Ville de Lachute c. Tribunal administratif du travail (Division des relations de travail) |
2020 QCCS 4441 |
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COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
montréal |
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No : |
500-17-112987-204 |
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DATE : |
15 décembre 2020 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
stéphane lacoste, J.C.S. |
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VILLE DE LACHUTE et RÉGIE INTERMUNICIPALE ARGENTEUIL DEUX-MONTAGNES et RÉGIE D’ASSAINISSEMENT DES EAUX USÉES DE CHATHAM/LACHUTE |
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Demanderesses |
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c. |
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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL (DIVISION DES RELATIONS DE TRAVAIL) |
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Défendeur et NATHALIE PIRET et PIERRE GIONET Mis en cause |
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JUGEMENT (demande de sursis d’une ordonnance de réintégration) |
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APERÇU
[1] Les demanderesses recherchent l’émission d’une ordonnance de sursis à l’encontre d’une ordonnance de réintégration rendue par le Tribunal Administratif du Travail (« TAT ») concernant les mis en cause.
[2] Il est bon de rappeler quelques faits.
[3] Au moment de leur destitution, en janvier 2015, Piret est secrétaire-trésorière de Lachute et Gionet[1] en est directeur général.
[4] C’est pour cela qu’ils sont aussi employés des deux autres demanderesses, des sociétés paramunicipales.
[5] Il n’est pas utile de présenter plus en détails les relations entre les parties qui sont décrites dans la décision du TAT.
[6] Piret et Gionet entretiennent une relation amoureuse qui remonte à plusieurs années.
[7] Suite à l’élection municipale de 2013, certains nouveaux élus font leur entrée au conseil municipal et Péloquin, jusqu’alors conseiller, devient maire.
[8] Le conseil ordonne la tenue d’une enquête portant sur Piret et Gionet.
[9] À la suite de cette enquête, Piret et Gionet sont destitués pour divers motifs.
[10] Ils déposent des plaintes en vertu de l’article 71 de la Loi sur les cités et villes[2] (« L.c.v. »).
[11] Le TAT, saisi de ces plaintes, entend 25 témoins et reçoit 250 pièces, sur une période de 46 jours d’audience.
[12] Le 25 juin 2020, le TAT rend sa décision qui fait 595 paragraphes et 98 pages. Le TAT étudie la preuve en détail et rejette tous les arguments des demanderesses.
[13] Il ordonne la réintégration de Piret et Gionet dans les 8 jours.
[14] Les demanderesses décident de se pourvoir en contrôle judiciaire. La demande de pourvoi est déposée le 24 juillet. Elle inclut des allégués et conclusions en sursis.
[15] L’affaire est présentable début août, mais ne peut être entendue, alors, puisqu’elle requiert plus de deux heures. Elle est fixée au 2 décembre 2020.
[16] Entre temps, les parties mettent le dossier en état et l’audience au fond est fixée aux 8, 9 et 10 juin 2021.
[17] À ce jour, Piret et Gionet ne sont toujours pas réintégrés.
[18] Une demande en sursis est un recours exceptionnel qui fait appel au pouvoir discrétionnaire du Tribunal.
[19] On ne doit pas ordonner un sursis à la légère[3].
[20] Le test applicable est bien connu. Le Tribunal fait sien les motifs rendus tout récemment dans l’affaire Mpantis c. Conseil de discipline de l'ordre des dentistes du Québec[4] :
[12] L’article
[13] Le juge Louis Lacoursière dans l’affaire Bureau de la sécurité privée c. Tribunal administratif du Québec rappelle les critères devant guider le Tribunal saisi d’une demande de sursis :
« [26] Or, les critères d’octroi d’un sursis, mesure exceptionnelle, sont bien connus (apparence de droit, préjudice irréparable, prépondérance des inconvénients), critères qui sont inspirés de l’enseignement de la Cour suprême, notamment dans l’arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd.
