faire leurs comptes, de regarder qu’est-ce qu’ils veulent demander. En fait, il a demandé à Michel de me fournir mes rapports d’impôt puisque c’est lui qui avait tout ça sur l’ordinateur de…à partir de deux mille onze (2011), pour qu’on puisse évaluer, en fait, les revenus chaque année de chacun des deux (2), qu’on puisse voir c’est quoi la différence de salaire.
Donc, on amène tout ça. Moi, j’avais fait mon…la deuxième rencontre, il demande de faire une offre que je fais par courriel du cent mille dollars (1000 000$), j’explique pourquoi je demande cent mille dollars (100 000$). Cette offre-là, bien, elle est refusée à la troisième rencontre au médiateur, il trouve que c’est beaucoup trop d’argent, que c’est exagéré.
[…]
LE TRIBUNAL :
Q. [180] Puis là, on est toujours à l’automne deux mille douze (2012) ou on est un petit peu plus tard?
R. Oui. Oui. Bien, c’est comme, oui, la troisième rencontre sur cinq (5). Je n’ai pas les dates exactes, là.
[…]
Q. [192] Ensuite, dans les faits, êtes-vous arrivée à une entente dans le cadre de votre médiation?
R. Non.
Q. [193] Puis pourquoi qu’aujourd’hui vous dites ça? Qu’est-ce qui s’est passé, là, la dernière séance de médiation?
R. Bien, la dernière séance de médiation, on n’avait rien entendu encore, il y avait eu des offres refusées. Finalement, au bout du compte, on disait que…comme lui, au départ, il proposait quarante mille (40 000), moi, cent mille (100 000), on est venu à quatre-vingt-cinq mille (85 000), entre les deux (2). Mais vu qu’on n’était pas encore entendu à la dernière séance, le médiateur nous a expliqué que d’habitude, on signe l’entente à la dernière séance, mais que là, soit on avait le choix de repayer pour continuer des rencontres pour finaliser ou bien il nous envoie ce qui est en cours, là, qu’est-ce qu’on a dit là, puis on s’arrange avec le document si on veut le faire signer. C’est à nous de le faire.
Q. [194] Puis vous, votre position à ce moment-là c’est quoi?
R. Ma position c’est que j’ai juste besoin d’argent immédiatement parce que je veux juste survivre.
[Transcription textuelle]
[110] Le comportement des parties après la médiation, et le contenu des courriels qu’elles se sont échangés, corroborent toutefois la version de M. Bouvier et sont déterminants.
[111] Celui-ci a transmis à Mme Bisaillon, à trois moments différents, trois chèques qu’elle a encaissés. Il a expressément référé à « l’entente de médiation » lors de la remise du premier.
[112] Or, la seule surprise manifestée par Mme Bisaillon fut à l’égard du montant versé par la remise du premier chèque. Celui-ci étant de 5 000 $, elle indique dans son courriel de réponse qu’elle croyait que c’était 20000 pour janvier et suggère que c’est peut-être parce qu’il a l’intention de lui verser le solde la semaine suivante.
[113] Les motifs du juge d’instance permettent de voir qu’il a cru la version de l’intimé et je ne vois pas de raison d’intervenir.
[114] La preuve démontre que les parties ont transformé le résumé en une véritable entente lorsqu’elles en ont commencé l’exécution. Cette conclusion se serait imposée même en l’absence du résumé des ententes.
[115] Demeure le moyen avancé par l’Association voulant qu’une entente verbale conclue lors d’un processus de médiation familiale n’ait aucune force obligatoire lorsqu’elle n’est pas suivie d’une entente formelle.
[116] Quoique cette question soit intéressante, j’estime que les faits de l’espèce font échec à la proposition mise de l’avant et qu’ainsi il n’est pas nécessaire de trancher la question.
[117] En exécutant partiellement l’entente qu’elles ont conclue au cours du processus de médiation, les parties ont exprimé leur intention d’être liées par elle et l’ont confirmée. L’analyse du juge de première instance à cet égard est irréprochable.
[118] Je suggère donc à la Cour de rejeter le pourvoi puisque le juge a eu raison de rejeter les objections et que sa conclusion voulant qu’une entente ait été conclue pendant le processus de médiation et qu’elle ait été confirmée par la suite est appuyée par la preuve.
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MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A. |
[1] Ils peuvent évidemment consulter un conseiller juridique entre deux séances, mais il reste que cela doit être pris en compte.
[2] Bisaillon c. Bouvier, 2015 QCCS 5019.
[3] Bisaillon c. Bouvier, 2015 QCCA 1992.
[4] Union Carbide Inc. c. Bombardier Inc., 2014 CSC 35.
[5] Union Carbide Canada Inc. c. Bombardier Inc., 2014 CSC 35; Globe and Mail c. Canada (Attorney General), [2010] 2 R.C.S. 592, paragr. 78. (sur le fait que le privilège relatif aux règlements de la common law s’applique au Québec); Sable Offshore Energy Inc. c. Ameron International Corp., [2013] 2 R.C.S. 623, paragr. 30 (sur les exceptions au privilège relatif aux règlements).
[6] Suivant le Règlement sur la médiation familiale, chapitre C-25.01, r. 0.7.
[7] Art. 617 C.p.c.
[8] Art. 617 C.p.c.
[9] C-25.01, r. 0.7.
[10] Art.3 C.p.c.
[11] Art. 610 et 614 C.p.c.
[12] Art. 613 C.p.c.
[13] Globe and Mail c. Canada (Procureur général), 2010 CSC 41; Gesca ltée c. Groupe Polygone Éditeurs inc. (Malcom média inc.), 2009 QCCA 1534.
[14] Sable Offshore Energy Inc. c. Ameron International Corp., [2013] 2 R.C.S. 623, paragr. 30.
[15] Union Carbide Canada Inc. c. Bombardier Inc., 2014 CSC 35, paragr. 39.
[16] Union Carbide Canada Inc. c. Bombardier Inc., 2014 CSC 35, paragr. 29.
[17] Union Carbide Canada Inc. c. Bombardier Inc., 2014 CSC 35, paragr. 39.
[18] Union Carbide Canada Inc. c. Bombardier Inc., 2014 CSC 35, paragr. 54.
[19] Art. 2862 C.c.Q.
[20] Le respect des règles de preuve n’étant généralement pas d’ordre public, il n’appartient ni au Tribunal ni à la Cour de suppléer d’office les moyens d’irrecevabilité qu’une partie fait défaut d’invoquer (art. 2859 C.c.Q.). Voir Elmalki c. Lafontaine Lumber Inc., [1989] R.J.Q. 578 (C.A.).
[21] Art. 2833 et 2834 C.c.Q.
[22] L. Ducharme, Précis de la preuve, Montréal, 6ème édition, Wilson & Lafleur Ltée, paragr. 430 et ss.
[23] Art. 2832 et 2857 C.c.Q.
[24] Savard c. Tremblay [1960] C.S. 693.
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