Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

MONTRÉAL

MONTRÉAL, LE 30 MARS 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

105900-71-9807

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Lina Crochetière

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Claude White

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

André Bordeleau

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

112714886

AUDIENCE TENUE LE :

28 février 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER BR :

62560158

À :

Montréal

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

NICOLE FORGET

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SALON DE COIFFURE FOREST

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 24 juillet 1998, madame Nicole Forget (la travailleuse) loge une requête contestant la décision rendue le 9 juin 1998 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dans le cadre de la révision administrative (la révision administrative) confirmant la décision de première instance qui refuse sa réclamation pour un événement du 16 mai 1996.

[2]               La révision administrative conclut au non respect du délai de six mois prévu à l’article 270 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la LATMP) et à l’absence de relation causale entre le diagnostic posé et les conditions d’exercice du travail.

L'OBJET DE LA REQUÊTE

[3]               La travailleuse est présente et représentée à l’audience.  L’employeur est absent.

[4]               La travailleuse demande que sa cervicalgie, qu’elle considère en relation avec son travail dans la coiffure, soit reconnue à titre de maladie professionnelle.  Elle soumet d’abord que sa réclamation respecte le délai prévu à l’article 272 de la LATMP.

LES FAITS

[5]               La travailleuse est technicienne en coloration.  Elle exerce ce métier depuis 1990-91.  Les symptômes, pour lesquels elle réclame, débutent progressivement en février-mars 1996 alors qu’elle est à l’emploi du Salon de coiffure Forest depuis environ trois ans.  Il s’agit de vertiges, étourdissements, nausées, céphalées.  Lorsqu’elle tourne la tête, elle a la sensation de tomber.  Lorsqu’elle se penche et se relève, elle a des vertiges.  La travailleuse confirme n’avoir jamais ressenti de pareils symptômes auparavant et n’avoir été victime d’aucun événement particulier, voire d’aucun accident.  Lorsque débutent ces symptômes, elle ne ressent aucune douleur cervicale.  Elle cesse de travailler le 16 mai 1996 et n’est pas retournée au travail depuis. 

[6]               À l’époque, elle travaille 40 heures/semaine, 5 jours/semaine.  Sa tâche principale est la coloration mais, de temps à autre, elle fait des coupes et des mises en plis. Ses tâches impliquent beaucoup de lavage et de rinçage au lavabo, ce qui l’oblige à travailler la tête penchée.  La travailleuse explique aussi qu’elle travaille régulièrement les bras dans les airs, les mains plus hautes que les épaules parce que la chaise utilisée n’est pas hydraulique et qu’elle ne mesure que cinq pieds et un pouce.

[7]               Ainsi en février-mars 1996, la travailleuse commence à ressentir ces symptômes et consulte à l’urgence.  Elle affirme qu’elle est traitée pour une sinusite de février à avril 1996, période où elle s’absente du travail à plusieurs reprises.

[8]               En mai 1996, elle consulte le docteur Bich Ngoc Thi Can qui lui fait passer des tests.  La travailleuse cesse de travailler le 16 mai 1996.

[9]               À cette époque, il n’est aucunement question de loger une réclamation à la CSST.  D’ailleurs, la travailleuse fera une réclamation en assurance-invalidité auprès de la compagnie d’assurance Financière Manuvie.  Cependant, le 14 mars 1997, cette compagnie conclura que la travailleuse doit présenter sa demande à la CSST car, selon l’avis de son expert, le docteur Pierre-Paul Noiseux, neurologue, la condition ayant causé l’arrêt de travail est de nature professionnelle, la posture de coiffeuse étant à l’origine de cette condition.  Le 25 mars 1997, la travailleuse complètera le formulaire « Réclamation du travailleur » qui sera reçu à la CSST le 1er avril 1997.  La travailleuse témoigne que ce n’est qu’en recevant cette réponse de la compagnie d’assurance qu’elle apprend l’existence possible d’une relation causale entre sa condition et son travail.

[10]           Il y a lieu maintenant de continuer la chronologie des consultations médicales et de rappeler que la travailleuse est en arrêt de travail depuis mai 1996.

[11]           En juillet 1996, elle consulte à l’urgence du Centre hospitalier Fleury.  Elle présente alors différents symptômes :  entre autres, elle est aphone, elle souffre d’asthénie, d’étourdissements, de céphalées, de sudation.  Elle est gardée sous observation durant trois jours et une investigation est faite.  Le 29 juillet 1996, au moment du départ, le médecin traitant retient le diagnostic principal de céphalée de tension et les diagnostics secondaires d’allergies multiples, de tabagisme et de déviation de la cloison nasale.

[12]           En août 1996, des examens en labyrinthologie, demandés par le docteur Korban, otorhinolaryngologiste, s’avèrent négatifs. 