[27] La juge Chatelain résume et contextualise ainsi les critères d’application de la demande de sursis :
[12] La partie qui demande le sursis doit convaincre le Tribunal que les critères suivants sont satisfaits :
• l’existence d’une question sérieuse à débattre ou d’une apparence de droit suffisante;
• qu’elle s’expose à un préjudice sérieux ou irréparable advenant que le sursis ne soit pas octroyé; et
• que la prépondérance des inconvénients la favorise.
[13] Quant à la pondération de ces critères, il convient de retenir que plus le droit est clair, moins les critères du préjudice irréparable et de la balance des inconvénients sont importants.
[14]
C’est ce qu’explique le juge Gascon alors à la Cour supérieure, dans
l’affaire Agropur Cooperative c. Saputo Inc.,
[32] Le Tribunal ajoute également, tel que le juge Mongeon l'a souligné dans l'affaire Rouleau c. Station Mont-Tremblant et tel que le disent les auteurs Gendreau et Thibault dans leur ouvrage sur l'injonction, que la question du droit prima facie et celle des dommages irréparables sont intimement reliées. Ainsi, plus le droit est clair, moins doit-on être exigeant au niveau des dommages irréparables et vice versa.
[15] C’est également ce qu’explique le juge Mongeon dans l’affaire Deschênes & Fils ltée c. Commerce Noble inc.:
[8] On connaît aussi le jeu des plateaux de la balance au niveau de l'apparence de droit. Plus le droit est clair, moins les critères du préjudice irréparable et de la balance des inconvénients sont importants; moins le droit est clair, plus les critères du préjudice irréparable et la balance des inconvénients vont être importants à analyser ».
[14] Il convient de souligner que le Tribunal doit se garder de décider du fond du pourvoi en contrôle judiciaire à ce stade.
[Références omises]
[21] Même lorsque ces facteurs sont rencontrés, le Tribunal dispose toujours d’une discrétion[5] pour refuser la demande.
[22] Il est opportun d’ajouter que sur la question de l’apparence de droit ou de la question sérieuse, bien que le Tribunal, à ce stade-ci du dossier, ne doive pas décider sur le fond du litige[6], il doit tout de même, pour évaluer le sérieux du pourvoi en contrôle judiciaire, être convaincu que ce pourvoi a des chances d’être accueilli.
[23] C’est ce qu’écrit le juge Simon Ruel, alors de la Cour supérieure, dans l’affaire Association internationale des travailleurs en ponts, en fer structural, ornemental et d'armature, section locale 711 c. Commission des relations du travail[7] :
[40] Le critère de l’apparence de droit consiste en une évaluation préliminaire du fond du litige, étant entendu que le Tribunal n’est pas saisi de la révision judiciaire. Dès que les moyens soulevés à l’encontre de la décision semblent suffisamment sérieux pour offrir une perspective raisonnable de succès, l’apparence de droit est satisfaite.
[41] Le Tribunal estime que l’évaluation des témoignages quant à la participation directe de Jobin aux activités de débrayage illégal peut difficilement justifier une apparence de droit à ce stade, le Tribunal devant traiter avec déférence les questions liées à l’évaluation de la crédibilité des témoins par la Commission.
[Références omises]
[24] Il faut pour cela tenir compte de la norme de contrôle judiciaire applicable au fond du dossier[8] qui influe nécessairement sur la détermination de l’apparence de droit ou de la question sérieuse.
1. L’apparence de droit ou la question sérieuse
[25] Les demanderesses réduisent leurs arguments à la question de la relation entre le directeur général et la trésorière d’une municipalité qui, plaident-elles, est inappropriée et justifie la terminaison de leur emploi.
[26] Selon elles, dans le contexte du droit municipal, un conseil municipal demeure souverain d’accepter ou de ne pas accepter une telle situation et, le TAT ne peut s’ingérer dans cette décision, si elle n’est pas motivée par le seul désir du nouveau conseil municipal de se débarrasser des gens en place, lors de l’élection.
[27] Le Tribunal ne peut voir en l’instance une question sérieuse ou une apparence de droit, même prima facie.
[28]
Le TAT tient sa compétence des articles
[29] Il lui appartient donc, en exclusivité, d’interpréter et d’appliquer la Loi sur les citées et villes et de se prononcer sur les destitutions des mis en cause.
