Aubin et CH St-Michel |
2013 QCCLP 5974 |
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[1] Le 1er mars 2012, monsieur Réjean Aubin (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 23 février 2012, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, l’instance de révision confirme la décision initiale du 26 janvier 2012 et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle en date du 15 décembre 2011.
[3] L’audience est tenue à Montréal les 27 février 2013 et 30 mai 2013. Les parties sont présentes et représentées. La cause est mise en délibéré le 30 mai 2013.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Le travailleur demande de reconnaître qu’il a subi une lésion professionnelle le 15 décembre 2011 et, à cette fin, demande de retenir les diagnostics reconnus par la CSST, entorse dorsale et entorse au genou droit, ainsi que ceux posés par son expert, déchirure du ménisque interne et bursite prépatellaire au genou droit.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir en partie la requête au motif que la présomption de lésion professionnelle trouve application concernant les diagnostics d’entorse dorsale et d’entorse au genou droit. Quant aux autres diagnostics visant le genou droit, le membre est d’avis que le tribunal ne peut en tenir compte car ces diagnostics n’ont pas été posés par le médecin qui a charge du travailleur mais par un médecin agissant à titre d’expert médical dans le cadre du présent recours et non à titre de médecin spécialiste consulté à la demande du médecin qui a charge du travailleur.
[6] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de rejeter la requête aux motifs que le manque de crédibilité du témoignage du travailleur et les contradictions dans la preuve ne permettent pas d’appliquer la présomption de lésion professionnelle et même s’il y avait eu chute, la preuve ne démontre pas qu’elle a entraîné une lésion.
LA PREUVE
[7] La Commission des lésions professionnelle doit décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 15 décembre 2011.
[8] Le travailleur est infirmier au Centre Hospitalier St-Michel (l’employeur) depuis 2000. Il occupe les fonctions d’assistant infirmier chef depuis 2008 et assiste monsieur Charles Raymond, chef d’unité, qui est son supérieur immédiat.
Le contexte de la réclamation
[9] L’événement allégué survient dans un contexte particulier.
[10] Cet événement est allégué comme étant survenu le 15 décembre 2011 alors que le travailleur fait l’objet d’une évaluation de son travail. Il prétend avoir déclaré l’événement le jour même et avoir laissé dans le pigeonnier de monsieur Raymond, le lendemain, 16 décembre 2011, le formulaire de déclaration.
[11] Monsieur Raymond prétend n’avoir été avisé de cet événement que le 22 décembre 2011 lorsqu’il rencontre le travailleur et complète sa partie du formulaire.
[12] Le 22 décembre 2011, le travailleur assiste à une réunion concernant son évaluation. Le 23 décembre 2011, il est avisé verbalement par monsieur Raymond qu’il est retiré de son travail avec solde. Les motifs de l’employeur sont consignés dans une lettre du 23 décembre 2011 (pièce E-3).
[13] Le 28 décembre 2011, le travailleur consulte un médecin pour la première fois.
[14] Aucun formulaire « Avis de l’employeur et demande de remboursement » n’est versé au dossier. Un formulaire « Réclamation du travailleur » est versé. Il est daté du 15 décembre 2011 mais reçu à la CSST le 12 janvier 2012.
[15] Revenons sur ces faits plus en détails.
[16] Depuis le début du mois de décembre 2011, le travailleur fait l’objet d’une évaluation concernant la qualité de son travail. Au moment de l’événement allégué, il est en présence de madame Jocelyne Roberge, cadre et conseillère à la direction des soins infirmiers et à la qualité des soins. Étant cadre, elle est une supérieure hiérarchique du travailleur.
[17] Le travailleur qualifie le rôle de madame Roberge de « coach », tout en mentionnant qu’il fait l’objet d’une évaluation de son travail.
[18] Monsieur Raymond précise que l’employeur n’a pas avisé le travailleur, avant le 23 décembre 2011, de la possibilité de ce retrait du travail avec solde mais cette situation faisait partie des éventualités.
[19] Madame Roberge étant présente au moment de l’événement allégué, le travailleur prétend lui avoir déclaré l’événement et lui avoir demandé d’en faire part à monsieur Raymond. Ce dernier affirmera ne pas en avoir entendu parler.
[20] Selon la procédure en vigueur chez l’employeur, deux formulaires doivent être complétés. Le formulaire A contenant la déclaration d’un événement accidentel complété par le travailleur. Le formulaire B contenant l’enquête préliminaire d’un événement accidentel complété par l’assistant de l’infirmier chef, habituellement le travailleur qui exerce cette fonction
[21] Le formulaire A (pièce E-1) est daté du 15 décembre 2011, jour de l’événement. Le travailleur témoigne qu’il a commencé à le compléter sur les lieux du travail, a terminé le soir à son domicile, l’a mis dans une enveloppe brune et l’a déposé le lendemain, 16 décembre 2011, dans le courrier de monsieur Raymond.
[22] Monsieur Raymond témoigne qu’il a reçu le formulaire A, le 22 décembre 2011, sans remarquer qu’il était daté du 15 décembre 2011. Il témoigne qu’à cette date, une préposée aux bénéficiaires a fait une déclaration d’événement au travailleur qui la reçoit à titre d’assistant infirmier chef. Ce dernier consulte monsieur Raymond à ce sujet et, par la même occasion, s’interroge ouvertement devant lui à propos d’un événement accidentel, sans conséquence grave, une ecchymose au genou droit, qui lui est arrivé possiblement le 15 décembre 2011 vers 14 h 30 en présence de madame Roberge. Monsieur Raymond allègue que le travailleur ne savait pas qu’il devait compléter un formulaire A pour lui-même. Une heure plus tard, le travailleur lui rapporte le formulaire A (pièce E-1)
[23] Le travailleur témoigne que le formulaire B (pièce E-2) a été complété en sa présence par monsieur Raymond, le 22 décembre 2011. Ce dernier témoigne avoir complété ce formulaire à un moment très rapproché de l’entretien précédemment relaté.