[13]           La travailleuse témoigne qu’en décembre 1996, le docteur Can la réfère en physiothérapie pour cervicalgie.

[14]           En janvier 1997, la travailleuse est examinée par le docteur F. Blier, physiatre.  Ce dernier note une cervicalgie occipitale chronique évoluant depuis un mois sans facteur déclenchant, probablement rattachée à une cause spondylogénique, favorisée par un facteur occupationnel prédisposant, un trouble de posture et une condition chronique des voies aériennes.  Il lui recommande de continuer la physiothérapie et la réfère en neurologie afin d’éliminer des céphalées vasculaires.

[15]           Le 21 janvier 1997, le docteur Pierre Bourgeau, neurologue, examine la travailleuse.  Il considère l’examen neurologique normal.  Il écrit cependant qu’elle présente des douleurs cervicales sans doute reliées à une dysfonction intervertébrale multi-étagée.  Il suspecte aussi que ses céphalées de courte durée puissent avoir une composante vasculaire et demande en conséquence une tomodensitométrie cérébrale.

[16]           Le 3 mars 1997, le docteur Pierre-Paul Noiseux, neurologue, examine la travailleuse à la demande de la compagnie d’assurance Financière Manuvie.  Il écrit qu’en avril-mai 1996, la travailleuse commence à présenter des problèmes de tête et de cou et que, dans leur paroxysme, les malaises sont caractérisés par des nausées, des vertiges et des céphalées.  Il fait un historique des consultations médicales et examine la travailleuse qui présente une cervicalgie avec limitation de mouvements.  La douleur remonte à l’insertion haute au niveau de la nuque et le docteur Noiseux émet l’opinion de la possibilité d’une irritation de la racine C2 et C3 pouvant se classifier comme céphalée d’Arnold.  Il conclut :  « Le diagnostic me semble être le bon diagnostic, c’est-à-dire une cervicalgie qui entraîne des céphalées secondaires et ceci, à mon point de vue, en relation avec sa posture de coiffeuse. »

[17]           Le 12 mars 1997, la tomodensitométrie cérébrale révèle :

« […]

CONCLUSION :

 

Hypodensité pariétale postérieure gauche possiblement kystique mais de nature indéterminée. […] »

 

[18]           À la suite de cette tomodensitométrie, la travailleuse témoigne avoir passé deux résonances magnétiques dont les résultats ne sont pas versés au dossier.

[19]           Le 26 mars 1997, le médecin ayant charge de la travailleuse, le docteur Can, émet la première attestation médicale sur les formulaires de la CSST.  Il retient les diagnostic de cervicalgie occipitale chronique et vertige.

[20]           À compter du 4 avril 1997, le docteur Blier produit des rapports médicaux, sur les formulaires de la CSST, faisant état de son suivi. 

[21]           Outre les traitements de physiothérapie, la travailleuse recevra des traitements d’acupuncture et des blocs facettaires.

[22]           Le 7 novembre 1997, le docteur Blier constate l’atteinte d’un plateau et réfère la travailleuse au médecin ayant charge, le docteur Can, que la travailleuse continue de rencontrer aux six mois.

[23]           Questionnée à savoir si les traitements reçus ont amélioré sa condition, la travailleuse explique que vu qu’elle ne travaille pas, elle n’a pas à se pencher et se redresser et ne souffre pas de vertige.  Elle n’a pas à lever les bras et ne ressent donc pas de douleur à l’omoplate.  Cependant elle reconnaît qu’il lui est difficile de faire des activités comme laver le plancher, passer la balayeuse, saisir de la vaisselle placée sur une tablette haute.  Elle ne peut conduire une automobile puisque cela nécessite de tourner la tête rapidement.  Ces activités provoquent encore vertiges et/ou étourdissements. 

L'AVIS DES MEMBRES

[24]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que le délai prévu à l’article 272 de la LATMP est respecté, la travailleuse n’ayant acquis connaissance de la possibilité d’une relation entre sa condition et le travail que lors du refus de sa réclamation par sa compagnie d’assurance, refus basé sur l’opinion du docteur Noiseux.  Quant à l’admissibilité de la réclamation, les membres sont d’avis de rejeter la requête en raison de l’insuffisance de preuve démontrant la relation causale de la condition de la travailleuse avec son travail.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Respect du délai prévu à l’article 272 de la LATMP

[25]           La travailleuse demande que sa réclamation soit reconnue à titre de maladie professionnelle.  C’est donc l’article 272 de la LATMP qui trouve application quant au délai de production de la réclamation :

272. Le travailleur atteint d'une maladie professionnelle ou, s'il en décède, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la date où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle ou qu'il en est décédé, selon le cas.

 

Ce formulaire porte notamment sur les nom et adresse de chaque employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle.

 

La Commission transmet copie de ce formulaire à chacun des employeurs dont le nom y apparaît.

