Décision

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Birtz Bastien Beaudoin Laforest Architectes c. Centre hospitalier de l'Université de Montréal

2021 QCCS 795

COUR SUPÉRIEURE

(Chambre civile)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-061238-104

500-17-061237-106

 

DATE :

10 mars 2021

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JEFFREY EDWARDS, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

No : 500-17-061237-106

 

BIRTZ BASTIEN BEAUDOIN LAFOREST ARCHITECTES

PROVENCHER ROY ET ASSOCIÉS ARCHITECTES

YELLE, MAILLÉ, ARCHITECTES

LE GROUPE ARCOP, S.E.N.C.

Demanderesses

c.

CENTRE HOSPITALIER DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

Défendeur

ET

No : 500-17-061238-104

 

BOUTHILLETTE PARIZEAU & ASSOCIÉS INC.

TEKNIKA HBA INC.

Demanderesses

c.

CENTRE HOSPITALIER DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

Défendeur

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 


 

Table des matières

Aperçu............................................................................................................................................ 7

Questions en litige...................................................................................................................... 11

Contexte....................................................................................................................................... 12

I. Le projet du Nouveau CHUM et les personnes impliquées............................................. 12

A) Les demanderesses et les consortiums BPYA et BPTH........................................ 12

B) L’envergure du projet du Nouveau CHUM et les origines administratives et juridiques du CHUM.............................................................................................................................................. 14

C) La création de l’Agence des partenariats public-privé du Québec........................ 15

D) La création du Bureau du Directeur exécutif au ministère de la Santé et des Services sociaux.............................................................................................................................................. 16

E) L’Entente-cadre de gouvernance du Nouveau CHUM............................................ 17

II. Appels de candidatures du CHUM pour les équipes maîtres des services professionnels d’architecture et de génie mécanique et électrique et entrée en vigueur des conventions de services 18

A) Documents d’appel de candidatures.......................................................................... 18

1. Réglementation contractuelle des deux modes de réalisation prévus : mode conventionnel et mode PPP.................................................................................................................................. 18

2. Rédaction des appels de candidatures................................................................... 19

3. Mandats des professionnels, architectes et ingénieurs, par rapport à la conception générale du projet, à l’élaboration du budget et au contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux....................................................................................................................... 21

4. Clauses réglementant le mandat pour élaborer le concept général du projet et pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux........... 22

5. Mandats pour l’élaboration du concept général du projet et la préparation des plans et devis préliminaires, quel que soit le mode de réalisation retenu......................................... 27

6. Durée du projet........................................................................................................... 29

7. Niveau avancé requis des plans et devis préliminaires exigés............................. 30

8. Tableaux d’appréciation des heures requises........................................................ 31

9. Mode de rémunération............................................................................................... 34

10. Clauses d’exclusivité................................................................................................ 35

11. Clauses de personnel clé........................................................................................ 38

12. Possibilité de modification de mandat ou de programme par le CHUM........... 39

13. Droit de résiliation.................................................................................................... 43

B) Réclamation de remboursement d’une partie des honoraires payés : demande reconventionnelle du CHUM à l’endroit de BPYA......................................................................................... 47

C) Signature des conventions de services et leurs entrées en vigueur..................... 49

III Les voies parallèles d’événements................................................................................... 50

A) Une première voie parallèle : le dossier d’affaires initial et le processus d’évaluation en vue de sélectionner un mode de réalisation pour le Nouveau CHUM................................... 50

Remise du dossier d’affaires initial.............................................................................. 56

B) Une deuxième voie parallèle : redéfinition, division et agrandissement majeur du projet du Nouveau CHUM................................................................................................................. 58

C) Une troisième voie parallèle : refonte majeure unilatérale par le CHUM, par étapes, des mandats prévus aux conventions de services............................................................................... 59

1. Dès la mise en vigueur des conventions de services, le CHUM et le DE désirent modifier en profondeur les mandats accordés à BPYA et à BPTH............................................... 59

2. Décision initiale quant à la portée des mandats des professionnels dans le cadre d’un PPP.......................................................................................................................................... 60

3. Revirement de décision quant aux mandats octroyés............................................ 61

4. Changement de modèle PPP par le CHUM et refonte contractuelle unilatérale imposée à BPYA et à BPTH............................................................................................................................. 67

5. Réactions de BPYA et de BPTH aux projets de conventions de services « amendées »      68

6. Le CHUM ne résilie pas les conventions de services intervenues et BPYA et BPTH acceptent, sous réserve de leurs droits, de continuer à fournir des services....................................... 71

a) Services prioritaires pour faire avancer le projet du CRCHUM........................ 71

b) Le CHUM impose des amendements aux conventions de services................ 71

7. Décret 980-2008 : reconnaissance gouvernementale de responsabilité limitée du CHUM à 1 million $ pour modifications unilatérales imposées aux conventions de services initiales          74

8. Services demandés en vertu des conventions de services « amendées »......... 75

9. Perspective de BPYA et de BPTH : mandats d’origine transformés et dénaturés et imposition d’une obligation contractuelle de fournir des services professionnels contre leur gré 77

10. Refus du CHUM de libérer BPYA et BPTH des conventions de services ou des obligations d’exclusivité malgré la réduction fondamentale des mandats initiaux...................... 80

11. Abolition de l’APPPQ, abrogation de la Loi sur l’Agence des partenariats public-privé du Québec, transfert de responsabilités pour le processus PPP à Infrastructure Québec et ensuite à la Société québécoise des infrastructures...................................................................... 83

IV Suite des démarches dans la réalisation du Nouveau CHUM en mode PPP............. 84

A) Événements principaux dans l’évolution de la réalisation du Nouveau CHUM par phase de construction, soit le CRCHUM (Phase 1) et le CHUM-Hôpital (Phase 2)................ 84

B) Rapports des dossiers d’affaires dans les processus PPP du CRCHUM et du CHUM-Hôpital.............................................................................................................................................. 86

C) Rapports du Vérificateur général du Québec et tenue d’une Commission parlementaire spéciale pour examiner les processus de PPP suivis pour le Nouveau CHUM..................... 91

D) Comité de revue diligente nommé par le Secrétariat du Conseil du trésor et examen du dossier d’affaires intermédiaire révisé de Raymond Chabot Grant Thornton......................... 94

E) CHUM-Hôpital en PPP : poursuite du projet (Phase 2 (fin) et Phase 3).............. 98

F) Continuation de prestations de services professionnels par BPYA et BPTH, fin prévue des travaux et fin prévue des mandats des équipes maîtres pour l’achèvement de la Phase 3 de la construction du Nouveau CHUM......................................................................................................... 100

G) Procédures judiciaires............................................................................................... 101

Analyse et décision.................................................................................................................. 102

1) Les conventions de services initiales constituent-elles des contrats d’adhésion?... 102

2) Les conventions de services amendées constituent-elles des contrats d’adhésion? 103

3) Advenant que le CHUM avait une obligation envers BPYA et BPTH en vertu des conventions de services de procéder à un choix non fautif du mode de réalisation du Nouveau CHUM, soit conventionnel ou PPP, le CHUM a-t-il violé cette obligation?.................................................................. 107

A) Allégation de BPYA et de BPTH de faute du CHUM quant au mode de réalisation PPP retenu............................................................................................................................................ 107

B) Moyens de défense du CHUM................................................................................. 109

C) Indice de vétusté ou risque de sous-financement en entretien et en maintien d’actifs           111

D) Taux d’actualisation utilisé........................................................................................ 119

4) Quelle est l’ampleur des réductions des mandats de BPYA et de BPTH effectuées par le CHUM?................................................................................................................................................ 124

A) L’appréciation de la preuve et débat d’experts....................................................... 124

B) L’ampleur de réduction du mandat de BPYA......................................................... 134

C) L’ampleur de réduction du mandat de BPTH......................................................... 135

5) Y a-t-il eu inexécution de la part du CHUM des conventions de services initiales à l’endroit de BPYA ou de BPTH?.............................................................................................................................. 136

A) Résiliation partielle..................................................................................................... 136

B) Modification................................................................................................................. 147

(a) La formulation de la clause et les règles d’interprétation auxquelles elle est sujette limitent la portée d’une modification............................................................................................................ 150

i) Le témoignage suivant lequel la clause est d’une teneur standard dans les contrats semblables........................................................................................................................................ 150

ii) La formulation de la clause et les autres règles d’interprétation applicables.... 152

(b) Application abusive de la clause............................................................................... 154

i) L’application jurisprudentielle des principes juridiques suivant l’ampleur de la modification effectuée........................................................................................................................................ 160

ii) Conclusion quant à l’utilisation abusive de la clause de modification................ 165

(c) Violations par le CHUM des obligations de renseignement et de collaboration envers BPYA et BPTH............................................................................................................................................ 167

i) Les principes juridiques............................................................................................ 167

(1) Obligation de renseignement : les principes..................................................... 167

(2) Obligation de collaboration : les principes......................................................... 170

(3) Caractère continu, en cours de réalisation du contrat, des obligations de renseignement et de collaboration................................................................................................................. 171

(4) Application de ces principes au contrat de service........................................... 172

(5) Fin de non-recevoir à l’utilisation abusive de la clause de modification par le CHUM comme sanction à la violation des obligations de renseignement et de collaboration... 174

ii) Analyse des faits au regard des obligations de renseignement et de collaboration   176

iii) Conclusion quant au respect par le CHUM de ses obligations de renseignement et de collaboration envers BPYA et BPTH compte tenu de la preuve.............................. 192

(d) Le droit du CHUM, lors de la préparation des documents d’appel aux proposants partenaires privés pour la réalisation du projet en mode PPP, d’annexer aux devis de performance des extraits des plans préliminaires de son choix............................................................................................... 197

(e) Le droit du CHUM de réclamer un traitement d’exception sur le plan contractuel 201

C) Conclusion quant à l’inexécution............................................................................. 204

6) Si la réponse à la question 5 est « oui », quels sont les honoraires professionnels dont BPYA ou BPTH ont été privés?....................................................................................................................... 206

A) Les principes d’indemnisation.................................................................................. 206

B) La réduction des honoraires professionnels réclamés pour des heures payées (« heures supplémentaires »).......................................................................................................... 208

C) BPYA............................................................................................................................ 216

i) L’élimination des mandats pour élaborer la conception générale du projet et pour préparer les plans et devis préliminaires................................................................................................... 216

ii) L’élimination du mandat pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux...................................................................................................... 220

iii) Nombre total d’heures professionnelles dont BPYA a été privé........................ 222

D) BPTH............................................................................................................................ 222

i) L’élimination des mandats pour élaborer la conception du projet et pour préparer les plans et devis préliminaires.................................................................................................................. 222

ii) L’élimination du mandat pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier de la qualité et du contenu des travaux...................................................................................................... 224

iii) Montant total d’heures professionnelles dont BPTH a été privé........................ 225

7) Quel est l’effet juridique du Décret 980-2008 du 8 octobre 2008 du Gouvernement quant aux réclamations de BPYA et de BPTH?................................................................................. 226

8) Quelles sont les marges de profit applicables de BPYA et de BPTH aux pertes d’honoraires subies et, advenant l’existence de telles pertes, quels sont les dommages-intérêts auxquels ils ont droit?       232

A) Les marges de profit................................................................................................... 232

i) BPYA.......................................................................................................................... 234

(1) Marge bénéficiaire.................................................................................................. 234

(2) Ajustement en raison de marge bénéficiaire en rapport aux coûts de sous-traitants             238

(3) Ajustement pour fins de location........................................................................... 239

(4) Marge bénéficiaire applicable............................................................................... 239

ii) BPTH......................................................................................................................... 240

(1) Marge bénéficiaire.................................................................................................. 240

(2) Ajustement en raison de marge bénéficiaire en rapport aux coûts de sous-traitants             240

(3) Marge bénéficiaire applicable............................................................................... 240

B) Les dommages-intérêts conséquents..................................................................... 240

i) BPYA.......................................................................................................................... 240

ii) BPTH......................................................................................................................... 241

9) Le CHUM peut-il réclamer à BPYA, à titre de loyer, le remboursement d’une partie des honoraires payés pour rendre les services demandés par le CHUM?.............................................. 241

10) Quelles sont les dates d’exigibilité des dommages-intérêts, de l’intérêt, de l’indemnité additionnelle, de la TPS et de la TVQ sur les montants accordés, le cas échéant?............................. 248

A) Les dates d’exigibilité des dommages-intérêts, de l’intérêt et de l’indemnité additionnelle aux montants accordés.......................................................................................................... 248

B) L’application de la TPS et de la TVQ aux montants accordés............................. 252

11) À titre de frais de justice, quelles parties des coûts d’expertises et des frais de témoignages d’experts devraient être accordées et à quelle partie?..................................................................... 255

Conclusion................................................................................................................................. 258

Dispositif.................................................................................................................................... 258

Lexique des sigles, acronymes et abréviations des parties, personnes, organismes impliqués ou autres termes désignés....................................................................................................................... 264

 


Aperçu

 

[1]           Birtz Bastien Beaudoin Laforest Architectes, Provencher Roy et Associés Architectes, Yelle, Maillé, Architectes et le Groupe ARCOP, s.e.n.c. sont des bureaux d’architectes à Montréal. En 2006, ils se sont regroupés en consortium[1], soit BPYA (BPYA), pour soumettre une offre de service à un appel public de candidatures du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) pour sélectionner une équipe maître d’architectes dans le cadre du projet de construction d’un immense nouvel hôpital, de niveau universitaire, au centre-ville de Montréal (Nouveau CHUM). La même année, Bouthillette Parizeau & Associés inc. et Teknika HBA inc., qui sont des bureaux d’ingénieurs, ont également uni leurs forces pour former le consortium BPTH (BPTH) afin de formuler une offre de services à l’appel public du CHUM pour la sélection d’une équipe maître en ingénierie mécanique et électrique pour le même projet.

 

[2]           Au moment du lancement des appels de candidatures, le mode de réalisation du Nouveau CHUM, soit le mode conventionnel (contrat d’entreprise à forfait) ou le mode de partenariat public-privé (PPP), n’était pas encore décidé. Les documents d’appel de candidatures précisent que le projet du Nouveau CHUM ferait l’objet d’un dossier d’affaires afin de déterminer le mode de réalisation qui sera sélectionné. Les documents d’appel divisent le mandat des équipes maîtres en quatre phases du projet, à savoir le « Démarrage » (Phase 1), la « Planification » (Phase 2), la « Réalisation » (Phase 3) et la « Clôture » (Phase 4).

 

[3]           Les documents d’appel prévoient notamment que, peu importe le mode de réalisation choisi, les équipes maîtres sélectionnées auront, dans le cadre de la Phase 2 (« Planification »), et ce, dans leurs domaines respectifs (soit architecture ou génie mécanique et électrique), à la fois le mandat pour élaborer le concept général pour l’ensemble du nouvel établissement à construire ainsi que celui pour préparer les plans et devis préliminaires pour préciser le concept retenu. Les documents d’appel précisent également que les équipes maîtres participeront à l’établissement d’un « Budget convenu » avec le CHUM pour la réalisation du Nouveau CHUM. Le budget convenu demeure applicable, quel que soit le mode de réalisation retenu. Le budget doit être approuvé et finalisé dans le cadre de la Phase 2 (« Planification »), soit après l’élaboration du concept de l’ensemble du projet et la production des plans et devis préliminaires. L’approbation par le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec (ministre de la Santé) du budget convenu est une condition préalable au début de la Phase 3 (« Réalisation ») ayant trait à la réalisation du projet. Ainsi, les documents d’appel confirment que, sans égard au mode de réalisation choisi, les équipes maîtres sélectionnées compléteront leurs mandats prévus à la Phase 2, y compris l’élaboration du concept général du projet et la préparation et la production des plans et devis préliminaires.

 

[4]           Les documents d’appel précisent en outre que le choix de procéder selon l’un ou l’autre des modes de réalisation n’aurait pour conséquence que de déterminer, quant à la Phase 3 (« Réalisation »), la portée des mandats des professionnels des équipes maîtres en rapport à certains éléments des étapes subséquentes du projet. Si le mode conventionnel est retenu, les professionnels des équipes maîtres se voient également confier la responsabilité de préparer les plans et devis définitifs et la surveillance des travaux. En revanche, si le mode PPP est choisi, ils ont les mandats pour la préparation des devis de performance conformément aux plans et devis préliminaires approuvés à la Phase 2 et pour assurer le suivi des travaux à réaliser par le partenaire privé.

 

[5]           Sans égard au mode de réalisation choisi, les documents d’appel confirment qu’un mandat large et important est confié aux équipes maîtres afin d’assurer, tout au long de la réalisation du projet, soit durant les quatre phases, le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux.

 

[6]           Suivant l’un ou l’autre des deux modes de réalisation envisagés, les documents d’appel prévoient que les équipes maîtres des architectes et des ingénieurs auront le mandat, lors de la Phase 4 (« Clôture »), de procéder à la fermeture des contrats sur le site.

 

[7]           Les documents d’appel obligent les soumissionnaires à souscrire à une série de conditions contraignantes, notamment l’exclusivité de service, même en cas de résiliation, des taux horaires réduits et l’exclusivité pour le CHUM au cours du projet, d’une équipe senior de professionnels hautement expérimentés.

 

[8]           Le mode de rémunération, prévu aux documents d’appel pour les équipes maîtres, est à taux horaire, suivant les taux fixés par les décrets gouvernementaux pour les architectes ou ingénieurs œuvrant dans le secteur public. Ces taux sont bien en deçà des taux facturés dans le secteur privé.

 

[9]           Le 24 novembre 2006, BPYA et BPTH remportent les appels publics. Le 1er mars 2007, les conventions de services sont signées entre BPYA, BPTH et le CHUM. Le 11 juin 2007, ces conventions entrent en vigueur. Deux jours plus tard, le 13 juin 2007, le Gouvernement du Québec (Gouvernement) confirme par décret que le Nouveau CHUM sera construit en mode PPP.

 

[10]        Deux différends fondamentaux divisent les parties.

 

[11]        En premier lieu, très tôt après l’entrée en vigueur des conventions de services, le CHUM désire modifier en profondeur et réduire les mandats confiés aux équipes maîtres par les conventions de services. Le CHUM désire notamment retirer à BPYA et à BPTH les mandats pour l’élaboration de la conception générale du Nouveau CHUM, pour la préparation des plans et devis préliminaires et pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux durant les quatre phases du projet. Les professionnels s’y opposent. Le CHUM rétorque qu’il a le droit contractuel d’agir ainsi. Le CHUM impose alors ces changements dans des conventions de services « amendées », sans compensation pour les deux consortiums. Les réductions de mandats et les changements imposés par ces amendements forcés transforment la nature des conventions de services initiales intervenues. Les rôles de BPYA et de BPTH, engagés comme « équipes maîtres », sont réduits à ceux de professionnels accompagnateurs ou de conseils aux professionnels internes du CHUM pour réaliser le Nouveau CHUM. Les réductions de mandats imposées par le biais des conventions de services « amendées » ont pour effet de réduire d’au moins deux tiers (BPYA : 71 %; BPTH : 66 %) les prestations contractuelles de BPYA et de BPTH en vertu des conventions de services initiales. Sous réserve de leurs droits, BPYA et BPTH signent les conventions de services « amendées ». À la demande du CHUM, avec des mandats et des rôles profondément réduits, BPYA et BPTH continuent d’œuvrer sur le site dans le but de soutenir le CHUM dans la réalisation du Nouveau CHUM.

 

[12]        La réalisation du Nouveau CHUM a procédé suivant trois (3) phases de construction. Cela n’était pas prévu aux documents d’appel et a été décidé par le CHUM en cours de réalisation du projet. Ces phases de construction sont donc différentes de celles prévues aux conventions de services. La Phase 1 de construction a visé le Centre de recherche du CHUM (CRCHUM). Celui-ci a ouvert ses portes le 30 septembre 2013. La Phase 2, représentant 85 % du centre hospitalier (CHUM-Hôpital), a ouvert ses portes le 1er octobre 2017. La Phase 3 comprend les derniers 15 % du CHUM-Hôpital : il est prévu que cette partie finale du projet du Nouveau CHUM soit achevée en mai 2021.

 

[13]        Lors des appels de candidatures en 2006, le CHUM annonce des coûts de construction anticipés du projet de 848 $ millions, avant taxes. Or, les coûts de construction, à tâche terminée, se situent actuellement à 2,3 milliards $, avant taxes (ou 2,6 milliards $ avec taxes). De même, en 2006 le CHUM annonce un échéancier de réalisation de 5 ans. Il est maintenant prévu que les mandats des équipes maîtres prendront fin en mars 2022, soit un an après la fin des travaux, notamment pour effectuer la clôture du projet, ce qui portera à 15 ans la durée totale de leurs mandats en vertu des conventions de services.

 

[14]        Selon BPYA et BPTH, le CHUM a violé leurs droits contractuels et s’est livré à une application déraisonnable, excessive et abusive de la clause de modification prévue aux conventions de services initiales, ce qui a eu pour effet de dénaturer celles-ci. De plus, BPYA et BPTH allèguent que le CHUM n’a pas respecté ses obligations de renseignement et de collaboration à leurs égards et les refontes contractuelles unilatérales imposées par le CHUM, par l’entremise des conventions de services amendées, étaient fautives et abusives. Quant à lui, le CHUM plaide qu’il ne doit rien à BPYA et à BPTH, ceux-ci ayant été intégralement payés pour les services rendus en vertu des conventions de services amendées.

 

[15]        En deuxième lieu, BPYA et BPTH soutiennent que le CHUM était contractuellement tenu en vertu des documents d’appel et des conventions de services de procéder à un choix concernant le mode de réalisation du projet qui n’était pas constitutif de faute. BPYA et BPTH allèguent que la décision prise en l’espèce de réaliser le projet en PPP était fautive et génératrice de responsabilité de la part du CHUM. Ils soutiennent qu’une décision rationnelle et suivant les règles de l’art en la matière aurait nécessairement conclu à la sélection du mode conventionnel. Suivant le scénario d’une réalisation du Nouveau CHUM en mode conventionnel, compte tenu des coûts de construction mentionnés, BPYA et BPTH réclament, à titre de conclusion principale, des dommages-intérêts pour compenser leurs pertes de profits subies en raison des réductions effectuées sans droit de leurs mandats. À ce titre, BPYA réclame du CHUM des dommages-intérêts de 56 191 581 $, tandis que BPTH lui réclame 25 293 632,60 $.

 

[16]        De manière subsidiaire, dans l’hypothèse où le choix du mode de réalisation en PPP n’était pas fautif, BPYA et BPTH réclament respectivement du CHUM des dommages de 23 534 303 $ et de 17 692 000,30 $.

 

[17]        Le Tribunal conclut que BPYA et BPTH n’ont pas démontré que le CHUM a commis une faute en sélectionnant le PPP comme mode de réalisation du Nouveau CHUM. La demande principale en dommages-intérêts est donc rejetée.

 

[18]        Le Tribunal conclut cependant que la demande subsidiaire en dommages-intérêts est bien fondée en partie.

 

[19]        Le CHUM a abusé de ses droits par une application excessive et déraisonnable de la clause de modification allant ainsi à l’encontre de ce qu’exige la bonne foi. De plus, le CHUM a violé ses obligations de renseignement et de collaboration envers BPYA et BPTH. Avant même le lancement des appels de candidatures, le CHUM était au courant que, contrairement au libellé explicite des documents d’appel, les mandats annoncés relatifs à la conception générale du projet et à la préparation des plans et devis préliminaires étaient aléatoires, précaires, sujets à un processus actif de discussions et de révision et à risque d’être réduits ou même éliminés, ce qui s’est éventuellement produit. Le CHUM a également décidé d’éliminer le mandat annoncé et confié aux équipes maîtres pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux. Lorsque ces réductions et éliminations de mandats ont été présentées à BPYA et à BPTH, le CHUM a faussement représenté les motifs, prétextant qu’elles découlaient du choix de réaliser le Nouveau CHUM en mode PPP. En réalité, le CHUM avait changé d’idée par rapport au modèle de PPP à employer et aux mandats confiés aux termes des documents d’appel. Ensuite, le CHUM a décidé de réécrire les conventions de services intervenues. Le Tribunal fixe les dommages subis par BPYA à 7 512 433,30 $ et par BPTH à 4 824 454,50 $ et condamne le CHUM à leur payer ces montants, plus les taxes applicables.


 

Questions en litige

 

1) Les conventions de services initiales constituent-elles des contrats d’adhésion?

 

2) Les conventions de services amendées constituent-elles des contrats d’adhésion?

 

3) Advenant que le CHUM avait une obligation envers BPYA et BPTH en vertu des conventions de services de procéder à un choix non fautif du mode de réalisation du Nouveau CHUM, soit conventionnel ou PPP, le CHUM a-t-il violé cette obligation?

 

4) Quelle est l’ampleur des réductions des mandats effectuées par le CHUM?

 

5) Y a-t-il eu inexécution de la part du CHUM des conventions de services initiales à l’endroit de BPYA ou de BPTH?

 

6) Si la réponse à la question 5 est « oui », quels sont les honoraires professionnels dont BPYA ou BPTH ont été privés?

 

7) Quel est l’effet juridique du Décret 980-2008 du 8 octobre 2008 du Gouvernement quant aux réclamations de BPYA et de BPTH?

 

8) Quelles sont les marges de profit de BPYA et de BPTH applicables aux pertes d’honoraires subies, le cas échéant, et, si oui, quels sont les dommages-intérêts auxquels ils ont droit?

 

9) Le CHUM peut-il réclamer à BPYA, à titre de loyer, le remboursement d’une partie des honoraires payés pour rendre les services demandés par le CHUM?

 

10) Quelles sont les dates d’exigibilité des dommages-intérêts, de l’intérêt, de l’indemnité additionnelle, de la TPS et de la TVQ sur les montants accordés, le cas échéant?

 

11) À titre de frais de justice, quelles parties des coûts d’expertises et des frais de témoignages d’experts devraient être accordées et à quelle partie?


 

Contexte

 

I. Le projet du Nouveau CHUM et les personnes impliquées

 

A) Les demanderesses et les consortiums BPYA et BPTH

 

[20]        Les bureaux d’architectes Birtz Bastien Beaudoin Laforest, Provencher Roy et Associés, Yelle, Maillé, Architectes et le Groupe Arcop, s.e.n.c. ont constitué le consortium BPYA pour soumettre une offre de services à l’appel de candidatures du CHUM en vue de sélectionner une équipe maître d’architecture pour concevoir et réaliser le Nouveau CHUM. Les bureaux d’ingénieurs Bouthillette Parizeau & Associés inc. et Teknika HBA inc. ont constitué le consortium BPTH pour faire de même en ce qui a trait à la conception et à la réalisation en génie mécanique et électrique du projet.

 

[21]        En 2006, un centre hospitalier avec centre de recherche intégré de l’envergure envisagée (848 millions $, avant les taxes, en coût de construction) n’avait pas de précédent au Québec. Compte tenu de l’ampleur du projet, de son caractère hautement complexe et technique et des connaissances spécialisées requises, en particulier dans le domaine sociosanitaire, les consortiums ont décidé de réunir certains des meilleurs talents au Québec afin de maximiser leurs chances de remporter les appels de candidatures. Les associés principaux de ces bureaux et les représentants de ces consortiums ont présenté sommairement certaines de leurs expériences pertinentes.

 

[22]        Michel Roy est cofondateur en 1983 de Provencher Roy. Membre de l’Ordre des architectes depuis 1973 et « fellow » de l’Institut royal d’architecture du Canada, son bureau a notamment été impliqué dans les secteurs institutionnel, patrimonial et universitaire. M. Roy a été très impliqué dans le domaine de la santé au Québec et à l’international. En 2006, il a été impliqué dans la construction, l’agrandissement et la rénovation d’une quinzaine de projets hospitaliers[2]. Dans l’offre de services, il a été désigné comme le chargé de projet pour BPYA[3]. On peut y lire, notamment :

 

« Pour le projet de modernisation du centre hospitalier universitaire, M. Roy assumera de façon permanente la direction de l’équipe maître d’architecture. Il coordonnera également le travail des équipes maîtres en ingénierie et assurera le lien avec les responsables de l’équipe maître de gestion. Il pourra également compter sur la présence au dossier de Gilles Maillé, architecte spécialiste en santé, au poste de relève du chargé de projet. »

 

[23]        Claude Provencher est membre de l’Ordre des architectes du Québec depuis 1976 et membre de l’Institut royal d’architecture du Canada. Il est le concepteur principal de la firme Provencher Roy. Plusieurs de ses réalisations ont gagné des prix. L’expérience de M. Provencher est au Québec, dans le reste du Canada et à l’international, notamment dans le secteur de la santé. En plus d’avoir dirigé des consortiums pour réaliser la conception et la construction de centres hospitaliers au Québec, il a été responsable de la conception et de la réalisation en 2005 d’hôpitaux à la fine pointe de la technologie et des services en santé en Algérie[4]. Dans l’offre de services de BPYA, M. Provencher est indiqué comme la « ressource principale » pour la conception architecturale[5].

 

[24]        Gilles Maillé est associé principal de Yelle, Maillé, architectes, fondé en 1994. Membre de l’Ordre des architectes du Québec depuis 1983 et membre de l’Institut royal d’architecture du Canada, il se spécialise dans des projets du secteur de la santé. Dans l’offre de services présentée, il est désigné comme le chargé de projet de relève[6]. La description de ses expériences dans l’offre de services fait état de plus de vingt-cinq projets à son actif comme chargé de projet ou comme concepteur dans le secteur de la santé, y compris la conception, la construction et l’agrandissement d’hôpitaux[7].

 

[25]        Pierre Hébert est associé senior de la firme d’ingénieurs Bouthillette Parizeau. M. Hébert est membre de l’Ordre des ingénieurs du Québec depuis 1981. Dans l’offre de services de BPTH, il est proposé comme chargé de projet[8]. Depuis le début de sa carrière d’ingénieur, M. Hébert s’est spécialisé dans le secteur de la construction de la santé. Au cours de ses premières années de pratique, il a été impliqué à tous les niveaux dans la construction et la rénovation d’hôpitaux et d’établissements de santé, notamment la conception, la planification et la production des plans et devis. Il a également œuvré dans ce domaine à l’international. L’offre de services fait état de son implication dans la construction et l’agrandissement d’une vingtaine de réalisations dans le domaine de la santé[9].

 

[26]        Tel que requis par les appels de candidatures[10], BPTH avait pris les mesures pour intégrer à son équipe des ingénieurs spécialisés dans les projets de santé au niveau international, ayant notamment de l’expérience dans les réalisations de projets en mode PPP. Dans la lettre de présentation de l’offre de services de BPTH, on peut lire[11] :

 

« Afin de faire bénéficier le réseau québécois de la santé d’une expertise internationale, nous joignons à notre équipe les services de deux experts de grande expérience de la firme londonienne DSSR, ayant à son emploi 200 personnes et qui a agi à maintes reprises comme consultant en électromécanique dans la réalisation de projets en santé suivant les modes PPP et conventionnels. Se joindront à DSSR, deux experts de la firme américaine Syska, une firme spécialisée en électromécanique de 600 employés et qui a reçu la distinction d’être la plus grande firme du réseau de la santé aux États-Unis en 2004. Ces expertises ajoutées à celles locale et internationale de nos entreprises sont un gage de succès pour votre projet. »

 

[27]        Dans leurs témoignages devant la Cour, tous les représentants de BPYA et de BPTH ont souligné que la présence des mandats pour la conception générale du projet et pour la préparation des plans et devis préliminaires constituait pour eux un facteur essentiel et une motivation principale pour soumettre leurs offres de services[12]. Ces mandats constituaient ensemble le « but » et le « cœur » du projet.

 

[28]        Selon les avocats de BPYA et de BPTH, les firmes constitutives de ces consortiums sont parmi les meilleurs bureaux d’architectes et de génie au Québec, surtout dans le domaine sociosanitaire. Tel que nous le verrons, le CHUM n’a, à aucun moment, critiqué la qualité des services rendus par BPYA ou par BPTH.

 

B) L’envergure du projet du Nouveau CHUM et les origines administratives et juridiques du CHUM

 

[29]        Avec une surface opérationnelle de 346 000 m2 [13], le Nouveau CHUM, lorsque complété, intégrant un centre hospitalier (CHUM-Hôpital) et un centre de recherche du plus haut niveau (CRCHUM), sera le plus grand centre hospitalier universitaire au Québec.

 

[30]        Le budget actuel, comprenant les coûts de construction et d’immobilisation (notamment l’achat des terrains), se situe autour de 3,1 milliards $[14].

 

[31]        Le CHUM résulte de la fusion en 1996 de trois (3) hôpitaux universitaires affiliés à l’Université de Montréal, soit les hôpitaux Hôtel-Dieu, Notre-Dame et Saint-Luc[15].

 

[32]        Le projet de construction du Nouveau CHUM s’inscrit dans le projet-cadre du Gouvernement de modernisation des hôpitaux de Montréal (Projet-cadre). Ce Projet-cadre comprend également la modernisation des hôpitaux universitaires affiliés à l’Université McGill, soit le Centre universitaire de santé McGill (CUSM), de même que le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine (CHU Sainte-Justine).

 

[33]        Le Projet-cadre a pour but la construction à Montréal d’hôpitaux universitaires à la fine pointe de la technologie, intégrant des centres de recherche en médecine pour le CHUM et pour le CUSM.

 

[34]        Le 29 octobre 2003, le Gouvernement met sur pied une commission d’analyse des projets d’implantation du CHUM et du CUSM (Commission d’analyse). La Commission a notamment pour mandat de vérifier les besoins en matière de santé de la population, le caractère opportun de la construction de nouvelles installations hospitalières et, le cas échéant, de suggérer des voies qui permettraient de les réaliser. À l’époque, selon le décret autorisant la Commission d’analyse[16], l’enveloppe budgétaire totale pour chacun des projets de construction était d’un (1) milliard $. Vu les coûts importants impliqués, la Commission d’analyse recommande notamment de mettre en place un bureau gouvernemental particulier qui a pour but de chapeauter les projets de construction des centres hospitaliers impliqués en particulier en ce qui a trait au respect des budgets accordés et des échéanciers de réalisation. Nous y reviendrons.

 

C) La création de l’Agence des partenariats public-privé du Québec

 

[35]        En juin 2004, Mme Monique Jérôme-Forget, présidente du Conseil du trésor et ministre responsable de l’administration gouvernementale au Gouvernement, autorise l’émission d’une « Politique-cadre sur les partenariats public-privé »[17]. Le Gouvernement annonce ainsi son intention de favoriser à l’avenir l’utilisation du mode PPP dans la réalisation de projets publics. La politique-cadre prévoit notamment[18] :

 

« Dans un souci de répondre aux besoins des citoyens et de fournir des services de qualité et au meilleur coût, le Gouvernement du Québec encourage le recours au partenariat public-privé (PPP) lorsqu’il est démontré que ce mode de prestation offre une meilleure valeur ajoutée pour les fonds publics investis. »

 

[36]        Le 17 décembre 2004, la Loi sur l’Agence des partenariats public-privé du Québec est adoptée[19] instituant l’Agence des partenariats public-privé (APPPQ). Le 18 avril 2005, la Loi sur l’Agence des partenariats public-privé du Québec[20] entre en vigueur[21].

 

[37]        Le Gouvernement se dote ainsi d’un organisme spécialisé chargé de superviser le processus d’octroi des contrats PPP, de fournir de l’information sur les contrats PPP, d’évaluer les projets susceptibles d’être réalisés suivant ce mode et enfin de le conseiller à cet égard[22].

 

D) La création du Bureau du Directeur exécutif au ministère de la Santé et des Services sociaux

 

[38]        Le 15 juin 2005, conformément à la recommandation de la Commission d’analyse, le Gouvernement établit par décret le Bureau du directeur exécutif (DE)[23]. Le DE est chargé d’assurer le respect des échéanciers et des budgets convenus du Projet-cadre[24]. En particulier, le DE veille sur les coûts des projets de modernisation du CHUM, du CUSM et du CHU Sainte-Justine[25]. Monsieur Clermont Gignac, ingénieur, est nommé au poste de Directeur exécutif[26]. Selon le Décret, le DE relève directement de l’autorité du ministre de la Santé[27]. Entre 15 et 20 employés du Gouvernement y sont affectés. Le DE n’est pas une personne morale distincte. Il fait partie du Gouvernement et constitue une division administrative au sein du ministère de la Santé et des Services sociaux (ministère de la Santé)[28].

 

[39]        M. Gignac est administrateur. Il a une grande expérience à la fois dans l’administration publique et dans le secteur privé, d’où il est nommé[29]. Il a peu ou pas d’expérience dans la construction d’immeubles, et en particulier, n’a aucune expérience dans la construction d’un hôpital; il n’a pas non plus d’expérience dans les PPP.

 

[40]        M. Gignac a constitué, au sein du DE, un Comité aviseur de sept personnes ayant diverses expériences, principalement dans la réalisation de projets d’envergure. Une des personnes retenues pour faire partie de ce Comité aviseur est Pierre Lortie, ancien dirigeant de Bombardier Aéronautique, qui a de l’expérience dans les contrats PPP[30]. Ce Comité aviseur a été très actif, surtout de décembre 2005 à décembre 2006[31]. Nous verrons plus tard que le Gouvernement nommera M. Lortie comme responsable au sein de l’APPPQ pour piloter le projet du Nouveau CHUM[32].

 

[41]        Le 5 avril 2006, par Décret[33], le Gouvernement confie à l’APPPQ le mandat d’initier le processus de partenariat public-privé pour la grande majorité (5/6) des composantes projetées à construire pour le Nouveau CHUM. Le Gouvernement y annonce aussi qu’il « entend privilégier l’approche partenariat public-privé, tel que prévu dans la politique-cadre sur les partenariats public-privé ». Il s’agit de procéder à une analyse comparative des avantages et des désavantages de réaliser le projet soit par le mode conventionnel, soit par le mode PPP. Si la décision est de procéder en mode PPP, il s’agira d’une première au Québec. À ce moment, aucun hôpital au Québec n’a été construit selon ce mode de réalisation.

 

E) L’Entente-cadre de gouvernance du Nouveau CHUM

 

[42]        Ainsi, trois (3) participants sont impliqués dans la réalisation du Nouveau CHUM : le CHUM, le bureau du DE (qui représente le Gouvernement) et l’APPPQ (qui est un organisme du Gouvernement).

 

[43]        Pour mener à bien le projet du Nouveau CHUM et pour coordonner entre eux leurs interventions, M. Gignac prépare avec le CHUM et l’APPPQ, sur une période de plusieurs mois, un document intitulé « Entente-cadre de gouvernance » qui intervient entre le CHUM, le DE et l’APPPQ (Entente-cadre)[34]. Le document porte la date du 31 mai 2006 et est signé par les représentants du CHUM et du DE à cette date. Le 5 juin 2006, le document est signé par le représentant de l’APPPQ.

 

[44]        L’Entente-cadre de gouvernance prévoit notamment que le CHUM, à titre de propriétaire du nouvel établissement de santé, assume la maîtrise d’œuvre de son projet de modernisation et engage ses professionnels[35]. Le DE, quant à lui, a notamment l’autorité d’approuver les coûts impliqués du projet et d’approuver les changements ayant un impact sur le budget[36]. L’APPPQ, quant à elle, dirige notamment le processus de préparation du dossier d’affaires[37] et joue un rôle de « leadership » dans l’application de la formule PPP, si celle-ci est retenue[38]. L’Entente-cadre est un document privé conclu entre les parties signataires.

 

[45]        L’Entente-cadre prévoit notamment[39] :

 

5. L’APPPQ détermine le modèle optimal de PPP, du partage optimal des responsabilités et de l’allocation de risques entre les secteurs public et privé, en collaboration avec le CHUM et le D.E.

 

[46]        Le 30 mai 2006, le Gouvernement autorise le CHUM, conjointement avec le DE, à procéder au choix de ses fournisseurs de services professionnels, tels les architectes et les ingénieurs[40]. Le choix à cet égard est toutefois sujet à l’approbation du ministre de la Santé[41].

 

II. Appels de candidatures du CHUM pour les équipes maîtres des services professionnels d’architecture et de génie mécanique et électrique et entrée en vigueur des conventions de services

 

A) Documents d’appel de candidatures

 

1. Réglementation contractuelle des deux modes de réalisation prévus : mode conventionnel et mode PPP

 

[47]        Avant de lancer les appels de candidatures pour les équipes maîtres de professionnels pour le Nouveau CHUM, ni le CHUM ni le Gouvernement n’avaient décidé du mode de réalisation du projet. Néanmoins, le CHUM et le Gouvernement voulaient faire avancer le projet. M. Gignac a témoigné qu’il y avait de la « pression politique » pour le faire avancer[42].

 

[48]        Ainsi, les documents d’appel de candidatures (et plus tard, les conventions de services) se caractérisent par leur teneur originale. Ils prévoient les règles et les modalités applicables aux conventions de services à intervenir suivant les deux modes de réalisation envisagés, soit le mode conventionnel et le mode PPP.

 

[49]        Compte tenu du caractère hautement technique et complexe du centre hospitalier à construire, du coût énorme impliqué en milliards de dollars, et du fait qu’aucun hôpital au Québec n’avait encore fait l’objet d’une réalisation en mode PPP, cette approche peut surprendre.

 

[50]        L’autorisation du lancement des appels pour procéder aux sélections des équipes maîtres est néanmoins accordée. M. Gignac précise qu’il se réservait alors une certaine latitude en raison du fait qu’il était précisé et convenu avec le CHUM que tout choix à cet égard était sujet à son approbation.

 

[51]        Chaque appel de candidatures comprend environ 258 pages[43]. Chacun est divisé en six (6) parties portant les titres suivants :

 

            1. Appel de candidatures;

 

            2. Instructions à respecter pour la présentation de la candidature;

 

            3. Conditions générales;

 

            4. Formulaire d’appel de candidatures;

 

            5. Grille d’évaluation; et

 

            6. Mandat - Équipe maître d’architecture ou de génie mécanique et électrique.

 

[52]        Chaque appel de candidatures comprend quatre (4) annexes.

 

[53]        Le 8 juin 2006, les appels de candidatures sont lancés. La date d’échéance pour la remise des candidatures est fixée au 7 juillet 2006[44]. Ce délai sera prolongé au 13 juillet 2006[45].

 

2. Rédaction des appels de candidatures

 

[54]        Aucun représentant du CHUM n’a témoigné devant le Tribunal[46]. Sylvain Villiard, avocat, et Directeur adjoint du CHUM à l’époque, a été interrogé hors Cour le 13 novembre 2013 et la transcription de son interrogatoire a été déposée au dossier de la Cour[47].

 

[55]        Le Tribunal a exprimé à l’avocat principal du CHUM, Me Philippe Tremblay, qu’il était surprenant que, dans une poursuite pour 80$M contre le CHUM, il n’y aurait aucun représentant du CHUM qui témoignerait devant le Tribunal. La réponse reçue a été que les avocats du CHUM avaient décidé que cela ne serait pas nécessaire. Par ailleurs, M. Villiard était à l’extérieur du pays pour une durée prolongée. Aucune demande de témoignage par visioconférence n’a été présentée. Il n’a pas été expliqué pourquoi un autre représentant du CHUM n’a pas pu témoigner.

 

[56]        Dans son interrogatoire hors Cour, M. Villiard a confirmé sa participation personnelle, de même que celle de son équipe, y compris les avocats externes du CHUM, dans l’élaboration et la rédaction des documents d’appel. Il a également confirmé la participation des représentants du DE et de l’APPPQ dans l’élaboration et la rédaction de ces documents[48].

 

[57]        Lorsqu’interrogé sur la question, M. Gignac s’est référé également à la participation de la Corporation d’hébergement du Québec (CHQ). Il ne voulait pas attribuer la « paternité » des documents d’appel à une autorité administrative, à une personne ou à un professionnel en particulier[49].

 

[58]        M. Gignac affirme que le Comité aviseur du DE était également impliqué dans la préparation et la rédaction des appels de candidatures pour les équipes maîtres[50]. Il se réfère à certaines personnes de son équipe qui avaient une expérience et même une expertise en PPP, soit Me Jacques Ulysse, et au Comité aviseur, monsieur Pierre Lortie[51].

 

[59]        Lors de son interrogatoire hors Cour, M. Villiard du CHUM a confirmé que, au moment de la rédaction des documents d’appel, il s’est posé un « grand questionnement ». Les différents participants à la rédaction des documents d’appel ne s’entendaient pas quant à l’étendue des mandats à confier aux équipes maîtres quant à la conception générale du projet et à la préparation des plans et devis préliminaires. M. Villiard s’est exprimé comme suit[52] :

 

 

Me GUY GILAIN :

Q.

O.K. Est-ce que votre compréhension - vous avez participé, c’est votre équipe qui a fait ces contrats-là - est-ce que votre compréhension est qu’au stade de la planification du projet, les plans et devis préliminaires devaient être préparés par BPYA et BPTH?

R.

Au stade de la planification?

Q.

Oui.

R.

Écoutez, ma réponse va être la suivante. Au stade de la planification, quand on donne le contrat, on sait qu’il y en a une partie que le gouvernement privilégie en PPP. Cette préférence-là en PPP demande principalement un devis de performance.

Et la question qui se pose à l’époque, quand on signe ce contrat-là, c’est : qu’est-ce que ça prend pour faire un bon devis de performance? Et certains présentent, c’est des esquisses.

D’autres... il y a différentes théories là-dessus. Certains disent que ça ne prend absolument pas de plans et devis préliminaires. Ça prend juste un devis de performance. Alors donc quand on l’écrit, on signe le contrat. Ce qu’on sait à l’époque, c’est qu’en PPP, ça va prendre un devis de performance.

La question c’est : il y a deux théories là-dessus. Est-ce qu’on doit faire des plans et devis préliminaires pour avoir un bon devis de performance ou ça ne nécessite pas ces plans et devis préliminaires?

Q.

O.K.

R.

Après ça je vous dis, le contrat il est là, mais je vous dis : à l’époque, compte tenu de la situation, il y a un grand questionnement.

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

[60]        Malgré l’existence de ce « grand questionnement » et à défaut de consensus, le CHUM décide néanmoins de confirmer dans les documents d’appel que des mandats étendus seront confiés aux équipes maîtres pour préparer la conception générale du projet et les plans et devis préliminaires. Entre-temps, il est convenu entre le CHUM, le DE et l’APPPQ que la question fera l’objet de discussions ultérieures. À cet égard, comme nous l’avons vu, l’Entente-cadre entre le CHUM, le DE et l’APPPQ, signée avant le lancement des appels, se réfère à cette question au point 5[53]. Il est donc convenu que la question sera tranchée à un moment ultérieur indéterminé.

 

3. Mandats des professionnels, architectes et ingénieurs, par rapport à la conception générale du projet, à l’élaboration du budget et au contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux

 

[61]        M. Gignac et sa division administrative, le DE, avaient notamment pour mandat de gérer de près les budgets de construction pour empêcher des dépassements de coûts et le respect des échéanciers. Ces préoccupations découlaient principalement de l’envergure, des coûts impliqués et du caractère complexe des projets en jeu. Il s’agissait de projets de construction qui se présentent une fois par génération.

 

[62]        Selon son témoignage, fort de son expérience dans le secteur privé, notamment lorsqu’il était gestionnaire à la société Bombardier[54], afin de contrôler les coûts, d’empêcher des dépassements et d’assurer le respect des échéanciers, M. Gignac voulait que les professionnels des équipes maîtres soient mandatés, en plus d’élaborer dans tous les cas le concept général du projet de construction et de préparer les plans et devis préliminaires, de contrôler les coûts, les échéanciers, la qualité et le contenu des travaux, et ce, après avoir participé à l’élaboration du budget établi.

 

[63]        Comme incitatif au respect de ce mandat, les documents d’appel ont prévu que les professionnels des équipes maîtres étaient imputables, pour leurs spécialités respectives, d’un dépassement du montant ventilé du budget convenu, et ce, jusqu’à 25 % de leurs honoraires respectifs pour l’ensemble du projet.

 

[64]        Si le dépassement de coûts se situait entre 0 % et 10 % du montant ventilé du budget convenu, correspondant à la spécialité de l’équipe maître, cette dernière devait assumer 5 % du dépassement par la réduction de ses honoraires professionnels. Si le dépassement de coûts était supérieur à 10 %, la réduction des honoraires de l’équipe maître concernée était plafonnée à un maximum de 10 % du dépassement constaté[55]. Nous y reviendrons.

 

[65]        Cette responsabilité des dépassements potentiels des coûts a été remarquée par BPYA (Gilles Maillé) et BPTH (Pierre Hébert)[56]. Pierre Hébert a témoigné qu’il a dû faire des vérifications avec ses assureurs professionnels pour obtenir leur approbation avant de présenter une soumission[57].

 

[66]        Selon la formule intégrée dans les documents d’appel, après avoir défini de manière précise le concept et le contenu du projet, les architectes et les ingénieurs des équipes maîtres participent à l’élaboration d’un budget; par la suite, ils se voient confier le mandat et la responsabilité de s’assurer, tout au long de la réalisation du projet, que les délais de réalisation soient respectés et que les travaux effectués respectent les coûts prévus et soient conformes au concept élaboré et au contenu précis prévus aux plans et dessins applicables.

 

4. Clauses réglementant le mandat pour élaborer le concept général du projet et pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux

 

[67]        L’étendue des mandats des professionnels quant à l’élaboration du « concept de l’ensemble du projet » est formulée ainsi[58] :

 

3.1 CONCEPT

 

Mettre à jour et finaliser le concept de l’ensemble du projet dans son secteur d’activité selon les paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier établis, en assurant la coordination et l’intégration de l’ensemble des données des spécialités connexes.

 

Le concept doit obtenir l’approbation du CHUM et du Directeur exécutif.

 

Le concept doit exprimer et intégrer, conformément aux données du PFT et aux paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier convenus, les décisions relatives à la structure, à l’intégration et l’implantation du bâtiment, au traitement urbain et architectural, au choix et à l’intégration des matériaux, des réseaux. et systèmes électromécaniques, des équipements, y incluant les systèmes informatiques et de transmission de l’information, le mobilier et les équipements médicaux spécialisés, au fonctionnement et à l’opération du (des) bâtiment(s) et comprendre notamment, en plus des activités et des livrables nécessaires :

 

ü  La mise à jour et l’intégration des analyses, des études et des données techniques relatives à l’organisation des activités et des services.

 

ü  La mise à jour et l’intégration des analyses, des études et des données techniques relatives aux bâtiments existants.

 

ü  La mise à jour et l’intégration des analyses, des études et des données techniques relatives à l’intégration et l’implantation du (des) bâtiment(s), comme les études d’ensoleillement, les études de vents, les études de circulation, etc.

 

ü  La mise à jour et l’intégration des analyses, des études et des données techniques relatives à l’urbanisme, à la circulation urbaine, au patrimoine architectural et urbain, aux aménagements extérieurs, au transport vertical (intérieur), aux équipements médicaux, aux systèmes informatiques et technologies de l’information, du mobilier, etc.

 

ü  La mise à jour et l’intégration des analyses, des études et des données techniques relatives aux services alimentaires, à la buanderie, au stationnement, etc. si requis.

 

ü  La mise à jour et l’intégration de toute autre analyse, étude et donnée technique nécessaire.

 

Le contenu et la forme des documents à être préparés par les équipes maîtres doivent être conformes aux exigences de l’annexe 1 Exigences relatives à la production des documents.

 

3.2 PLANS DE GESTION ET DE SUIVI

 

Supporter et conseiller au besoin, dans son secteur d’activité, l’Équipe maître de gestion de projets dans la planification, la coordination et la réalisation des stratégies, des méthodes, des moyens, des processus et des outils nécessaires à la réalisation de l’ensemble du projet.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[68]        Ainsi, les documents d’appel de candidatures précisent que les professionnels engagés auront le mandat d’élaborer le concept de l’ensemble du projet, y compris les documents requis suivant les exigences prévues.

 

[69]        Par rapport à la participation des équipes maîtres à l’élaboration du budget à convenir, les documents d’appel prévoient notamment[59] :

 

8.3 Responsabilité du suivi et imputabilité

 

1. Après détermination du Budget convenu, l’Équipe maître de gestion de projets, avec la collaboration des équipes maîtres d’architecture et de génie, produira une analyse mensuelle de l’évolution des coûts et, le cas échéant, des mesures de redressement appropriées, lesquelles pourront inclure la modification ou reprise des plans et devis de la part des équipes maîtres d’architecture et de génie dans leur spécialité respective, le tout devant être effectué sans rémunération additionnelle de quelque nature que ce soit.

 

2. Quelque [sic] soit le mode de réalisation retenu (PPP ou conventionnel/forfaitaire)[60], l’Équipe maître de gestion de projets et les équipes maîtres d’architecture et de génie (chacune pour leur spécialité) sont responsables de l’atteinte des quatre objectifs suivants:

 

-       respect du programme fonctionnel et technique (PFT) ;

-       qualité du produit ;

-       budget convenu ; et

-       échéancier.

 

[…]

 

-       Pour tout dépassement supérieur à 10 % du Budget convenu, l’Équipe maître de gestion de projets assumera 10 % du dépassement.

 

4. Les équipes maîtres d’architecture et de génie devront, par ailleurs, assumer chacune pour leur spécialité respective, tout dépassement du montant ventilé du Budget convenu correspondant à leur spécialité, et ce, jusqu’à concurrence d’un montant représentant 25 % de leurs honoraires respectifs facturables pour l’ensemble du projet :

 

-       Pour la première tranche de dépassement de 0 % à 10 % du montant ventilé du Budget convenu, correspondant à leur spécialité, elles assumeront 5 % du dépassement;

 

-       Pour tout dépassement supérieur à 10 % du montant ventilé du Budget convenu, correspondant à leur spécialité, elles assumeront 10 % du dépassement.

 

Les pénalités pourront être retranchées sur les honoraires des équipes maîtres autrement payables par l’exercice de la compensation.

 

La présente disposition ne prive nullement le CHUM de son droit d’exercer à l’encontre des équipes maîtres tout autre recours juridique découlant notamment des fautes, erreurs ou omissions en relation avec l’exécution de l’une ou l’autre des obligations prévues au document contractuel.

 

Partie I [Mandat][61]

 

         Le fournisseur regroupant les services maîtres de gestion de projets, soit l’Équipe maître de gestion de projets, sera responsable et imputable du respect des paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier établis pour la réalisation de l’ensemble du projet.

 

         À cette fin, l’Équipe maître de gestion de projets sera chargée d’administrer les contrats des Équipes maîtres d’architecture, de génie mécanique et électrique et d’ingénieurs en structure et génie civil sélectionnées dans le cadre de l’appel de candidatures, après négociation et conclusion de ces contrats par le CHUM.

 

         De ce fait, l’Équipe maître de gestion de projets demeure responsable et imputable de la gestion, de la coordination et des résultats de l’ensemble des fournisseurs de biens et services qui seront nécessaires selon les modes de gestion et de réalisation prévus à la Description sommaire du projet telle que présentée à la partie II.

 

         Toutefois par voie de conséquence, les équipes maîtres d’architecture et de génie seront aussi responsables et imputables de l’atteinte des quatre (4) grands objectifs de contenu, qualité, coûts, échéancier pour leur spécialité respective.

 

Selon le mode de gestion et de réalisation choisi, les autres fournisseurs de biens et services qui seront requis pour assurer la réalisation complète et entière de l’ensemble du projet, soit les gérants de construction, les entrepreneurs, les sous-traitants et tout autre fournisseur de biens et services, seront sélectionnés suite à des appels d’offres publics selon les règles et exigences gouvernementales en vigueur.

 

Plus spécifiquement, les équipes maîtres d’architecture et de génie devront exécuter pour leur spécialité toutes les activités requises et fournir le support à l’Équipe maître  de gestion de projets pour les quatre (4) phases suivantes :

 

ü Le Démarrage du projet, lequel a principalement pour objectif d’établir et de convenir, à partir des données disponibles du projet à ce jour, dont le programme fonctionnel et technique détaillé (PFT) et le concept volumétrique proposés par l’établissement, des paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier pour la réalisation de l’ensemble du projet.

 

Pour chacun de ces paramètres, on entend :

-     contenu (la portée des travaux nécessaires à la livraison complète et entière de l’ensemble du projet);

-     qualité (les caractéristiques fonctionnelles et techniques nécessaires pour assurer le fonctionnement et l’opération de chacun des usages prévus);

-     coûts (Budget convenu approuvé par le ministre);

-     échéancier (les dates de livraison des différentes phases du projet).

 

ü La Planification du projet, laquelle a principalement pour objectif de mettre à jour et finaliser le concept d’ensemble du projet de façon à rencontrer les paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier établis et convenus, incluant la préparation des plans et devis préliminaires et/ou devis de performance requis, et de planifier, coordonner, concevoir, développer et mettre en œuvre les stratégies, les méthodes, les moyens, les processus et les outils de façon à superviser le travail de tous les fournisseurs de biens et services.

 

ü La Réalisation du projet, laquelle a principalement pour objectif de produire des documents d’appel d’offres (plans et devis définitifs) des composantes identifiées à la Description sommaire du projet telle que présentée à la partie II et d’assurer le suivi de la réalisation et de la construction de l’ensemble du projet et sa conformité avec les paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier établis et convenus.

 

ü La Clôture du projet, laquelle a principalement pour objectif d’assurer, pour et au nom du CHUM, la fermeture de tous les contrats.

 

[70]        Les documents d’appel, que le mode de réalisation retenu soit conventionnel ou PPP, confèrent aux équipes maîtres les mandats d’assurer le contrôle (avec l’équipe maître de gestion de projets) et la mise en œuvre du projet, en amont et en aval, y compris la conception de l’ensemble du projet, l’établissement du budget et la réalisation des travaux, et ce, jusqu’à la clôture du projet;

 

[71]        Les conventions de services initiales intervenues entre le CHUM et les consortiums BPYA et BPTH confirment l’importance capitale de ces mandats. La responsabilité à cet égard est déclarée être une « obligation de résultat » et les objectifs sont qualifiés de « facteurs essentiels et l’essence même du contrat »[62] :

 

Portée des services

 

La prestation des services de l’Équipe maître d’architecture[63] pour le Projet est celle plus amplement décrite à la partie III de l’Annexe A intitulée : Mandat - Équipe maître d’architecture.

 

L’équipe maître d’architecture sera responsable et imputable du respect des quatre (4) objectifs suivants :

 

-       le respect du programme fonctionnel et technique (PFT);

-       le respect du contenu et de la qualité du produit;

-       le respect du Budget convenu;

-       le respect de l’échéancier.

 

Cette responsabilité constitue une obligation de résultat et les quatre objectifs constituent des facteurs essentiels et l’essence même du présent Contrat.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]


 

[72]        Au cours de la période des appels de candidatures, il a été confirmé par le CHUM que les mandats des équipes maîtres, dans tous les cas, comprenaient le mandat de produire « les plans et devis préliminaires et tous les documents requis pour estimer les coûts »[64]. Au cours de cette période, un changement de texte aux documents d’appel par addenda précise en effet que les équipes maîtres ont le mandat pour préparer et produire, dans tous les cas, les plans et devis préliminaires. Une première version d’une clause dans les documents d’appel prévoyait que le mandat comprenne la responsabilité[65] :

 

ü          de produire les plans et devis préliminaires et/ou devis de performance (pour mode PPP) et tous les documents requis pour estimer les coûts.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[73]        Dans la version révisée et finale, ce texte a été modifié afin de prévoir que ce mandat comprenne la responsabilité[66] :

 

ü          de produire les plans et devis préliminaires et tous les documents requis pour estimer les coûts.

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

5. Mandats pour l’élaboration du concept général du projet et la préparation des plans et devis préliminaires, quel que soit le mode de réalisation retenu

 

[74]        Les documents d’appel de candidatures présentent les mandats pour la conception générale du projet et la préparation des plans et devis préliminaires comme suit :

 

Partie II [Mandat]

 

[…]

 

2.    MANDAT DES PROFESSIONNELS POUR LE CHUM (ARCHITECTES ET INGÉNIEURS)

 

Phase I

 

Les professionnels se verront confier le mandat de préparer le concept (1) et le dossier préliminaire (2) pour toutes les phases du projet.


 

Phase II

 

Selon le mode de réalisation retenu, les professionnels se verront confier :

 

·            les plans et devis définitifs et la surveillance des travaux suivant un mode de réalisation conventionnel;

 

ou

 

·            le devis de performance et le suivi des travaux suivant un mode de réalisation PPP;[67]

 

[…]

 

4.    MODES DE RÉALISATION

 

À l’exception de l’immeuble Vidéotron, qui sera réalisé en mode conventionnel, les autres composantes feront l’objet d’un dossier d’affaires afin de déterminer si leur réalisation sera effectuée en mode PPP ou conventionnel/forfaitaire.

 

Quel que soit le mode de réalisation choisi (conventionnel/forfaitaire ou PPP), les équipes maîtres d’architecture et de génie se verront confier le concept et la préparation du dossier et des plans et devis préliminaires pour toutes les phases composantes du projet.

 

Par mode de réalisation conventionnel/forfaitaire, on entend le mode suivant lequel les équipes maîtres d’architecture et de génie prépareront des plans et devis définitifs dans chacune de leur spécialité avant de procéder à un appel d’offres global auprès d’une entreprise de construction qui fournira un prix global forfaitaire. Suivant ce mode de réalisation, les équipes maîtres d’architecture et de génie se verront aussi confier la surveillance des travaux.

 

Par mode de réalisation PPP, on entend le mode suivant lequel l’organisme public s’associera à une entreprise du secteur privé pour la conception et la réalisation du projet. Suivant ce mode de réalisation, les équipes maîtres d’architecture et de génie se verront confier la préparation de devis de performance et le suivi des travaux pour et au nom de l’établissement, alors que l’entreprise du secteur privé retiendra ses propres ingénieurs et architectes pour la préparation des plans et devis définitifs et la surveillance des travaux.[68]

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]


 

[75]        Une réponse du CHUM au cours des appels de candidatures confirme que le « Budget convenu » ne pourrait être décidé qu’une fois complétée la phase de la planification du projet (Phase 2). Voici l’échange relatif au commentaire formulé et la réponse fournie par le CHUM à ce moment[69] :

 

Commentaire :

 

« Recommandation d’enlever la pénalité, mais d’en imposer une après la phase de planification du projet. »

 

Réponse :

 

« C’est ce que prévoient déjà les documents d’appel de candidatures. En effet, tel qu’indiqué à l’Étape 4 de l’article 8 des Conditions générales des Appels de candidatures de l’ensemble des équipes maîtres, l’approbation préalable du Ministre sur le Budget convenu est requise avant que le Ministre n’approuve la préparation des plans et devis définitifs ou des devis de performance. L’Étape 3 précise quant à elle au même article, le processus menant à la préparation du Budget convenu. Le Mandat des différentes équipes maîtres définit à l’article 3 de la partie III, les objectifs de la Phase 2 : Planification du projet comme incluant la production de plans et devis préliminaires ainsi que de tous les documents requis pour estimer les coûts, lesquels constituent un des quatre paramètres servant à définir le Budget convenu à être respecté par les équipes maîtres.

 

Ceci confirme donc que le Budget convenu qui servira au calcul de la pénalité (ou de la bonification) est établi une fois complétée la phase planification du projet. »

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

[76]        Ainsi, il a été confirmé que les mandats pour élaborer le concept général du projet et pour préparer les plans et devis préliminaires sont confiés aux équipes maîtres du projet, indépendamment du mode de réalisation (conventionnel ou PPP) qui serait éventuellement sélectionné.

 

6. Durée du projet

 

[77]        Au cours du processus des appels de candidatures, le CHUM a confirmé la durée prévue pour la réalisation du projet du Nouveau CHUM, soit cinq (5) ans[70] :

 

6.   Quels sont les échéanciers établis à ce       jour pour les projets?

 

6.   Les établissements envisagent de réaliser       ces projets sur une période de l’ordre de       60 mois.

 

[78]        M. Gignac a témoigné qu’il n’a jamais cru au délai de réalisation de 5 ans et qu’il n’était pas au courant de cette réponse fournie[71]. Pourtant, le projet du Nouveau CHUM a été baptisé, dès le début, le « CHUM 2010 ». Pour M. Gignac, « ce n’était pas sérieux » et « ce n’était qu’un slogan »[72]. Cette information n’a pas été communiquée aux soumissionnaires, au public ou encore aux équipes maîtres sélectionnées.

 

[79]        Les représentants de BPYA et de BPTH y ont cru et ont considéré cet aspect dans les offres de services formulées[73]. Venant d’une autorité officielle - cette réponse fait partie des documents d’appel - BPYA et BPTH avaient toutes les raisons d’y prêter foi et crédibilité. D’autres dirigeants du projet du Nouveau CHUM l’ont également cru. Les membres de l’équipe maître de gestion utilisaient l’expression « CHUM 2010 » dans leurs échanges pour désigner ce projet de construction[74].

 

7. Niveau avancé requis des plans et devis préliminaires exigés

 

[80]        Les appels de candidatures précisent, à l’Annexe 1, que les équipes maîtres doivent fournir une estimation détaillée des coûts, de même que des plans et devis préliminaires répondant aux normes Uniformat II Niveau 4 et Niveau 4 détaillé[75].

 

[81]        Dans leurs témoignages, Gilles Maillé de BPYA et Pierre Hébert de BPTH confirment le niveau de détail élevé des plans suivant cette norme[76].

 

[82]        Lors de son interrogatoire au préalable, Sylvain Villiard, directeur adjoint du CHUM, a expliqué que l’intention du CHUM à ce moment était que les professionnels des équipes maîtres fassent la conception du projet à un niveau suffisamment détaillé et précis pour pouvoir déterminer le budget convenu à l’égard duquel ils allaient être tenus responsables[77].

 

[83]        Clermont Gignac a témoigné au même effet[78] :

 

« On allait avec des plans et devis préliminaires, c’est pour ça qu’on dit fait des plans et devis, on vous donne ce moyen-là pour nous arriver avec un Budget convenu, qu’on va discuter. »

 

 

[84]        L’article 8 des Conditions générales des appels de candidatures prévoit spécifiquement que le budget convenu restera applicable advenant le choix du mode de réalisation PPP :

 

« Le Budget convenu sera applicable, quel que soit le mode de réalisation du Projet, PPP ou conventionnel. »[79]

 

8. Tableaux d’appréciation des heures requises

 

[85]        Les documents d’appel de candidatures comprennent des tableaux formulaires élaborés sur mesure par le CHUM pour demander l’appréciation des heures estimées requises par chaque équipe maître pour fournir les services requis pour les quatre phases du mandat prévues pour réaliser le Nouveau CHUM[80]. Le texte de chaque tableau précise que l’équipe maître proposante : « doit fournir une estimation des heures requises […] en suivant le bordereau fourni ci-après »[81].

 

[86]        Chaque tableau précise que le projet de construction du Nouveau CHUM comprend six composantes et indique les noms des édifices ou des sites désignés.

 

[87]        Un mode spécifique de réalisation (PPP ou conventionnel) est indiqué pour chacune des six composantes à construire du projet du Nouveau CHUM.

 

[88]        Le mode de réalisation indiqué au formulaire pour l’édifice Vidéotron est le mode conventionnel. Pour les cinq autres composantes, le mode de réalisation était à déterminer suivant la conclusion d’un dossier d’affaires. Néanmoins, le formulaire demande aux équipes maîtres de soumettre leurs évaluations d’heures en prenant pour acquis que le mode de réalisation qui sera retenu est le PPP.

 

[89]        Les coûts prévus par le CHUM pour la réalisation des travaux de chaque composante sont mentionnés aux tableaux.

 

[90]        Selon M. Villiard du CHUM, ces chiffres proviennent des estimés faits lors d’une analyse antérieure[82]. Le coût de construction total estimé est de 848 $ millions, avant taxes.


 

[91]        Ces informations peuvent être résumées ainsi :

 

1.

Coopérant (PPP)

125 M$

2.

Vidéotron (Mode conventionnel)

15 M$

3.

Unité de soins (PPP)

475 M$

4.

Saint-Luc (PPP)

52 M$

5.

Stationnements (PPP)

68 M$

6.

Édouard-Asselin (PPP)

113 M$

 

Total :

848 M$

 

[92]        Il est utile de reproduire ici ces deux tableaux qui devaient être complétés par les soumissionnaires aux appels de candidatures :

 

BPYA[83] :

 

APPRÉCIATION DES HEURES REQUISES « Architecture »

 

 

 

 

Appréciation des heures requises

Dans le but d’évaluer leur compréhension du mandat, les proposants doivent compléter le bordereau suivant donnant l’estimation des heures qu’ils considèrent requises pour compléter le mandat demandé

 

# 1

# 2

# 3

# 3

# 5

# 4

PHASE DU PROJET

Coopérant

Vidéotron

Unité de soins

Ambulatoire et plateau technique et enseignement

Saint-Luc

Stationnements

Édouard-Asselin

Construction et rénovation Secteurs administratifs et recherche

 

PPP

125 M$

Conv.

15 M$

PPP

475 M$

PPP

52 M$

PPP

68 M$

PPP

113 M$

1. DÉMARRAGE DU PROJET

 

 

 

 

 

 

     1.1   Évaluation des données

 

 

 

 

 

 

     1.2   Définition des paramètres du             projet

 

 

 

 

 

 

     1.3   Programme fonctionnel et             technique

 

 

 

 

 

 

Sous total :

 

 

 

 

 

 

2. PLANIFICATION DU PROJET

 

 

 

 

 

 

     2.1   Concept incluant la production             des plans, schémas requis             pour la présentation des             concepts

 

 

 

 

 

 

     2.2   Plans de gestion et de suivi

 

 

 

 

 

 

Sous total :

 

 

 

 

 

 

3. RÉALISATION DU PROJET

 

 

 

 

 

 

     3.1   Production des documents             d’appel d’offres (plans, devis et             autres documents)

 

 

 

 

 

 

     3.2   Respect et suivi de la      conformité

 

 

 

 

 

 

Sous total :

 

 

 

 

 

 

4. CLÔTURE DU PROJET

 

 

 

 

 

 

TOTAL:

 

 

 

 

 

 

 

GRAND TOTAL :

 

 

 

 

 

 

 


BPTH[84] :

 

APPRÉCIATION DES HEURES REQUISES « Ingénierie »

 

 

 

 

Appréciation des heures requises

Dans le but d’évaluer leur compréhension du mandat, les proposants doivent compléter le bordereau suivant donnant l’estimation des heures qu’ils considèrent requises pour compléter le mandat demandé

 

# 1

# 2

# 3

# 3

# 5

# 4

PHASE DU PROJET

Coopérant

Vidéotron

Unité de soins

Ambulatoire et plateau technique et enseignement

Saint-Luc

Stationnements

Édouard-Asselin

Construction et rénovation Secteurs administratifs et recherche

 

PPP

125 M$

Conv.

15 M$

PPP

475 M$

PPP

52 M$

PPP

68 M$

PPP

113 M$

1. DÉMARRAGE DU PROJET

 

 

 

 

 

 

     1.1   Évaluation des données

 

 

 

 

 

 

     1.2   Définition des paramètres du projet

 

 

 

 

 

 

     1.3   Programme fonctionnel et technique

 

 

 

 

 

 

Sous total :

 

 

 

 

 

 

2. PLANIFICATION DU PROJET

 

 

 

 

 

 

     2.1   Concept incluant la production des                   plans, schémas requis pour la                   présentation des concepts

 

 

 

 

 

 

     2.2   Plans de gestion et de suivi

 

 

 

 

 

 

Sous total :

 

 

 

 

 

 

3. RÉALISATION DU PROJET

 

 

 

 

 

 

     3.1   Production des documents d’appel                                     d’offres (plans, devis et autres                   documents)

 

 

 

 

 

 

     3.2   Respect et suivi de la conformité

 

 

 

 

 

 

Sous total :

 

 

 

 

 

 

4. CLÔTURE DU PROJET

 

 

 

 

 

 

TOTAL:

 

 

 

 

 

 

 

GRAND TOTAL :

 

 

 

 

 

 

 

[93]        Dans le cadre de leurs soumissions d’offres de services, BPYA et BPTH ont fourni ces tableaux, dûment complétés, en y inscrivant les heures estimées demandées pour réaliser le travail indiqué[85] :

 

BPYA :

 

APPRÉCIATION DES HEURES REQUISES « Architecture »

 

 

 

 

Appréciation des heures requises

Dans le but d’évaluer leur compréhension du mandat, les proposants doivent compléter le bordereau suivant donnant l’estimation des heures qu’ils considèrent requises pour compléter le mandat demandé

 

# 1

# 2

# 3

# 3

# 5

# 4

PHASE DU PROJET

Coopérant

Vidéotron

Unité de soins

Ambulatoire et plateau technique et enseignement

Saint-Luc

Stationnements

Édouard-Asselin

Construction et rénovation Secteurs administratifs et recherche

 

PPP

125 M$

Conv.