Les circonstances de l’événement allégué
[24] Le formulaire A (pièce E-1) contient la déclaration suivante du travailleur :
[...]
Lors de l’ouverture de la porte de l’armoire à médicaments un « rack » de Rx tombés sur moi et j’ai glissé par terre appui sur mon genou droit ecchymose et écorchure 5 cm de long
[...]
Que suggérez-vous pour qu’un événement accidentel semblable ne se reproduise pas?
↓ le nombre de Rack contenant Rx pour la grandeur de l’armoire ou voir à bien installer les contenant Rx
Autres commentaires :
Douleur intense genou jambe droite [sic] [...]
[25] Le formulaire B (pièce E-2) complété par monsieur Raymond :
[...]
2. SÉQUENCE DES FAITS
1. Debout à hauteur d’homme devant le comptoir
2. ouvre la porte de l’armoire
3. « rack » pharma-carte qui tombe possiblement mal (illisible)
4. rotation sur lui m de 180° puis tombe par terre
5. contact du genou D au sol.
3. FACTEURS AYANT CONTRIBUÉ À LA SURVENANCE DE L’ÉVÉNEMENT ACCIDENTEL
[...]
Équipement - matériel - produit : tiroir léger ouvert à la hauteur du genou, « rack » a pharmacarte mal placé
Environnement : environnement restreint au niveau de la superficie
[...]
4. MESURES CORRECTRICES OU PRÉVENTIVES RECOMMANDÉES :
1. Bien mettre la pharma-carte en place dans l’armoire
2. revoir l’épaisseur du nombre de pharmacarte
3. Vérifier le tiroir.
5. REPRÉSENTANT DE L’EMPLOYEUR
Nom du supérieur immédiat de l’accidenté : Charles Raymond
Mesures correctrices ou préventives :
1) 2) : nouveau syst de med en avril 2012
3) req à la maintenance [sic]
[...]
[26] Le travailleur témoigne qu’en tant qu’assistant de monsieur Raymond, il a fait parvenir une requête à la maintenance pour la vérification du tiroir mais n’en a pas eu les résultats. Monsieur Raymond affirme qu’il n’y a pas eu de demande de réparation.
[27] Le formulaire « Réclamation du travailleur » comporte la déclaration suivante :
Lors de l’ouverture d’une porte d’armoire a médicaments, un « rack » de médicaments tombe sur moi et j’ai glisser par terre appui sur le genou droit, ecchymose et écorchure 5 cm de long tiroir ouvert lors de la chute, présence forte, douleur genou drt échelle 10/01et au niveau du dos colonne [sic]
[28] L’employeur a produit au dossier une lettre datée du 30 décembre 2011 rédigée par madame Lise Caron, infirmière clinicienne et agente de gestion de personnel en santé et sécurité au travail chez l’employeur dont voici un extrait :
Nous avons également fait enquête auprès de Madame Jocelyne Roberge, conseillère à la qualité des soins. Madame Roberge rapporte avoir entendue une armoire se refermer bruyamment, elle s’est retournée et a vu M aubin se relever et pousser le tiroir du bas qui était resté ouvert. M Aubin aurait dit qu’il était tombé et s’être fait mal au genou. Madame Roberge mentionne ne pas avoir été témoin de la chute. M Aubin se serait à la suite assis près d’elle, il a relevé sa jambe de pantalon pour regarder son genou droit. Il y avait une rougeur du côté externe mais la mobilité était bonne et M aurait ajouté que c’était le genou qui lui faisait mal en plus. Elle lui a suggéré de faire une déclaration d’accident et il n’en a pas perçu la nécessité et est retourné à ses activités. [sic]
[29] Le travailleur témoigne que l’événement survient alors qu’il est derrière le poste infirmier et veut retirer des cartes de médicaments de l’armoire qui est située sur le mur du fond. Il y a un comptoir sous l’armoire et sous ce comptoir, il y a des tiroirs. Normalement, lors d’un changement dans la médication d’un bénéficiaire, le travailleur retire la pharmacarte de l’armoire et la met dans le tiroir en dessous du comptoir.
[30] Le travailleur explique qu’en ouvrant la porte de l’armoire, le « rack » de pharmacartes tombe sur son torse puis sur le comptoir. Le travailleur fait alors une rotation de 180 degrés vers la gauche et tombe sur son genou droit dans une position de génuflexion. Il voit alors madame Roberge qui était assise au poste, dos à lui, à environ huit pieds. Il se relève, tire une chaise près d’elle, lève sa jambe de pantalon et constate une écorchure au genou droit.
[31] Le travailleur présume que cette écorchure est due au frottement de son genou sur le tiroir ouvert lorsqu’il a tourné. Il n’avait pas ouvert le tiroir avant d’ouvrir la porte de l’armoire mais il a vu celui-ci ouvert après sa chute. Il croit que le choc causé par le « rack » tombé sur le comptoir a pu faire ouvrir le tiroir en dessous.
[32] Le travailleur affirme qu’en tournant, il a fait une torsion du dos et qu’après être tombé, il a ressenti une douleur lancinante au genou droit.
[33] Il affirme que madame Roberge lui a dit de faire un rapport et de mettre de la glace sur son genou, ce qu’il fait. De plus, madame Roberge lui a dit de ne pas s’inquiéter, elle ferait le suivi avec monsieur Raymond.