________

1985, c. 6, a. 272.

 

 

[26]           Cet article prévoit que la travailleuse doit produire sa réclamation dans les six mois de la date ou il est porté à sa connaissance qu’elle est atteinte d’une maladie professionnelle.  Puisqu’il est de la compétence de la CSST de déterminer si la travailleuse est atteinte d’une maladie professionnelle, au stade de la production de la réclamation, il s’agit de la connaissance de la possibilité d’une relation causale entre la maladie et le travail.

[27]           En l’espèce, la travailleuse témoigne n’avoir acquis cette connaissance qu’au moment où elle apprend de sa compagnie d’assurance que sa réclamation devrait être adressée à la CSST, selon l’avis du docteur Noiseux.  Cette version des faits est appuyée par la preuve documentaire et aucun élément probant ne permet d’en douter.

[28]           L’examen du docteur Noiseux est pratiqué le 3 mars 1997, la lettre de la compagnie d’assurance Financière Manuvie est datée du 14 mars 1997 et la réclamation de la travailleuse est logée auprès de la CSST le 1er avril 1997.  Cette réclamation respecte donc le délai de six mois prévu à l’article 272 de la LATMP. 

Admissibilité de la réclamation

[29]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a subi une maladie professionnelle le 16 mai 1996, date où elle cesse de travailler en raison de différents symptômes de vertiges, étourdissements, nausées et céphalées.  Elle est principalement soignée à cette époque pour une sinusite. 

[30]           Du témoignage même de la travailleuse, elle ne souffre pas de douleurs cervicales au moment de son arrêt de travail.  Ce n’est vraisemblablement qu’en décembre 1996, sept mois plus tard, que le médecin ayant charge, le docteur Can, pose le diagnostic de cervicalgie.

[31]           L’article 29 de la LATMP prévoit une présomption de maladie professionnelle :

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

[32]           En l’espèce, la travailleuse ne peut bénéficier de l’application de cette présomption puisque le diagnostic de cervicalgie n’est pas prévu à l’annexe I de la LATMP.

[33]           En ce cas, il y a lieu de vérifier si la preuve soumise rencontre les critères prévus à l’article 30 de la LATMP :

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

________

1985, c. 6, a. 30.

[34]           Aucune preuve épidémiologique ou autre n’est soumise par la travailleuse dans le but de démontrer que la cervicalgie puisse être caractéristique du travail de technicienne en coloration.

[35]           Par ailleurs, après étude de l’ensemble de la preuve médicale soumise, la Commission des lésions professionnelles estime que la travailleuse ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve de démontrer, de façon prépondérante, l’existence d’une relation causale entre des risques particuliers à son travail et sa condition.

[36]           D’abord, la Commission des lésions professionnelles note que la symptomatologie principale pour laquelle la travailleuse cesse de travailler en mai 1996 concerne des vertiges, des étourdissements, des nausées, des céphalées, une sinusite et non une cervicalgie.

[37]           Aucune preuve médicale probante n’explique comment une cervicalgie, diagnostiquée sept mois après l’arrêt de travail, serait la cause de cet arrêt de travail, ni comment les multiples symptômes s’expliqueraient par le seul diagnostic de cervicalgie.

[38]           De plus, aucune preuve médicale prépondérante n’établit comment les gestes exécutés par la travailleuse dans l’exercice de ses fonctions seraient à l’origine de sa condition.  Les réflexions du docteur Blier dans ses notes cliniques et l’affirmation du docteur Noiseux dans son opinion adressée à la compagnie d’assurance Financière Manuvie ne sont pas suffisamment explicites pour rencontrer le fardeau de la prépondérance de preuve.

[39]           Finalement, si par hypothèse les tâches de travail étaient la cause des symptômes, aucune preuve médicale probante n’explique les raisons de leur persistance actuelle malgré le retrait du travail depuis plus de quatre ans, situation peu compatible avec la notion de maladie professionnelle.

[40]           En conséquence, la Commission des lésions professionnelles ne peut faire droit à la requête de la travailleuse.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête logée par la travailleuse le 24 juillet 1998;

INFIRME la décision de la révision administrative du 9 juin 1998 quant au non respect du délai de production de la réclamation;

DÉCLARE que cette réclamation respecte le délai prévu à l’article 272 de la LATMP;

CONFIRME toutefois la décision de la révision administrative 9 juin 1998 refusant la réclamation pour un événement du 16 mai 1996.

 

 

 

 

Me Lina Crochetière

 

Commissaire

 

 

CYR HAMEL BÉGIN & ASSOCIÉS

Me Céline Rouleau

13301, rue Sherbrooke Est

Bureau 300

Montréal (Québec)

H1A 1C2

 

Représentante de la partie requérante

 



[1]    L.R.Q., c. A-3.001

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