[30] La norme de contrôle de la décision raisonnable est présumée applicable[10] à la décision rendue par le TAT.
[31] Bien que les demanderesses plaident que la décision du TAT est soumise à la norme de contrôle de la décision correcte, dans l’interprétation de la L.c.v., parce qu’elle porte sur une question d’importance générale, elles ne soulèvent pas, à ce sujet, d’apparence de droit ou de question sérieuse.
[32]
La jurisprudence applique la norme de contrôle de l’erreur raisonnable
aux décisions du TAT, en application des articles
[33] C’est donc dire que le juge du fond se demandera très probablement seulement si la décision du TAT est déraisonnable, au sens de l’arrêt Vavilov de la Cour suprême. La Cour d’appel[12] a récemment résumé ce test comme suit :
[34] On peut retenir des enseignements de cet arrêt qu’une cour de révision doit « s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de décider si la décision dans son ensemble est raisonnable ». Pour ce faire, elle doit s’intéresser aux motifs de la décision, qui doit être suffisamment motivée, notamment en tenant compte de l’historique et du contexte de l’instance. Ainsi, une cour de révision examine « à la fois le raisonnement suivi et le résultat obtenu ». Les caractéristiques d’une décision raisonnable sont « la justification, la transparence, l’intelligibilité, et si [elle] est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci ».
[Références omises]
[34] Les demanderesses font « face à une pente abrupte et escarpée »[13]. La décision du TAT est longue et fouillée et n’apparait pas du tout déraisonnable au Tribunal.
[35] Les arguments soulevés par les demanderesses semblent voués à l’échec[14].
[36] Bien que cela suffise à rejeter la demande de sursis, le Tribunal traitera tout de même des autres questions.
2. Le préjudice sérieux ou irréparable
[37] Les demanderesses plaident qu’elles subiraient un préjudice sérieux ou irréparable si elles devaient réintégrer les mis en cause, car :
37.1. Les employés embauchés pour remplacer les mis en cause devront être congédiés ou déplacés pour permettre la réintégration des mis en cause;
37.2. Le conseil municipal n’a pas confiance envers les mis en cause;
37.3. Les réintégrations pourraient n’être que temporaires si le juge du fond accueille le pourvoi;
37.4. L’atmosphère de travail sera empoisonnée et le personnel des demandeurs et le public continuera d’avoir des doutes sur le travail du directeur général et de la secrétaire-trésorière (les mis en causes qui auraient été réintégrés);
37.5. Cela pourrait rendre dysfonctionnelle la fonction publique et avoir un impact négatif sur les services à la population.
[38] Les demanderesses ne convainquent pas le Tribunal qu’elles subiraient un préjudice sérieux ou irréparable.
[39] Elles ont le fardeau de prouver ce qu’elles allèguent et qu’elles se trouvent dans une situation extraordinaire.
[40] Il ne suffit pas de faire des allégués généraux. Il faut présenter une preuve spécifique[15]. Dans le cadre d’une demande de pourvoi en contrôle judiciaire, cette preuve doit être faite par la production d’une déclaration sous serment (article 105 du Code de procédure civile[16] (« C.p.c. »).
[41] Sous le nouveau Code de procédure civile, entrée en vigueur en 2016, il n’est plus nécessaire, ni même acceptable, d’appuyer une demande de pourvoi en contrôle judiciaire d’une déclaration sous serment détaillée, reprenant un à un les allégués de la demande. Il demeure tout de même nécessaire de produire une déclaration sous serment qui affirme la vérité des faits allégués.
[42] Les mis en cause plaident que la déclaration sous serment de Péloquin, produite par les demanderesses, est déficiente et ne soutient pas les allégués et les conclusions en sursis.
[43] Les demanderesses plaident que Péloquin ne peut affirmer sous serment plus que ce qu’il sait vraiment.
[44] Le Tribunal en convient évidemment, et c’est pour cela qu’il arrive des dossiers où un demandeur doit produire plus d’une déclaration sous serment, afin d’établir la preuve de ses allégations.