[34] L’événement est survenu vers 14 h 30 alors qu’il ne restait que 15 minutes avant de donner son rapport, son quart de travail se terminant à 15 h 00. Le travailleur affirme qu’il a pris une enveloppe brune au poste contenant le formulaire de déclaration, en a complété une partie et l’a apportée chez-lui pour finir de le compléter.
[35] Le travailleur explique qu’étant infirmier, il sait comment traiter une entorse. Dans les jours suivants, il s’est soigné lui-même en mettant de la glace, en portant un bandage élastique et en prenant des Advil aux quatre heures. Il explique qu’au départ, il ne croyait pas nécessaire de se présenter à l’urgence et être exposé aux bactéries.
[36] Il a effectué son travail malgré la douleur les 16, 20, 21, 22 décembre 2011. Il précise que 75 % de ses fonctions sont de nature administrative et 25 % sont consacrées aux patients. À compter du 23 décembre 2011, il a été retiré de ses fonctions par l’employeur, tel que relaté précédemment.
[37] La douleur au genou droit a persisté et il a tenté d’obtenir un rendez-vous médical, ce qui a été difficile durant le temps des Fêtes. Il a réussi à obtenir un rendez-vous le 28 décembre 2011.
La question du diagnostic à retenir concernant le genou droit aux fins de statuer sur l’admissibilité de la réclamation
[38] La décision initiale de la CSST et celle de l’instance de révision statuent sur l’admissibilité de la réclamation en fonction des diagnostics d’entorse dorsale et d’entorse au genou droit.
[39] Aucune procédure d’évaluation médicale n’a eu lieu.
[40] Au soutien de sa requête, le travailleur produit un rapport d’expertise médicale rédigé le 3 décembre 2012 par le docteur Yves Bergeron, physiatre, qui témoigne aussi à l’audience à titre d’expert.
[41] Le docteur Bergeron retient le diagnostic d’entorse dorsale tout comme le médecin qui a charge du travailleur.
[42] Par contre, concernant le genou droit, alors que les médecins qui ont charge du travailleur retiennent le seul diagnostic d’entorse, le docteur Bergeron émet, en plus, les diagnostics de déchirure du ménisque interne et de bursite prépatellaire. Le docteur Bergeron fonde son opinion diagnostique, outre la preuve factuelle, sur son analyse des éléments médicaux au dossier, des résultats de la résonance magnétique effectuée le 24 mars 2012 et des résultats de son propre examen effectué le 11 septembre 2012.
[43] Aux fins de rendre la décision quant à l’admissibilité de la réclamation pour la lésion au genou droit, le travailleur demande au tribunal d’actualiser la preuve et de retenir ces diagnostics émis par le docteur Bergeron.
[44] L’employeur s’y oppose. Ce dernier a produit au tribunal un rapport d’expertise médicale rédigé le 25 janvier 2012 par le docteur Jacques Paradis, à la suite de l’examen clinique du travailleur effectué le même jour. Ce dernier émet l’opinion qu’il s’agit d’un phénomène contusionnel, le travailleur étant tombé sur le genou. Il est en désaccord avec le diagnostic d’entorse du genou posé par le médecin qui a charge du travailleur, ce dernier n’ayant pas rapporté de torsion. Cette opinion est antérieure à la résonance magnétique et au rapport d’expertise médicale du docteur Bergeron.
[45] La réclamation du travailleur étant refusée par la CSST, l’employeur n’a pas eu recours à la procédure d’évaluation médicale concernant le diagnostic. Il demande plutôt au tribunal de maintenir le refus de la réclamation.
[46] Avant de disposer de la question du diagnostic à retenir pour le genou droit, il y a lieu de faire l’historique de la preuve médicale pertinente.
[47] Le travailleur consulte différents médecins à la Clinique Médicale Quartier Latin.
[48] Le 28 décembre 2011, il consulte le docteur Jean-Pierre Bazzo qui pose les diagnostics d’entorse dorsale et d’entorse du genou droit, prescrit un arrêt de travail, de la physiothérapie et la prise d’une médication anti-inflammatoire.
[49] Le 12 janvier 2012, il consulte la docteure Marie-Ève Turgeon qui constate que l’entorse dorsale s’améliore mais que la gonalgie persiste. Elle recommande la poursuite des traitements de physiothérapie.
[50] Le 19 janvier 2012, la docteure Turgeon reprend les diagnostics d’entorse dorsale et du genou droit et recommande la poursuite des traitements de physiothérapie.
[51] Il s’agit des seuls rapports médicaux versés au dossier constitué par la CSST et transmis au tribunal pour fins d’audience.
[52] Le 26 janvier 2012, la décision initiale de la CSST refusant la réclamation est rendue sur la base des diagnostics d’entorses dorsale et du genou droit. Cette décision sera confirmée par l’instance de révision le 23 février 2012.
[53] Le travailleur précise qu’à la suite du refus de sa réclamation, les médecins n’ont plus produit de rapports médicaux sur les formulaires de la CSST.
[54] Les parties ont produit les documents ci-après énoncés afin de compléter la preuve et le tribunal a demandé que soient produits les notes des médecins consultés à la Clinique Médicale Quartier Latin à compter du 15 décembre 2011.
[55] Le 30 décembre 2011, le docteur Marc-André Charron écrit qu’en physiothérapie, on recommande au travailleur d’utiliser une canne.
[56] Le 12 janvier 2012, la docteure Turgeon écrit que la gonalgie persiste à la face interne du genou droit avec boiterie secondaire, qu’il n’y a pas de signes inflammatoires, que le signe du tiroir ne montre pas d’œdème, pas de bâillement, qu’il y a de la douleur en fin de mouvement de flexion, le McMurray étant positif. Elle maintient le diagnostic d’entorse mais s’interroge sur la présence d’une déchirure méniscale.