15 M$

PPP

475 M$

PPP

52 M$

PPP

68 M$

PPP

113 M$

1. DÉMARRAGE DU PROJET

 

 

 

 

 

 

     1.1   Évaluation des données

250

250

375

375

125

125

     1.2   Définition des paramètres du projet

375

250

750

750

125

125

     1.3   Programme fonctionnel et technique

750

375

2 000

500

125

375

Sous-total :

1 375

875

3 125

1 625

375

625

2. PLANIFICATION DU PROJET

 

 

 

 

 

 

     2.1   Concept incluant la production des                   plans, schémas requis pour la                   présentation des concepts

21 500

2 625

82 000

9 000

12 000

19 500

     2.2   Plans de gestion et de suivi

2 000

250

8 200

875

1 200

2 000

Sous-total :

23 500

2 875

90 200

9 875

13 200

21 500

3. RÉALISATION DU PROJET

 

 

 

 

 

 

     3.1   Production des documents d’appel                                     d’offres (plans, devis et autres                   documents)

12 875

3 875

49 200

5 450

7 000

16 700

     3.2   Respect et suivi de la conformité

10 000

2 800

37 500

4 100

5 375

9 000

Sous-total :

22 875

6 675

86 700

9 550

12 375

25 700

4. CLÔTURE DU PROJET

1 750

300

6 875

750

1 000

1 625

TOTAL:

49 500

10 725

186 900

21 800

26 950

49 450

 

GRAND TOTAL :

 

345 325

 

 

 

 

 

 

BPTH :

 

APPRÉCIATION DES HEURES REQUISES « Ingénierie »

 

 

 

 

Appréciation des heures requises

Dans le but d’évaluer leur compréhension du mandat, les proposants doivent compléter le bordereau suivant donnant l’estimation des heures qu’ils considèrent requises pour compléter le mandat demandé

 

# 1

# 2

# 3

# 3

# 5

# 4

PHASE DU PROJET

Coopérant

Vidéotron

Unité de soins

Ambulatoire et plateau technique et enseignement

Saint-Luc

Stationnements

Édouard-Asselin

Construction et rénovation Secteurs administratifs et recherche

 

PPP

125 M$

Conv.

15 M$

PPP

475 M$

PPP

52 M$

PPP

68 M$

PPP

113 M$

1. DÉMARRAGE DU PROJET

 

 

 

 

 

 

     1.1   Évaluation des données

655

105

2 368

330

200

601

     1.2   Définition des paramètres du projet

1 146

184

4 144

578

350

1 051

     1.3   Programme fonctionnel et technique

1 473

237

5 328

744

450

1 352

Sous-total :

3 274

526

1 1840

1 652

1 000

3 004

2. PLANIFICATION DU PROJET

 

 

 

 

 

 

     2.1   Concept incluant la production des                   plans, schémas requis pour la                   présentation des concepts

10 434

1 676

37 737

5 266

3 186

9 575

     2.2   Plans de gestion et de suivi

1 841

276

6 659

929

562

1 690

Sous-total :

12 275

1 952

44 396

6 195

3 748

11 265

3. RÉALISATION DU PROJET

 

 

 

 

 

 

     3.1   Production des documents d’appel                                     d’offres (plans, devis et autres                   documents)

9 274

3 352

33 544

4 681

2 832

8 511

     3.2   Respect et suivi de la conformité

8 183

2 957

29 598

4 131

2 499

7 510

Sous-total :

17 457

6 309

63 142

8 812

5 331

16 021

4. CLÔTURE DU PROJET

1 023

164

3 700

516

312

939

TOTAL:

34 029

8 951

123 078

17 175

10 391

31 223

 

GRAND TOTAL :

 

224 853

 

 

 

 

 

 

[94]        Ainsi, BPYA estimait un total de 345 325 heures requises à titre d’équipe maître d’architecture pour fournir les services envisagés. BPTH, quant à elle, estimait un total de 224 853 heures requises à titre d’équipe maître de génie mécanique et électrique.

 

9. Mode de rémunération

 

[95]        Les documents d’appel précisent que le mode de rémunération des professionnels des équipes maîtres est basé sur le taux horaire prescrit par le Gouvernement pour les projets publics :

 

BPYA :

 

« L’Équipe maître d’architecture sera rémunérée sur une base horaire conformément au Tarif d’honoraires pour services professionnels fournis au Gouvernement par des architectes, L.R.Q. c. A-6.01, r.7, D. 2402-84, ci-après « Tarif », sous réserve des limitations de remboursement de dépenses prévues ci-après. »[86]

 

BPTH :

 

« L’Équipe maître de génie mécanique et électrique sera rémunérée sur une base horaire conformément au Tarif d’honoraires pour services professionnels fournis au Gouvernement par des ingénieurs, L.R.Q. c. A-6.01, r.9, D. 1235-87, ci-après « Tarif », sous réserve des limitations de remboursement de dépenses prévues ci-après. »[87]

 

10. Clauses d’exclusivité

 

[96]        Une autre exigence dans les documents d’appel était source de réflexion et d’hésitation de la part de BPYA et de BPTH. Les documents d’appel comprenaient des clauses d’exclusivité d’une teneur singulière en faveur du CHUM.

 

[97]        Dans le contexte d’un projet à être réalisé en mode PPP, le prestataire de service professionnel doit choisir d’offrir ses services, soit au propriétaire/client (l’autorité publique), soit au partenaire privé et à ses sous-entrepreneurs. En principe, à moins d’autorisation particulière, le prestataire de services professionnels ne peut pas rendre, en même temps, des services professionnels à l’autorité publique et au partenaire privé.

 

[98]        Cependant, si le contrat prenait fin ou était résilié en cours de réalisation, surtout au début du contrat, tant que le fournisseur de services respectait ses obligations de loyauté et n’utilisait pas des informations confidentielles préalablement obtenues, il pouvait rendre des services au partenaire privé ou à l’un de ses nombreux sous-entrepreneurs[88].

 

[99]        La clause d’exclusivité dans les documents d’appel excluait cette possibilité. Il était prévu que, même en cas de résiliation des conventions de services, les bureaux des professionnels faisant partie des équipes maîtres précédentes ne pouvaient plus travailler pour une autre partie œuvrant sur le site du Nouveau CHUM.

 

[100]     L’appel de candidatures de l’équipe maître d’architecture mentionne que :

 

BPYA :

 

19.  LIMITATION

 

L’Équipe maître architecture, un membre de son regroupement, ou toute Entité liée à cette Équipe maître d’architecture ou à l’un des membres du regroupement, selon les termes définis aux documents contractuels, qui aura été retenue pour l’un des trois projets de modernisation des Centres hospitaliers universitaires de Montréal (CHU), à titre d’Équipe maître d’architecture :

 

-     ne pourra se voir octroyer qu’un seul contrat d’Équipe maître d’architecture pour l’un des trois projets de modernisation des Centres hospitaliers universitaires de Montréal (CHU) pour une même équipe proposée composée du même personnel clé. Elle pourra toutefois être retenue sur plus d’un projet, à condition de présenter une équipe composée d’un personnel clé différent. Si elle est retenue sur plus d’un projet sur la base d’une offre de services proposant la même équipe et le même personnel clé, elle sera requise de retirer son offre de services sur le projet de son choix et l’établissement sera requis d’accepter ledit retrait; l’Équipe maître d’architecture ayant cumulé le plus haut pointage (après l’Équipe maître d’architecture sélectionnée) sera alors choisie sur le projet à l’égard duquel l’Équipe maître d’architecture sélectionnée aura retiré sa candidature;

 

[…]

 

-     dans la mesure où elle est déjà retenue comme Équipe de maître d’architecture sur l’un des trois projets, elle ne pourra pas se voir octroyer un contrat d’équipe en gérance de construction et/ou entreprise générale sur ce même projet;

 

-     ne pourra participer, directement ou indirectement, au dépôt d’une offre PPP sur le projet sur lequel elle est déjà retenue comme Équipe maître d’architecture et ce, même si son contrat est résilié[89].

 

[…]

 

31.3     L’équipe maître d’architecture garantit de plus qu’elle ne soumissionnera pas directement ou indirectement pour l’obtention de contrats d’entreprise relatifs au projet faisant l’objet du présent Contrat et qu’elle n’a reçu et ne recevra aucune commission ou autre compensation, directe ou indirecte, de toute personne relativement au présent projet à l’exception de ses honoraires accordés en vertu du présent Contrat[90].

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

[101]     L’appel de candidatures de l’équipe maître de génie mentionne que :

 

BPTH :

 

20.  LIMITATION

 

L’Équipe maître de génie mécanique et électrique, un membre de son regroupement, ou toute Entité liée à cette Équipe maître de génie mécanique et électrique ou à l’un des membres du regroupement, selon les termes définis aux documents contractuels, qui aura été retenue pour l’un des trois projets de modernisation des Centres hospitaliers universitaires de Montréal (CHU), à titre d’Équipe maître de génie mécanique et électrique :

 

-     ne pourra se voir octroyer qu’un seul contrat d’Équipe maître de génie mécanique et électrique pour l’un des trois projets de modernisation des Centres hospitaliers universitaires de Montréal (CHU) pour une même équipe proposée composée du même personnel clé. Elle pourra toutefois être retenue sur plus d’un projet, à condition de présenter une équipe composée d’un personnel clé différent. Si elle est retenue sur plus d’un projet sur la base d’une offre de services proposant la même équipe et le même personnel clé, elle sera requise de retirer son offre de services sur le projet de son choix et l’établissement sera requis d’accepter ledit retrait; l’Équipe maître de génie mécanique et électrique ayant cumulé le plus haut pointage (après l’Équipe maître de génie mécanique et électrique sélectionnée) sera alors choisie sur le projet à l’égard duquel l’Équipe maître de génie mécanique et électrique sélectionnée aura retiré sa candidature;

 

[…]

 

-     dans la mesure où elle est déjà retenue comme Équipe de maître de génie mécanique et électrique sur l’un des trois projets, elle ne pourra pas se voir octroyer un contrat d’équipe en gérance de construction et/ou entreprise générale sur ce même projet;

 

-     ne pourra participer, directement ou indirectement, au dépôt d’une offre PPP sur le projet sur lequel elle est déjà retenue comme Équipe maître de génie mécanique et électrique et ce, même si son contrat est résilié[91].

 

[…]

 

31.3     L’équipe maître d’architecture garantit de plus qu’elle ne soumissionnera pas directement ou indirectement pour l’obtention de contrats d’entreprise relatifs au projet faisant l’objet du présent Contrat et qu’elle n’a reçu et ne recevra aucune commission ou autre compensation, directe ou indirecte, de toute personne relativement au présent projet à l’exception de ses honoraires accordés en vertu du présent Contrat[92].

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

[102]     Selon les témoignages des représentants de BPYA et de BPTH, malgré le caractère exceptionnel de ces clauses de limitation, compte tenu de l’ampleur importante des mandats confirmés aux termes des documents d’appel de candidatures, soit de réaliser, indépendamment du mode de réalisation retenu, la conception générale du projet, les plans et devis préliminaires et d’assurer, pour toutes les phases du projet (Démarrage, Planification, Réalisation et Clôture), le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux dans leur spécialité respective[93], BPYA et BPTH ont décidé de les accepter.

 

11. Clauses de personnel clé

 

[103]     Les appels de candidatures comprenaient une autre restriction exceptionnelle pour l’équipe maître retenue. Le personnel senior désigné comme personnel clé, composé de cinq (5) professionnels, devait être dédié exclusivement au projet du Nouveau CHUM (37,5 heures par semaine), pendant toute la durée du projet. Ce personnel ne pouvait non plus faire l’objet d’une proposition de service pour une équipe maître d’un autre projet de modernisation d’un hôpital visé par le Projet-cadre (CUSM ou CHU Sainte-Justine). Ces obligations sont assorties de clauses pénales en faveur du CHUM :

 

BPYA[94] :

 

5.  PERSONNEL CLÉ

 

Pendant toute la durée du projet, aucune modification à la composition du personnel clé de l’Équipe maître d’architecture ne peut être apportée sans l’autorisation écrite du CHUM et du Directeur exécutif. Le personnel clé est formé du Chargé de projet désigné, du personnel professionnel et technique formant les équipes de travail et identifiés dans le formulaire d’appel de candidatures. Ce personnel clé devra obligatoirement être affecté en permanence au projet, soit un minimum de 37 heures et demie par semaine, réparties sur 5 jours, et avoir pour lieu de travail un bureau situé dans la ville de Montréal (Province de Québec).

 

Pendant la durée du projet, l’Équipe maître d’architecture ne pourra remplacer le Chargé de projet désigné ni l’une ou l’autre des cinq (5) ressources mentionnées au formulaire joint à l’appel de candidatures, sauf en cas de force majeure, à défaut de quoi elle devra verser au CHUM une pénalité liquidée de cent mille dollars (100 000 $ CDN) dès la survenance du remplacement du Chargé de projet désigné et de cinquante mille dollars (50 000 $ CDN) dès la survenance du remplacement de l’une ou l’autre des cinq personnes ressources mentionnées au formulaire joint à l’appel de candidatures. De plus, toute autre ressource invitée à remplacer une ressource ayant quitté l’Équipe maître d’architecture devra être préalablement approuvée par le CHUM et du Directeur exécutif.

 

Le personnel de relève demandé au formulaire est le personnel qui devra être mobilisé en relève pour faire face au cas de force majeure.


 

BPTH[95] :

 

5.  PERSONNEL CLÉ

 

Pendant toute la durée du projet, aucune modification à la composition du personnel clé de l’Équipe maître de génie mécanique et électrique ne peut être apportée sans l’autorisation écrite du CHUM et du Directeur exécutif. Le personnel clé est formé du Chargé de projet désigné, du personnel professionnel et technique formant les équipes de travail et identifiés dans le formulaire d’appel de candidatures. Ce personnel clé devra obligatoirement être affecté en permanence au projet, soit un minimum de 37 heures et demie par semaine, réparties sur 5 jours, et avoir pour lieu de travail un bureau situé dans la ville de Montréal (Québec).

 

Pendant la durée du projet, l’Équipe maître de génie mécanique et électrique ne pourra remplacer le Chargé de projet désigné ni l’une ou l’autre des cinq (5) ressources mentionnées au formulaire joint à l’appel de candidatures, sauf en cas de force majeure, à défaut de quoi elle devra verser au CHUM une pénalité liquidée de cent mille dollars (100 000 $ CDN) dès la survenance du remplacement du Chargé de projet désigné et de cinquante mille dollars (50 000 $ CDN) dès la survenance du remplacement de l’une ou l’autre des cinq personnes ressources mentionnées au formulaire joint à l’appel de candidatures. De plus, toute autre ressource invitée à remplacer une ressource ayant quitté l’Équipe maître de génie mécanique et électrique devra être préalablement approuvée par le CHUM et le Directeur exécutif.

 

Le personnel de relève demandé au formulaire est le personnel qui devra être mobilisé en relève pour faire face au cas de force majeure.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

12. Possibilité de modification de mandat ou de programme par le CHUM

 

[104]     En vertu d’une clause des documents d’appel, le CHUM s’est réservé le droit de réviser le programme fonctionnel et technique (PFT) en cours de projet et de réduire ou augmenter la portée du mandat confié aux équipes maîtres. La clause précise qu’une partie du mandat retirée pourrait être confiée à un tiers, et ce, à n’importe quelle étape du projet[96].

 

[105]     Selon les témoignages des représentants de BPYA (M. Roy, G. Maillé) et de BPTH (P. Hébert), il s’agit d’un droit habituel et d’une clause standard dans les contrats de services qui permet au donneur d’ouvrage de faire une modification de portée limitée au mandat confié, et ce, en cours de réalisation du projet, en particulier pour un travail de nature spécialisée[97]. Ces témoignages de BPYA et de BPTH n’ont pas fait l’objet de preuve contradictoire de la part du CHUM. Nous y reviendrons[98].

 

[106]     Les clauses des documents d’appel de candidatures sont rédigées ainsi :

 

BPYA :

 

26. MODIFICATION DE MANDAT OU DE PROGRAMME

 

Le CHUM se réserve le droit de réviser le programme fonctionnel et technique en cours de projet et de réduire ou augmenter la portée du mandat de l’Équipe maître d’architecture, auquel cas les honoraires de l’Équipe maître d’architecture seront rajustés en conséquence. Par ailleurs, le CHUM pourra décider de l’opportunité de confier une partie du mandat de l’Équipe maître d’architecture à un tiers, à n’importe quelle étape du projet, y incluant pour la surveillance des travaux. Le CHUM n’allouera aucun montant pour perte de profit anticipé ou pour dommage et intérêts dans le cas d’une réduction de mandat.

 

Le CHUM, après consultation et approbation du Directeur exécutif, avisera l’Équipe maître d’architecture de ladite modification (réduction ou augmentation) et l’Équipe maître d’architecture sera tenue, dès qu’elle constate que cette modification résultera en une modification significative de Budget convenu ou de la ventilation des coûts par spécialité, d’aviser l’Équipe maître de gestion de projets qui devra à son tour aviser par écrit le CHUM, avec copie au Directeur exécutif, des impacts de la modification sur ledit Budget convenu ou ladite ventilation.

 

Nonobstant les modalités de la rémunération de l’Équipe maître d’architecture, si des services supplémentaires sont requis de sa part ou des équipes maîtres de génie ou, si les modifications rendent inutiles une partie des services que ces derniers ont déjà réalisés, l’avis écrit adressé au CHUM par l’Équipe maître de gestion de projets avec la collaboration des équipes maîtres d’architecture et de génie devra le spécifier, avant que l’Équipe maître d’architecture ou les équipes maîtres de génie n’entreprennent les services supplémentaires.

 

En cas de telle(s) modification(s) au mandat, l’Équipe maître d’architecture soumettra au CHUM, avec copie au Directeur exécutif, une demande de changement dans les cinq (5) jours ouvrables, prévoyant l’ajustement des honoraires et tout impact sur l’échéancier, s’il y en a.

 

Le CHUM décidera s’il accepte la demande de changement, à défaut de quoi il pourra décider de retirer la modification ou de procéder en fonction des ajustements aux honoraires et à l’échéancier qu’il déterminera, sous réserve du droit de l’Équipe maître d’architecture de contester la détermination du CHUM. Même si l’Équipe maître d’architecture conserve le droit de contester la détermination du CHUM, elle devra tout de même exécuter le mandat tel que modifié.[99]

 

S’il devient nécessaire pour l’Équipe maître d’architecture de réviser ses plans et devis ou de coordonner la révision des plans et devis des autres équipes maîtres en raison du défaut du CHUM, de l’entrepreneur, d’un sous-traitant, ou par la suite de la suspension des services ou des travaux du projet, ou à cause des préjudices causés au projet par le feu ou d’autres causes, l’Équipe maître d’architecture aura droit de recevoir du CHUM une rémunération selon la méthode horaire, pour tout service supplémentaire, en plus des coûts remboursables y afférents.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[107]     Les paragraphes 4 et 5 de la clause prévoient qu’une telle « modification » s’inscrit dans le cadre d’un « changement ». Or, selon les documents en question, le mot « changement » est défini ainsi :

 

« Changement » : Augmentation, suppression ou toutes autres révisions qui modifient l’ouvrage sans affecter fondamentalement la portée générale du contrat, à condition d’avoir fait l’objet d’une approbation préalable du CHUM et du Directeur exécutif. »[100]

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

BPTH :

 

26. MODIFICATION DE MANDAT OU DE PROGRAMME

 

Le CHUM se réserve le droit de réviser le programme fonctionnel et technique en cours de projet et de réduire ou augmenter la portée du mandat de l’Équipe maître de génie mécanique et électrique, auquel cas les honoraires de l’Équipe maître de génie mécanique et électrique seront rajustés en conséquence. Par ailleurs, le CHUM pourra décider de l’opportunité de confier une partie du mandat de l’Équipe maître de génie mécanique et électrique à un tiers, à n’importe quelle étape du projet, y incluant pour la surveillance des travaux. Le CHUM n’allouera aucun montant pour perte de profit anticipé ou pour dommage et intérêts dans le cas d’une réduction de mandat.


 

Le CHUM, après consultation et approbation du Directeur exécutif, avisera l’Équipe maître de génie mécanique et électrique de ladite modification (réduction ou augmentation) et l’Équipe maître d’architecture sera tenue, dès qu’elle constate que cette modification résultera en une modification significative de Budget convenu ou de la ventilation des coûts par spécialité, d’aviser l’Équipe maître de gestion de projets qui devra à son tour aviser par écrit le CHUM, avec copie au Directeur exécutif, des impacts de la modification sur ledit Budget convenu ou ladite ventilation.

 

Nonobstant les modalités de la rémunération de l’Équipe maître de génie mécanique et électrique, si des services supplémentaires sont requis de sa part ou des équipes maîtres de génie ou, si les modifications rendent inutiles une partie des services que ces derniers ont déjà réalisés, l’avis écrit adressé au CHUM par l’Équipe maître de gestion de projets avec la collaboration de l’Équipe maître de génie mécanique et électrique et des autres équipes maîtres devra le spécifier, avant que l’Équipe maître de génie mécanique et électrique ou les autres équipes maîtres d’architecture ou de génie n’entreprennent les services supplémentaires.

 

En cas de telle(s) modification(s) au mandat, l’Équipe maître de génie mécanique et électrique soumettra au CHUM, avec copie au Directeur exécutif, une demande de changement dans les cinq (5) jours ouvrables, prévoyant l’ajustement des honoraires et tout impact sur l’échéancier, s’il y en a.

 

Le CHUM décidera s’il accepte la demande de changement, à défaut de quoi il pourra décider de retirer la modification ou de procéder en fonction des ajustements aux honoraires et à l’échéancier qu’il déterminera, sous réserve du droit de l’Équipe maître de génie mécanique et électrique de contester la détermination du CHUM. Même si l’Équipe maître de génie mécanique et électrique conserve le droit de contester la détermination du CHUM, elle devra tout de même exécuter le mandat tel que modifié.

 

S’il devient nécessaire pour l’Équipe maître de génie mécanique et électrique de réviser les plans et devis en raison du défaut du CHUM, de l’entrepreneur, d’un sous-traitant, ou par la suite de la suspension des services ou des travaux du projet, ou à cause des préjudices causés au projet par le feu ou d’autres causes, l’Équipe maître de génie mécanique et électrique aura droit de recevoir du CHUM une rémunération selon la méthode horaire, pour tout service supplémentaire, en plus des coûts remboursables y afférents.[101]

 

[108]     Pour BPTH, il y a également lieu de signaler que, selon le paragraphe en question, une telle « modification » s’inscrit dans le cadre d’un « changement ». Le mot « changement » est défini ainsi :

 

« Changement » : Augmentation, suppression ou toutes autres révisions qui modifient l’ouvrage sans affecter fondamentalement la portée générale du contrat, à condition d’avoir fait l’objet d’une approbation préalable du CHUM et du Directeur exécutif. »[102]

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

13. Droit de résiliation

 

[109]     Les documents d’appel, et par la suite, les conventions de services, régissent en détail les modalités d’exercice du droit de résiliation par l’une ou l’autre des parties.

 

[110]     Dans tous les cas, le droit du CHUM de résilier le contrat était sujet à l’envoi d’un avis écrit. Les conventions de services prévoient à l’article 1, alinéa 2[103] :

 

« Sauf indication contraire dans la présente convention, aucune modification, renonciation ni résiliation du présent Contrat ne liera les parties à moins qu’elle ne soit effectuée par écrit. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[111]     Le CHUM reconnaît que, tout au long du projet de réalisation du Nouveau CHUM, il n’a jamais envoyé un avis écrit de résiliation à BPYA ou à BPTH. Le CHUM n’a pas non plus plaidé qu’il a communiqué à BPYA ou à BPTH un avis verbal énonçant une résiliation.

 

[112]     Le CHUM pouvait résilier les conventions de services pour ou sans motif :

 

BPYA[104] :

 

14.  RÉSILIATION DE CONTRAT

 

       14.1  Résiliation pour motif

 

            Le CHUM se réserve le droit de résilier le contrat pour l’un des motifs suivants :

 

a)       L’Équipe maître d’architecture fait défaut de remplir l’un ou      l’autre des termes, conditions ou obligations qui lui            incombent en vertu du contrat;

 

b)       L’Équipe maître d’architecture cesse ses opérations de quelque       façon que ce soit, y compris en raison de la faillite, liquidation ou             cession de ses biens.

 

            Pour ce faire, le CHUM adresse un avis écrit de résiliation à l’Équipe maître d’architecture énonçant le motif de résiliation. S’il s’agit d’un motif de résiliation prévu au paragraphe a), l’Équipe maître d’architecture devra remédier au défaut énoncé dans le délai prescrit à cet avis à défaut de quoi le contrat sera automatiquement résilié, la résiliation prenant effet de plein droit à l’expiration de ce délai. S’il s’agit d’un motif de résiliation prévu au paragraphe b), la résiliation prendra effet de plein droit à compter de la date de la réception de l’avis par l’Équipe maître d’architecture.

 

            L’Équipe maître d’architecture n’aura alors droit, en proportion du prix convenu, qu’aux frais et dépenses actuelles et à la valeur des services rendus avant la notification de la résiliation, sans compensation ni indemnité pour la perte de profits anticipés ou pour dommages intérêts. Si l’Équipe maître d’architecture avait obtenu une avance monétaire, elle devra la restituer dans son entier. Le CHUM se réserve le droit d’opérer compensation entre le montant total de ces frais et tout montant dû à l’Équipe maître d’architecture en vertu du contrat ou autrement.

 

            De plus, le CHUM se réserve le droit de terminer l’exécution du contrat aux frais de l’Équipe maître d’architecture. En cas de parachèvement du contrat par un tiers, l’Équipe maître d’architecture devra notamment assumer toute augmentation du coût du contrat pour le CHUM.

 

            L’Équipe maître d’architecture sera par ailleurs responsable de tous les dommages subis par le CHUM du fait de la résiliation du contrat.

 

            […]

 

14.3     Résiliation sans motif

 

            Le CHUM se réserve également le droit de résilier le contrat sans qu’il ne soit nécessaire pour lui de motiver la résiliation.

 

            Pour ce faire, le CHUM devra adresser un avis écrit de résiliation à l’Équipe maître d’architecture. La résiliation prendra effet de plein droit à la date de réception de cet avis par l’Équipe maître d’architecture.

 

            L’Équipe maître d’architecture aura alors droit aux frais, déboursés et sommes représentant la valeur réelle des services rendus jusqu’à la date de résiliation du contrat, conformément à ce contrat, sans autre compensation ou indemnité que ce soit et, notamment, sans compensation ni indemnité pour la perte de tous profits escomptés. Les autres règles prévues à l’article précédent s’appliquent à une telle résiliation compte tenu des adaptations nécessaires.


 

BPTH[105] :

 

14.  RÉSILIATION DE CONTRAT

 

       14.1  Résiliation pour motif

 

            Le CHUM se réserve le droit de résilier le contrat pour l’un des motifs suivants :

 

a)       L’Équipe maître de génie mécanique et électrique fait défaut    de remplir l’un ou l’autre des termes, conditions ou      obligations qui lui incombent en vertu du contrat;

 

b)       L’Équipe maître de génie mécanique et électrique cesse ses             opérations de quelque façon que ce soit, y compris en raison de la faillite, liquidation ou cession de ses biens.

 

            Pour ce faire, le CHUM adresse un avis écrit de résiliation à l’Équipe maître de génie mécanique et électrique énonçant le motif de résiliation. S’il s’agit d’un motif de résiliation prévu au paragraphe a), l’Équipe maître de génie mécanique et électrique devra remédier au défaut énoncé dans le délai prescrit à cet avis à défaut de quoi le contrat sera automatiquement résilié, la résiliation prenant effet de plein droit à l’expiration de ce délai. S’il s’agit d’un motif de résiliation prévu au paragraphe b), la résiliation prendra effet de plein droit à compter de la date de la réception de l’avis par l’Équipe maître de génie mécanique et électrique.

 

            L’Équipe maître de génie mécanique et électrique n’aura alors droit, en proportion du prix convenu, qu’aux frais et dépenses actuelles et à la valeur des services rendus avant la notification de la résiliation, sans compensation ni indemnité pour la perte de profits anticipés ou pour dommages intérêts. Si l’Équipe maître de génie mécanique et électrique avait obtenu une avance monétaire, elle devra la restituer dans son entier. Le CHUM se réserve le droit d’opérer compensation entre le montant total de ces frais et tout montant dû à l’Équipe maître de génie mécanique et électrique en vertu du contrat ou autrement.

 

            De plus, le CHUM se réserve le droit de terminer l’exécution du contrat aux frais de l’Équipe maître de génie mécanique et électrique. En cas de parachèvement du contrat par un tiers, l’Équipe maître de génie mécanique et électrique devra notamment assumer toute augmentation du coût du contrat pour le CHUM.

 

            L’Équipe maître de génie mécanique et électrique sera par ailleurs responsable de tous les dommages subis par le CHUM du fait de la résiliation du contrat.

 

            […]

 

14.3     Résiliation sans motif

 

            Le CHUM se réserve également le droit de résilier le contrat sans qu’il ne soit nécessaire pour lui de motiver la résiliation.

 

            Pour ce faire, le CHUM devra adresser un avis écrit de résiliation à l’Équipe maître de génie mécanique et électrique. La résiliation prendra effet de plein droit à la date de réception de cet avis par l’Équipe maître de génie mécanique et électrique.

 

            L’Équipe maître de génie mécanique et électrique aura alors droit aux frais, déboursés et sommes représentant la valeur réelle des services rendus jusqu’à la date de résiliation du contrat, conformément à ce contrat, sans autre compensation ou indemnité que ce soit et, notamment, sans compensation ni indemnité pour la perte de tous profits escomptés. Les autres règles prévues à l’article précédent s’appliquent à une telle résiliation compte tenu des adaptations nécessaires.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[113]     De plus, le CHUM pouvait, notamment au terme de la phase de planification, résilier le contrat ou retrancher de celui-ci les phases de réalisation et de clôture :

 

BPYA[106] :

 

20.  RÉÉVALUATION ET RÉSILIATION

 

Au terme de la phase de planification, le CHUM se réserve le droit d’examiner l’opportunité d’opter pour un mode de réalisation PPP conventionnel ou autre, et se réserve, par ailleurs, le droit de mettre fin au contrat de l’Équipe maître d’architecture en tout temps et/ou de retrancher du mandat de l’Équipe maître d’architecture les phases de réalisation et de clôture du projet. En cas de résiliation du contrat de l’Équipe maître d’architecture, celle-ci ne sera pas compensée pour ses frais de démobilisation, coûts indirects et pertes de profits. Toutefois, pour compléter les travaux requis aux phases de réalisation et de clôture du projet, le CHUM pourra retenir les services de l’Équipe maître d’architecture aux fins de l’assister.


 

BPTH[107] :

 

20.  RÉÉVALUATION ET RÉSILIATION

 

Au terme de la phase de planification, le CHUM se réserve le droit d’examiner l’opportunité d’opter pour un mode de réalisation PPP conventionnel ou autre, et se réserve, par ailleurs, le droit de mettre fin au contrat de l’Équipe maître de génie mécanique et électrique en tout temps et/ou de retrancher du mandat de l’Équipe maître de génie mécanique et électrique les phases de réalisation et de clôture du projet. En cas de résiliation du contrat de l’Équipe maître de génie mécanique et électrique, celle-ci ne sera pas compensée pour ses frais de démobilisation, coûts indirects et pertes de profits. Toutefois, pour compléter les travaux requis aux phases de réalisation et de clôture du projet, le CHUM pourra retenir les services de l’Équipe maître de génie mécanique et électrique aux fins de l’assister.

 

[114]     Comme pour les clauses précédentes, le CHUM n’a jamais envoyé un avis de résiliation à BPYA ou à BPTH en vertu de cette clause. Tel que nous le verrons, les professionnels ont continué de rendre les services en vertu des conventions de services « amendées » pour les phases de réalisation (Phase 3) et de clôture du projet (Phase 4). En effet, à la demande du CHUM, BPYA et BPTH ont rendu des services relatifs aux quatre (4) phases des mandats. Ainsi, malgré la refonte imposée par le biais des conventions de services amendées, le CHUM n’a jamais retranché des conventions de services la phase de réalisation (Phase 3) ou celle de clôture (Phase 4).

 

B) Réclamation de remboursement d’une partie des honoraires payés : demande reconventionnelle du CHUM à l’endroit de BPYA

 

[115]     Un des paragraphes d’une clause des documents d’appel prévoit que le CHUM accepte de fournir des bureaux sur le site du projet du Nouveau CHUM pour le personnel clé des professionnels des équipes maîtres. Il s’agit du dernier paragraphe de la clause 9.1 des Conditions générales. Ce paragraphe s’intègre dans une clause générale relevant de la facturation des services rendus. Pour d’autres membres du personnel des équipes maîtres, ce paragraphe fixe un coût de 3,50 $ pour chaque membre du personnel des équipes maîtres travaillant dans ces locaux pendant plus de six (6) mois. Selon ce paragraphe, le taux horaire des honoraires professionnels des membres du personnel visés devrait être réduit de 3,50 $ lors de la facturation par le bureau de l’équipe maître. Le texte de la clause 9.1 est rédigé en partie ainsi :

 

« Une facturation mensuelle détaillée sera présentée par l’Équipe maître d’architecture aux fins d’approbation au préalable par l’Équipe maître de gestion de projets et de paiement par le CHUM à l’intérieur d’une période de 45 jours suivant ladite approbation. Sauf si elle est contestée par écrit, toute facture sera présumée être acceptée dans les 10 jours ouvrables de sa réception. […]

 

[…]

 

Considérant que le CHUM accepte de fournir à ses frais les bureaux pour le personnel clé de l’Équipe maître d’architecture et considérant que le coût de fourniture de ce local est fixé à 3,50 $/heure pour tout le personnel travaillant dans ces locaux durant une période de plus de 6 mois, le taux horaire dudit personnel affecté pendant plus de 6 mois dans lesdits locaux ainsi fournis par le CHUM sera diminué en conséquence d’un montant de 3,50 $/heure »[108].

 

[116]     Depuis le début de la période où cette clause aurait pu être appliquée, à la suite des demandes des équipes maîtres, le CHUM a décidé de ne pas l’appliquer. Le taux horaire facturé du personnel impliqué n’a jamais été diminué par l’une ou l’autre des équipes maîtres. Lors de chaque cycle mensuel de facturation, le CHUM a payé l’intégralité des montants facturés par BPYA et BPTH, indépendamment de la présence ou non sur le site du Nouveau CHUM des professionnels « non clé » des équipes maîtres. De 2007 à 2015, le CHUM n’a pas réclamé ce montant aux équipes maîtres.

 

[117]     Le 29 juin 2015, le CHUM a demandé à BPYA et à BPTH de lui rembourser rétroactivement la totalité des montants correspondant à la réduction de 3,50 $ de l’heure pour les honoraires qui lui avaient été facturés depuis 8 ans et qui avaient été payés par le CHUM, soit 617 152 $ pour BPYA[109] et 199 082 $ pour BPTH[110]. BPYA et BPTH ont protesté et ont vigoureusement nié ces réclamations[111]. BPYA a notamment rétorqué qu’il y avait une entente de non-application de la clause depuis le début du projet.

 

[118]     BPYA a également répondu que si le CHUM insistait pour mettre fin à cette entente de non-application de la clause, le CHUM devait l’aviser rapidement, car BPYA déménagerait aussitôt son personnel non clé du site vers ses propres bureaux[112]. Le CHUM n’a pas répondu. Dans les faits, le CHUM a maintenu et renouvelé sa politique de non-application de la clause. Lors des cycles mensuels de facturation suivants, le CHUM a continué d’approuver sans contestation les factures présentées et a payé, sans réduction ou retenue, les montants facturés par BPYA et BPTH.

 

[119]     Par Demande reconventionnelle déposée au dossier de la Cour le 23 décembre 2016, le CHUM réclame rétroactivement à 2007 le paiement de ce montant pour tous les membres du personnel visés de BPYA[113].

 

[120]     Selon une facture à jour déposée en fin d’instruction, le CHUM réclame de BPYA à ce sujet la somme de 777 719 $[114].

 

[121]     Par Demande reconventionnelle datée du 23 décembre 2006 contre BPTH[115], le CHUM lui a également réclamé un montant sur le même fondement. Cependant, en fin d’instruction, le CHUM a avisé la Cour qu’il la retirait de même que sa Demande reconventionnelle contre BPTH. Ce dernier a accepté que cette demande reconventionnelle fasse l’objet d’un désistement sans frais de justice[116].

 

[122]     BPYA plaide que la réclamation du CHUM est mal fondée en fait et en droit dans les circonstances, soit notamment que le CHUM y a renoncé, soit qu’elle est, à tout événement, prescrite.

 

C) Signature des conventions de services et leurs entrées en vigueur

 

[123]     Le 24 novembre 2006, au terme de l’analyse par le CHUM des soumissions reçues, ce dernier avise BPYA et BPTH qu’ils ont respectivement remporté les appels de candidatures à titre d’équipes maîtres d’architecture et de génie mécanique et électrique[117]. L’octroi de ces contrats est toutefois conditionnel à l’approbation préalable du DE et du ministre de la Santé[118].

 

[124]     Le 1er mars 2007, les conventions de services entre le CHUM, BPYA et BPTH sont signées. Ces conventions reprennent et intègrent les paragraphes énoncés ci-dessus[119] des documents d’appel de candidatures, en ajoutant les addendas émis. Cependant, n’ayant pas encore reçu l’approbation du DE[120] et du ministre de la Santé, ces conventions n’étaient pas en vigueur.

 

[125]     Le 6 juin 2007, le ministre de la Santé confirme son autorisation à mettre en vigueur les conventions de services[121]. Le 11 juin 2007, le DE Clermont Gignac donne son approbation « pour valoir la mise en vigueur des contrats »[122].


 

III Les voies parallèles d’événements

 

A) Une première voie parallèle : le dossier d’affaires initial et le processus d’évaluation en vue de sélectionner un mode de réalisation pour le Nouveau CHUM

 

[126]     Le 5 avril 2006, le Gouvernement publie un décret autorisant l’APPPQ à initier le processus d’évaluation PPP pour la majorité des composantes du CHUM[123].

 

[127]     En mai 2006, la présidente du Conseil du trésor de l’époque, madame Monique Jérôme-Forget, mandate Pierre Lortie, ingénieur, pour diriger, au sein de l’APPPQ, le processus PPP, pour le CHUM et le CUSM, y compris l’évaluation et l’élaboration des dossiers d’affaires. À ce moment, M. Lortie vient de joindre, à titre de consultant, le bureau d’avocats Fraser Milner Casgrain (plus tard « Dentons »). L’APPPQ n’embauche pas M. Lortie à titre d’employé. Elle accorde le mandat à Fraser Milner Casgrain qui attribue la responsabilité à M. Lortie.

 

[128]     Tel que mentionné, M. Lortie agissait déjà, depuis 2005, au sein du Comité aviseur du DE. Selon M. Gignac, le Comité aviseur s’est notamment penché sur la teneur des appels de candidatures des équipes maîtres des professionnels. Ainsi, M. Lortie devait être déjà familier avec le dossier du CHUM et les conventions de services en particulier. De même, M. Villiard confirme que l’APPPQ a participé à l’élaboration et à la rédaction des documents d’appel de candidatures[124].

 

[129]     Le 9 juin 2006, l’APPPQ émet un appel d’offres pour sélectionner des conseillers spécialisés pour l’élaboration des dossiers d’affaires dans le cadre du processus PPP pour les projets du CHUM et du CUSM. L’échéance de l’appel d’offres est le 26 juin 2006[125]. Pour le CHUM, l’APPPQ engage le bureau de conseils Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT)[126].

 

[130]     Chez RCGT, Nicolas Truchon, M.B.A., C.F.A. est, dans les faits, le responsable principal de l’élaboration du dossier d’affaires initial (DAI) afin d’évaluer le caractère opportun de réaliser en mode PPP le projet du Nouveau CHUM[127]. M. Truchon est appuyé par une équipe d’une quinzaine de professionnels au sein du réseau international de RCGT. Certains ont de l’expérience en PPP dans les projets d’hôpitaux au Royaume-Uni[128].

 

[131]     Lors des premières réunions de travail, M. Lortie remet à M. Truchon un document (d’abord la version anglaise et, à la réunion suivante, la version française) détaillant le cadre contractuel pour le futur contrat PPP, dans l’hypothèse où ce modèle serait effectivement retenu[129]. Selon M. Lortie, ce document est préparé par une jeune avocate du bureau Fraser Milner Casgrain. Il affirme ne pas pouvoir se rappeler de son nom.

 

[132]     Ce document de cadre contractuel répartit les obligations légales entre le CHUM et le partenaire privé du futur contrat de partenariat public-privé, le cas échéant. Selon M. Lortie, ce document a été soumis à l’agence gouvernementale spécialisée en PPP de la Colombie-Britannique pour révision et commentaires[130]. Le document a également circulé et a fait l’objet de consultations et de commentaires de la part du DE, du ministère de la Santé et du CHUM[131]. M. Lortie souligne l’importance de ce document qui doit, selon lui, constituer le fondement du contrat PPP à intervenir, le cas échéant, de même que le fondement du DAI, soit de l’analyse comparative entre l’utilisation du mode conventionnel et le mode PPP pour réaliser le projet du Nouveau CHUM.

 

[133]     En ce qui a trait à la répartition des obligations concernant la conception du projet, aucune obligation ou responsabilité n’est attribuée au CHUM ou à ses professionnels. Le texte est rédigé ainsi[132] :

 

Nature des risques et des obligations

Répartition des risques et des obligations contractuelles

Partenaire privé

Centre hospitalier universitaire (« CHU »)

4. Conception et construction

 

 

4.1. Conception

 

 

4.1.1. Conception

Le partenaire privé doit aménager l’installation et en achever la conception, à ses frais, de façon à ce que celle-ci convienne aux objets et à l’utilisation indiqués dans le devis descriptif et la convention. Le partenaire privé sera responsable de tous les retards et les frais liés aux défectuosités ou aux défauts de conformité de la conception avec les exigences de construction ou la convention.

 

 


 

Nature of risks and contractual obligations

Allocation of risks and contractual obligations

Private Partner

Centre hospitalier universitaire (« CHU »)

4. Design and construction

 

 

4.1. Design

 

 

4.1.1. Design

Private Partner shall at its own costs develop and complete design of the facility so it fits for the purposes of, and the uses specified in, the output specifications and the agreement. Private Partner shall be responsible for all delays and costs associated with defects or with the failure of the design to conform to the construction requirements or the agreement.

 

 

[134]     M. Lortie autorise RCGT à échanger avec le bureau sélectionné aux mêmes fins dans le cadre du projet du CUSM quant à leur processus d’évaluation et leurs conclusions[133]. Il aurait peut-être été utile ou préférable que chaque bureau formule une opinion autonome sans connaître la méthodologie, les orientations et les conclusions de l’autre. Cela n’a pas été fait.

 

[135]     RCGT se met à la préparation et à la rédaction du DAI, qui est en fait un rapport d’analyse. Le processus de travail et d’évaluation commence à partir de juillet 2006[134].

 

[136]     Le DAI compare deux modes de réalisation possibles, soit le mode conventionnel (le rapport se réfère au « Comparateur du secteur public » ou « CSP ») et le mode PPP (le rapport se réfère au « Projet de référence » ou « PR »). En fait, il s’agit d’un exercice de modélisation financière pour estimer les coûts de réalisation du Nouveau CHUM suivant l’un et l’autre mode de réalisation. L’analyse comparative ne se limite pas aux coûts de construction envisagés suivant chacun des deux modes de réalisation. Le mode PPP implique, après l’achèvement de la construction du projet, une responsabilité à long terme d’un partenaire privé, y compris la période au cours de laquelle des paiements unitaires lui sont versés par l’autorité publique. Cette période est à déterminer, mais RCGT utilise une période de référence de 37 ans[135].


 

[137]     Pour le « Projet de référence » (mode PPP), RCGT tient pour acquis que, dans le cadre d’un futur contrat de PPP, le partenaire privé aura la responsabilité de la conception du Nouveau CHUM. C’est le type de modèle de PPP utilisé dans les analyses du DAI. Le rapport du DAI précise à ce sujet :

 

« En réalisant le projet du CHUM via un PPP, les objectifs recherchés sont les suivants :

 

1.    Transfert au secteur privé des risques associés à

 

   La conception et à la construction des nouvelles installations,          notamment en ce qui concerne le respect du budget et de l’échéancier

 

   La conciliation des choix de conception et de construction à court terme       avec les coûts associés à l’entretien du bâtiment à plus long terme »[136]

 

[…]

 

« Ce modèle financier regroupe les coûts de conception, de construction, d’entretien et de maintien des actifs associés à la prestation des services définis au devis de performance ainsi que les coûts de financement correspondants »[137]

 

[…]

 

« Il [le partenaire privé] utilisera son expertise ainsi que des méthodes de construction innovatrices afin de maîtriser les risques transférés

 

·         Dans le contexte de réalisation d’un PPP, l’orientation vers un devis de performance donne à l’entrepreneur la latitude de choisir et d’optimiser ses méthodes de construction

 

·         Permet également à l’entrepreneur de choisir ses sous-traitants et d’assurer une coordination efficace et une optimisation du calendrier de réalisation »[138]

 

[…]

 

« Impact moindre que pour le CSP puisque le CHUM pourra s’appuyer sur des contrats déjà élaborés dans d’autres projets au Canada (Abbotsford) ou ailleurs (Version 3 d’un projet de contrat Standard du Royaume-Uni). De plus, les partenaires privés sont familiers avec le processus de sélection de fournisseurs.

Le partenaire privé aura une seule équipe de design. Les partenaires privés potentiels ont une large expérience de gestion et de coordination d’équipes de design (architectes, ingénieurs, planificateurs du domaine sociosanitaire) pour des projets similaires. »[139]

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[138]     Dans le DAI, le Projet de référence (mode PPP) est défini ainsi :

 

« Exercice de modélisation financière de l’ensemble des coûts associés à la prestation de certains services par le secteur privé via un PPP. Pour les besoins du DAI, le PR consiste à simuler une proposition financière d’un partenaire privé ou plus précisément une estimation du paiement annuel à partir des travaux qui seraient requis selon un devis de performance. »[140]

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[139]     L’analyse financière des coûts de réalisation du Nouveau CHUM en mode PPP exclut donc, comme prémisse de base, de confier aux professionnels des équipes maîtres la conception générale du projet et la préparation des plans et devis préliminaires pour le projet du Nouveau CHUM. Compte tenu du modèle de PPP retenu aux fins de l’analyse, il est considéré suffisant pour le mode PPP que les professionnels du CHUM fournissent uniquement des devis de performance au partenaire privé[141].

 

[140]     L’analyse de modélisation financière est calculée pour une durée de 37 ans, se terminant (tel qu’il était estimé à ce moment) en mars 2043[142].

 

[141]     Pour les calculs comparatifs du DAI, RCGT fait son analyse en utilisant un taux d’actualisation nominal de 8 %. Le DAI indique que ce taux est celui qui lui est fourni par l’APPPQ[143] :

 

Hypothèses de travail

 

Modélisation financière - Hypothèses générales

 

Taux d’actualisation

Actualisation au taux réel de 6,0 % et au taux nominal de 8,0 % (taux Agence PPP du Québec)

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]


 

[142]     Selon M. Lortie, l’APPPQ a reçu instruction du Gouvernement d’utiliser le taux d’actualisation de 8 % pour le CHUM à la suite d’une recommandation en ce sens par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO)[144]. Tel que nous le verrons, l’emploi d’un tel taux sera plus tard controversé et critiqué, notamment par le Vérificateur général du Québec (VGQ).

 

[143]     De plus, le mode PPP implique que le partenaire privé doit prendre à sa charge, après l’achèvement de la construction et après le transfert de possession des lieux construits, certaines obligations pendant une période d’années à déterminer, notamment :

 

a) des frais d’entretien du bâtiment et de ses composantes, y compris des équipements sur place, et ce, par le biais des dépenses courantes;

 

b) des frais de « maintien de l’actif » qui comprend des dépenses, au cours de la durée du contrat (période estimée à ce moment à 37 ans, mais réduite plus tard à 30 ans), de la nature des dépenses capitales, tel le remplacement des éléments majeurs du bâtiment et des équipements. Selon M. Lortie, la responsabilité du partenaire privé a pour conséquence que le Gouvernement n’a pas de dépense significative additionnelle à faire au cours de cette période de paiements des versements unitaires[145]. Il estime que des dépenses d’entretien et de maintien des actifs devront commencer à être payées par l’autorité publique de 5 à 8 ans après la fin de cette période.

 

[144]     L’analyse financière que constitue le DAI comprend des éléments objectifs et subjectifs. L’analyse mathématique est objective. Mais les chiffres employés ne sont pas toujours établis de manière scientifique et comprennent leur part de subjectivité.

 

[145]     En premier lieu, pour des raisons évidentes, il est très difficile, voire impossible, de prévoir l’évolution des faits applicables à une situation, en particulier l’évolution des besoins dans des domaines aussi complexes que la médecine et les soins hospitaliers, sur un horizon de 30 à 37 ans.

 

[146]     En deuxième lieu, le DAI comprend beaucoup de chiffres qui proviennent des sources de l’équipe d’analyse de RCGT, de leur recherche et de leur expérience en PPP, notamment au Royaume-Uni[146]. Or, les expériences vécues et les opinions des différents professionnels du secteur peuvent varier beaucoup entre elles. De même, le contexte et la réalité au Québec et au Canada ne sont pas nécessairement ceux de l’Angleterre et du Royaume-Uni. M. Truchon explique que beaucoup de données proviennent des « meilleures pratiques »[147] dans le domaine des PPP, ce qui reste vague et non documenté.

 

[147]     En troisième lieu, beaucoup de chiffres utilisés proviennent des ateliers d’analyse (au nombre de 5) et des séances de validation (au nombre de 3) conduites avec le personnel du CHUM et d’autres personnes pour tenter de définir et de quantifier des risques projetés pour réaliser le Nouveau CHUM selon le mode PPP et selon le mode conventionnel[148]. Il y avait même des ateliers tenus pour tenter de déterminer les chiffres à utiliser dans la modélisation financière quant aux paramètres liés à la complexité du projet et des risques indéterminés.

 

[148]     À titre d’exemple, la notion d’Ajustement Inhérent au Projet (AIP), employée dans le DAI, constitue un facteur important à intégrer dans la modélisation financière. L’AIP vise à évaluer et à quantifier, pour les fins de calculs, tous les risques associés à la réalisation des projets, soit la construction et la période après la réception du bâtiment construit, et ce, au cours d’une période de 37 ans. Quoique les employés du CHUM puissent avoir des commentaires pertinents à considérer, ils ne sont pas des experts dans l’évaluation des risques, surtout au regard d’une période aussi longue. C’était le président de l’atelier, normalement M. Truchon, qui faisait l’interprétation des données discutées et déterminait les chiffres à retenir et à intégrer dans son analyse.

 

Remise du dossier d’affaires initial

 

[149]     Le 21 novembre 2006, RCGT finalise le DAI et le remet à l’APPPQ. Le DAI est aussitôt distribué aux responsables du DE et du CHUM[149]. Au cours du mois précédent, soit en octobre 2006, une version antérieure à celle produite au dossier de la Cour a été reçue et communiquée à M. Gignac au DE[150]. La conclusion du DAI est qu’il coûtera moins cher au Gouvernement de construire le Nouveau CHUM en mode PPP (1,092 milliards $) qu’en mode conventionnel (1,415 milliards $)[151]. Le montant ainsi épargné pour les fonds publics serait de 323 $ millions. Le DAI conclut donc que le mode PPP présente pour le Nouveau CHUM « la meilleure valeur ajoutée pour les fonds publics investis. »[152]

 

[150]     De plus, le DAI recommande de construire le Nouveau CHUM en deux phases. Lors d’une première phase, le Centre de recherche du CHUM (CRCHUM) sera réalisé en mode PPP. Suivant une deuxième phase, le reste du CHUM sera réalisé, également en mode PPP[153]. Selon le DAI, cette séquence, par phase de réalisation, permettrait de mettre le CRCHUM en service dix (10) mois plus tôt.

 

[151]     Selon le témoignage de M. Lortie, cette division a également permis à l’APPPQ, au CHUM et au DE d’acquérir de l’expérience dans le mode de réalisation PPP. En outre, la taille plus petite du projet du CRCHUM et le coût de construction moins élevé permettaient la participation de partenaires privés québécois, car les exigences financières très élevées pour un PPP sont, dans ce cas, plus abordables[154].

 

[152]     Le 12 décembre 2006, après discussions concernant les conclusions du DAI, notamment les bénéfices et la valeur ajoutée dans les circonstances du mode de réalisation PPP, le CHUM, l’APPPQ et le DE font une recommandation conjointe au Gouvernement de suivre les conclusions du DAI et de réaliser le Nouveau CHUM en mode PPP[155].

 

[153]     Or, à ce moment, le CHUM et l’APPPQ ont rejeté le modèle PPP retrouvé dans les documents d’appel et les conventions de services intervenues avec les équipes maîtres suivant lesquelles les mandats de conception générale du projet et la production des plans et devis préliminaires étaient confiés aux équipes maîtres. Le DE hésite. Même si le DE a accepté le cadre contractuel de PPP éliminant le rôle des équipes maîtres à cet égard et est d’accord avec le DAI qui s’appuie sur la même prémisse, le DE est intéressé à maintenir ces éléments des mandats : le DE continue de reconnaître les avantages d’un modèle PPP confiant ces mandats aux équipes maîtres[156].

 

[154]     Ainsi, les discussions entre le CHUM, l’APPPQ et le DE par rapport à ce « grand questionnement », bien présentes au moment de la rédaction des documents d’appel, tel que confirmé par M. Villiard, poursuivent leur cours. En effet, il s’agit d’un item identifié pour discussion et décision à venir en vertu de l’Entente-cadre entre les trois entités.

 

[155]     À cette fin, après cette recommandation conjointe, l’APPPQ est chargée d’entreprendre une étude et analyse de la question. Nous reviendrons sur la poursuite des discussions entre le CHUM, le DE et l’APPPQ à ce sujet et la teneur du document qui sera préparé par l’APPPQ[157].

 

[156]     Le 13 juin 2007, le Gouvernement publie deux décrets, soit le Décret 419-2007[158] mandatant l’APPPQ pour mettre en place le processus d’octroi des contrats en mode PPP pour le Nouveau CHUM, et le Décret 423-2007[159] autorisant le CHUM à procéder à un appel de qualification en mode PPP[160] pour construire le Nouveau CHUM.

 

[157]     Le 27 juin 2007, le CHUM lance un appel de qualification en mode PPP aux soumissionnaires pour les projets du CHUM et du CRCHUM[161].

 

B) Une deuxième voie parallèle : redéfinition, division et agrandissement majeur du projet du Nouveau CHUM

 

[158]     Après que le budget total ait été approuvé par le Gouvernement à 1,518 milliards $, le site choisi, les professionnels engagés, le mode de réalisation (PPP) sélectionné et l’appel de qualification en mode PPP émis, il est surprenant que le projet dans son ensemble fût encore destiné à des changements majeurs et radicaux, à la fois d’ordre technique et budgétaire, et concernant les mandats des professionnels des équipes maîtres.

 

[159]     Dans un premier temps, le Gouvernement avait décidé que le budget alloué devait être respecté et que les besoins cliniques devaient obligatoirement céder au budget préalablement autorisé[162].

 

[160]     Dans un deuxième temps, à la suite de pressions politiques, le Gouvernement s’est ravisé et a autorisé un changement de cap important : le budget à autoriser augmentera en fonction de l’évaluation des besoins cliniques. Le Gouvernement a décidé que les besoins cliniques seraient déterminés de concert avec les acteurs et intervenants du milieu médical concerné.

 

[161]     Ainsi, en 2007 et en 2008, le CHUM a redéfini et a agrandi, de manière majeure, ses besoins cliniques pour prodiguer des soins à sa clientèle future, compte tenu notamment de ses projets en recherche et des services ultraspécialisés que le Nouveau CHUM serait appelé à fournir à la population de Montréal et à celle de ses environs, et dans certains cas, ailleurs au Québec. Ces changements ont notamment entraîné une augmentation de 72 chambres, de 30 % de la superficie du bloc opératoire, de 16 civières en chirurgie d’un jour et de la superficie de 33 000 mètres carrés[163]. Il a également été progressivement décidé qu’il n’y aurait plus de rénovations de bâtiments existants incorporés au projet du Nouveau CHUM. Tout sera construit à neuf.

 

[162]     La démolition de l’ancien hôpital Saint-Luc est autorisée. Il y a ajout de 2 000 mètres carrés en espace pour des fins d’enseignement, de bureaux et de recherche[164].

 

[163]     M. Gignac a expliqué que cette réévaluation des besoins cliniques, qui s’est terminée vers l’automne 2008, a eu pour effet d’augmenter le budget total du projet du Nouveau CHUM. Selon M. Gignac, le budget du Nouveau CHUM a été progressivement augmenté à 3,1 milliards $[165]. Le CHUM n’a produit aucune preuve pour détailler ou ventiler comment ces bonifications au projet du Nouveau CHUM ont pu donner lieu à une majoration de l’ordre de 300 % du budget initial. Nous verrons que les coûts de construction ont également, au fil du temps, augmenté de 848 000 000 $ à 2 290 213 840,36 M$, avant taxes[166]. Quant aux coûts de construction du projet, nous y reviendrons.

 

C) Une troisième voie parallèle : refonte majeure unilatérale par le CHUM, par étapes, des mandats prévus aux conventions de services

 

1. Dès la mise en vigueur des conventions de services, le CHUM et le DE désirent modifier en profondeur les mandats accordés à BPYA et à BPTH

 

[164]     Au cours de la même période de redéfinition des besoins cliniques et de l’augmentation conséquente des besoins physiques et techniques, de même que l’augmentation du budget et des coûts de construction du Nouveau CHUM, les discussions entre le CHUM, le DE et l’APPPQ quant à la portée des mandats accordés aux professionnels des équipes maîtres aux termes des conventions de services ont continué.

 

[165]     Pourtant, la mise en vigueur des conventions de services le 11 juin 2007 a entériné le rôle majeur confié aux professionnels des équipes maîtres dans la conception générale du projet, la préparation des plans et devis préliminaires et la réalisation générale quant aux coûts, à l’échéancier, à la qualité et au contenu des travaux du projet. Selon la teneur de ces conventions de services, le choix du mode de réalisation, soit PPP ou conventionnel, ne modifie pas ce rôle majeur. Au contraire, ces conventions précisent spécifiquement les mandats étendus de ces professionnels lors de la réalisation du projet en mode PPP.

 

[166]     En particulier, les conventions de services prévoient que les équipes maîtres, suivant le mode PPP, ont notamment les mandats pour l’élaboration de la conception générale du projet, pour la préparation des plans et devis préliminaires et pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux. Après avoir élaboré le concept et préparé les plans et devis préliminaires, les architectes et ingénieurs des équipes maîtres sont mandatés, lors de la réalisation des travaux, pour veiller au suivi de ceux-ci et aux contrôle et respect du budget convenu, notamment par le biais des devis de performance basés sur les plans et devis préliminaires, afin de vérifier que les plans définitifs proposés par des architectes et ingénieurs du partenaire privé s’y conforment.

 

[167]     Or, aux mois de septembre et octobre 2008, les mandats de BPYA et de BPTH pour le projet du Nouveau CHUM ont été réduits à ceux de professionnels accompagnateurs des équipes internes du CHUM pour rendre des services sur appel.

 

[168]     Dans les prochaines sections, nous résumerons la preuve quant aux développements principaux au cours desquels les mandats des équipes maîtres ont été modifiés en profondeur et, de fait, transformés[167].

 

2. Décision initiale quant à la portée des mandats des professionnels dans le cadre d’un PPP

 

[169]     Avant et au cours de la rédaction par le CHUM, le DE, et dans une certaine mesure l’APPPQ, des documents d’appel de candidatures pour sélectionner les équipes maîtres[168], soit au cours de la période d’octobre 2005 à mai 2006, leurs représentants étaient au courant des différentes formules utilisées dans les contrats des PPP, quant au niveau d’implication des professionnels de l’autorité publique dans l’élaboration du concept du projet à construire. La portée des mandats des professionnels des équipes maîtres, notamment quant à leur implication dans la conception générale du projet et la production des plans et devis préliminaires, advenant le choix du mode PPP, faisait l’objet de discussions vives et importantes et d’un « grand questionnement »[169] parmi eux. Nous nous sommes déjà référé au témoignage de M. Villiard à ce sujet[170].

 

[170]     M. Villiard a témoigné hors Cour qu’il était bien au courant à ce moment de cette problématique.

 

[171]     M. Villiard a témoigné également qu’il s’était bien informé par rapport à cette question avant la rédaction des appels de candidatures et des conventions de services[171]. Il avait notamment voyagé au Royaume-Uni en 2005[172]. Il a visité les hôpitaux réalisés en PPP au Canada, notamment celui de Brampton en Ontario et à Abbotsford en Colombie-Britannique et a rencontré et discuté avec les responsables de la gestion en PPP de ces projets[173]. Lui et son équipe ont reçu des formations des personnes impliquées dans la construction en PPP de l’hôpital d’Abbotsford en Colombie-Britannique, à savoir les personnes chargées de ce projet à l’Agence provinciale de la Colombie-Britannique, l’équivalent de l’APPPQ, soit le « BC Partnership ». Selon M. Villiard, lui et son équipe « avaient une bonne appréciation[174] du modèle PPP influencé principalement par le modèle anglais »[175]. Dans son interrogatoire hors Cour, M. Villiard s’est exprimé ainsi[176] :

 

 

Me GUY GILAIN :

Q.

O.K. C’était… C’était quoi le but des visites?

R.

Bien, le but des visites c’était de bien comprendre le processus PPP, qu’est-ce que ça comprenait comme devis de performance. Qui faisait la conception? Est-ce qu’on avait besoin d’esquisses? Pas d’esquisses? Les problèmes rencontrés dans les premiers PPP au Royaume-Uni. Les améliorations, ils étaient rendus, quand on est passé je pense à la version 3 de leur contrat

Q.

Oui.

R.

de PPP. Alors donc c’était de mieux comprendre le processus PPP. Qu’est-ce que ça avait l’air, qu’est-ce que ça nécessitait? Puis vers où ils s’en allaient? Parce que c’est un processus qui est… Et il y en avait différentes sortes d’ailleurs, […]

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

[172]     Or, malgré cette connaissance, les choix effectués et les mandats accordés aux équipes maîtres en vertu des documents d’appel de candidatures, le CHUM a approuvé le cadre contractuel utilisé par RCGT pour le DAI et a participé aux ateliers et processus de RCGT basé sur un modèle PPP en vertu duquel la conception du futur hôpital relevait exclusivement des professionnels du partenaire privé, et ce, uniquement à partir des devis de performance préparés par les professionnels du CHUM, soit les équipes maîtres d’architecture et de génie.

 

3. Revirement de décision quant aux mandats octroyés

 

[173]     Selon les choix faits par le CHUM et le DE au moment de la rédaction des documents d’appel de candidatures, si la réalisation du Nouveau CHUM s’effectuait en mode PPP, la direction du CHUM allait conserver, par l’entremise de ses équipes maîtres, un contrôle serré de la conception et de la mise en œuvre du projet. En effet, les conventions de services prévoient que dans ce cas, les professionnels des équipes maîtres du CHUM élaborent la conception générale du projet et préparent les plans préliminaires. Ensuite, lors de la phase de réalisation du projet, les équipes maîtres préparent les devis de performance pour le partenaire privé et ensuite le surveillent et s’assurent que les plans définitifs des professionnels du partenaire privé respectent en tous points les plans préliminaires approuvés par le CHUM. Enfin, les documents d’appel confirment que les équipes maîtres ont la responsabilité de s’assurer que la réalisation technique par le partenaire privé soit en tous points conforme aux plans et devis définitifs approuvés par l’autorité publique.

 

[174]     Malgré le contenu explicite des appels de candidatures et des conventions de services, il y a eu une remise en question et un revirement de décision du CHUM et du DE se soldant par un délestage de ce modèle de PPP, annoncé aux équipes maîtres et confirmé dans les conventions de services initiales signées et mises en vigueur. L’APPPQ, pour sa part, a toujours préconisé le choix d’un autre modèle PPP selon lequel les professionnels de l’autorité publique n’auraient pas ou peu de rôle dans la conception du projet et en particulier n’auraient pas le mandat de préparer les plans et devis préliminaires à l’origine du projet à réaliser, tel qu’il appert notamment du cadre contractuel du PPP soumis par l’APPPQ, du DAI préparé par RCGT au nom de l’APPPQ[177] et du témoignage de M. Lortie.

 

[175]     L’Entente-cadre de gouvernance intervenue entre le CHUM, le DE et l’APPPQ[178] avant l’émission ou le lancement des appels de candidatures (8 juin 2006) fait référence à la question de la détermination du modèle optimal de PPP à employer et du partage optimal des responsabilités entre l’autorité publique et le secteur privé[179].

 

[176]     Selon l’Entente-cadre, la responsabilité principale de déterminer le modèle optimal de PPP est attribuée à l’APPPQ, mais, en collaboration avec le CHUM et le DE. L’Entente-cadre prévoit :

 

5.  L’APPPQ détermine le modèle optimal de PPP, du partage optimal des responsabilités et de l’allocation de risques entre les secteurs public et privé, en collaboration avec le CHUM et le D.E.

 

[177]     Cette responsabilité vise notamment à décider de la question du partage des mandats et des responsabilités entre les professionnels des équipes maîtres du CHUM et les professionnels du partenaire privé. Les trois entités s’entendent alors pour discuter et décider plus tard de cette question. Or, en ce qui a trait à BPYA et à BPTH et ce qui leur a été présenté, la question est déjà décidée et annoncée dans les documents d’appel de candidatures qui ont été émis et confirmés par les conventions de services intervenues. En effet, les documents d’appel déterminent et fixent les mandats et les responsabilités des équipes maîtres. BPYA et BPTH et les autres soumissionnaires se basent et se fient sur la teneur des documents d’appel publics pour faire leurs soumissions. La décision quant au « modèle optimal de PPP » à employer, dans la mesure où il a un impact sur les mandats des professionnels de l’autorité publique, est déjà prise. C’est ce qui est annoncé et représenté à BPYA et à BPTH.

 

[178]     Nous avons vu que le 24 novembre 2006, BPYA et BPTH sont informés par lettre qu’ils ont remporté ces appels publics; le 1er mars 2007, les conventions de services sont signées; le 11 juin 2007, les conventions de services sont mises en vigueur.

 

[179]     Au cours de toute cette période, personne n’informe BPYA ou BPTH de l’existence de ce débat, de cette remise en question, de ces discussions, de ce « grand questionnement » qui risque de modifier de fond en comble leurs conventions de services et d’en amputer le cœur, y compris les éléments décrits dans les contrats comme étant « les facteurs essentiels et même l’essence »[180] de celles-ci.

 

[180]     Selon la preuve, des discussions à cet égard se sont poursuivies entre le CHUM, le DE et l’APPPQ, avant l’entrée en vigueur des conventions de services le 11 juin 2007.

 

[181]     Dès juillet 2006, le document de cadre contractuel de PPP remis par l’APPPQ à RCGT précise que le partenaire privé s’occupe exclusivement de la conception générale du projet et la préparation des plans et devis préliminaires[181]. Ce document reçoit l’approbation du CHUM et du DE. De juillet à septembre 2006, le CHUM participe aux ateliers tenus dans le cadre du DAI où tous les risques et avantages du mode PPP, fondés sur le modèle PPP du cadre contractuel, sont discutés et analysés.

 

[182]     En octobre et novembre 2006, RCGT remet à l’APPPQ, au DE et au CHUM le DAI dont l’analyse est fondée sur un modèle de PPP qui confie l’exclusivité de la conception du projet, de même que la préparation de tous les plans et devis, au partenaire privé[182].

 

[183]     Au moins quelques mois avant le 7 juin 2007, date du Document d’analyse de l’APPPQ[183] (Document d’analyse), le CHUM, le DE et l’APPPQ confirment entre eux que l’APPPQ entreprendra une étude et une analyse de la question. Étant donné la clause 5 de l’Entente-cadre, il est clair que le CHUM fait partie de ces discussions et consultations. M. Gignac admet d’ailleurs qu’il a « participé à certaines consultations » du processus d’analyse faisant partie de l’élaboration et de la rédaction du Document d’analyse de l’APPPQ[184].

 

[184]     Le 29 mai 2007, avant la mise en vigueur des conventions de services (qui a eu lieu le 11 juin 2007), M. Gignac du DE est au courant que la portée des mandats confiés aux professionnels est sous révision et risque de changer. Il précise dans une lettre au CHUM :

 

« Les limites du mandat des professionnels vous seront précisées ultérieurement. »

 

[185]     Le 7 juin 2007, l’APPPQ émet une version révisée du Document d’analyse distribué antérieurement concernant le degré « optimal » d’avancement de la conception du projet à construire au moment de l’appel de propositions en PPP pour le Nouveau CHUM. La version révisée est communiquée à M. Gignac le 20 juin 2007[185].

 

[186]     Une version antérieure du document d’analyse avait été communiquée à M. Gignac. En effet, la lettre de présentation du document mentionne de manière spécifique que certaines parties d’une version antérieure ont été éliminées à la demande de M. Gignac[186].

 

[187]     Le Document d’analyse recommande notamment de retirer aux professionnels des équipes maîtres du CHUM le mandat pour la conception générale du projet et pour la préparation des plans et devis préliminaires. Or, selon la teneur de ce document, le type de modèle PPP, intégré dans les documents d’appel et les conventions de services signées et selon lequel la préparation d’une conception avec plans et devis préliminaires est réalisée par les professionnels de l’autorité publique, demeure une option reconnue et valable. Le Document d’analyse confirme que le modèle PPP intégré dans les conventions de services offre même des avantages certains. Il permet notamment un plus grand contrôle par les autorités publiques quant au concept, aux exigences cliniques et aux coûts. Cependant, selon le Document d’analyse, ce type de modèle peut s’avérer moins efficace, car les partenaires privés potentiels peuvent, en certaines circonstances, ne pas avoir une latitude entière de définir leur propre concept devant plutôt répondre aux besoins techniques identifiés par l’autorité publique. Le Document d’analyse de l’APPPQ fait état que, selon les consultations menées auprès d’un certain nombre de partenaires privés œuvrant dans le marché PPP, certains préfèrent jouir de cette discrétion supplémentaire.

 

[188]     Le Document d’analyse préparé par l’APPPQ fait état de la préférence de certains partenaires privés consultés pour le modèle PPP selon lequel l’autorité publique ne fournit pas de conception préalable ni de plans et devis préliminaires. Il fait également état de certaines mises en garde à ce sujet. Il y a lieu de se référer à certains extraits de ce document[187] :

 

« Les conclusions qui émanent de nos consultations avec des dirigeants possédant une bonne expérience de tels projets sont les suivantes :

 

a)    Un A/P [Appel de propositions] qui est lancé au point A du Tableau 3 (études préparatoires complétées) offre les meilleures garanties que la conception intégrera le plus d’innovations et qu’elle favorisera l’efficacité du centre hospitalier. C’est également l’approche la plus susceptible de donner les résultats les plus probants tant en termes de coût et de qualité pour le CHUM et le CUSM;

 

b)    Un A/P [Appel de propositions] qui est lancé lorsque les plans et devis préliminaires sont complétés (point C du Tableau 3), ce qui correspond à la « conception réalisée à 30 % », constitue la limite acceptable pour un projet PPP. Toutefois, il faut reconnaître que cette démarche prive le processus PPP d’une part considérable qu’il pourrait produire, augmente les coûts et les délais, parce que les soumissionnaires doivent produire une nouvelle conception qui intègre leur propriété intellectuelle et leur savoir-faire ou accepter les inefficacités de la conception des autorités publiques par crainte d’être non conformes, et limite le transfert des risques sans procurer un avantage marqué aux autorités publiques;

 

[…]

 

Une mise en garde s’impose. La discussion qui précède et les conclusions qui s’ensuivent reposent sur l’hypothèse selon laquelle il y a au moins deux consortiums concurrents pour chaque projet PPP. Si tel n’est pas le cas, la disponibilité d’un concept de référence pour évaluer le caractère concurrentiel d’une seule offre acquiert une importance certaine.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[189]     En outre, le Document d’analyse de l’APPPQ fait état d’une autre formule pouvant possiblement aider à contrôler certains coûts et qui a déjà été utilisée dans la réalisation de certains projets PPP : la détermination d’avance par l’autorité publique d’un « critère d’abordabilité ». Suivant la formule de « critère d’abordabilité », l’autorité publique établit, dans l’appel de propositions PPP aux partenaires privés, un coût maximal de construction et le déclare comme un critère de recevabilité de toute soumission à déposer par le proposant soumissionnaire. D’autres aspects fondamentaux du projet ne sont pourtant pas réglementés par la formule du critère d’abordabilité, par exemple, les conditions financières, la qualité de la conception proposée, la qualité des travaux réalisés ou encore l’échéancier de réalisation des travaux.