[45] Ici, les demanderesses ont choisi de ne soumettre qu’une seule déclaration sous serment.
[46] Malgré les arguments des mis en cause et les commentaires du Tribunal à l’audience, elles ne demandent pas de pouvoir compléter la preuve.
[47] Il est utile de citer la déclaration sous serment de Péloquin:
1. Je suis maire de Lachute, président de la RIADM et président auprès de la TAEUCL;
2. J’ai pris connaissance de la présente demande de pourvoi en contrôle judiciaire;
3. La très grande majorité des faits allégués au soutien de ce pourvoi découle :
a) des pièces produites de part et d’autre;
b) des témoignages rendus lors des audiences, témoignages transcrits dont je n’ai pas entièrement pris connaissance;
c) des représentations faites par les procureurs de la Ville et intitulées : « Résumé argumentaire des parties intimées » qui a été déposé lors des plaidoiries devant la juge administrative; et
d) des motifs de la Décision attaquée;
4. Pour ma part, j’ai une connaissance personnelle générale des faits dont j’ai été témoin ou provenant de l’enquête diligente;
5. Tous les faits allégués à la présente déclaration sont vrais.
[48] Cette déclaration est lacunaire, notamment en ce qu’il n’y a aucune preuve au soutien des allégués contenus aux paragraphes 76 à 86 de la Demande de pourvoi en contrôle judiciaire, soit les allégués concernant la demande de sursis.
[49] On se demande bien quels sont les faits qui font partie de la « très grande majorité des faits allégués » et lesquels en sont exclus. On se demande, tout autant, quels sont les faits dont Péloquin a « été témoin ».
[50] Le Tribunal ne peut jouer à la devinette et n’a d’autre choix que de constater l’absence de preuve de préjudices, et cela suffit à rejeter la demande de sursis.
[51] Toutefois, par souci du respect des principes directeurs de la procédure et d’économie des ressources judiciaires, et pour éviter un aller-retour inutile en Cour d’appel, le Tribunal se prononce sur le dossier comme si une déclaration sous serment suffisante avait été produite.
[52] La décision du TAT traite déjà de la question de la réintégration et rejette la demande des demanderesses de ne pas y faire droit, même s’il conclut à l’illégalité des destitutions des mis en cause.
[53] Il faut, même à cette étape, faire preuve de déférence à l’égard du TAT et en tenir compte[17].
[54] Au surplus, les mis en cause ont tous deux produits des déclarations sous serment, en réponses à la demande de sursis.
[55] Ces déclarations sont accompagnées de pièces, dont les contrats de travail des personnes qui occupent présentement leurs postes au sein des demanderesses.
[56] Toute ordonnance de réintégration implique des ennuis et des inconvénients pour l’employeur, le milieu de travail, et les employés qui doivent laisser leur place.
[57] Dans le cas d’un employeur public ou parapublic, comme les demandeurs, cela peut, bien entendu, entrainer des inquiétudes chez la population ou en choquer plusieurs et même avoir un impact négatif sur les services à la population.
[58] Cela est une conséquence acceptée par le législateur qui accorde le pouvoir de réintégration au TAT[18], tout en prévoyant qu’une demande de pourvoi en contrôle judiciaire n’emporte pas le sursis automatique de la décision du tribunal administratif[19].
[59] Il ne suffit donc pas pour les demanderesses d’alléguer un préjudice sérieux ou irréparable, encore doivent-elles le démontrer.
[60] Les difficultés soulevées par les demanderesses n’excèdent pas les difficultés ordinaires entrainées par une ordonnance de réintégration. Elles ne sont ni sérieuses, ni irréparables.
[61] Dans l’éventualité où le juge du fond accueillerait la demande de contrôle judiciaire, les demandeurs pourraient alors simplement mettre fin à l’emploi des mis en cause et les remplacer.