[57] Le 19 janvier 2012, la docteure Turgeon note que la gonalgie persiste mais que la boiterie diminue. Elle ne note pas de signe inflammatoire mais de la douleur en fin de flexion. Elle maintient le diagnostic d’entorse du genou et mentionne de l’amélioration.
[58] Le 26 janvier 2012, la docteure Turgeon écrit que la gonalgie s’améliore avec la physiothérapie.
[59] Le 7 février 2012, le travailleur consulte la docteure Élise Sasseville qui écrit que le travailleur « veut une investigation pour son genou (chute en nov. 2011) »[1].
[60] Le 16 février 2012, la docteure Turgeon écrit : « Doit passer IRM genou (DLR persistante) ».
[61] Le 24 mars 2012, la résonance magnétique du genou droit, demandée par la docteure Sasseville, est effectuée :
Renseignements cliniques
Chute, douleur persiste au niveau rotule.
Impression diagnostique
IRM DU GENOU DROIT:
Des séquences usuelles ont été obtenues sans infusion de contraste.
Pas d’épanchement intra-articulaire. Pas de kyste de Baker. Intégrité du semi-membraneux à son insertion tibiale.
En fémoropateIlaire: Légers signes de chondropathie rotulienne avec hypersignal focal en facette médiale et inférieure. Amincissement du cartilage en inférieur au niveau de l’apex et en facette latérale un peu.
À la trochlée fémorale, le cartilage m’apparait mince en externe de façon générale. À la trochlée ceci est mieux préservé et en interne.
Intégrité du tendon quadricipital distal et rotulien. Légère bursite pré-patellaire.
Ceci est probablement post-traumatique s’il y a eu chute directement sur la rotule.
Aux ligaments croisés: Pas de déchirure du croisé antérieur ou postérieur.
Aux collatéraux: Léger épaississement du collatéral interne dans sa moitié proximale traduisant une ancienne entorse. Le collatéral externe est préservé. Tendinopathie distale du biceps femoris.
Aux ménisques : Il y a une petite déchirure dégénérative avec fibrillation oblique infrasubstance de la corne moyenne postérieure du ménisque interne. Micro fIap infra-tibial associé, Ceci vis-à-vis la corne moyenne. Sinon, la corne antérieure est bien préservée.
En externe, signal un peu dégénératif de la corne antérieure un peu irrégulière pouvant suggérer un début de déchirure degénérative. Pas de perte de substance. La corne postérieure m’apparaît bien préservée généralement ainsi que la corne moyenne.
Aux cartilages fémorotibiaux: II y a un peu d’irrégularité en interne particulièrement périphériquement en marge du plateau tibiaI interne avec une géode périphérique sous-chondrale associée de taille millimétrique, soit infracentimétrique. Ceci est à peu près vis-à-vis la zone de déchirure du ménisque interne corne moyenne postérieure. Hypersignal s’immisçant le long du ligament postérieur oblique dans ce secteur anatomique postérieurement au collatéral interne. Donc, ceci traduit changements inflammatoires de ce secteur post-traumatique. Pas de formation kystique franchement démontrée. Pas de lésion plus significative de la moelle osseuse.
Petit kyste poplité en projection postérieur du condyle fémoral externe vraisemblablement mesuré à 1.6cm de longueur X 9mm de diamètre transverse X 5mm de diamètre antéropostérieur.
Le diagnostique différentiel est à faire avec un petit hémangiome. Une lésion plus agressive m’apparaît moins probable Par mesure de prudence, je ferai quand même revenir ce patient pour une injection intraveineuse de contraste de façon à s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un petit synoviosarcome.
[62] Le 3 mai 2012, la docteure Turgeon rapporte les résultats de cette résonance magnétique, examine le travailleur et demande une opinion en orthopédie concernant l’hémangiome versus un synoviosarcome. Elle écrit :
[...]
IRM genou : ancienne entorse collatéral interne/tendinopathie distale biceps femoris
petite déchirure ménisque interne
changements inflammatoires zone ménisque interne/ligament postérieur oblique
kyste poplité condyle fémoral externe (vs hémangiome vs synoviosarcome)
opinion ortho demandée (HMR)
[...]
E/O genou D : pas de ss inflammatoires visibles
sensibilité palpation collatéral interne
pas de laxité ligamentaire
[...]
S/P torsion genou droit au travail décembre 2011
DLR persistante collatéral interne
Kyste poplité condyle fémoral externe
Ddx hémangiome/synoviosarcome
[...]
Problème retenu
[...] ˃S/P entorse genou D/légère DLR résiduelle. [sic]
[63] Le 1er août 2012, le travailleur est examiné par le docteur Marc Isler, chirurgien orthopédiste. Dans ses notes cliniques, le docteur Isler écrit que la raison de la consultation est une masse poplitée au genou droit et qu’il y a lieu de déterminer s’il s’agit d’un hémangiome ou d’un synoviosarcome[2]. Son examen clinique vise essentiellement à éliminer le synoviosarcome. À l’histoire de la maladie actuelle, il note une chute au travail le 15 décembre 2011 avec torsion du genou droit. Depuis, il y a douleur à la face interne du genou droit, surtout le jour, occasionnellement la nuit. La douleur s’améliore. Il n’y a pas de perte de l’amplitude articulaire. À l’examen clinique, le docteur Isler ne note pas de boiterie, pas d’épanchement. L’amplitude articulaire est complète. Le genou est stable en antéro-postérieur et en varus-valgus. Il n’y a pas de masse palpable. Il n’y a pas d’ADNP. Le docteur Isler émet une impression diagnostique de masse d’allure kystique bien délimitée au niveau poplité post-capsule. Il considère qu’il n’y a pas d’évidence de synoviosarcome, que ce diagnostic est peu probable et que le diagnostic de kyste synovial est plus probable. Il estime qu’une résonance avec Gadolinium n’est pas nécessaire.