 

[190]     Avec la formule du critère d’abordabilité, il n’y a donc, en principe, pas ou peu de compétition parmi les proposants pour offrir le prix le moins élevé pour réaliser le projet. Il faut plutôt que le proposant ne dépasse pas le coût maximum déterminé d’avance. C’est du moins la théorie en lien avec cette formule. Cependant, cette formule a des limites et peut également être inefficace en l’absence de plusieurs partenaires privés proposants, car le prix peut être fixé d’avance, mais non le contenu du projet à livrer. Également, des plans et devis préliminaires offrent une meilleure certitude quant aux coûts pertinents et ciblés. Il y a lieu de se référer à l’extrait suivant du Document d’analyse[188] :


 

4.3  Les critères d’abordabilité

 

[…]

 

Mais qu’en est-il des contraintes budgétaires? […] Si on stipule explicitement les limites budgétaires comme critère d’admissibilité de la soumission, les consortiums déploieront des efforts considérables pour rencontrer les objectifs cliniques, fonctionnels et techniques du CHUM et du CUSM à l’intérieur de l’enveloppe budgétaire. Il y a plusieurs exemples de projets PPP où cette démarche a été adoptée et, par conséquent, les consortiums internationaux sont familiers avec le critère de l’abordabilité. Lorsqu’ils sont consultés sur la question, ils admettent volontiers qu’une telle contrainte a forcé leurs équipes à élaborer des solutions innovatrices, ce qui ne se serait pas produit avec autant de vigueur en l’absence d’une contrainte budgétaire fixe.

 

[…]

 

Les tenants de la réalisation du concept ou des plans et devis préliminaires par les professionnels retenus par les autorités publiques avant l’A/P [Appel de propositions] d’un projet réalisé en mode PPP se fondent principalement sur l’argument que cela procure au programme une plus grande certitude, des détails supplémentaires et un meilleur contrôle sur la conception que ce que permet une soumission basée sur les études préparatoires et un programme fonctionnel et technique, et ce faisant, une meilleure certitude au chapitre des coûts.

 

[…]

 

Le souhait […] d’obtenir une plus grande certitude au chapitre des coûts avant d’autoriser la réalisation des projets du CHUM et du CUSM est légitime et raisonnable.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[191]     Pour M. Lortie, il est évident que le modèle de PPP à utiliser est celui qui délègue la conception au partenaire privé et confie à ce dernier la préparation des plans et devis préliminaires[189]. À son avis, il faut donc retirer aux équipes maîtres les mandats pour l’élaboration de la conception et la préparation des plans et devis préliminaires. De même, il faut faire intervenir le partenaire privé le plus tôt possible dans le processus afin qu’il développe son propre concept, car il sera requis, à moyen terme (30 à 37 ans), de vivre financièrement avec les choix de travail et du projet qu’il propose.

 

[192]     En outre, à son avis, il faut éliminer le mandat confié pour le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux. Il faut le remplacer par la formule de « critère d’abordabilité » et l’intégrer dans les appels de propositions aux partenaires privés potentiels. Selon son témoignage, il a toujours eu ce point de vue et il n’a jamais changé d’idée.

 

[193]     Cependant, ce nouveau modèle et cette nouvelle formule sont diamétralement opposés à l’approche et au contenu obligationnel des textes des documents d’appel et des conventions de services conclues avec BPYA et BPTH et mises en vigueur.

 

4. Changement de modèle PPP par le CHUM et refonte contractuelle unilatérale imposée à BPYA et à BPTH

 

[194]     Les conventions de services initiales confèrent aux architectes et aux ingénieurs maîtres, advenant le choix du mode PPP, le mandat de préparer la conception générale et les plans et devis préliminaires du projet du Nouveau CHUM. De même, ces conventions confient aux équipes maîtres le mandat pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux, et ce, pendant toutes les phases de la réalisation du projet. Les conventions de services qualifient ces mandats de « facteurs essentiels et l’essence même du contrat ».

 

[195]     Ainsi, selon la preuve, avant même la mise en vigueur des conventions de services, le CHUM est au courant que tous ces mandats sont aléatoires, à risque et susceptibles d’être retirés.

 

[196]     Mais c’est seulement le 5 septembre 2007 que le CHUM présente à BPTH un projet amendé de sa convention de services[190]. Le projet propose d’éliminer le mandat de BPTH notamment en ce qui a trait à son rôle dans la conception générale du projet et la préparation des plans et devis préliminaires[191].

 

[197]     Le 12 octobre 2007, le CHUM présente à BPYA un projet amendé de sa convention de services. Il s’agit d’une refonte complète de la convention de services initiale éliminant notamment les mandats pour l’élaboration de la conception générale du projet, pour la préparation des plans et devis préliminaires et pour assurer le contrôle, pour chaque phase du projet en mode PPP, des coûts et du respect du budget.

 

[198]     La partie de la convention de services relevant de la planification (Phase 2) retire notamment le mandat de « finaliser et de s’assurer de l’optimisation de la valeur du concept du projet » et « de produire les plans et devis préliminaires et tous les documents requis pour estimer les coûts »[192].

 

[199]     La modification proposée à BPYA inclut une quittance en faveur du CHUM[193] pour toute réclamation ou dommage « pouvant résulter de cette réduction de mandat ».

 

5. Réactions de BPYA et de BPTH aux projets de conventions de services « amendées »

 

[200]     Le 16 octobre 2007, BPYA refuse de signer l’amendement proposé[194]. Le 25 octobre 2007, BPTH fait de même[195].

 

[201]     BPYA et BPTH sont étonnés et incrédules devant l’ampleur des réductions de mandats annoncées. Ils estiment que le CHUM veut leur retirer le cœur des mandats prévus aux conventions de services intervenues. Or, ces mandats s’inscrivent dans ce que le CHUM avait qualifié dans les conventions de services comme des éléments « essentiels et l’essence même du contrat »[196].

 

[202]     BPYA et BPTH sont encore plus surpris du motif fourni par le CHUM pour expliquer ces éliminations de mandats. Selon le CHUM, ces éliminations découlent tout naturellement du choix effectué de réaliser le Nouveau CHUM en mode PPP. Or, les documents d’appel et les conventions de services confèrent de manière explicite aux équipes maîtres, advenant le choix du mode PPP, les mandats pour élaborer la conception générale du projet, pour préparer les plans et devis préliminaires et pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux.

 

[203]     BPYA et BPTH expliquent au CHUM que ces mandats s’inscrivent et sont conséquents avec le mode de réalisation en PPP, conformément à d’autres contrats PPP réalisés avec succès. Ils expliquent également au CHUM que c’est en raison de la présence de ces mandats explicites dans les documents d’appel qu’ils ont soumissionné pour les conventions de services et qu’ils ont décidé d’accepter les conditions posées dans les documents d’appel.

 

[204]     Le 23 octobre 2007, BPYA écrit au CHUM ainsi[197] :

 

« […] Nous vous soumettons cependant pour considération le 3ième paragraphe de la page 6 de 14 du document « Mandat Équipe maître d’architecture » daté du 24 août 2006, qui fait partie intégrante du contrat :

 

« Quel que soit le mode de réalisation choisi (conventionnel / forfaitaire ou PPP), les équipes maîtres d’architecture et de génie se verront confier le concept et la préparation du dossier et des plans et devis préliminaires pour toutes les phases composantes du projet ».

 

Nous vous rappelons que c’est en grande partie sur la base de cette clause que nous avons accepté le mandat et que nous vous avons donné l’exclusivité de nos services. Dans votre lettre, vous invoquez la décision du gouvernement de réaliser le projet en PPP pour modifier notre mandat. L’article ci-dessus le prévoyait déjà.

 

[…]

 

L’expérience des PPP dans le secteur hospitalier au Québec est pratiquement inexistante, aussi croyons-nous utile de profiter de l’expérience d’autres pays, comme la Grande-Bretagne; après plusieurs années de réalisations en PPP, ce pays a mis au point un processus spécifique aux projets hospitaliers, visant à améliorer la qualité des projets et à diminuer leurs coûts d’opération à long terme.

 

Selon le processus en cours actuellement, et ce, depuis 2004, les équipes maîtres en architecture et en ingénierie développent, en collaboration avec le client, un design conceptuel qui se veut une solution réalisable, répondant aux objectifs du projet en termes de fonctionnalité, de qualité et de coût. Ce design, appelé « PSC » (Public Sector Comparator) ou « Examplar model », est fourni aux soumissionnaires avec les autres documents tels que le devis de performance. Ce design n’est cependant pas prescriptif; il s’agit plutôt d’une base servant à illustrer de façon claire les objectifs recherchés par le client. Ce design ne se veut pas un frein à l’innovation; au contraire, il pose au soumissionnaire le défi de l’améliorer et de le surpasser.

 

[…]

 

Les avantages de préparer un PSC sont essentiellement, de laisser à l’hôpital le plus d’implication et de maîtrise possible sur le développement du projet et sur le résultat final. Le but recherché est d’améliorer de façon significative la qualité du projet tout en réduisant les coûts et le temps requis par les soumissionnaires pour préparer leurs propositions.

 

D’une part, lorsque les concepteurs sont engagés par le secteur privé, ils doivent répondre à des objectifs fixés par leurs clients, soit de construire au coût le plus bas possible; ce n’est pas toujours dans les meilleurs intérêts de l’hôpital, dont l’objectif est d’obtenir le meilleur projet possible à l’intérieur du budget disponible, et ce, dans l’intérêt ultime des patients.

 

D’autre part, plus la solution conceptuelle développée par les équipes maîtres de professionnels est complète, moins grand est le risque que le budget soit substantiellement dépassé. En effet, le « modèle exemplaire » constitue une base valable pour établir une estimation du coût qui serait nécessaire au secteur public pour réaliser le projet.

 

Enfin, ce design permet d’établir un étalon de comparaison pour évaluer la qualité de la conception, les exigences spatiales, la qualité des matériaux, les systèmes électromécaniques et environnementaux. Il permet aussi d’étoffer le devis de performance en termes de contenu fonctionnel, d’adjacences des espaces cliniques, de vision architecturale et de design urbain.

 

[…] C’est d’ailleurs en partie à cause des pressions du secteur privé que la nouvelle méthodologie décrite ci-dessus a été adoptée. Elle offre aux soumissionnaires plus de clarté et réduit les coûts souvent excessifs de préparation de leurs soumissions, tout en faisant preuve de la viabilité du projet.

 

[…]

 

Notre mandat actuel pour le CHUM se rapproche sensiblement de la méthodologie utilisée actuellement en Grande-Bretagne. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[205]     Le 25 octobre 2007, BPTH écrit au CHUM ainsi[198] :

 

« Tout au long de ces discussions, nous avons tenté de vous convaincre du bien-fondé des exigences du mandat original qui nous était présenté dans l’appel d’offres et qui fut d’ailleurs confirmé dans le contrat que nous avons signé.

 

En tant que professionnel, ce document nous paraissait conforme à notre éthique et protégeait notre client [CHUM] quant à l’interprétation que pourraient en faire d’éventuels soumissionnaires.

 

[…]

 

D’autre part, vous écrivez : « Partant du principe que le virage du projet vers un mode de réalisation en PPP a été confirmé par le gouvernement et que ceci nécessite certains changements à votre mandat, nous devons travailler en étroite collaboration afin de préciser les changements et les responsabilités qui en découlent ».

 

Nous vous rappelons que notre contrat prévoyait déjà cette avenue et que ce virage ne peut justifier une modification de notre contrat.

 

À cet effet, voici le troisième paragraphe de la page 6 du document « Mandat Équipe maître de génie mécanique et électrique » daté du 24 août 2006, qui fait partie intégrante du contrat :

 

« Quel que soit le mode de réalisation choisi (conventionnel / forfaitaire ou PPP), les équipes maîtres d’architecture et de génie se verront confier le concept et la préparation du dossier et des plans et devis préliminaires pour toutes les phases composantes du projet ».

 

Ce paragraphe est d’ailleurs à la source de notre décision de bâtir notre équipe de projet et d’accepter ce mandat tout en vous donnant l’exclusivité de nos services. En effet, c’est en considérant la portée du mandat et la méthode d’établissement du budget convenu à respecter, que nous avons pris la décision de répondre à l’appel de propositions et de renoncer à soumissionner pour l’obtention de contrats d’entreprise relatifs au projet. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

6. Le CHUM ne résilie pas les conventions de services intervenues et BPYA et BPTH acceptent, sous réserve de leurs droits, de continuer à fournir des services

 

a) Services prioritaires pour faire avancer le projet du CRCHUM

 

[206]     Pendant environ un an, soit jusqu’en septembre 2008, les équipes maîtres et le CHUM tentent d’arriver à un accord, sans succès[199]. Entre-temps, sous réserve des droits de chacun, les parties continuent de travailler ensemble, surtout pour les besoins immédiats jugés prioritaires pour faire avancer le projet, soit les documents requis par le CHUM (de même que par le DE et l’APPPQ) pour lancer l’appel de qualification du PPP pour la Phase 1, soit le CRCHUM, dans le cadre de la réalisation du Nouveau CHUM[200].

 

[207]     Le CHUM accepte de demander aux professionnels des équipes maîtres de préparer pour le CRCHUM des documents décrits à l’instruction comme un « modèle de référence ». Pressés par le Tribunal, lors de l’instruction, d’évaluer sommairement le pourcentage des mandats afférents à la conception et à la production des plans et devis préliminaires, les représentants de BPYA et de BPTH ont offert certaines approximations[201]. Ils ont plus tard précisé de nouveaux chiffres[202]. Ces derniers chiffres semblent en effet plus exacts et plus conformes à la réalité, car ils sont semblables à ceux évalués à ce sujet par l’expert du CHUM[203]. Au mois d’août 2008, les documents définitifs demandés pour pouvoir lancer l’appel de qualification pour le CRCHUM sont finalisés par BPYA et BPTH, y compris le dépôt des fiches techniques[204].

 

b) Le CHUM impose des amendements aux conventions de services

 

[208]     En septembre 2008, après l’achèvement du travail prioritaire demandé par le CHUM pour mettre en marche le projet du CRCHUM en mode PPP, le CHUM revient vers BPYA et à BPTH et leur présente de nouveau les projets antérieurs de conventions de services « amendées ». Or, les parties ne peuvent toujours pas s’entendre.

 

[209]     Les amendements proposés retirent à BPYA et à BPTH les mandats pour la conception générale du projet et pour la préparation des plans préliminaires. Les projets de conventions de services amendées retirent également le mandat confié aux équipes maîtres, lors de toutes les phases du projet, pour assurer le contrôle et le respect des coûts, de l’échéance, de la qualité et du contenu des travaux[205].

 

[210]     Selon M. Gignac, la formule de « critère d’abordabilité » remplace et rend non nécessaire les mandats d’assurer le respect du budget convenu et des échéances[206].

 

[211]     Le CHUM déclare que, selon ces amendements aux conventions de services, les seuls services futurs à rendre par BPYA et par BPTH sont ceux « sur demande spécifique du CHUM et du Directeur exécutif »[207].

 

[212]     Selon BPYA et BPTH, compte tenu de la refonte complète des conventions de services opérée par les amendements imposés, les professionnels sélectionnés pour agir comme « Équipe maître » d’architecture et « Équipe maître » en génie mécanique et électrique ne sont plus du tout des professionnels « maîtres » du projet du Nouveau CHUM : ils ne conçoivent plus le projet; ils ne dessinent plus les plans et devis préliminaires par rapport à la conception; ils n’ont plus le mandat de s’assurer que la conception proposée et agréée par le CHUM soit, dans les faits, réalisée. Leur rôle en est devenu uniquement un de « services-conseils », de « support » et « d’accompagnement »[208] sur demande des professionnels internes du CHUM et de l’Équipe maître de gestion du projet[209].

 

[213]     Sous réserve et sous protêt de leurs droits à toute réclamation contre le CHUM, BPYA et BPTH acceptent de signer les conventions de services « amendées »[210]. Le 13 septembre 2008, BPYA le signe[211]. Le 23 septembre 2008, BPTH fait de même[212].

 

[214]     À l’égard de leurs réclamations pour indemnisation future, BPYA et BPTH mentionnent alors qu’en décidant de soumissionner aux appels de candidatures, ils se sont fiés à l’étendue des mandats présentés dans les documents d’appel[213] :

 

« Comme vous le savez, avant de prendre la décision de répondre à l’appel de propositions, notre consortium a pris en compte les avantages et inconvénients d’éventuellement agir à titre d’ingénieur maître [ou d’architecte maître]. S’opposaient alors, d’une part, la prestation des services et sa contrepartie financière déterminée en fonction du budget d’heures requises et du taux horaire moyen de production à être facturé et, d’autre part, la garantie requise de n’avoir aucun intérêt financier ou autre avec les professionnels, les entrepreneurs et leurs sous-traitants engagés ou pouvant être engagés pour les fins du projet et de ne pas soumissionner, directement ou indirectement, pour l’intention de contrats d’entreprise relatifs uniquement au projet du CHUM.

 

Compte tenu de l’étendue et de la portée du mandat qui allait être confié à l’ingénieur maître [ou à l’architecte maître] et de la méthode d’établissement du budget convenu à respecter, les firmes qui composent notre consortium ont pris la décision de répondre à l’appel de propositions du CHUM. C’est sur la base des engagements pris par le CHUM dans la documentation contractuelle que les firmes qui composent notre consortium ont décidé d’aller de l’avant et, par le fait même, de renoncer à soumissionner pour l’obtention de contrats d’entreprise relatifs à votre projet. Bien entendu, c’est également sur la base de ces engagements que nous avons décidé de nous présenter en consortium et non individuellement comme firme. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[215]     Pour sa part, le CHUM a précisé qu’il ne souhaitait pas « résilier les mandats et compte sur l’appui de ses équipes maîtres de professionnels pour la suite du projet »[214].

 

[216]     Le CHUM n’envoie ni à BPYA ni  à BPTH un avis de résiliation, totale ou partielle, quant aux conventions de services intervenues.


 

[217]     BPYA et BPTH ont également confirmé que les représentants du CHUM ont toujours reconnu la qualité excellente et irréprochable de leurs services[215] :

 

« C’est pourquoi nous mettons à la disposition du CHUM, depuis plusieurs mois déjà, une équipe dédiée de professionnels assistée d’experts internationaux. Dans un deuxième temps, nous avons pris bonne note des nombreuses représentations effectuées au cours des dernières semaines par les différents impliqués, dont les représentants du CHUM, qui confirment la qualité de notre travail et leur volonté de faire en sorte que nous soyons impliqués dans ce projet dans toutes ses phases tel qu’initialement représenté. C’est sur la base de ces représentations que les documents joints en annexe à ce courriel vous sont transmis. Nous notons que votre lettre du 5 septembre 2008 mentionne elle aussi que le CHUM ne souhaite pas résilier notre mandat et compte fortement sur l’appui de notre consortium pour la suite du projet. »

 

[218]     Au cours de l’instruction, il a été reconnu à plusieurs reprises que le CHUM et le DE ont toujours été très satisfaits de la qualité, excellente et irréprochable, des services rendus par BPYA et par BPTH.

 

7. Décret 980-2008 : reconnaissance gouvernementale de responsabilité limitée du CHUM à 1 million $ pour modifications unilatérales imposées aux conventions de services initiales

 

[219]     Le 8 octobre 2008, après la signature des conventions de services amendées et la confirmation de la réduction des mandats, le Gouvernement a émis le Décret 980-2008[216]. Sa teneur est d’ordre exceptionnel. Son effet juridique sera examiné plus tard[217].

 

[220]     Il y a lieu de citer ici certains extraits :

 

« ATTENDU QUE, le 30 mai 2006, en vertu de cet article 487, le Gouvernement a pris le décret numéro 463-2006 concernant la réalisation des projets de modernisation du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), du Centre université de santé McGill (CUSM) et du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, lequel établit les modalités de sélection, d’embauche et de rémunération des fournisseurs de services professionnels par les centres hospitaliers universitaires de Montréal;

 

ATTENDU QUE, le 13 juin 2007, le Gouvernement a pris le décret numéro 419-2007 qui détermine les composantes majeures des projets de modernisation du CHUM et du CUSM à être réalisées en mode de partenariat public-privé (PPP);

ATTENDU QUE, à la suite de ce décret, l’Agence des partenariats public-privé du Québec, le Directeur exécutif ainsi que les autorités du CHUM et du CUSM ont, d’un commun accord, décidé de confier aux partenaires privés éventuels une partie importante de la conception et des travaux préliminaires des composantes des projets réalisés en mode PPP, et ce, afin d’inciter ces partenaires à privilégier des solutions qui permettront d’obtenir globalement le meilleur rapport qualité-prix sur la durée de vie des projets;

 

ATTENDU QUE cette dernière décision a pour effet de réduire de façon importante la portée initiale du mandat des fournisseurs de services professionnels retenus par le CHUM et le CUSM dans la conception des projets;

 

ATTENDU QUE le Directeur exécutif ainsi que les autorités du CHUM et du CUSM estiment que ces fournisseurs de services professionnels ont droit à un ajustement raisonnable pour cette réduction de leur mandat initial;

 

[…]

 

QUE le décret numéro 463-2006 du 30 mai 2006 soit modifié, dans l’annexe prévoyant les modalités de réalisation des projets de modernisation du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, du Centre universitaire de santé McGill et du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, par l’ajout de l’article suivant :

« 10. Les contrats de services professionnels peuvent prévoir le versement d’un ajustement raisonnable à tout fournisseur de services professionnels dont le mandat a été modifié substantiellement à la suite d’une décision du Gouvernement et qui en fait la demande.

 

Pour obtenir un ajustement, le fournisseur doit prouver le bien-fondé de sa demande.

 

Les établissements ne peuvent verser une telle somme qu’après autorisation du Conseil du trésor sur recommandation du Directeur exécutif.

 

L’ensemble des sommes qui peuvent être ainsi versées par chaque établissement à la suite d’une même décision du Gouvernement ne peut, en aucun cas, excéder 1 000 000 $. » »

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

8. Services demandés en vertu des conventions de services « amendées »

 

[221]     Le 27 mars 2009, le Gouvernement autorise le CHUM à lancer, auprès des deux partenaires proposants qualifiés, un appel de propositions pour la réalisation des composantes du CHUM-Hôpital[218]. Le même jour, le CHUM demande aux équipes maîtres d’élaborer et de préparer 88 fiches techniques additionnelles[219].

 

[222]     Le 31 mars 2009, le CHUM lance un appel de propositions pour la construction du CHUM-Hôpital[220].

 

[223]     Le 6 avril 2009, se fondant sur les nouvelles conventions de services amendées, le CHUM écrit à BPYA et à BPTH pour les informer de « l’état de besoins » dorénavant prévu par le CHUM quant aux services requis d’eux jusqu’à la fin de la réalisation du Nouveau CHUM (projets du CRCHUM et du CHUM-Hôpital)[221].

 

[224]     Les nouveaux mandats des équipes maîtres se résument ainsi en quelques lignes[222] :

 

« MANDAT DE L’ÉQUIPE MAÎTRE - ARCHITECTURE

 

·         Dans le cadre des appels de propositions et en regard du concept architectural, de l’enveloppe du bâtiment et des systèmes intérieurs, accompagnement de l’équipe du projet CRCHUM avec deux architectes et celle du projet CHUM [-Hôpital] avec trois architectes. Ces architectes peuvent au besoin, et pour des fins spécifiques, avoir recours à des collègues pour des expertises particulières.

 

·         À la suite des appels de propositions, accompagnement des équipes des projets CRCHUM et CHUM avec cinq architectes.

 

·         Après l’émission du certificat définitif des travaux, fermeture de tous les contrats (durée : une année).

 

·         Fin des fiches techniques : 1er juin 2009.

 

·         Fin des travaux sur les documents et graphiques de l’annexe 1.1, version 2.

 

·         Accompagnement et production des documents requis par le CHUM dans sa démarche pour obtenir les modifications requises à la réglementation urbaine.

 

·         Exécution des travaux requis pour la démolition des bâtiments existants de l’îlot D et du pavillon Roland-Bock.

 

·         Transmission de la liste des documents pertinents pour le mobilier, l’appareillage et l’outillage (MAO) : 30 juin 2009.

 

[…] »


 

« MANDAT DE L’ÉQUIPE MAÎTRE - GÉNIE MÉCANIQUE ET ÉLECTRIQUE

 

·         Dans le cadre des appels de propositions et en regard de la mécanique, de l’électricité et de l’énergie, accompagnement de l’équipe du projet CRCHUM par deux ingénieurs et celle du projet CHUM par trois ingénieurs. Ceux-ci pourront au besoin, et pour des fins spécifiques, avoir recours à des collègues pour des expertises particulières.

 

·         À la suite des appels de propositions, accompagnement des équipes des projets CRCHUM et CHUM par cinq ingénieurs.

 

·         Après l’émission du certificat définitif des travaux, fermeture de tous les contrats (durée : une année).

 

·         Fin des fiches techniques : 1er juin 2009.

 

·         Fin des travaux sur les documents et graphiques de l’annexe 1.1, version 2.

 

·         Exécution des travaux requis pour la démolition des bâtiments existants de l’îlot D et du pavillon Roland-Bock. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[225]     Il est donc confirmé que les mandats de BPYA et de BPTH sont dorénavant réduits à des rôles de soutien et d’accompagnement des équipes de professionnels internes du CHUM pour la réalisation du Nouveau CHUM[223].

 

9. Perspective de BPYA et de BPTH : mandats d’origine transformés et dénaturés et imposition d’une obligation contractuelle de fournir des services professionnels contre leur gré

 

[226]     Les représentants de BPYA (Michel Roy, Michel Provencher et Gilles Maillé) et de BPTH (Pierre Hébert) ont témoigné devant la Cour quant à leur surprise et leur désarroi devant les changements unilatéraux fondamentaux imposés par le CHUM aux mandats prévus aux conventions de services initiales. Selon eux, ces changements unilatéraux imposés ont eu pour effet de « dénaturer » leurs conventions de services initiales[224].


 

[227]     BPYA et BPTH n’avaient pas soumissionné et n’étaient pas intéressés à agir à titre de professionnels d’accompagnement ou de conseils aux équipes internes de professionnels du CHUM pour le Nouveau CHUM. Les représentants de BPYA et de BPTH déclarent que si ces mandats réduits et complètement différents leur avaient été annoncés dans les documents d’appel, ils n’auraient jamais déposé des offres de services. Ils auraient attendu et soumissionné pour obtenir des mandats plus intéressants et importants, d’un point de vue d’envergure, d’implication, de prestige et de rémunération, notamment en s’alliant aux consortiums des partenaires privés des processus PPP ou encore à leurs sous-entrepreneurs pour la réalisation du Nouveau CHUM[225].

 

[228]     BPYA et BPTH se plaignent qu’ils ont été pris en otage par le CHUM par l’imposition des changements unilatéraux aux conventions de services. En vertu des documents d’appel, ils ont postulé et ont été sélectionnés pour agir en tant qu’équipes maîtres du Nouveau CHUM. Avec les conventions de services amendées, ils étaient obligés, contre leurs grés, d’assumer un tout autre rôle, à savoir :

 

·        les portées de leurs mandats ont été réduites à une fraction de ce qui a été annoncé et convenu;

 

·         les équipes maîtres demeurent tenues de garder leur personnel clé (5 professionnels de niveau senior) affecté à temps complet à la réalisation du mandat, dorénavant radicalement réduit. Or, BPYA et BPTH avaient compté sur l’ampleur des mandats des conventions de services initiales pour pouvoir affecter de nombreux professionnels de niveau junior afin de rentabiliser le contrat. En effet, les conventions de services avaient limité le taux horaire facturable à celui prescrit par les tarifs gouvernementaux. Ces tarifs sont bien en deçà des taux horaires facturés dans le secteur privé, surtout pour les professionnels seniors, et en plus, ces taux n’ont pas été augmentés depuis 2009[226]. Ainsi, au moment de l’instruction, les tarifs applicables n’ont pas augmenté depuis 11 ans alors que le CHUM avait annoncé, lors de l’émission des documents d’appel, une durée de 5 ans pour la réalisation du projet;[227]

 

·         les conventions de services initiales ne permettent pas aux équipes maîtres de les résilier au motif de changement unilatéral imposé par le CHUM[228].

 

[229]     M. Maillé, de BPYA, a témoigné qu’il craignait que le refus de signer les conventions « amendées » puisse être qualifié de motif de résiliation par le CHUM. Or, dans ce cas, les conventions de services initiales, rédigées uniquement par le CHUM, permettaient à ce dernier de terminer la construction « aux frais des équipes maîtres » et de leur réclamer « toute augmentation du coût », ainsi que « tous les [autres] dommages subis »[229]. M. Roy a témoigné dans le même sens[230]. Les clauses en question prévoient :

 

BPYA[231] :

 

De plus, le CHUM se réserve le droit de terminer l’exécution du Contrat aux frais de l’Équipe maître d’architecture. En cas de parachèvement du contrat par un tiers, l’Équipe maître d’architecture devra notamment assumer toute augmentation du coût du contrat pour le CHUM.

 

L’Équipe maître d’architecture sera par ailleurs responsable de tous les dommages subis par le CHUM du fait de la résiliation du Contrat.

 

BPTH[232] :

 

De plus, le CHUM se réserve le droit de terminer l’exécution du Contrat aux frais de l’Équipe maître de génie mécanique et électrique. En cas de parachèvement du contrat par un tiers, l’Équipe maître de génie mécanique et électrique devra notamment assumer toute augmentation du coût du contrat pour le CHUM.

 

L’Équipe maître de génie mécanique et électrique sera par ailleurs responsable de tous les dommages subis par le CHUM du fait de la résiliation du Contrat.

 

[230]     Le CHUM avait soulevé le spectre de la résiliation des conventions de services si BPYA et BPTH ne signaient pas les conventions de services « amendées »[233].

 

[231]     Les conventions de services initiales stipulent que les équipes maîtres sélectionnées ne peuvent, même en cas de résiliation du contrat, soumissionner ou participer, directement ou indirectement, dans une offre de travail d’un partenaire privé[234]. Ces clauses ont été maintenues dans les conventions de services « amendées ». Une des modifications à la convention de services « amendée » a même élargi les obligations d’exclusivité des consortiums envers le CHUM par rapport aux professionnels impliqués[235].

 

10. Refus du CHUM de libérer BPYA et BPTH des conventions de services ou des obligations d’exclusivité malgré la réduction fondamentale des mandats initiaux

 

[232]     Lors de son témoignage, M. Gignac a été sans équivoque. Malgré la réduction importante des mandats de BPYA et de BPTH imposée par le CHUM au tout début de l’entrée en vigueur des conventions de services initiales, il était hors de question de résilier les conventions et de libérer BPYA et BPTH des clauses d’exclusivité. À son avis, les clauses d’exclusivité étaient claires et liaient les professionnels des équipes maîtres, même en cas de résiliation. BPYA et BPTH avaient décidé de soumissionner et devaient vivre avec les conséquences d’être sélectionnés. Après avoir décidé de « jouer pour les Canadiens », ils ne pouvaient plus « jouer pour les Maple Leafs »[236], affirmait-il.

 

[233]     En réponse à une question de la Cour à ce sujet, M. Gignac a témoigné comme suit[237] :

 

LA COUR :

 

Q-        Après les changements, changement 1, changement 2, bon, au mandat des professionnels, est-ce que c’était… est-ce que c’était concevable pour vous d’annuler le contrat des professionnels?

 

                         Et d’annuler, de mettre fin au contrat professionnel? Et engager d’autres professionnels et de les laisser, ces professionnels, soumettre librement sur le reste du contrat, c’est-à-dire pour la partie privée.

 

R-         La réponse, c’est non.

 

[…]

 

R-         Comme je vous ai expliqué hier, c’était clair, dans les documents d’appel d’offres, transparent, si vous embarquez, vous [ne] débarquez plus. Puis si vous débarquez, vous [ne] [re]venez pas… vous [ne] [re]venez pas travailler sur le CHUM pour le proposant. Ça [ne] peut pas être plus clair que ça. La règle du jeu, vous êtes d’accord ou vous [n’]êtes pas d’accord.

 

[234]     BPTH a demandé au CHUM si une de ses entreprises constituantes, soit Bouthillette Parizeau & Associés inc., pouvait être libérée de la convention de services afin de participer à une soumission d’un partenaire privé potentiel. L’autre entreprise constituante, soit Teknika HBA inc., resterait et continuerait d’agir dans le nouveau rôle d’ingénieur accompagnateur ou d’ingénieur-conseil. Selon M. Hébert, en raison de la transformation du contrat et de la réduction du rôle initialement confié, il n’y avait plus suffisamment de travail et ce n’était plus nécessaire d’avoir les deux entreprises constituantes de BPTH au service du CHUM. M. Hébert a témoigné ainsi[238] :

 

« Ce n’était plus nécessaire d’avoir un consortium pour faire le suivi, ce n’était plus des grosses équipes à produire. Puis moi j’aurais pu me reprendre sur des honoraires dans l’autre. »

 

[235]     Le CHUM a refusé la demande[239].

 

[236]     BPTH a également demandé à ce que le consortium puisse, à la demande de certains sous-entrepreneurs du partenaire privé, effectuer certains travaux tout en respectant les principes de confidentialité prévus dans la convention de services[240]. La demande a été refusée.

 

[237]     Selon les représentants de BPYA et de BPTH, ils ont été piégés. Ne pouvant pas se libérer des conventions de services, tout en se voyant obligés d’accepter une transformation de leurs contrats et de leurs anciens rôles d’équipes « maîtres », de même qu’une réduction fondamentale de leurs mandats, et de se voir obligés de rendre des services secondaires variés et disparates à titre de professionnels accompagnateurs ou de conseils en vertu des conventions de services « amendées » à l’égard desquelles ils n’auraient jamais soumissionné, BPYA et BPTH estiment qu’ils ont été malmenés, non respectés et abusés par le CHUM.

 

[238]     Le 9 avril 2009, en réponse à la lettre du CHUM du 6 avril 2009 décrivant son nouvel « état de besoins » futurs pour réaliser le Nouveau CHUM, BPYHA écrit au CHUM en partie ainsi[241] :

 

Nous vous rappelons tout d’abord que la convention de services qui a été convenue entre nous et le CHUM le 1er mars 2007, suite à un appel d’offres, prévoyait très clairement que le CHUM confiait au groupe BPYA des travaux importants relativement au nouveau CHUM et plus particulièrement la préparation des éléments nécessaires afin d’établir toute la conception de ces travaux.

 

[…]

 

Si l’appel d’offres public que vous aviez soumis avait défini notre mandat tel qu’il est décrit à votre correspondance du 6 avril 2009, ainsi qu’aux documents qui y sont joints, nous n’aurions, sous aucune considération, déposé une offre. Ce mandat, atrophié et amputé tant au niveau de sa valeur économique qu’au niveau de la qualité du travail, n’aurait eu aucun intérêt à nos yeux.

 

[…]

 

Nous vous rappelons que les dispositions de votre convention nous empêchent de travailler avec les proposants et nous forcent à donner au CHUM un mandat d’exclusivité, mandat d’exclusivité qui s’amenuise de mois en mois.

 

[…]

 

Votre correspondance du 6 avril dernier a donc pour effet de changer totalement l’étendue, l’ampleur et l’envergure économique du contrat qui nous avait été confié originalement ainsi que de demander de changer des conditions dans les cadres de cette exécution, plus particulièrement en faisant autoriser préalablement nos travaux à l’avance au risque de ne pas être payé. Ces conditions sont irrecevables.

 

L’étude plus approfondie de votre correspondance du 6 avril 2009 et plus particulièrement des mandats qui y sont décrits ainsi que les propos qui ont été tenus lors de notre rencontre avec les personnes mentionnées au second paragraphe de votre correspondance, nous permet de conclure ce qui suit :

 

1.    Le CHUM désire démanteler notre équipe actuelle de travail et conserver une équipe très réduite.

 

2.    En conservant cette équipe réduite, le CHUM désire profiter de nos connaissances et contacts relativement à diverses démarches auprès d’autorités administratives et conserver notre réputation accolée au projet.

 

3.    Le CHUM, en retirant la conception qui avait été le cœur de notre mandat, nous retire l’essence de notre travail dans ce projet.

 

Puisque, comme l’indiquait le Gouvernement du Québec, vous désirez « réduire de façon importante la portée initiale du mandat » qui nous avait été confié, nous vous informons que les gestes que vous posez par votre correspondance du 6 avril 2009 ainsi que par la prise de position du Décret 280-2008 dénaturent complètement le contrat que nous avions obtenu ainsi que l’appel d’offres que nous avions accepté et respecté.

 

Dans ces circonstances, tous les travaux, services et frais exécutés à compter du 6 avril 2009 sont faits sous protêt de nos droits et ne peuvent constituer une reconnaissance de l’acceptation de vos « réajustements nécessaires » dans les termes et conditions de votre correspondance du 6 avril 2009.

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

[239]     Le CHUM conteste vigoureusement cette position. Selon les avocats du CHUM, les changements aux conventions de services initiales et aux mandats de BPYA et de BPTH ont été effectués conformément au contrat et à la loi. Le CHUM estime que BPYA et BPTH ont été bien payés pour leurs services rendus réduits et que rien de plus ne leur est dû.

 

11. Abolition de l’APPPQ, abrogation de la Loi sur l’Agence des partenariats public-privé du Québec, transfert de responsabilités pour le processus PPP à Infrastructure Québec et ensuite à la Société québécoise des infrastructures

 

[240]     En octobre 2009, l’APPPQ est abolie[242]. De même, fin 2009, la Loi sur l’Agence des partenariats public-privé du Québec est abrogée[243]. La responsabilité de l’APPPQ de même que ses employés sont transférés et intégrés à un autre organisme du Gouvernement, soit Infrastructure Québec. En 2013, Infrastructure Québec (IQ) change de nom pour la Société québécoise des infrastructures (SQI)[244]. Ces organismes sont successivement chargés de prendre le relais et de suivre la mise en œuvre, avec le CHUM, des processus de PPP en cours, de même que des droits et obligations en vertu des deux contrats PPP (CRCHUM et CHUM-Hôpital) intervenus pour le Nouveau CHUM.


 

IV Suite des démarches dans la réalisation du Nouveau CHUM en mode PPP

 

A) Événements principaux dans l’évolution de la réalisation du Nouveau CHUM par phase de construction, soit le CRCHUM (Phase 1) et le CHUM-Hôpital (Phase 2)

 

[241]     Malgré les différends entre BPYA et BPTH et le CHUM en vertu des conventions de services, les consortiums appuient le CHUM et collaborent, dans le cadre de leurs nouveaux rôles réduits, à la réalisation du projet du Nouveau CHUM en mode PPP suivant les trois phases de construction autorisées, soit la Phase 1 (CRCHUM), la Phase 2 (CHUM-Hôpital : partie concernant les soins aux patients et représentant 85 % du CHUM-Hôpital) et Phase 3 (partie concernant les bureaux administratifs et le centre de formation représentant 15 % du CHUM-Hôpital).

 

[242]     Étant donné qu’il s’agit d’une période pertinente aux fins des présents dossiers, il y a lieu de résumer sommairement les événements principaux menant à la réalisation de la Phase 1 et de la Phase 2 (partielle) de construction du Nouveau CHUM :

 

Phase 1 de la construction du Nouveau CHUM

CRCHUM

16 mai 2008

Dossier d’affaires initial révisé (1ere)[245]

21 octobre 2008

Dossier d’affaires initial révisé (2e)[246]

10 juillet 2009

Proposition technique[247]

30 novembre 2009

Dossier d’affaires intermédiaire[248]

13 janvier 2010

Décret 23-2010 : autorisation de modifications à la procédure PPP établie[249]

26 janvier 2010

Décret 75-2010 : critère d’abordabilité (CRCHUM) -470 $ m[250]

18 février 2010

Accès au métro réalisé

27 février 2010

Révision de devis de performance[251]

25 mars 2010

Annonce du choix du partenaire privé [252] :

Accès Recherche Montréal, s.e.c.

6 avril 2010

Prise de possession du site par le partenaire privé

15 mai 2010

Ateliers de raffinement de PPP[253]

19 mai 2010

Décret 435-2010 autorisant le CHUM à conclure le contrat PPP pour le CRCHUM[254]

26 mai 2010

Signature du contrat PPP entre le CHUM et le partenaire privé pour le CRCHUM[255]

 

·        Partenaire privé : Accès Recherche Montréal, s.e.c.

 

·        Constructeur : Consortium Pomerleau-Verreault s.e.n.c.

 

·        Fournisseur de services : Honeywell Limitée[256]

 

15 avril 2011

Dossier d’affaires final du CRCHUM[257]

30 septembre 2013

Réception « provisoire » des lieux du CRCHUM par les autorités du CHUM. Le contrat PPP demeure en vigueur jusqu’au 30 septembre 2043, soit 30 ans suivant la réception « provisoire » des lieux le 30 septembre 2013[258].

 

Des paiements de jalon ont été versés durant la période de construction[259] et des paiements périodiques relatifs aux services sont effectués pendant la période d’exploitation[260].

 

Phase 2 (partielle) de la construction du Nouveau CHUM -

CHUM-Hôpital

31 mars 2009

Appel de propositions de PPP[261]

9 avril 2009

Dossier d’affaires intermédiaire (1er) du CHUM-Hôpital[262]

20 avril 2009

Ateliers PPP CHUM, travaux additionnels[263]

11 mai 2009

Nouvelle version du PDI CHUM préparée par BPYA[264]

19 juin 2009

Les fiches modèles demandées sont complétées[265]

21 juillet 2009

Arrêt du processus d’Appel de propositions

30 septembre 2009

Décret 1052-2009 : Modifications à l’Appel de propositions accordant une compensation additionnelle aux soumissionnaires[266]

21 octobre 2009

Reprise des ateliers[267]

24 novembre 2009

Ateliers PPP suspension[268]

1er juin 2010

Fin des ateliers PPP CHUM-Hôpital

31 août 2010

Fin des ateliers spéciaux de clarification et dérogation PPP[269]

10 novembre 2010

Dossier d’affaires intermédiaire (2e) du CHUM-Hôpital[270]

 

B) Rapports des dossiers d’affaires dans les processus PPP du CRCHUM et du CHUM-Hôpital

 

[243]     Les très nombreux dossiers d’affaires préparés par RCGT, dans le cadre des processus d’évaluation par l’APPPQ de l’opportunité de procéder ou non suivant le mode PPP, ont constitué une partie importante de la preuve, en particulier la preuve d’expert.

 

[244]     BPYA et BPTH allèguent que la méthodologie et les données utilisées par RCGT sont erronées et fautives. Ils allèguent en conséquence que les conclusions de ces rapports, recommandant de procéder en mode PPP, sont également erronées et fautives. Ils soutiennent que les dossiers d’affaires auraient plutôt dû conclure et recommander de procéder en mode conventionnel. En raison de ces fautes, BPYA et BPTH allèguent qu’ils ont été illégalement privés de l’opportunité de rendre les services prévus aux conventions de services initiales suivant le mode conventionnel. Nous examinerons le bien-fondé de ces allégations plus tard. À ce stade, nous nous référons sommairement aux rapports des dossiers d’affaires préparés par RCGT, et à certains des éléments-clés mentionnés dans ces rapports, pour les projets du CRCHUM et du CHUM-Hôpital.

 

[245]     Le 23 novembre 2006, le premier rapport du dossier d’affaires initial (DAI) recommande de diviser la réalisation du Nouveau CHUM en deux (2) phases distinctes, soit d’abord le CRCHUM, et ensuite le CHUM-Hôpital.


 

[246]     Certains éléments pertinents de ce rapport sont présentés au Tableau I :

 

     Tableau I : Dossier d’affaires initial (DAI) du Nouveau CHUM

 

Résultats quant aux coûts (en millions $)

Pourcentage (%) d’épargne (ou déficit)

22,8 %

(323 / 1 415)

24,9 %

(282 / 1 130)

15,5 %

(44,1 / 284,7)

23 %

(326 / 1 415)

Épargne (ou déficit) pour le public

323

282 (CHUM-Hôpital)

 

44,1 (CRCHUM)

 

326

(p. 141)

Mode PPP

1 092 (p. 120)

848

(p. 142) (CHUM-Hôpital)

240,6 (p. 127) (CRCHUM)

1 089

Mode conventionnel

1 415

1 130 (CHUM-Hôpital)

284,7 (CRCHUM)

1 415

(réalisation par étapes - en deux phases) (CRCHUM et CHUM-Hôpital)

Taux d’actualisation utilisé

8 %

Nbre pages

171 pages

Étape

Dossier d’affaires initial

 

 

CHUM (p. 1)

CRCHUM (p. 123)

Date

22/11/2006

Pièce

D-10

 

1.

 

 

 

 

 

[247]     Pour les étapes subséquentes, dans le cadre du cheminement de leurs processus PPP distincts, les projets du CRCHUM et du CHUM-Hôpital ont fait l’objet de dossiers d’affaires et de rapports d’analyses distincts par RCGT.

 

[248]     Les éléments pertinents des rapports d’analyse effectués pour le projet du CRCHUM en PPP sont présentés au Tableau II :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tableau II : CRCHUM - dossiers d’affaires subséquents et autres analyses (5 rapports supplémentaires)

 

 

(voir prochaine page)


 


Résultats quant aux coûts (en millions $)

Pourcentage (%) d’épargne (ou déficit)

13,6 %

(58,5 / 430,2)

13,6 %

(58,5 / 430,2)

6,3 %

(33,8 / 535,3)

1,4 %

(7,2 / 514)

(- 1,8 %)

(10,57 / 600,27)

1,4 %

(7,2 / 513,96)

(- 1,8 %)

(10,57 / 600,27)

Épargne (ou déficit) pour le public

58,5

58,5

33,8 M

7,2

(p. 17)

(- 10,57)

7,2

(- 10,57)

(D-10 : p. 723)

(D-233 : p. 36)

Mode PPP

371,7

371,7

501,5

506,8

(p. 16)

610,8

(p. 23-24)

506,8

610,84[271]

(p. 38)

Mode conventionnel

430,2

430,2

535,3

(p. 591)

514

(p. 12)

600,27

(p. 23-24)

513,96

(p.696)

600,27[272]

(p. 38)

Taux d’actualisation utilisé

 

8 %

8 %

8 % (p. 591)

[6,5 discuté (p. 624 à 626)

sans analyse comparative]

 

8 %

6,5 %

8 %

(p. 719)

6,5 %

(D-10 : p. 723)

(D-233 : p. 36)

Nbre pages

 

84 pages

131 pages

(p. 445-576)

 

98 pages

(p. 577-675)

24 pages

61 pages

(p. 676-737)

 

Étape

 

Initial

(1ere mise à jour) (p. 2)

Initial

(2e mise à jour) (p. 2)

Intermédiaire

(p. 585)

Rapport d’analyse de valeur ajoutée

Final

Date

 

16/05/2008

 

21/10/2008

 

30/11/2009

 

11/03/2011

15/04/2011

Pièce

 

D-184

 

D-10

 

D-10

et

D-116

 

D-231

D-10

(caviardé)

D-233

(non caviardé)

 

 

1.

2.

3.

4.

5.

 

[249]     Enfin, les éléments pertinents des nombreux dossiers d’affaires et des rapports d’analyse visant le CHUM-Hôpital en PPP sont présentés au Tableau III :

 

Tableau III : CHUM-Hôpital - dossiers d’affaires subséquents et autres analyses (6 rapports supplémentaires)

 

Résultats quant aux coûts (en millions $)

Pourcentage (%) d’épargne (ou déficit)

28,53 %

(518,6 / 1 817,7)

17,44 %

(468 / 2 683)

-

12,02 %

(302,17 / 2 517,8)

15,18 %

(376,4 / 2 479)

16,18 %

(324,7 / 2 005,7)

15,18 %

(376,4 / 2 479)

Épargne (ou déficit) pour le public

518,6

 

468

(p. 62)

-

302,17

376,4

(p. 32)

324,7

376,4

Mode PPP

1 299,1

2 215

(p. 62)

-

2 215,2

2 102,7

(p. 32)

168,1

(p. 32)

2 102,7

(p. 345)

Mode conventionnel

1 817,7

2 683

-

2 517,8

2 479

(p.32)

2 005,7

(p. 32)

2 479

(p. 345)

Taux d’actualisation utilisé

 

8 %

(p. 17; p. 124)

Absence d’analyse comparative à 6,5 %; mais il est mentionné que même selon le taux de 6,5 %, le « mode PPP demeure supérieur au mode conventionnel », sans autre explication.

(p. 3)

6,5 %

(Première analyse complète effectuée - selon ce taux; chiffres antérieurs révisés selon ce taux)

(p. iv, p. 62)

 

 

6,5 %

(p. 9/p. 289)

6,5 %

(p. 5) (p. 24)

 

8 %

(p. 32)

6,5 %

(p. 334)

Nbre pages

 

267 pages

120 pages

52 pages

158 pages

(p. 172-330)

 

40 pages

113 pages

(p. 331-445)

Étape

 

Intermédiaire

(1er rapport)

(1re révision)

intermédiaire

(Projet)

(2e rapport)

(1re révision)

Rapport étudié par le Comité de revue diligente

Examen par le Comité de revue diligente

intermédiaire

(3e rapport)

(2e révision)

(version « finale »)

 

Rapport d’analyse de valeur ajoutée

Final

Date

 

9/04/2009

 

10/11/2010

 

19/11/2010

 

26/11/2010

 

9/10/2011

 

17/05/2012

Pièce

 

D-115

 

D-185

 

D-8

 

D-10

 

D-9

 

D-10

 

 

 

1.

2.

3.

4.

5.

6.

 

 

Nous reviendrons aux données de ces tableaux aux sections subséquentes du présent jugement relatives à l’analyse de la preuve au regard des questions en litige.

 

C) Rapports du Vérificateur général du Québec et tenue d’une Commission parlementaire spéciale pour examiner les processus de PPP suivis pour le Nouveau CHUM

 

[250]     Le VGQ a examiné, notamment en raison de l’ampleur des fonds publics impliqués, les processus de réalisation du projet du Nouveau CHUM[273]. Le VGQ a préparé quatre (4) rapports sur la question[274] dont les principaux datent de novembre 2009 et de juin 2010. Le rapport de 2010 constitue un rapport spécial sur le sujet[275]. Ce rapport a provoqué la tenue, le 10 septembre 2010, d’une séance spéciale de la Commission parlementaire de l’administration publique de l’Assemblée nationale du Québec[276].

 

[251]     BPYA et BPTH ont voulu produire en preuve les rapports du VGQ à ce sujet. Le CHUM s’y opposait au motif qu’une certaine jurisprudence[277] a qualifié le contenu des rapports du VGQ de témoignage d’opinion, ce qui est normalement le domaine réservé au témoin expert. Le VGQ jouit d’une immunité de contraignabilité à ce sujet[278].

 

[252]     Après discussions entre eux, les avocats des parties ont retiré de la preuve les rapports du VGQ[279].


 

[253]     Néanmoins, le VGQ de l’époque, soit monsieur Renaud Lachance, C.P.A. et ses collègues ont témoigné devant la Commission parlementaire spéciale convoquée à ce sujet. La transcription des présentations devant la Commission parlementaire a été déposée en preuve sans objection. L’article 2814 du Code civil du Québec (C.c.Q.) énonce qu’un tel document jouit de la qualité d’acte authentique. Les articles 2814, alinéa 1 et 2818 C.c.Q. sont rédigés ainsi :

 

2814. Sont authentiques, notamment les documents suivants, s’ils respectent les exigences de la loi:

 

1°Les documents officiels du Parlement du Canada et du Parlement du Québec;

 

2818. Les énonciations, dans l’acte authentique, des faits que l’officier public avait mission de constater ou d’inscrire, font preuve à l’égard de tous.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[254]     Ainsi, si le caractère véridique des déclarations reproduites dans la transcription des présentations devant la Commission parlementaire n’est pas établi, la preuve a été faite que cette transcription constitue une reproduction fidèle de ce qui a été déclaré.

 

[255]     Le 10 septembre 2010, lors de son témoignage devant la Commission parlementaire, M. Lachance a mentionné qu’il formulait deux critiques fondamentales à l’égard des dossiers d’affaires produits sous la supervision de l’ancienne APPPQ (abolie environ un an avant la tenue de la Commission parlementaire spéciale), et ce, en particulier dans le cadre du projet du CRCHUM.

 

[256]     En premier lieu, le VGQ a critiqué comme non fondé l’indice de vétusté utilisé dans les calculs de modélisations comparatives, soit le DAI et les documents subséquents mentionnés aux Tableaux I, II et III, pour évaluer les coûts projetés en modes PPP et conventionnel du bâtiment à construire. À son avis, l’indice de vétusté utilisé était de 66 % après 30 ans.

 

[257]     En deuxième lieu, le VGQ a critiqué comme non fondé le taux d’actualisation utilisé pour les analyses. Ce taux influe principalement sur la valeur réelle de l’argent qui sera payé par l’autorité publique au moyen des versements unitaires au partenaire privé au cours des 30 années au contrat de PPP après la réception des travaux par l’autorité publique.

 

[258]     Le taux nominal d’actualisation utilisé dans ces analyses était de 8 %[280]. Selon le VGQ, le taux qui aurait dû être utilisé était de 6,5 %, soit le taux nominal habituel utilisé dans d’autres dossiers du Gouvernement, en particulier ceux réalisés en mode PPP[281].

 

[259]     Selon M. Lachance, si ces deux données erronées n’avaient pas été utilisées, les résultats de l’analyse pour le CRCHUM auraient favorisé la sélection et l’utilisation du mode conventionnel, car celui-ci aurait représenté une économie pour les fonds publics investis de 10 $ millions par rapport au mode PPP.

 

[260]     Pour sa part, le président-directeur général d’IQ (organisme qui sera fusionné plus tard avec la SQI), M. Normand Bergeron a déclaré que, en ce qui a trait au CRCHUM, le Rapport spécial du VGQ de juin 2010 a été publié (pour cette partie du Nouveau CHUM) après que le processus d’analyse a été complété et que la décision du Gouvernement a été prise concernant le mode de réalisation PPP[282]. M. Bergeron a expliqué que le dossier du CRCHUM a été transféré à IQ après que le Gouvernement a aboli l’APPPQ en octobre 2009. Il a souligné que l’appel de propositions pour le CRCHUM en mode PPP a été initié le 29 mai 2008, l’ouverture des propositions techniques jugées conformes le 10 juillet 2009 et la proposition financière a été déposée par les proposants le 13 novembre 2009[283]. Le contrat PPP avec le partenaire privé a été approuvé par le Gouvernement le 19 mai 2010 et signé le 26 mai 2010[284].

 

[261]     À son avis, étant donné que le projet avait franchi « des étapes cruciales », il n’était plus possible de faire « un retour en arrière et encore moins une remise en question » du mode de réalisation retenu pour construire le CRCHUM[285].

 

[262]     Cependant, en ce qui a trait aux étapes du processus PPP à venir concernant le CHUM-Hôpital, M. Bergeron s’est engagé au nom d’IQ à clarifier et à mieux expliquer les éléments qui avaient fait l’objet de critiques du VGQ, y compris l’indice de vétusté utilisé. IQ s’est engagé notamment à entreprendre des démarches pour valider un indice de vétusté qui ferait consensus en faisant appel à des consultants externes.

 

[263]     Au nom d’IQ, M. Bergeron s’est également engagé, pour les dossiers d’affaires et les documents d’études subséquents, à préparer et à présenter les résultats d’analyse en vertu des deux taux d’actualisation pertinents, soit 6,5 % et 8 %.

 

[264]     Enfin, en ce qui a trait à la décision finale concernant le mode de réalisation à retenir pour l’autre partie du Nouveau CHUM, soit le CHUM-Hôpital, M. Bergeron était d’accord pour que le dossier d’affaires intermédiaire préparé par RCGT fasse l’objet d’une analyse indépendante par un Comité de revue diligente nommé par le Secrétariat du Conseil du trésor du Gouvernement[286].


 

D) Comité de revue diligente nommé par le Secrétariat du Conseil du trésor et examen du dossier d’affaires intermédiaire révisé de Raymond Chabot Grant Thornton

 

[265]     Deux mois après la séance spéciale devant la Commission parlementaire portant sur le processus de réalisation du Nouveau CHUM, soit en novembre 2010, le Secrétariat du Conseil du trésor a constitué un Comité de revue diligente (Comité) afin d’examiner le rapport révisé du dossier d’affaires intermédiaire préparé par RCGT et daté du 10 novembre 2010 concernant le mode de réalisation du CHUM-Hôpital[287].

 

[266]     Trois (3) experts dans les domaines respectifs de la finance, de la gestion de projet et de la construction y sont nommés[288].

 

[267]     Au cours d’une période de 8 jours, le Comité a tenu 6 séances[289] pendant lesquelles les membres ont posé des questions aux représentants du CHUM, du DE, d’IQ et de RCGT[290]. Le Comité a notamment demandé et a obtenu accès à tous les dossiers d’IQ (y compris les anciens dossiers de l’APPPQ) concernant le projet du Nouveau CHUM[291]. À cette fin, les membres du Comité ont rendu visite aux bureaux d’IQ pour examiner ces dossiers[292].

 

[268]     Les membres du Comité se sont également rendus aux bureaux de RCGT. Ils ont questionné l’auteur principal des rapports des dossiers d’affaires du CHUM-Hôpital et du CRCHUM, soit Nicolas Truchon, quant au contenu du dernier rapport portant sur le CHUM-Hôpital, en particulier quant aux méthodes utilisées et aux modélisations comparatives créées[293]. Le Comité a également eu recours à de l’expertise spécialisée à l’externe sur certaines questions financières particulières[294]. Au terme de son examen, le 19 novembre 2010, le Comité a émis un rapport de 52 pages.

 

[269]     Le rapport du Comité fait état du caractère limité de l’enquête menée, malgré l’expertise de ses membres, dans les termes suivants[295] :

 

«         Temps limité pour produire le rapport;

 

·         Projet complexe en évolution depuis 2006;

 

·         Dossier [d’affaires] tout aussi complexe en constante évolution;

 

·         Nombreux tableaux et réconciliations difficiles;

 

·         Période de travail insuffisante afin d’obtenir une synthèse complète pouvant comparer point par point le CSP [« Comparateur du secteur public » : la modélisation financière de réalisation en mode conventionnel] et le PR [« Projet de référence » : la modélisation financière de réalisation en mode PPP]. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[270]     Le rapport comprend également une mise en garde importante[296] :

 

«         Le Dossier d’affaires (DA) examiné par le CRD [Comité de revue diligente] repose … sur certaines hypothèses clés, prévisions, conditions économiques et réglementaires, etc., prévalant à la date du DA tel qu’il a été documenté. Certaines de ces données et hypothèses sont sujettes à variation dans le temps et les variations pourraient vraisemblablement entraîner des changements aux conclusions et recommandations.

 

                         […]

 

·         Le présent rapport s’appuie sur des rapports et des analyses préparés par différents consultants retenus par la direction du projet du CHUM, par le Directeur exécutif (DE) et par Infrastructure Québec (IQ). Les données et les renseignements que nous avons utilisés dans notre analyse n’ont été ni examinés ni vérifiés par nous, quant à leur précision ou leur exactitude.

 

·         Les hypothèses de financement du projet du PR [Projet de référence, soit la modélisation de réalisation en mode PPP] ont été fournies par IQ.

 

·         Ce rapport ne constitue en aucun cas une vérification exhaustive du Dossier d’affaires ni du modèle financier qui lui est sous-jacent.

 

·         Il y a des points uniques au projet du CHUM, projet qui est très complexe. Le CRD [Comité de revue diligente] ne peut garantir qu’il a pris en compte de manière exhaustive toutes les informations qui auraient un impact sur ses analyses et conclusions. »

 

[271]     Selon le Comité, son mandat d’examen comprenait les cinq points suivants[297] :

 

«         revue de la méthodologie employée;

 

·         raisonnabilité et plausibilité des approches utilisées;

 

·         cohérence des hypothèses retenues;

 

·         fiabilité de l’évaluation des coûts pour le « Comparateur du secteur public (CSP) », soit le mode conventionnel; et

 

·         formule du critère d’abordabilité. »

 

[272]     Sous les rubriques suivantes, le Comité examine les éléments du dossier d’affaires intermédiaire de RCGT :

 

1.    les coûts;

 

2.    les contingences;

 

3.    l’ajustement inhérent au projet (AIP);

 

4.    les risques;

 

5.    les aspects financiers; et

 

6.    les analyses de sensibilité.

 

[273]     Compte tenu du caractère très avancé du processus du PPP à ce stade, le Comité affirme devoir, pour évaluer les coûts du mode conventionnel, y ajouter un montant additionnel qui résulterait d’un revirement de la décision du Gouvernement de procéder suivant le mode de réalisation PPP : les partenaires privés proposants auraient alors droit à un dédommagement de 48,9 millions $ pour leur travail réalisé et leurs dépenses dans le cadre du processus PPP[298].

 

[274]     Les conclusions du rapport sont les suivantes[299] :

 

«         Plausibilité et raisonnabilité de la méthodologie

 

·      Oui, contingences et AIP [Ajustement inhérent au projet] justifiées par :

 

·       Incertitude sur le coût de base (concept préliminaire incomplet)

 

·       Durée du projet

 

·      Oui, en ce qui concerne la modélisation

 

·         Cohérence des hypothèses de l’estimation de coûts

 

·      Oui, traitement cohérent du CSP et PR

 

·         Revue des hypothèses de financement

 

·      Plausibles, mais certaines incertitudes demeurent

 

·         Fiabilité de cet outil pour conclure [à] la valeur ajoutée

 

·      Oui, sous réserve des commentaires dans ce rapport

 

·         Le critère d’abordabilité paraît plausible (ordre de grandeur)

 

·         La méthodologie appliquée défavorise l’estimation du CSP [Comparateur du secteur public][300] »

 

[275]     Ainsi, le Comité conclut que, malgré certaines réserves, l’analyse financière comparative effectuée par RCGT quant aux coûts probables entre le scénario de la réalisation du CHUM-Hôpital en mode conventionnel et celui de sa réalisation en mode PPP est « plausible », « cohérente » et s’inscrit dans la « raisonnabilité ». Le Comité conclut, avec les mêmes réserves, à la « fiabilité » de la conclusion du rapport que le mode PPP offre une valeur ajoutée sur les fonds publics investis, soit le montant d’épargne pour les contribuables[301].

 

[276]     Si le Comité approuve, avec des réserves importantes, le relatif sérieux du Dossier d’affaires au soutien de la recommandation de procéder à la réalisation du CHUM-Hôpital en mode PPP, il formule également des critiques dont deux sont particulièrement pertinentes pour ce dossier. En premier lieu, le Comité est d’avis que l’AIP (le calcul des risques inhérents au projet) quantifié pour les deux modes est plus élevé en raison de l’absence du coût réel de base vérifié du projet qui résulte d’un « concept préliminaire incomplet ». Ainsi, le Comité est d’avis qu’une élaboration préliminaire d’une conception générale du projet, de même que la préparation des plans et devis préliminaires, auraient favorisé une meilleure évaluation des coûts réels du projet, que celui-ci soit réalisé en mode PPP ou en mode conventionnel. En deuxième lieu, le Comité critique la méthodologie appliquée par les auteurs du Dossier d’affaires et estime que celle-ci défavorise « l’estimation » ou l’évaluation des coûts de réalisation du projet en mode conventionnel (« CSP »).

 

[277]     Le 26 novembre 2010, soit une semaine plus tard, en tenant compte de certains commentaires du Comité, RCGT prépare un dossier d’affaires intermédiaire révisé (désigné comme « final ») réduisant le montant de valeur ajoutée découlant de l’utilisation du mode PPP de 468 millions $ à 302,17 millions $[302].


 

[278]     Le premier DAI du projet du Nouveau CHUM avait conclu à une valeur ajoutée de 282 millions $ pour le CHUM-Hôpital en faveur du mode PPP[303]. Le DAI intermédiaire indique plutôt une valeur ajoutée de 518,6 millions $[304]. Une version révisée de ce DAI conclut à une valeur ajoutée de 468 millions $[305]. C’est cette version du DAI qui est examinée par le Comité. Enfin, compte tenu des commentaires du Comité, le DAI intermédiaire est de nouveau révisé par RCGT. La version finale du DAI intermédiaire re-révisé conclut à une valeur ajoutée de 302,17 millions $ en faveur du mode PPP[306]. Le Tribunal constate que les chiffres impliqués, présentés comme scientifiques et stables, sont en fait évolutifs.

 

[279]     Pour le Gouvernement, le feu vert est accordé. Il passe aux prochaines étapes pour autoriser la construction du projet du CHUM-Hôpital en mode PPP.

 

E) CHUM-Hôpital en PPP : poursuite du projet (Phase 2 (fin) et Phase 3)

 

[280]     À ce stade, il y a lieu de faire état de la suite des étapes et événements majeurs concernant la réalisation projetée du CHUM-Hôpital en mode PPP :

 

Phases 2 (fin) et 3 de la construction du Nouveau CHUM : CHUM-Hôpital

15 décembre 2010

Décret 1178-2010 établissant le critère d’abordabilité pour le CHUM-Hôpital à  2 089 2 M$[307]

16 décembre 2010

Dépôt des propositions techniques PPP (CHUM-Hôpital)[308]

31 janvier 2011

Dépôt des propositions financières PPP (CHUM-Hôpital)[309]

25 février 2011

Annonce du choix de partenaire privé PPP (CHUM-Hôpital) : Collectif santé Montréal[310]

1 juin 2011

Décret 551-2011 visant l’approbation de l’entente PPP entre le CHUM et le partenaire privé[311]

10 juin 2011

Signature du contrat PPP entre le CHUM et le partenaire privé pour le CHUM-Hôpital[312]

 

Partenaire privé : Collectif Santé Montréal, s.e.c.

 

Constructeur Phase 2 (85 %) : Santé Montréal Collectif CJV, s.e.c., faisant affaires sous le nom Construction Santé Montréal

 

Constructeur Phase 3 (15 %) : Pomerleau inc.

 

Fournisseur de services : Veolia Santé services Montréal, s.e.c.

 

17 mai 2012

Rapport du dossier d’affaires final de RCGT du CHUM-Hôpital[313]

31 mars 2017

Prise de possession provisoire (Phase 2 de la construction du Nouveau CHUM (CHUM-Hôpital) - 85 %)

11 mai 2021

Prise de possession provisoire projetée (Phase 3 de la construction du Nouveau CHUM (CHUM-Hôpital) - 15 %)

27 mars 2022

Fin prévue des mandats des équipes maîtres

 

[281]     Ainsi, le 10 juin 2011, le contrat de PPP du CHUM-Hôpital est signé. Ce contrat restera en vigueur jusqu’au 11 mai 2051, soit durant 30 ans suivant la réception provisoire de la Phase 3 du CHUM, qui est prévue pour le 11 mai 2021[314].

 

[282]     Il a été prévu que la période d’exploitation ou d’opération de la Phase 2 du CHUM (CHUM-Hôpital à 85 %) débute le 22 avril 2016. Cette date a été remise au 31 mars 2017. Des paiements périodiques relatifs aux services ont commencé à être versés au partenaire privé pour l’exploitation de la Phase 2[315].


 

F) Continuation de prestations de services professionnels par BPYA et BPTH, fin prévue des travaux et fin prévue des mandats des équipes maîtres pour l’achèvement de la Phase 3 de la construction du Nouveau CHUM

 

[283]     Après la signature des conventions de services « amendées » en septembre 2008, BPYA et BPTH ont continué de rendre respectivement les services d’architecture et de génie dans leurs rôles de professionnels accompagnateurs à la direction du CHUM et au soutien de l’Équipe maître gestionnaire du projet du Nouveau CHUM.

 

[284]     Le 2 juin 2009, BPYA envoie au CHUM une mise en demeure pour dommages subis à la suite des retraits unilatéraux des mandats prévus dans sa convention de services initiale[316].

 

[285]     Le 4 mai 2010, BPTH fait de même[317].

 

[286]     La date prévue pour la réception provisoire de la Phase 3 de la construction du Nouveau CHUM (soit les derniers 15 % du CHUM-Hôpital) est le 11 mai 2021[318]. La date prévue pour la fin des services professionnels de BPYA et de BPTH est le 27 mars 2022[319], soit après l’achèvement de la Phase 4 (Clôture) prévue aux conventions de services.

 

[287]     Jusqu’à la fin projetée de son mandat, soit en mars 2022, et donc au cours d’une période s’échelonnant sur 15 ans (2007 à 2022), BPYA aura facturé en honoraires professionnels totaux pour le projet du Nouveau CHUM 21 970 000 $ M[320], soit en moyenne 1 464 666,60 $ par année.

 

[288]     Pour sa part, pour ce projet, BPTH aura facturé au cours de la même période des honoraires professionnels de 20 680 000 $ M, soit en moyenne 1 373 333,30 $ par année[321].

 

[289]     Selon BPYA, compte tenu de la teneur des conventions de services initiales, l’ampleur éventuelle du projet dont les coûts ont augmenté de 848 millions$ à 2,6 milliards $ (avant taxes), la durée du projet sur 15 ans, les taux horaires gouvernementaux applicables et du fait que BPYA est constitué de quatre bureaux d’architectes (le montant à recevoir, divisé en 4, est de 366 166,65 $ par année[322]), leur implication dans le projet du Nouveau CHUM a été marginale[323].

 

G) Procédures judiciaires

 

[290]     Le 6 octobre 2010, BPYA et BPTH déposent les présentes procédures judiciaires.

 

[291]     Le 11 mai 2016, la Cour ordonne que les deux instances soient jointes pour être instruites en même temps et jugées sur la même preuve, conformément à l’article 210 du Code de procédure civile (C.p.c.)[324].

 

[292]     L’instruction commence au mois de septembre 2019 pour une durée de quatre (4) mois.

 

[293]     Le 24 octobre 2019, le Tribunal, conformément à l’article 267 C.p.c., effectue une visite des lieux.

 

[294]     Le 14 novembre 2019, en raison d’une apparence de partialité d’un expert en défense, le Tribunal autorise la défense à substituer son expertise par une ou des expertises d’autres experts. Le délai initial accordé était le 17 février 2020. À la demande de l’avocat du CHUM, le délai a été prolongé au 30 avril 2020, ce qui a été respecté. La production de ces expertises a donné lieu à des demandes des avocats en demande de produire des commentaires écrits de leurs experts à l’égard des nouvelles expertises. Le Tribunal a autorisé les avocats à produire des plaidoiries écrites par rapport aux questions visées par ces expertises.

 

[295]     Chacune des parties a également produit de nombreuses pièces supplémentaires et des commentaires écrits les concernant après l’instruction pour compléter leur preuve ou à la suite des questions du Tribunal. Les dates de production subséquente de la documentation additionnelle requise sont indiquées à la fin du présent jugement.


 

Analyse et décision

 

1) Les conventions de services initiales constituent-elles des contrats d’adhésion?

 

[296]     Le 8 juin 2006, le CHUM a lancé un appel de candidatures pour la sélection des équipes maîtres d’architecture et de génie pour réaliser le Nouveau CHUM. Le CHUM, de concert avec le DE et l’APPPQ, ont rédigé l’ensemble des documents d’appel, ce qui comprend la documentation contractuelle, les instructions à respecter, les conditions générales, les formulaires d’appel de candidatures à remplir, les mandats précis de chaque équipe maître et les exigences relatives à la production de documents. La documentation de chaque appel de candidatures comprend environ 248 pages en petits textes imprimés. Après la sélection de chacune des équipes maîtres, cette documentation a été intégrée dans les conventions de services qui ont été signées par les parties le 1er mars 2007.

 

[297]     Selon BPYA et BPTH, les conventions de services intervenues constituent des contrats d’adhésion au sens de l’article 1379, alinéa 1 C.c.Q. Cet article est rédigé ainsi :

 

1379. Le contrat est d’adhésion lorsque les stipulations essentielles qu’il comporte ont été imposées par l’une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu’elles ne pouvaient être librement discutées.

 

[298]     Il n’y a pas de doute que, non seulement les stipulations essentielles des conventions de services, mais l’ensemble du contenu obligationnel des conventions de services, a été imposé par le CHUM, pour son compte ou suivant ses instructions, à BPYA et à BPTH. Il n’y a également pas de doute que les stipulations essentielles des conventions de services ne pouvaient être librement discutées ou négociées. En fait, aucun aspect des conventions de services ne pouvait être négocié. Le choix des soumissionnaires était ou bien de souscrire à l’intégralité des stipulations des documents d’appel de candidatures ou de ne pas déposer de soumission.

 

[299]     La jurisprudence reconnaît que les contrats conclus, à la suite des appels d’offres, notamment entre les organismes publics subventionnés et les soumissionnaires constituent des contrats d’adhésion. Dans l’arrêt Régie d’assainissement des eaux du bassin de la Prairie[325], la Cour d’appel s’est exprimée ainsi :

 

« Dans le cas de contrats de construction conclus avec le gouvernement, les organismes publics subventionnés ou les grandes sociétés publiques ou privées, l'élaboration des documents contractuels demeure la plupart du temps l'oeuvre unilatérale du donneur d'ouvrage qui soumet, à l'intention des contractants, des formules incluant toutes les conditions relatives aux contrats. Ces contrats me paraissent répondre à la nouvelle définition du contrat d'adhésion. »

 

[300]     Dans la décision Gagnon c. Hydro-Québec[326], la Cour supérieure s’est exprimée ainsi :

 

« [38] De plus, la jurisprudence a déjà reconnu que les contrats accordés par un organisme public ou par le gouvernement, à la suite d’appels d’offres, rencontrent les critères du contrat d’adhésion, conformément à l’article 1379 C.c.Q. […] »

 

[301]     Dans Neptune Sécurité Services inc. c. Ville de Québec, la Cour supérieure s’est exprimée ainsi[327] :

 

[255] La procureure de Neptune plaide que ces Contrats sont d’adhésion. À bon droit, la procureure de la Ville le reconnaît. Aucune des clauses des Contrats n’est négociée, le contractant, Neptune, n’a aucun choix de signer ce contrat, s’il désire le réaliser, il s’agit d’un contrat d’adhésion.