[62] Le Tribunal ne peut que reprendre à son compte le passage suivant, de la décision de la Cour supérieure, dans Ville de Sherbrooke c. Marcheterre[20] :
[14] Au fil des ans, la jurisprudence a déterminé que les difficultés, inconvénients administratifs ou organisationnels qui peuvent être rencontrés à l’occasion d’une réintégration, qui peut devenir temporaire, ne justifient pas en soi une demande de sursis. La Ville doit établir qu’en l’absence de sursis, le préjudice qu’elle subira est irréparable, c’est-à-dire qu’il n’est pas susceptible d’être compensé par des dommages-intérêts.
[15] Dans l’arrêt Fraternité des policières et policiers de la Régie de police Thérèse-de-Blainville inc. c. Régie intermunicipale de police Thérèse-de-Blainville inc., la juge Bich traitant du préjudice irréparable lié au fait que la Régie subirait un préjudice important du fait d’être obligée de réintégrer pendant l’instance d’appel un policier qu’elle a congédié essentiellement en raison d’un comportement déficient et non éthique, écrit :
« [14] La Régie soutient qu'elle subira un préjudice important du fait d'être obligée de réintégrer pendant l'instance d'appel un policier qu'elle a congédié essentiellement en raison d'un comportement déficient et non éthique (incluant la fréquentation alléguée d'une personne liée à une organisation criminelle). Compte tenu du caractère public de la charge qu'occupe le policier (par contraste avec la plupart des autres types d'emploi) et vu les exigences d'intégrité propres à cette fonction, ce préjudice, rattaché directement à la confiance que le public doit conserver à l'endroit des forces policières, est si substantiel que même la réintégration temporaire de l'individu en cause ne saurait être envisagée. Selon la Régie, l'intérêt public doit ici l'emporter sur l'intérêt privé (celui du policier).
[15] De l'avis de la soussignée, le préjudice allégué par la Régie est essentiellement hypothétique et spéculatif. D'une part, il faudrait d'abord que le public soit informé de la chose. D'autre part, la réaction à considérer est celle d'un public raisonnable, par ailleurs pleinement informé des circonstances de l'affaire.
[…]
[18] Par ailleurs, selon la jurisprudence de la Cour,
les difficultés ou les inconvénients administratifs ou organisationnels reliés
à une réintégration potentiellement provisoire sont en principe insuffisants
pour justifier un sursis : St-Félix-de-Valois (Municipalité de) c. Syndicat
canadien de la fonction publique (SCFP), section locale 4446 (FTQ),
précité; Brasserie Molson-O'Keefe (Les Brasseries Molson) c. Laurin,
[Références omises]
[63] D’ailleurs, la preuve révèle que les personnes qui occupent présentement les postes, qui doivent être réintégrés par les mis en cause, savent qu’elles le font à titre précaire et leurs contrats d’emploi le prévoit.
[64] Une personne raisonnable du public, parfaitement informée des circonstances de l’affaire, par la lecture de la décision du TAT, de la Loi sur les citées et villes, de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail, et de la preuve présentée au Tribunal, ne serait pas choquée de la réintégration immédiate des mis en cause. Le contraire serait plus probable.
[65] Les demanderesses ne subiraient pas de préjudice sérieux ou irréparable du rejet de leur demande de sursis.
3. La prépondérance des inconvénients
[66] Les demanderesses plaident que leur préjudice est plus grave que celui subit par les mis en cause de n’être pas réintégrés, car ils occupent déjà des emplois et que le pourvoi sera entendu au fond dans quelques mois seulement.
[67] Le Tribunal est en désaccord avec elles.
[68] Il faut tenir compte de la situation des mis en cause dont la vie économique et sociale et la dignité sont maintenues en suspend par les débats juridiques portant notamment sur la compétence du TAT[21].
[69] Il est exact que les mis en cause ne sont pas sans emploi. Mais les emplois qu’ils occpupent ne leur rapportent pas autant que ceux dans lesquels ils ont le droit d’être réintégrés.
[70] Leurs destitutions remontent à près de cinq ans, une longue période.
[71] De plus, les motifs de destitutions portent atteinte à leur dignité et leur réputation. Une réintégration est de nature à mettre un baume sur leurs blessures.