[64] Le 16 août 2012, la docteure Turgeon écrit, dans ses notes, que le travailleur a été vu en orthopédie et que le rapport de consultation est au dossier.
[65] Les notes cliniques subséquentes des 6 septembre 2012 (docteure Sasseville), 13 septembre 2012 (docteure Turgeon), 4 octobre 2012 (docteure Turgeon), 20 novembre 2012 (docteure Sasseville), 24 janvier 2013 (docteure Sasseville) ne mentionnent pas le genou droit.
[66] Le 28 février 2013, la docteure Sasseville mentionne que le travailleur a eu une audience à la Commission des lésions professionnelles la veille, qu’il a toujours un problème avec son genou « on-off », qu’il n’a jamais récupéré totalement. Toutefois, ces notes ne contiennent aucun examen du genou droit non plus qu’aucun diagnostic concernant cette articulation.
[67] Il est reconnu en jurisprudence, de longue date, que lorsqu’un travailleur consulte dans une clinique médicale différents médecins, à tour de rôle, chacun de ces médecins, au moment où il rencontre le travailleur est considéré comme le médecin qui a charge de ce dernier, dans la mesure où il poursuit le suivi médical, examine le travailleur, prescrit des soins ou traitements.
[68] Selon les notes cliniques précitées, les deux principaux médecins qui ont pris charge du travailleur et ont effectué le suivi médical sont les docteures Turgeon et Sasseville. La docteure Turgeon a d’abord posé le diagnostic d’entorse du genou droit mais a suspecté une déchirure méniscale. C’est la docteure Sasseville qui a demandé la résonance magnétique et la docteure Turgeon qui en a rapporté les résultats au dossier et a référé en orthopédie pour éliminer le diagnostic de synoviosarcome.
[69] Malgré les éléments énoncés à la résonance magnétique précitée, ni la docteure Turgeon, ni la docteure Sasseville n’ont retenu, au terme d’un examen clinique, les diagnostics de déchirure du ménisque interne et bursite pré-patellaire au genou droit.
[70] Rien n’indique que le rapport d’expertise médicale du docteur Bergeron, en date 3 décembre 2012, leur a été soumis afin qu’elles se prononcent à savoir si elles sont d’accord avec ces diagnostics.
[71] Le docteur Bergeron n’a pas été consulté à la demande des docteurs Turgeon ou Sasseville afin de donner son opinion de médecin spécialiste dans le cadre d’une investigation médicale. Il a agi à titre d’expert mandaté par le travailleur dans le cadre de sa requête à la Commission des lésions professionnelles logée en raison du refus de sa réclamation et non en raison d’une décision rendue à la suite d’une procédure d’évaluation médicale portant sur le diagnostic.
[72] L’employeur a soumis le rapport d’expertise médicale du docteur Paradis qui est bien antérieur à celui du docteur Bergeron et ne s’est pas prévalu de la procédure d’évaluation médicale, la réclamation étant refusée.
[73] Tenir compte des diagnostics émis par le docteur Bergeron, aux fins de déterminer l’admissibilité de la réclamation, priverait l’employeur de son droit de discuter du bien-fondé de ces diagnostics dans le cadre d’une procédure d’évaluation médicale pouvant ensuite être soumise au tribunal.
[74] D’autre part, les docteurs Turgeon et Sasseville n’ont pas cru bon de modifier ou de préciser le diagnostic d’entorse du genou droit après avoir pris connaissance des résultats de la résonance magnétique, des résultats de l’examen du docteur Isler et des résultats de leurs propres examens. Retenir l’opinion diagnostique du docteur Bergeron permettrait au travailleur de contester indirectement l’opinion diagnostique des médecins qui avaient charge de lui.
[75] La primauté de l’avis du médecin qui a charge du travailleur, en l’absence de procédure d’évaluation médicale, est un principe fondamental de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi) consacré aux articles 212, 224, 224.1, 358 et 359 de la loi. Aux fins de rendre ses décisions, la CSST est liée par l’avis non contesté du médecin qui a charge du travailleur quant aux questions d’ordre médical énumérées à l’article 212 de la loi. Si une procédure d’évaluation médicale mène à l’obtention de l’avis d’un Bureau d’évaluation médicale qui respecte le délai prescrit, la CSST devient liée par cet avis. Tout comme la CSST, la Commission des lésions professionnelles, aux fins de rendre ses décisions, notamment sur l’admissibilité d’une réclamation, est liée par l’avis non contesté du médecin qui a charge du travailleur et ne peut discuter du bien-fondé du diagnostic posé par ce dernier. Par contre lorsque la Commission des lésions professionnelles est saisie d’une requête logée à l’encontre d’une décision qui porte sur l’avis du Bureau d’évaluation médicale quant au diagnostic, le tribunal peut se prononcer sur le bien-fondé du diagnostic puisqu’il est saisi de cette question.
[76] La jurisprudence[4] énonce que, dans des situations exceptionnelles, le tribunal peut déroger à cette règle, notamment lorsque le diagnostic posé est manifestement erroné. Or, la preuve en l’instance ne démontre pas, de façon prépondérante, que le diagnostic d’entorse du genou droit soit manifestement erroné.
[77] En application de l’article 377 de la loi, le tribunal dispose du pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu. Pour ce faire, le tribunal procède de novo, il peut actualiser la preuve et ainsi éviter la multiplication des recours :
377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.
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1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.
[78] Toutefois, dans l’exercice de ce pouvoir, le tribunal doit veiller à ce qu’il n’y ait pas d’atteinte aux droits de l’une ou l’autre des parties et, en l’espèce, au droit de l’employeur de demander l’avis du Bureau d’évaluation médicale quant au diagnostic.