 

[302]     Les avocats du CHUM ne contestent pas que les conventions de services initiales constituent des contrats d’adhésion.

 

[303]     Le Tribunal conclut que les conventions de services initiales constituent des contrats d’adhésion.

 

2) Les conventions de services amendées constituent-elles des contrats d’adhésion?

 

[304]     BPYA et BPTH plaident que les conventions de services amendées constituent également des contrats d’adhésion. Si le CHUM n’a pas contesté que les conventions de services initiales sont des contrats d’adhésion, il en est autrement pour les conventions de services amendées. Le CHUM plaide qu’elles constituent des contrats conclus de gré à gré.

 

[305]     Le CHUM invoque notamment le fait que les conventions de services amendées ont accordé certains tempéraments à BPYA et à BPTH, à savoir qu’ils n’étaient plus imputables quant au respect du budget ni de l’échéancier, de la qualité ou du contenu des travaux du projet à réaliser. Avec égard, ce moyen du CHUM nous paraît mal fondé.


 

[306]     Le retrait du mandat pour assurer le contrôle des coûts et du respect du budget a été à l’initiative du CHUM. C’est le CHUM, en septembre et octobre 2007, qui a proposé dans les premières versions des amendements le retrait de ce mandat. M. Hébert a confirmé que le CHUM lui a alors proposé ce changement[328]. M. Gignac a témoigné que, en ce qui a trait aux trois autres critères, l’échéancier, la qualité et le contenu des travaux, la décision prise par le CHUM (et le DE) d’incorporer dans le processus PPP le mécanisme du critère d’abordabilité avait pour conséquence de rendre ce mandat superflu à leurs yeux[329]. Ainsi, ces changements étaient d’abord et avant tout une question de cohérence de la part du CHUM avec sa propre décision de revenir sur sa décision quant au modèle et aux clauses de PPP à utiliser pour le projet du Nouveau CHUM, y compris d’éliminer les mandats confiés à BPYA et à BPTH pour élaborer la conception générale du projet, pour préparer les plans préliminaires et pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéance, de la qualité et du contenu des travaux. Le CHUM a décidé de modifier le tout en même temps lors de l’imposition des conventions de services « amendées ».

 

[307]     Pour des raisons de clarté, et pour économiser des honoraires professionnels, après avoir décidé d’utiliser la formule de critère d’abordabilité et après avoir modifié le choix du modèle PPP, le CHUM et le DE voulaient retirer aux équipes maîtres ces responsabilités, car elles n’étaient pas, à leurs yeux, conséquentes avec leurs nouveaux choix effectués. Étant donné que les équipes maîtres n’allaient plus participer à l’établissement du « budget convenu », il était inconcevable qu’elles demeurent tenues, sous peine d’imputabilité, de le faire respecter.

 

[308]     Vu ces choix et ces changements, le CHUM a décidé qu’il ne voulait pas payer les équipes maîtres pour assurer le contrôle des coûts. M. Gignac a admis dans son témoignage que vu la décision à ce sujet, il était d’avis qu’il n’y avait plus lieu de confier ce mandat aux équipes maîtres[330]. Partant, pour lui, il était exclu de les payer pour faire respecter les objectifs quant aux coûts, à l’échéancier, à la qualité ou au contenu des travaux.

 

[309]     Selon la preuve, il n’y a pas de doute que les modifications aux conventions de services amendées ont été imposées par le CHUM à l’encontre des volontés des équipes maîtres. Ces dernières auraient préféré garder leurs mandats intacts selon la teneur des conventions de services initiales. BPYA et BPTH avaient, par le passé, agi pour le compte des propriétaires-clients pour vérifier et assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux. Ils avaient pleinement confiance qu’ils pouvaient le faire pour le Nouveau CHUM[331].

 

[310]     En déposant leurs offres de services, BPYA et BPTH avaient calculé que les avantages de ce mandat, y compris le travail requis, le personnel requis et les heures professionnelles requises pour faire respecter les objectifs prévus, se comparaient favorablement aux désavantages.

 

[311]     Dans un premier temps, les stipulations essentielles, de même que toute la teneur des conventions de services initiales, ont été imposées par le CHUM à BPYA et à BPTH qui n’ont pas pu les négocier.

 

[312]     Dans un deuxième temps, les versions modifiées de ces conventions imposées par le biais des conventions de services amendées n’ont pas pu être négociées. Les modifications imposées par le CHUM constituent des changements fondamentaux aux droits contractuels conférés à BPYA et à BPTH en vertu des conventions de services initiales.

 

[313]     En réalité, ces changements unilatéraux ont été dictés et imposés par le CHUM contre le gré des équipes maîtres. BPYA et BPTH ont accepté de procéder uniquement sous réserve et sous protêt de leurs droits contractuels. Les modifications effectuées lors de ces refontes font l’affaire du CHUM. Le CHUM n’a fait aucune concession significative aux équipes maîtres. Le CHUM a même gardé la formule d’imputabilité des professionnels pour toute composante du projet qui allait se réaliser en mode conventionnel[332].

 

[314]     Le caractère unilatéral des changements effectués et l’impossibilité pour BPYA et BPTH de pouvoir les négocier sont également confirmés par d’autres éléments de preuve :

 

a) Selon BPYA et BPTH, si les portées réduites des mandats leur avaient été annoncées lors des appels de candidatures, ils n’auraient, sous aucune considération, déposé des offres de services. Pour BPYA et BPTH, les modifications imposées ont retiré le cœur des mandats et les parties essentielles de ceux-ci[333];

 

b) Le préambule de l’amendement des conventions de services amendées confirme le caractère unilatéral des changements imposés par le CHUM. Il est rédigé ainsi[334] :

 

« ATTENDU QUE le CHUM a décidé de modifier certaines dispositions de la convention de services […] »;

 

[Le Tribunal a souligné une partie du texte.]

 

c) Le CHUM a indiqué qu’il était prêt à résilier les conventions de services avec BPYA et BPTH s’ils ne signaient pas les conventions de services amendées[335]. Selon le CHUM, il avait le droit d’imposer les changements stipulés dans les conventions de services amendées. En vertu de l’article 14.1 des conventions de services, la résiliation pour motif par le CHUM lui permettait de « terminer l’exécution du contrat aux frais » des équipes maîtres. Selon cet article, le CHUM pouvait réclamer aux équipes maîtres « tous les dommages subis par le CHUM du fait de la résiliation du contrat ». Selon les témoignages des représentants de BPYA et de BPTH, le refus de signer les conventions de services amendées les exposait à une énorme réclamation financière de la part du CHUM[336], étant donné l’ampleur du projet et puisque la réalisation du projet n’avait même pas commencé. Dans ces circonstances, BPYA et BPTH se sont sentis obligés de signer les conventions de services amendées;

 

d) Les conventions de services initiales, reconnues comme des contrats d’adhésion, comprenaient des clauses d’exclusivité très exigeantes pour BPYA et BPTH. Advenant la résiliation des conventions de services, BPYA et BPTH auraient été exclues de participer, de quelque manière que ce soit, à la réalisation du projet du Nouveau CHUM. Ils n’auraient pas pu s’associer au partenaire privé ni aux entrepreneurs ou sous-entrepreneurs de celui-ci. Ainsi, le refus de signer les conventions de services amendées aurait eu pour effet d’écarter complètement BPYA et BPTH de quelque participation que ce soit au projet du Nouveau CHUM;

 

e) Selon BPYA et BPTH, l’opération simultanée de ces trois facteurs, soit :

 

1)    l’imposition unilatérale par le CHUM de changements fondamentaux aux conventions de services initiales et l’imposition des textes dans les conventions de services amendées;

 

2)    l’impossibilité de quitter le projet sans faire face à un recours en dommages du CHUM; et

 

3)    l’impossibilité de participer ou de soumissionner à l’avenir pour le Nouveau CHUM en quittant le projet

 

a eu pour effet de les piéger à ce moment, et de fait, jusqu’à l’achèvement du projet, les obligeant à demeurer à l’oeuvre tout en subissant une réduction majeure de leurs mandats en vertu des conventions de services initiales, profondément modifiées à leur désavantage.

 

La présence de ces cinq éléments aux dossiers est appuyée par une preuve prépondérante.

 

[315]     Compte tenu de ce qui précède, la Cour est d’avis que les stipulations essentielles des conventions de services amendées ont été unilatéralement imposées par le CHUM à BPYA et à BPTH. Le Tribunal conclut que les conventions de services amendées, tout comme les conventions de services initiales, constituent des contrats d’adhésion selon l’article 1379 C.c.Q.

 

3) Advenant que le CHUM avait une obligation envers BPYA et BPTH en vertu des conventions de services de procéder à un choix non fautif du mode de réalisation du Nouveau CHUM, soit conventionnel ou PPP, le CHUM a-t-il violé cette obligation?

 

A) Allégation de BPYA et de BPTH de faute du CHUM quant au mode de réalisation PPP retenu

 

[316]     Les conventions de services initiales prévoient[337] :

 

2.    MANDAT DES PROFESSIONNELS POUR LE CHUM (ARCHITECTES ET INGÉNIEURS)

 

Phase I

 

Les professionnels se verront confier le mandat de préparer le concept (1) et le dossier préliminaire (2) pour toutes les phases du projet.

 

Phase II

 

Selon le mode de réalisation retenu, les professionnels se verront confier :

 

les plans et devis définitifs et la surveillance des travaux suivant un mode de réalisation conventionnel;

 

ou

 

le devis de performance et le suivi des travaux suivant un mode de réalisation PPP;[338]

 

[…]

 

4.    MODES DE RÉALISATION[339]

 

À l’exception de l’immeuble Vidéotron, qui sera réalisé en mode conventionnel, les autres composantes feront l’objet d’un dossier d’affaires afin de déterminer si leur réalisation sera effectuée en mode PPP ou conventionnel/forfaitaire.

 

Quel que soit le mode de réalisation choisi (conventionnel/forfaitaire ou PPP), les équipes maîtres d’architecture et de génie se verront confier le concept et la préparation du dossier et des plans et devis préliminaires pour toutes les phases composantes du projet.

 

[…]

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

[317]     Selon les textes soulignés, le CHUM a précisé que le choix du mode de réalisation, conventionnel ou PPP, se ferait à partir de la conclusion d’un « dossier d’affaires ». Au cours du processus de l’appel de candidatures, le soumissionnaire a été simplement référé au site Internet de l’APPPQ[340].

 

[318]     Nous avons déjà vu que la « Politique-cadre sur les partenariats public-privé » du Gouvernement prévoyait[341] :

 

« Dans un souci de répondre aux besoins des citoyens et de fournir des services de qualité et au meilleur coût, le Gouvernement du Québec encourage le recours au partenariat public-privé (PPP) lorsqu’il est démontré que ce mode de prestation offre une meilleure valeur ajoutée pour les fonds publics investis. »

 

[319]     La Loi sur l’Agence des partenariats public-privé du Québec prévoyait que l’APPPQ avait pour mission de favoriser[342] :

 

1°un processus de sélection de partenaires et de conclusion de contrats qui est à la fois transparent et équitable, de façon à assurer une saine concurrence entre les entreprises intéressées;

 

2°la mise en oeuvre de moyens permettant aux citoyens de connaître le processus de partenariat public-privé et la valeur ajoutée des fonds publics investis;

 

[320]     Cette loi définit le contrat de partenariat public-privé ainsi[343] :

 

6. Un contrat de partenariat public-privé est un contrat à long terme par lequel un organisme public associe une entreprise du secteur privé, avec ou sans financement de la part de celle-ci, à la conception, à la réalisation et à l’exploitation d’un ouvrage public. Un tel contrat peut avoir pour objet la prestation d’un service public.

 

[321]     Selon BPYA et BPTH, les textes des conventions de services initiales, en particulier le premier paragraphe de la clause 4, créent une obligation contractuelle du CHUM envers BPYA et BPTH selon laquelle le processus décisionnel pour déterminer le mode de réalisation, articulé autour d’un dossier d’affaires, ne doit pas être fautif. BPYA et BPTH plaident que la décision de réaliser le projet du Nouveau CHUM en mode PPP était erronée, constitutive d’une faute et d’une inexécution contractuelle du CHUM en vertu des conventions de services initiales.

 

[322]     BPYA et BPTH plaident que ce manquement contractuel a eu pour effet d’augmenter l’ampleur de leurs préjudices monétaires. En particulier, si le mode de réalisation retenu avait été le mode conventionnel, ils auraient également obtenu les mandats, au cours de la phase de réalisation (Phase 3), de préparer et de produire les plans et devis définitifs et d’effectuer la surveillance des travaux. Ces mandats additionnels font grimper la totalité des heures professionnelles qu’ils n’ont pas pu rendre. Ces heures supplémentaires non rendues expliquent la différence entre la réclamation principale de BPYA en dommages de 56 191 581 $ et sa réclamation subsidiaire de 23 534 303 $; pour BPTH, la réclamation principale est de 25 293 632,60 $ et la réclamation subsidiaire est de 17 692 000,30 $.

 

[323]     BPYA et BPTH reprochent au CHUM l’utilisation erronée de deux éléments du dossier d’affaires : l’indice de vétusté et le taux d’actualisation. Ils soumettent que l’utilisation erronée de ces éléments a eu pour conséquence de vicier les calculs et le résultat du DAI et des dossiers d’affaires subséquents. BPYA et BPTH soutiennent et réitèrent les mêmes critiques qui avaient été formulées par le VGQ lors de la Commission parlementaire spéciale tenue pour examiner les processus de PPP du Nouveau CHUM en rapport avec le dossier d’affaires préparé pour le CRCHUM[344].

 

[324]     Dans le dossier du Nouveau CHUM, plusieurs dossiers d’affaires ont été préparés par RCGT : un dossier d’affaires initial (soit le DAI)[345], suivi des dossiers d’affaires intermédiaires (initiaux et révisés) et enfin les dossiers d’affaires finaux visant à la fois les projets du CRCHUM[346] et du CHUM-Hôpital[347].

 

B) Moyens de défense du CHUM

 

[325]     Le CHUM plaide que ces prétentions de BPYA et de BPTH sont mal fondées en fait et en droit.

 

[326]     En premier lieu, le CHUM soutient que le texte des documents d’appel et des conventions de services n’est pas constitutif d’une obligation contractuelle dont il est redevable. Le CHUM allègue que le texte des documents d’appel et des conventions de services n’annonce que le principe selon lequel la décision quant au mode de réalisation se prendra à partir d’un dossier d’affaires. Le CHUM plaide que ce n’est pas sa décision, mais ultimement celle du Gouvernement et que le CHUM n’est pas le mandataire du Gouvernement[348]. Ainsi, selon le CHUM, si BPYA et BPTH ne sont pas satisfaits de cette décision ou considèrent que celle-ci est fautive ou erronée, ils auraient dû poursuivre le Gouvernement et non le CHUM. Sans décider de la question, cette réponse ne nous paraît pas convaincante dans les circonstances.

 

[327]     Selon M. Villiard, en signant l’Entente-cadre, le CHUM a délégué à l’APPPQ et au DE une partie de son autorité sur le dossier d’affaires[349]. Or, le CHUM n’a jamais avisé les équipes maîtres, en particulier BPYA et BPTH, qu’il avait délégué une partie de son autorité à l’APPPQ et au DE quant à la détermination de la question. Les textes des documents d’appel et les conventions de services ne se réfèrent pas à une décision ou à une détermination qui sera prise par une personne ou un organisme autre que le CHUM.

 

[328]     Les documents d’appel ne précisent pas l’existence ou le fonctionnement d’un partage de l’autorité décisionnelle à ce sujet. De même, aucune dénonciation de non-responsabilité n’est faite par le CHUM ni exclusion de responsabilité posée par rapport au processus de sélection du mode de réalisation en vertu d’un dossier d’affaires.

 

[329]     Le propriétaire du projet et l’autorité publique (ou l’« organisme public ») impliquée est le CHUM. Cela a même été confirmé dans l’Entente-cadre[350]. De même, l’Entente-cadre a confirmé que le CHUM avait une responsabilité principale ou exclusive quant à ces professionnels[351]. Dans les faits et en pratique, il est raisonnable de conclure que le choix du mode de réalisation en PPP n’aurait pas pu être fait sans l’accord du CHUM. Ainsi, dans les circonstances, il était raisonnable pour BPYA et BPTH de comprendre et de conclure que le CHUM avait une autorité importante et même prépondérante quant au choix du mode de réalisation.

 

[330]     Compte tenu des documents contractuels intervenus, en n’ayant pas avisé BPYA et BPTH autrement, le CHUM demeurait responsable vis-à-vis eux quant au respect et à l’exécution de cette obligation annoncée et souscrite.

 

[331]     Selon la preuve, y compris l’Entente-cadre intervenue entre le CHUM, le DE et l’APPPQ, le CHUM était partie prenante dans le processus. Selon le témoignage de M. Truchon, le CHUM a été une partie impliquée tout au long de l’analyse effectuée et a participé dans tous les ateliers ayant servi à recueillir des données pour constituer le DAI. M. Villiard a reconnu que le personnel du CHUM, y compris lui, a participé aux ateliers d’analyse du dossier d’affaires[352]. Le CHUM a participé et a été consulté tout au long du processus d’analyse et M. Villiard a reçu le DAI dès qu’il a été complété[353]. Selon M. Lortie, le CHUM a approuvé le modèle de PPP (« Cadre contractuel ») qui a fait l’objet de l’analyse comparative avec le modèle conventionnel. M. Lortie a témoigné que le CHUM était d’accord pour recommander au Gouvernement de réaliser le Nouveau CHUM en mode PPP[354]. Selon le Tribunal, il est clair que le CHUM avait un rôle décisionnel important dans le processus du choix du mode de réalisation à sélectionner.

 

[332]     En deuxième lieu, le CHUM plaide que dans la mesure où le CHUM avait une responsabilité envers BPYA et BPTH dans la détermination du mode de réalisation à sélectionner, ce rôle lui a été dévolu ou attribué par le Gouvernement. Selon le CHUM, ce type de décision du Gouvernement, notamment dans la manière de dépenser les fonds publics, relève de la sphère politique et non opérationnelle de l’administration. Le CHUM plaide que, afin qu’une décision de cette nature soit considérée comme fautive et génératrice de responsabilité, le Gouvernement, ou l’organisme qu’il désigne à cette fin, jouit d’une immunité limitée. Sa responsabilité ne peut alors être engagée que moyennant la preuve que la décision attaquée était notamment irrationnelle, arbitraire ou encore avait été prise de mauvaise foi[355]. Dans ces circonstances, le CHUM plaide que, dans la mesure où il a une responsabilité quant au bien-fondé de cette décision, il jouit de cette immunité. En conséquence, sa responsabilité ne peut être établie que suivant la preuve que la décision prise à ce sujet était irrationnelle, arbitraire ou de mauvaise foi[356].

 

[333]     En troisième lieu, advenant que le Tribunal soit d’avis que le CHUM avait une obligation contractuelle envers BPYA et BPTH afin de s’assurer que la méthodologie suivie pour le dossier d’affaires respecte les règles de l’art en la matière et que la conclusion en découlant soit fondée, le CHUM ne jouit d’aucune immunité relative à ce sujet et que la norme de responsabilité applicable est celle de la faute « simple » d’un manquement contractuel, le CHUM plaide qu’il n’y a eu aucune faute commise, le processus ayant été mené avec professionnalisme, prudence et diligence.

 

C) Indice de vétusté ou risque de sous-financement en entretien et en maintien d’actifs

 

[334]     Quant à la méthodologie du dossier d’affaires, BPYA et BPTH reprochent l’utilisation des formules employées par RCGT pour calculer, sur une base comparative avec le modèle de réalisation en mode conventionnel, les coûts anticipés concernant l’entretien du bâtiment à construire du Nouveau CHUM et ses composantes. Dans le domaine de l’analyse des dossiers d’affaires et des contrats de partenariat PPP, ces mots reçoivent des sens particuliers. Le mot « entretien » désigne les dépenses courantes pour maintenir les lieux en bon état de présentation et d’opération. Le terme « maintien de l’actif », quant à lui, désigne plutôt les dépenses de nature majeure requises périodiquement pour remplacer les composantes immobilières ou mobilières du bâtiment. Ces dernières dépenses ressemblent à celles désignées en comptabilité et en droit fiscal comme des dépenses de nature capitale[357]. Nous avons vu que les contrats de PPP du Nouveau CHUM sont conclus sur des bases de durée relativement longue, soit de 30 ou 37 ans. Pendant ces périodes, le partenaire privé s’occupe et est financièrement responsable de l’entretien et du maintien de l’actif. Le coût pour le faire est calculé et intégré dans un montant total, comprenant les coûts globaux de construction et d’intérêt, divisé en paiements unitaires à payer au partenaire privé au cours de la durée du contrat de partenariat.

 

[335]     La réglementation de l’entretien et du maintien de l’actif fait l’objet d’une annexe complète des contrats de partenariat[358]. Les dépenses d’entretien constituent environ 20 % du paiement unitaire[359]. Dès le lancement des appels de propositions, le projet d’entente de partenariat est partagé aux proposants[360]. La partie du paiement unitaire ayant trait aux dépenses d’entretien est indexée selon le taux d’inflation[361]. Les frais de maintien de l’actif sont déterminés par anticipation dans la proposition du partenaire privé et sont intégrés dans l’échéancier des paiements unitaires. Cette partie du paiement unitaire est normalement payée par l’autorité publique après que la dépense est réellement engagée par le partenaire privé[362].

 

[336]     Dans le mode conventionnel de réalisation (contrat d’entreprise à forfait), l’entrepreneur général ayant construit le bâtiment n’a pas d’obligation quant aux frais d’entretien et de maintien des composantes du bâtiment après la livraison et la prise de possession de celui-ci par le client. Ainsi, afin d’effectuer une comparaison des coûts devant être encourus suivant les deux modélisations financières, RCGT devait estimer, pour le mode conventionnel, les coûts à encourir par l’autorité publique sur une base de 37 ans par rapport aux dépenses d’entretien et de maintien de l’actif. Selon les commentaires de M. Lortie[363] et de M. Truchon[364], les « meilleures pratiques établies » prévoient que les dépenses d’entretien représentent 2 % de la valeur de remplacement d’un édifice par année[365].

 

[337]     Au cours du processus d’élaboration du DAI, M. Lortie fournit à M. Truchon une formule (ratio multiplicateur) à utiliser à ce sujet. M. Lortie avait obtenu un avis sur la question d’un consultant externe, Conseil en immobilisation et management inc. (CIM)[366] dans le cadre de l’élaboration du dossier d’affaires initial pour le projet du CUSM[367]. M. Lortie voulait que les deux dossiers d’affaires utilisent la même formule à cet égard[368]. Le rapport du CIM n’est pas remis à M. Truchon à ce moment[369]. Ces formules sont utilisées pour évaluer et quantifier le risque créé par un déficit d’entretien ou un déficit du maintien des actifs. Il s’agit de l’effet par le passage du temps en termes de coûts du sous-investissement en entretien ou en maintien de l’actif.

 

[338]     Deux formules sont fournies, une pour les frais d’entretien et l’autre pour les frais de maintien de l’actif. Pour l’entretien, le ratio proposé est 1:4 sur 10 ans : chaque dollar de sous-investissement d’entretien fera encourir 4 $ de dépenses additionnelles sur 10 ans. Autrement dit, chaque dollar non investi au moment opportun dans l’entretien génère des dépenses additionnelles éventuelles d’entretien de 4 $ sur un horizon de 10 ans[370].

 

[339]     Pour le maintien de l’actif, le ratio proposé est 1:4 sur 15 ans : chaque dollar de sous-investissement de maintien d’actif fera encourir des dépenses additionnelles sur 15 ans. Ainsi, chaque dollar non investi au moment opportun dans le maintien des actifs génère des dépenses additionnelles éventuelles de maintien des actifs de 4 $ sur un horizon de 15 ans[371].

 

[340]     C’est en s’appuyant sur ces formules que RCGT a quantifié les risques des déficits d’entretien et de maintien d’actifs dans le DAI et dans tous les dossiers d’affaires subséquents. M. Lortie était résolu à ce que le contrat de partenariat fasse en sorte que le bâtiment livré à la fin de la période du contrat de PPP soit en excellent état d’entretien. Pour lui, il était hors de question qu’à la fin du contrat, le bâtiment ait une allure vieille ou usée[372]. À cet égard, M. Lortie insiste que le niveau d’entretien d’un bâtiment peut faire toute la différence quant à son apparence et à sa fonctionnalité[373]. Pour illustrer ses propos, M. Lortie s’est référé dans son témoignage à une discussion qu’il a eue avec la ministre Madame Jérôme-Forget pour expliquer ce que constitue un déficit d’entretien à ses yeux. Il lui a cité la différence de l’état physique de deux bâtiments situés au Centre-ville de Montréal, construits, selon lui, la même année, soit en 1962 : la Place Ville-Marie et l’Hôpital Saint-Luc[374].

 

[341]     Tel que nous l’avons vu, l’utilisation de ces ratios a fait réagir le VGQ. En commission parlementaire, celui-ci l’a qualifié d’indice de vétusté équivalent à 66 %, ce qui était à son avis excessif[375].

 

[342]     BPYA et BPTH font témoigner Jean-Pascal Foucault, ingénieur, M. Sc. A., Professeur-chercheur[376] sur la question. M. Foucault a été reconnu par le Tribunal comme expert en bâtiments et génie civil, mécanique du bâtiment et en gestion de projets (technique et économique)[377]. M. Foucault a également de l’expérience pratique dans le domaine de l’entretien, car il dirige une entreprise vérifiant la conformité aux exigences en la matière. Selon ses calculs et ses expériences, les formules utilisées par RCGT sont erronées et produisent de faux résultats[378]. À son avis, ces données fausses vicient les rapports des dossiers d’affaires. En conséquence, c’est le mode de réalisation conventionnel qui aurait offert aux contribuables la meilleure valeur ajoutée pour les fonds publics investis[379]. Les rapports de M. Foucault critiquent de nombreux éléments du DAI. Mais son témoignage est offert et s’est porté principalement sur la question du caractère exact et fiable des formules utilisées par RCGT pour l’entretien et le maintien de l’actif. Dans le DAI et les dossiers d’affaires subséquents, M. Foucault a fait une analyse des courbes de perte de la valeur d’usage et de dégradation des actifs en fonction des différentes pratiques et stratégies immobilières selon le niveau de qualité souhaitée. M. Foucault souligne que le niveau de détérioration et d’usure est directement proportionnel à l’intensité et au sérieux de l’approche adoptée par le gestionnaire du bâtiment en matière d’entretien. Pour lui, en prenant une approche sérieuse et modérée d’entretien, l’indice de vétusté ou la dépréciation des actifs ne dépasserait pas 30 %, soit environ la moitié de ce qu’il qualifie être la donnée utilisée pour les dossiers d’affaires.

 

[343]     Selon M. Foucault[380] :

 

« Dans les faits, en fonction des hypothèses sur les efforts qui seront consentis au long du cycle de vie pour financer le maintien d’actifs dans le contexte d’un projet d’ingénierie et d’aménagement d’envergure similaire à celui du CHUM, les taux de dépréciation à l’année 38 (après 30 ans d’exploitation-maintenance) et leurs conséquences sur le bon fonctionnement de l’hôpital devraient être les suivants :

 

·         Moins de 2,5 % : impacts faibles, et peu probables, de la vétusté sur les usagers;

 

·         5 % : impacts modérés, et à occurrence faible, de la vétusté sur les usagers;

 

·         10 % : impacts modérés, et à occurrence forte, de la vétusté sur les usagers;

 

·         15 % : impacts élevés, et à occurrence forte, de la vétusté et de l’obsolescence sur les usagers;

 

·         30 % : impacts très élevés, et à occurrence avérée, de la vétusté et de l’obsolescence sur les usagers;

 

·         50 % : négligence délibérée ou incompétence avérée en matière de gestion d’actifs de la part de l’État et de l’établissement pendant toute la période de 30 ans;

 

·         Plus de 80 % : dépréciation impossible du point de vue de la physique des matériaux. L’application d’une telle dépréciation ne relève pas d’une analyse assimilée à la prise en compte de l’usage réel des actifs.

 

La présente étude démontre qu’en se basant sur la méthode de dépréciation par composants, il est inadéquat de produire des analyses et des simulations de la « valeur actualisée » avec une hypothèse de dépréciation des actifs supérieure à 30 %. »

 

[344]     Pour soutenir ses conclusions, M. Foucault se réfère[381] à une loi adoptée par l’Assemblée nationale du Québec, soit la Loi favorisant le maintien et le renouvellement des infrastructures publiques[382], entrée en vigueur le 21 décembre 2007. Cette loi avait pour objectif de remédier au déficit d’entretien chronique constaté au Québec par rapport aux infrastructures publiques existantes (notamment tout immeuble et ouvrage de génie civil) relevant de l’autorité du Gouvernement du Québec. La loi fixe des objectifs seulement. Aucune sanction de non-respect n’y est prévue. L’objectif annoncé par la loi est de se conformer aux « meilleures pratiques » relatives à l’entretien des infrastructures publiques.

 

[345]     Selon M. Foucault, en vertu de cette loi, la modélisation financière du mode conventionnel devait faire en sorte qu’il n’y ait aucun risque (et aucune somme d’argent correspondant à intégrer aux calculs comparatifs) pour l’entretien d’un bâtiment public et le maintien des actifs au cours de la période prévue de 30 ou 37 ans du contrat PPP. Il est reconnu que, au moment de la rédaction du dossier d’affaires initial (ayant pris fin en novembre 2006), cette loi n’avait pas encore été adoptée. Cependant, les dossiers d’affaires subséquents n’en ont pas tenu compte non plus.

 

[346]     Interrogé par rapport à l’effet de cette loi, M. Lortie a mentionné qu’il avait soulevé les conséquences de son adoption avec un responsable du Gouvernement. Vu l’absence de mesures contraignantes de la loi, le caractère fluctuant des finances publiques et le fait qu’un contrat PPP durerait entre 30 et 37 ans, il s’est fait répondre qu’il n’y avait aucune garantie à l’avenir d’une application soutenue de cette loi[383]. Également, selon M. Lortie, le contrat PPP exigeait du partenaire privé, au cours du contrat, que les lieux construits soient entretenus et maintenus pour être livrés en très bon état à la fin du contrat. Selon M. Lortie, le budget gouvernemental normalement alloué pour l’entretien était insuffisant à cette fin. Il fallait donc comptabiliser l’équivalent monétaire pour faire la modélisation financière du mode conventionnel.

 

[347]     Il est à noter qu’en novembre 2013, la Loi favorisant le maintien et le renouvellement des infrastructures publiques a été abrogée[384].

 

[348]     Étant donné que cette loi n’avait jamais prévu de sanctions en cas de violation des objectifs annoncés, la Cour doute de sa pertinence dans l’évaluation de cette question.

 

[349]     En réponse au rapport de M. Foucault, le CHUM a déposé un rapport préparé par Bernard Gaudreault, MIAM (membre de l’Institute of Asset Management (Institut de gestion d’actifs)) et Michel Brière, architecte[385] du bureau Planifika. Ces derniers ont été reconnus par le Tribunal comme experts dans le domaine de la gestion d’actifs[386]. Leur rapport a été déposé pour tenir lieu de témoignage selon l’article 293 C.p.c.

 

[350]     Les experts Gaudreault et Brière appuient et cautionnent le bien-fondé des formules utilisées dans les dossiers d’affaires de 1:4/10 en matière d’entretien et de 1:4/15 en matière de maintien des actifs. À leurs avis, ces ratios sont conformes aux bonnes pratiques en matière de gestion d’actifs. Ils considèrent que l’utilisation de ces ratios dans les dossiers d’affaires est « prudente et fondée dans la réalité »[387] et font partie d’une stratégie d’entretien prudente et même conservatrice[388].

 

[351]     Messiers Gaudreault et Brière sont d’avis que, dans les faits, le plan gouvernemental de 2007 de résorber le déficit dans l’infrastructure publique n’a pas donné lieu aux résultats souhaités. Ils s’expriment ainsi[389] :

 

« Le Plan québécois des infrastructures (PQI) de 2007-2012 évaluait le déficit en maintien d’actifs à 27G$. En comparaison, le Plan québécois des infrastructures 2019-2029 mesure le déficit en maintien d’actifs à 24,6G$. Donc, en 13 ans, soit depuis 2006, le gouvernement n’a effacé que 28 % du déficit en maintien d’actifs en tenant compte d’un facteur d’inflation annuel de 2 % (27G$ = 34,2G$ en dollars de 2019).

 

[…] Ajoutons à cet égard, tel que mentionné ci-dessus, qu’entre 2012 et 2018, seulement 62 % des sommes planifiées dans le PQI 2012-2019 ont été dans les faits dépensées. […]

 

Les chiffres disponibles aujourd’hui démontrent donc clairement que cette hypothèse de sous-investissement s’est réalisée depuis 2006. »

 

[352]     Lorsque cette question a été soulevée devant la Commission parlementaire, M. Bergeron, président-directeur général d’IQ (soit l’organisme vers lequel les responsabilités de l’APPPQ ont été transférées) s’est engagé à entreprendre des démarches pour vérifier le bien-fondé de l’indice de vétusté utilisé et valider un indice qui ferait consensus en faisant appel à des collaborateurs externes. Au moment de cette déclaration (10 septembre 2010), les démarches devaient avoir déjà été entreprises à ce sujet. En effet, le CHUM dépose le rapport préparé par le Groupe Altus Ltée, signé par Jean Richard, en date du 31 août 2010[390].

 

[353]     Le rapport du Groupe Altus n’est pas sans ambiguïté. Aussi, il comprend des réserves importantes[391]. Il est néanmoins fouillé et bien documenté. En ce qui a trait aux coûts d’entretien et au ratio de 1:4 sur 10 ans pour les conséquences du sous-financement, on peut y lire :

 

« Coûts d’entretien correctif : Le standard répandu dans l’industrie pour les coûts d’entretien correctif consiste en un ratio de 1 pour 4.[392]

 

Par ailleurs, analysons sommairement les effets du sous-financement de l’entretien préventif et correctif sur les coûts annuels d’entretien, sachant que les effets sont de 4 $ pour chaque dollar sous-investi par tranche de 10 ans[393]. »

 

[354]     En ce qui a trait aux autres coûts relevant du maintien de l’actif et au ratio de 1:4 sur 15 ans pour les conséquences du sous-financement, on peut y lire[394] :

 

« Concept de 1 $ sous-investi coûte 4 $ dans 15 ans

 

Le principe de base avancé veut qu’un dollar sous-financé en maintien d’actifs (report des investissements en maintien d’actifs) aura pour effet d’augmenter les coûts d’entretien correctifs, d’énergie et d’interruption des affaires de 4 $ sur une période de 15 ans, soit une croissance annuelle composée de 9,68 %. Par conséquent, chaque dollar sous-investi aura des effets sur les années jusqu’à la fin de la durée de l’entente. Les études de Geaslin avancent que les effets seuls du report de maintien d’actifs sur les interruptions de services ont un impact de 1 sur 40 sur la durée de vie de l’actif, ou encore 7,65 % composé annuellement, soit 0,76 $ par dollar reporté.

 

L’utilisation du concept de 1 $ pour 4 $ est très répandue. Nos recherches ne nous ont pas permis de retrouver la preuve scientifique ou statistique de ce concept. Cependant, nos nombreuses pratiques confirment le bien-fondé de ce concept d’ailleurs repris dans le rapport 1999-2000 du VGQ. Ces normes sont celles utilisées dans des projets avec nos clients Infrastructures Ontario et le ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse. Ce ratio a donc été utilisé dans notre modèle de calcul des impacts du sous-financement.

 

[…]

 

Cependant, depuis quelques années, des données sont compilées et analysées dans ce domaine et la tendance semble confirmer ce ratio. »[395]

 

[355]     À la suite de la Commission parlementaire, le rapport du Groupe Altus a été remis au Comité de revue diligente chargé d’examiner le bien-fondé des données utilisées, des méthodes et des conclusions du Dossier d’affaires intermédiaire pour le CHUM-Hôpital. De même, une analyse financière en date du 13 octobre 2010[396] des spécialistes P3 Experts conseils, utilisant ces mêmes ratios, a également été fournie au Comité.

 

[356]     Ce point avait une importance certaine dans les travaux du Comité étant donné que cette question avait fait l’objet de critiques spécifiques en Commission parlementaire.

 

[357]     Le Comité a souligné l’importance financière de ces ratios, car leur application au Dossier d’affaires intermédiaire entraînait un déficit de 482 M$ en valeur ajoutée pour le mode conventionnel (CSP). Le Comité a conclu[397] :

 

« Analyse des coûts de maintien et d’entretien

 

Observations relatives au maintien et à l’entretien :

 

CSP et PR : coût basé sur rapport de spécialistes (P3 Experts Conseils inc.) [D-113];

 

CSP : insuffisance du financement dérivant du montant alloué par le MSSS, basé sur la méthodologie du CUSM et du CHUQ, et supporté par le rapport d’Altus [D-111];

 

Entraîne un déficit considérable : 482 M$ en VA pour le CSP, dont 318 M$ pour l’entretien et 164 M$ pour le maintien;

 

Montant représentant 60 % du risque total;

 

La méthodologie nous apparaît raisonnable, car basée sur une expertise reconnue. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[358]     Dans son témoignage, le Professeur Foucault a déclaré que l’emploi de ces ratios constitue, à son avis, une « erreur », mais pas une « faute »[398]. À notre avis, la question des ratios applicables pour l’entretien et le maintien d’actifs soulève des divergences d’opinions entre professionnels. Il n’y a pas de réponse exacte et uniforme[399]. Compte tenu du caractère relativement nouveau du domaine scientifique du calcul de la dépréciation future en fonction de l’intensité des interventions d’entretien, il est normal que les avis professionnels, même des spécialistes, divergent.

 

[359]     De plus, il y a lieu de souligner que M. Foucault est un spécialiste dans le domaine de l’entretien et non des PPP. Aucune violation des règles de l’art en matière de PPP n’est établie en utilisant ces ratios.

 

[360]     Selon la prépondérance de la preuve, BPYA et BPTH n’ont pas établi une faute dans la méthodologie employée dans le DAI recommandant de procéder en mode PPP concernant l’indice de vétusté utilisé ou le calcul de risque de sous-financement en entretien et en maintien d’actifs. Ainsi, même si le Tribunal devait conclure que le CHUM était redevable envers BPYA et BPTH d’une obligation contractuelle quant à la méthodologie et au bien-fondé de la détermination et de la décision de procéder en mode PPP, BPYA et BPTH n’ont établi ni faute, ni absence de fondement rationnel, ni mauvaise foi, ni conduite arbitraire de la part du CHUM.

 

D) Taux d’actualisation utilisé

 

[361]     BPYA et BPTH soutiennent que l’utilisation d’un taux d’actualisation exagéré et trop élevé dans les dossiers d’affaires a faussé les résultats du DAI et a indûment favorisé la modélisation financière du mode PPP au désavantage de celle du mode conventionnel. Ils soumettent que n’eut été ce taux exagéré, l’analyse aurait conclu en faveur du modèle conventionnel. Ils plaident que l’utilisation de ce taux exagéré a constitué une faute du CHUM.

 

[362]     Cette question a fait l’objet de témoignages de plusieurs experts devant le Tribunal. Pierre Hamel, professeur, sociologue et économiste, ainsi que Jean-Pascal Foucault, ingénieur, M. Sc. A., Professeur-chercheur, ont soutenu la thèse de BPYA et de BPTH. Michel Poitevin, Professeur, Ph. D., économiste, a défendu la thèse contraire, soutenue par le CHUM.

 

[363]     Il est reconnu, de part et d’autre, qu’un taux d’actualisation plus élevé favorise la modélisation financière du mode PPP. En revanche, un taux d’actualisation moins élevé rend plus attrayante la modélisation financière du mode conventionnel.

 

[364]     Selon le Professeur Hamel[400] :

 

« Plus le taux d’actualisation est élevé, plus une somme déboursée dans 39 ans semble légère et plus il paraît coûteux de payer une forte somme en début de période; inversement, plus ce taux est bas, plus l’avenir prend du poids. La façon traditionnelle de construire (le mode conventionnel) implique généralement que le public doive payer une forte somme au tout début du projet. De façon tout à fait différente, le PPP échelonne les paiements tout au long de la période. En choisissant d’adopter un taux d’actualisation élevé, comme le suggèrent les promoteurs de la formule PPP, on aboutit à des calculs qui alourdissent automatiquement le poids de l’investissement initial tout en minimisant subrepticement, mais systématiquement les paiements éloignés dans le temps. Autrement dit, comme cela se fait généralement pour les investissements privés, la structure d’évaluation des coûts d’un PPP tient compte essentiellement de ce qui se passera à très court terme, « ici et maintenant », en laissant dans l’ombre ce qui adviendra après-demain. »

 

[365]     Le Professeur Poitevin écrit[401] :

 

« […] Comme la plus-value du CHUM en mode PPP augmente avec le taux d’actualisation, on peut conclure que les résultats du DAI quant à la plus-value du CHUM en mode PPP sont tout à fait conformes avec ce que la théorie économique nous prescrit […] »

 

[366]     Lorsque le DAI était en préparation, il fallait déterminer le taux d’actualisation à utiliser par RCGT. M. Lortie a témoigné quant aux événements aboutissant au choix effectué.

 

[367]     Selon M. Lortie, le taux d’actualisation vise à amener en dollars d’aujourd’hui l’ensemble des flux monétaires en tenant compte du principe que la valeur du dollar s’amenuise avec le temps. Lorsque M. Lortie a été mandaté par l’APPPQ, il a constaté que le taux d’actualisation employé était de 6,5 %[402]. Il avait attiré l’attention de la présidente du Conseil du trésor sur le fait que l’APPPQ utilisait un taux d’actualisation pour les projets de routes en PPP qui venait du ministère des Transports basé sur le taux d’intérêt moyen des emprunts du Gouvernement au cours des 40 dernières années[403]. Selon M. Lortie, c’était une approche non souhaitable, controversée et qui portait à confusion.


 

[368]     Le Conseil du trésor a alors décidé, en juin 2006, de confier à un organisme indépendant, soit le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), le mandat de faire une recommandation au Gouvernement quant au taux d’actualisation approprié pour les projets d’investissements publics au Québec, dont le CHUM.

 

[369]     En 2006[404], le CIRANO a déposé au Conseil du trésor son rapport qui recommandait l’utilisation d’un taux nominal d’actualisation de 8 %[405] et un taux réel de 6 %. Selon M. Lortie, par la suite, l’APPPQ a reçu instruction du Gouvernement d’utiliser ces taux puis a transmis ces directives à RCGT qui les a suivies[406].

 

[370]     Cependant, avant que la décision finale du Gouvernement de choisir le mode PPP pour la réalisation du CHUM n’ait été prise, des calculs supplémentaires concernant d’autres taux d’actualisation ont été effectués et transmis au Gouvernement. En effet, selon la preuve, les chiffres du DAI ont été recalculés suivant des taux d’actualisation de 6,5 % et de 7,5 %. Selon ces analyses supplémentaires en vertu de ces taux d’actualisation, le mode de réalisation PPP continuait d’apporter une valeur ajoutée, quoique moindre que pour le taux de 8 %, pour les fonds publics investis comparé au mode conventionnel. Les chiffres fournis au Gouvernement par rapport au projet du Nouveau CHUM sont les suivants[407] :

 

Analyse de sensibilité de la plus-value du mode PPP

(Valeur actualisée à septembre 2006)

 

Taux d’actualisation nominal

CHUM (M$)

(Plus-value)

6,5 %

248,8

7,5 %

303,4

8,0 %

323,1

 

[371]     Les experts devant nous ont présenté des avis différents par rapport au taux d’actualisation approprié. Selon M. Hamel, un taux d’actualisation nominal acceptable aurait été de 5,5 % (3,5 % de taux réel, plus une inflation anticipée de 2 %)[408]. M. Foucault fait référence à plusieurs chiffres. Il est d’avis qu’un taux d’actualisation nominal de 6 % aurait été acceptable[409].

 

[372]     Selon l’analyse de M. Poitevin, sous réserve des commentaires qui suivront, un taux d’actualisation nominal acceptable au Québec en 2006 aurait été de 7,3 % (5,3 % de taux réel, plus 2 % d’inflation)[410].

 

[373]     Les trois experts se réfèrent notamment à un discours de l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney[411]. En 2010, il avait proposé un taux d’actualisation réel de 5 % pour le Canada. Or, selon M. Poitevin, il faut tenir compte de l’écart établi entre les taux canadien et québécois de 0,6 % et d’une inflation anticipée de 2 %. M. Poitevin conclut[412] :

 

« […] la recommandation de M. Carney transposée pour le Québec serait de 7,60 % = 5 % + 0,60 % + 2 %. Cette recommandation de 7,60 % est supérieure au taux de 6,5 % utilisé dans le DAI de 2010, et très proche du 8 % utilisé dans le DAI de 2006, … »

 

[374]     Pour M. Poitevin, il faut considérer un autre élément dans l’analyse. Puisque le projet du Nouveau CHUM est entièrement financé à même les impôts, il est d’avis qu’il y a des pertes de productivité et des pertes fiscales qui en résultent[413]. À son avis, pour ces raisons, pour un projet de type du Nouveau CHUM, il est nécessaire de majorer davantage le taux d’actualisation réel. Il est d’avis qu’il serait approprié d’ajouter 1,83 %, ce qui augmente le taux d’actualisation nominal à 9,13 %.

 

[375]     Le fondement de la critique du VGQ était que le taux d’actualisation utilisé pour le CHUM (8 %) était différent de celui utilisé (6,5 %)[414] pour d’autres projets en PPP[415] au Québec, soit le Pont Serge-Marcil, une partie nouvelle de l’Autoroute 30 et la Maison symphonique de Montréal[416]. Lors de la Commission parlementaire de septembre 2010, IQ s’est engagé à employer dans ses analyses, dossiers et publications les deux taux d’actualisation, soit 6,5 % et 8 %, ce qui a été fait, tel qu’il appert des Tableaux I, II et III des dossiers d’affaires auxquels il a été fait référence précédemment[417].

 

[376]     Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est d’avis que BPYA et BPTH n’ont pas établi que le CHUM a commis une faute en appuyant le choix du mode de réalisation PPP fondé sur un taux d’actualisation de 8 %, et ce, pour les raisons suivantes.

 

[377]     En premier lieu, le taux d’actualisation de 8 % employé a été fourni par un organisme de recherche indépendant (CIRANO) et a reçu l’aval du Conseil du trésor du Gouvernement. L’étude de CIRANO est fouillée et aucune preuve d’erreur de calcul ou de données de cette étude n’a été fournie au Tribunal. Les avis différents se fondent plutôt sur des interprétations professionnelles des mêmes données disponibles sur la question.

 

[378]     En deuxième lieu, selon la preuve, il est clair que des experts en économie et en finances publiques peuvent avoir des avis différents en ce qui a trait à la fixation des taux d’actualisation pour les investissements publics. Dans les sciences économiques, des experts, de bonne foi, attribuent des poids différents aux mêmes facteurs et aux mêmes risques. Leurs conclusions sont donc différentes. La nature aléatoire de ces conclusions est encore plus prononcée lorsqu’il s’agit de porter des jugements professionnels à caractère prospectif, soit sur des événements et des développements futurs, et ce, à long terme. Certains économistes favorisent une approche conservatrice, d’autres moins. Selon la preuve, il n’y a pas eu d’erreur, suivant les règles de l’art en la matière, à employer dans les dossiers d’affaires un taux d’actualisation de 8 % ou de 6,5 %, les deux taux pouvant être défendus de manière scientifique dans le domaine économique.

 

[379]     En troisième lieu, le dossier d’affaires initial en 2006 a été évalué, dans les faits, suivant à la fois des taux de 6,5 % et de 8 %. Suivant ces deux taux, les conclusions favorisaient le mode PPP (taux de 8 % : épargne de 323,1 M$; taux de 6,5 % : épargne de 248,8 M$). Suivant les dossiers d’affaires intermédiaires du CHUM-Hôpital, certains ont employé des taux de 6,5 % et de 8 %. Les conclusions en vertu de ces deux taux militaient également en faveur du choix du mode PPP (taux de 8 % : épargne de 324,7 M$; taux de 6,5 % : épargne de 376,4 M$). C’est uniquement dans le Dossier d’affaires final[418] pour le CRCHUM qu’il y a une différence de résultat suivant l’emploi des deux taux. Pour le taux de 8 %, il y a une épargne résultant de l’utilisation du mode PPP au montant de 7,2 M$. Pour le taux de 6,5 %, le mode conventionnel est à privilégier, car il occasionne une épargne de 10,57 M$.

 

[380]     Or, les conventions de services se réfèrent à un dossier d’affaires afin de déterminer le mode de réalisation du Nouveau CHUM dans son intégralité. À l’origine, au moment de l’émission des documents d’appel, il n’y avait pas de plan pour diviser le Nouveau CHUM en deux projets (soit le CRCHUM et le CHUM-Hôpital). Ainsi, même en utilisant le taux de 6,5 %, le résultat net (CRCHUM : -10,57 M$ et le CHUM-Hôpital : 376,4 M$) présente une épargne ou une valeur ajoutée en faveur du mode PPP au montant de 365,83 M$.

 

[381]     En conclusion, il n’est pas nécessaire pour le Tribunal de décider si le CHUM est redevable envers BPYA et BPTH d’une obligation de s’assurer du bien-fondé de la méthodologie suivie et de la sélection du mode de réalisation par le biais du dossier d’affaires. Si une telle obligation existait, BPYA et BPTH n’ont pas établi l’existence d’une faute à ce sujet de la part du CHUM et encore moins que la détermination et la décision de procéder en mode PPP résultent de la mauvaise foi, d’un motif arbitraire ou d’un fondement irrationnel. Ainsi, ces moyens de BPYA et de BPTH sont rejetés.

 

4) Quelle est l’ampleur des réductions des mandats de BPYA et de BPTH effectuées par le CHUM?

 

A) L’appréciation de la preuve et débat d’experts

 

[382]     Le CHUM a retiré unilatéralement à BPYA et à BPTH principalement trois mandats qui leur avaient été confiés aux termes des conventions de services, à savoir ceux ayant trait à l’élaboration de la conception générale du projet, à la préparation des plans et devis préliminaires et au contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux pour toutes les phases du projet. Pour deux raisons qui feront l’objet d’analyses ultérieures, il faut déterminer l’ampleur, dans les faits, de ces réductions.

 

[383]     En premier lieu, l’ampleur des réductions est un élément à considérer dans la détermination de la question de l’inexécution ou non par le CHUM des conventions de services. En particulier, le CHUM plaide que la clause de modification des conventions de services lui accorde un droit de modifier les conventions de services, y compris de retirer à BPYA et à BPTH quelque mandat que ce soit aux conventions de services. BPYA et BPTH plaident que ce droit n’est pas absolu, et ce, pour plusieurs motifs, notamment tant en vertu du droit contractuel général qu’en raison de la qualification juridique des conventions de services à titre de contrats d’adhésion. En ce qui a trait à ce dernier motif, l’article 1437 C.c.Q. s’applique et celui-ci prévoit :

 

1437. La clause abusive d’un contrat de consommation ou d’adhésion est nulle ou l’obligation qui en découle, réductible.

 

Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l’adhérent d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre de ce qu’exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu’elle dénature celui-ci.

 

[384]     Selon BPYA et BPTH, en vertu du droit contractuel général, notamment l’obligation de bonne foi et, en particulier, en vertu de l’article 1437 C.c.Q., le CHUM ne pouvait pas se prévaloir de manière excessive et déraisonnable de la clause de modification. Ils plaident que l’application fautive de la clause de modification était abusive. En vertu de l’article 1437 C.c.Q., le Tribunal peut déclarer nulle une clause utilisée de manière déraisonnable et abusive ou encore réduire son effet. Nous y reviendrons.

 

[385]     En deuxième lieu, si le Tribunal vient à la conclusion qu’il y a eu application déraisonnable et abusive de la clause de modification, ou pour un autre motif, le CHUM ne pouvait pas se servir de la clause de modification comme il l’a fait, les retraits de mandats alors sans droit constituent des inexécutions des conventions de services de la part du CHUM. Dans ces circonstances, l’ampleur des réductions effectuées sans droit est un élément déterminant dans l’évaluation des dommages subis et pouvant être réclamés par BPYA et BPTH.

 

[386]     Devant le Tribunal, la question de l’ampleur des réductions effectuées par le CHUM a fait l’objet d’un débat d’experts. En effet, au-delà de la description technique des mandats retirés, il est nécessaire de traduire, convertir et appliquer ces descriptions techniques à la réalité d’un projet de construction de plusieurs milliards de dollars dont la réalisation s’est échelonnée, et continue de progresser, sur une période de 15 ans (2007 à 2022).

 

[387]     Michel Languedoc, architecte, a été mandaté par BPYA pour calculer et présenter l’ampleur des réductions des mandats subies par celui-ci. Architecte depuis 40 ans, impliqué dans des projets de grande envergure et expert en évaluation de coûts et en évaluation des coûts des honoraires d’architectes[419], il a notamment collaboré au cours des ans à la révision du Tarif d’honoraires pour services professionnels fournis au gouvernement par des architectes pour les contrats publics conclus avec le Gouvernement du Québec[420].

 

[388]     Réjean Berthiaume, ingénieur, a été mandaté par BPTH pour calculer et présenter l’ampleur des réductions des mandats subies par celui-ci. Ingénieur mécanique et électrique depuis 40 ans, il a également été impliqué dans des projets de grande envergure[421]. M. Berthiaume a une grande expérience dans l’évaluation des coûts des honoraires de génie mécanique et électrique. Il a également été impliqué dans la révision du Tarif d’honoraires pour services professionnels fournis au gouvernement par des ingénieurs pour les contrats publics avec le Gouvernement du Québec[422]. Il a notamment collaboré à un nombre important de projets dans le secteur de la santé[423].

 

[389]     Jean-Claude Champagne, architecte et ingénieur, a été mandaté par le CHUM pour calculer et présenter l’ampleur des réductions des mandats de BPYA et de BPTH. Architecte et ingénieur depuis 40 ans, il a été impliqué dans la gestion de projets et l’évaluation de coûts[424]. M. Champagne est ingénieur civil et non ingénieur en génie mécanique et électrique. Il a une expérience limitée dans les projets du secteur de la santé. Il n’a jamais été l’ingénieur ou l’architecte responsable pour la construction d’un hôpital.

 

[390]     Pour M. Languedoc et M. Berthiaume, il n’y a qu’une approche, rigoureuse et scientifique, pour déterminer et quantifier les heures réduites de BPYA et de BPTH qui résultent des réductions des mandats décidées par le CHUM. Il faut d’abord déterminer le coût du projet de construction. Il faut ensuite déterminer un pourcentage de rémunération qui est suivi dans l’industrie et dans la pratique habituelle pour des projets semblables, tenant notamment compte du niveau technique du projet impliqué. Il est reconnu qu’un hôpital universitaire et un centre de recherche présentent le niveau le plus élevé de complexité en conception et en construction de bâtiment.

 

[391]     Concernant les pourcentages applicables, les tarifs gouvernementaux indiquent les fourchettes uniquement jusqu’à concurrence de montants de 30 millions $ (architectes) et de 24 millions $ (ingénieurs), d’où l’importance de se conformer aux pratiques généralement suivies dans l’industrie. Puisque les appels de candidatures dans ce dossier annoncent un mode de rémunération à taux horaire prévu par les décrets applicables, il y a lieu de tenir compte du taux horaire gouvernemental prescrit pour déterminer notamment les heures requises pour effectuer les services demandés.

 

[392]     Cette méthodologie proposée est documentée avec grande minutie dans les rapports de M. Languedoc et de M. Berthiaume, incluant les annexes de ces rapports.

 

[393]     M. Champagne a plutôt privilégié une approche basée sur les modèles de gestion de projets. Il s’est basé sur les données fournies par le gestionnaire du projet quant à la classification du travail réalisé. Pour M. Champagne, il faut comparer la description technique des tâches prévues dans les conventions de services initiales à la description des tâches dans les conventions de services amendées.

 

[394]     Devant ces approches contradictoires donnant des résultats forts différents, le Tribunal a demandé aux experts de préparer des documents additionnels permettant de faire une comparaison utilisant les mêmes éléments de calculs. Le Tribunal a également demandé aux experts de se rencontrer pour échanger quant aux points qui les divisent.

 

[395]     M. Languedoc a préparé quatre (4) documents d’analyse supplémentaires, à savoir :

 

1) Comparaison des heures réelles par rapport aux heures évaluées par M. Languedoc (7 novembre 2019)[425];

 

2) Commentaires sur notes additionnelles de J.-C. Champagne (8 décembre 2019)[426];

 

3) Réponse aux questions prévues lors d’une rencontre d’experts (23 décembre 2019)[427]; et

 

4) Réponses aux questions du Tribunal (9 juin 2020)[428].


 

[396]     M. Berthiaume a préparé quatre (4) documents d’analyse supplémentaires, à savoir :

 

1) Comparaison des heures réelles par rapport aux heures évaluées par R. Berthiaume (11 novembre 2019)[429];

 

2) Commentaires sur note additionnelle de J.-C. Champagne (9 décembre 2019)[430];

 

3) Réponse aux questions prévues lors d’une rencontre d’experts (23 décembre 2019)[431]; et

 

4) Réponses aux questions du Tribunal (9 juin 2020)[432].

 

[397]     M.  Champagne a préparé cinq (5) documents d’analyses supplémentaires, à savoir :

 

1) Notes additionnelles du 26 novembre 2019[433];

 

2) Précisions sur la note rédigée (12 décembre 2019)[434];

 

3) Répartition de la rémunération selon la classification des services professionnels (13 décembre 2019)[435];

 

4) Points sur les sujets de conférence des experts du 11 décembre 2019 (13 décembre 2019)[436]; et

 

5) Précisions demandées par le Tribunal (9 juin 2020)[437].

 

[398]     Ces évaluations comparatives ont permis de relever les limites et, avec égards, les faiblesses et erreurs de l’approche proposée par M. Champagne. En ce qui a trait à ses rapports d’expertise concernant BPYA et BPTH, M. Champagne n’avait pas cru nécessaire de déterminer le coût des travaux de construction. Cela est assez surprenant puisqu’il s’agit d’un élément fondamental dans les secteurs d’architecture et d’ingénierie pour déterminer les honoraires à facturer pour un projet donné. Le tableau d’appréciation des heures « Architecture » du CHUM dans les appels de candidatures avait effectivement fourni des chiffres de coûts de construction anticipés et demandait aux soumissionnaires de soumettre leurs compréhensions et évaluations respectives des heures requises pour compléter les mandats prévus dans les documents d’appel.

 

[399]     Dans son témoignage, M. Champagne a admis que la méthode d’évaluation basée sur le pourcentage du coût des travaux était couramment employée et qu’il était en mesure de soumettre son évaluation à titre comparatif basée sur cette méthodologie. Il a ainsi offert un chiffre « hypothétique » du coût de construction pour le projet du Nouveau CHUM (CHUM-Hôpital et CRCHUM).

 

[400]     Selon l’évaluation de M. Champagne, le coût de construction total du Nouveau CHUM avant taxes serait de 1 812 723 549 $ (CRCHUM : 341 009 287 $; CHUM-Hôpital : 1 471 714 262 $)[438]. Après taxes, le coût serait de 2 084 178 900 $ (CRCHUM : 392 075 427 $; CHUM-Hôpital : 1 692 103 473 $)[439].

 

[401]     Avec égards, M. Champagne se base sur une méthodologie opaque et approximative, et se réfère à des tiers non identifiés pour soutenir ses calculs[440]. M. Champagne critique également la qualité et l’exactitude des informations fournies par le CHUM[441], ce qui paraît contradictoire puisque M. Champagne a un accès privilégié aux informations détenues par le CHUM et par son équipe maître de gestion.

 

[402]     M. Languedoc a émis les critiques suivantes à l’égard de l’évaluation de M. Champagne[442] :

 

« Nous avions constaté que le coût de construction global énoncé par Champagne de 2 084 178 900 $ représente une réduction de 725 872 288,49 $ par rapport au coût de conception-construction actualisé de 2 810 051 188,49 $ transmis dans la Réponse du CHUM (Pièce P-45 de BPYA).

 

Lorsqu’il a fixé le coût de construction à 2 084 178 900 $, Champagne nous indique qu’il a appliqué certaines réductions. Nous avons à nouveau consulté les Pièces de la Réponse (Pièce P-45 de BPYA) pour en découvrir les montants :

 

·         Les frais de déménagement au montant de 1 074 971,00 $;

 

·         Les frais d’œuvre d’art au montant de 2 695 072,27 $;

 

·         Les honoraires de conception (design) au montant de 126 078 575 $;

 

·         Les installations d’équipements mécaniques. Champagne ne précise pas la valeur de l’installation des équipements qu’il a soustraite. De plus, nous soulignons qu’à l’article 21.1 du Décret 2402-84, les coûts de fourniture et d’installation des équipements intégrés au cadre bâti doivent être inclus au coût de construction. Champagne contrevient à cette disposition du Décret.

 

À l’exception des « installations d’équipements mécaniques », les items soustraits par Champagne totalisent 133 313 733,81 $, ce qui n’explique pas la réduction de plus de 725 872 288,49 $ entre son coût hypothétique et les coûts soumis dans la Réponse par le CHUM.

 

Lors de la rencontre du 11 décembre 2019, nous avons été surpris d’apprendre que Champagne a préféré s’en remettre à un collègue chez Décasult qui lui a suggéré un coût de construction historique moyen au mérite carré, qu’il a multiplié par la superficie 345 000m2 du projet. Nous ne pouvons souscrire à cette approche pour les raisons suivantes :

 

1.    Cette approche ne tient pas compte des affirmations et des données réelles fournies par le CHUM;

 

2.    Les coûts historiques moyens ne tiennent pas compte du caractère complexe et de l’ampleur des travaux du projet CHUM. En effet, il s’agit d’un projet unique tant au niveau de sa complexité que de son envergure. Ainsi, le coût moyen historique ne peut servir comme référence afin d’établir le coût de construction du projet. »

 

[403]     Le Tribunal conclut au bien-fondé des critiques formulées par M. Languedoc à ce sujet. Avec beaucoup d’égards, les chiffres proposés par M. Champagne sous-évaluent le coût de construction véritable du Nouveau CHUM.

 

[404]     Les chiffres proposés à ce sujet par M. Champagne sont également sous-évalués par rapport aux chiffres mentionnés par M. Gignac dans son témoignage. Ce dernier se réfère à un budget de 3,1 milliards $[443]. Dans son Curriculum vitae, M. Gignac se réfère à un montant de 3,630 milliards $ pour le Nouveau CHUM, ce chiffre comprenant les actifs du CHUM-Hôpital et du CRCHUM[444].

 

[405]     L’analyse de Michel Languedoc est beaucoup plus rigoureuse. Elle est basée notamment sur l’information fournie par le CHUM et par l’équipe maître de gestion du CHUM, et ce, à la suite des demandes, lors de la gestion préinstruction des dossiers, des avocats de BPYA et de BPTH pour des informations et de production de documents.

 

[406]     Ainsi, pour les fins de calculs pertinents, le Tribunal conclut que le coût total de construction du Nouveau CHUM (CRCHUM et CHUM-Hôpital) à tâche terminée, et toutes phases confondues, avant taxes sera 2 290 213 840,36 $ (CRCHUM : 401 097 393,08 $; CHUM-Hôpital : 1 889 116 447,28 $)[445]. Après taxes, ce coût sera 2 633 172 762,95 $ (CRCHUM : 461 161 727,69 $; CHUM-Hôpital : 2 172 011 035,26 $)[446].

 

[407]     De même, dans son expertise concernant la réclamation de BPTH, M. Champagne n’a pas déterminé le coût des travaux d’ingénierie mécanique et électrique. Or, selon la preuve prépondérante, c’est un élément de base pour déterminer des honoraires à facturer par des ingénieurs dans ce domaine pour un projet donné. De même, les chiffres des coûts totaux de construction anticipés ont été fournis par le CHUM dans le tableau d’appréciation des heures « Ingénierie » dans l’appel de candidatures pour permettre aux soumissionnaires de déterminer, selon les pratiques usuelles, le coût des travaux d’ingénierie mécanique et électrique et de soumettre, à titre indicatif, des heures proposées pour réaliser les travaux prévus. Or, suivant les documents reçus de M. Champagne après demande du Tribunal, le chiffre proposé par M. Champagne sous-évalue le coût de tels travaux.

 

[408]     M. Berthiaume formule les critiques suivantes par rapport aux chiffres proposés par M. Champagne :

 

« Les prémisses de calcul de l’expert Champagne ne sont pas connues à l’exception que les coûts de construction incluent les taxes[447].

 

L’article 21 du décret 1235-87 n’énumère pas d’exclusions comme semble le prétendre Champagne. Les exclusions sont présentées à l’article 22 du décret et elles incluent les éléments suivants :

 

®     Les honoraires ou déboursés des firmes mandatées pour le projet;

 

®     Le coût des autres ouvrages dont la préparation des plans et devis ainsi que la surveillance des travaux de construction ont été confiées à d’autres firmes ou au personnel du propriétaire;

 

®     Les frais d’acquisition d’immeubles;

 

®     Les frais de démolition d’immeubles. Sauf s’ils font partie du contrat de construction.

 

®     Le coût des sondages, essais, analyses, contrôle et surveillance des matériaux;

 

®     Les frais de déplacement des installations de services publics exécutés par leurs propriétaires respectifs;

 

®     Les frais résultant d’erreurs et d’omissions de la firme;

 

®     Les coûts des œuvres d’art[448].

 

En conclusion, les hypothèses de travail et les résultats présentés par l’expert Champagne demeurent discutables.

 

Évaluation des coûts de construction en mécanique et en électricité

 

§  Prémisses de calculs non présentées;

 

§  Inclusion ou exclusion des accessoires fixes (équipements spéciaux).

 

Établissement des heures et des honoraires en mode PPP selon la convention initiale

 

§  Résultats basés sur les heures réelles à tâche terminée (mandat réduit par les exigences de l’amendement 1 de septembre 2008 et à la suite des coupures additionnelles d’avril 2009) et l’ajout de la simulation d’heures pour compléter le préliminaire[449]. »

 

Le Tribunal est d’avis que ces critiques sont fondées.

 

[409]     Il y a lieu de mentionner que les connaissances et l’expertise technique de M. Berthiaume dans le domaine du génie mécanique et électrique sont supérieures à celles de M. Champagne. Tandis que M. Berthiaume est expert dans cette discipline et dans l’évaluation des coûts afférents, M. Champagne est ingénieur civil. M. Champagne a expliqué qu’il a consulté un autre collègue dans le domaine mécanique et électrique pour confectionner son rapport, mais celui-ci n’a pas comparu devant le Tribunal pour expliquer ou défendre sa méthodologie et les sources de ses données.

 

[410]     Il y a lieu de mentionner que les approches adoptées par les experts Languedoc et Berthiaume pour faire le calcul de l’ampleur des mandats et les heures professionnelles prévues pour les réaliser sont les mêmes que celles présentées par les représentants de BPYA (M. Roy et G. Maillé) et BPTH (P. Hébert), lors de leurs témoignages, pour compléter les tableaux d’appréciation des heures et pour soumettre les heures requises pour réaliser les services professionnels prévus aux documents d’appel.

 

[411]     De même, les chiffres clés en pourcentage présentés dans les analyses de M. Languedoc et M. Berthiaume sont les mêmes ou sont très similaires à ceux qui ressortent de l’analyse des tableaux d’appréciation complétés par BPYA et BPTH et acceptés par le CHUM du fait de l’acceptation des soumissions de ces derniers.

 

[412]     La moyenne de pourcentages pondérée suggérée par M. Languedoc pour faire le calcul des honoraires de BPYA (2,635 %) en mode PPP est même en dessous du pourcentage qui se dégage des chiffres pour les composantes à réaliser en mode PPP (3,4 %) en vertu du tableau d’appréciation des heures soumis par BPYA[450]. En outre, sa suggestion est conforme et en ligne avec la preuve des pourcentages pertinents négociés librement avec le Gouvernement et des firmes d’architectes pour des projets comparables[451].

 

[413]     En ce qui a trait à la méthodologie de M. Berthiaume, toute proportion gardée au tableau d’appréciation des heures soumis par BPTH (coût proposé de 848 M$ avant taxes, à l’époque), il arrive à peu près au même chiffre que celui proposé par BPTH[452]. Les ratios des valeurs en ingénierie mécanique et électrique en rapport aux coûts globaux de M. Berthiaume sont conformes à ceux utilisés par BPTH lors de la soumission en 2006. M. Berthiaume a expliqué les sources et la méthodologie de ses chiffres significatifs[453] :

 

« À partir des mêmes données incluses dans la réponse à l’interrogatoire écrit de septembre 2018, l’expert Berthiaume établit des ratios représentant fidèlement les types de construction en présence (hôpital et centre de recherche). Le ratio obtenu pour le CHUM est de 40 % (opinion Berthiaume, annexe 3). Basé sur nos projets passés, le pourcentage de M/E par rapport au coût total se situe entre 40 % et 45 %. De plus, la CHQ (Corporation d’hébergement du Québec) recommandait l’utilisation d’un pourcentage de 42 % pour une nouvelle construction d’un centre hospitalier.

 

Le ratio calculé pour le CRCHUM est de 52 % (opinion Berthiaume, annexe 3). Encore ici, l’expérience passée démontre que le pourcentage de M/E par rapport au coût total se situe entre 40 % et 50 %. Le ratio pour plusieurs centres de recherche de haut niveau dépasse légèrement 50 %.

 

[414]     Les chiffres employés par M. Berthiaume[454] sont ainsi tout à fait en ligne avec les chiffres qui se dégagent de l’analyse de la soumission de BPTH, soit 43,7 % pour le CHUM-Hôpital et 50 % pour le CRCHUM[455]. Tout ajustement est mineur et justifié par le fait que le Nouveau CHUM, tel que construit, est d’une complexité et d’une ampleur beaucoup plus élevées que le projet décrit et prévu en 2006.

 

[415]     Le pourcentage applicable retenu par M. Berthiaume pour faire ses calculs d’honoraires dus à BPTH suivant le mode de réalisation PPP est de 4,8 %[456].

 

[416]     Le pourcentage de rémunération proposé par M. Berthiaume suivant les coûts de construction du Nouveau CHUM est conforme aux pratiques usuelles suivies et négociées librement sur le marché dans le secteur public pour des projets comparables[457].

 

[417]     La méthodologie proposée par M. Champagne paraît, en comparaison, théorique, artificielle et fondée sur les principes de gestion et non sur la réalité de la réalisation d’un chantier de construction et les pratiques suivies en matière d’honoraires d’architectes et d’ingénieurs pour des projets semblables.

 

[418]     La méthodologie utilisée par M. Champagne paraît s’inspirer de la logique de « banque d’heures » mise de l’avant par le CHUM. Selon cette approche, la responsabilité du CHUM envers BPYA et BPTH se limite aux heures proposées dans leurs soumissions de 2006. Selon cette logique, chaque heure travaillée et payée, quelle que soit la source de ce travail, doit être déduite des réclamations de BPYA et de BPTH. En ce qui a trait aux maximums d’heures pouvant être réclamées par BPYA et BPTH, nous rejetons le bien-fondé de cette approche[458]. Nous y reviendrons[459].

 

[419]     L’approche incomplète et inadéquate de la méthodologie utilisée par M. Champagne s’est notamment révélée lorsque le Tribunal a demandé aux experts de présenter les pourcentages de mandats retirés par le CHUM en rapport à la description et aux items de mandats des quatre phases du projet mentionnées dans les tableaux d’appréciation des heures fournis lors de l’appel de candidatures. M. Champagne n’a pas été en mesure de fournir une réponse documentée ou convaincante par rapport aux pourcentages des éléments de mandats concernant le retrait unilatéral du mandat pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux, et ce, tel que prévu dans les conventions de services, aux quatre phases du projet de construction[460].

 

[420]     La méthodologie de M. Champagne est erronée lorsqu’il mentionne que la formule de rémunération par taux horaire dans les conventions de services permet au CHUM de retirer à sa guise et de choisir le travail à confier à BPYA et à BPTH, et ce, sans égard aux mandats accordés[461]. Ce n’est pas parce qu’un travail est payé suivant une formule horaire de rémunération que la plénitude et l’intégralité du mandat ne sont pas à respecter et à réaliser. Ce sont deux choses différentes, soit le mandat convenu à réaliser et la formule de rémunération à payer pour la réalisation du mandat.