[72] Notre Droit reconnait que le travail est une composante importante de l’identité et de la dignité des individus.
[73] La Cour suprême le réaffirme dans son tout récent arrêt Matthews c. Ocean Nutrition Canada Ltd.[22] :
[7] La
persistance avec laquelle l’employé est revenu sur ce point en appel s’explique
en partie par le fait qu’il ne poursuit pas son employeur uniquement pour être
indemnisé financièrement, mais également pour des raisons non financières. Le
juge de première instance a expressément fait remarquer que l’estime de soi de
l’employé était particulièrement liée à son travail. Notre Cour a déclaré sans
ambages que l’emploi constitue pour les gens une source d’épanouissement
personnel — à savoir cette forme de dignité humaine qui découle du travail
— et que ce phénomène se manifeste souvent avec encore plus d’acuité lorsqu’une
personne perd injustement son emploi (voir,
p. ex., Machtinger c. HOJ Industries Ltd., 1992 CanLII 102
(CSC),
[74] Tout retard dans la réintégration des mis en cause aggrave l’atteinte à leur dignité et à leur épanouissement personnel.
[75] Les déclarations sous serment des mis en cause prouvent que ces questions sont importantes pour eux.
[76] Pour paraphraser la Cour supérieure dans la récente affaire Office municipal d'habitation Kativik c. Tribunal administratif du travail (Division des relations de travail)[23] : si les demanderesses réussissent sur le fond du pourvoi en contrôle judiciaire à annuler la décision du TAT leurs « inconvénients se résumeraient à avoir permis la réintégration au cours de l’instance, ce qui apparait un inconvénient beaucoup moindre. ».
[77] Le Tribunal conclut que la prépondérance des inconvénients favorise le rejet de la demande de sursis.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[78] REJETTE la demande des demanderesses de surseoir à l’ordonnance de réintégration, prononcée par le Tribunal administratif du travail, le 25 juin 2020, dans sa décision rapportée à 2020 QCTCT 2406;
[79] AVEC les frais de justice.
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stéphane lacoste, j.c.s. |
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Me Louis Coallier DHC Avocats inc. Pour les demanderesses |
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Me Geneviève Bond Roussel Madame Fanny Demousseau, stagiaire BERNIER, CHARBONNEAU Pour le Tribunal administrative du travail
Me Jean-François Gagné Me Richard Auclair TRIVIUM AVOCATS INC. Pour les mis en cause |
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Date d’audience : |
2 décembre 2020 |
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[1] Le Tribunal utilise seulement les noms de famille afin d’alléger le texte. Le lecteur voudra bien n’y voir aucun manque de courtoisie.
[2] RLRQ, c. C-19.
[3]
Municipalité régionale de comté des Collines-de-l'Outaouais c.
Lavigne,
[4]
[5]
Bruyninx c. Ordre des médecins vétérinaires du Québec,
[6]
Laboratoires Oméga limitée c. Tribunal administratif du travail,
[7] 2015
QCCS 1340, demande de permission d’appeler rejetée à
[8]
Office municipal d'habitation Kativik c. Tribunal administratif du
travail (Division des relations de travail),
[9] RLRQ, c. T-15.1.
[10]
Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov,
[11]
Office municipal d'habitation Kativik c. Tribunal administratif du
travail (Division des relations de travail),
[12] F.S. c. Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, précitée note 10.
[13]
Municipalité régionale de comté des Collines-de-l'Outaouais c. Lavigne,
[14] Il convient de rappeler qu’à l’étape du traitement de la demande de sursis le Tribunal n’a pas devant lui l’ensemble de la preuve et des arguments des parties; il est possible que le juge du fond conclue que la demande de contrôle judiciaire, même si cela n’apparait pas probable à cette étape.
[15]
Gatineau (Ville de) c. Bastien,
[16] RLRQ, c. C-25.01.
[17] Office municipal d'habitation Kativik c. Tribunal administratif du travail (Division des relations de
travail)*,
[18]
Article
[19]
Article
[20]
[21]
Ville de Montréal c. Bergeron,
[22]
[23] Précitée note _______
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.