[79] Le travailleur dépose la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles dans Mahko et Banque Nouvelle-Écosse[5] souvent citée pour son analyse des pouvoirs du tribunal de se saisir d’un diagnostic n’ayant fait l’objet d’aucune décision de la CSST quant à l’existence d’une relation causale.
[80] Dans cette cause, la travailleuse fait une chute et se frappe la tête. En plus des diagnostics de nature physique, après quelques mois, le médecin qui a charge de cette travailleuse pose un diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur anxio-dépressive. La CSST refuse de reconnaître l’existence d’une relation causale entre ce diagnostic et la lésion initiale. Dans le cadre de recours devant le tribunal, l’expert mandaté par la travailleuse et l’expert mandaté par l’employeur, des psychiatres, sont tous d’eux d’opinion que le diagnostic est plutôt celui de syndrome post-commotionnel.
[81] La Commission des lésions professionnelles n’est pas saisie d’une décision portant sur l’avis du Bureau d’évaluation médicale quant au diagnostic. La CSST ne s’est jamais prononcée sur la relation causale entre un syndrome post-commotionnel et l’événement.
[82] La Commission des lésions professionnelles rappelle qu’elle entend de novo les recours valablement formés en vertu de l’article 359 de la loi, qu’elle possède, en vertu de l’article 377 de la loi, les pouvoirs nécessaires pour rendre la décision qui aurait dû être rendue par la CSST, qu’à cette fin elle doit tenir compte de l’ensemble de la preuve et doit actualiser le dossier et que ceci évite la multiplication des recours.
[83] Appliquant ces principes à la question qui lui est soumise, la Commission des lésions professionnelles retient que le tableau clinique et factuel à partir duquel les deux psychiatres se sont prononcés est le même que celui sur lequel s’appuie le médecin traitant et le même que possédait la CSST. Par contre, les deux psychiatres se sont prononcés à travers le prisme de leur spécialité.
[84] La Commission des lésions professionnelles évalue que les droits de l’employeur de contester le diagnostic ont été respectés. L’expert de la travailleuse a d’abord émis le diagnostic de syndrome post-commotionnel. L’expert de l’employeur en est arrivé aux mêmes conclusions. La Commission des lésions professionnelles souligne que le Bureau d’évaluation médicale n’aurait pu, dans ce cas, statuer sur le diagnostic.
[85] La Commission des lésions professionnelles considère donc qu’elle a l’obligation de se saisir de ce diagnostic et de ne pas retourner le dossier à la CSST.
[86] Ainsi, le présent tribunal constate que, dans Mahko[6], avant d’actualiser la preuve et de retenir le diagnostic posé par les experts au profit du diagnostic posé par le médecin qui a charge de la travailleuse, la Commission des lésions professionnelles s’est assurée que les droits de l’employeur étaient respectés :
[...]
[45] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles considère que bien qu’elle se saisisse d’un diagnostic n’ayant pas fait l’objet d’une décision de la CSST, les droits de l’employeur de contester ce diagnostic sont non seulement respectés, mais qu’ils ont été effectivement exercés en toute légitimité.
[46] De fait, l’employeur répond à l’expertise du psychiatre Nowakowski du 28 novembre 2010 en dirigeant la travailleuse vers un autre psychiatre, le docteur Marc Guérin, dont l’expertise est datée du 20 décembre 2010. Cette réponse de l’employeur à l’expertise du docteur Nowakowski respecte en tous points l’esprit et la lettre de la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi. D’ailleurs, compte tenu des conclusions auxquelles en arrive le docteur Guérin, le Bureau d’évaluation médicale n’aurait pu statuer sur le diagnostic.
[...]
[87] Dans Y...L... et [Compagnie A][7], la Commission des lésions professionnelles est saisie d’une question de nouvelle allégation de récidive, rechute ou aggravation. Elle discute du pouvoir de novo, de l’actualisation de la preuve et fait référence à la décision rendue dans Makho[8] en soulignant aussi le respect des droits des parties :
[...]
[53] Dans le présent cas, on ne parle pas d’actualiser le dossier et pas davantage de remédier aux erreurs commises par la première instance (la CSST ignore d'ailleurs cette nouvelle date de récidive, rechute ou aggravation d’octobre 2008, puisque cette demande ne lui a jamais été soumise).
[54] De plus, toutes les parties impliquées (l’employeur et la CSST), d'une part, ne sont pas au courant de cette nouvelle demande qui, faut-il le rappeler, a été déposée dans le cadre d’une requête préliminaire soumise au tribunal qu’en octobre 2012. D’autre part, ils n'ont évidemment jamais eu l’opportunité de faire valoir leurs moyens de droit à l'encontre de cette nouvelle allégation de récidive, rechute ou aggravation à une autre date (octobre 2008) que celle présentement en litige de mai 2011.
[55] C’est dans cet esprit qu’a été rendue l’affaire Mahko [...], également déposée par la procureure du travailleur, lorsque la Commission des lésions professionnelles a statué qu’elle possédait tous les pouvoirs nécessaires pour se saisir de la question principale consistant à trancher du diagnostic[...], même s’il était apparu postérieurement à la décision contestée de la CSST et que celle-ci ne s’était jamais prononcée sur le lien entre la pathologie et l’événement. Ses motifs s’appuient, d’une part, sur le fait que les droits de l’employeur de contester ce diagnostic étaient non seulement respectés, mais qu’ils avaient été exercés en toute légitimité et, d’autre part, sur la présence d’une preuve médicale unanime de la part de deux psychiatres (du travailleur et de l'employeur) quant au diagnostic.