 

[421]     Enfin, certains éléments de l’analyse de M. Champagne ne suivaient pas sa propre logique concernant la question des heures supplémentaires[462]. Questionné à ce sujet par le Tribunal, M. Champagne n’était pas en mesure de répondre. L’avocat du CHUM est alors intervenu pour dire qu’il avait instruit M. Champagne de disposer de ces données simplement suivant les prétentions juridiques du CHUM[463]. Cette manière d’agir soulève un doute par rapport à l’indépendance de M. Champagne, qui doit agir avec impartialité et rigueur. Cette mission prime sur les intérêts des parties, incluant ceux de la partie qui l’a mandaté[464].

 

[422]     Pour toutes ces raisons, le Tribunal conclut que les expertises de M. Languedoc et de M. Berthiaume présentent la preuve la plus exacte, complète, fidèle et rigoureuse de l’application et de l’ampleur des mandats conférés par les conventions de services initiales de BPYA et de BPTH par rapport au Nouveau CHUM. De même, les expertises, incluant des documents d’analyse complémentaires de M. Languedoc et de M. Berthiaume, présentent la preuve la plus exacte, complète, fidèle et rigoureuse par rapport à la détermination de l’ampleur des réductions effectuées par le CHUM des mandats qui avaient été confiés à BPYA et à BPTH par les conventions de services initiales.

 

[423]     Nous avons déjà conclu que BPYA et BPTH n’ont pas établi que le CHUM avait commis une faute ou agi de manière fautive concernant le choix du mode de réalisation en PPP. Ainsi, il n’y a pas lieu de s’attarder aux analyses de l’étendue des mandats et de leur réduction concernant le mode conventionnel. Le Tribunal se limitera à déterminer les droits des parties suivant le mode de réalisation effectivement employé, soit le PPP. Après avoir déterminé l’ampleur réelle des mandats de BPYA et de BPTH, il y a lieu de déterminer l’ampleur des réductions effectuées par le CHUM de ces mandats.

 

B) L’ampleur de réduction du mandat de BPYA

 

[424]     Selon l’analyse de l’expert Languedoc, suivant la description des tâches mentionnées dans le tableau d’appréciation des heures « Architecture », en ce qui a trait à la réalisation du projet en mode PPP, le retrait effectué par le CHUM des mandats prévus a occasionné dans les faits une réduction de 70,97 % de la totalité du mandat prévu dans la convention de services initiale de BPYA. Le chiffre est en réalité légèrement plus élevé. Selon M. Languedoc, certaines heures facturées (« heures supplémentaires ») par BPYA relèvent des nouveaux mandats non compris dans les conventions de services initiales. En conséquence, il soumet que l’ampleur de réduction effectuée de mandats de BPYA est plutôt de 80,28 %[465]. Nous verrons que le Tribunal n’acceptera pas ce moyen supplémentaire de manière uniforme, mais en tiendra compte en partie[466]. Ainsi, le Tribunal s’en tiendra au chiffre de 70,97 %. Voici le tableau pertinent à l’appui de ce chiffre préparé par M. Languedoc[467] :

 

 

Analyse des quanta d’heures de la prestation architecturale

 

Mode PPP

 

(Heures prévues / évaluées vs heures réelles)

Phases du projet

(en référence au tableau « Appréciation des heures, Pièce P-3 BPYA, page 125 »)

Quanta d’heures (Tableau 3.3) Appréciation des heures par BPYA Valeur estimée du coût total des travaux hors taxes de 848 000 000 $

Quanta d’heures Mode PPP (convention initiale)

Coût de construction de 2 633 172 763 $ taxes incluses

Quanta d’heures Selon SLDG

(à tâches terminées)

% de travail ajouté ou enlevé

 

CRCHUM et CHUM - Phases I et II

 

1. Démarrage du projet

8 000

72 426

76 040

4,99 %

1.1 Évaluation des données

1 500

14 653

3 504

-76,09 %

1.2 Définition des paramètres du projet

2 375

22 820

5 469

-76,03 %

1.3 Programme fonctionnel et technique

4 125

34 954

67 067

91,87 %

2. Planification du projet

161 150

453 520

20 438

-95,49 %

2.1    Concept pour la production des plans, schémas requis pour la présentation des concepts

146 625

408 168

17 281

-95,77 %

   2.1 Concept

73 313

204 084

17 281

-91,53 %

   2.1 Plans et devis préliminaires

73 313

204 084

-

-100,00 %

2.2 Plans de gestion et de suivi

14 525

45 352

3 157

-93,04 %

3. Réalisation du projet

163 875

254 158

141 873

-44,18 %

3.1 Production : documents d’appel propositions

Plans et devis définitifs (Devis de performance)

95 100

117 518

28 966

-75,35 %

3.2 Respect et suivi de la conformité

68 775

136 640

112 907

-17,37 %

4. Clôture du projet

12 300

80 984

11 620

-85,65 %

Total CRCHUM et CHUM

345 325

861 088

249 971

-70,97 %

 

[425]     Compte tenu de la preuve, nous sommes d’avis que cette analyse et ces conclusions sont exactes. Il y a lieu de noter que l’ampleur de la réduction du mandat n’équivaut pas nécessairement à des dommages admissibles en droit. C’est plutôt un élément dont le Tribunal doit tenir compte dans la détermination d’une responsabilité ou non de la part du CHUM envers BPYA, et si oui, dans l’évaluation des dommages subis, le cas échéant.

 

C) L’ampleur de réduction du mandat de BPTH

 

[426]     Selon l’analyse de l’expert Berthiaume, suivant la description des tâches mentionnées dans le tableau d’appréciation des heures « Ingénierie », en ce qui a trait à la réalisation du projet en mode PPP, le retrait des mandats effectué par le CHUM a occasionné dans les faits une réduction de 66,4 % du mandat prévu dans la convention de services initiale de BPTH. Selon M. Berthiaume, certaines heures facturées (« heures supplémentaires ») relèvent également des mandats hors contrat par rapport à la convention de services initiale. Il est d’avis que pour ce motif, la réduction du mandat de BPTH devra se situer à 68,99 %[468]. Nous verrons que le Tribunal conclura que ce moyen n’est pas fondé[469]. Ainsi, le Tribunal s’en tiendra au chiffre de 66,4 %. Voici le tableau préparé par M. Berthiaume[470] :

 

 

Pourcentage du travail non réalisé en mode PPP

 

 

Coût total avant les taxes : 2 444 054 089 $ (CRCHUM : 427 770 369 $ et CHUM 2 016 283 719 $)

 

 

Heures prévues ou évaluées

Heures réelles

 

 

Heures selon Tableau 3.3

Heures selon un projet de 2,4G$

 

Phase du projet le Tableau Pièce P-3, p. 160

(Appréciation des heures par BPTH, formulaire de candidature, 22 juin 2006)

Extrait Tableau 3.3, Pièce P-3, p. 160 (Appréciation des heures par BPTH, formulaire de candidature, 22 juin 2006) Valeur estimée du coût total des travaux avant les taxes : 848 000 000 $

convention initiale Mode PPP

Réel à tâche terminée

Pourcentage de travail ajouté ou enlevé

1. Démarrage du projet

 

 

 

 

1.1 Évaluation des données

4 259

10 445

7 146

-31,58 %

1.2 Définition des paramètres du projet

7 453

20 890

28 133

34,67 %

1.3 Programme fonctionnel et technique

9 584

20 890

12 204

-41,58 %

Sous-total

21 296

52 225

47 483

-9,08 %

2. Planification du projet

 

 

 

 

2.1       Concept pour la production des plans, schémas requis pour la présentation des concepts

67 874

174 156

32 791

-81,17 %

     2.1 Concept

33 937

87 078

26 044

-70,09 %

     2.1 Plans et devis préliminaires

33 937

87 078

6 747

-92,25 %

2.2 Plans de gestion et de suivi

11 957

3 094

1 855

-40,05 %

Sous-total

79 831

177 250

34 646

-80,45 %

3. Réalisation du projet

 

 

 

 

3.1 Production : documents d’appel propositions

Plans et devis définitifs (Devis de performance)

62 194

127 175

25 443

-79,99 %

3.2 Respect et suivi de la conformité

54 878

238 325

88 331

-62,94 %

Sous-total

117 072

365 500

113 774

-68,87 %

4. Clôture du dossier

6 654

11 819

7 957

-32,68 %

Grand total

224 853

606 794

203 860

-66,40 %

 

[427]     Nous réitérons le commentaire fait à la section précédente : l’ampleur de la réduction du mandat n’équivaut pas nécessairement à des dommages admissibles en droit. C’est plutôt un élément dont le Tribunal doit tenir compte dans la détermination d’une responsabilité ou non de la part du CHUM envers BPTH, et si oui, dans l’évaluation des dommages subis, le cas échéant.

 

5) Y a-t-il eu inexécution de la part du CHUM des conventions de services initiales à l’endroit de BPYA ou de BPTH?

 

A) Résiliation partielle

 

[428]     Le CHUM plaide que, en vertu du droit commun, soit l’article 2125 C.c.Q., il avait le droit de résilier en partie les conventions de services initiales, ce qu’il prétend avoir fait en retirant les mandats conférés correspondant à la majorité des services à rendre et en imposant les conventions de services amendées. Les articles 2125 et 2129 C.c.Q. sont rédigés ainsi :

 

2125. Le client peut, unilatéralement, résilier le contrat, quoique la réalisation de l’ouvrage ou la prestation du service ait déjà été entreprise.

 

2129. Le client est tenu, lors de la résiliation du contrat, de payer à l’entrepreneur ou au prestataire de services, en proportion du prix convenu, les frais et dépenses actuelles, la valeur des travaux exécutés avant la fin du contrat ou avant la notification de la résiliation, ainsi que, le cas échéant, la valeur des biens fournis, lorsque ceux-ci peuvent lui être remis et qu’il peut les utiliser.

L’entrepreneur ou le prestataire de services est tenu, pour sa part, de restituer les avances qu’il a reçues en excédent de ce qu’il a gagné.

 

Dans l’un et l’autre cas, chacune des parties est aussi tenue de tout autre préjudice que l’autre partie a pu subir.

 

[429]     Les conventions de services sont des contrats de service en vertu de l’article 2098 C.c.Q. Ainsi, les articles 2125 et 2129 C.c.Q. s’appliquent.

 

[430]     Avec égards, ce moyen nous paraît mal fondé.

 

[431]     En premier lieu, la jurisprudence souligne que le droit à la résiliation prévu à l’article 2125 C.c.Q. est un droit exceptionnel et exorbitant au droit contractuel général[471]. En effet, selon le droit contractuel général, aucune partie ne possède un droit unilatéral et sans motif de mettre fin à un contrat auquel elle s’est obligée. Plutôt, il faut établir une inexécution et un défaut de nature majeure par le cocontractant pour le faire[472]. Il est clair qu’il n’y a jamais eu de défaut de BPYA ou de BPTH et le CHUM ne prétend pas le contraire. Puisqu’il est un droit d’exception et exorbitant au droit commun, la jurisprudence[473] et la doctrine concluent que le droit à la résiliation en vertu de l’article 2125 C.c.Q. s’interprète de manière restrictive.

 

[432]     Le professeur J. Deslauriers dans l’ouvrage Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service s’exprime ainsi[474] :

 

« Vu le caractère exceptionnel de la résiliation unilatérale, les circonstances de leur application doivent s’interpréter restrictivement. »

 

[433]     N’étant pas de nature impérative, il est loisible aux parties de convenir autrement et de fixer entre elles dans leur contrat les règles applicables au droit à la résiliation et ainsi de mettre de côté le droit prévu à l’article 2125 C.c.Q. Les parties peuvent donc y renoncer et créer un régime conventionnel de résiliation, notamment quant aux motifs et aux modalités d’exercice[475].

 

[434]     Dans le présent dossier, les parties ont prévu un régime particulier réglementant le droit à la résiliation. En effet, les conventions de services prévoient et réglementent en détail les modalités d’exercice du droit du client, soit le CHUM, à la résiliation, de même que les conséquences juridiques découlant de l’exercice de ce droit. Les conventions de services prévoient notamment les modalités et les droits d’exercice de la résiliation aux articles suivants :

 

·        à l’article 1, alinéa 2 (l’exigence d’un avis écrit dans tous les cas);

 

·        à l’article 14.1 (résiliation pour motif par le CHUM);

 

·        à l’article 14.3 (résiliation sans motif par le CHUM); et

 

·        à l’article 20 (BPYA) et à l’article 21 (BPTH) (résiliation notamment au terme de la phase de Planification du projet)[476].

 

[435]     Enfin, selon la jurisprudence et la doctrine de très longue date, il est établi que le droit de résiliation prévu à l’article 2125 C.c.Q. ne donne pas droit à une résiliation partielle du contrat intervenu. À partir de l’exercice du droit de la résiliation, celle-ci doit être totale quant à la partie restante du contrat intervenu.

 

[436]     Dans Maisonneuve (Ville de) c. Banque provinciale du Canada, la Cour suprême, en vertu de l’article 1691 du Code civil du Bas-Canada (article dont la teneur est reprise et dont la portée est élargie à l’article 2125 C.c.Q.), s’est exprimée de manière unanime ainsi[477] :


 

(M. le Juge Armour) « But this article clearly did not apply to this case for there was no cancellation of the contract within the meaning of that article which plainly means an entire cancellation of the whole contract. It does not give the owner power to cancel the contract as to one part of the work contracted for and to maintain it as to another; he must either cancel it in toto or not at all. The power is given to cancel the contract, but no power is given to cancel a part of it.  »[478]

 

(M. le Juge Girouard) « Je suis tenté de croire, avec mon confrère le juge Armour, que l’article 1691 du Code civil invoqué par la Cour d’appel pour justifier cette diminution, ne s’applique qu’au cas de la résiliation entière du contrat et qu’iI consacre un droit exceptionnel en faveur du propriétaire qui ne peut s’étendre au-delà du cas prévu par le texte de cet article, savoir la résiliation et non pas la modification ou l’abandon partiel du contrat de sa part. »[479]

 

[437]     P.-B. Mignault dans Le droit civil canadien écrit[480] :

 

« De fait, on ne saurait étendre le texte exceptionnel de l’article 1691 de manière à permettre au maître de modifier le contrat à sa guise. Il peut, sans doute, mettre fin au marché à tout état des travaux, mais il ne peut de sa seule volonté supprimer une partie des travaux qu’il reste à faire. Je crois donc que l’article ne se réfère qu’à la résiliation totale du contrat, c’est-à-dire, bien entendu, à la suppression de tous les travaux non encore faits au moment de la résiliation. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[438]     L. Faribault dans Traité de droit civil du Québec est du même avis[481] :

 

« Je suis cependant d’avis que cette résiliation doit couvrir tous les travaux qui restent à faire au moment où elle a lieu, autrement on serait en présence de changements au contrat déjà prévus par l’article 1690. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[439]     Dans Grenier c. Constructions du St-Laurent Ltée, la Cour supérieure s’est exprimée ainsi[482] :

 

« Cependant, une autre question se pose. « Lorsque le maître manifeste son intention après le commencement des travaux, peut-il résilier le contrat pour la totalité ou seulement pour une partie de ce qui reste à faire? »

 

[…]

 

Nous sommes donc d’avis que pour le seul motif que le propriétaire n’a pas annulé in toto le contrat intervenu entre lui et l’entrepreneur général, l’article 1691 C.c. ne peut s’appliquer. »

 

[440]     La professeure T. Rousseau-Houle (plus tard juge à la Cour d’appel) dans son ouvrage Les contrats de construction en droit public et privé écrit[483] :

 

« La faculté de résiliation ne peut toutefois s’appliquer qu’en cas de résiliation totale du contrat d’entreprise à forfait. Elle doit couvrir tous les travaux qui restent à faire au moment où elle a lieu, autrement on serait en présence de modifications au contrat déjà prévues par l’article 1690 du Code civil. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[441]     Il est reconnu que l’article 2125 C.c.Q. a repris le droit antérieur de l’article 1691 de l’ancien Code civil et a étendu son domaine d’application[484].

 

[442]     Le professeur V. Karim dans son ouvrage Contrats d’entreprise, contrat de prestation de services et l’hypothèque légale écrit[485] :

 

« Enfin, il importe de rappeler que l’article 2125 C.c.Q. s’applique seulement à la résiliation totale du contrat, c’est-à-dire à la suppression définitive des travaux qui n’étaient pas encore effectués au moment de la résiliation. »

 

[Le Tribunal a mis le texte en gras.]

 

[443]     Ainsi, le client ne peut pas résilier une partie seulement du contrat et maintenir celui-ci pour une autre partie. Cela ne serait plus une résiliation, mais bien une modification du contrat. En effet, il ne faut pas confondre les notions de résiliation et de modification puisque ces deux notions ne sont pas équivalentes en droit.

 

[444]     L’article 1439 C.c.Q. précise à cet égard :

 

« Le contrat ne peut être résolu, résilié, modifié ou révoqué que pour les causes reconnues par la loi ou de l’accord des parties. »


 

[445]     Dans 2849-4367 Québec inc. c. Services de promotion et de publicité Effix inc., la Cour supérieure s’est exprimée ainsi[486] :

 

« [53] L’article 2125 C.c.Q. permet à Effix de résilier unilatéralement le contrat de service. […]

 

[54] Cependant, ce droit de résiliation unilatérale ne confère pas à Effix le droit de modifier unilatéralement le contrat de service la liant à la demanderesse.

 

[55] En effet, les termes de l’article 1439 C.c.Q. sont, à cet égard, incontournables. »

 

[446]     Le CHUM prétend qu’il pouvait verbalement et sans avis « résilier » une partie des mandats. Au soutien de ce moyen, il se réfère à l’arrêt de la Cour d’appel Corporate Aircraft Turnkey Services (PV) inc. c. Innotech Aviation Ltd[487]. Avec égards, cet arrêt de la Cour d’appel ne soutient pas le moyen plaidé selon lequel l’article 2125 C.c.Q. accorde au client un droit de résiliation partielle visant une partie seulement du contrat intervenu. Plutôt, la Cour d’appel reconnaît que, par entente contractuelle entre les parties, ces dernières peuvent exclure certains motifs de résiliation, ce qui est très différent. Dans cette affaire, les parties n’avaient pas exclu, en vertu des conditions expresses intervenues, que le client puisse exercer un droit à la résiliation totale en vertu de 2125 C.c.Q. pour certains motifs non exclus[488]. La Cour d’appel a clairement précisé qu’il s’agissait d’une question « d’interprétation d’un contrat »[489].

 

[447]     Dans cet arrêt, la Cour d’appel n’a pas permis au client de résilier à sa guise une partie du contrat et de rechercher l’exécution d’une autre partie. Plutôt, la Cour confirme que les parties peuvent, par contrat, interdire que certains motifs puissent donner droit à la résiliation unilatérale[490]. Une prohibition conventionnelle à la résiliation pour certains motifs peut, si cela constitue l’intention des parties (il s’agit d’une question d’interprétation contractuelle) laisser intact et ne pas exclure un droit résiduaire (non conventionnellement réglementé) en vertu de l’article 2125 C.c.Q. à la résiliation pour des motifs non mentionnés au contrat.

 

[448]     Nous avons vu que l’article 2125 C.c.Q. crée un droit de nature supplétive. Les parties peuvent réglementer par contrat le droit à la résiliation et donc peuvent conventionnellement exclure l’application de cet article en tout ou en partie.

 

[449]     Or, nous avons vu que le droit à la résiliation en vertu de l’article 2125 C.c.Q. s’interprète de manière restrictive. En l’espèce, selon les textes des documents contractuels intervenus, il n’y a aucun indice d’intention des parties de créer, selon la teneur des conventions de services, un double régime de résiliation et de réglementer seulement certains motifs par contrat quant au droit du client à la résiliation. La teneur des clauses pertinentes indique même le contraire.

 

[450]     En premier lieu, les articles mentionnés ci-dessus dans les conventions de services réglementant le droit à la résiliation mettent entièrement de côté le droit supplétif à la résiliation de l’article 2125 C.c.Q. en créant un régime contractuel précis à l’exercice de ce droit.

 

[451]     En deuxième lieu, l’article 2125 C.c.Q. prévoit un droit exceptionnel unilatéral permettant au client de résilier le contrat intervenu sans motif. Or, les articles précis traitant du droit de la résiliation dans les conventions de services prévoient et régissent ce même droit du client de résilier le contrat sans motif. L’article 14.1 des conventions de services mentionne notamment :

 

« 14.3 Résiliation sans motif

 

            Le CHUM se réserve également le droit de résilier le contrat sans qu’il ne soit nécessaire pour lui de motiver la résiliation.

 

            Pour ce faire, le CHUM devra adresser un avis écrit de résiliation à l’Équipe maître d’architecture. La résiliation prendra effet de plein droit à la date de réception de cet avis par l’Équipe maître d’architecture. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]


 

[452]     Dans Theodore Azuelos consultants en technologies (TACT) inc. c. CHU de Québec - Université Laval, la Cour supérieure s’est exprimée ainsi[491] :

 

[192] Le CHU n’invoque pas, subsidiairement ou autrement, la possibilité prévue à ce contrat permettant de résilier celui-ci sans motif après un préavis de 30 jours ni le droit d’un client à la résiliation unilatérale et sans motif d’un contrat d’entreprise ou de service prévu aux articles 2125 et suivants C.c.Q.

 

[193] Le CHU considère en effet que les parties ont écarté l’application de ces dispositions du C.c.Q. en raison des stipulations particulières prévues à l’article 13.03 du contrat qui prévoient la possibilité de résilier celui-ci avec ou sans cause, ainsi que les conditions d’exercice de ce recours.

 

[453]     Rappelons que les conventions de services sont des contrats d’adhésion. Ainsi, elles sont visées par l’article 1432 C.c.Q. Cet article prévoit :

 

1432. Dans le doute, le contrat s’interprète en faveur de celui qui a contracté l’obligation et contre celui qui l’a stipulée. Dans tous les cas, il s’interprète en faveur de l’adhérent ou du consommateur.

 

[454]     Dans Neptune Sécurité Services inc. c. Ville de Québec, la Cour supérieure s’est exprimée ainsi[492] :

 

« [48] L’exercice de ce droit strict implique que l’entrepreneur n’ait aucun doute quant au mode de résiliation. Toute ambiguïté peut entraîner les parties dans un débat long et coûteux. Le client qui désire éviter ce débat et jouir des avantages conférés à la résiliation unilatérale, doit exercer, sans ambiguïté, la prérogative et le droit strict que lui accordent la loi ou son contrat d’exercer ladite « résiliation unilatérale ».

 

[…]

 

[63]

 

c) La force obligatoire des contrats (art. 1439 C.c.Q.) demeure le principe et la résiliation-sanction (art. 1604 C.c.Q.) s’appliquent à défaut d’opter pour la résiliation unilatérale. L’exercice du droit strict de la résiliation unilatérale (art. 2129 C.c.Q.), […] doit être énoncé clairement par le client afin de dénoncer à l’entrepreneur le mode de résiliation unilatérale (art. 2129 C.c.Q.). À défaut, le client résilie le contrat en vertu des principes prévus à la règle générale. Dans notre cas, la Ville n’a pas clairement opté pour la résiliation unilatérale, tout au contraire;

 

d) En cas de doute sur l’interprétation quant au choix du mode de résiliation, il revient au client d’établir, clairement et sans ambiguïté, qu’il a opté à l’époque de l’exercice de son choix à la résiliation unilatérale, et démontrer que l’entrepreneur savait qu’il a été privé de son recours à l’indemnisation qui demeure la règle générale (art. 1439, 1590 et 1604 C.c.Q.).  La Ville n’a pas établi cette preuve. »

 

[455]     Même s’il y avait un doute, ce que le Tribunal ne croit pas, le contrat s’interprète en vertu de l’article 1432 C.c.Q. en faveur des adhérents, en l’espèce BPYA et BPTH, et donc, contre le CHUM.

 

[456]     En troisième lieu, les parties ont clairement convenu des modalités d’exercice d’un quelconque droit de résiliation, même de nature partielle : un tel droit ne peut être exercé que par avis écrit. L’article 1, alinéa 2 des conventions de services est formel à ce sujet :

 

« Sauf indication contraire dans la présente convention, aucune modification, renonciation ni résiliation du présent Contrat ne liera les parties à moins qu’elle ne soit effectuée par écrit. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[457]     L’article précise qu’« aucune résiliation » n’est valable à moins qu’elle ne soit faite par écrit. Le terme « aucune » vise forcément toute résiliation, même une résiliation partielle (dans la mesure où cela était même possible, ce que la jurisprudence et la doctrine ont unanimement rejeté). Un avis écrit était donc requis dans tous les cas. Or, il est reconnu, de part et d’autre, que le CHUM, au cours des 13 ans d’existence des conventions de services, n’a jamais fait parvenir à BPYA ou à BPTH un avis de résiliation, partielle ou totale. Le CHUM a plutôt indiqué qu’il ne voulait pas résilier les conventions. Le 5 septembre 2008, le CHUM écrit à la fois à BPYA et à BPTH ainsi :

 

« Tel que déjà mentionné, le CHUM ne souhaite pas résilier votre mandat et compte fortement sur l’appui de ses équipes maîtres de professionnels pour la suite du projet, d’où la suggestion pour le CHUM de prévoir que ces services pourront être réalisés sur demande spécifique du CHUM et du Directeur exécutif. »[493]

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

[458]     De la même manière, les clauses 20 (BPYA) et 21 (BPTH) des documents d’appel[494] accordent au CHUM différentes possibilités de résiliation des conventions de services. Le titre de ces clauses (comprenant le motif « Résiliation ») et leur texte (« en cas de résiliation ») ne laissent pas de doute qu’elles réglementent uniquement un droit de résiliation.

 

[459]     Dans un premier temps, ces deux clauses annoncent des droits de résiliation du CHUM « au terme de la phase de planification (Phase 2) ». Dans un deuxième temps, ces clauses débordent la partie introductive du texte. Le CHUM se réserve le droit de résilier les conventions dans leur intégralité (« de mettre fin au contrat ») « en tout temps ». Cela est un droit déjà prévu à la clause 14.3 qui prévoit le droit du CHUM de résilier sans motif le contrat. Dans un troisième temps, le CHUM se réserve le droit, « en tout temps » ou à la fin de la phase de Planification (Phase 2), de résilier les conventions concernant les phases de la Réalisation (Phase 3) et de la Clôture (Phase 4). Tous les motifs mentionnés précédemment par rapport aux autres clauses de résiliation s’appliquent à ces deux clauses et excluent qu’une résiliation, totale ou partielle, ait lieu en l’espèce, en particulier l’absence de tout avis selon l’article 1, alinéa 2 des conventions de services.

 

[460]     Tout droit à la résiliation légale en vertu de l’article 2125 C.c.Q. a été substitué par le régime contractuel de résiliation et ses modalités d’exercice prévues aux conventions de services. À tout événement, même en vertu d’un droit exercé selon l’article 2125 C.c.Q., la jurisprudence et la doctrine confirment l’importance capitale de la communication d’un avis de résiliation par le client, car il fixe le moment de l’application du régime de compensation prévu à l’article 2129 C.c.Q.[495] Tel que mentionné, aucun avis de résiliation, même verbal, n’a été communiqué par le CHUM dans le présent dossier.

 

[461]     Si doute il y avait à ce sujet, ce que le Tribunal ne croit pas exister, les règles d’interprétation applicables en vertu de l’article 1432 C.c.Q., étant donné que le CHUM a rédigé et stipulé les textes et que les conventions de services constituent des contrats d’adhésion, favorisent les adhérents, soit BPYA et BPTH.

 

[462]     À tout événement, il est clair qu’en droit de même qu’en fait, il n’y a pas eu de résiliation effectuée par le CHUM des conventions de services intervenues. Le CHUM a plutôt décidé de modifier unilatéralement les conventions de services, en imposant des modifications par l’entremise des conventions de services amendées, ce qui est très différent d’une résiliation.

 

[463]     Compte tenu des articles de loi, de la jurisprudence et de la doctrine mentionnés, le CHUM ne peut pas prétendre avoir imposé les changements contractuels à BPYA et à BPTH par le biais d’une « résiliation partielle » en vertu de l’article 2125 C.c.Q. La résiliation provoque l’annulation du contrat dans son intégralité en ce qui a trait à tout service non encore effectué au moment de la résiliation (article 1606, al. 2 C.c.Q.). La jurisprudence et la doctrine interdisent que le client puisse, par l’article 2125, tenter de faire disparaître certaines parties du contrat intervenu et en maintenir d’autres qu’il désire conserver. En l’espèce, le CHUM a en effet décidé de conserver certaines parties des conventions de services initiales : les parties des conventions de services initiales non visées par les modifications imposées sont restées en vigueur.

 

[464]     Le CHUM a demandé à BPYA et à BPTH de continuer de rendre des services, y compris selon les clauses présentes aux conventions de services initiales, en vertu de toutes les phases prévues (Phase 1 : Démarrage, Phase 2 : Planification, Phase 3 : Réalisation, Phase 4 : Clôture). Dans les faits, les services ont été rendus, facturés et payés pour toutes ces phases[496].

 

[465]     Le CHUM a même insisté pour que BPYA et BPTH continuent de rendre des services conformément aux clauses non modifiées, y compris celles accordant au CHUM l’exclusivité d’un personnel clé senior pour la durée du projet, des taux horaires préférentiels spécifiés et des clauses d’exclusivité[497]. Les services ont notamment été rendus par rapport à la première phase prévue aux conventions de services (Démarrage 1 du CHUM-Hôpital jusqu’en novembre 2009)[498] alors que les modifications aux conventions de services ont été imposées en septembre 2008[499]. M. Villiard a confirmé que, à ses yeux, « beaucoup » du mandat original des conventions de services initiales restait à réaliser[500]. Enfin, par ses demandes reconventionnelles[501], le CHUM demande même l’application et l’exécution des clauses présentes aux conventions de services initiales concernant la facturation et une indemnité de valeur locative en raison de la présence des équipes maîtres sur le chantier.

 

[466]     Le CHUM aurait pu résilier les conventions de services initiales. Il a préféré ne pas le faire, et ce, en toute connaissance de cause. Selon la preuve, le CHUM voulait plutôt conserver les professionnels de BPYA et de BPTH et continuer de bénéficier de leurs services, notamment en raison de leur expérience dans le domaine de la construction en matière de santé (sociosanitaire) et de leur haut niveau de compétence. Le CHUM ne voulait pas assumer les conséquences d’une résiliation des conventions de services, soit de continuer le projet du Nouveau CHUM avec d’autres professionnels. Enfin, il y a lieu de se référer au texte du Décret 280-2008. Ce décret, qui est, nous le verrons plus tard, opposable au CHUM[502], ne mentionne nullement une résiliation, même partielle, des conventions de services. Le texte se réfère plutôt à une « réduction »[503] et à une « modification »[504] du mandat initial.


 

[467]     En conclusion, le régime de résiliation prévu à l’article 2125 C.c.Q. a été exclu par un régime spécifique contractuel ayant des règles et des modalités précises. Si le CHUM voulait s’en prévaloir, il se devait de les suivre, ce qu’il a choisi de ne pas faire. Le Tribunal conclut donc qu’il n’y a jamais eu de résiliation, en tout ou en partie, des conventions de services initiales.

 

B) Modification

 

[468]     La clause de « Modification de mandat ou de programme » a subi plusieurs changements au cours du processus des appels de candidatures. Selon une première version du 8 juin 2006, elle est formulée ainsi[505] :

 

« 22. MODIFICATION DE MANDAT

 

Le CHUM et le Directeur exécutif se réservent le droit de réviser le programme fonctionnel et technique en cours de projet et de réduire ou augmenter la portée du mandat de l’Équipe maître d’architecture, auquel cas les honoraires de l’Équipe maître d’architecture seront rajustés en conséquence. Le CHUM n’allouera aucun montant pour perte de profit anticipé ou pour dommage et intérêts dans le cas d’une réduction de mandat.

 

En cas d’une telle modification du mandat, l’Équipe maître d’architecture soumettra au CHUM et au Directeur exécutif une demande de changement dans les cinq (5) jours ouvrables, prévoyant l’ajustement des honoraires et tout impact sur l’échéancier, s’il y en a. Le CHUM et le Directeur exécutif décideront s’ils acceptent la demande de changement, à défaut de quoi ils pourront décider de retirer la modification ou de procéder en fonction des ajustements aux honoraires et à l’échéancier qu’ils détermineront. L’Équipe maître d’architecture aura le droit de contester la détermination du CHUM et du Directeur exécutif mais devra tout de même exécuter le mandat tel que modifié. »

 

[469]     Tout en gardant le texte initial, le 14 juin 2006, le CHUM le modifie en ajoutant les paragraphes 2, 3 et 6. Le texte révisé est formulé ainsi[506] :

 

« 26. MODIFICATION DE MANDAT OU DE PROGRAMME

 

         Le CHUM se réserve le droit de réviser le programme fonctionnel et technique en cours de projet et de réduire ou augmenter la portée du mandat de l’Équipe maître d’architecture, auquel cas les honoraires de l’Équipe maître d’architecture seront rajustés en conséquence. Le CHUM n’allouera aucun montant pour perte de profit anticipé ou pour dommages et intérêts dans le cas d’une réduction de mandat.

 

Le CHUM, après consultation et approbation du Directeur exécutif, avisera l’Équipe maître d’architecture de ladite modification (réduction ou augmentation) et l’Équipe maître d’architecture sera tenue, dès qu’elle constate que cette modification résultera en une modification significative de Budget convenu ou de la ventilation des coûts par spécialité, d’aviser l’Équipe maître de gestion de projets qui devra à son tour aviser par écrit le CHUM, avec copie au Directeur exécutif, des impacts de la modification sur ledit Budget convenu ou ladite ventilation.

 

Nonobstant les modalités de la rémunération de l’Équipe maître d’architecture, si des services supplémentaires sont requis de sa part ou des équipes maîtres de génie ou, si les modifications rendent inutiles une partie des services que ces derniers ont déjà réalisés, l’avis écrit adressé au CHUM par l’Équipe maître de gestion de projets avec la collaboration des équipes maîtres d’architecture et de génie devra le spécifier, avant que l’Équipe maître d’architecture ou les équipes maîtres de génie n’entreprennent les services supplémentaires.

 

En cas de telle(s) modification(s) au mandat, l’Équipe maître d’architecture soumettra au CHUM, avec copie au Directeur exécutif, une demande de changement dans les cinq (5) jours ouvrables; prévoyant l’ajustement des honoraires et tout impact sur l’échéancier, s’il y en a.

 

Le CHUM décidera s’il accepte la demande de changement, à défaut de quoi il pourra décider de retirer la modification ou de procéder en fonction des ajustements aux honoraires et à l’échéancier qu’il déterminera, sous réserve du droit de l’Équipe maître d’architecture de contester la détermination du CHUM. Même si l’Équipe maître d’architecture conserve le droit de contester la détermination du CHUM, elle devra tout de même exécuter le mandat tel que modifié.

 

S’il devient nécessaire pour l’Équipe maître d’architecture de réviser ses plans et devis ou de coordonner la révision des plans et devis des autres équipes maîtres en raison du défaut du CHUM, de l’entrepreneur, d’un sous-traitant, ou par la suite de la suspension des services ou des travaux du projet, ou à cause des préjudices causés au projet par le feu ou d’autres causes, l’Équipe maître d’architecture aura droit de recevoir du CHUM une rémunération selon la méthode horaire, pour tout service supplémentaire, en plus des coûts remboursables y afférents. »

 

[470]     Ensuite, le 27 juin 2006, par addenda, le CHUM modifie de nouveau la clause en ajoutant au milieu du premier paragraphe le texte suivant[507] :

 

« Par ailleurs, le CHUM [CUSM / CHU SAINTE-JUSTINE][508] pourra décider de l’opportunité de confier une part du mandat de l’Équipe maître d’architecture à un tiers, à n’importe quelle étape du projet, y incluant pour la surveillance des travaux. »

 

[471]     Le texte modifié est formulé ainsi[509] :

 

MODIFICATION DE MANDAT OU DE PROGRAMME

 

Le CHUM se réserve le droit de réviser le programme fonctionnel et technique en cours de projet et de réduire ou augmenter la portée du mandat de l’Équipe maître d’architecture, auquel cas les honoraires de l’Équipe maître d’architecture seront rajustés en conséquence. Par ailleurs, le CHUM pourra décider de l’opportunité de confier une partie du mandat de l’Équipe maître d’architecture à un tiers, à n’importe quelle étape du projet, y incluant pour la surveillance des travaux. Le CHUM n’allouera aucun montant pour perte de profit anticipé ou pour dommage et intérêts dans le cas d’une réduction de mandat.

 

Le CHUM, après consultation et approbation du Directeur exécutif, avisera l’Équipe maître d’architecture de ladite modification (réduction ou augmentation) et l’Équipe maître d’architecture sera tenue, dès qu’elle constate que cette modification résultera en une modification significative de Budget convenu ou de la ventilation des coûts par spécialité, d’aviser l’Équipe maître de gestion de projets qui devra à son tour aviser par écrit le CHUM, avec copie au Directeur exécutif, des impacts de la modification sur ledit Budget convenu ou ladite ventilation.

 

Nonobstant les modalités de la rémunération de l’Équipe maître d’architecture, si des services supplémentaires sont requis de sa part ou des équipes maîtres de génie ou, si les modifications rendent inutiles une partie des services que ces derniers ont déjà réalisés, l’avis écrit adressé au CHUM par l’Équipe maître de gestion de projets avec la collaboration des équipes maîtres d’architecture et de génie devra le spécifier, avant que l’Équipe maître d’architecture ou les équipes maîtres de génie n’entreprennent les services supplémentaires.

 

En cas de telle(s) modification(s) au mandat, l’Équipe maître d’architecture soumettra au CHUM, avec copie au Directeur exécutif, une demande de changement dans les cinq (5) jours ouvrables, prévoyant l’ajustement des honoraires et tout impact sur l’échéancier, s’il y en a.

 

Le CHUM décidera s’il accepte la demande de changement, à défaut de quoi il pourra décider de retirer la modification ou de procéder en fonction des ajustements aux honoraires et à l’échéancier qu’il déterminera, sous réserve du droit de l’Équipe maître d’architecture de contester la détermination du CHUM. Même si l’Équipe maître d’architecture conserve le droit de contester la détermination du CHUM, elle devra tout de même exécuter le mandat tel que modifié.[510]

 

S’il devient nécessaire pour l’Équipe maître d’architecture de réviser ses plans et devis ou de coordonner la révision des plans et devis des autres équipes maîtres en raison du défaut du CHUM, de l’entrepreneur, d’un sous-traitant, ou par la suite de la suspension des services ou des travaux du projet, ou à cause des préjudices causés au projet par le feu ou d’autres causes, l’Équipe maître d’architecture aura droit de recevoir du CHUM une rémunération selon la méthode horaire, pour tout service supplémentaire, en plus des coûts remboursables y afférents.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[472]     Dans tous les cas, le mot « changement » fait l’objet d’une définition précise dans les documents contractuels applicables, à savoir[511] :

 

« Changement » : Augmentation, suppression ou toutes autres révisions qui modifient l’ouvrage sans affecter fondamentalement la portée générale du contrat, à condition d’avoir fait l’objet d’une approbation préalable du CHUM et du Directeur exécutif. »[512]

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

[473]     Nous nous référons aux textes impliquant BPYA, mais ceux liant BPTH ont subi la même évolution textuelle et sont au même effet.

 

[474]     Le CHUM soutient que cette clause lui permet d’effectuer toute modification du mandat, en particulier de réduire, sans limite, les mandats de BPYA et de BPTH prévus aux conventions de services. Le CHUM allègue ainsi qu’il avait le droit d’imposer à BPYA et à BPTH la refonte contractuelle des conventions de services initiales. BPYA et BPTH contestent ce moyen pour plusieurs motifs.

 

(a) La formulation de la clause et les règles d’interprétation auxquelles elle est sujette limitent la portée d’une modification

 

i) Le témoignage suivant lequel la clause est d’une teneur standard dans les contrats semblables

 

[475]     Selon les témoignages des représentants de BPYA et de BPTH, cette clause est d’une teneur habituelle dans la pratique professionnelle permettant au client de faire appel à un tiers architecte ou à un tiers ingénieur pour lui confier le mandat de faire un travail spécialisé. M. Roy a notamment témoigné ainsi :

 

« Cet article-là, Monsieur le Juge, c’est un article classique, là, d’un contrat de services professionnels que le propriétaire, le client, a le droit de modifier son programme fonctionnel et technique. Puis on a vu, avec les versions V1, V2, V3, V4, qu’il l’a fait amplement. Tant pour le CHUM que pour le CRCHUM, ça a été… le travail principal qu’on a fait dans ce projet-là, c’est de s’adapter à la variation du PFT. »[513]

 

[476]     Lorsque questionné sur la portée de cette clause, Michel Roy a lui-même référé aux définitions prévues aux Conditions générales (article 1), notamment celle concernant le sens de « Changement ». Nous y reviendrons.

 

[477]     Ainsi, Michel Roy a expliqué que l’interprétation que donne le CHUM à cette clause est erronée et non conforme aux usages dans le domaine. Il a témoigné que selon son expérience et les usages, cette clause permet au client donneur d’ouvrage d’apporter des modifications à son programme (PFT) et au mandat, et que cela est normal et se produit couramment. La clause de modification ne permet pas pour autant d’effectuer un changement qui affecte fondamentalement la portée générale du contrat[514].

 

[478]     La doctrine confirme le caractère usuel et répandu d’une telle clause dans les contrats d’entreprise ou de service. La professeure T. Rousseau-Houle (plus tard juge à la Cour d’appel) a écrit[515] :

 

« La plupart des cahiers de charges contiennent des dispositions autorisant le maître de l’ouvrage à modifier le contrat ... »

 

[479]     Les auteurs I. Gosselin et P. Cimon ont écrit[516] :

 

« De nos jours, le droit pour le propriétaire d’apporter de façon unilatérale des modifications aux travaux, pour en ajouter ou en supprimer, est prévu dans la quasi-totalité des contrats de construction. […] »

 

[480]     BPYA et BPTH sont d’avis que la révocation des mandats concernant la conception de l’ensemble du projet, la préparation des plans et devis préliminaires et le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux constitue un changement d’ordre fondamental qui affecte la portée générale des conventions de services et viole les usages contractuels applicables. La preuve confirme la nature fondamentale de ces changements. Les mandats de BPYA ont été réduits de 71 % et ceux de BPTH de 66 %. En outre, les conventions de services précisent que les mandats concernant le contrôle des coûts, de l’échéancier, du contenu et de la qualité des travaux constituent des « facteurs essentiels et l’essence même » des contrats.

 

[481]     Selon BPYA et BPTH, la clause de modification ne permet pas au client, suivant les usages applicables, de soustraire au professionnel une partie majeure de son mandat. Ils estiment qu’en agissant comme il l’a fait, le CHUM n’a pas effectué une modification selon cette clause, mais a transformé et dénaturé les conventions de services intervenues, ce qui constitue une application abusive de ce droit et de cette clause[517].

 

[482]     Malgré la longue durée de l’instruction, le CHUM n’a pas administré une preuve de témoignage d’un professionnel soutenant un avis contraire quant au caractère habituel et standard de la clause de modification en question et quant aux limites à son utilisation suivant les usages dans l’industrie et la pratique professionnelle des architectes et des ingénieurs. Dans l’interprétation d’une clause, la Cour doit tenir compte des usages professionnels suivis dans le secteur concerné. À cet égard, il y a lieu de se référer aux articles 1426 et 1434 C.c.Q. qui prévoient :

 

1426. On tient compte, dans l’interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages.

 

1434. Le contrat valablement formé oblige ceux qui l’ont conclu non seulement pour ce qu’ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d’après sa nature et suivant les usages, l’équité ou la loi.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[483]     Étant donné le caractère non contredit de cette preuve des usages applicables, le Tribunal est d’avis qu’il y a lieu de retenir l’interprétation de la clause proposée par BPYA et BPTH. La modification effectuée en vertu de cette clause doit être de nature secondaire et ne doit pas avoir pour effet de donner lieu à un changement fondamental du contrat. Une modification en vertu de cette clause ne peut pas transformer ou dénaturer le contrat. En l’occurrence, les changements effectués ont une portée fondamentale eu égard aux services prévus en vertu des conventions de services initiales. Ces changements ne peuvent pas être autorisés en vertu de la clause de modification.

 

ii) La formulation de la clause et les autres règles d’interprétation applicables

 

[484]     Les paragraphes 4 et 5 de la clause de modification stipulent expressément que les modifications effectuées suivant les paragraphes précédents s’inscrivent dans le cadre d’un « changement ». Les modalités à suivre pour une demande de changement sont prévues. Or, le mot « changement » fait l’objet d’une définition précise en vertu des conventions de services. Ce mot est défini ainsi :

 

« Changement » : Augmentation, suppression ou toutes autres révisions qui modifient l’ouvrage sans affecter fondamentalement la portée générale du contrat, à condition d’avoir fait l’objet d’une approbation préalable du CHUM et du Directeur exécutif. »[518]

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]


 

[485]     En se basant sur ce paragraphe, Gilles Maillé de BPYA a expliqué que sa compréhension était que la clause de modification ne permet pas et ne valide pas la refonte des mandats imposée par le CHUM qui a eu pour effet de réduire de manière radicale les mandats confiés. Selon M. Maillé, en l’espèce, l’ampleur des changements imposés par le CHUM a eu pour effet de complètement dénaturer la convention de services initiale de BPYA.

 

[486]     Il est reconnu par le CHUM qu’il y a ambiguïté dans les conventions de services par rapport au droit de modification notamment en ce qui a trait aux mandats conférés concernant l’élaboration de la conception générale du projet et la production des plans et devis préliminaires. Interrogé à ce sujet, M. Villiard a témoigné hors Cour ainsi[519] :

 

 

Me GUY GILAIN :

Q.

[…] - Est-ce que je me trompe si je dis de façon globale et générale : un des problèmes qui nous habite aujourd’hui est que ni BPYA ni BPTH n’ont fait, en réalité, la conception préliminaire, c’est-à-dire les plans et devis préliminaires.

R.

La difficulté qu’on a eue dans ce… - je vais répondre comme ça, parce que - la difficulté qu’on a eue dans ce projet-là c’était de définir qu’est-ce que voulait dire « plan préliminaire » et « conception préliminaire ». Et donc, oui, aujourd’hui, la difficulté qu’on a entre les parties, il me semble, c’est sur la définition de ce que devraient comprendre les préliminaires et les droits que le CHUM s’était gardés vis-à-vis ça.

Q.

O.K. Je vous dirais qu’on se comprend parfaitement une des parties de l’interrogatoire, du moins ce matin peut-être essayer de se guider. Parce que vous conviendrez avec moi qu’il y a une ambiguïté ou une difficulté dans les documents de pouvoir venir cerner les définitions? Vous êtes d’accord?

R.

Oui.

 

[487]     En ce qui a trait à la présence d’une ambiguïté au sein du texte d’un contrat, le Code civil du Québec prévoit :

 

1432. Dans le doute, le contrat s’interprète en faveur de celui qui a contracté l’obligation et contre celui qui l’a stipulé. Dans tous les cas, il s’interprète en faveur de l’adhérent ou du consommateur.

 

[488]     En premier lieu, il est à noter que c’est le CHUM qui a rédigé les conventions de services et a stipulé la teneur des obligations. Ainsi, le contrat s’interprète en faveur de BPYA et de BPTH qui ont contracté ces obligations et contre le CHUM.


 

[489]     En deuxième lieu, les conventions de services constituent des contrats d’adhésion. Ainsi, également conformément à l’article 1432 C.c.Q., les clauses des conventions de services s’interprètent en faveur de l’adhérent, soit BPYA et BPTH, et contre le CHUM.

 

[490]     Étant donné que la clause de modification limite toute modification à un changement de nature secondaire et non fondamentale et, étant donné que les modifications effectuées constituent des changements d’ordre fondamental, BPYA et BPTH soutiennent que la clause de modification ne permet pas les modifications effectuées. Le CHUM conteste cette interprétation, mais reconnaît qu’il y a ambiguïté. En vertu des deux règles prévues à l’article 1432 C.c.Q., le texte de la clause de modification s’interprète en faveur de BPYA et de BPTH et contre le CHUM. Le Tribunal conclut qu’il y a lieu de suivre et d’adopter l’interprétation proposée par BPYA et BPTH selon laquelle la clause de modification ne permet pas les modifications effectuées par le CHUM.

 

(b) Application abusive de la clause

 

[491]     BPYA et BPTH plaident que, en vertu des principes contractuels généraux du droit civil et de l’article 1437 C.c.Q. en particulier, le CHUM s’est prévalu de cette clause de modification de manière abusive, déraisonnable et excessive. En agissant ainsi, BPYA et BPTH soumettent que le CHUM a fait une application abusive de la clause et a violé son obligation de bonne foi envers eux. BPYA et BPTH plaident que le CHUM a ainsi transformé et dénaturé les conventions de services intervenues.

 

[492]     En droit québécois, la notion d’abus de droit ou la qualification comme étant abusive de l’application d’un droit ne requiert pas la preuve de l’intention malicieuse ou de la mauvaise foi de celui qui l’exerce. Un tel abus découle notamment de l’exercice déraisonnable et excessif d’un droit. Cela découle de l’obligation de bonne foi qui est reconnue aux termes du Code civil du Québec comme une obligation fondamentale de notre droit civil :

 

6. Toute personne est tenue d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.

 

7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.

 

1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction.

 

1437. La clause abusive d’un contrat de consommation ou d’adhésion est nulle ou l’obligation qui en découle, réductible.

 

Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l’adhérent d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre de ce qu’exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu’elle dénature celui-ci.

 

[493]     L’obligation d’agir selon les exigences de la bonne foi s’applique à tous les contrats sans distinction. Les parties à tout contrat s’engagent à agir, dans l’exercice de leurs droits contractuels, selon les normes de prudence et de diligence d’une personne raisonnable et dans les limites de la loyauté. Ne pas agir ainsi peut être source de responsabilité contractuelle envers son cocontractant.

 

[494]     L’abus d’un droit résulte notamment de l’application par un contractant d’un droit ou d’une clause de sorte qu’il désavantage le contractant d’une manière excessive et déraisonnable. L’utilisation abusive d’une clause résulte également d’un changement contractuel imposé d’une ampleur telle qu’il désavantage l’autre partie au point de dénaturer ou transformer le contrat en rompant l’équilibre contractuel au sein du contrat.

 

[495]     Dans Houle c. Banque Canadienne Nationale[520], la Cour suprême s’est exprimée ainsi :

 

« Le critère de l’individu prudent et diligent peut également servir de fondement à la responsabilité résultant de l’abus d’un droit contractuel. Il peut y avoir abus d’un droit contractuel lorsque celui-ci n’est pas exercé de manière raisonnable, c’est-à-dire selon les règles de l’équité et de la loyauté. L’abus d’un droit contractuel engendre une responsabilité contractuelle. Cette responsabilité a source dans l’art. 1024 C.c.B. C. et dans le principe implicite de la bonne foi dans l’exécution des contrats. »[521]

 

« En résumé, donc, il semble que la théorie de l'abus des droits contractuels fasse aujourd'hui incontestablement partie du droit québécois. Fondée au départ sur le critère rigoureux de la malice ou de la mauvaise foi, la norme servant à apprécier l'existence d'un tel abus s'est élargie pour inclure maintenant le critère de l'exercice raisonnable d'un droit, tel qu'il est incarné dans la conduite d'une personne prudente et diligente. Ce critère peut couvrir un grand nombre de situations, y compris l'utilisation d'un contrat à une fin autre que celle envisagée par les parties. On pourrait donc formuler ainsi le critère approprié : tels droits ont-ils été exercés dans un esprit de loyauté? Pour ce qui est du fondement de la théorie, suivant la solution à la fois doctrinale et jurisprudentielle au Québec, c'est bien le régime contractuel de responsabilité qui régit l'abus d'un droit contractuel puisque, implicitement en droit civil, les parties à tout contrat s'engagent à agir, dans l'exercice de leurs droits contractuels, à la manière prudente et diligente d'une personne raisonnable et dans les limites de la loyauté. S'il y a violation de cette obligation implicite, la responsabilité contractuelle est alors engagée à l'égard du cocontractant. »[522]

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[496]     J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin dans l’ouvrage Les obligations ont écrit[523] :

 

« Être titulaire d’un droit ne permet donc pas d’en user de façon abusive; c’est là le principe à la base de la théorie de l’abus de droit.

 

Aucun droit, aucune liberté ne peut échapper au contrôle de l’abus de droit : il n’y a plus de droit absolu désormais.

 

Selon le principe de la force obligatoire du contrat, les parties ne peuvent, sauf entente entre elles, modifier unilatéralement les termes de leur contrat ou les modalités de son exécution. La force obligatoire emporte comme conséquence non seulement qu’elles soient liées dans le temps, mais aussi quant au contenu de leur engagement. Il existe toutefois, là aussi, plusieurs exceptions à cette règle.

 

La première découle d’une stipulation en vertu de laquelle l’une des parties au contrat aura le droit de lui apporter, à elle seule, une modification, avec ou sans préavis au cocontractant. L’objectif est généralement d’assurer de la souplesse à l’accord et de lui permettre de s’adapter à des changements de situation. […] Fréquente en pratique, la clause de modification unilatérale fait pourtant l’objet de peu de jurisprudence et de doctrine. Le principe de la liberté contractuelle permet cette clause, sous certaines réserves. Sa validité peut être contestée par exemple si, dans un contrat d’adhésion ou de consommation, on démontre qu’elle constitue une clause abusive (art. 1437 C.c.Q.). La validité de la clause peut aussi être mise en doute si son objet n’obéit pas à l’exigence fondamentale que toute obligation doit être déterminée ou déterminable (art. 137, al. 2 C.c.Q.). Enfin, la bonne foi peut être invoquée lors de la mise en œuvre de la clause, car elle ne doit pas devenir un instrument au service de l’arbitraire d’une partie (art. 1375 C.c.Q.). »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[497]     Dans Hydro-Québec c. Construction Kiewit Cie[524], la Cour d’appel s’est exprimée ainsi :

 

[55] Toutefois, la bonne foi consacrée par le législateur aux articles 6, 7 et 1375 C.c.Q. ne se limite pas à l'intention malicieuse et à la connaissance subjective de l'illégalité. Les professeurs Jobin et Vézina exposent le fondement d'un troisième sens à donner à la bonne foi - dite « objective » - la rattachant notamment aux enseignements des arrêts Soucisse, Houle et Bail de la Cour suprême du Canada :

 

132 - Bonne foi. Notion. Caractère impératif […]

 

[...] Cette bonne foi, dite objective, a un sens beaucoup plus large, soit celui de norme de comportement acceptable. Selon le contexte, de telles normes ont une dimension morale, sociale, ou encore elles renvoient simplement au « bon sens » ou au « raisonnable ». La bonne foi est donc devenue l'éthique de comportement exigée en matière contractuelle (comme d'ailleurs dans bien d'autres matières). Elle suppose un comportement loyal et honnête. On parle alors d'agir selon les exigences de la bonne foi. Ainsi, une personne peut être de bonne foi (au sens subjectif), c'est-à-dire ne pas agir de façon malicieuse ou agir dans l'ignorance de certains faits, et aller tout de même à l'encontre des exigences de la bonne foi, soit en violant des normes de comportement objectives et généralement admises dans la société.

 

[56] C'est bien ce sens de la bonne foi, qui se rapporte aux normes de comportement objectives, qui constitue le fondement du raisonnement du juge. Dans ses motifs, le juge est formel : il taxe Hydro-Québec de « déraisonnabilité » et, ainsi, de « mauvaise foi institutionnelle » parce que, à son avis, en tant que partie contractante elle n'a pas agi selon les exigences de la bonne foi mesurée objectivement. La conclusion du juge sur ce point s'appuie directement sur la règle énoncée par l'article 7 C.c.Q. […]

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[498]     La loi exige d’ailleurs que l’objet d’un droit, y compris une clause de modification, soit déterminé ou déterminable afin d’être valable et exécutoire. Les articles 1373 et 1374 C.c.Q. prévoient :

 

1373. L’objet de l’obligation est la prestation à laquelle le débiteur est tenu envers le créancier et qui consiste à faire ou à ne pas faire quelque chose.

 

La prestation doit être possible et déterminée ou déterminable; elle ne doit être ni prohibée par la loi ni contraire à l’ordre public.

 

1374. La prestation peut porter sur tout bien, même à venir, pourvu que le bien soit déterminé quant à son espèce et déterminable quant à sa quotité.

 

[499]     Faute de préciser les critères objectifs ou les balises permettant au cocontractant de prévoir l’étendue de l’exercice unilatéral d’un droit de modification, la clause de modification peut être déclarée nulle ou non valable, ou voir son effet réduit.

 

[500]     Dans Vidéotron c. Union des consommateurs, la Cour d’appel s’est exprimée ainsi[525] :

 

[43] La validité de la stipulation attribuant une faculté de modification unilatérale à l’une des parties exige que son objet soit « déterminable ».

[44] La clause de modification unilatérale doit énoncer des circonstances suffisamment précises et fixer des critères permettant d’anticiper les modifications éventuelles à l’entente pour faire disparaître l’indétermination.

 

[50] Le droit d’obtenir les biens et services décrits au contrat, en contrepartie des frais qui y sont énoncés, naît dès la conclusion de l’entente. Ce droit n’est pas à géométrie variable. La proposition selon laquelle la clause 3.9 permettrait la réduction des obligations du commerçant heurte de plein fouet l’article 262 LPC. Le consommateur renoncerait aux droits qu’il a acquis à la conclusion du contrat initial, sans avoir la moindre idée des modifications qui l’attendent. Comme mentionné plus tôt, l’absurdité à laquelle conduit l’argument en démontre le caractère infondé.

 

[501]     Dans Laflamme c. Bell Mobilité inc., la Cour supérieure s’est exprimée ainsi[526] :

 

[65] Ainsi, pour qu'une clause de modification unilatérale soit légale, elle doit contenir des critères objectifs et des balises qui ne dépendent pas du seul contrôle du bénéficiaire. Même si la clause n'indique pas de montant précis ou un mode détaillé de calcul, les termes doivent être suffisamment clairs, avoir un objet déterminé et une prestation déterminable au sens des articles 1373 et 1374 C.c.Q.

 

[66] La clause doit donc prévoir :

 

·         l'objet sur lequel portera la modification; et

 

·         des indices de modification objectifs qui permettent d'anticiper l'élément déclencheur et l'ampleur de la modification. Sont objectifs les indices qui « ne relèvent pas du seul contrôle du bénéficiaire de la clause ».

 

[502]     Les auteurs D. Lluelles et B. Moore (maintenant juge à la Cour d’appel) dans l’ouvrage Droit des obligations ont écrit[527] :

 

2217. Le principe transparaît même dans les cas où l’on refuse de donner effet à une modification unilatérale, soit parce qu’elle ne repose pas sur une clause à cet effet, soit parce que la clause l’autorisant a fait l’objet d’une application erronée ou contraire aux exigences de la bonne foi.

 

2218. La nécessaire détermination de la modification unilatérale. Le droit général des contrats soumet l’efficacité de la clause de modification unilatérale à une condition que ne connaît pas la clause de révocation unilatérale : le caractère déterminable de son objet. L’article 1373 al. 2 exige, en effet, que la prestation soit « possible et déterminée ou déterminable […]

 

2219. Par cette exigence commune à tous les contrats, y compris aux contrats conclus de gré à gré, le droit des obligations veut éviter que l’un des contractants ne soit dans l’incapacité d’appréhender dans le temps les circonstances et les contours de la modification préautorisée. Il en va de l’intelligence du consentement. C’est pourquoi la clause doit pouvoir fournir à chaque partie des indices prédéterminés qui lui permettent « de se faire une idée ». Mais on veut aussi éviter que le contrat ne devienne un instrument d’arbitraire au profit d’on contractant. D’où la nécessité pour la clause de prévoir des critères de modification objectifs.

 

2220. En outre, advenant même que la clause cible cet objet (ou ces objets), elle doit prévoir des indices de modification objectifs qui permettent de se faire une idée de l’élément déclencheur et de l’ampleur éventuelle de la modification. Ces indices doivent être aisément accessibles et relativement concevables en termes de circonstances. […]

 

2226. L’exercice de la clause de modification unilatérale et les impératifs de la bonne foi. Enfin, advenant même que la clause de modification unilatérale soit suffisamment informatrice quant à l’éventualité et quant à la portée des changements, qu’elle ne soit pas en soi porteuse d’abus ou de déséquilibre excessif, tout n’est pas dit pour autant : sa mise en œuvre doit s’effectuer conformément aux exigences de la bonne foi. Cette nécessité, rappelons-le, vise tous les contrats, et pas seulement ceux qui impliquent des adhérents ou des consommateurs.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[503]     De portée générale et d’application à tous les contrats, la jurisprudence a appliqué ces règles aux clauses de modification des contrats. Dans Banque de Montréal c. Bail Ltée, la Cour suprême s’est exprimée ainsi[528] :

 

[…] L'émission d'avenants, qui altèrent la substance du contrat, ne peut être considérée comme un simple incident d'exécution. Même si la plupart des contrats, dont celui en l'espèce, n'accordent aucune place à la volonté de l'entrepreneur lors de l'émission d'un avenant, l'entrepreneur conserve le droit de réclamer des sommes supplémentaires lorsque les modifications imposées par le propriétaire dépassent un certain seuil. Comme le dit Rousseau-Houle, op. cit., à la p. 253:

 

Le pouvoir de modification unilatérale n'est toutefois pas absolu. [...L]e maître de l'ouvrage ne peut apporter que des modifications d'importance secondaire. Il ne peut imposer des modifications portant sur la substance même du contrat au point de lui donner en fait un objet différent de celui qui avait été envisagé dans la commune intention des parties.

 

L'émission d'avenants peut se situer à la frontière entre la formation et l'exécution des contrats. Comme de toute façon les modifications au contrat cessent de relever de la volonté unilatérale du maître d'ouvrage dès qu'elles transforment l'objet du contrat, l'entrepreneur doit au moins recevoir suffisamment d'informations pour jauger de l'importance des modifications demandées. […]

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

i) L’application jurisprudentielle des principes juridiques suivant l’ampleur de la modification effectuée

 

[504]     Compte tenu de ces règles d’application générale à tous les contrats, les tribunaux sont intervenus en vertu de leurs pouvoirs généraux lorsque le contractant a abusé de son droit de modification en imposant à son cocontractant des changements déraisonnables et qui ne sont pas d’ordre secondaire. Il y a lieu de considérer les faits particuliers de chaque espèce afin de déterminer à quel moment l’application d’une clause de modification s’avère abusive. Cependant, de manière générale, la jurisprudence a décidé à plusieurs reprises qu’une modification unilatérale de l’ordre de 15 % à 20 % peut ne pas être abusive. Compte tenu du rôle prépondérant de l’examen des faits en la matière, il s’agit à notre avis d’une ligne directrice plutôt que d’une règle de droit stricte. Au-delà de ces paramètres, et toujours selon l’application des circonstances propres et de la preuve particulière à l’espèce en question, la modification est susceptible d’être déclarée abusive, car elle rompt l’équilibre contractuel intervenu entre les parties. En effet, dépassant ces paramètres, les tribunaux, lorsque ceci est conforme à la preuve, considèrent que le changement unilatéral imposé dénature ou transforme le contrat, faisant fi du consentement contractuel accordé par le cocontractant. Cette règle s’applique tant aux contrats conclus de gré à gré qu’aux contrats d’adhésion. En outre, lorsque le contrat en jeu en est un d’adhésion, le législateur explicite en vertu de l’article 1437 C.c.Q. le devoir et le pouvoir du Tribunal d’intervenir pour empêcher et pour réparer l’abus. Cet article permet en plus au Tribunal de déclarer la clause nulle ou encore de réduire son effet.

 

[505]     Dans Laprairie (Ville de) c. Cetil inc., la Cour supérieure s’est exprimée ainsi[529] :

 

[50] De façon particulière, le Tribunal est d'avis que la réduction considérable des frais de contingence prévus au contrat modifie les risques économiques que le soumissionnaire a évalués au moment de la production de sa soumission.

 

[57] Lesage affirme que la décision de la Ville de retrancher 323 000 $ du budget des frais de contingence constituait une catastrophe puisqu'elle diminuait de beaucoup la capacité de gain de Cetil, d'autant plus que le projet initial était aussi amputé du budget relatif aux travaux d'ozonation.

 

[59] Dans les circonstances, la décision de la Ville d'omettre du contrat les travaux d'ozonation et de réduire les frais de contingence modifiait considérablement la capacité de gain du soumissionnaire, ce qui constitue, il va sans dire, une considération essentielle pour ce dernier.

 

[67] Au surplus, le Tribunal est d'avis que l'interprétation que fait la Ville des articles 10 et 11 des clauses précitées ferait de ces articles des clauses abusives, au sens de l'article 1437 du Code civil du Québec […]

 

[68] En effet, selon l'interprétation suggérée par la Ville, ces articles lui permettent de décider unilatéralement du contenu d'un contrat, à la suite d'un appel d'offres.

 

[69] Le soumissionnaire serait ainsi lié, dans le contexte d'un contrat d'adhésion, par la décision de la Ville de réduire de 10 %, 30 %, 60 %… l'importance du contrat, sans que l'entrepreneur puisse négocier quoi que ce soit à la suite de cette décision de la Ville.

 

[70] Le Tribunal est d'avis que de telles clauses désavantageraient le soumissionnaire (l'adhérent) d'une manière excessive et déraisonnable.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[506]     Confirmant ce jugement, la Cour d’appel s’est exprimée ainsi[530] :

 

[9] C'est avec raison, encore une fois, que le juge de première instance, après avoir analysé la preuve, a retenu que la décision de la Ville de réduire unilatéralement les frais de contingences avait eu un impact significatif sur les intérêts économiques de Cetil.

 

[10] En outre, contrairement à ce que prévoit la clause 10 déjà citée des clauses administratives générales qui la lient, en agissant de la sorte, la Ville n'a pas, en réalité, « omis un item du contrat ». Elle a plutôt réduit le pourcentage des frais de contingences pourtant précisément fixés à 10 % à la clause 17 des clauses administratives particulières qui la lient tout autant. Ce faisant, elle a recalculé, et réduit de son propre chef, le prix de cet item indiqué par Cetil à sa soumission. Rien ne permettait à la Ville d'agir ainsi sans d'abord obtenir l'accord de Cetil.

 

[507]     Dans Entreprises Nord Construction (1962) inc. c. St-Hubert (Corp ville de), la Cour d’appel s’est exprimée ainsi[531] :

 

« Bien sûr, des prix et des quantités approximatives supposent l'expression d'une valeur approchée qui ne peut être déterminée, par avance, avec exactitude. La variabilité est de l'essence même de l'approximation. Toutefois, en l'espèce, l'ampleur des travaux exécutés et la modification substantielle des types de travaux requis ont changé la nature du contrat au point d'en altérer la réalité et de rendre accessoire le contrat initial. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[508]     Dans Déneigement Fontaine Gadbois inc. c. Ville de Montréal (arrondissement Rivières-des-Prairies—Pointe-aux-Trembles), la Cour supérieure s’est exprimée ainsi[532] :

 

[74] Sous réserve de ce qui est prévu au devis, toute modification doit être accessoire au contrat et ne doit pas en altérer la réalité. En d’autres termes, il ne faut pas que les changements remettent en cause les choix et décisions de l’entrepreneur de façon à dénaturer les règles d’adjudication des contrats municipaux.

 

[75] Les tribunaux considèrent raisonnable une variation de l’ordre de 15 % d’une quantité évaluée de façon approximative dans un contrat qui, de cette façon, demeure accessoire et ne change pas la nature du contrat.

 

[76] En résumé, la Ville, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de modification, doit agir équitablement, de bonne foi, en respectant son devoir de renseignement et sans commettre de faute, ni abuser de ses droits à l’endroit de son cocontractant.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[509]     Dans Cie 99935 Canada ltée c. Grand Pré (Régie d'aqueduc), la Cour supérieure s’est exprimée ainsi[533] :

 

[33] Autrement, elle est d’accord avec la demanderesse, ordinairement, dans ce genre de devis les quantités de roc rencontrées auraient été près des quantités approximatives estimées, soit 1 530 mètres linéaires plus ou moins 15 %. Ceci donne une distance minimale de 1 300 mètres. Les 681 mètres calculés correspondent à 44 % des travaux prévus au contrat.

 

[34] L’entrepreneur qui répond à l’appel d’offres est en droit de s’attendre à l’exactitude des renseignements inscrits aux plans et devis. Déplacer de l’équipement, des matériaux et des hommes pour travailler sur 681 mètres linéaires n’implique pas le même coût que de faire le même travail sur 1 300 mètres.

 

[510]     Dans Constructions du St-Laurent inc. c. Québec (Ville de), la Cour supérieure s’est exprimée ainsi[534] :

 

« En outre, lorsqu’on y lit que « l’entrepreneur s’engage à accepter toute modification quelconque », les parties ont voulu référer à celles déjà prévues aux conventions. Il n’était pas de leur intention de créer par cette disposition une clause « fourre-tout » permettant à la Ville de modifier un ou des contrats à sa guise. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[511]     Dans Visiroute inc. c. Québec (Procureur général), la Cour du Québec s’est exprimée ainsi[535] :

 

[114] Le Tribunal est d'avis qu'une variation raisonnable d'une quantité évaluée de façon approximative peut être de l'ordre de 15 %. Ce pourcentage de variation est souvent celui qui est mentionné dans des contrats de construction ou plans et devis qui ont été scrutés par les tribunaux dans le cadre de litiges impliquant des dépassements de coûts.

 

[115] La variation observée dans le cas de Visiroute qui est de 53 % - 28 550 par rapport à 60 000 - est beaucoup trop importante et représente à ce titre un non-accomplissement par le MTQ de son obligation quant à un élément essentiel du contrat qui était de procéder à l'achat d'un nombre « raisonnable » de balises.

 

[116] Ce manquement à son obligation constitue une faute contractuelle de la part du MTQ.

 

[117] De plus, le MTQ ne peut écarter sa responsabilité en plaidant l'imprévisibilité de la situation qui a prévalu de 2003 à 2005 puisque la réduction des dépenses allouées à l'achat de balises a été le fait d'un choix des autorités du MTQ en accomplissement d'une décision gouvernementale en matière de restrictions budgétaires. Il ne s'agit pas d'un cas de force majeure.

 

[…]

 

[121] La raisonnabilité de la variation d'une quantité prévue dans des documents de soumission a également été examinée par la Cour d'appel dans Entreprises P.E.B. ltée c. P.G. du Québec et Morin inc. c. P.G. du Québec. Dans les deux cas, il a été conclu qu'une variation trop grande des quantités prévues dans les documents en question constituait une condition manifestement différente de celles indiquées dans les documents.

 

[122] Pour toutes ces raisons, l'écart de 53 % observé à l'échéance du contrat concernant l'achat de balises flexibles de qualité de base par rapport à la quantité de 60 000 indiquée au contrat, constitue une inexécution partielle par le MTQ de son obligation d'acheteur et de client en vertu du contrat en question. Cette inexécution constitue une faute contractuelle engendrant la responsabilité civile du MTQ à l'endroit de Visiroute ainsi que l'obligation de réparer le préjudice subi en raison de cette faute, le tout en vertu de l'article 1458 C.c.Q.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[512]     La professeure T. Rousseau-Houle (plus tard juge à la Cour d’appel) dans l’ouvrage Les contrats de construction en droit public & privé écrit[536] :

 

« Le pouvoir de modification unilatérale n’est toutefois pas absolu. En droit privé, comme en droit administratif, le maître de l’ouvrage ne peut apporter que des modifications d’importance secondaire. Il ne peut imposer des modifications portant sur la substance même du contrat au point de lui donner en fait un objet différent de celui qui avait été envisagé dans la commune intention des parties. […] Les modifications permises au maître de l’ouvrage doivent donc se tenir dans les limites de l’opération prévue par le marché. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[513]     L’auteur G. Sarault dans l’ouvrage Les réclamations de l’entrepreneur en construction en droit québécois écrit[537] :

 

20. Il est aussi reconnu que le pouvoir du propriétaire, quel qu’il soit, ne saurait s’étendre à des changements ayant pour effet de bouleverser complètement l’économie du contrat. Prétendre le contraire équivaudrait en effet à accepter qu’une partie au contrat ait le droit d’en dénaturer l’objet en cours de route, ce qui serait tout à fait contraire à l’économie de notre droit civil.

 

139 - En pratique, les marchés à prix unitaire conclus pour des grands projets de génie civil contiennent généralement une clause prévoyant la renégociation des prix unitaires advenant des variations de quantités dépassant un certain seuil par rapport aux quantités estimées au bordereau de soumission, lequel est habituellement établi à environ 15 % à la hausse comme à la baisse. En effet, il est généralement reconnu que les variations de quantités qui dépassent ce pourcentage ont pour effet de dénaturer les prix unitaires estimés par l’entrepreneur par rapport à ce qu’il était raisonnable d’anticiper sur la base des quantités estimées aux documents d’appel d’offres.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[514]     L’auteur P. Giroux dans l’ouvrage Contrats des organismes publics québécois, écrit[538] :

 

« En effet, des clauses de modifications unilatérales vagues et indéterminées sont incompatibles avec le principe du consentement éclairé des parties tel que l’énonce l’article 1439 C.c.Q. »

 

« L’Administration ne pourra toutefois imposer des modifications si importantes qu’elles auraient pour effet de changer la nature même du contrat original sur lequel les parties se sont entendues. »

 

« Enfin, la modification ne doit pas changer de façon considérable l’économie du marché ni ses conditions substantielles. »

 

« Lorsque la modification constitue une clause abusive dans le cadre d’un contrat d’adhésion, le Tribunal pourra réduire les obligations du cocontractant. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

ii) Conclusion quant à l’utilisation abusive de la clause de modification

 

[515]     Les refontes contractuelles imposées par le CHUM à BPYA et à BPTH ont eu pour effet d’éliminer 71 % du mandat de BPYA et 66 % du mandat de BPTH aux termes des conventions de services initiales. Ces modifications et ces refontes contractuelles ont eu pour effet de rompre complètement l’équilibre contractuel et de dénaturer les mandats d’origine explicités dans les conventions de services initiales. Les conventions de services amendées constituent des contrats transformés, éliminant les mandats pour la conception générale du projet, la préparation des plans et devis préliminaires et pour le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux. Ces mandats éliminés constituaient le cœur et la majorité des prestations prévues aux contrats par BPYA et BPTH. Selon la formulation même du CHUM, ces mandats constituaient et formaient partie des « facteurs essentiels et l’essence même[539] » des contrats. La transformation des conventions de services a modifié en profondeur le rôle et la charge des professionnels engagés. BPYA et BPTH n’étaient plus, en fait ou en droit, les « équipes maîtres » professionnelles du projet du Nouveau CHUM. Tel que le révèle les instructions du CHUM du 9 avril 2009[540], ce rôle a été transformé en celui de professionnels accompagnateurs ou de soutien aux équipes de professionnels internes du CHUM. Or, selon les arguments du CHUM, après que BPYA et BPTH ont soumissionné et que leurs soumissions ont été acceptées, c’était un point de non-retour pour les consortiums. Après ce moment, le CHUM pouvait, sans limite, imposer des changements et des réductions des mandats convenus. M. Gignac a notamment déclaré[541] :

 

« Comme je vous ai expliqué hier, c’était clair, dans les documents d’appel d’offres, transparent, si vous embarquiez, vous [ne] débarquiez plus. »

 

[516]     Or, lorsque BPYA et BPTH ont répondu à l’appel de candidatures et ont été retenus par le CHUM, un contrat s’est formé sur la base des documents d’appel, soit les conventions de services initiales. Le CHUM ne pouvait pas ensuite imposer à BPYA et à BPTH de signer des contrats radicalement différents en enlevant entre 66 % et 71 % des mandats préalablement confiés tout en maintenant les clauses favorables au CHUM (taux horaire réglementaire, clause d’exclusivité, assignation exclusive du personnel sénior, etc.). Ces changements avaient pour effet de rompre l’équilibre au sein des contrats intervenus entre les parties.


 

[517]     Tant en vertu des principes contractuels généraux de droit civil québécois qu’en vertu de l’article 1437 C.c.Q. concernant les contrats d’adhésion, le Tribunal est d’avis que les modifications effectuées sont abusives et désavantagent BPYA et BPTH de manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre de ce qu’exige la bonne foi. L’application démesurée et déraisonnable de la clause de modification était abusive et tellement éloignée des obligations essentielles prévues aux conventions de services initiales, de même que des obligations découlant des règles gouvernant habituellement ces types de contrats, qu’elle a dénaturé les conventions de services initiales.

 

[518]     BPYA et BPTH demandent au Tribunal dans les circonstances, de déclarer nulle et non avenue la clause de modification : faute de critères ou de balises permettant de réglementer son application, elle ne serait pas valable en droit. Le Tribunal préfère s’en tenir aux principes décidés en vertu de la jurisprudence en droit contractuel général de droit civil et en vertu de l’article 1437 C.c.Q. selon laquelle le Tribunal est chargé d’empêcher l’application abusive et déraisonnable d’une clause, mais permet son application raisonnable et ramène son effet à celui d’une application légale, soit une application prévisible, équilibrée et conforme aux usages contractuels dans le domaine.

 

[519]     Le Tribunal conclut dans les circonstances que les retraits des mandats jusqu’à concurrence de 20 % ont fait l’objet de modifications valables en vertu de la clause de modification. Il s’agit d’une réduction considérée comme légale et loyale par le Tribunal dans les circonstances. Par ailleurs, BPYA et BPTH reconnaissent qu’une réduction de cet ordre est autorisée par la jurisprudence pertinente.

 

[520]     Compte tenu des circonstances propres et particulières des présents dossiers, notamment la teneur des textes contractuels de même que les attentes légitimes des parties, il y aura lieu d’examiner si certaines autres modifications et réductions supplémentaires des mandats de BPYA et de BPTH s’avèrent valables. Le Tribunal statuera à cet égard lors de l’évaluation des dommages[542].

 

[521]     Conformément aux autorités déjà citées, la notion de bonne foi prévue notamment aux articles 6, 7, 1375 et 1437 C.c.Q. ne se limite pas à l’intention malicieuse et à la connaissance subjective de l’illégalité des actes du contractant fautif. Elle comprend également la conduite jugée déraisonnable, excessive et abusive dans les circonstances. La Cour d’appel a même précisé dans l’arrêt Hydro-Québec c. Construction Kiewit Cie[543] qu’« une personne peut être de bonne foi (au sens subjectif), c'est-à-dire ne pas agir de façon malicieuse ou agir dans l'ignorance de certains faits, et aller tout de même à l'encontre des exigences de la bonne foi, soit en violant des normes de comportement objectives et généralement admises dans la société ». En l’espèce, nous concluons à l’exercice abusif, déraisonnable et excessif du CHUM lors de l’imposition des refontes unilatérales des conventions de services initiales en vertu de la clause de modification. Ainsi, nous concluons à l’absence de bonne foi « objective » du CHUM.

 

[522]     La jurisprudence a parfois qualifié une telle conclusion de fait quant à l’absence d’une bonne foi objective de « mauvaise foi institutionnelle ». Dans l’arrêt Hydro-Québec c. Construction Kiewit Cie, la Cour d’appel s’est exprimée ainsi :

 

[56] C'est bien ce sens de la bonne foi, qui se rapporte aux normes de comportement objectives, qui constitue le fondement du raisonnement du juge. Dans ses motifs, le juge est formel : il taxe Hydro-Québec de « déraisonnabilité » et, ainsi, de « mauvaise foi institutionnelle » parce que, à son avis, en tant que partie contractante elle n'a pas agi selon les exigences de la bonne foi mesurée objectivement. La conclusion du juge sur ce point s'appuie directement sur la règle énoncée par l'article 7 C.c.Q. […]

 

[523]     Pour les mêmes raisons, en ce qui a trait à l’application abusive de la clause de modification, le Tribunal conclut que le CHUM a fait preuve de mauvaise foi institutionnelle dans les présents dossiers.

 

[524]     Ainsi, en ce qui a trait à la question d’abus de droit de la clause de modification, il n’est pas nécessaire pour le Tribunal d’aller plus loin quant à la détermination de la présence ou non de la mauvaise foi de la part du CHUM dans l’exercice de ce droit. Cependant, nous verrons que la question de la présence ou non de la mauvaise foi de la part du CHUM doit être de nouveau examinée quant au moyen subsidiaire de BPYA et de BPTH concernant les violations alléguées de la part du CHUM des obligations de renseignement et de collaboration dues envers BPYA et BPTH.

 

(c) Violations par le CHUM des obligations de renseignement et de collaboration envers BPYA et BPTH

 

i) Les principes juridiques

 

[525]     À titre subsidiaire, BPYA et BPTH allèguent que le CHUM a violé les obligations de renseignement et de collaboration qu’il avait à leur égard en vertu des conventions de services.

 

(1) Obligation de renseignement : les principes

 

[526]     Dans l’arrêt Banque de Montréal c. Bail Ltée[544], la Cour suprême a décidé qu’en droit civil québécois un contractant est obligé, en certaines circonstances, de prendre l’initiative et de déclarer à son cocontractant, à la fois au moment de la formation du contrat et en cours de sa réalisation, des informations pertinentes et déterminantes à son cocontractant. L’omission par le contractant de le faire constitue une faute et engage sa responsabilité civile. Elle peut également justifier l’application d’une fin de non-recevoir au moyen de défense soutenu par le contractant fautif.


 

[527]     Par la voix du juge Gonthier, la Cour suprême s’est exprimée ainsi :

 

« Je crois qu'il est possible d'esquisser une théorie globale de l'obligation de renseignement, qui reposerait sur l'obligation de bonne foi dans le domaine contractuel, mentionnée plus haut :

 

Finalement, celle des parties qui connaissait, ou qui devait connaître, en raison spécialement de sa qualification professionnelle, un fait, dont elle savait l'importance déterminante pour l'autre contractant, est tenue d'en informer celui-ci, dès l'instant qu'il était dans l'impossibilité de se renseigner lui-même, ou qu'il pouvait légitimement faire confiance à son cocontractant, en raison de la nature du contrat, de la qualité des parties, ou des informations inexactes que ce dernier lui avait fournies.

 

[…] je suis d'avis que Ghestin expose correctement la nature et les paramètres de l'obligation de renseignement.  Il en fait ressortir les éléments principaux, soit:

 

    —la connaissance, réelle ou présumée, de l'information par la partie       débitrice de l'obligation de renseignement;

 

    —la nature déterminante de l'information en question;

 

    —l'impossibilité du créancier de l'obligation de se renseigner soi-même,       ou la confiance légitime du créancier envers le débiteur.

 

À mon avis, ces éléments se retrouvent dans toutes les instances de l'obligation de renseignement.

 

[…]

 

L'apparition de l'obligation de renseignement est reliée à un certain rééquilibrage au sein du droit civil. Alors qu'auparavant il était de mise de laisser le soin à chacun de se renseigner et de s'informer avant d'agir, le droit civil est maintenant plus attentif aux inégalités informationnelles, et il impose une obligation positive de renseignement dans les cas où une partie se retrouve dans une position informationnelle vulnérable, d'où des dommages pourraient s'ensuivre. L'obligation de renseignement et le devoir de ne pas donner de fausses informations peuvent être conçus comme les deux facettes d'une même médaille. Comme je l'ai mentionné dans Laferrière c. Lawson, précité, les actes et les omissions peuvent tout autant l'un que l'autre constituer une faute, et le droit civil ne les distingue pas à cet égard. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]


 

 

[528]     À propos de l’obligation de renseignement, les auteurs D. Lluelles et B. Moore (maintenant juge à la Cour d’appel) dans l’ouvrage Droit des obligations s’expriment ainsi :

 

« D’abord, le devoir de renseignement est assez aisé de réalisation, puisqu’il consiste simplement à transférer, en cours de contrat, une information importante pour l’autre contractant. Il s’agit sûrement d’une obligation de résultat.[545]

 

[…]

 

Ensuite, le devoir de renseignement vise, en principe, chaque contractant. Loin de peser sur les épaules du seul professionnel, le devoir de renseignement peut s’imposer au client, compte tenu de son accès aux éléments factuels que le cocontractant a tout intérêt à connaître.[546]

 

[…]

 

Maintenant bien implantée en droit québécois, l’obligation générale de renseignement s’impose normalement à chaque contractant, et doit être acquittée avec diligence.[547]

 

[…]

 

En d’autres termes, la pertinence de l’information pour l’utilité du contractant, le déficit informationnel chez ce dernier et le contrôle de l’information, par l’autre, définissent les paramètres de la charge du devoir d’informer. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[529]     J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin dans Les obligations écrivent que l’obligation de renseignement constitue une application particulière de l’obligation de collaboration (parfois appelée obligation de coopération) qui prend sa source dans l’obligation de bonne foi dans l’exécution des contrats[548] :

 

« L’application la plus connue de l’obligation de coopération est l’obligation de renseignement, qui sera examinée plus en profondeur ailleurs. »[549]

 

« Tantôt vues comme des obligations distinctes, tantôt comme découlant l’une de l’autre, la loyauté et la collaboration constituent toutes deux des applications du principe de bonne foi dans l’exécution des contrats. »[550]

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

(2) Obligation de collaboration : les principes

 

[530]     Quant à l’obligation de collaboration, dans Houle c. Banque Canadienne Nationale, la Cour suprême a énoncé que l’obligation de bonne foi requiert de tout contractant l’obligation d’exercer ses droits dans les « limites de la loyauté »[551].

 

[531]     À propos de l’obligation de collaboration, les auteurs D. Lluelles et B. Moore (maintenant juge à la Cour d’appel) s’expriment ainsi :

 

« […] Fondé sur l’indispensable confiance de chaque partie contractante envers l’autre, le devoir de loyauté exige de chacune qu’elle ne compromette pas l’existence ou l’équilibre de la relation contractuelle[552].

 

Ne pas adopter une conduite excessive ou déraisonnable

 

Cette troisième composante du devoir de loyauté revient à proscrire tout comportement excessif, dénotant un mépris total des intérêts du cocontractant, toute attitude qui « dégénère en abus d’un droit contractuel ». […] La Cour suprême avait, en effet, prescrit aux contractants l’obligation d’ « agir, dans l’exercice de leurs droits contractuels, à la manière prudente et diligente d’une personne raisonnable et dans les limites de la loyauté ». L’exercice d’un droit contractuel ne doit donc pas se faire de manière indûment préjudiciable pour le partenaire contractuel. Hormis l’hypothèse d’un droit purement discrétionnaire, la notion d’abus de droit n’implique pas - ou, du moins, n’implique plus - la volonté de nuire. Il suffit que le contractant en défaut exerce son droit de manière téméraire ou très peu soucieuse des intérêts du cocontractant. Cette obligation implicite d’agir raisonnablement condamne toute attitude déraisonnable, soit dans l’objet même du comportement, soit dans la méthode utilisée, soit dans son mobile. Elle défavorise tout comportement intransigeant, arbitraire, obstiné, voire capricieux, en dépit même des termes du contrat. Ses contours sont à géométrie variable. L’abus des droits contractuels est une composante du respect dû à la bonne foi, sans toutefois en être la composante exclusive[553].

 

Ne pas créer de fausses attentes

 

[…] Le devoir de loyauté impose, en effet, au contractant une certaine cohérence avec ses propres agissements, voire avec les espoirs créés par ses propos ou ceux de ses représentants, cohérence indispensable à la sécurité de toute relation contractuelle[554]. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[532]     Dans Hydro-Québec c. Construction Kiewit Cie, la Cour d’appel s’est exprimée ainsi[555] :

 

« [13] Le juge souligne que, à plusieurs reprises, Hydro-Québec a demandé à Kiewit d'effectuer des changements et de mettre en place des mesures d'accélération des travaux, sans tenir compte des coûts supplémentaires et des impacts engendrés. De son côté, Kiewit, de bonne foi, a continué son travail, croyant que les questions monétaires se régleraient plus tard comme l'indiquait Hydro-Québec. Ce faisant, Hydro-Québec n'a pas traité Kiewit comme un véritable partenaire et a profité de l'entrepreneur, manquant ainsi à son obligation de collaboration. De l'avis du juge, c'est la faute la plus importante d'Hydro-Québec et Kiewit doit être dédommagée. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

(3) Caractère continu, en cours de réalisation du contrat, des obligations de renseignement et de collaboration

 

[533]     L’obligation de renseignement est une obligation continue. Cette obligation se poursuit après la conclusion du contrat, en particulier pour des contrats dont la prestation du cocontractant est à exécution successive.

 

[534]     Dans Banque de Montréal c. Bail Ltée [556], la Cour suprême, par la voix du juge Gonthier, s’est exprimée clairement en ce sens :

 

« L'émission d'avenants peut se situer à la frontière entre la formation et l'exécution des contrats. Comme de toute façon les modifications au contrat cessent de relever de la volonté unilatérale du maître d'ouvrage dès qu'elles transforment l'objet du contrat, l'entrepreneur doit au moins recevoir suffisamment d'informations pour jauger de l'importance des modifications demandées. Un certain élément de l'obligation précontractuelle de renseignement est par conséquent toujours présent lors de l'émission d'avenants.


 

C'est pourquoi j'ai indiqué plus haut que la distinction entre les obligations précontractuelle et contractuelle de renseignement perdait de l'importance en l'espèce. L'obligation de renseignement conserve donc tout au long d'un contrat de grands travaux, à avenants multiples, les caractéristiques de l'obligation précontractuelle de renseignement. Ainsi un degré relativement élevé de divulgation est requis, car il faut plus ou moins constamment assurer la validité du consentement du débiteur de l'obligation de renseignement pendant que le projet initial évolue au gré des avenants.

 

En résumé, l'obligation de renseignement dans les contrats d'entreprise portant sur de grands chantiers est qualifiée par l'allocation des risques entre les parties, l'expertise relative des parties, ainsi que la formation continue du contrat, même en cours d'exécution. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[535]     Dans Régie d'assainissement des eaux du bassin de La Prairie c. Janin Construction (1983) ltée, la Cour d’appel s’est exprimée ainsi[557] :

 

« Les règles d'allocation des risques favorisent généralement le donneur d'ouvrage puisque l'entrepreneur assume habituellement les risques d'imprévision après avoir eu accès aux lieux et s'être déclaré satisfait des conditions relatives à l'obligation des travaux. Toutefois l'acceptation éclairée des risques par l'entrepreneur a comme corollaire immédiat l'obligation de l'autre partie de ne pas contribuer par son action ou son omission à dénaturer ce risque. […] La relation est des plus étroites entre le risque assumé par l'entrepreneur et l'obligation du maître de l'ouvrage de renseigner l'entrepreneur particulièrement lorsqu'il s'agit d'informations contenues dans un document d'appel d'offres.

 

Enfin, lorsqu'il s'agit de contrats où des modifications en cours d'exécution sont prévisibles, l'obligation de renseignement sera continue et conservera les caractéristiques d'une obligation précontractuelle de renseignement. L'entrepreneur devra alors recevoir suffisamment d'information pour jauger de l'importance des modifications. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

(4) Application de ces principes au contrat de service

 

[536]     Il est reconnu que les obligations de renseignement et de collaboration, dérivées de la règle de base de la bonne foi, s’appliquent à tous les contrats[558].

 

[537]     La doctrine et la jurisprudence reconnaissent en particulier que l’obligation de collaboration s’applique en matière de contrats de services[559].

 

[538]     De plus, les conventions de services prévoient spécifiquement l’obligation de collaboration de la part du CHUM envers BPYA et BPTH[560] :

 

« 7. OBLIGATIONS DU CHUM

 

Sous réserve des obligations de l’Équipe maître d’architecture, le CHUM s’engage à remplir les obligations suivantes :

 

[…]

 

c)    Fournir toute collaboration requise pour que l’Équipe maître d’architecture soit en mesure d’exécuter son mandat efficacement. »

 

[539]     Tel que souligné par la Cour suprême, la nature et la réalité du contrat d’entreprise ou de service obligent en particulier à la transparence envers le cocontractant. De manière générale, le contrat d’entreprise et le contrat de service sont régis par les mêmes dispositions législatives[561]. Dans son article « La responsabilité des professionnels »[562], l’auteur E. Dunberry écrit :

 

« À titre illustratif, rappelons que le service professionnel fourni exclusivement par l’ingénieur consiste à donner des consultations et des avis, à faire des mesurages, des tracés, à préparer des rapports, des calculs, études, dessins, plans ou cahiers des charges ou à inspecter ou surveiller des travaux pour le compte d’autrui lorsque ces actes se rapportent aux travaux expressément prévus à l’article 2 de la Loi sur les ingénieurs. Dès lors, on se trouve, du mois a priori, dans le cadre de la réalisation d’un ouvrage matériel ou intellectuel pour le compte d’un tiers, en l’occurrence le donneur d’ouvrage.

 

[…]

 

Doit-on distinguer le contrat de service du contrat d’entreprise en fonction du caractère intellectuel ou matériel de la prestation fournie par le professionnel? Cette distinction paraît aujourd’hui désuète puisque le Code civil du Québec n’y attache aucune conséquence particulière. D’ailleurs, un contrat peut être qualifié de contrat d’entreprise, que l’ouvrage soit matériel ou intellectuel, et, si la rédaction de l’article 2098 C.c.Q. n’est pas d’une limpidité absolue à cet égard, il ressort des commentaires du ministre de la Justice que l’intention du législateur était d’assurer l’application du contrat d’entreprise aux ouvrages intellectuels. En cela, le législateur fait écho à la jurisprudence comme en témoigne l’arrêt Percé c. Roy dans lequel la Cour d’appel reconnaissait que des contrats confiés à des ingénieurs-conseils pour la réalisation d’un ouvrage pouvaient être qualifiés de contrats d’entreprise de travail intellectuel :

 

En l’espèce, les relations contractuelles établies entre l’appelante et les intimés tenaient à la fois du contrat d’entreprise et du contrat de mandat. En effet, les études préliminaires et les plans et devis que les intimés s’engageaient à livrer constituaient un contrat d’entreprise de travail intellectuel. […] »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[540]     Le professeur J. Deslauriers dans l’ouvrage Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service écrit[563] :

 

« Les règles du contrat d’entreprise régissent non seulement la réalisation d’un ouvrage matériel, mais aussi celle d’un ouvrage d’ordre intellectuel, comme par exemple la rédaction d’un rapport ou d’un livre sur un sujet donné avec ou sans indication d’un plan spécifique pour la présentation et le développement des idées. Ce peut être aussi pour l’architecte, la conception et l’élaboration des plans et devis. »

 

(5) Fin de non-recevoir à l’utilisation abusive de la clause de modification par le CHUM comme sanction à la violation des obligations de renseignement et de collaboration

 

[541]     La violation des obligations de renseignement et de collaboration constitue une faute génératrice de responsabilité. Cependant, en plus de la sanction de dommages-intérêts, la jurisprudence souligne que le Tribunal peut sanctionner une inexécution de cette nature en opposant une fin de non-recevoir à l’exercice déraisonnable d’un droit, notamment l’utilisation d’une clause contractuelle. BPYA et BPTH soutiennent qu’il y a lieu en l’espèce que le Tribunal oppose une fin de non-recevoir à l’utilisation de la clause de modification comme sanction aux violations de ces obligations.


 

[542]     La jurisprudence[564] et la doctrine[565] reconnaissent que le Tribunal, constatant une violation des obligations de renseignement ou de collaboration d’une partie, peut opposer une fin de non-recevoir à l’exercice des droits de la partie en faute[566]. Dans Hôpital Maisonneuve-Rosemont c. Buesco Construction inc., la Cour d’appel s’est exprimée ainsi[567] :

 

[171] L’obligation de renseignement n’est autre chose que le prolongement de l’obligation d’agir de bonne foi, c’est-à-dire d’adopter en toute circonstance une conduite raisonnable dans le cadre de l’exécution du contrat. Elle vise à ne pas créer une situation inattendue équivalant à un piège dont la cause, si elle avait été connue en temps utile, aurait pu être évitée par le débiteur de l’obligation contractuelle. En somme, l’obligation de renseignement appréciée au diapason de l’obligation corrélative du devoir de s’informer ne vise qu’à maintenir un juste équilibre entre les prestataires des obligations prévues au contrat et peut, selon le cas, constituer un tempérament à la responsabilité générale de l’entrepreneur découlant de son obligation de résultat.

 

[543]     Dans Genexy Company Limited c. 9213-4519 Québec inc., la Cour supérieure s’est exprimée ainsi[568] :

 

[45] Genexy était seule à connaître le fait que les produits étaient non finis et qu’ils ne seraient pas disponibles pour le 15 novembre. Elle savait l’importance déterminante de la date de livraison, puisqu’elle l’avait écrit dans P-8 et P-6. De par son comportement, sa conduite et sa persistance à cacher l’information que des problèmes de fabrication retardaient la livraison, Genexy est irrecevable à réclamer quoi que ce soit, car elle n’a pas agi de bonne foi.

 

[544]     En outre, les tribunaux ont reconnu à maintes reprises que la fin de non-recevoir peut être opposée à un moyen de défense[569], notamment à l’exercice d’une clause[570].

 

[545]     Dans Syndic de Distribution Pri inc., la Cour d’appel s’est exprimée ainsi[571] :

 

[51] La fin de non-recevoir sanctionne le comportement déloyal ou non coopératif par le rejet de la demande autrement bien fondée en droit, ou du moyen de défense, formulé par l’auteur même du problème. Le comportement répréhensible n’a pas à être une faute au sens habituel du terme. Il n’a pas non plus à être nécessairement malicieux. L’évaluation du comportement répréhensible se fait en considération des principes de bonne foi et d’équité.

 

ii) Analyse des faits au regard des obligations de renseignement et de collaboration

 

[546]     Concernant les obligations de renseignement et de collaboration, la preuve démontre les éléments de preuve pertinents suivants.

 

[547]     Lors de la rédaction des documents d’appel de candidatures, le CHUM était parfaitement au courant de la teneur des différents modèles de contrats PPP, en particulier s’il y a lieu de confier aux professionnels de l’autorité publique les mandats pour la conception générale de l’ensemble du projet et pour la préparation et la production des plans et devis préliminaires.

 

[548]     En 2005, M. Villiard a fait une visite au Royaume-Uni, pour rencontrer notamment les cadres et gestionnaires impliqués dans la construction d’hôpitaux en mode PPP[572]. Il a, avec d’autres cadres du CHUM, reçu de la formation des experts en PPP de l’agence PPP de la Colombie-Britannique qui ont utilisé le mode de réalisation PPP pour la construction d’un hôpital à Abbotsford en Colombie-Britannique. Il a aussi rencontré les cadres responsables de la gestion de la construction en mode PPP de l’hôpital de Brampton en Ontario. M. Villiard est formel à ce sujet. Lui et son équipe avaient une bonne appréciation du modèle PPP :

 

« Donc on aura une bonne appréciation aussi du modèle. »[573]

 

[549]     Dans ce contexte, le CHUM a fait des choix et a décidé de confier aux équipes maîtres des mandats pour l’élaboration de la conception générale du projet, la préparation des plans préliminaires et le contrôle du coût, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux, et ce, lors de toutes les phases du projet. Le CHUM a alors adopté un modèle de PPP bien précis et a inséré ce choix de modèle dans les documents d’appel de candidatures pour les équipes maîtres. Ce choix de modèle était motivé par certains objectifs du CHUM. Ce dernier voulait s’assurer qu’il maintenait un contrôle prépondérant par rapport à la conception du Nouveau CHUM tout au long de la réalisation du projet. Ainsi, ses équipes maîtres d’architecture et d’ingénierie allaient d’abord, et de concert avec l’équipe interne des professionnels du CHUM, développer le concept architectural du Nouveau CHUM. Cette conception ne se limiterait pas à l’élaboration des idées ou des traits généraux. Leurs équipes maîtres allaient préparer et produire des plans et devis préliminaires. Le CHUM voulait faire la première conception du projet. Les équipes maîtres du CHUM devaient agir dans l’intérêt du CHUM, connaître ses préoccupations et recevoir ses instructions. Au moment opportun, les partenaires privés PPP en lice allaient savoir exactement à quoi s’en tenir et les attentes précises du CHUM. Pour changer le concept et les détails du projet, le partenaire proposant allait devoir démontrer la supériorité d’une conception proposée. Le DE était d’accord avec ce choix de modèle PPP et ses objectifs.

 

[550]     Ainsi, sans ambiguïté, les documents d’appel de candidatures octroient et confient ces mandats aux équipes maîtres. Les documents d’appel énoncent au moins 3 fois que les équipes maîtres seront chargées de l’élaboration de la conception générale du projet et de la production des plans et devis préliminaires pour le Nouveau CHUM, et ce, sans égard au mode de réalisation (PPP ou conventionnel) qui sera retenu :

 

·            « MANDAT DES PROFESSIONNELS POUR LE CHUM (ARCHITECTES ET INGÉNIEURS)[574]

 

Phase I

 

Les professionnels se verront confier le mandat de préparer le concept (1) et le dossier préliminaire (2) pour toutes les phases du projet.

 

[…]

 

·            MODES DE RÉALISATION[575]

 

[…]

 

Quel que soit le mode de réalisation choisi (conventionnel/forfaitaire ou PPP), les équipes maîtres d’architecture et de génie se verront confier le concept et la préparation du dossier et des plans et devis préliminaires pour toutes les phases composantes du projet.


 

·            Phase 2 : PLANIFICATION DU PROJET[576]

 

La présente phase a pour objectif :

 

ü de mettre à jour, de finaliser et de s’assurer de l’optimisation de la valeur du concept du projet selon les paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier convenus;

 

ü de produire des plans et devis préliminaires et tous les documents requis pour estimer les coûts.

 

·            CONCEPT[577]

 

Mettre à jour et finaliser le concept de l’ensemble du projet dans son secteur d’activité selon les paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier établis, en assurant la coordination et l’intégration de l’ensemble des données des spécialités connexes. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[551]     De même, les documents d’appel octroient et confient aux équipes maîtres, sans égard au mode de réalisation qui serait choisi, et ce, à au moins 4 reprises le mandat d’assurer, au cours de toutes les phases du projet, le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux :

 

·            « Le Budget convenu sera applicable quel que soit le mode de réalisation du projet, PPP ou conventionnel[578].

 

·              Quel que soit le mode de réalisation retenu (PPP ou conventionnel/forfaitaire), l’Équipe maître de gestion de projets et les équipes maîtres d’architecture et de génie (chacune pour leur spécialité) sont responsables de l’atteinte des quatre objectifs suivants :

 

- respect du programme fonctionnel et technique (PFT);

 

- qualité du produit;

 

- Budget convenu; et

 

- échéancier[579].


 

·            [Pour la planification du projet :]

 

de mettre à jour et finaliser le concept d’ensemble du projet de façon à rencontrer les paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier établis et convenus[580];

 

·            [Pour la réalisation du projet :]

 

d’assurer le suivi de la réalisation de l’ensemble du projet et sa conformité aux paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier établis[581];

d’assurer, dans son secteur d’activité, la surveillance de l’ensemble des travaux et leur conformité aux paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier établis[582]. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[552]     En outre, les conventions de services initiales confirment que le mandat conféré pour le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu « constituent des facteurs essentiels et l’essence même »[583] des contrats :

 

« La prestation des services de l’Équipe maître d’architecture pour le Projet est celle plus amplement décrite à la partie III de l’Annexe A intitulée : Mandat - Équipe maître d’architecture.

 

L’équipe maître d’architecture sera responsable et imputable du respect des quatre (4) objectifs suivants :

 

- le respect du programme fonctionnel et technique (PFT);

 

- le respect du contenu et de la qualité du produit;

 

- le respect du Budget convenu;

 

- le respect de l’échéancier.

 

Cette responsabilité constitue une obligation de résultat et les quatre objectifs constituent des facteurs essentiels et l’essence même du présent Contrat. »[584]

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[553]     Dans les refontes contractuelles imposées par le CHUM des conventions de services amendées, ces clauses ont été supprimées. Certaines ont été déclarées non applicables au projet réalisé en PPP, contrairement au texte d’origine; d’autres ont vu leur portée réduite de manière draconienne. Le rôle conféré à BPYA et à BPTH d’équipes maîtres a été transformé en un rôle de soutien professionnel sur appel de l’équipe interne du CHUM ou de l’équipe maître de gestion[585].

 

[554]     BPYA et BPTH se sont fiés à l’exactitude du contenu présenté aux documents d’appel. Ils ont décidé de déposer leurs offres de services en conséquence. Ce faisant, ils ont accepté de s’obliger aux limitations futures et contraignantes prévues dans les conventions de services, notamment :

 

·        de travailler à des taux horaires publics réglementaires malgré l’écart important entre ceux-ci et ceux du secteur privé;

 

·        de renoncer à agir, directement ou indirectement, pour tout partenaire privé éventuel, y compris ses sous-entrepreneurs, et ce, même si les conventions de services étaient résiliées; et

 

·        de maintenir en tout temps, et ce, pour la durée du projet, une équipe de professionnels seniors (« personnel-clé ») dédiée exclusivement au CHUM, sous peine de payer des pénalités au CHUM.

 

[555]     Malgré l’ampleur de ces exigences, compte tenu de l’envergure des mandats confirmés dans les documents d’appel, BPYA et BPTH ont décidé de soumettre des offres de services.

 

[556]     Avant même l’émission des documents d’appel (le 8 juin 2006) et lors de la rédaction de ceux-ci, M. Villiard, son équipe et le DE étaient au courant qu’il y avait des risques importants que les mandats annoncés dans les documents d’appel soient réduits et même éliminés. Malgré le choix de modèle effectué et incorporé dans les documents d’appel, le CHUM envisage de ne pas requérir des équipes maîtres qu’elles élaborent une conception générale du projet ni qu’elles préparent des plans et devis préliminaires pour réaliser le projet en mode PPP. À ce sujet, M. Villiard a témoigné hors Cour ainsi [586]:

 

 

Me GUY GILAIN :

Q.

O.K. Est-ce que votre compréhension - vous avez participé, c’est votre équipe qui a fait ces contrats-là - est-ce que votre compréhension est qu’au stade de la planification du projet, les plans et devis préliminaires devaient être préparés par BPYA et BPTH?

R.

Au stade de la planification?

Q.

Oui.

R.

Écoutez, ma réponse va être la suivante. Au stade de la planification, quand on donne le contrat, on sait qu’il y en a une partie que le gouvernement privilégie en PPP. Cette préférence-là en PPP demande principalement un devis de performance.

Et la question qui se pose à l’époque, quand on signe ce contrat-là, c’est : qu’est-ce que ça prend pour faire un bon devis de performance? Et certains présentent, c’est des esquisses.

D’autres... il y a différentes théories là-dessus. Certains disent que ça ne prend absolument pas de plans et devis préliminaires. Ça prend juste un devis de performance. Alors donc quand on l’écrit, on signe le contrat. Ce qu’on sait à l’époque, c’est qu’en PPP, ça va prendre un devis de performance.

La question c’est : il y a deux théories là-dessus. Est-ce qu’on doit faire des plans et devis préliminaires pour avoir un bon devis de performance ou ça ne nécessite pas ces plans et devis préliminaires?

Q.

O.K.

R.

Après ça je vous dis, le contrat il est là, mais je vous dis : à l’époque, compte tenu de la situation, il y a un grand questionnement.

 

[…]

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

[557]     Le CHUM n’informe pas les soumissionnaires, y compris BPYA et BPTH, de ces faits, discussions, doutes, en fait, de ce « grand questionnement » et, en réalité, du caractère aléatoire de ces mandats. Les documents d’appel (et plus tard les conventions de service initiales) confirment que les équipes maîtres auront les mandats pour l’élaboration de la conception générale du projet, pour la préparation des plans et devis préliminaires et pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux.

 

[558]     Pour résoudre ce « grand questionnement » les rédacteurs des documents d’appel, soit le CHUM, le DE, et dans une certaine mesure l’APPPQ ont mis en place et ont créé un processus formel d’examen et de révision de la question. Ce processus d’examen allait se prononcer plus tard, à un moment indéterminé. En effet, l’Entente-cadre de gouvernance entre le CHUM, le DE et l’APPPQ, signée par le CHUM et le DE le 31 mai 2006 et par l’APPPQ le 3 juin 2006 met en place un processus de révision du modèle PPP à employer. Le CHUM est d’accord pour donner une place importante à l’APPPQ dans la détermination de cette question. Le paragraphe 5 de l’Entente-cadre prévoit :

 

« L’APPPQ détermine le modèle optimal de PPP, du partage optimal des responsabilités et de l’allocation de risques entre les secteurs public et privé, en collaboration avec le CHUM et le D.E. »

 

[559]     Il est surprenant que le caractère aléatoire et instable de ces mandats ne soit pas communiqué de manière transparente aux équipes maîtres au moment de l’appel de candidatures ou même à un moment opportun par la suite. Dans l’interrogatoire hors Cour de M. Villiard, il admet n’avoir rien dit à BPYA, BPTH ou aux autres soumissionnaires au cours de la période des appels de candidatures. Il procède à signer les conventions de services neuf (9) mois plus tard, en 2007, sans le mentionner non plus.

 

 

Me GUY GILAIN :

Q.

O.K. Alors suite à votre réponse où vous m’expliquez que, selon vous, vous ne saviez pas au mode planification si ça allait être un devis de performance, un modèle de référence ou des plans et devis préliminaires, est-ce que vous avez expliqué ceci ou avisé par écrit de ceci les architectes et les ingénieurs? Est-ce qu’il y a eu un avis particulier à cet effet-là?[587]

R.

Les... de mémoire, à cette époque-là - on parle de deux mille sept (2007) - on signe le contrat...

 

Me PHILIPPE TREMBLAY :

 

Mars deux mille sept (2007).

R.

Mars deux mille sept (2007).

 

[…]

 

Me PHILIPPE TREMBLAY[588] :

 

C’est ça. Alors est-ce qu’il y a eu des échanges avec les professionnels sur cette question-là? Est-ce que c’est la question que vous posez, en deux mille six (2006)? Non.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[560]     De fait, rien ne leur a été révélé à cet égard. La problématique n’est soulevée par M. Villiard que lorsque le CHUM désire imposer à BPYA et à BPTH des refontes contractuelles des conventions de services intervenues en raison de la nouvelle décision d’éliminer les trois mandats majeurs discutés. Nous verrons que, même à ce moment, les vraies raisons ayant entraîné cette décision ne leur sont pas transmises.

 

[561]     Pour M. Lortie de l’APPPQ, le modèle de PPP qu’il privilégiait ne laissait pas de place pour la conception générale du projet et les plans préliminaires à l’autorité publique. Il préférait le modèle selon lequel les proposants privés élaborent la conception et préparent les plans et devis préliminaires. Selon ce modèle, il suffit que l’autorité publique fournisse les devis de performance (lignes de description) du projet à construire. Or, M. Lortie a été consulté et a approuvé les documents d’appel de candidatures. Cela relève de l’incohérence qu’il ait approuvé des conventions de services qui comprenaient des mandats et des responsabilités pour les équipes maîtres incompatibles avec le modèle PPP qu’il proposait. Il aurait été normal de faire un choix quant au modèle de PPP à utiliser pour le Nouveau CHUM avant de confirmer un modèle aux professionnels des équipes maîtres aux termes des documents d’appel. Cela n’a pas été fait. Si cela n’était pas possible en raison des délais, et notamment de la pression politique pour faire avancer le dossier, le CHUM aurait dû s’abstenir de présenter aux professionnels des mandats, en apparence certains, autorisés et confirmés selon un certain modèle PPP, qui étaient en réalité aléatoires, sous discussion et susceptibles d’être éliminés, à la connaissance du CHUM. L’existence de ce « grand questionnement » et le caractère aléatoire des mandats majeurs annoncés auraient dû être communiqués aux soumissionnaires, car ceux-ci avaient, de toute évidence vu leur ampleur, une influence capitale dans leurs décisions de soumettre une candidature. Or, plutôt que de transmettre cette information en toute transparence, les documents d’appel font le contraire.

 

[562]     Le CHUM aurait dû préciser que ces mandats étaient non définitifs, sous discussions et sujets à annulation. Il aurait été si facile de l’écrire. Si cela avait été fait, les présentes poursuites judiciaires n’auraient jamais été intentées.

 

[563]     Sans rien révéler aux soumissionnaires, un compromis unilatéral en vertu de l’Entente-cadre intervient entre le CHUM, le DE et l’APPPQ suivant lequel les discussions à propos du « grand questionnement » sur la question allaient suivre leur cours et être résolues, plus tard, à une date indéterminée.

 

[564]     Cette incohérence d’approche et cette absence de transparence envers BPYA et BPTH ont continué après la période de l’appel de candidatures. Dans le cadre de la préparation du DAI, un document de « cadre contractuel » pour le modèle PPP préconisé par l’APPPQ a été remis à RCGT pour faire l’analyse comparative du mode PPP et du mode conventionnel. Selon M. Lortie, ce cadre contractuel a fait l’objet de consultations et a été approuvé par le CHUM et par le DE[589]. Le document est remis à RCGT vers le 24 juillet 2006, soit une semaine après la date d’échéance des appels de candidatures. Le modèle du PPP prévu dans ce cadre contractuel ne comprend aucun mandat pour les professionnels de l’autorité publique d’élaborer la conception générale du projet ni de préparer les plans et devis préliminaires. De nouveau, rien n’est communiqué aux soumissionnaires pour les aviser que si le mode PPP est retenu, il est envisagé que les mandats prévus dans les documents d’appel pour élaborer la conception générale du projet et pour faire la préparation des plans et devis préliminaires soient éliminés.

 

[565]     Au cours du processus de l’analyse comparative menée par RCGT, les interactions entre RCGT, en particulier Nicolas Truchon, et le CHUM, en particulier M. Villiard, sont nombreuses. Plusieurs ateliers sont tenus pour évaluer tous les risques à envisager suivant les deux modes de réalisation. Il n’y a aucun doute que, pour le mode PPP, RCGT utilise le modèle PPP prévu au cadre contractuel émis qui exclut tout mandat des professionnels du CHUM pour l’élaboration de la conception générale du projet et pour la préparation des plans et devis préliminaires. Selon M. Truchon, M. Villiard est présent à 99 % des réunions d’analyse conduites par RCGT. Il n’y a donc aucun doute que le CHUM est au courant du fait que le modèle de PPP utilisé dans le DAI exclut ces mandats. En octobre 2006, le projet de DAI est d’abord envoyé au DE et à l’APPPQ[590]. À tout événement, le ou vers le 24 novembre 2006, la version finale est envoyée au CHUM, au DE et à l’APPPQ. M. Villiard confirme qu’il a également reçu une copie[591]. La définition du mode PPP, utilisée dans le DAI, ne laisse place à aucune ambiguïté quant au modèle de PPP utilisé pour les fins d’analyse. La définition du PPP dans le DAI exclut les mandats pour les équipes maîtres du CHUM quant à la conception générale de l’ensemble du projet et quant aux plans et devis préliminaires. Leur rôle serait limité à la préparation des devis de performance.

 

[566]     Le CHUM ne communique pas cette information aux soumissionnaires. Quatre jours plus tard, soit le 28 novembre 2006, le CHUM confirme à BPYA et à BPTH que leurs soumissions ont été retenues comme équipes maîtres.

 

[567]     En décembre 2006, le CHUM, le DE et l’APPPQ font une recommandation conjointe au Gouvernement de construire le Nouveau CHUM suivant le mode de réalisation PPP[592]. Il y a une autre incohérence. Malgré que le cadre contractuel du mode de PPP approuvé par le DE, à la base de l’analyse de RCGT, élimine les mandats des équipes maîtres pour la conception de l’ensemble du projet et pour la préparation des plans et devis préliminaires, malgré que le contenu du DAI confirme ce choix, que RCGT recommande de procéder en mode PPP avec un tel modèle PPP et malgré que le CHUM soit d’accord pour procéder sur la base du DAI reçu, le DE maintient dans sa recommandation que les équipes maîtres continueront d’avoir les mandats pour la conception, la préparation des plans et devis préliminaires, de même que le mandat du contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux[593]. Cette position est en contradiction avec le contenu du DAI à la base de la recommandation de procéder en mode PPP à la réalisation du CHUM.

 

[568]     Il est surprenant que, rendu à ce stade, le modèle de PPP à employer n’ait pas encore été décidé de manière définitive. Ainsi, conformément à l’article pertinent de l’Entente-cadre, les discussions entre le CHUM, le DE et l’APPPQ, afin de déterminer le modèle de PPP à utiliser, se poursuivent. Le « grand questionnement » n’est pas encore résolu.

 

[569]     Dans le cadre de ces discussions, M. Lortie n’a jamais changé d’idée. L’APPPQ continue de soutenir la position selon laquelle il y a lieu d’éliminer les mandats pour la conception et pour les plans préliminaires pour les équipes maîtres. La recommandation de l’APPPQ au Gouvernement d’utiliser le mode PPP pour la réalisation du projet est le rapport « DAI » de RCGT qui exclut ces mandats pour les équipes maîtres du CHUM[594].

 

[570]     En décembre 2006, lors de la recommandation conjointe de procéder en PPP, BPYA et BPTH ont été sélectionnés comme équipes maîtres. Les conventions de services ne sont pas encore signées (1er mars 2007) et elles ne sont pas encore mises en vigueur (11 juin 2007). Le CHUM ne révèle pas à BPYA et à BPTH que les mandats pour la conception générale du projet et pour la préparation des plans et devis préliminaires demeurent sous discussions et que le « grand questionnement » à ce sujet n’est pas résolu.

 

[571]     Selon la preuve, le Document d’analyse de l’APPPQ daté du 7 juin 2007 recommande l’élimination de ces mandats[595]. Ce document d’analyse n’est sûrement pas apparu du jour au lendemain. Il comprend 34 pages et 3 tableaux et se réfère à une analyse des approches adoptées « ailleurs au Canada, en Europe et en Australie » à la suite des « consultations avec des dirigeants de consortiums internationaux qui ont réalisé des projets de construction de grands hôpitaux en mode PPP. »[596] Il est manifestement le résultat de plusieurs mois de consultations, de recherche et d’analyse. Il nous paraît clair que l’APPPQ n’a pas entrepris cette analyse sans que cela ne lui ait été demandé. Le CHUM, le DE et M. Lortie, en vertu de la clause 5 de l’Entente-cadre, ont demandé à l’APPPQ d’entreprendre une étude et une analyse de la question et de faire des recommandations. Vu les approches différentes exprimées et l’absence de consensus, le CHUM ne pouvait pas ignorer que le « grand questionnement » n’était pas résolu. La lettre d’accompagnement du Document d’analyse déposé en preuve est datée du 20 juin 2007. Cette lettre de présentation à l’intention de M. Gignac confirme que le document d’analyse faisait déjà l’objet de discussions et de modifications préalables entre l’APPPQ et le DE :

 

« De plus, vous noterez que nous avons éliminé de ce document les segments avec lesquels vous éprouvez des difficultés ou qui pouvaient porter à confusion. »[597]

 

[572]     Ainsi, M. Gignac avait déjà pris connaissance d’une version antérieure de ce document. M. Gignac avait formulé et communiqué des commentaires mentionnés dans la lettre au sujet de cette version antérieure, ce qui a évidemment pris un certain temps. Dans son témoignage, M. Gignac a admis avoir « participé à certaines consultations avec eux [APPPQ] aussi »[598].

 

[573]     Lorsque M. Gignac a été interrogé à savoir pourquoi il n’a pas communiqué à BPYA et à BPTH les développements pouvant les affecter par rapport aux conclusions du DAI, il a répondu[599] :

 

« […] Ça fait que les fournisseurs, là, c’est pas la préoccupation. »

 

[574]     Selon la prépondérance de la preuve et suivant l’avis du Tribunal, M. Gignac a adopté la même attitude envers BPYA et BPTH par rapport aux autres points les affectant, notamment le caractère aléatoire et le retrait envisagé des mandats, pourtant confirmés par écrit, pour la préparation de la conception générale du projet, la préparation des plans et devis préliminaires et pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et de la conformité des travaux.

 

[575]     Selon le Tribunal, compte tenu de la preuve, il est clair que le DE et le CHUM sont au courant au mois de mai 2007 que le mandat accordé aux professionnels des équipes maîtres est appelé à être modifié. Dans une lettre du 29 mai 2007 au CHUM, le DE avise le CHUM que les appels de qualification de PPP seront bientôt publiés par le Gouvernement. Il avise également le CHUM qu’il y aurait lieu de préciser ultérieurement les limites du mandat des professionnels. M. Gignac écrit[600] :

 

« De plus, le gouvernement considère actuellement l’opportunité de publier, dans un avenir rapproché, les appels de qualification selon l’approche d’un partenariat public-privé (PPP) pour votre Centre hospitalier et votre Centre de recherche. Dans cette éventualité, les limites du mandat des professionnels vous seront précisées ultérieurement. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[576]     Le langage employé « les limites du mandat des professionnels vous seront précisées ultérieurement » confirme que M. Gignac est au courant que les mandats préalablement accordés aux équipes maîtres par les conventions de services sont sujets à modification et à réduction[601]. Autrement, M. Gignac aurait simplement écrit qu’il était sur le point de mettre les conventions de services en vigueur. En effet, les mandats précis des équipes maîtres, dans le cadre de la réalisation du projet en mode PPP, sont déjà énoncés dans les conventions de services. Il n’y avait pas lieu de les préciser davantage et surtout ultérieurement.

 

[577]     À la fin du mois de mai 2007, les conventions de services, signées le 1er mars 2007, ne sont pas encore en vigueur. Le 11 juin 2007, M. Gignac écrit à M. Villiard et aux responsables de BPYA et de BPTH pour leur annoncer que les conventions de services ont été « mise[s] en vigueur ». Il est à noter que cet envoi de M. Gignac à BPYA et à BPTH ne signale aucune réserve quant aux « limites à préciser ultérieurement » des mandats, contrairement à sa lettre précédente au CHUM du 29 mai 2007. Ainsi, même si M. Gignac et le CHUM sont au courant de la teneur des discussions en cours et des plans de réduction des mandats à venir, cette information n’est pas communiquée à BPYA et à BPTH avant de mettre en vigueur les conventions de services.

 

[578]     Le Document d’analyse de l’APPPQ daté du 11 juin 2007 confirme que le modèle de PPP prévu aux conventions de services initiales est tout à fait acceptable. Ce modèle présente même des avantages importants pour l’autorité publique de contrôler la conception et les coûts et pour assurer que les besoins spécifiques du CHUM soient respectés pour le projet à construire pour le Nouveau CHUM. À cet égard, le Document d’analyse mentionne[602] :

 

« Un A/P [Appel de propositions] qui est lancé lorsque les plans et devis préliminaires sont complétés (point C du Tableau 3), ce qui correspond à la « conception réalisée à 30 % », constitue la limite acceptable pour un projet PPP.

 

[…]

 

Les tenants de la réalisation du concept ou des plans et devis préliminaires par les professionnels retenus par les autorités publiques avant l’A/P [Appel de propositions] d’un projet réalisé en mode PPP se fondent principalement sur l’argument que cela procure au programme une plus grande certitude, des détails supplémentaires et un meilleur contrôle sur la conception que ce que permet une soumission basée sur les études préparatoires et un programme fonctionnel et technique, et ce faisant, une meilleure certitude au chapitre des coûts. Par conséquent, les autorités publiques devraient être en mesure de présenter une analyse plus précise des coûts à des fins d’approbation et de réduire les probabilités d’une hausse future des estimés de coûts. »

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

[579]     Le Document d’analyse énonce également qu’il y a une autre possibilité pour aider dans le contrôle des coûts qui a parfois eu du succès dans des projets PPP et qui était appréciée par certains partenaires privés. Il s’agit du concept du « critère d’abordabilité ». Selon cette formule, l’autorité publique annonce d’avance un prix maximal acceptable. Le désavantage est qu’il n’y a plus de compétition entre les proposants pour faire baisser le prix. Le Document d’analyse mentionne cependant qu’il y a des désavantages à changer le type de modèle de PPP[603] :

 

« Une mise en garde s’impose. La discussion qui précède et les conclusions qui s’ensuivent reposent sur l’hypothèse selon laquelle il y a au moins deux consortiums concurrents pour chaque projet PPP. Si tel n’est pas le cas, la disponibilité d’un concept de référence pour évaluer le caractère concurrentiel d’une seule offre acquiert une importance certaine. »

 

[Le Tribunal a mis le texte en gras.]

 

[580]     Quant à la pertinence de cette mise en garde, nous y reviendrons.

 

[581]     Les événements subséquents immédiats confirment que l’élimination des mandats pour l’élaboration de la conception de l’ensemble du projet, pour les plans et devis préliminaires et pour le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux était déjà envisagée par le CHUM et le DE avant la réception du Document d’analyse révisé du 7 juin 2020. En effet, sans période de réflexion, d’hésitation ou de pondération, dès juillet 2007, soit à peine dix (10) jours de la réception de la version finale du Document d’analyse, le DE et le CHUM se mettent à la rédaction des refontes des conventions de services supprimant ces mandats confiés à BPYA et à BPTH[604].

 

[582]     À ce stade, le CHUM fait preuve d’une mauvaise foi manifeste envers BPYA et BPTH. Le CHUM présente à BPYA et à BPTH que l’élimination des mandats pour la conception générale du projet, pour la production des plans et devis préliminaires et pour assurer le contrôle des coûts constitue simplement une suite logique inéluctable de la décision du Gouvernement de réaliser le Nouveau CHUM en mode PPP. Dans les notes de la rencontre convoquée le 9 octobre 2007 pour présenter aux équipes maîtres l’élimination de ces mandats, le CHUM écrit[605] :

 

« La réunion convoquée ce matin a pour but d’échanger sur les implications des contrats des professionnels, étant donné la décision de procéder maintenant à des appels de propositions en mode PPP. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[583]     La justification offerte par le CHUM pour expliquer l’élimination de ces mandats est que le mode de réalisation choisi est celui du PPP. Le CHUM n’explique pas qu’il a été décidé de changer le modèle de PPP à utiliser pour réaliser le projet. L’explication fournie à BPYA et à BPTH est plutôt que l’élimination de la partie majeure de leurs mandats découle du choix de procéder en mode PPP. Or, cela est faux. Le CHUM ne pouvait ignorer la fausseté de ce motif fourni.

 

[584]     Au préambule du projet d’amendement à la convention de services de BPYA, le texte proposé par le CHUM prévoit[606] :

 

« ATTENDU QUE le 13 juin 2007 (419-2007, le gouvernement du Québec édictait que certaines composantes du CHUM seraient réalisées en mode de partenariat public-privé à savoir : Le centre de recherche CRCHUM et l’hôpital CHUM, le stationnement ainsi que la centrale thermique;

 

ATTENDU QUE le CHUM a été dûment autorisé à confier à émettre un appel de qualification concernant les composantes qui seront réalisées en partenariat public-privé;

 

ATTENDU QUE ces décisions ont pour effet de changer le mandat original confié aux différentes équipes maîtres en Génie, en Architecture et en Gestion de projet; »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]


 

[585]     Dans des lettres datées du 17 octobre 2007, le CHUM écrit à BPYA et à BPTH[607] :

 

« Partant du principe que le virage du projet vers un mode de réalisation en PPP a été confirmé par le gouvernement et que ceci nécessite certains changements à votre mandat, nous devons travailler en étroite collaboration afin de préciser les changements et les responsabilités qui en découlent. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[586]     Pour BPYA et BPTH, c’est la surprise et l’incompréhension devant la nouvelle prise de position du CHUM. Les conventions de services initiales en vigueur prévoient explicitement, et ce, à plusieurs reprises, que les mandats que le CHUM désire révoquer sont conférés aux équipes maîtres si le mode de réalisation PPP est choisi. BPYA et BPTH sont au courant que le modèle de PPP incorporé aux conventions de services initiales est suivi au Royaume-Uni pour de nombreux projets, et ce, à la satisfaction de toutes les parties concernées. BPYA et BPTH écrivent au CHUM à cet égard. De même, BPYA et BPTH expliquent, dès ce moment, que leurs soumissions aux appels de candidatures étaient basées sur l’existence de ces mandats, qui constituent le « cœur » des conventions de services.

 

[587]     Le CHUM ne change pas d’idée et procède à imposer unilatéralement à BPYA et à BPTH des refontes contractuelles des conventions de services initiales en supprimant les mandats pour l’élaboration de la conception générale du projet, la production des plans et devis préliminaires et le mandat, lors de toutes les phases du projet, pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux.

 

[588]     Tout au long des procédures, le CHUM a insisté que la révocation de ces mandats découlait du choix de réaliser le projet en mode PPP et que BPYA et BPTH devaient prévenir et anticiper ce choix, car le Gouvernement avait annoncé sa préférence à cet égard avant le lancement des appels de candidatures. Or, avec égards, cela n’est conforme ni aux faits, ni à la preuve. Cette prétention présente un portrait factuel inexact et trompeur de la raison derrière la révocation par le CHUM des mandats concernés. Ces révocations découlaient du choix du CHUM (et du DE) de changer le modèle et les modalités du PPP à utiliser et de se rallier à la position exprimée par l’APPPQ depuis le début, notamment lors de la rédaction des documents d’appel. Cela est confirmé par la teneur du document de cadre contractuel remis à RCGT en juillet 2006. Le « grand questionnement », mentionné par M. Villiard, lors de la rédaction des documents d’appel et non résolu à ce moment qui a été remis pour décision subséquente, a fait enfin l’objet d’une décision définitive et unanime du CHUM, du DE et de l’APPPQ. Cette décision ne découle pas de la sélection du mode de réalisation en PPP. Rien ne s’opposait dans les faits à ce que les mandats des équipes maîtres pour élaborer la conception générale du projet, pour préparer des plans et devis préliminaires et pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux soient maintenus dans le cadre du modèle PPP initialement annoncé par le CHUM aux termes des documents d’appel et des conventions de services initiales intervenues. Cela est effectivement confirmé dans le Document d’analyse de l’APPPQ du 7 juin 2007[608].

 

[589]     Lors de l’instruction, lorsque M. Gignac a été confronté avec le fait que les conventions de services initiales prévoient explicitement ces mandats dans le cadre de la réalisation du projet en mode PPP, il a attribué cette contradiction à une question d’« inexpérience » de la part du CHUM et du DE[609]. Le CHUM n’a pas révélé à BPYA et à BPTH que la révocation des mandats résultait de la décision de changer le type et les modalités du modèle de PPP incorporé à l’origine dans les documents d’appel et dans les conventions de services initiales[610]. Cette absence de franchise et cette dissimulation du CHUM étaient de mauvaise foi. Cela constitue à notre avis une autre violation par le CHUM de son obligation de renseignement envers BPYA et BPTH.

 

[590]     En réalité, le CHUM était parfaitement au courant, lors de l’élaboration des documents d’appel, qu’un des modèles de PPP utilisé dans le marché excluait tout rôle des professionnels de l’autorité publique dans l’élaboration de la conception générale du projet et dans la préparation des plans et devis préliminaires. Dans son interrogatoire hors Cour, M. Villiard l’a clairement reconnu[611] :

 

Q.

… Au niveau de la conception par vos équipes de professionnels, par BPYA et BPTH, est-ce que vous saviez ce que ça allait impliquer?

R.

Les premiers… Bien c’est parce que là vous tombez dans la théorie des PPP, puis je veux bien vous en parler, là, mais les premiers PPP donnés en Angleterre, de mémoire, c’est simple, c’est un PFT puis un devis de performance.

Q.

O.K.

R.

Il n’y a pas d’autre chose. Vous avez un devis de performance, vous avez un programme fonctionnel et technique. Vous donnez ça à votre partenaire, puis l’expression qu’ils utilisaient à l’époque c’est : « less is better ». Donnez-moi-en moins parce que le secteur privé va innover et va m’amener des innovations dans le PPP. Alors donc c’est la position des premiers PPP anglais.

Q.

O.K.

R.

Ils vont évoluer.

Q.

Est-ce que c’est ça que vous aviez, c’est ça que vous aviez comme information avant la rédaction des documents contractuels, que « less is best ».

 

Me PHILIPPE TREMBLAY :

 

En juin deux mille six (2006)?

 

Me GUY GILAIN :

Q.

Oui. En juin deux mille six (2006), quand vous avez rédigé ou que votre équipe a rédigé les documents contractuels, est-ce que pour vous c’était… c’en était un PPP? C’était un devis de performance? Point.

R.

C’était un devis de performance, un PFT. Mais à mon opinion, là, il fallait quand même avoir quelques esquisses dans le… Mais je vous rappelle que c’est parce que là on concentre juste sur les PPP. Je vais donner la même réponse que ce matin, là. Dans mon mandat à moi, j’ai pas juste ça à faire.

 

[Le Tribunal a souligné une partie du texte.]

 

[591]     Ainsi, tout en ayant une parfaite connaissance du modèle de PPP qui exclut les mandats de la conception générale du projet et la préparation des plans et devis préliminaires pour les professionnels engagés par l’autorité publique, le CHUM (et ses partenaires pour la rédaction des documents d’appel) l’a clairement rejeté dans la rédaction (et les choix effectués) des documents d’appel émis et dans les conventions de services intervenues. Le CHUM l’a clairement rejeté au profit du modèle, également totalement acceptable et conforme aux règles de l’art en matière de PPP, conformément au Document d’analyse de l’APPPQ du 7 juin 2007, qui procure à l’autorité publique des avantages considérables à l’égard du contrôle de la conception et du contrôle des coûts.

 

[592]     Le CHUM a donc décidé de revenir sur sa décision et sur ses engagements énoncés dans les documents d’appel émis pour sélectionner des équipes maîtres. Après que les contrats soient intervenus avec BPYA et BPTH, le CHUM a changé d’idée, a modifié son choix et a changé le modèle de PPP incorporé dans les conventions de services initiales.

 

[593]     Tel que mentionné, les obligations de renseignement et de collaboration sont des obligations qui demeurent valables et contraignantes en cours de réalisation d’un contrat, surtout un contrat à exécution successive, comme un contrat de service. L’article 1375 C.c.Q. prévoit :

 

1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[594]     BPYA et BPTH étaient des professionnels engagés par le CHUM pour représenter ses intérêts dans la réalisation du projet du Nouveau CHUM. Le CHUM était tenu d’agir envers eux avec loyauté, honnêteté et transparence - la bonne foi - au moment de l’émission des documents d’appel, avant l’entrée en vigueur des conventions de services, au moment de leur entrée en vigueur et lors de leur exécution. Le CHUM était tenu d’informer BPYA et BPTH du caractère aléatoire et non confirmé de ces mandats lors de l’émission des documents d’appel, lors de la signature des conventions de services et lors de leur mise en vigueur. Le CHUM était également obligé de donner à BPYA et à BPTH l’heure juste et la raison de sa décision de révoquer les mandats préalablement conférés.

 

[595]     Le CHUM a également décidé d’éliminer le mandat confié à BPYA et à BPTH pour assurer le contrôle du coût, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux en optant pour une formule nouvelle qui circulait dans le marché des PPP, soit le critère d’abordabilité. Aucune considération n’a été accordée au fait que ces mandats ont été préalablement confirmés à BPYA et à BPTH comme constituant des « facteurs essentiels et l’essence même » des conventions de services. Le CHUM devait à ce sujet la transparence à ses partenaires d’affaires.

 

iii) Conclusion quant au respect par le CHUM de ses obligations de renseignement et de collaboration envers BPYA et BPTH compte tenu de la preuve

 

[596]     Le Tribunal conclut que le CHUM a violé à plusieurs reprises ses obligations de renseignement et de collaboration envers BPYA et BPTH.

 

[597]     Le CHUM était au courant, lors de l’émission des documents d’appel, qu’il y avait un débat actif, une discussion et un « grand questionnement » à savoir si les mandats, présentés et annoncés dans les documents d’appel, allaient être maintenus. M. Villiard a expliqué qu’il était au fait de différents modèles de PPP sur le marché, à savoir ceux où les professionnels de l’autorité publique n’avaient ni le mandat pour l’élaboration de la conception générale du projet ni celui pour la préparation de plans et devis préliminaires.

 

[598]     Le 29 mai 2006, soit au moins une semaine avant le lancement des appels de candidatures, le CHUM signe l’Entente-cadre entre le CHUM, le DE et l’APPPQ dans laquelle cette question est soumise à un processus d’évaluation et de discussion pour décision future. Il est donc prévu qu’il y aura discussion active de la question après le lancement des appels de candidatures.

 

[599]     Selon la preuve, pour Pierre Lortie, membre du Comité aviseur du DE, et rapidement par la suite représentant de l’APPPQ responsable du dossier, la position à prendre est claire : il ne faut pas confier la conception générale du projet et la préparation des plans et devis aux équipes maîtres. Ce « grand questionnement » actif et le caractère aléatoire de ces mandats ne sont pas communiqués aux soumissionnaires des appels de candidatures pour sélectionner les équipes maîtres. Or, il s’agissait d’informations déterminantes pour celles-ci, surtout dans un contexte où le Gouvernement avait déjà annoncé son intention de privilégier pour le projet l’utilisation du mode de réalisation PPP.

 

[600]     Si les mandats pour l’élaboration de la conception générale du projet et la préparation des plans et devis étaient retirés des documents d’appel, ce n’était pas du tout la même demande pour des services professionnels. Ces mandats constituaient des éléments fondamentaux, l’attrait principal, le cœur des conventions de services annoncées.

 

[601]     Non seulement le caractère incertain et aléatoire de ces mandats n’a pas été révélé aux équipes maîtres, mais le CHUM a fait pire. Il a présenté dans les documents d’appel (et plus tard dans les conventions de services), de manière trompeuse, selon toute lecture objective et raisonnable de ces documents, que les mandats pour la conception générale du projet, pour la préparation des plans et devis préliminaires et pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et de la conformité des travaux faisaient partie intégrante des services requis en vertu des conventions de services, que le mode de réalisation soit le mode PPP ou le mode conventionnel.

 

[602]     Ce n’était certes pas par l’ajout d’une phrase, en toute apparence de teneur normale suivant les usages dans la pratique professionnelle, autorisant une modification de mandat, de surcroît dans une clause spécifiant que tout changement en vertu de ladite clause ne pouvait constituer un changement d’ordre fondamental du contrat, que cette information déterminante a été communiquée à BPYA et à BPTH.

 

[603]     Dans les circonstances, les documents d’appel créaient pour tout soumissionnaire professionnel, même bien informé et avisé, de fausses attentes. À quatre (4) reprises, les documents d’appel (ainsi que les conventions de services subséquentes) explicitent que les mandats pour la conception générale du projet, pour la préparation des plans et devis préliminaires et pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et de la conformité des travaux sont confiés aux équipes maîtres sélectionnées, et ce, indépendamment du choix du mode de réalisation.

 

[604]     Le CHUM a pleinement participé aux travaux d’analyse du DAI. Il était au courant que cette discussion était encore active. Le modèle de PPP discuté et approuvé au « cadre contractuel », au centre de l’analyse du DAI du Nouveau CHUM, exclut la participation des équipes maîtres dans l’élaboration de la conception générale du projet et dans la préparation des plans et devis préliminaires. Le CHUM reçoit le DAI qui confirme que le modèle de PPP envisagé, et à la base de l’analyse, exclut les mandats pour la conception générale du projet et pour la préparation des plans et devis préliminaires par les équipes maîtres du CHUM. En violation de l’obligation continue en vertu des obligations de renseignement et de collaboration, le CHUM ne révèle pas cette information déterminante à BPYA et à BPTH.

 

[605]     Après la signature des conventions de services initiales (1er mars 2007), les discussions entre le CHUM, le DE et l’APPPQ quant à la révocation de ces mandats se poursuivaient. Tant que le « grand questionnement » n’a pas été tranché, le CHUM savait que le débat persistait et demeurait non résolu. Par ailleurs, le caractère encore actif de ces discussions est confirmé par le langage utilisé par M. Gignac dans sa lettre au CHUM du 29 mai 2007[612].

 

[606]     La position du CHUM a évolué au cours de l’instruction. Au début de l’instruction, le CHUM mettait l’emphase sur le moyen selon lequel les révocations de mandats découlaient de la décision du Gouvernement de procéder à la réalisation du Nouveau CHUM en mode PPP[613] et que, à la suite de cette décision, le CHUM n’a fait que suivre la recommandation émise par l’APPPQ au mois de juin 2007[614].

 

[607]     Or, avec respect, à la fin de l’instruction le CHUM a dû réviser et nuancer sa position pour admettre que le Document d’analyse de l’APPPQ découlait de « discussions et débats »[615] impliquant le CHUM, le DE et l’APPPQ et qui remontaient en fait bien avant la décision formelle du Gouvernement de procéder en mode PPP en juin 2007, et que le CHUM a changé sa décision initiale à ce sujet dont la teneur se trouve dans les documents d’appel et les conventions de services initiales.[616].

 

[608]     En effet, le CHUM a fini par admettre qu’il s’est ravisé et a changé son fusil d’épaule par rapport au type de modèle de PPP qu’il avait préalablement sélectionné selon la teneur des documents d’appel émis et des conventions de services intervenues pour réaliser le projet du Nouveau CHUM. De son propre gré, il a changé d’« approche »[617] de modèle de contrat PPP. Ce faisant, le CHUM a décidé de renier ses engagements envers BPYA et BPTH et de retirer les mandats qui leur étaient préalablement accordés aux termes de ces ententes.

 

[609]     Il est donc faux de prétendre que le Document d’analyse daté du 7 juin 2007 était le début d’une conversation entre le DE et le CHUM menant à la décision de retirer à BPYA et à BPTH les mandats pour l’élaboration de la conception générale du projet, pour la préparation des plans et devis préliminaires et pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux. Selon la preuve, ce document est plutôt l’aboutissement d’une discussion et d’une réflexion de longue date à laquelle participe activement le CHUM. Cette discussion fait partie du « grand questionnement » qui est actif, à la connaissance du CHUM, depuis même la rédaction des documents d’appel et avant leur émission.

 

[610]     Malgré la rédaction des refontes des conventions de services dès juillet 2007, l’information à propos des modifications fondamentales des conventions de services initiales n’est communiquée à BPYA et à BPTH que 3 ou 4 mois plus tard (en septembre 2007 pour BPTH et en octobre 2007 pour BPYA).

 

[611]     Enfin, lorsque le CHUM a communiqué avec BPYA et à BPTH pour les informer que ces mandats seraient retirés, il leur a faussement représenté le motif de cette décision. Le CHUM n’a pas expliqué qu’il a changé d’idée quant au type de modèle PPP à utiliser pour la réalisation du projet : ce ne sera plus le modèle tel que représenté et incorporé dans les documents d’appel et repris dans les conventions de services intervenues. De plus, le CHUM a décidé d’ajouter à ce nouveau modèle la formule de critère d’abordabilité. En raison de ces nouveaux choix, le CHUM a décidé d’éliminer les trois mandats discutés, au cœur et de l’essence des conventions de services intervenues.

 

[612]     En l’espèce, les trois conditions prévues par la Cour suprême dans l’arrêt Banque de Montréal c. Bail Ltée pour entraîner la responsabilité en vertu de l’obligation de renseignement sont présentes, à savoir :

 

(1) les informations non révélées étaient connues du CHUM;

 

(2) à la connaissance du CHUM, ces informations étaient de nature déterminante pour BPYA et BPTH; et

 

(3) il était impossible pour BPYA et BPTH de connaître ces informations non révélées.

 

[613]     De même, les conditions pour conclure à l’inexécution de l’obligation de collaboration par le CHUM sont présentes également :

 

(1) le CHUM a créé de fausses attentes et n’a pas fait preuve d’un comportement contractuel cohérent envers BPYA et BPTH;

 

(2) en imposant à BPYA et à BPTH des refontes de leurs conventions de services, le CHUM a sciemment rompu l’équilibre de la relation contractuelle intervenue avec BPYA et BPTH, adoptant une conduite excessive, déraisonnable, arbitraire et démontrant un mépris total des intérêts de ses cocontractants; et

 

(3) les agissements du CHUM ont dégénéré en un abus d’un droit contractuel.


 

[614]     En vertu des obligations de renseignement et de collaboration, il n’est pas nécessaire que le Tribunal détermine la raison pour laquelle le débiteur de ces obligations ne les a pas respectées. Il nous paraît néanmoins utile de faire certains commentaires à ce sujet dans les circonstances. Le CHUM ne pouvait ignorer que s’il avait révélé dans les documents d’appel le caractère aléatoire des mandats relevant de la conception générale du projet et de la préparation des plans et devis préliminaires, il y aurait eu beaucoup moins d’intérêt à soumettre des candidatures de la part de bureaux de professionnels de très haut calibre spécialisés en matière de santé (sociosanitaire). Agir potentiellement comme professionnels d’accompagnement et de conseils aux équipes professionnelles internes du CHUM et non comme de véritables équipes maîtres du projet et risquer de se faire retirer entre 66 % et 71 % des services professionnels prévus auraient considérablement réduit l’intérêt à soumissionner.

 

[615]     En ce qui a trait aux inexécutions des obligations de renseignement et de collaboration par la suite et en cours de réalisation des conventions de services, il est clair que le CHUM était très satisfait de la compétence, de l’expertise et de l’expérience des consortiums BPYA et BPTH sélectionnés. Le CHUM ne voulait pas les voir partir, se retirer ou résilier les conventions de services intervenues.

 

[616]     Quant aux déclarations fausses en rapport aux véritables motifs pour retirer les mandats confiés aux termes des conventions de services initiales, le CHUM ne voulait révéler ni à BPYA ni à BPTH qu’il y avait eu des interrogations et un processus de révision en cours, depuis même le lancement des appels de candidatures, concernant le choix de modèle PPP à utiliser. Cela aurait pu permettre à BPYA et à BPTH de se retirer des conventions de services intervenues ou encore de demander de les renégocier suivant la nouvelle réalité économique des services demandés par le CHUM. Enfin, ni le CHUM ni le DE ne voulaient risquer des délais supplémentaires dans la réalisation du projet qui était déjà en retard par rapport à l’échéance de réalisation annoncée.