(références omises)
[...]
[88] Dans le présent dossier, le docteur Bergeron a émis de nouveaux diagnostics à titre de médecin expert et non à titre de médecin spécialiste consulté dans le cadre d’une investigation médicale sur demande du médecin qui a charge du travailleur. Tel que précisé dans son rapport d’expertise médicale du 3 décembre 2012, le docteur Bergeron a été mandaté par la procureure du travailleur pour fins d’expertise médico-légale quant au diagnostic, quant à la relation causale, quant au délai de consultation médicale, quant à l’existence d’une condition personnelle préexistante et l’impact de celle-ci. Il a examiné le travailleur, a produit un rapport d’expertise médicale, a rendu témoignage à l’audience mais n’a pas pris charge du travailleur. Le docteur Bergeron ne répond pas aux critères retenus en jurisprudence pour être considéré médecin qui a charge du travailleur.
[89] La situation ne correspond pas à la notion de diagnostic évolutif. Les docteures Turgeon et Sasseville ont reçu copie de la résonance magnétique sur laquelle le docteur Bergeron fonde son opinion au niveau de l’imagerie. Ces médecins n’ont pas modifié le diagnostic d’entorse par la suite. La consultation auprès du docteur Isler a servi à écarter le diagnostic de synoviosarcome. La preuve ne démontre pas, de façon prépondérante, que les docteurs Turgeon et Sasseville poursuivent l’investigation pour le genou droit.
[90] À la limite, en pareil cas, il aurait fallu soumettre l’opinion du docteur Bergeron aux docteures Turgeon et/ou Sasseville ou tout autre médecin qui aurait pris charge du travailleur afin de vérifier s’il fait sienne cette opinion quant aux diagnostics de déchirure méniscale et bursite prépatellaire au genou droit en relation avec la lésion professionnelle du 15 décembre 2011.
[91] La situation s’apparente donc davantage à une demande du travailleur de retenir des diagnostics que les médecins qui avaient charge de lui n’ont jamais posés finalement. Bien que le 12 janvier 2012, la docteure Turgeon ait suspecté une déchirure méniscale, après la résonance magnétique qui décrit une petite déchirure dégénérative, elle ne retient pas ce diagnostic mais maintient celui d’entorse. Ni la docteure Turgeon, ni la docteure Sasseville ne retiennent le diagnostic de bursite prépatellaire.
[92] D’autre part, retenir les diagnostics émis par le docteur Bergeron pour se prononcer sur l’admissibilité de la réclamation priverait l’employeur de ses droits de contester le bien-fondé de ces diagnostics, par le biais d’une procédure d’évaluation médicale, et, le cas échéant, le priverait de saisir le tribunal de cette question.
[93] Rappelons que si le tribunal retenait ces diagnostics dans un tel contexte, ils leur conférerait le caractère liant qu’ont les diagnostics non contestés émis par le médecin qui a charge du travailleur, et ne pourrait en discuter le bien-fondé. Rappelons aussi que la CSST n’aurait pu évaluer le bien-fondé de ces diagnostics puisqu’ils ont été introduits au stade de la requête devant le présent tribunal.
[94] Dans un tel contexte, le présent tribunal ne peut tenir compte, pour le présent recours, des diagnostics émis par le docteur Bergeron et déterminera si le travailleur a subi une lésion professionnelle, le 15 décembre 2011, en fonction des diagnostics d’entorse dorsale et d’entorse au genou droit.
L’admissibilité de la réclamation
[95] L’article 28 de la loi prévoit une présomption de lésion professionnelle si les trois critères qui y sont énoncés sont démontrés par preuve prépondérante. Ce fardeau de preuve appartient au travailleur :
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 28.
[96] Une formation de trois juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles s’est prononcée sur l’application de cette disposition dans Boies et C.S.S.S. Québec-Nord et C.S.S.T.[9]. Cette décision fait jurisprudence en la matière :
[...]
3.5 Synthèse sur les trois conditions d’application de l’article 28 de la loi
[184] En résumé et sans limiter la portée générale des propos tenus précédemment, le tribunal juge que les principes suivants s’appliquent en regard des conditions d’application de l’article 28 de la loi :
- L’article 28 de la loi énonce uniquement un moyen de preuve visant à faciliter la démonstration de l’existence d’une lésion professionnelle; il ne s’agit pas d’une catégorie particulière de lésion professionnelle.
- Il incombe au travailleur de faire la démonstration de l’existence des trois conditions prévues à l’article 28 de la loi selon la règle de la prépondérance de la preuve.
[185] Il n’existe aucune condition d’application de la présomption de l’article 28 de la loi, autre que celles énoncées à cette disposition. Toutefois, certains indices peuvent être pris en compte par le tribunal dans le cadre de l’exercice d’appréciation de la force probante de la version du travailleur visant la démonstration de ces trois conditions, notamment :
- le moment d’apparition des premiers symptômes associés à la lésion alléguée par le travailleur avec l’événement;
- l’existence d’un délai entre le moment où le travailleur prétend à la survenance de la blessure ou de l’événement en cause et la première visite médicale où l’existence de cette blessure est constatée par un médecin. On parle alors du délai à diagnostiquer la blessure;
- l’existence d’un délai entre le moment où le travailleur prétend à la survenance de la blessure ou de l’événement en cause et la première déclaration à l’employeur. On parle alors du délai à déclarer;
- la poursuite des activités normales de travail malgré la blessure alléguée;
- l’existence de douleurs ou de symptômes dont se plaint le travailleur avant la date alléguée de la blessure;
- l’existence de diagnostics différents ou imprécis;
- la crédibilité du travailleur (lorsque les versions de l’événement en cause ou les circonstances d’apparition de la blessure sont imprécises, incohérentes, voire contradictoires, ou lorsque le travailleur bonifie sa version à chaque occasion);
- la présence d’une condition personnelle symptomatique le jour des faits allégués à l’origine de la blessure;
- le tribunal juge qu’on ne doit pas exiger, au stade de l’application de la présomption, la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le travail et la blessure; autrement cette exigence viderait de son sens la présomption qui cherche précisément à éviter de faire une telle démonstration.
(notre soulignement)
[97] Appliquant ces principes au présent cas, le tribunal constate d’emblée que les diagnostics d’entorse dorsale et d’entorse du genou droit sont des diagnostics de blessure, selon la jurisprudence constante, de sorte que le premier critère d’application de la présomption est rencontré.
[98] La preuve démontre-t-elle, de façon prépondérante, que ces blessures sont arrivées sur les lieux du travail alors que le travailleur était à son travail?
[99] Le tribunal répond à cette question par l’affirmative.
[100] Le tribunal est d’opinion que, malgré certaines imprécisions de la preuve, en général, le témoignage du travailleur est apparu crédible et sa version des circonstances d’apparition des douleurs est constante.
[101] La preuve démontre que le 15 décembre 2011, lors des circonstances alléguées, le travailleur était au travail et exécutait une de ses tâches de travail.
[102] En effet, il relève des fonctions du travailleur d’accéder à l’armoire contenant les médicaments, située à l’intérieur du poste infirmier, et d’y faire des changements.
[103] Le travailleur allègue qu’à l’ouverture de la porte de l’armoire, le « rack » de pharmacartes est tombé sur son torse puis sur le comptoir, ce qui lui fait faire un tour de 180 degrés et une chute sur le genou droit.
[104] La preuve que dépose l’employeur concernant les résultats d’une enquête auprès de madame Roberge, présente à ce moment, corrobore en partie le témoignage du travailleur. Elle ne voit pas la scène qui arrive dans son dos mais entend le bruit de l’armoire, se retourne et voit le travailleur qui se relève, qui pousse le tiroir du bas resté ouvert, qui lui dit être tombé et lui montre son genou droit qui présente une rougeur.
[105] La déclaration du travailleur faite à madame Roberge constitue une déclaration d’événement à l’employeur puisque cette dernière est cadre et supérieure hiérarchique de ce dernier. La déclaration à l’employeur peut être faite à tout représentant de l’employeur détenant un poste en autorité et non seulement au supérieur immédiat selon les termes mêmes de l’article 265 de la loi :
265. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle ou, s'il est décédé ou empêché d'agir, son représentant, doit en aviser son supérieur immédiat, ou à défaut un autre représentant de l'employeur, avant de quitter l'établissement lorsqu'il en est capable, ou sinon dès que possible.
__________
1985, c. 6, a. 265; 1999, c. 40, a. 4.
[106] De plus, malgré les divergences, la déclaration faite par le travailleur à son supérieur immédiat, monsieur Raymond, le 22 décembre 2011, précède son retrait du travail le 23 décembre 2011 alors qu’il ne sait pas qu’il sera retiré, selon le témoignage même de monsieur Raymond. Donc, sans plus de preuve, le tribunal considère que cette situation de retrait du travail est sans incidence sur la déclaration de la survenance d’un événement le 15 décembre précédent.
[107] Les raisons invoquées par le travailleur concernant le délai encouru pour discuter de l’événement avec monsieur Raymond qui doit faire enquête et le délai encouru pour consulter un médecin se confondent et se succèdent dans le temps.
[108] Le travailleur est en mesure de poursuivre son travail car il a des connaissances qui lui permettent de se soigner, étant infirmier. Le travail qu’il poursuit n’est pas exigeant physiquement. Il ne travaille que quelques jours car il est retiré à compter du 23 décembre 2011. Avec le temps, les douleurs persistent et il a de la difficulté à obtenir un rendez-vous durant la période des Fêtes. Ces délais n’ont donc pas d’incidence sur la force probante de la version du travailleur quant à la démonstration des conditions d’application de la présomption.
[109] La présomption de lésion professionnelle prévue à l’article 28 de la loi trouve application et la preuve soumise par l’employeur n’en opère pas le renversement.
[110] Afin de réussir à cet égard, l’employeur devait démontrer l’absence de relation causale entre les blessures alléguées, l’entorse dorsale et l’entorse du genou droit, et les circonstances d’apparition de celles-ci. L’opinion du docteur Paradis qui conclut à un phénomène contusionnel au genou droit plutôt qu’à une entorse ne peut être retenue.
[111] Le tribunal constate que les circonstances d’apparition des blessures que rapporte le docteur Paradis sont très succinctes et incomplètes. Il ne rapporte aucunement la rotation à 180 degrés avant de tomber sur le genou. Celle-ci est pourtant documentée de façon contemporaine dans le rapport d’enquête de monsieur Raymond, le formulaire B (pièce E-2). Le docteur Paradis ne tient donc pas compte du mouvement de torsion de la colonne dorsale et du genou droit. D’ailleurs, le docteur Paradis ne se prononce que sur le genou droit.
[112] De tout ce qui précède, le tribunal en vient à la conclusion que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 15 décembre 2011, une entorse dorsale et une entorse du genou droit et qu’il a droit d’être indemnisé en conséquence.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête du travailleur, monsieur Réjean Aubin;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 23 février 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 15 décembre 2011, une entorse dorsale et une entorse au genou droit;
DÉCLARE que le travailleur a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Lina Crochetière |
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Me Isabelle Denis |
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F.I.Q. |
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Représentante de la partie requérante |
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Monsieur Mario Turner |
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SANTAGEST INC. |
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Représentant de la partie intéressée |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.