 

[617]     En violant ses obligations de renseignement et de collaboration envers BPYA et BPTH et en leur imposant des refontes unilatérales transformant les conventions de services initiales, le CHUM a piégé BPYA et BPTH[618]. BPYA et BPTH se sont vus imposer des conventions de services fondamentalement modifiées, sans pouvoir s’en retirer devant le spectre de poursuites en dommages du CHUM résultant d’une résiliation non autorisée.

 

[618]     Le CHUM ne peut pas se soustraire à ses obligations de renseignement et de collaboration envers BPYA et BPTH en rejetant le blâme sur le DE ou sur l’APPPQ. Le CHUM a pleinement participé à tous les niveaux au déroulement des événements et aux décisions pertinentes. Le CHUM a participé à la rédaction des documents d’appel et en a même été le rédacteur principal. Le CHUM a présenté les trois mandats, révoqués plus tard, comme faisant partie intégrante des conventions de services. Le CHUM était au courant, au moment de l’émission des documents d’appel, du caractère aléatoire de ces mandats et n’a pas révélé ce fait déterminant aux soumissionnaires et aux équipes maîtres sélectionnées. Le CHUM a décidé de procéder à l’émission des documents d’appel avant que cette question ne soit résolue. Le CHUM a négocié, signé et adhéré à la clause 5 de l’Entente-cadre. Les discussions sur le « grand questionnement », identifié lors de la rédaction des documents d’appel se sont poursuivies par la suite. Le CHUM a ensuite dissimulé les véritables raisons derrière les révocations des mandats lorsqu’il les a présentées à BPYA et à BPTH. Le CHUM a alors imposé à BPYA et à BPTH les refontes des conventions de services par l’entremise des conventions de services amendées. En vertu des conventions de services, le CHUM est le seul contractant de BPYA et de BPTH. L’Entente-cadre confirme que le CHUM est le maître d’œuvre du projet du Nouveau CHUM et le responsable des professionnels choisis pour le réaliser[619]. Compte tenu de ce qui précède, le CHUM est tenu respecter et de répondre de ses obligations contractuelles et de ses inexécutions contractuelles en vertu des documents d’appel et des conventions de services intervenues avec BPYA et BPTH.

 

(d) Le droit du CHUM, lors de la préparation des documents d’appel aux proposants partenaires privés pour la réalisation du projet en mode PPP, d’annexer aux devis de performance des extraits des plans préliminaires de son choix

 

[619]     Le CHUM plaide également que la clause 4.1.1.2 des conventions de services lui permet de retirer les mandats pour la préparation et la production des plans et devis préliminaires. Le texte en question prévoit[620] :

 

4.1   DOCUMENTS D’APPEL D’OFFRES

 

   4.1.1 Préparer les documents d’appel d’offres des composantes identifiées à la Description sommaire du projet telle que présentée à la partie II, lesquels comprendront selon le mode de réalisation privilégié, soit :

 

   1       Des plans et devis définitifs :

            en mode de gestion et de réalisation de type conventionnel

 

             ou

 

   2       Des devis de performance :

            en mode de gestion et de réalisation de type partenariat public-privé (PPP). À cet égard, les équipes maîtres d’architecture et de génie auront à préparer des devis de performance, lesquels devis seront accompagnés de plans préliminaires dans les différentes spécialités. Le contenu et le pourcentage d’avancement de ces plans préliminaires variera d’une spécialité à l’autre en fonction des besoins définis par le Gestionnaire de projet désigné.

 

            [Le Tribunal a mis en gras et en italique une partie du texte.]

 

[620]     En vertu des documents d’appel (et plus tard des conventions de services), les mandats des équipes maîtres sont divisés en quatre phases, soit le « Démarrage » (Phase 1), la « Préparation » (Phase 2), la « Réalisation » (Phase 3) et la « Clôture » (Phase 4).

 

[621]     Dans les conventions de services, la clause 4.1.1.2 est située dans la section énonçant les tâches des professionnels lors de la Phase 3 (Réalisation).

 

[622]     L’un des objectifs de la Phase 3 (Réalisation) est de produire des documents pour l’appel d’offres à l’entrepreneur général (mode conventionnel) ou aux partenaires privés (mode PPP), selon le mode de réalisation qui aura été préalablement choisi[621]. Selon la formulation de la clause 4.1.1, si le mode de réalisation retenu est celui de type conventionnel, les équipes maîtres doivent préparer et fournir à l’entrepreneur général les plans et devis définitifs à réaliser; si le mode retenu est plutôt celui du PPP, les équipes maîtres doivent préparer et fournir aux partenaires privés potentiels les devis de performance accompagnés des « plans préliminaires ».

 

[623]     Indépendamment du mode de réalisation choisi, il est prévu que, rendues à la Phase 3 (Réalisation), les équipes maîtres auront déjà complété la préparation et la production des plans et devis préliminaires, et ce, à l’achèvement de la Phase 2 (Planification).

 

[624]     En effet, lors du processus de l’appel de candidatures des équipes maîtres, les documents d’appel confirment que, selon l’organisation séquentielle prévue des phases des mandats, la Phase 3 (Réalisation) ne pouvait débuter avant que la Phase 2 (Planification) ne soit complétée[622]. Le CHUM a précisé qu’il fallait d’abord établir le « budget convenu » prévu comme livrable à la Phase 2 (Planification), avant d’entreprendre la Phase 3, soit la réalisation du projet[623]. Or, la Phase 2 (Planification) comprend le mandat d’effectuer et de compléter la préparation et la production de la totalité des plans et devis préliminaires[624].

 

[625]     Lors du processus de l’appel de candidatures, le CHUM confirme[625] :

 

En effet, tel qu’indiqué à l’Étape 4 de l’article 8 des Conditions générales des Appels de candidatures de l’ensemble des équipes maîtres, l’approbation préalable du Ministre sur le Budget convenu est requise avant que le Ministre n’approuve la préparation des plans et devis définitifs ou des devis de performance. L’Étape 3 précise quant à elle au même article, le processus menant à la préparation du Budget convenu. Le Mandat des différentes équipes maîtres définit à l’article 3 de la partie III, les objectifs de la Phase 2 : Planification du projet comme incluant la production de plans et devis préliminaires ainsi que de tous les documents requis pour estimer les coûts, lesquels constituent un des quatre paramètres servant à définir le Budget convenu à être respecté par les équipes maîtres.

 

Ceci confirme donc que le Budget convenu qui servira au calcul de la pénalité (ou de la bonification) est établi une fois complétée la phase planification du projet. »

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

[626]     Cette précision est conforme à la teneur générale des documents d’appel. Ceux-ci prévoient que les équipes maîtres doivent d’abord élaborer le concept de l’ensemble du projet et préparer les plans et devis préliminaires, quel que soit le mode de réalisation déterminé, PPP ou conventionnel.

 

[627]     Selon le texte du paragraphe 4.1.1.1 concernant le mode conventionnel, il est clair que les plans et devis définitifs doivent être basés sur les plans et devis préliminaires qui sont, à ce stade, déjà réalisés, produits et approuvés. Quant au mode de réalisation PPP, le texte du paragraphe 4.1.1.2 se réfère même aux « plans préliminaires », donc à ceux déjà préparés à ce stade.

 

[628]     Le CHUM soutient que la dernière phrase du paragraphe 4.1.1.2 lui permet de révoquer le mandat des équipes maîtres de préparer les plans et devis préliminaires. Ce texte prévoit[626] :

 

« Le contenu et le pourcentage d’avancement de ces plans préliminaires variera d’une spécialité à l’autre en fonction des besoins définis par le Gestionnaire de projet désigné. »

 

[629]     En premier lieu, ce moyen du CHUM fait fi des textes clairs des conventions de services, en particulier de la séquence des mandats et des tâches à accomplir, par phase. Toute l’économie et le contenu des conventions de services prévoient que, en ce qui a trait aux appels d’offres aux entrepreneurs généraux ou aux proposants de PPP, les services professionnels prévus en vertu de la Phase 3 (Réalisation) ne peuvent commencer à être rendus avant que ceux prévus à la Phase 2 (Planification) ne soient complétés. Or, la Phase 2 comprend explicitement la préparation et la production des plans et devis préliminaires.

 

[630]     Il est donc illogique de prétendre qu’une clause permettant de moduler « le contenu et le pourcentage » des plans et devis préliminaires, après que ceux-ci soient déjà complétés lors de la phase précédente (Phase 2 - Planification), est pertinente ou applicable pour réduire un travail déjà réalisé. Le CHUM a précisé, dans les documents d’appel, que la conception générale de l’ensemble du projet et la production des plans et devis préliminaires devaient obligatoirement être complétés afin de finaliser le budget convenu, avant de pouvoir passer à la Phase 3 (Réalisation) qui prévoit la production des documents requis pour le processus d’appel d’offres, y compris en PPP.

 

[631]     Le paragraphe 4.1.1.2 vise donc uniquement à régir ce que le CHUM ou le gestionnaire du projet peut vouloir prévoir entreprendre avec les plans et devis préliminaires après qu’ils aient été entièrement préparés, complétés et produits.

 

[632]     En deuxième lieu, selon les règles d’interprétation applicables, le Tribunal se doit de considérer l’ensemble du contrat lorsqu’il est appelé à interpréter le sens et l’effet d’une clause de celui-ci. L’article 1427 C.c.Q. prévoit :

 

1427. Les clauses s’interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble du contrat.

 

[633]     Ainsi, en interprétant le sens du texte au paragraphe 4.1.1.2, le Tribunal considère la partie où il est inséré dans la convention de services. Le Tribunal doit également tenir compte de la phrase précédente au texte cité par le CHUM. Ce texte se réfère spécifiquement aux plans préliminaires, donc ceux existants.

 

[634]     Interrogé à ce sujet lors de l’instruction, M. Maillé de BPYA a témoigné que, lorsqu’il a pris connaissance du paragraphe 4.1.1.2, au cours du processus de l’appel de candidatures, il a compris que le CHUM voulait pouvoir préciser, lors du processus d’appel d’offres en PPP, le cas échéant, que les équipes maîtres pouvaient se voir demander par le gestionnaire du projet de choisir certaines parties des plans préliminaires déjà complétés afin d’optimiser l’efficacité de la Phase 3 (Réalisation) et de satisfaire aux besoins particuliers signalés par le CHUM, notamment par rapport aux travaux spécialisés. Il s’est exprimé ainsi :

 

« Ce que j’en comprends et ce que l’on a toujours saisi dans l’interprétation, c’est que l’accompagnement des documents qui sont là, en fait, quand on parle de plans et devis ou de segments de plans et devis préliminaires, proviennent directement de l’étape que nous, on a complétée. Alors, c’est sûr que dans la compréhension qu’il faut en faire quand on dit que finalement les devis seront accompagnés de plans et devis préliminaires, c’est les devis de performance, on pouvait attacher au devis de performance les segments de nos plans et devis préliminaires pour finalement donner l’information complémentaire… alors, le gestionnaire de projet pouvait nous demander de prendre une partie de l’information de ce qu’on avait produit et de l’attacher à ces devis finalement de performance pour le donner aux représentants du mode PPP. […] Dans la logique des choses, pour être capable finalement d’attacher des plans préliminaires, il faut qu’ils aient été faits, il faut que nous, nous les aillions complétés, sinon, la phrase ne ferait pas de sens. »[627]

 

[635]     Le CHUM ou le gestionnaire du projet peuvent avoir, lors de l’appel d’offres aux proposants partenaires privés, des considérations stratégiques de gestion, du budget ou en rapport aux travaux spécialisés à réaliser. Par exemple, il peut être utile d’encourager l’innovation et la créativité de la part des proposants convoitant d’être sélectionnés comme partenaire privé.

 

[636]     Enfin, il y a une différence fondamentale entre le droit de « varier le pourcentage des plans préliminaires » et celui de supprimer intégralement le mandat de les préparer.

 

[637]     Ainsi, l’interprétation du paragraphe 4.1.1.2 proposé par BPYA et BPTH est à la fois logique, crédible et conforme aux textes. En revanche, l’interprétation proposée par le CHUM est illogique, non crédible et ne s’accorde pas à la formulation des textes.

 

[638]     En troisième lieu, dans l’hypothèse où il y a une ambiguïté, ce que la Cour ne croit pas, BPYA et BPTH se réfèrent aux règles d’interprétation prévues à l’article 1432 C.c.Q. Étant donné que les conventions de services sont des contrats d’adhésion, toute ambiguïté s’interprète en faveur des adhérents, soit BPYA et BPTH. De plus, étant donné que le CHUM a rédigé et stipulé la teneur des obligations, ces textes sont également interprétés en faveur de BPYA et de BPTH.

 

[639]     Pour toutes ces raisons, le moyen du CHUM selon lequel le texte du paragraphe 4.1.1.2 lui permet de retirer à BPYA et à BPTH le mandat pour la préparation des plans et devis préliminaires est rejeté.

 

(e) Le droit du CHUM de réclamer un traitement d’exception sur le plan contractuel

 

[640]     Selon un principe de base de notre droit, tous sont égaux devant la loi. Et tous sont tenus de respecter et de répondre de leurs obligations contractuelles librement souscrites. Cette règle s’applique également aux organismes publics, tel le CHUM. Les articles 1376 et 1377 C.c.Q. prévoient :

 

1376. Les règles du présent livre s’appliquent à l’État, ainsi qu’à ses organismes et à toute autre personne morale de droit public, sous réserve des autres règles de droit qui leur sont applicables.

 

1377. Les règles générales du présent chapitre s’appliquent à tout contrat, quelle qu’en soit la nature.

 

Des règles particulières à certains contrats, qui complètent ces règles générales ou y dérogent, sont établies au titre deuxième du présent livre. »

 

[641]     Un des moyens de défense du CHUM exprimé oralement lors des plaidoiries dévie de ces règles : si les retraits des mandats confiés à BPYA et à BPTH avaient comme conséquence d’épargner des fonds publics ou de rendre la réalisation du projet plus efficace, la décision du CHUM ne peut pas constituer une inexécution contractuelle de sa part. Or, le Tribunal ne connaît aucun article du Code civil du Québec qui permet à un organisme public de modifier de manière unilatérale et déraisonnable ses obligations contractuelles envers ses cocontractants afin de faire des économies d’ordre budgétaire. À notre avis, le CHUM n’avait pas le droit, pour ce motif, de passer outre la loi des parties, soit le contrat intervenu, dont la teneur était formulée par le CHUM, de même que le droit contractuel général applicable.

 

[642]     Le rôle du Tribunal est de déterminer les droits des parties et non de porter un jugement sur l’administration et la réalisation d’un projet de construction. Néanmoins, compte tenu de ce moyen de défense, le Tribunal doit souligner que le CHUM n’a pas établi par une preuve convaincante ou prépondérante que les changements au modèle de PPP effectués de même que les autres modifications imposées par le CHUM aux conventions de services initiales ont eu pour effet de réduire les coûts du projet du Nouveau CHUM ou de rendre la réalisation de celui-ci plus efficace. La preuve au dossier n’appuie pas en fait ce moyen.

 

[643]     Le Comité de revue diligente, chargé d’évaluer le dossier d’affaires intermédiaire pour le CHUM-Hôpital, a souligné et a conclu que l’absence de préparation et de production d’une conception préliminaire détaillée constituait un facteur d’incertitude additionnelle important qui augmentait les risques concernant le contrôle des coûts et de la durée de réalisation du projet du Nouveau CHUM[628]. Le projet du Nouveau CHUM coûtera trois (3) fois plus cher que le budget d’origine prévu en 2006. L’échéancier de réalisation du projet sera également plus de trois (3) fois plus long que prévu (16 ans plutôt que 5 ans).

 

[644]     Au cours des relations entre le CHUM et BPYA et BPTH depuis 15 ans, il n’y a jamais eu de contestation par le CHUM des factures émises pour les services rendus par l’un ou l’autre consortium. Ainsi, il n’est pas crédible pour le CHUM ou le DE d’affirmer que les coûts des services facturés sont autre chose que raisonnables.

 

[645]     Pour tout contractant diligent, y compris pour un donneur d’ouvrage ou de services d’un organisme public, il est normal, avant de s’engager par contrat, de déterminer et de préciser, dans la mesure du raisonnable, le type et l’étendue des services ou des biens requis. Dans la mesure où cela n’a pas été fait, le contractant doit aviser son cocontractant. Un tel avis peut également faire l’objet de précisions contractuelles écrites. Cela relève de la bonne foi devant être observée lors de la conclusion d’un contrat en vertu de l’article 1375 C.c.Q.

 

[646]     En l’espèce, le CHUM n’a fait ni l’un ni l’autre. Il n’a pas déterminé, avant de conclure le contrat, ses besoins en matière de services requis. Il n’a pas non plus avisé BPYA et BPTH que cette détermination n’avait pas été faite. Au contraire, le CHUM a fait des représentations contractuelles à BPYA et à BPTH et a souscrit des engagements contractuels envers eux à l’égard de services précis alors que le CHUM savait que la décision à ce sujet n’était pas prise et que la question faisait encore l’objet de discussions.

 

[647]     Selon la nature du contrat et les modalités qui sont prévues, il est possible que le contractant puisse résilier le contrat. En l’espèce, le CHUM a décidé de ne pas le faire. Il a plutôt décidé de garder le contrat en vigueur. En revanche, il a éliminé des parties du contrat qui ne lui convenaient plus. Concernant les parties du contrat maintenues en vigueur, il a insisté pour que ses cocontractants continuent de s’exécuter.

 

[648]     Le CHUM soulève que, après avoir changé de modèle de PPP pour le projet du CRCHUM, les plans de « modèle de référence » reçus de BPYA et de BPTH à cet égard ont été d’une utilité très limitée. Avec égard, ce moyen est mal fondé en fait et en droit. Les avantages du premier modèle de PPP étaient notamment d’assurer le contrôle prépondérant par l’autorité publique de la conception générale et détaillée du projet et le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et de la conformité des travaux. Après le changement de modèle de PPP pour le CRCHUM, le CHUM n’avait plus le même contrôle sur ces éléments. Après ce changement, il va de soi qu’un plan soumis en vertu d’un « modèle de référence » n’avait plus le même rôle ni la même importance afin d’assurer le respect de ces finalités.

 

[649]     De même, il y a des limites d’efficacité de l’utilisation d’un critère d’abordabilité pour l’ensemble d’un projet de construction. Un tel critère n’accorde pas de contrôle sur l’échéancier des travaux prévus. De plus, son efficacité par rapport à la conception, à la quantité et au contenu des travaux est aléatoire.

 

[650]     Rendu au dernier stade de l’octroi des contrats aux proposants de PPP, à la fois pour le projet du CRCHUM et pour celui du CHUM-Hôpital, il n’y avait plus de processus compétitif, car il n’y avait qu’un consortium proposant en lice, ce qui a eu pour effet de réduire de manière importante la marge de négociation de l’autorité publique. Dans le résumé de témoignage de M. Lortie déposé par les parties, nous pouvons lire[629] :

 

« En ce qui concerne la question de la concurrence, M. Lortie a reconnu que pour le CRCHUM, pendant le BAFO (Best and Final Offer), un des deux soumissionnaires n’a pas terminé le processus. En ce qui concerne le CHUM, il y avait deux soumissionnaires, mais la proposition financière déposée par le 2e soumissionnaire n’a pas été jugée conforme, laissant un seul soumissionnaire conforme au terme du processus. »

 

[651]     Cela avait un impact financier négatif pour le CHUM quant aux coûts à convenir pour la réalisation des composantes du Nouveau CHUM, surtout pour le CRCHUM, de même que toutes les autres conditions négociées dans les contrats de partenariat.

 

[652]     En ce qui a trait aux coûts de construction du Nouveau CHUM, malgré les ressources exceptionnelles à sa disposition, notamment l’accès aux données de l’équipe maître de gestionnaires du projet, le CHUM n’a pas voulu confirmer au cours de l’instruction, ni aux demanderesses ni au Tribunal, les coûts réels totaux payés et à payer pour la réalisation du Nouveau CHUM, ni se commettre quant à sa propre évaluation à cet égard.

 

[653]     À cet égard, le Document d’analyse de l’APPPQ du 7 juin 2007, qui selon le CHUM est à l’origine de la décision du CHUM et du DE de changer le modèle initial de PPP, précise et avertit formellement qu’il est préférable de garder le modèle initial de PPP en l’absence d’au moins deux (2) consortiums concurrents pour chaque projet PPP. Le texte du document est le suivant[630] :

 

« Une mise en garde s’impose. La discussion qui précède et les conclusions qui s’ensuivent reposent sur l’hypothèse selon laquelle il y a au moins deux consortiums concurrents pour chaque projet PPP. Si tel n’est pas le cas, la disponibilité d’un concept de référence pour évaluer le caractère concurrentiel d’une seule offre acquiert une importance certaine. »

 

[Le Tribunal a mis le texte en gras.]

 

[654]     Pierre Lortie, qui admet avoir un préjugé favorable pour la formule PPP, a affirmé dans son témoignage que le problème principal minant l’attrait de la formule PPP est le manque sur le marché libre de partenaires privés proposants pour de tels projets.

 

[655]     Ainsi, à tout événement et sans égard au débat concernant le choix du mode de réalisation (soit le mode PPP ou le mode conventionnel), tout en présumant du bien-fondé et de l’exactitude de la thèse du CHUM selon laquelle le mode PPP constituait en l’espèce l’option qui représentait la meilleure valeur ajoutée pour les fonds publics investis, la Cour est d’avis que le CHUM n’a pas établi par prépondérance de la preuve que le changement du modèle de PPP d’origine au modèle de PPP révisé, et les retraits conséquents des mandats confiés à BPYA et à BPTH aux termes des conventions de services initiales, ont eu pour effet de réduire les coûts de construction du Nouveau CHUM ni d’améliorer l’efficacité de la réalisation du projet du Nouveau CHUM quant à l’échéancier, la qualité et la conformité des travaux.

 

C) Conclusion quant à l’inexécution

 

[656]     En premier lieu, il n’y a pas eu de résiliation des conventions de services initiales, en tout ou en partie.

 

[657]     En deuxième lieu, la clause de modification ne permet pas au CHUM d’imposer une refonte des conventions de services de BPYA et de BPTH qui les transforme et les dénature pour les raisons suivantes :

 

1) l’ampleur des réductions effectuées est inconciliable et contraire à l’interprétation reçue d’une telle clause selon les usages applicables;

 

2) la formulation de la clause exclut expressément une modification qui aurait une portée fondamentale;

 

3) l’application des autres règles d’interprétation contractuelle, notamment l’article 1432 C.c.Q., écarte la possibilité que les réductions effectuées des mandats puissent être valables en vertu de la clause de modification. Les conventions de services constituent des contrats d’adhésion. À titre d’adhérents, la clause s’interprète en faveur de BPYA et de BPTH. La clause en question a été formulée et stipulée par le CHUM et s’interprète contre lui;

 

4) en raison de l’ampleur des réductions des mandats imposées par le CHUM, l’application faite de la clause de modification a été excessive et déraisonnable, rompant l’équilibre des conventions de services. Une telle application de la clause viole les exigences de la bonne foi et constitue une utilisation abusive de celle-ci. Ainsi, en vertu du droit contractuel général et en vertu de l’article 1437 C.c.Q., le CHUM n’a pas pu imposer les refontes contractuelles à BPYA et à BPTH en vertu de cette clause;

 

5) le CHUM a violé ses obligations de renseignement et de collaboration envers BPYA et BPTH. Les violations de ces obligations constituent des fautes génératrices de responsabilité du CHUM. Elles constituent également des motifs justifiant le Tribunal d’opposer une fin de non-recevoir à l’utilisation abusive de la clause de modification;

 

6) la clause 4.1.1.2 permet au CHUM (lors de la Phase 3 (Réalisation)), d’annexer, à son choix, une partie des plans préliminaires à l’appel d’offres à l’intention des entrepreneurs ou des partenaires privés, et ce, après la production des plans et devis préliminaires (lors de la Phase 2 - Planification). Cette clause ne peut pas autoriser la révocation par le CHUM des mandats pour la conception générale du projet et pour la préparation des plans et devis préliminaires.

 

[658]     Compte tenu de ce qui précède, les refontes intégrales des conventions de services initiales imposées par le CHUM à BPYA et à BPTH ont été faites sans droit et en violation des articles 1439 et 1458 C.c.Q. Ces changements imposés constituent des inexécutions contractuelles du CHUM aux conventions de services initiales en vertu de l’article 1590 C.c.Q. conférant à BPYA et à BPTH le droit de réclamer réparation des dommages subis.


 

6) Si la réponse à la question 5 est « oui », quels sont les honoraires professionnels dont BPYA ou BPTH ont été privés?

 

A) Les principes d’indemnisation

 

[659]     Le calcul des dommages-intérêts s’accorde notamment aux articles suivants du Code civil du Québec :

 

1607. Le créancier a droit à des dommages-intérêts en réparation du préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel, que lui cause le défaut du débiteur et qui en est une suite immédiate et directe.

 

1611. Les dommages-intérêts dus au créancier compensent la perte qu’il subit et le gain dont il est privé.

 

On tient compte, pour les déterminer, du préjudice futur lorsqu’il est certain et qu’il est susceptible d’être évalué.

 

[660]     Il y a lieu maintenant d’appliquer ces principes aux faits particuliers en l’espèce.

 

[661]     En raison de notre conclusion antérieure selon laquelle BPYA et BPTH n’ont pas établi une faute du CHUM quant au choix du mode de réalisation en PPP, il n’y a pas lieu de se pencher sur les dommages réclamés par BPYA et BPTH suivant l’ampleur des services qu’ils auraient pu être appelés à rendre selon les conventions de services dans l’hypothèse où le projet aurait été réalisé en mode conventionnel. Ainsi, les dommages-intérêts réclamés dans les conclusions principales, à savoir 56 191 581 $ (avant taxes) par BPYA et 25 293 632,60 $ (avant taxes) par BPTH, sont rejetés. BPYA et BPTH réclament, à titre subsidiaire, les dommages subis en raison de la perte de profits quant aux honoraires professionnels dont ils ont été privés suivant la réalisation du Nouveau CHUM en mode PPP. BPYA et BPTH réclament respectivement à ce titre des dommages-intérêts de 23 534 303 $ et 17 692 000,30 $, plus les taxes applicables.

 

[662]     BPYA, BPTH et le CHUM reconnaissent que les montants réclamés, si octroyés par le Tribunal, sont sujets aux taxes applicables, soit la taxe fédérale sur les produits et services (TPS) et la taxe de vente du Québec (TVQ)[631]. Ainsi, BPYA et BPTH demandent que le Tribunal accorde, en plus de tout dommage-intérêt visant à les indemniser d’un préjudice subi, un montant additionnel à titre de TPS et de TVQ. BPYA et BPTH se sont engagés à verser aux autorités fiscales pertinentes tout montant reçu du CHUM à ce titre[632].

 

[663]     Nous examinerons plus tard la question de la détermination de la marge de profit applicable aux honoraires professionnels qui n’ont pas été facturés[633].

 

[664]     Conformément aux articles 1607 et 1611 C.c.Q., BPYA et BPTH ont droit d’être indemnisés pour la perte de tous les honoraires professionnels dont ils ont été privés relativement aux parties des mandats prévus aux conventions de services initiales qui leur ont été retirées sans droit. Il s’agit des services non rendus relatifs aux mandats pour l’élaboration de la conception générale du projet, pour la préparation et la production des plans et devis préliminaires et pour le mandat relatif au contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux, et ce, lors de toutes les phases prévues aux conventions de services.

 

[665]     Il n’a pas été contesté que les dommages subis par BPYA et BPTH, le cas échéant, doivent tenir compte et doivent être calculés, lorsque pertinents, à partir du projet du Nouveau CHUM, tel que ce projet a été révisé et agrandi.

 

[666]     Les tarifs gouvernementaux intègrent de manière automatique le coût de tout agrandissement du projet[634]. M. Gignac a confirmé que le processus de révision technique et budgétaire a pris fin en automne 2008[635]. C’est à une période contemporaine de l’imposition par le CHUM de la refonte unilatérale des conventions de services initiales. Les conséquences de retirer les mandats pour les services professionnels à rendre pour le Nouveau CHUM, tel que révisé et agrandi, étaient donc prévisibles pour le CHUM au moment où il a imposé les refontes des conventions de services. Les honoraires professionnels non payés en raison de l’agrandissement du projet sont en principe « une suite immédiate et directe » (article 1607 C.c.Q.) de l’inexécution des conventions de services résultant du retrait sans droit de parties précisées des mandats.

 

[667]     Nous verrons cependant que, compte tenu de la preuve, le Tribunal fera des distinctions importantes quant aux dommages réels subis par BPYA et BPTH selon que les honoraires non gagnés ont trait au projet initial ou au projet révisé et agrandi du Nouveau CHUM.

 

[668]     Conformément aux principes de droit préalablement examinés, si le Tribunal conclut à l’application abusive d’une clause en violation des exigences de la bonne foi selon le droit commun, le Tribunal peut déterminer en quelle proportion et à partir de quel moment, suivant les circonstances et compte tenu de la preuve, son application est devenue abusive, de même que les dommages résultant de cette détermination. Ce droit est expressément prévu à l’article 1437 C.c.Q pour le contrat d’adhésion. Les conventions de services initiales et amendées constituent en l’espèce des contrats d’adhésion. Également, les violations par le CHUM de ses obligations de renseignement et de collaboration envers BPYA et BPTH constituent des fautes permettant au Tribunal d’arbitrer les dommages en découlant.

 

[669]     BPYA et BPTH ont déjà établi l’ampleur de leurs pertes en termes d’heures facturables respectives à la suite des réductions fautives de leurs mandats par le CHUM[636]. Les consortiums ont été privés de leurs droits de réaliser la plénitude de leurs mandats selon les conventions de services initiales et de facturer pour les services professionnels conséquents.

 

[670]     De plus, le Tribunal peut, en raison des violations des obligations de renseignement et de collaboration, déterminer le moment à partir duquel il y a lieu d’opposer une fin de non-recevoir à l’exercice de la clause de modification par le CHUM.

 

[671]     La détermination des dommages tient compte de l’ensemble des circonstances, notamment de l’historique des événements et dans quelle mesure les attentes légitimes de BPYA et de BPTH ont été violées. Les dommages qui seront déterminés par le Tribunal valent pour chacune et toutes les violations contractuelles du CHUM envers BPYA et BPTH. En cas de conflit des sanctions des différentes fautes contractuelles établies, la priorité de sanction est accordée à celle en vertu de l’article 1437 C.c.Q. en raison de sa formulation explicite de permettre au Tribunal de moduler, suivant les circonstances, l’effet réducteur de la clause appliquée de manière abusive.

 

B) La réduction des honoraires professionnels réclamés pour des heures payées (« heures supplémentaires »)

 

[672]     Ce point soulève deux questions.

 

[673]     En premier lieu, le CHUM plaide que ses responsabilités envers BPYA et BPTH sont limitées aux montants correspondant aux heures indiquées dans les tableaux d’appréciation fournis respectivement par BPYA et BPTH lors des appels de candidatures. Ce moyen nous paraît mal fondé. Après les refontes unilatérales des conventions de services imposées par le CHUM, ce dernier a commencé à employer l’expression « banque d’heures »[637] pour désigner ces heures. Or, il est illogique de considérer les tableaux d’appréciation comme des soumissions d’ordre forfaitaire, sans égard aux développements factuels ultérieurs, notamment l’agrandissement du projet du Nouveau CHUM, l’augmentation importante de l’ampleur des coûts et la décision du CHUM de ne pas recourir, contrairement aux documents d’appel, au mode conventionnel pour une certaine composante du projet[638]. Les formulaires des tableaux d’appréciation précisent bien que les coûts de construction indiqués n’étaient pas déterminants (« Ordre de grandeur des coûts uniquement pour définir l’ampleur de la portée des contrats de services professionnels, ce ne sont pas des estimés et/ou des budgets »[639]). Sur la base de l’information fournie par le CHUM, celui-ci demandait aux soumissionnaires de « fournir une estimation des heures requises »[640]. Le CHUM n’aurait pas pu limiter les consortiums aux heures indiquées, même en l’absence de réduction de mandats, advenant un agrandissement du projet. Or, la superficie a été agrandie de manière importante et les coûts du projet ont triplé. Cela a engendré plus d’ouvrage pour BPYA et BPTH par rapport aux parties des mandats qui n’ont pas été éliminées. Il n’y a aucune raison de pénaliser BPYA et BPTH pour ces services rendus. Les formulaires complétés demandaient aux soumissionnaires de fournir une « estimation des heures »[641] pour compléter le mandat demandé, soit le projet d’origine du Nouveau CHUM et non le projet, révisé et agrandi, réalisé dans les faits.

 

[674]     En deuxième lieu, le CHUM demande à ce que tous les montants payés par le CHUM à BPYA et à BPTH puissent être appliqués pour réduire tout montant que le Tribunal pourrait déterminer comme dû par le CHUM aux consortiums. Cette demande soulève la question des services « supplémentaires »[642] rendus par BPYA et BPTH à la demande du CHUM. Selon BPYA et BPTH, le CHUM leur a demandé, au cours de la réalisation du projet, de rendre des services qu’ils considèrent non visés par les conventions de services, notamment pour effectuer des études préparatoires et les services consultatifs[643]. Selon BPYA et BPTH, « [c]es services se rapportent essentiellement à la Phase Démarrage du projet, où BPYA et BPTH ont dû participer à la confection de fiches techniques, au développement du Programme fonctionnel et technique (PFT), et à de multiples itérations de Plan directeur immobilier (PDI), alors que le CHUM avait l’obligation de fournir un programme complet »[644].

 

[675]     Par rapport à l’évaluation des dommages, le rôle du Tribunal est de déterminer les « gains » ou profits dont BPYA et BPTH ont été privés par l’élimination sans droit de certaines parties de leurs mandats. Les mandats éliminés par le CHUM sont au nombre de trois :

 

1)    l’élaboration du concept général du projet;

 

2)    la préparation et la production des plans et devis préliminaires; et

 

3)    le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux.

 

[676]     BPYA et BPTH ont fourni au Tribunal les chiffres correspondants à leurs pertes alléguées et résultant de l’élimination de ces trois mandats[645]. Pour ce faire, les consortiums ont calculé la différence entre ce qu’ils auraient été en droit de rendre en tant que services en vertu des conventions de services initiales et ce qu’ils auront perçu, à tâche terminée, du projet du Nouveau CHUM, tel que réalisé, en mars 2022. BPYA a établi que 70,97 % de son travail a été retiré[646]. BPTH a établi que 66,4 % de son travail a été retiré[647]. Cependant, BPYA et BPTH allèguent que leurs vrais dommages sont plus élevés, car ils ont réalisé et ont été payés pour des services non visés par les conventions de services initiales. Selon eux, n’eût été ces services supplémentaires, les pourcentages de services non rendus des mandats prévus aux conventions de services initiales et dont ils ont été privés sans droit par le CHUM auraient été pour BPYA, 80,28 %[648] et pour BPTH, 68,99 %[649].

 

[677]     Au motif que les paiements pour les services supplémentaires ne devraient pas affecter ou diminuer les montants de leurs pertes selon les conventions de services initiales, BPYA et BPTH demandent que ces paiements ne soient pas considérés dans le calcul de leur préjudice subi et que leurs dommages soient fixés selon les pourcentages indiqués au paragraphe précédent.

 

[678]     Le CHUM considère que les services « supplémentaires » en question entrent en fait dans le cadre des conventions de services initiales. À tout événement, le CHUM allègue que BPYA et BPTH ne peuvent pas les réclamer, car ils sont obligés de les rendre, en vertu de leurs obligations respectives de minimiser leurs dommages (art. 1479 C.c.Q.). Chacun des services dits supplémentaires est identifiable selon le type de service rendu et la phase du mandat correspondant au projet à l’intérieur duquel il s’inscrit. Afin de comparer les mêmes bases que les parties ont transigées (« comparer des pommes avec des pommes »), BPYA et BPTH ont précisé ces services suivant la ventilation utilisée dans les tableaux d’appréciation des heures (fournis dans le cadre des documents d’appel) où se situent ces heures supplémentaires :

 

Pour BPYA[650]

 

Phase

Heures supplémentaires

Démarrage (Phase I)

73 184

Planification (Phase II)

883

Réalisation (Phase III)

6 125

Clôture (Phase IV)

0

Total :

80   192

 

Pour BPTH[651]

 

Phase

Heures supplémentaires

Démarrage (Phase I)

10 035

Planification (Phase II)

2 352

Réalisation (Phase III)

3 293

Clôture (Phase IV)

0

Total :

15 680

 

[679]     Il est clair que la vaste majorité de ces services dits supplémentaires se situent dans la Phase 1 (Démarrage), soit 91 % (73 184/80 192) pour BPYA et 64 % (10 035/15 680) pour BPTH.

 

[680]     La prestation de ces services supplémentaires a eu un effet unique quant aux pertes réclamées par BPYA et BPTH pour la Phase 1 du mandat aux termes des conventions de services. En effet, BPYA reconnaît que, pour cette phase du mandat, lorsque l’on tient compte de ces services supplémentaires, malgré la réduction ou l’élimination des mandats, il n’a pas eu de perte. Il a même fourni 5 % plus de services que ce qui aurait été prévu, soit 3 614 heures de plus[652].

 

[681]     Pour ce qui est de BPTH, il a rendu 91 % des services qu’il aurait rendus selon la convention de services initiale[653]. La disproportion de la prestation de ces services lors de la phase de démarrage s’explique. La preuve a révélé qu’en 2006, lors du lancement des appels de candidatures, de même qu’en mars 2007, lors de la signature des conventions de services, et encore lors de la mise en vigueur de ces conventions en juin 2007, le CHUM n’était pas prêt à débuter le projet, et ce, contrairement à ses obligations contractuelles envers BPYA et BPTH.

 

[682]     Le CHUM avait l’obligation de fournir aux équipes maîtres un programme fonctionnel et technique (PFT) complet[654]. Le CHUM a fourni un PFT incomplet. Par la suite, le CHUM a demandé des changements à répétition. BPYA a dû notamment préparer entre 4 et 5 versions du PFT[655]. Il était prévu que la phase de démarrage devait être complétée dans les 4 mois du début des travaux[656]. En raison des changements répétés demandés par le CHUM, la phase de démarrage s’est étirée jusqu’en novembre 2009, soit près de 2 ans et demi après le délai initial prévu[657].

 

[683]     Nous avons examiné la preuve concernant les détails offerts de ces services dits supplémentaires. Tous sont d’accord qu’ils concernent principalement la confection des études préparatoires et les services consultatifs[658].

 

[684]     Le mandat conféré pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéance, de la qualité et du contenu des travaux était extrêmement large et comprenait un important rôle d’appui du CHUM pour l’orientation du projet au cours de toutes les phases du projet. Ce mandat était défini, dans un langage non limitatif (« lequel a principalement pour objectif ») comme suit[659] :

 

Plus spécifiquement, les équipes maîtres d’architecture et de génie devront exécuter pour leur spécialité toutes les activités requises et fournir le support à l’Équipe maître  de gestion de projets pour les quatre (4) phases suivantes :

 

ü Le Démarrage du projet, lequel a principalement pour objectif d’établir et de convenir, à partir des données disponibles du projet à ce jour, dont le programme fonctionnel et technique détaillé (PFT) et le concept volumétrique proposés par l’établissement, des paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier pour la réalisation de l’ensemble du projet.

 

Pour chacun de ces paramètres, on entend :

-     contenu (la portée des travaux nécessaires à la livraison complète et entière de l’ensemble du projet);

-     qualité (les caractéristiques fonctionnelles et techniques nécessaires pour assurer le fonctionnement et l’opération de chacun des usages prévus);

-     coûts (Budget convenu approuvé par le ministre);

-     échéancier (les dates de livraison des différentes phases du projet).

 

ü La Planification du projet, laquelle a principalement pour objectif de mettre à jour et finaliser le concept d’ensemble du projet de façon à rencontrer les paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier établis et convenus, incluant la préparation des plans et devis préliminaires et/ou devis de performance requis, et de planifier, coordonner, concevoir, développer et mettre en œuvre les stratégies, les méthodes, les moyens, les processus et les outils de façon à superviser le travail de tous les fournisseurs de biens et services.

 

ü La Réalisation du projet, laquelle a principalement pour objectif de produire des documents d’appel d’offres (plans et devis définitifs) des composantes identifiées à la Description sommaire du projet telle que présentée à la partie II et d’assurer le suivi de la réalisation et de la construction de l’ensemble du projet et sa conformité avec les paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier établis et convenus.

 

ü La Clôture du projet, laquelle a principalement pour objectif d’assurer, pour et au nom du CHUM, la fermeture de tous les contrats.

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

[685]     De plus, les conventions de services initiales énoncent que les équipes maîtres des architectes et des ingénieurs ont des mandats importants de soutien dans tous les aspects techniques et d’optimisation du projet. À ce sujet, les conventions de services initiales énoncent[660] :

 

1.            GÉNÉRALITÉS

 

            1.1       PORTÉE

 

1.1.1  Sous la responsabilité de l’Équipe maître de gestion de projets, le mandat de l’Équipe maître d’architecture consiste pour son secteur d’activité :

 

          ü à supporter et conseiller l’Équipe maître de gestion de projets pour établir et convenir des paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier;

 

          ü à mettre à jour et finaliser le programme fonctionnel et technique et le concept d’ensemble du projet de façon à respecter les paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier établis;

 

          ü à produire des documents d’appel d’offres des composantes identifiées à la Description sommaire du projet telle que présentée à la partie II selon le mode de gestion et de réalisation établi;

 

          ü à assurer la surveillance de l’ensemble des travaux et leur conformité aux paramètres de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier établis;

 

          ü à supporter et conseiller, au besoin, l’Équipe maître de gestion de projets, dans la fermeture de tous les contrats.

 

Pour ce faire, l’Équipe maître d’architecture doit regrouper et intégrer, dans sa spécialité, l’ensemble des services requis pour réalisation complète et entière de l’ensemble du projet, notamment : réglementation du bâtiment, acoustique, services alimentaires, systèmes de sécurité, quincaillerie, laboratoires, transport vertical, transport des biens et du matériel, environnement, développement durable, LEED, ergonomie, prévention des infections, accessibilité universelle, aménagement / mobilier / design, équipements médicaux spécialisés, radiation / champs magnétiques, signalisation, etc.

 

[…]

 

            1.3       OPTIMISATION DE LA VALEUR

 

1.3.1  Supporter et collaborer, dans son secteur d’activité, avec l’Équipe maître de gestion de projets, selon l’approche de l’analyse de la valeur et/ou toute autre approche reconnue, dans la recherche et l’élaboration de toute option et/ou alternative fonctionnelle, opérationnelle et technique pour respecter et/ou optimiser les objectifs de contenu, de qualité, de coûts et d’échéancier, en évaluer la pertinence, la faisabilité et les risques de chacune des options identifiées, en considérant notamment :

 

          ü la pertinence de l’option (des options) (contribution à l’atteinte des objectifs du projet);

 

          ü les risques, les opportunités et les changements de l’option (des options);

 

          ü les besoins du projet (programme fonctionnel et technique);

 

          ü la faisabilité technique (la disponibilité ou l’applicabilité de l’option, la disponibilité des intrants requis (ressources, savoir-faire, technologies, etc.), la santé et la sécurité, le plan de coûts et l’échéancier de l’ensemble du projet, les impacts sur l’opération, le fonctionnement, l’environnement, etc.);

 

          ü la faisabilité financière (offre et demande, budget global, main-d’œuvre, relations de travail, matières premières, frais généraux, opération et entretien, etc.);

 

          ü la faisabilité économique (plan de financement, récupération (pay-back), analyse coûts/bénéfices, identification des risques économiques, etc.);

 

          ü la (les) stratégie(s) de mise en oeuvre et de réalisation du projet;

 

          ü la faisabilité organisationnelle et de gestion.

 

1.4          SERVICES CONSEILS ET DE SUPPORT

 

1.4.1  Supporter et conseiller, dans son secteur d’activité, l’Équipe maître de gestion de projets afin d’accompagner l’établissement auprès des autorités publiques, comme le ministère de la Santé et des services sociaux ou l’un de ses représentants, la Ville de Montréal, l’Agence des partenariats public-privé, la Régie du bâtiment, le ministère de la Culture, le ministère des Transports, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, la Commission de la Santé et de la Sécurité au Travail, etc., et les compagnies d’utilités publiques en vue, s’il y a lieu, de conclure les ententes de développement, d’obtenir les autorisations et permis nécessaires, et toute autre approbation nécessaire à la mise en œuvre de l’ensemble du projet.

 

1.4.2  Supporter et conseiller, dans son secteur d’activité, l’Équipe maître de gestion de projets afin de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour assurer et garantir le maintien des activités de l’établissement tout au long de la réalisation de l’ensemble du projet.

 

[686]     À notre avis, les services décrits comme supplémentaires par BPYA et BPTH entrent dans le cadre de ces descriptions des mandats prévus aux conventions de services initiales. Ainsi, ils devraient être compris dans le mandat général pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux, ou encore, dans d’autres descriptions plus générales des mandats accordés suivant l’option du mode de réalisation PPP. En conséquence, avec une exception qui sera expliquée ci-après, à notre avis, le CHUM est en droit de créditer l’ensemble des heures dites supplémentaires aux réclamations de BPYA et de BPTH.

 

[687]     L’exception concerne 3 614 heures supplémentaires de BPYA dans la phase de démarrage. Ces heures dépassent, même avec l’augmentation des coûts et l’agrandissement du projet, ce que BPYA aurait pu s’attendre à réaliser durant cette phase. BPYA a droit à compensation pour les parties des trois mandats qui lui ont été retirées sans droit. Si le Tribunal accordait un crédit au CHUM pour ce supplément, cela pénaliserait BPYA en lui enlevant compensation de ses dommages subis qui résultent de l’élimination de ces mandats lors d’autres phases de réalisation du projet. Or, BPYA n’a jamais rendu les services professionnels pour les mandats prévus, lors de la Phase 2 (Planification), par rapport à l’élaboration de la conception générale du projet et à la préparation des plans et devis préliminaires ni, lors des phases 2 (Planification) et 3 (Réalisation), par rapport au contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux.

 

[688]     Ainsi, BPYA ne devrait pas être pénalisé pour l’absence de préparation du CHUM et les changements répétés de sa part concernant les tâches à réaliser au cours de la phase de Démarrage (Phase 1).

 

[689]     Conformément à nos commentaires précédents, nous sommes d’avis que les mandats de BPYA et de BPTH concernant le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux leur ont été retirés sans droit et en violation des conventions de services initiales. BPYA et BPTH demandent maintenant réparation du préjudice financier résultant de ces éliminations. Dans les sections subséquentes, nous déterminerons dans quelle mesure ils ont droit à compensation.

 

C) BPYA

 

i) L’élimination des mandats pour élaborer la conception générale du projet et pour préparer les plans et devis préliminaires

 

[690]     Selon les informations les plus précises fournies au Tribunal, les mandats pour la conception générale du projet et pour la préparation et la production des plans préliminaires correspondent à 408 168 heures professionnelles de BPYA, soit 204 084 pour la conception et 204 084 pour les plans et devis préliminaires[661]. Le mandat pour l’élaboration du concept a été retiré à 91,53 %. Le 8,47 % restant correspond à 17 281 heures qui ont été réalisées. Le mandat pour la préparation et la production des plans et devis préliminaires a été retiré à 100 %. Il en résulte que 390 887 heures professionnelles ont été retirées à BPYA à ce titre.

 

[691]     Il y a lieu de réduire le nombre d’heures admissibles à compensation pour plusieurs motifs. En premier lieu, malgré l’application abusive de la clause de modification, de même que les violations des obligations de renseignement et de collaboration, le CHUM avait tout de même le droit de se prévaloir de la clause de modification, suivant les exigences de la bonne foi. Selon notre appréciation de toute la preuve, le CHUM pouvait réduire de manière générale ces mandats de 20 %. BPYA et BPTH n’ont jamais nié leur connaissance de la clause de modification. Ils se sont opposés à son application abusive; tel que mentionné, ils reconnaissent que la jurisprudence pertinente autorise une réduction de cet ordre. Le CHUM s’est livré à une application déraisonnable et excessive de la clause, agissant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi. Mais il n’y a pas de raison valable dans les circonstances pour empêcher le CHUM de bénéficier d’une marge de réduction de mandats qui est conséquente à une réduction raisonnable, non excessive et en conformité avec les exigences de la bonne foi.

 

[692]     Ce chiffre doit cependant faire l’objet d’autres ajustements. BPYA et BPTH réclament les honoraires perdus à la suite de l’élimination du mandat confié pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux. Ce mandat accordait une responsabilité large à BPYA et à BPTH, et ce, au cours de toutes les phases prévues aux conventions de services. Cependant, ce mandat comprenait également une responsabilité d’imputabilité quant aux dépassements du montant ventilé du budget convenu, soit le budget que BPYA et BPTH auraient collaboré à établir.

 

[693]     La clause pertinente prévoit[662] :

 

4. Les équipes maîtres d’architecture et de génie devront, par ailleurs, assumer chacune pour leur spécialité respective, tout dépassement du montant ventilé du Budget convenu correspondant à leur spécialité, et ce, jusqu’à concurrence d’un montant représentant 25 % de leurs honoraires respectifs facturables pour l’ensemble du projet :

 

-       Pour la première tranche de dépassement de 0 % à 10 % du montant ventilé du Budget convenu, correspondant à leur spécialité, elles assumeront 5 % du dépassement;

 

-       Pour tout dépassement supérieur à 10 % du montant ventilé du Budget convenu, correspondant à leur spécialité, elles assumeront 10 % du dépassement.

 

Les pénalités pourront être retranchées sur les honoraires des équipes maîtres autrement payables par l’exercice de la compensation.

 

[694]     Il y a également lieu de se référer à la clause suivante[663] :

 

Toutefois par voie de conséquence, les équipes maîtres d’architecture et de génie seront aussi responsables et imputables de l’atteinte des quatre (4) grands objectifs de contenu, qualité, coûts, échéancier pour leur spécialité respective.

 

[695]     À notre avis, BPYA et BPTH ne peuvent pas réclamer les heures non facturées en raison de l’élimination du mandat ayant trait au contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux sans tenir compte du revers de la médaille, soit l’imputabilité financière possible quant à ces éléments en ce qui a trait à leurs honoraires.

 

[696]     Le Tribunal estime qu’il y a plusieurs éléments à considérer à ce sujet.

 

[697]     En premier lieu, il faut noter que, de l’avis de tous, la qualité des services rendus par BPYA et BPTH a toujours été excellente. Ainsi, si BPYA et BPTH avaient eu l’opportunité d’exécuter le mandat pour le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux, il y a lieu de croire que le travail aurait été bien fait. Néanmoins, il n’y a aucune garantie au contraire, et ce, même pour un travail de vérification des coûts bien fait, qu’il n’y aurait pas eu de dépassements des montants fixés au budget.

 

[698]     En deuxième lieu, la responsabilité d’imputabilité potentielle n’a pas été entièrement éliminée lors de la refonte des conventions de services et l’imposition des conventions de services amendées. Le CHUM l’a maintenue pour tout élément du programme de construction à l’égard duquel le mode de réalisation serait le mode conventionnel[664]. Le CHUM gardait donc BPYA et BPTH « en réserve » pour faire ce travail, y compris si une entente de PPP n’avait pas pu être conclue avec un partenaire privé, ce qui était toujours une possibilité jusqu’à la signature des contrats de partenariat. Même si le CHUM a plus tard décidé de réaliser le tout en mode conventionnel, et ce, sans obtenir l’accord de BPYA et de BPTH et que le CHUM a pu convenir des ententes de PPP avec des partenaires privés, il nous semble que BPYA et BPTH ont tout de même « gagné » une partie de la rémunération attribuable à cette imputabilité importante. Selon la preuve, cette imputabilité additionnelle a d’ailleurs dû être approuvée par les assureurs de BPYA et de BPTH (ou leurs sociétés constituantes).

 

[699]     La jurisprudence constante en matière d’évaluation de dommages demande au Tribunal, chargé d’évaluer et de déterminer les dommages, de le faire à partir de son appréciation des éléments de preuve au dossier. Dans Black c. Alharayeri, la Cour d’appel s’est exprimée ainsi[665] :

 

« […] - le juge avait l’obligation d’arbitrer le quantum du préjudice. Cela n’excluait pas qu’il le fixe à zéro. Néanmoins, en présence d’une incertitude, ce qui ne pouvait manquer d’être le cas dans un litige comme celui-ci, la jurisprudence s’attend du juge à ce qu’il fasse pour le mieux à partir des éléments probants rassemblés dans le dossier. »

 

[700]     Considérant tous ces facteurs, et exerçant sa responsabilité de déterminer les dommages de manière équitable, le Tribunal arbitre qu’il y a lieu de réduire les heures réclamées d’un autre 5 %. Conformément à la clause 4 citée ci-dessus, il s’agit d’une solution à mi-chemin entre aucune réduction d’honoraires et un maximum prévu de 10 %.

 

[701]     Pour ces motifs, le Tribunal ajoute 5 % au 20 % déjà fixé et appliquera une réduction uniforme à tous les honoraires de 25 %.

 

[702]     Ainsi, le Tribunal réduit de 25 % (97 721,75) les 390 887 heures retirées, ce qui les porte à 293 165,25 heures.

 

[703]     Ce chiffre doit faire l’objet d’un autre ajustement. À notre avis, il y a lieu de faire une distinction entre les droits de BPYA (et nous verrons, de BPTH) en vertu du projet d’origine du Nouveau CHUM et leurs droits selon le projet révisé et agrandi du Nouveau CHUM, tel que construit.

 

[704]     L’abus de droit le plus patent du CHUM relève de l’élimination des trois mandats de BPYA et de BPTH en rapport au projet d’origine. BPYA et BPTH avaient fait des soumissions pour un projet relativement bien circonscrit et défini, tel qu’il appert des tableaux d’appréciation des heures. Ils avaient remporté les appels de candidatures pour ce projet. Des contrats exécutoires se sont formés entre eux et le CHUM, et ont été finalisés par les conventions de services initiales intervenues en rapport avec ce projet. Les mandats prévus pour la conception générale du projet et la préparation des plans et devis préliminaires ont été éliminés sans droit. Les attentes contractuelles légitimes de BPYA et de BPTH ont été violées. À notre avis, il y a une distinction importante à faire en ce qui a trait à la détermination de leurs dommages concernant les heures professionnelles non rendues ayant trait au projet d’origine du Nouveau CHUM et ceux qui relèvent du projet révisé et agrandi de celui-ci.

 

[705]     Des discussions concernant l’agrandissement du projet ont eu lieu au cours de l’année 2007 et ont pris fin en automne 2008, et donc bien après la réception des soumissions en juillet 2006 et l’envoi à BPYA et à BPTH des avis d’octroi des contrats en novembre 2006. BPYA et BPTH ont été retenus pour agir comme équipes maîtres pour l’ensemble du projet. Ainsi, il est normal que leurs mandats se prolongent et s’étendent, dans les domaines d’architecture et de génie, à tout agrandissement du projet et à toute augmentation conséquente du budget. Il est également vrai que le prolongement très significatif de la durée du projet (de 5 à 15 ans) a entraîné des difficultés et des complications dans la gestion de la disponibilité du personnel-cadre et junior des consortiums affectés au projet. Cependant, ce prolongement et la complexification du projet ont également eu des effets positifs et rémunérateurs pour BPYA et BPTH.

 

[706]     Il ne faut pas perdre de vue que les recours de BPYA et de BPTH ont comme fondement la violation des exigences de la bonne foi et l’abus de droit de la part du CHUM.

 

[707]     À notre avis, en l’espèce, dans le contexte d’un recours fondé sur une application excessive et déraisonnable de la clause de modification par le CHUM, les attentes de BPYA et de BPTH quant aux services à rendre ayant trait à la partie du Nouveau CHUM et résultant de la révision et de l’agrandissement du projet - en lien avec la réalisation des mandats pour l’élaboration de la conception générale du projet, pour la préparation des plans et devis préliminaires et pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux - sont moins protégées du point de vue contractuel que celles qui relèvent des mêmes mandats quant au projet d’origine du Nouveau CHUM.

 

[708]     Compte tenu de l’ensemble de la preuve et des considérations mentionnées, le Tribunal est d’avis que la protection accordée à BPYA et à BPTH au sujet de leurs droits d’indemnisation par rapport aux services professionnels qu’ils avaient à rendre concernant la partie agrandie et révisée du projet du Nouveau CHUM doit être amputée de 65 %. Ainsi, des dommages correspondant à 35 % de ces heures seront accordés.

 

[709]     Pour ces motifs, il y a lieu de diviser les heures mentionnées selon que celles-ci relèvent du projet d’origine ou du projet agrandi du Nouveau CHUM.

 

[710]     Selon les informations les plus précises fournies au Tribunal, le coût prévu du projet d’origine du Nouveau CHUM représente 37 % (848 000 000[666]/2 290 213 840,36 $[667]) du coût total final du Nouveau CHUM, révisé et agrandi. Ainsi, le Tribunal évalue les dommages de BPYA comme suit :

 

BPYA - Pertes d’heures : conception et plans préliminaires

Nouveau CHUM (projet d’origine) 37 %

108 471 (37 % de 293 165)

Nouveau CHUM (projet agrandi) 63 %

64 642,9 (63 % de 293 165 = 184 694 x 35 %)

Sous-total - Phase 2 (partiel) :

173 113,9 heures

 

ii) L’élimination du mandat pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux

 

[711]     Nous procédons à déterminer les pertes d’heures subies par rapport à chaque phase des mandats confiés aux consortiums selon la ventilation prévue aux tableaux d’appréciation des heures requises fournis par le CHUM dans le cadre des appels de candidatures. Cette ventilation est basée sur le plan de division des mandats suivant les phases du projet en vertu des conventions de services.

 

[712]     Pour la Phase 1 (Démarrage), nous avons déjà indiqué qu’aucun montant ne sera accordé étant donné que les services demandés et fournis excèdent ceux qui auraient pu être prévus[668].

 

[713]     Pour la Phase 2 (Planification), selon les chiffres les plus précis fournis au Tribunal, BPYA a été privé de 93,04 % de son mandat à ce sujet. Cela constitue 42 195 heures (45 352 - 3 157).

 

[714]     Pour les mêmes raisons que celles mentionnées à la section précédente, sans abuser de ses droits, le CHUM pouvait réduire le mandat de BPYA à cet égard de 20 % (10 548,75). En plus, au regard de l’imputabilité, il y a lieu de réduire les heures sujettes à indemnisation d’un autre 5 %. Le pourcentage total de réduction est de 25 %. Il en reste 31 646,25. Pour les raisons mentionnées, il faut distinguer la quantité d’heures susceptible d’être réclamée selon que les heures se rapportent au projet d’origine ou au projet agrandi du Nouveau CHUM, et selon les mêmes pourcentages préalablement indiqués. Ainsi, le Tribunal évalue les dommages de BPYA à ce sujet comme suit :

 

BPYA - Pertes d’heures Phase 2 (Planification) : contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux

Nouveau CHUM (projet d’origine) 37 %

11 709,11 (37 % de 31 646,25)

Nouveau CHUM (projet agrandi) 63 %

6 978 (63 % de 31 646,25 = 19 937,14 x 35 %)

Sous-total - Phase 2 (partiel) :

18 687,11 heures

 

[715]     Pour la Phase 3 (Réalisation), selon les chiffres les plus précis fournis au Tribunal, BPYA a été privé de 44,18 % de ce qu’il aurait pu s’attendre à rendre comme services en heures professionnelles. Cela se rapporte aux points 3.1 (production des documents d’appel d’offres (plan, devis et autres documents) : 75,35 % de réduction) et 3.2 (respect et suivi de la conformité : 17,37 % de réduction)[669]. Cela donne lieu à une réduction de 112 285 heures (254 158 - 141 873).

 

[716]     À notre avis, il y a lieu d’appliquer un pourcentage de réduction, valable et non déraisonnable en vertu de la clause de modification (20 %), plus un pourcentage pour l’imputabilité du contrôle (5 %) pour un total de 25 % (28 071,25 $). Il en reste 84 213,75 $.

 

[717]     Les facteurs que nous avons mentionnés ci-dessus pour les autres déterminations des heures perdues continuent de s’appliquer, et ce, pour les mêmes raisons, à savoir qu’il y a lieu de distinguer selon que les services à rendre faisaient partie des mandats prévus dans le cadre du projet d’origine ou du projet agrandi du Nouveau CHUM, et ce, dans les mêmes proportions :

 

BPYA - Pertes d’heures : Phase 3 (Réalisation)

contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux

Nouveau CHUM (projet d’origine) 37 %

31 159,08 (37 % de 84 213,75)

Nouveau CHUM (projet agrandi) 63 %

18 569,13 (63 % de 84 213,75 = 53 054,66 x 35 %)

Sous-total (Phase 3) :

49 728,21 heures

 

[718]     Pour la Phase 4 (Clôture), selon la preuve la plus précise fournie au Tribunal, le mandat de BPYA a été réduit de 85,65 %[670]. L’élimination de ce mandat a occasionné la perte de 69 364 (80 984 - 11 620) heures pour BPYA. Les raisons d’ajustement mentionnées pour la Phase 3 s’appliquent également aux heures perdues pour la Phase 4.


 

[719]     Dans un premier temps, il y a lieu de réduire 69 364 par 25 % (17 341), soit à 52 023 heures. Dans un deuxième temps, il y a lieu d’effectuer les divisions suivantes, à savoir :

 

BPYA - Pertes d’heures : Phase 4 (Clôture)

contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux

Nouveau CHUM (projet d’origine) 37 %

19 248,51 (37 % de 52 023)

Nouveau CHUM (projet agrandi) 63 %

11 471,07 (63 % de 52 023 = 32 774,49 x 35 %)

Sous-total (Phase 4) :

30 719,58 heures

 

iii) Nombre total d’heures professionnelles dont BPYA a été privé

 

[720]     L’élimination des mandats pour la conception et la préparation des plans et devis préliminaires représente 173 113,9 heures.

 

[721]     Les heures perdues en raison de l’élimination du mandat relatif au contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux sont les suivantes :

 

BPYA - pertes d’heures :

contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux

Phase 2

18 687,11

Phase 3

49 728,21

Phase 4

30 719,58

Sous-total :

99 134,90

 

[722]     Le nombre total d’heures professionnelles dont BPYA a été privé est 272 248,80 (173 113,90 + 99 134,90). Les experts des parties s’entendent que le taux moyen applicable de ces heures est de 84 $[671]. Ainsi, le montant total des honoraires professionnels perdus en raison de l’élimination fautive des mandats de BPYA est de 22 868 899 $ (272 248,80 x 84 $). Cependant, BPYA ne réclame que le profit perdu par rapport à de tels honoraires. Dans une section ultérieure[672], nous déterminerons la marge de profit applicable.

 

D) BPTH

 

i) L’élimination des mandats pour élaborer la conception du projet et pour préparer les plans et devis préliminaires

 

[723]     Nous ferons le même exercice que celui effectué pour BPYA, en l’adaptant aux données applicables à BPTH.

 

[724]     Selon les informations les plus précises fournies au Tribunal, la réduction de mandats de BPTH par le CHUM a éliminé 66,4 % des services à rendre en vertu de la convention de services. Cette réduction était déraisonnable, excessive et abusive, contraire aux exigences de la bonne foi due par le CHUM à BPTH. De même, le CHUM a violé les obligations de renseignement et de collaboration dues à BPTH. Néanmoins, comme pour BPYA, l’application abusive de la clause de modification ne devrait pas empêcher le CHUM de bénéficier de ce qui aurait été un exercice valable, raisonnable et non excessif de la clause de modification. Comme pour BPYA, nous décidons que cette clause de modification aurait pu être valablement exercée en retranchant 20 % du mandat confié. En plus, au regard d’un ajustement pour la responsabilité d’imputabilité, il y a lieu de réduire les heures sujettes à indemnisation d’un autre 5 %. Ainsi, pour le poste de réclamation de BPTH, nous soustrayons 25 % des heures réclamées.

 

[725]     Le CHUM a éliminé sans droit les mandats confiés à BPTH pour élaborer la conception mécanique et électrique du projet du Nouveau CHUM, de même que les plans et devis préliminaires afférents.

 

[726]     Selon les données les plus précises fournies au Tribunal, 70,09 % du mandat pour la conception et 92,25 % du mandat pour les plans et devis préliminaires ont été effectivement retirés[673]. Ces chiffres ont été ventilés selon la division des phases du mandat général des conventions de services suivant le formulaire du tableau d’appréciation des heures « Ingénierie » des documents d’appel[674]. En additionnant ces deux mandats, 81,17 % de ces mandats a été retiré à BPTH. Des 174 156 heures que BPTH aurait dû rendre, il n’en a réalisé que 32 791. Pour ce travail confié, BPTH a donc été privé de rendre 141 365 heures de travail (174 156 - 32 791).

 

[727]     En premier lieu, ces heures sont réduites de 25 %, soit de 35 341,25, laissant une réclamation pour 106 023,75 heures non gagnées pour les mêmes raisons que celles présentées dans la section de BPYA.

 

[728]     Le tableau d’appréciation des heures utilisé dans les documents d’appel de candidatures pour l’équipe maître en génie mécanique et électrique se réfère aux mêmes montants de coûts de construction que ceux utilisés dans l’appel de candidatures pour l’équipe maître d’architecture, soit 848 millions $ (avant taxes).

 

[729]     Pour les mêmes raisons que celles mentionnées dans la section précédente pour BPYA, la détermination comme dommages des heures professionnelles perdues varie selon qu’elles relèvent de celles attendues en vertu du projet d’origine ou du projet agrandi du Nouveau CHUM.

 

[730]     Pour ce motif, les mêmes proportions seront utilisées, à savoir 37 % pour le projet d’origine et 63 % pour le projet agrandi, tel que construit, du Nouveau CHUM.

 

[731]     BPTH avait le droit de s’attendre à ce que le projet d’origine soit réalisé et que les heures professionnelles requises pour le faire en vertu de la convention de services initiales puissent être fournies. Cela est conforme à leurs attentes contractuelles légitimes.

 

[732]     Pour les raisons déjà expliquées dans la section concernant BPYA, des distinctions importantes s’appliquent aux heures relatives à la partie agrandie du projet du Nouveau CHUM. Ces raisons justifient un ajustement additionnel de 65 % des heures réclamées pour le projet agrandi du CHUM, laissant un solde de 35 % d’heures. Pour ces motifs, les calculs pertinents sont les suivants :

 

BPTH - Pertes d’heures : conception et plans préliminaires

Nouveau CHUM (projet d’origine) 37 %

39 228,79 (37 % de 106 023,75)

Nouveau CHUM (projet agrandi) 63 %

23 378,24 (63 % de 106 023,75 = 66 794,96 x 35 %)

Sous-total - Phase 2 (partiel) :

62 607,03 heures

 

ii) L’élimination du mandat pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier de la qualité et du contenu des travaux

 

[733]     Pour la Phase 1 (Démarrage), les données les plus précises fournies au Tribunal indiquent une réduction de 9,08 % du mandat relatif au contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux[675]. BPTH aurait pu s’attendre à rendre 52 225 heures, mais n’en a rendu que 47 483. La différence est de 4 742 heures. Il faut réduire ce chiffre de 25 %, soit de 1 185,5 heures, laissant une différence de 3 556,5 heures. Le calcul pertinent est le suivant :

 

BPTH - Perte d’heures Phase 1 (Démarrage) :

contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux

Nouveau CHUM (projet d’origine) 37 %

1 315,9 (37 % de 3 556,5)

Nouveau CHUM (projet agrandi) 63 %

784,20 (63 % de 3 556,5 = 2 240,6 x 35 %)

Sous-total (Phase 1) :

2 100,10 heures

 

[734]     Pour la Phase 2 (Planification), les données les plus précises fournies au Tribunal situent le pourcentage de réduction de ce mandat à 40,05 %, soit 1 855 heures des 3 094 attendues, laissant un solde de 1 239 heures. Ce chiffre doit être réduit de 25 %, soit de 309,75 heures, laissant un solde de 929,25 heures :

 

BPTH - Perte d’heures Phase 2 (Planification) :

contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux

Nouveau CHUM (projet d’origine) 37 %

343,82 (37 % de 929,25)

Nouveau CHUM (projet agrandi) 63 %

204,90 (63 % de 929,25 = 585,43 x 35 %)

Sous-total (Phase 2, partiel) :

548,72 heures

 

[735]     Pour la Phase 3 (Réalisation), les données les plus précises fournies au Tribunal indiquent une réduction totale du mandat équivalant à 68,87 %[676].

 

[736]     BPTH pouvait s’attendre à rendre 365 500 heures et n’a rendu que 113 774 heures. La réduction vise les deux items mentionnés (3.1 et 3.2) au tableau d’appréciation des heures aux documents d’appel. Le nombre d’heures restant est de 251 726 (365 500 - 113 774).

 

[737]     Pour les mêmes raisons que nous avons étayées à la section précédente pour BPYA, nous sommes d’avis que le CHUM pouvait réduire le mandat pour les phases 3 et 4, de 25 %. Ainsi, 251 726 heures ajustées par une réduction de 25 % (62 931,50) égalent 188 794,50 heures. Un nombre d’heures équivalent au pourcentage de 65 % doit être réduit pour la portion des heures réclamées pour le projet agrandi du Nouveau CHUM. Le calcul pertinent pour les heures perdues est donc le suivant :

 

BPTH - Perte d’heures Phase 3 (Réalisation) :

contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux

Nouveau CHUM (projet d’origine) 37 %

69 853,97 (37 % de 188 794,50)

Nouveau CHUM (projet agrandi) 63 %

41 629,19 (63 % de 188 794,50 = 118 940,54 x 35 %)

Sous-total (Phase 3) :

111 483,16 heures

 

[738]     Pour la Phase 4 (Clôture), selon les données les plus précises fournies au Tribunal, le mandat de BPTH a été réduit de 32,68 %, soit de 11 819 heures à 7 957 heures, se soldant par une perte de 3 862 heures.

 

[739]     Dans un premier temps, il y a lieu d’appliquer une réduction de 25 % (965,5), soit à 2 896,50. Dans un deuxième temps, le calcul pertinent est le suivant :

 

BPTH - Perte d’heures Phase 4 (Clôture) :

contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux

Nouveau CHUM (projet d’origine) 37 %

1 071,71 (37 % de 2 896,50)

Nouveau CHUM (projet agrandi) 63 %

638,68 (63 % de 2 896,50= 1 824,80 x 35 %)

Sous-total (Phase 4) :

1 710,39 heures

 

iii) Montant total d’heures professionnelles dont BPTH a été privé

 

[740]     L’élimination des mandats pour la conception et la préparation des plans et devis préliminaires représente 62 607,03 heures.


 

[741]     Les heures perdues en raison de l’élimination du mandat relatif au contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux sont les suivantes :

 

BPTH -pertes d’heures :

contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux

Phase 1

2 100,10

Phase 2

548,72

Phase 3

111 483,16

Phase 4

1 710,39

Sous-total d’heures :

115 842,37

 

Le nombre total des heures professionnelles dont BPTH a été privé est de 178 449,40 (62 607,03 + 115 842,37).

 

[742]     Les experts des parties s’entendent que le taux moyen applicable de ces heures est de 100,13 $[677]. Ainsi, le montant total des honoraires professionnels perdus en raison de l’élimination fautive des mandats de BPTH est de 17 868 138 $ (178 449,40 x 100,13 $). Cependant, BPTH ne peut réclamer que le profit perdu par rapport aux honoraires non perçus.[678] Nous déterminerons dans une section ultérieure la marge de profit applicable.

 

7) Quel est l’effet juridique du Décret 980-2008 du 8 octobre 2008 du Gouvernement quant aux réclamations de BPYA et de BPTH?

 

[743]     Dès septembre 2007 pour BPTH et dès octobre 2007 pour BPYA, le CHUM présente aux équipes maîtres des documents leur proposant de retirer les mandats concernant la conception de l’ensemble du projet, la préparation et la production des plans préliminaires et le contrôle des coûts. BPYA et BPTH ont refusé. Sous réserve expresse de leurs droits, en particulier de leurs réclamations en dommages, ils ont signé les conventions de services amendées en septembre 2008[679].

 

[744]     Le 8 octobre 2008, le Gouvernement émet le Décret 980-2008[680]. Ce Décret est adopté en vertu de l’article 487 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux[681]. Cet article autorise le Gouvernement « s’il estime que des circonstances exceptionnelles le justifient » et notamment « lorsqu’il y a des répercussions significatives d’ordre financier, scientifique ou technologique sur les activités d’un établissement » à modifier les dispositions d’un règlement déjà pris et « d’établir d’autres modalités précises de réalisation du projet visé ». Le règlement modifié est le premier décret ayant autorisé les appels de candidatures des équipes maîtres, notamment pour le projet du Nouveau CHUM[682].

 

[745]     Nous avons déjà vu le contenu du Décret 980-2008. Il y a lieu d’en reproduire ici certains extraits :

 

ATTENDU QUE, à la suite de ce décret, l’Agence des partenariats public-privé du Québec, le Directeur exécutif ainsi que les autorités du CHUM et du CUSM ont, d’un commun accord, décidé de confier aux partenaires privés éventuels une partie importante de la conception et des travaux préliminaires des composantes des projets réalisés en mode PPP, et ce, afin d’inciter ces partenaires à privilégier des solutions qui permettront d’obtenir globalement le meilleur rapport qualité-prix sur la durée de vie des projets;

 

ATTENDU QUE cette dernière décision a pour effet de réduire de façon importante la portée initiale du mandat des fournisseurs de services professionnels retenus par le CHUM et le CUSM dans la conception des projets;

 

ATTENDU QUE le Directeur exécutif ainsi que les autorités du CHUM et du CUSM estiment que ces fournisseurs de services professionnels ont droit à un ajustement raisonnable pour cette réduction de leur mandat initial;

 

[Le Tribunal a souligné et mis en gras une partie du texte.]

 

[746]     Selon le Décret 980-2008, le CHUM est autorisé à débourser à ses équipes maîtres un montant total de 1 million $ suivant la preuve du « bien-fondé » d’une réclamation. Les avocats des parties ne s’entendent pas quant à l’effet juridique du Décret 980-2008. Selon BPYA et BPTH, ce décret constitue une reconnaissance légale du caractère fautif des réductions de mandats imposées à BPYA et à BPTH et la responsabilité du CHUM à cet égard[683].

 

[747]     Selon le CHUM, le Décret 980-2008 constitue simplement une autorisation gouvernementale donnée au CHUM de débourser un montant d’indemnisation suivant sa discrétion et son évaluation d’une réclamation présentée.

 

[748]     Le CHUM soutient que BPYA et BPTH n’ont jamais produit de réclamation pouvant satisfaire aux conditions du décret. La Cour est d’avis que les mises en demeure de BPYA[684] et de BPTH[685], de même que les demandes en justice déposées par ces derniers constituent des demandes admissibles en vertu du Décret 980-2008.

 

[749]     Selon BPYA et BPTH, le Décret 980-2008 est un acte authentique qui fait preuve de son contenu à l’égard de tous, y compris à l’égard du CHUM. À ce titre, ils soumettent que le texte de ce décret fait partie du droit en vigueur au Québec. À l’appui de ce moyen, BPYA et BPTH se réfèrent aux articles suivants du Code civil du Québec :

 

2807. Le tribunal doit prendre connaissance d’office du droit en vigueur au Québec.

 

Doivent cependant être allégués les textes d’application des lois en vigueur au Québec, qui ne sont pas publiés à la Gazette officielle du Québec ou d’une autre manière prévue par la loi, les traités et accords internationaux s’appliquant au Québec qui ne sont pas intégrés dans un texte de loi, ainsi que le droit international coutumier.

 

2814. Sont authentiques, notamment les documents suivants, s’ils respectent les exigences de la loi:

 

1°Les documents officiels du Parlement du Canada et du Parlement du Québec;

 

Les documents officiels émanant du gouvernement du Canada ou du Québec, tels les lettres patentes, les décrets et les proclamations;

 

2818. Les énonciations, dans l’acte authentique, des faits que l’officier public avait mission de constater ou d’inscrire, font preuve à l’égard de tous.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie des textes.]

 

[750]     Dans leur ouvrage, La preuve civile, les professeurs C. Piché et J.-C. Royer écrivent :

 

« Par ailleurs, les expressions « droit en vigueur au Québec » et « texte d’application des lois en vigueur au Québec » sont suffisamment larges pour englober maintenant des décisions ministérielles qui ont force de loi. Aussi, le tribunal doit maintenant prendre connaissance d’office de ces textes, s’ils sont publiés dans la Gazette officielle du Québec. »[686]

 

« Un écrit authentique prouve souvent tous les faits qu’il contient. C’est d’ailleurs le cas des documents publics mentionnés aux cinq premiers paragraphes de l’article 2814 C.c.Q. »[687]

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[751]     Dans son ouvrage, Précis de la preuve, le professeur L. Ducharme écrit[688] :

 

« 164. Il résulte de l’article 2818 C.c.Q. que la force probante de l’acte authentique est double. Cet acte fait preuve à l’égard de tous, tant des faits que l’officier public avait mission de constater que des faits qu’il avait mission d’inscrire. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[752]     Il n’y a pas de doute que le Décret 980-2008 a force de loi au Québec, tout comme une loi de l’Assemblée nationale ou un règlement émis en vertu d’une telle loi. Le CHUM ne conteste ni que le Décret a été valablement adopté ni qu’il était dûment mis en vigueur.

 

[753]     Ainsi, BPYA et BPTH plaident que le Décret 980-2008 est opposable au CHUM. Ils plaident que ce décret établit en droit, sans autre preuve, que la décision de « confier aux partenaires privés éventuels une importante partie de la conception et des travaux préliminaires des composantes réalisés en mode PPP » a occasionné une « réduction importante » de la « portée initiale » de leurs mandats et que le Décret reconnaît et confirme le droit de BPYA et de BPTH de recevoir une compensation adéquate, soit un « ajustement raisonnable » en raison de ladite réduction importante reconnue de la portée de leurs mandats.

 

[754]     Avec certaines exceptions et précisions qui seront présentées ci-après, ce raisonnement, basé sur les articles 2807, 2814 et 2818 C.c.Q., est bien fondé. En l’espèce, il n’est pas nécessaire de décider si le contenu de ce Décret est opposable à tous en tant que droit en vigueur au Québec. Cependant, il nous paraît clair que son contenu est opposable au CHUM, BPYA et BPTH étant signataires des conventions de services initiales intervenues et directement visées par le Décret. En ce qui a trait à ces personnes, l’effet juridique du Décret est de reconnaître que le CHUM a « réduit de façon importante la portée initiale du mandat », soit les conventions de services initiales des équipes maîtres, en ce qui a trait à la « conception et à la préparation des plans préliminaires » du projet du Nouveau CHUM.

 

[755]     Devant nous, le CHUM reconnaît en effet qu’il a modifié les mandats de BPYA et de BPTH. L’effet du décret est de reconnaître que BPYA et BPTH ont droit à une indemnisation raisonnable conséquente à cette réduction importante de leurs mandats.

 

[756]     Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire pour BPYA et BPTH d’établir l’existence d’une inexécution contractuelle de la part du CHUM pour pouvoir réclamer compensation de celui-ci. Entre les signataires des conventions de services initiales, il est établi par ce Décret que cette réduction est constitutive de responsabilité du CHUM à certaines conditions.

 

[757]     Il est à noter que le Décret 980-2008 ne se réfère point à une résiliation, même partielle, des mandats. Le décret se réfère plutôt à une « réduction »[689] et à une « modification »[690] du « mandat initial ».

 

[758]     S’il n’y avait pas de preuve devant le Tribunal quant à la responsabilité du CHUM résultant des réductions imposées par le CHUM des mandats de BPYA et de BPTH, ce Décret aurait eu plus d’importance dans le présent débat. En effet, le Tribunal a déjà conclu, sur la base de la preuve administrée et du droit civil applicable, qu’il y a eu une inexécution et une faute contractuelle de la part du CHUM en vertu des conventions de services initiales résultant de l’imposition d’une refonte unilatérale par le CHUM de ces conventions liant BPYA et de BPTH et leur retirant sans droit des mandats majeurs confiés.

 

[759]     Il ne faut cependant pas donner au Décret 980-2008 un effet juridique au-delà de son contenu précis. Le décret reconnaît, envers les signataires des conventions de services initiales, une responsabilité du CHUM de verser un « ajustement raisonnable » aux équipes maîtres pour le préjudice subi par eux en raison des réductions imposées par le CHUM. Mais la responsabilité reconnue est de portée limitée. En effet, la reconnaissance de responsabilité vaut seulement pour une limite monétaire fixée à 1 million $ à l’égard de l’ensemble des équipes maîtres du CHUM[691]. BPYA et BPTH réclament, aux termes des présentes procédures judiciaires, des montants de compensation plus élevés que le seuil monétaire admis par ce décret.

 

[760]     En outre, le Décret 980-2008 ne reconnaît pas l’existence d’un préjudice subi par les équipes maîtres visées et qui résulte de la réduction des mandats.

 

[761]     L’article 10 du Décret 980-2008 prévoit en partie[692] :

 

« 10. Les contrats de services professionnels peuvent prévoir le versement d’un ajustement raisonnable à tout fournisseur de services professionnels dont le mandat a été modifié substantiellement à la suite d’une décision du Gouvernement et qui en fait la demande.

 

Pour obtenir un ajustement, le fournisseur doit prouver le bien-fondé de sa demande. »

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[762]     Ainsi, en vertu du Décret 980-2008, aucun montant de compensation ne peut être versé à moins que le « fournisseur de services professionnel » visé prouve le « bien-fondé de sa demande ». Aucun montant précis de compensation, de droit et sans preuve, n’est prévu par le Décret. Tout postulant à indemnisation doit donc établir le dommage monétaire subi en raison de la réduction imposée des mandats. Les parties n’étant pas en mesure de s’entendre à ce sujet, il incombe au Tribunal d’établir le montant de tout préjudice subi par BPYA et BPTH résultant d’une élimination sans droit des mandats confiés.

 

[763]     Malgré le contenu clair du Décret 980-2008, le CHUM a plaidé que l’objectif et la portée de ce décret sont beaucoup plus limités. Selon le CHUM, ce Décret résulte d’une demande au DE de l’équipe maître en génie mécanique et électrique du projet du CUSM. Cette équipe maître aurait demandé au CUSM une certaine compensation du fait que les modifications des mandats ont eu comme conséquence de « débalancer » les ratios prévus pour les services à rendre par les professionnels seniors et juniors. À cet égard, le CHUM dépose une lettre d’un représentant de l’équipe maître de génie mécanique et électrique du CUSM formulant une telle demande[693]. Or, lors de l’appel de candidatures qui a donné lieu à un contrat avec cette équipe maître et le CUSM, vers septembre 2007, la convention de services à intervenir a déjà été modifiée, notamment en retirant à cette équipe maître les mandats pour la conception générale du projet et les plans et devis préliminaires du CUSM[694].

 

[764]     En effet, la soumission en question de l’équipe maître en génie mécanique et électrique du CUSM date du 19 octobre 2007[695]. Il en résulte qu’il n’y a pas eu de changement au mandat de la convention de services de cette équipe maître, contrairement à la situation de BPYA et de BPTH.

 

[765]     M. Gignac a été confronté avec cette contradiction lors de son contre-interrogatoire. Il a été déstabilisé et n’a pas pu y répondre[696]. À notre avis, la mémoire de M. Gignac a fait défaut sur ce point[697]. De plus, cette explication de la genèse du Décret 980-2008 est en porte-à-faux du libellé clair de celui-ci. Ce décret énonce qu’il vise à corriger l’iniquité résultant de la décision ayant « pour effet de réduire de façon importante la portée initiale du mandat » des équipes maîtres[698]. Or, dans l’exemple fourni par M. Gignac et les avocats du CHUM, l’équipe maître en question du CUSM n’a subi aucune réduction de la portée initiale de son mandat[699]. Il y a donc une contradiction majeure entre ce moyen du CHUM et la teneur du Décret 980-2008.

 

[766]     Par ailleurs, dans son témoignage, M. Gignac a mentionné un autre objectif à l’origine de ce décret. Après la décision du CHUM de modifier de manière unilatérale les mandats des équipes maîtres, il y avait à son avis de l’« obstination »[700] et « une contestation »[701] des professionnels des équipes maîtres. M. Gignac voulait tenter de trouver un règlement à l’amiable afin de dénouer l’impasse et de promouvoir un climat plus serein sur le chantier[702]. Ce témoignage est beaucoup plus conséquent avec la teneur du Décret 980-2008 et les motifs ayant donné lieu à son adoption. À cet égard, la teneur du Décret est même explicite. Il énonce qu’il est dans l’intérêt du projet de modernisation du CHUM « qu’une entente intervienne entre le CHUM et ses fournisseurs de services professionnels relativement à un ajustement raisonnable à leur être versé »[703].

 

8) Quelles sont les marges de profit applicables de BPYA et de BPTH aux pertes d’honoraires subies et, advenant l’existence de telles pertes, quels sont les dommages-intérêts auxquels ils ont droit?

 

A) Les marges de profit

 

[767]     Aux termes de leurs procédures introductives d’instances, BPYA et BPTH réclament, à titre de dommages, des pertes de profit subies. Les montants des honoraires professionnels dont ils ont été privés, en raison de l’inexécution fautive par le CHUM des conventions de services initiales, ont été déterminés. Mais ces pertes d’honoraires professionnels ne constituent pas des dommages de BPYA et de BPTH, car ces derniers n’ont jamais rendu, et en fait, ne rendront jamais, les services professionnels relatifs aux mandats qui leur ont été retirés sans droit. Dans ces circonstances, les dommages subis par BPYA et BPTH correspondent à la partie des honoraires professionnels non facturés qui constitue le profit non reçu, ou le gain dont ils ont été privés, quant à ces honoraires. Les experts en quantification de dommages se réfèrent alors à la notion de « marge bénéficiaire » en rapport aux honoraires perdus.

 

[768]     Les calculs faits par les experts pour déterminer cette marge sont en général complexes. Plusieurs facteurs dans les présents dossiers ont rendu ces calculs encore plus complexes. BPYA et BPTH sont des consortiums constitués de sociétés indépendantes. La marge bénéficiaire d’une société constituante d’un consortium peut être différente de la marge bénéficiaire d’une autre société constituante du même consortium. La preuve entendue a touché aux nombreux postes de dépenses des sociétés constituantes des deux consortiums.

 

[769]     Tant lors des discussions entre les représentants des parties au cours de la réalisation du projet du Nouveau CHUM que dans leurs correspondances formelles, les parties se réfèrent aux consortiums BPYA et BPTH plutôt qu’à leurs sociétés constituantes. Lorsque les demandes en justice ont été formulées, les avocats des consortiums ont repris cette terminologie pour énoncer leurs positions juridiques respectives. Les regroupements particuliers en consortium des sociétés constituantes ont eu lieu pour ce projet particulier du Nouveau CHUM. Les différentes sociétés constitutives n’ont pas été dissoutes au profit des consortiums BPYA et BPTH. Par ailleurs, les conventions de services précisent que les contrats sont intervenus entre le CHUM et les sociétés constitutives formant BPYA et BPTH [704]. De même, les présentes procédures ont été intentées par et au nom des sociétés constituantes des consortiums. Enfin, notons que, entre les sociétés constituantes, leurs droits respectifs de participation aux profits des consortiums ne sont pas égaux[705].

 

[770]     L’autre facteur complexifiant la détermination de la marge bénéficiaire applicable est la durée de la période au cours de laquelle les prestations de services ont été rendues ou, selon le cas, n’ont pas été fournies. Les services professionnels auront été rendus au cours d’une période de 15 ans, soit de 2007 à 2022. Les experts en qualification de dommages ont cru qu’il leur incombait de faire de la recherche factuelle depuis 2007 jusqu’aux dernières informations disponibles.

 

[771]     Pour établir la marge bénéficiaire par rapport à la rémunération pertinente, la demande et la défense ont mandaté des experts en juricomptabilité. BPYA et BPTH ont mandaté Alain Viger, CPA, du bureau Meaden & Moore International (antérieurement LBC Meaden & Moore International)[706]. Le CHUM a mandaté Michel Hamelin, CPA, du bureau Demers Beaulne[707]. Nous verrons que les deux experts ont adopté des approches différentes pour déterminer la marge bénéficiaire applicable.


 

i) BPYA

 

(1) Marge bénéficiaire

 

[772]     Pour calculer la marge bénéficiaire de BPYA, M. Viger propose la méthodologie suivante[708] :

 

« La marge bénéficiaire se rapportant à la rémunération des employés des membres du consortium a été calculée à 50,37 %. Notre calcul de la marge bénéficiaire s’appliquant à la rémunération a été établi en comparant les taux horaires spécifiquement applicables au contrat duquel a été déduite la rémunération du personnel ayant réalisé les travaux. Certains frais semi-variables/fixes que nous avons estimés à 5,00 % […] sont également sujets à avoir été économisés suite à une réduction d’honoraires réduisant ainsi la marge bénéficiaire à 45,37 %. »

 

[773]     M. Viger conclut donc à une marge bénéficiaire pertinente pour BPYA de 45,37 %. BPYA a eu recours à un sous-traitant pour rendre certains services demandés, soit le bureau Corriveau Girard. M. Viger a calculé une marge bénéficiaire de 22,66 % de BPYA pour les honoraires de Corriveau Girard[709].

 

[774]     Pour le CHUM, M. Hamelin est d’avis que l’approche de M. Viger est mal adaptée en l’espèce au calcul de la marge bénéficiaire applicable. Il est d’avis que celle-ci ne doit pas être calculée à partir de la marge de profit de chaque professionnel ayant travaillé sur le projet. M. Hamelin est d’opinion que cette approche a pour effet de surévaluer la marge bénéficiaire. Il faut plutôt déterminer les profits réalisés par chaque consortium ou, lorsque pertinent, par ses sociétés constituantes. Ces informations sont consignées aux états financiers de ces entreprises. M. Hamelin explique sa méthodologie ainsi :

 

« Nous sommes d’avis que les états financiers représentent une source d’information primaire et essentielle aux fins de l’établissement de la marge bénéficiaire applicable aux honoraires perdus sur le Projet. Nous présentons donc au Tableau 2 un sommaire des informations retrouvées aux états financiers internes du consortium BPYA pour les exercices 2007 à 2018 présentés à l’Annexe 1, qui s’avèrent des informations ayant été consultées par LBC [qui devient plus tard Meaden & Moore International, soit par M. Viger].

 

Tableau 2

Sommaire - Consortium BPYA de 2007 à 2018

Marge brute

34,15 %

Marge nette

28,16 %

Frais d’administration

5,99 %

 

Les informations présentées à ce sommaire permettent de constater que la marge brute et la marge nette réalisées sur le Projet sont inférieures à la marge bénéficiaire de 42 % utilisée par LBC.

 

Compte tenu de ce qui précède, nous sommes d’avis que la marge de 42 % utilisée par LBC résulte en une surévaluation des pertes de profits[710].

 

Aux fins de la quantification des prétendues pertes de profits subies par les Demanderesses BPYA, il convient d’établir la marge de profit qu’aurait réalisée le consortium sur les honoraires prétendument perdus. Cette marge de profit doit correspondre à la marge à laquelle le consortium aurait pu s’attendre à réaliser sur le Projet après avoir défrayé la totalité des coûts s’y rapportant directement (ci-après la « Marge Spécifique »).

 

Pour ce faire, les états financiers du consortium sont une des sources d’information sur laquelle il convient de s’appuyer, car ceux-ci devraient normalement présenter l’ensemble des revenus et des coûts spécifiques au Projet (ci-après les « Dépenses Spécifiques »), le tout pouvant être validé par le biais de l’analyse des états financiers de chacune des Demanderesses BPYA. En effet, une analyse des états financiers de chacune des Demanderesses BPYA peut nous permettre d’identifier les coûts réels défrayés par les Demanderesses BPYA, mais qui pourraient avoir été omis aux dépenses du consortium. Pour ce faire, nous avons établi la marge de profit historique moyenne réalisée sur l’ensemble des contrats par chacune des Demanderesses BPYA en fonction de leur contribution respective dans le Projet (ci-après le « Groupe BPYA »). Par la suite, nous avons comparé les résultats de notre analyse des états financiers du consortium avec ceux de notre analyse des résultats historiques réalisés par le Groupe BPYA afin d’établir la Marge Spécifique devant être utilisée à notre quantification[711].

 

[775]     L’audition contradictoire de ces deux témoins experts a permis d’examiner le caractère approprié et adapté aux faits des présents dossiers de ces deux approches afin de déterminer laquelle des deux approches permet la détermination la plus exacte et la plus juste, dans les circonstances, de la marge bénéficiaire à appliquer aux pertes d’heures subies par BPYA et BPTH.

 

[776]     Cet exercice n’a pas été à l’avantage de l’expert de BPYA et de BPTH. M. Viger a eu des difficultés à expliquer et à défendre sa méthodologie. En interrogatoire et en contre-interrogatoire, il a eu des difficultés à justifier pourquoi cette méthodologie, et les conclusions qui en découlent, devaient être préférées à l’approche proposée par M. Hamelin. Avec beaucoup d’égards, à notre avis, les tentatives d’explications de M. Viger en lien avec les corrélations des données[712] employées par lui pour défendre ses analyses étaient inadéquates, improvisées, non préparées et nullement convaincantes. Cela a sérieusement affecté la crédibilité scientifique et la fiabilité de la démarche proposée par M. Viger, de même que les conclusions qu’il propose au Tribunal d’en tirer.

 

[777]     En revanche, le témoignage de M. Hamelin était clair, précis et logique. Ses réponses ont été appuyées par la preuve produite, en particulier par les annexes nombreuses et détaillées jointes à ses deux rapports[713].

 

[778]     Il est à noter que M. Hamelin a également fait certaines erreurs de calcul dans ses rapports déposés[714]. De même, certaines des hypothèses factuelles qu’il a utilisées se sont révélées non fondées. Ces erreurs ont pu être révélées à la suite de certaines interventions de M. Viger.

 

[779]     Lorsque M. Hamelin a été confronté avec ces erreurs au cours de son contre-interrogatoire, il les a reconnues rapidement et s’est engagé à les corriger en produisant des rapports ré-amendés, ce qu’il a fait.

 

[780]     M. Hamelin a ainsi démontré qu’il comprenait bien ses devoirs d’objectivité, d’impartialité et de rigueur à titre d’expert de la Cour[715].

 

[781]     Voici comment M. Hamelin décrit l’application de sa méthodologie aux dossiers analysés de BPYA et sa recommandation quant à la marge bénéficiaire applicable aux honoraires non facturés[716] :

 

« Nous avons analysé les états financiers de chacune des Demanderesses BPYA afin de calculer la Marge Spécifique du Projet à l’aide des résultats historiques moyens réalisés par le Groupe BPYA. Nous avons donc calculé la marge brute moyenne ainsi que la Marge Spécifique moyenne réalisées par chacune des Demanderesses BPYA au cours des dernières années. Nous avons par la suite pondéré ces résultats en fonction de la contribution de chacun dans le Projet. Cette pondération a été calculée en fonction des heures facturées au CHUM entre 2007 et 2018, selon le Tableau 16 du Rapport [de M. Viger].

 

Afin d’établir la Marge Spécifique, il nous a fallu estimer la proportion des dépenses pouvant être considérées comme étant de nature fixe et/ou semi-variables, mais qui, dans les faits, a varié au fil des ans selon le niveau d’honoraires ou d’activités atteint par chaque société. Autrement dit, nous avons calculé la proportion des dépenses d’exploitation qui varie en fonction de la variation des honoraires, bien que nous pourrions croire, mais à tort, que certaines de ces dépenses (fixes et/ou semi-variables) ne devraient pas varier malgré l’augmentation du chiffre d’affaires. Pour ce faire, nous avons identifié, à chacun des états financiers, en fonction du libellé de chaque dépense, celles pouvant vraisemblablement se qualifier à titre de Dépenses Spécifiques au Projet. Ces dépenses ont été regroupées selon leur nature afin qu’elles soient comparables les unes avec les autres et nous les avons isolées sous la rubrique « Dépenses Spécifiques » aux Annexes 2 à 5.

 

À titre d’exemple, notre analyse des états financiers de Birtz, présentée à l’Annexe 2 et résumée au Tableau 4, nous a permis d’établir les éléments suivants :

 

·         La marge brute moyenne réalisée par Birtz de 2007 à 2018 est de 29,5 %; et

 

·         Pour réaliser une croissance annuelle moyenne de son chiffre d’affaires de 519 714 $, Birtz a dû engager des Dépenses Spécifiques annuelles additionnelles moyennes de 52 463 $ ou 10,30 % des honoraires additionnels bien que ces dépenses soient qualifiées de fixes ou semi-variables. Nous estimons donc que les honoraires additionnels, générés par les travaux exécutés pour le Projet auraient engendré 10,30 % de Dépenses Spécifiques additionnelles. Il est donc inapproprié d’utiliser la marge brute, car celle-ci ne reflète pas réellement toutes les dépenses qui sont engendrées par l’augmentation du chiffre d’affaires.

 

Les moyennes historiques de la marge brute et des Dépenses Spécifiques de chacune des Demanderesses BPYA sont calculées aux Annexes 2 à 5 et résumées au Tableau 4 suivant. Compte tenu de la contribution de chacune des Demanderesses BPYA dans le Projet, nous avons déterminé la Marge Spécifique du Groupe BPYA à 32,2 %.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[782]     Ainsi, pour BPYA, M. Hamelin a suggéré une marge bénéficiaire applicable aux honoraires non facturés de 32,2 %.

 

[783]     À la suite d’une intervention supplémentaire[717] de M. Viger par rapport à un manque d’uniformité par M. Hamelin dans le traitement de certains frais fixes/semi variables entre BPYA et BPTH, M. Hamelin a reconnu qu’une application uniformisée aurait pour effet d’augmenter ce pourcentage de 0,65 %[718] pour BPYA. Vu l’approche uniforme de la méthodologie préconisée et adoptée par les deux experts, il y a lieu d’augmenter la marge bénéficiaire de BPYA par ce chiffre additionnel. Cela a pour effet d’augmenter la marge bénéficiaire applicable à BPYA à 32,85 %.

 

[784]     Il y a lieu d’aborder deux autres éléments, qui divisent les parties, concernant des ajustements possibles à cette marge.


 

(2) Ajustement en raison de marge bénéficiaire en rapport aux coûts de sous-traitants

 

[785]     Dans son rapport amendé déposé, M. Hamelin a présumé qu’il n’y avait aucun profit gagné par des sociétés constituantes des consortiums BPYA et BPTH par rapport aux frais facturés au CHUM par les sous-traitants de ces sociétés. M. Hamelin avait demandé confirmation écrite et les documents d’appui de ce fait. Quoiqu’il ait obtenu confirmation verbale de M. Viger, il n’a pas reçu les documents des sociétés constituantes pouvant le confirmer. Les demandes répétées à cet égard aux avocats de BPYA et de BPTH n’ont pas eu de suite[719].

 

[786]     Pour déterminer la marge bénéficiaire applicable aux honoraires perdus ayant trait aux frais de sous-contrats, il est reconnu en principe qu’il y a lieu d’exclure de la marge bénéficiaire globale de l’entreprise la marge bénéficiaire applicable aux frais des sous-traitants[720]. N’ayant pas obtenu d’informations à ce sujet, M. Hamelin a modifié sa position et a présumé l’existence de la facturation d’un profit supplémentaire lors du dépôt de ses rapports ré-amendés[721].

 

[787]     Lorsque cette problématique a été soulevée en fin d’instruction, le Tribunal a ordonné à BPYA et à BPTH de fournir à M. Hamelin les documents requis pour vérifier la question[722].

 

[788]     Les documents reçus par M. Hamelin, à la suite de cette ordonnance, étaient incomplets. Il les a considérés insuffisants pour changer son avis consigné dans ses rapports ré-amendés. Dans un document daté du 10 décembre 2019, M. Hamelin s’est exprimé ainsi[723] :

 

« Notre analyse confirme qu’une marge de profit est réalisée sur les services rendus par les sous-traitants et par conséquent, nous maintenons notre opinion présentée à nos rapports réamendés datés du 18 novembre 2019 (BPTH (Ingénieurs) c. le CHUM - C.S. : 500-17-061238-104) et du 4 décembre 2019 (BPYA (Architectes) c. le CHUM - C.S. : 500-17-061237-106). »

 

[789]     Ainsi pour établir la marge bénéficiaire applicable, M. Hamelin s’est fié à son analyse de l’historique des moyennes de marges de profit à partir des états financiers du consortium BPYA (ou lorsque pertinent, ceux de ses sociétés constituantes). Le Tribunal a pris connaissance des commentaires de M. Hamelin dans son document du 10 décembre 2019 quant à la qualité, la représentativité et la fiabilité des documents reçus de BPYA et de BPTH. Nous sommes d’accord avec lui que le caractère incomplet et fragmentaire des documents reçus n’offre pas la fiabilité requise pour constituer une preuve convaincante ou qui satisfait au seuil applicable d’une preuve prépondérante selon la balance des probabilités.

 

[790]     Dans un document d’analyse produit par la suite par M. Viger[724], ce dernier soumet que les commentaires d’analyse de M. Hamelin dans son document du 10 décembre 2019 ne justifient pas l’ajustement effectué par lui. Avec égard, ce moyen n’est pas convaincant. Le commentaire principal et déterminant de M. Hamelin quant aux documents fournis par BPYA et BPTH est que leur caractère incomplet ne lui permet pas de modifier son analyse basée sur l’historique des moyennes des marges de profit.

 

[791]     Nous sommes d’avis que, compte tenu de la preuve produite et du témoignage d’expert entendu, la méthodologie proposée et appliquée par M. Hamelin et les conclusions qui en découlent offrent la meilleure preuve d’exactitude et de fiabilité présentée au Tribunal pour déterminer la marge bénéficiaire applicable aux honoraires non facturés par BPYA. Nous verrons que nous sommes du même avis quant à la détermination de la marge bénéficiaire applicable aux honoraires non facturés par BPTH.

 

(3) Ajustement pour fins de location

 

[792]     Compte tenu du dépôt à la Cour par le CHUM le 23 décembre 2016 d’une Demande reconventionnelle visant BPYA pour un montant allégué à titre de loyer impayé[725], M. Hamelin a intégré à ses calculs un autre ajustement à la marge bénéficiaire applicable. Il a pris pour acquis la validité de cette réclamation du CHUM et donc d’une dépense supplémentaire de BPYA. En raison de cette hypothèse, BPYA devient moins rentable et la marge bénéficiaire applicable aux honoraires perdus par lui baisse. M. Hamelin propose ainsi une réduction supplémentaire de la marge bénéficiaire applicable  de 3,4 %[726]. Cependant, tel que nous verrons plus loin au présent jugement, nous concluons au rejet de cette réclamation[727]. En conséquence, il y a lieu d’exclure cette réduction supplémentaire proposée.

 

(4) Marge bénéficiaire applicable

 

[793]     Après ajustement, la marge bénéficiaire applicable à BPYA est fixée à 32,85 %.


 

ii) BPTH

 

(1) Marge bénéficiaire

 

[794]     Les questions quant à la méthodologie pertinente et à l’analyse appropriée des données des sociétés constituantes par rapport à la détermination de la marge bénéficiaire de BPYA s’appliquent à la détermination de la marge bénéficiaire de BPTH. Les deux experts proposent les mêmes méthodologies. M. Viger pour BPTH conclut à une marge bénéficiaire applicable de 42,4 %[728] tandis que M. Hamelin pour le CHUM conclut à une marge bénéficiaire de BPTH de 27 %[729].

 

[795]     Le Tribunal arrive aux mêmes conclusions, et ce, pour les mêmes motifs : il y a lieu de favoriser l’approche et l’analyse préconisées par M. Hamelin et le Tribunal est d’accord avec lui quant à sa conclusion portant sur la marge bénéficiaire applicable aux honoraires non facturés de BPTH.

 

(2) Ajustement en raison de marge bénéficiaire en rapport aux coûts de sous-traitants

 

[796]     Nous avons déjà présenté le développement factuel à ce sujet lors de l’analyse relevant de l’ajustement analogue discuté de BPYA. Les mêmes développements ont eu lieu par rapport à cet élément de calcul pour BPTH.

 

[797]     Tel que mentionné à la section précédente ayant trait à la question pour BPYA, M. Hamelin a conclu que les informations et les documents fournis par BPTH ne lui permettaient pas de modifier son analyse par rapport à cet élément ni sa conclusion par rapport à la marge bénéficiaire applicable. Pour les mêmes raisons que celles déjà mentionnées à la section traitant de la question pour BPYA, le Tribunal est d’accord avec lui quant à la marge bénéficiaire applicable à BPTH.

 

(3) Marge bénéficiaire applicable

 

[798]     La marge bénéficiaire applicable à BPTH est fixée à 27 %.

 

B) Les dommages-intérêts conséquents

 

i) BPYA

 

[799]     Nous avons déjà déterminé le montant des honoraires professionnels dont BPYA a été privé, à savoir 22 868 899 $[730]. Nous avons maintenant déterminé la marge bénéficiaire applicable à ces honoraires non facturés par BPYA, à savoir 32,85 %. Ainsi, les dommages-intérêts dus à BPYA sont 7 512 433,32 $.

 

ii) BPTH

 

[800]     Nous avons déjà déterminé le montant d’honoraires professionnels dont BPTH a été privé, à savoir 17 868 138 $[731]. Nous avons également déterminé la marge bénéficiaire applicable à ces honoraires non facturés par BPTH, à savoir 27 %. Ainsi, les dommages-intérêts dus à BPTH sont 4 824 397,26 $.

 

9) Le CHUM peut-il réclamer à BPYA, à titre de loyer, le remboursement d’une partie des honoraires payés pour rendre les services demandés par le CHUM?

 

[801]     Le CHUM réclame, par Demande reconventionnelle, le paiement par BPYA d’une somme de 777 191 $ à titre de remboursement dû sur les honoraires payés depuis 2007 par rapport aux services rendus par BPYA. À l’appui de cette demande, le CHUM se réfère au dernier paragraphe de la clause des « Conditions générales » de la convention de services initiale de BPYA. Cette clause traite du paiement des honoraires professionnels par le CHUM. La clause 9.1 prévoit en partie[732] :

 

9.1 Honoraires

 

L’Équipe maître d’architecture sera rémunérée sur une base horaire qui ne devra en aucun temps excéder les taux horaires prévus au Tarif d’honoraires pour services professionnels fournis au gouvernement par des architectes, L.R.Q. c. A-6.01, r.7, D. 2402-84, ci-après « Tarif », sous réserve des limitations d’honoraires et de dépenses prévues ci-après.

 

Une facturation mensuelle détaillée sera présentée par l’Équipe maître d’architecture aux fins d’approbation au préalable par l’Équipe maître de gestion de projets et de paiement par le CHUM à l’intérieur d’une période de 45 jours suivant ladite approbation. Sauf si elle est contestée par écrit, toute facture sera présumée être acceptée dans les 10 jours ouvrables de sa réception. En cas de refus ou de contestation, la partie non contestée est payable selon les prescriptions énoncées aux présentes.

 

[…]

 

Considérant que le CHUM accepte de fournir à ses frais les bureaux pour le personnel clé de l’Équipe maître d’architecture et considérant que le coût de fourniture de ce local est fixé à 3,50 $/heure pour tout le personnel travaillant dans ces locaux durant une période de plus de 6 mois, le taux horaire dudit personnel affecté pendant plus de 6 mois dans lesdits locaux ainsi fournis par le CHUM sera diminué en conséquence d’un montant de 3,50 $/l’heure.

 

[Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

 

[802]     Le dernier paragraphe de la clause 9.1 permet au CHUM, lors du paiement de la facturation mensuelle détaillée présentée par l’équipe maître, de diminuer de 3,50 $ le taux horaire applicable d’un professionnel lorsque ce dernier est présent sur les lieux du CHUM depuis plus de six (6) mois[733]. De même, la clause oblige l’équipe maître à effectuer cette diminution de taux horaire dans la facturation mensuelle présentée. Cette diminution de taux ne s’applique pas aux professionnels faisant partie du « personnel clé » de l’équipe maître.

 

[803]     Selon M. Roy de BPYA, dans les circonstances, une clause de diminution des taux horaires des architectes œuvrant sur le site du chantier est exorbitante, abusive et n’a pas lieu d’être[734]. Pour lui, il est normal et plus efficace que les professionnels soient sur place, pour un projet de grande envergure, tel le Nouveau CHUM. La proximité des lieux favorise la connaissance du projet par les professionnels, évite des malentendus entre eux et le client et évite des honoraires encourus lors des transports, notamment entre le site de travail et les bureaux des professionnels, de même que les frais de transport (taxi, stationnement, kilométrages, etc.). M. Roy a témoigné qu’il n’avait jamais été d’accord avec le dernier paragraphe de la clause 9.1. Le CHUM n’a offert aucune preuve pour contredire ce témoignage ou contester le caractère hors norme du dernier paragraphe de cette clause. Même si M. Roy a pris connaissance de ce paragraphe lors du processus d’appel de candidatures, il était résolu à obtenir l’accord du CHUM de ne pas l’appliquer au cours de la réalisation du projet. En effet, très tôt après l’octroi du contrat, M. Roy a demandé au CHUM de ne pas l’appliquer. M. Roy était d’avis que la clause était abusive, notamment au motif que le montant total de diminution prévu excède ce que BPYA paye pour un espace requis pour le même nombre de professionnels, dans ses propres bureaux.

 

[804]     Au tout début des travaux par BPYA, la question ne requiert pas une attention immédiate. En effet, selon la clause, toute diminution de taux horaire n’entrait en vigueur qu’après une période de six mois. Au milieu de novembre 2007, M. Roy a réitéré sa demande que la clause ne soit pas appliquée et même demandait que celle-ci soit supprimée. Sans décider de la supprimer[735], le CHUM a tout de même décidé de ne pas l’appliquer jusqu’à nouvel ordre. Ainsi, pour tous les comptes émis par BPYA en 2007 et en 2008, il n’y a eu aucune diminution, effectuée par BPYA et aucune retenue effectuée par le CHUM de 3,50 $/heure aux taux horaires pour les services rendus par le personnel professionnel de BPYA. La même chose s’est produite à l’égard de BPTH.

 

[805]     Conformément au paragraphe 2 de la clause 9.1, BPYA a présenté ses comptes mensuels détaillés à l’équipe de gestion du CHUM pour approbation. Il n’y a eu aucune contestation écrite ou demande de révision ou de diminution du taux horaire facturé dans les dix jours de la réception des comptes. Les factures présentées ont ainsi été « acceptées » et payées par le CHUM. Lors des paiements subséquents, le CHUM ne prélève aucune retenue aux montants à payer afin d’effectuer une diminution. Selon la preuve, ce n’était pas une question d’inadvertance ou d’oubli de la part du CHUM. Le CHUM avait décidé, en toute connaissance de cause, de ne pas appliquer la clause de diminution du taux horaire.

 

[806]     En juin 2008, l’équipe maître de gestion, chargée de l’approbation des comptes, notamment de ceux de BPYA, demande au CHUM s’il y a lieu d’appliquer le dernier paragraphe de la clause 9.1 aux comptes. Si oui, il y aurait lieu de contester les comptes reçus sans diminution pratiquée et de ne pas payer la différence résultant de la diminution. Le gestionnaire suggère au CHUM la possibilité de faire les « retenues appropriées »[736]. L’équipe de gestion demande également au CHUM de « confirmer si une exemption a été prévue » par rapport au dernier paragraphe de la clause 9.1[737]. Le représentant de l’équipe de gestion du CHUM confirme que les « architectes avaient demandé que cet article soit supprimé de leur contrat ». Au nom du CHUM, M. Villiard confirme que le « CHUM n’a pas appliqué celui-ci [ce paragraphe] par le passé ». Les instructions données par le CHUM à l’équipe de gestion sont de ne rien changer par rapport à la décision antérieure de non-application du paragraphe en question. Il est donc confirmé que le CHUM continuera de ne pas appliquer ce paragraphe. Aucune date future de changement de cette décision n’est mentionnée. Cette réponse par courrier électronique est envoyée à M. Roy de BPYA en copie conforme. BPYA s’est donc fié à la position de non-application confirmée par le CHUM pour continuer de faire travailler certains professionnels de son équipe, qui ne faisaient pas partie de son personnel clé, sur le site du Nouveau CHUM pour réaliser leurs tâches requises pour faire avancer le projet.

 

[807]     Ainsi en 2008, 2009 et 2010, le CHUM a continué de ne pas appliquer le dernier paragraphe de la clause 9.1. BPYA a continué d’émettre ses comptes d’honoraires au CHUM en ne diminuant pas de 3,50 $ le taux horaire du personnel professionnel « non-clé » agissant sur le site du CHUM. Le CHUM et l’équipe maître de gestion ont continué d’approuver et d’accepter les comptes de BPYA sur réception selon le deuxième paragraphe de la clause 9.1, et ce, sans exiger la diminution des taux prévue au dernier paragraphe de cette clause.

 

[808]     En octobre 2010, BPYA et BPTH déposent les présentes procédures judiciaires. Pour les années 2011 et 2012, le CHUM continue de ne pas appliquer le dernier paragraphe de la clause 9.1 aux comptes reçus. Le CHUM approuve et paye les comptes reçus des deux consortiums qui ne diminuent pas les taux horaires facturés pour leur personnel professionnel non clé travaillant sur le site.

 

[809]     Le 30 juillet 2013, le CHUM produit ses défenses dans les présentes  instances judiciaires. Aucun montant n’est réclamé de BPYA ou de BPTH en vertu du dernier paragraphe de la clause 9.1.

 

[810]     En 2013, 2014 et jusqu’au 29 juin 2015, BPYA et BPTH continuent de facturer leurs honoraires sans diminution de taux. Le CHUM continue d’approuver les comptes reçus et de les payer, sans contestation ni retenue.

 

[811]     Le 29 juin 2015, le CHUM envoie des lettres à BPYA et à BPTH[738]. Leur contenu est plutôt surprenant. Sans avis préalable, le CHUM envoie des factures à BPYA et à BPTH pour réclamer les montants prétendument dus en vertu du dernier paragraphe de la clause 9.1, et ce, depuis 2007, soit pour une période d’environ 8 ans. La somme réclamée à BPYA s’élève à 617 152 $ et celle réclamée à BPTH s’élève à 194 082 $.

 

[812]     BPYA répond par lettre en date du 13 août 2015 en partie comme suit[739] :

 

« Nous accusons réception de votre facture no. 0857761 en date du 29 juin 2015, facture que nous considérons inacceptable. En effet lors de notre engagement en 2007 (la signature du contrat remonte au 1er mars 2007) nous avions signifié au CHUM notre opposition à cette clause et avions exigé qu’elle ne soit pas appliquée, considérant ce montant de 3,50 $/heure comme abusif et n’ayant aucune commune mesure avec les taux que nous payons habituellement pour nos propres installations. Nous avions même indiqué aux représentants du CHUM que dans le cas où le CHUM persisterait à nous imposer le paiement de ce loyer, nous refuserions de nous installer dans les locaux du CHUM.

 

Vous comprendrez notre surprise en constatant qu’après 8 ans cette entente tacite soit remise en cause, ce malgré le fait que nous ayons meublé les locaux et de surcroît en avoir cédé, en partie, l’usage aux ingénieurs de l’équipe maître. Le fait que le CHUM décide de revenir sur une façon de faire acceptée implicitement est, de notre point de vue, irrecevable.

 

Soyez alors avisé qu’en plus de contester le bien-fondé de cette facture nous nous verrons dans l’obligation, si le CHUM persiste dans son intention de nous facturer la location de ces locaux, de déménager sine die nos effectifs dans nos locaux respectifs. Nous vous prions de nous aviser dans les plus brefs délais de votre position afin que nous puissions agir en conséquence. »

 

[Le Tribunal a mis en gras et souligné une partie du texte.]

 

[813]     Selon BPYA, depuis le début, il a demandé au CHUM de ne pas appliquer la clause et le CHUM a acquiescé à cette demande. BPYA avait dit qu’il refuserait de s’installer sur le site du Nouveau CHUM à moins que ce montant ne soit pas facturé.

 

[814]     Pendant 8 ans, le CHUM a donc permis au personnel non clé de BPYA de travailler à partir du site sans frais, notamment pour faciliter une meilleure efficacité du travail. Le CHUM a confirmé par écrit à BPYA que ce paragraphe de la clause 9.1 continuerait de ne pas être appliqué. En raison de cette prise de position, BPYA a travaillé à partir du site, à la satisfaction de tous. Le CHUM avait, dans les faits, décidé de ne pas appliquer le paragraphe en question. En revanche, selon la preuve, si le CHUM, tel que suggéré par son équipe de gestion, avait commencé à contester les montants facturés, à payer à BPYA des montants réduits et non les montants facturés ou à faire des retenues à partir des comptes reçus de BPYA conformément au texte du dernier paragraphe de la clause 9.1, BPYA aurait réagi notamment en refusant d’affecter son personnel non clé au site. Ainsi, BPYA n’aurait jamais encouru la dette réclamée par le CHUM. Pendant 8 ans, le CHUM a, chaque mois, approuvé les comptes reçus de BPYA qui n’opéraient aucune diminution des taux horaires.

 

[815]     Dans sa lettre du 13 août 2015 au CHUM, BPYA écrit que, après que le CHUM ait confirmé la non-application de la clause et ait approuvé et payé les comptes, ce dernier ne pouvait pas revenir sur le passé et désavouer ses propres approbations répétées des comptes payés. Néanmoins, en vertu de cette lettre, BPYA a ouvert la possibilité à l’avenir pour le CHUM de modifier sa politique - jusque-là constante - de non-application du dernier paragraphe de la clause 9.1 : si le CHUM persistait dans sa nouvelle prise de position et confirmait un revirement de la position antérieure de non-application de ce paragraphe, BPYA l’a avisé de son intention de faire travailler son personnel non clé sans délai à partir de ses propres bureaux. BPYA a demandé au CHUM de l’« aviser dans les plus brefs délais de votre position afin que nous puissions agir en conséquence ».

 

[816]     Or, le CHUM n’a jamais envoyé une lettre de réponse à la lettre de BPYA du 13 août 2015. Néanmoins, le CHUM a répondu d’une autre manière : il a approuvé, accepté et payé les comptes de BPYA pour les mois d’août et de septembre 2015, et ceux-ci n’avaient aucune réduction de taux horaire. Le CHUM n’a pas non plus réduit de 3,50 $/heure le montant de ses paiements par rapport aux factures reçues pour le personnel visé au dernier paragraphe de la clause 9.1. En vertu de la preuve, le CHUM avait une connaissance complète de l’identité des professionnels présents qui auraient pu justifier une réduction[740]. Ainsi, de toute évidence et en toute apparence objective, le CHUM s’est ravisé et a décidé de reprendre sa position antérieure et de continuer de ne pas appliquer ce paragraphe.

 

[817]     En agissant ainsi, selon le paragraphe 2 de la clause 9.1, le CHUM a retiré la position énoncée dans sa lettre du 29 juin 2015. Il a accepté de payer l’intégralité des comptes reçus de BPYA, et ce, sans opérer une diminution quelconque ou effectuer une retenue, ou en envoyant en paiement un montant moindre que le montant facturé par BPYA. Le CHUM a donc décidé, comme il l’avait fait depuis le début de la prestation des services professionnels, qu’il préférait que les effectifs non clé de BPYA continuent également de travailler sur place, et ce, sans frais.

 

[818]     Pour les mois subséquents de 2015, et pour les années 2016 à 2020, BPYA a continué de présenter ses comptes d’honoraires pour paiement, sans diminution des taux horaires de son personnel non clé. Le CHUM ne les a pas contestés dans les 10 jours, tel que prévu au paragraphe 2 de la clause. Ainsi, le CHUM les a « acceptés ». Il est reconnu par le CHUM qu’il a procédé au paiement intégral de ces comptes.

 

[819]     Le 23 décembre 2016, dans le dossier opposant BPYA au CHUM, ce dernier a modifié sa défense en ajoutant une Demande reconventionnelle visant BPYA lui réclamant le remboursement des montants prétendument payés en trop par le CHUM pour les factures de BPYA approuvées par le CHUM depuis 2007. Le montant est réclamé à titre de loyer[741].

 

[820]     Il est important de souligner que la non-application du dernier paragraphe de la clause 9.1 par le CHUM ne résulte pas du silence ou d’un geste ou d’un comportement passif. La non-application résulte de gestes proactifs et répétés de sa part. En premier lieu, ce choix a été confirmé par écrit par M. Villiard du CHUM. En deuxième lieu, lors de la présentation par BPYA de chaque compte mensuel, le CHUM avait une décision à prendre. Ses conseillers de l’équipe maître de gestion se sont enquis de la volonté du CHUM de diminuer ou de déduire des comptes de BPYA les montants correspondant au 3,50 $ du taux horaire pour les professionnels visés. Le CHUM a plutôt décidé de ne pas effectuer la diminution suggérée et qui est prévue au dernier paragraphe de la clause 9.1.

 

[821]     Rien n’empêchait le CHUM de ne pas payer intégralement à BPYA les montants qu’il réclame maintenant par voie de demande reconventionnelle. Le CHUM émettait, chaque mois, les chèques de paiement des comptes mensuels détaillés émis par BPYA. Le CHUM a plutôt choisi de ne pas faire de réduction des montants payés et de maintenir sa position, préalablement confirmée, selon laquelle la diminution prévue par le dernier paragraphe de la clause 9.1 ne serait pas pratiquée.

 

[822]     Il est également important de souligner le nombre de fois où le CHUM a fait ce choix de maintenir sa position de non-application de la diminution prévue au paragraphe en question. De 2008 à 2019, le CHUM a fait ce choix de paiement intégral au moins 144 fois (12 ans x 12 mois). Par ailleurs, il a fait le même choix pour BPTH, également à 144 reprises.

 

[823]     Les tribunaux ont confirmé qu’il y a lieu de tenir compte du caractère répété d’un geste pour déterminer la volonté d’une partie de souscrire à une entente ou de renoncer à un droit[742].

 

[824]     Malgré les affirmations claires et catégoriques du représentant de BPYA quant à l’existence d’une entente tacite de non-application du dernier paragraphe de la clause 9.1 et, en fait, d’une renonciation pour les paiements effectués par le CHUM de se prévaloir de ce paragraphe, le Tribunal n’a entendu en preuve aucun représentant du CHUM nier l’existence d’une telle entente de non-application ou de renonciation. La lettre du 29 juin 2015, accompagnant la première facture, n’en parle pas[743]. La déclaration, déposée en preuve, de témoignage écrit datée du 30 septembre 2019 d’un représentant du Service de comptabilité du CHUM [744] ne fait qu’expliquer les détails du calcul du montant réclamé par Demande reconventionnelle.

 

[825]     Compte tenu de la preuve devant le Tribunal, la preuve de BPYA quant à l’existence d’une entente de non-application ou de renonciation n’est donc pas contredite.

 

[826]     La Cour est d’avis que BPYA a établi, par prépondérance de la preuve, l’existence d’une entente tacite entre elle et le CHUM selon laquelle le dernier paragraphe de la clause 9.1 ne devait pas être appliqué aux comptes de BPYA.

 

[827]     La règle de base du droit contractuel québécois est le consensualisme. L’article 1385 C.c.Q. prévoit :

 

1385. Le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter, à moins que la loi n’exige, en outre, le respect d’une forme particulière comme condition nécessaire à sa formation, ou que les parties n’assujettissent la formation du contrat à une forme solennelle.

 

Il est aussi de son essence qu’il ait une cause et un objet.

 

[828]     L’article 1386 C.c.Q. précise que la manifestation de la volonté à consentir peut être tacite :

 

1386. L’échange de consentement se réalise par la manifestation, expresse ou tacite, de la volonté d’une personne d’accepter l’offre de contracter que lui fait une autre personne.

 

[829]     Par ailleurs, l’article 1423 C.c.Q. prévoit :

 

1423. La confirmation d’un contrat résulte de la volonté, expresse ou tacite, de renoncer à en invoquer la nullité.

 

La volonté de confirmer doit être certaine et évidente.

 

[830]     Le Tribunal conclut que le caractère répétitif, en toute connaissance de cause, de la décision du CHUM de ne pas appliquer le dernier paragraphe de la clause 9.1 confirme, par prépondérance de la preuve, la volonté claire du CHUM de consentir à cette entente tacite[745]. Compte tenu du caractère actif (autorisations de paiement) et répété (144 fois au moment de l’instruction) des gestes du CHUM, cette entente constitue une renonciation par le CHUM à réclamer de BPYA un remboursement des paiements effectués, à titre de loyer ou autre. Une entente contractuelle peut certes viser la renonciation d’un droit. Le Tribunal est d’avis que, dans les circonstances, cette renonciation est certaine et évidente[746].

 

[831]     Les avocats des parties[747] demandent au Tribunal d’appliquer les déterminations de fait et de droit aux services rendus aux services à rendre par BPYA et BPTH au CHUM, en particulier pour achever la Phase 3 du Nouveau CHUM. En outre, la dernière mise à jour du CHUM par rapport au montant réclamé, déposée en preuve à l’instruction au soutien de sa Demande reconventionnelle, prend fin au 31 mars 2019[748]. Le CHUM ne réclame donc pas une diminution de taux après cette date jusqu’à la fin prévue des services à rendre par BPYA. Ainsi, le Tribunal applique cette conclusion de fait et de droit, selon laquelle le CHUM ne peut se prévaloir du dernier paragraphe de la clause 9.1, en raison d’une entente tacite de non-application ou de renonciation jusqu’à la fin des services rendus par BPYA en vertu de son contrat.

 

[832]     Le Tribunal rejette donc la Demande reconventionnelle du CHUM contre BPYA, avec frais de justice.

 

10) Quelles sont les dates d’exigibilité des dommages-intérêts, de l’intérêt, de l’indemnité additionnelle, de la TPS et de la TVQ sur les montants accordés, le cas échéant?

 

A) Les dates d’exigibilité des dommages-intérêts, de l’intérêt et de l’indemnité additionnelle aux montants accordés

 

[833]     Le Tribunal a conclu que le CHUM doit à BPYA et à BPTH des dommages-intérêts. Cependant, la réalisation des mandats de BPYA et de BPTH, de même que la réalisation du projet du Nouveau CHUM, se sont échelonnées sur une période de 14 ans. De plus, il est prévu que BPYA et BPTH continueront de rendre des services au CHUM pour réaliser le projet du Nouveau CHUM jusqu’au printemps 2022. En outre, les inexécutions contractuelles du CHUM résultent des retraits sans droit effectués par lui des mandats préalablement confiés à BPYA et à BPTH.

 

[834]     BPYA et BPTH ne peuvent toutefois pas réclamer le paiement des intérêts et indemnités additionnelles visant des services non rendus qu’à partir du moment ou des moments auxquels BPYA et BPTH auraient rendu les services, n’eurent été les retraits fautifs des mandats.

 

[835]     Concernant l’intérêt et l’indemnité additionnelle, il y a lieu de se référer aux articles suivants du Code civil du Québec :

 

1617. Les dommages-intérêts résultant du retard dans l’exécution d’une obligation de payer une somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux convenu ou, à défaut de toute convention, au taux légal.

 

Le créancier y a droit à compter de la demeure sans être tenu de prouver qu’il a subi un préjudice.

 

Le créancier peut, cependant, stipuler qu’il aura droit à des dommages-intérêts additionnels, à condition de les justifier.

 

1618. Les dommages-intérêts autres que ceux résultant du retard dans l’exécution d’une obligation de payer une somme d’argent portent intérêt au taux convenu entre les parties ou, à défaut, au taux légal, depuis la demeure ou depuis toute autre date postérieure que le tribunal estime appropriée, eu égard à la nature du préjudice et aux circonstances.

 

1619. Il peut être ajouté aux dommages-intérêts accordés à quelque titre que ce soit, une indemnité fixée en appliquant à leur montant, à compter de l’une ou l’autre des dates servant à calculer les intérêts qu’ils portent, un pourcentage égal à l’excédent du taux d’intérêt fixé pour les créances de l’État en application de l’article 28 de la Loi sur l’administration fiscale (chapitre A-6.002) sur le taux d’intérêt convenu entre les parties ou, à défaut, sur le taux légal.

 

[836]     Le 2 juin 2009, BPYA a mis le CHUM en demeure de lui payer les montants dus à la suite de l’inexécution des conventions de services initiales[749]. Le 4 mai 2010, BPTH a fait de même[750].

 

[837]     Selon les informations fournies par le CHUM à BPYA et à BPTH, lors du processus d’appel de candidatures, la durée de réalisation prévue du projet du Nouveau CHUM était de 5 ans. En raison de nombreux changements et d’autres développements mentionnés dans le présent jugement, la durée de réalisation s’étendra sur une période de 15 ans, soit de 2007 à 2022[751]. Selon BPYA et BPTH, les prolongations des délais de réalisation du projet leur ont porté préjudice. BPYA et BPTH ont été d’accord pour travailler suivant les taux horaires gouvernementaux, bien en deçà des taux facturés dans le secteur privé, pour une durée de 5 ans. Mais, depuis 2009, ces taux n’ont pas augmenté[752]. À titre d’exemple, le taux horaire actuel prévu par le tarif d’honoraires pour services professionnels fournis au Gouvernement par des architectes pour un « Architecte senior principal patron » est présentement de 150,85 $. Or, le taux du secteur privé des professionnels de cette catégorie est de 287,43 $[753], ce qui est un écart de 136,58 $, ou près de la moitié (48 %). Pour les ingénieurs, le taux horaire gouvernemental en vertu du tarif pour un « Ingénieur sénior principal patron » est de 133,50 $. Le taux horaire comparable du secteur privé est de 204 $, soit un écart de 70,50 $, une différence de 35 %[754].

 

[838]     Le CHUM a imposé la refonte contractuelle unilatérale à BPYA le 13 septembre 2008[755] et à BPTH le 23 septembre 2008[756].

 

[839]     Dans les circonstances, le Tribunal a fourni aux avocats des parties une opportunité de faire des observations par rapport aux dates d’exigibilité des dommages-intérêts réclamés et de l’intérêt et de l’indemnité additionnelle, le cas échéant[757]. Les avocats se sont prévalus de cette opportunité, ce qui a donné lieu à un consensus sur certains points[758]. Les avocats en demande ont également préparé des tableaux ventilant les dommages-intérêts réclamés en précisant les années des dommages de BPYA et de BPTH, soit les années au cours desquelles BPYA et BPTH n’ont pas pu rendre les services prévus par les conventions de services initiales[759]. Pour BPYA, les avocats en demande et en défense sont d’accord que, le cas échéant, les dommages pour les années 2007, 2008 et 2009 (jusqu’au 2 juin 2009) portent intérêt et indemnité additionnelle à partir de la mise en demeure de BPYA du 2 juin 2009[760]. De même, ils sont d’accord que, pour BPTH, les dommages pour les années 2007, 2008, 2009 et 2010 (jusqu’au 4 mars 2010), le cas échéant, portent intérêt et indemnité additionnelle à partir de la mise en demeure de BPTH du 4 mars 2010[761].

 

[840]     En ce qui a trait à tout montant dû pour les années 2021 et 2022, puisqu’il s’agit de dommages futurs, il y a lieu pour le Tribunal de suspendre l’entrée en vigueur de la conclusion pertinente à une date fixée postérieure au jugement[762]. En effet, selon les principes généraux, le montant en capital, les intérêts et l’indemnité additionnelle ne courent qu’à partir du moment où la créance en capital est exigible. Le Tribunal suspend également les dates d’échéance des paiements dus par le CHUM en vertu de la TPS et de la TVQ par rapport aux montants dus en capital de 2021 et de 2022.

 

[841]     À partir des informations reçues des avocats des parties, le Tribunal a pu calculer les pourcentages des dommages-intérêts réclamés suivant les années de réalisation du projet du Nouveau CHUM. Ces informations sont précisées dans les tableaux ci-dessous :


 

BPYA

 

 

Pourcentage des dommages selon l’année

Montant des dommages

Date de départ de l’intérêt et de l’indemnité additionnelle

2007

2,6 %

195 323,27 $

2 juin 2009

2008

18,3 %

1 374 775,30 $

2 juin 2009

2009 (jusqu’au 2 juin 2009 : mise en demeure)

16,9 %

533 232,52 $ (1 269 601,23 x 42 %)

2 juin 2009

2009 (après le 2 juin 2009)

736 368,71 $ (1 269 601,23 x 58 %)

31 décembre 2009

2010

15,9 %

1 194 476,90 $

1er juillet 2010

2011

15,3 %

1 149 402,30 $

1er juillet 2011

2012

8,9 %

668 606,57 $

1er juillet 2012

2013

3,6 %

270 447,60 $

1er juillet 2013

2014

2,1 %

157 761,10 $

1er juillet 2014

2015

0,3 %

22 537,30 $

1er juillet 2015

2016

3,8 %

285 472,47 $

1er juillet 2016

2017

7,3 %

548 407,63 $

1er juillet 2017

2018

1 %

75 124,33 $

1er juillet 2018

2019

1 %

75 124,33 $

1er juillet 2019

2020

1 %

75 124,33 $

1er juillet 2020

2021

1,6 %

120 198,93 $

1er juillet 2021

2022

0,4 %

30 049,73 $

1er juillet 2022

Total :

100 %

7 512 433,32 $

 

 


 

BPTH

 

 

Pourcentage des dommages selon l’année

Montant des dommages

Date de départ de l’intérêt et de l’indemnité additionnelle

2007

2 %

96 487,95 $

4 mars 2010

2008

11,4 %

549 981,29 $

4 mars 2010

2009

13,5 %

651 293,63 $

4 mars 2010

2010 (jusqu’au 4 mars 2010 : mise en demeure)

14,1 %

115 640,80 $

(680 240,01 x 17 %)

4 mars 2010

2010 (après le 4 mars 2010)

564 599,21 $

(680 240,01 x 83 %)

31 décembre 2010

2011

14,2 %

685 064,41 $

1er juillet 2011

2012

11,2 %

540 332,49 $

1er juillet 2012

2013

6,7 %

323 234,62 $

1er juillet 2013

2014

4,5 %

217 097,88 $

1er juillet 2014

2015

4,4 %

212 273,48 $

1er juillet 2015

2016

4,3 %

207 449,08 $

1er juillet 2016

2017

4,9 %

236 395,47 $

1er juillet 2017

2018

2,4 %

115 785,53 $

1er juillet 2018

2019

2,4 %

115 785,53 $

1er juillet 2019

2020

2,4 %

115 785,53 $

1er juillet 2020

2021

1,5 %

72 365,96 $

1er juillet 2021

2022

0,1 %

4 824,40 $

1er juillet 2022

Total :

100 %

4 824 397,26 $

 

 

B) L’application de la TPS et de la TVQ aux montants accordés

 

[842]     Le Tribunal a vérifié auprès des avocats des parties si les montants de dommages réclamés par BPYA et BPTH étaient sujets à la Taxe sur les produits et services (TPS) et à la Taxe de vente du Québec (TVQ)[763]. Compte tenu que les dommages réclamés sont des pertes de profits, les avocats des parties ont confirmé que oui[764]. Les avocats de BPYA et de BPTH ont demandé l’autorisation de modifier leurs demandes introductives d’instance pour réclamer les montants de TPS et de TVQ afférents aux montants réclamés[765]. À cet égard, BPYA et BPTH se sont engagés à verser aux autorités fiscales pertinentes tout montant accordé par le jugement à titre de TPS et de TVQ et payé par le CHUM[766]. Dans ces circonstances, le Tribunal a autorisé la modification demandée. Ainsi, les tableaux ci-dessous indiquent les montants réclamés et accordés par le Tribunal à titre de TPS et de TVQ :

 

BPYA - TPS et TVQ

 

 

TPS

TVQ

 

Taux

Montant

Taux

Montant

2007

5 %

9 766,16 $

9,975 %

19 483,50 $

2008

5 %

68 738,77 $

9,975 %

137 133,84 $

2009 (jusqu’au 2 juin 2009 : mise en demeure)

5 %

26 661,63 $

9,975 %

53 189,94 $

2009 (après le 2 juin 2009)

5 %

36 818,44 $

9,975 %

73 452,78 $

2010

5 %

59 723,85 $

9,975 %

119 149,07 $

2011

5 %

57 470,12 $

9,975 %

114 652,88 $

2012

5 %

33 430,33 $

9,975 %

66 693,51 $

2013

5 %

13 522,38 $

9,975 %

26 977,15 $

2014

5 %

7 888,06 $

9,975 %

15 736,67 $

2015

5 %

1 126,87 $

9,975 %

2 248,10 $

2016

5 %

14 273,62 $

9,975 %

28 475,88 $

2017

5 %

27 420,38 $

9,975 %

54 703,66 $

2018

5 %

3 756,22 $

9,975 %

7 493,65 $

2019

5 %

3 756,22 $

9,975 %

7 493,65 $

2020

5 %

3 756,22 $

9,975 %

7 493,65 $

Total :

 

368 109,23 $

 

734 377,92 $

 

[843]     Pour l’année 2021, les montants sont les suivants :

 

2021

5 %

6 009,95 $

9,975 %

11 989,84 $

 

[844]     Pour l’année 2022, les montants sont les suivants :

 

2022

5 %

1 502,49 $

9,975 %

2 997,46 $

 


 

BPTH - TPS et TVQ

 

 

TPS

TVQ

 

Taux

Montant

Taux

Montant

2007

5 %

4 824,40 $

9,975 %

9 624,67 $

2008

5 %

27 499,06 $

9,975 %

54 860,63 $

2009

5 %

32 564,68 $

9,975 %

64 966,54 $

2010 (jusqu’au 4 mars 2010 : mise en demeure)

5 %

5 782,04 $

9,975 %

11 535,17 $

2010 (après le 4 mars 2010)

5 %

28 229,96 $

9,975 %

56 318,77 $

2011

5 %

34 253,22 $

9,975 %

68 335,17 $

2012

5 %

27 016,62 $

9,975 %

53 898,17 $

2013

5 %

16 161,73 $

9,975 %

32 242,65 $

2014

5 %

10 854,89 $

9,975 %

21 655,51 $

2015

5 %

10 613,67 $

9,975 %

21 174,28 $

2016

5 %

10 372,45 $

9,975 %

20 693,05 $

2017

5 %

11 819,77 $

9,975 %

23 580,45 $

2018

5 %

5 789,28 $

9,975 %

11 549,61 $

2019

5 %

5 789,28 $

9,975 %

11 549,61 $

2020

5 %

5 789,28 $

9,975 %

11 549,61 $

Total :

 

237 360,34 $

 

473 533,90 $

 

[845]     Pour l’année 2021, les montants sont les suivants :

 

2021

5 %

3 618,30 $

9,975 %

7 218,50 $

 

[846]     Pour l’année 2022, les montants sont les suivants :

 

2022

5 %

241,22 $

9,975 %

481,23 $

 

[847]     Après vérification des lois fiscales pertinentes, compte tenu des circonstances et de la nature des dommages réclamés, les avocats des parties ont confirmé, de manière conjointe, que les montants dus de TPS et de TVQ ne portent pas intérêt ni indemnité additionnelle[767]. De même, indépendamment des années à partir desquelles les montants taxables sont dus, puisque ces montants ne sont reconnus qu’aux termes du présent jugement, les taux applicables de TPS et de TVQ sont ceux en vigueur à la date de celui-ci[768].


 

11) À titre de frais de justice, quelles parties des coûts d’expertises et des frais de témoignages d’experts devraient être accordées et à quelle partie?

 

[848]     Conformément à la règle générale énoncée à l’article 340 C.p.c., le Tribunal est d’avis que BPYA et BPTH, ayant eu gain de cause, ont droit aux frais de justice. En général, ces frais incluent les frais d’expertise[769]. L’article 339 C.p.c. prévoit à ce sujet :

 

339. Les frais de justice afférents à une affaire comprennent les frais et droits de greffe, y compris les débours engagés pour la confection matérielle des mémoires et des exposés d’appel, les frais et honoraires liés à la signification ou à la notification des actes de procédure et des documents et les indemnités et allocations dues aux témoins ainsi que, le cas échéant, les frais d’expertise, la rémunération des interprètes et les droits d’inscription sur le registre foncier ou sur le registre des droits personnels et réels mobiliers. Ils peuvent aussi comprendre les frais liés à la prise et à la transcription des témoignages produits au dossier du tribunal, si cela était nécessaire.

 

Les frais d’expertise incluent ceux qui sont afférents à la rédaction du rapport, à la préparation du témoignage le cas échéant et au temps passé par l’expert pour témoigner ou, dans la mesure utile, pour assister à l’instruction.

 

[849]     Les frais de justice des parties dans les présents dossiers sont d’une envergure exceptionnelle. Le Tribunal est d’avis qu’il y a lieu de préciser en l’espèce les frais d’expertise qui devraient faire partie des frais de justice taxables. Suivant les informations déposées à la Cour, voici les montants des frais d’expertise encourus par les parties :

 

BPYA et BPTH

 

Michel Languedoc, architecte (BPYA) : 285 896,15 $[770]

 

Réjean Berthiaume, ingénieur (BPTH) : 133 853,24 $[771]

 

Jean-Pascal Foucault, ingénieur (BPYA et BPTH) : 345 217,29 $[772]

 

Pierre Hamel, Docteur en sciences économiques (BPYA et BPTH) : 85 500 $[773]

 

Alain Viger, CPA, CA (BPYA et BPTH) 525 770 $[774]


 

CHUM

 

Jean-Claude Champagne, architecte et ingénieur : 445 224,77 $[775]

 

Michel Poitevin, Docteur en sciences économiques : 54 200 $[776]

 

Michel Brière, architecte et Bernard Gaudreault, MIAM (membre de l’Institute of           Asset Management) : 38 071,10 $[777]

 

Michel Hamelin, CPA, CA : 214 864,44 $[778]

 

[850]     Ainsi, les frais d’expertise de la demande s’élèvent à près de 1 500 000 $. Ceux de la défense s’élèvent à près de 800 000 $.

 

[851]     Compte tenu de la conclusion à laquelle le Tribunal arrive quant au sort du litige, les seuls frais d’expertise susceptibles à taxation, à titre de frais de justice, sont ceux des experts de BPYA et de BPTH. Ainsi, au motif de la pertinence, le Tribunal s’en tiendra à commenter et à déterminer la part des frais d’expertises sujets à taxation des experts en demande.

 

Michel Languedoc, architecte

 

[852]     Le rapport, de même que le témoignage de M. Languedoc, était d’une grande qualité et a éclairé le Tribunal. M. Languedoc a préparé, à la demande du Tribunal, plusieurs documents et analyses afin d’éclairer le Tribunal. Ces documents étaient également d’une grande qualité et ont été pertinents et parfois essentiels à l’analyse de la preuve par le Tribunal. Les montants facturés sont raisonnables compte tenu de la complexité des questions évaluées. Le Tribunal accorde l’intégralité des frais d’expertises facturés.

 

Réjean Berthiaume, ingénieur

 

[853]     Le rapport, de même que le témoignage de M. Berthiaume, était d’une grande qualité et a éclairé le Tribunal. M. Berthiaume a préparé, à la demande du Tribunal, plusieurs documents et analyses afin d’éclairer le Tribunal. Ces documents étaient également d’une qualité excellente. Les documents préparés ont été essentiels à l’analyse de la preuve par le Tribunal. Compte tenu du caractère complexe des questions évaluées, les montants facturés sont raisonnables. Le Tribunal accorde l’intégralité des frais d’expertises facturés.


 

Jean-Pascal Foucault, ingénieur

 

[854]     Les rapports et les témoignages de M. Foucault étaient éclairants, mais trop souvent imprécis. Le Tribunal a rejeté la prétention de BPYA et de BPTH de faute de la part du CHUM quant aux dossiers d’affaires préparés, notamment concernant le débat d’indice de vétusté / coûts anticipés d’entretien et de maintien de l’actif et le taux d’actualisation utilisé. Cette conclusion du Tribunal devrait avoir une incidence quant au remboursement des frais d’expertise à l’appui de ces prétentions. Cependant, le dossier d’affaires intermédiaire du CRCHUM utilisait un taux d’actualisation de 8 %, ce qui a favorisé le choix du mode PPP et ce qui a fait l’objet de critiques et de reproches de la part du VGQ. Le refus du CHUM de permettre le dépôt en preuve des rapports du VGQ a obligé BPYA et BPTH à avoir recours à des expertises indépendantes pour soutenir ces moyens concernant ces reproches. Celles-ci n’étaient pas fondées, car le choix du mode de réalisation portait sur le projet entier du Nouveau CHUM (CRCHUM et CHUM-Hôpital). Mais elles n’étaient pas non plus frivoles. Il reste que les rapports de M. Foucault, avec égards, nous paraissent très chers. Le Tribunal accorde 20 % des frais d’expertises facturés.

 

Pierre Hamel, Docteur en sciences économiques

 

[855]     Les rapports et le témoignage du Professeur Hamel ont été éclairants. Le Tribunal a rejeté la prétention de BPYA et de BPTH de faute du CHUM concernant le taux d’actualisation utilisé. Cette conclusion devrait avoir une incidence sur la possibilité de remboursement des frais d’expertise au soutien de ce moyen. Comme pour M. Foucault, il faut considérer les prétentions de BPYA et de BPTH dans le contexte des reproches faits par le VGQ et le refus du CHUM de permettre le dépôt des rapports de ce dernier. Tenant compte des comparables, les coûts des rapports et du témoignage de M. Hamel ne sont pas exorbitants. Le Tribunal accorde 30 % des frais d’expertises facturés.

 

Alain Viger, CPA, CA

 

[856]     Par rapport à la méthodologie de qualification des dommages proposée par M. Viger, le Tribunal a préféré la méthodologie plus conforme et mieux adaptée à la preuve et aux circonstances en l’espèce de M. Hamelin. Avec beaucoup d’égards, le témoignage de M. Viger n’a pas été suffisamment clair. Il a eu des difficultés à expliquer sa méthodologie et à justifier les prémisses sous-jacentes à celle-ci. Il reste qu’il était essentiel, devant la négation de responsabilité opposée par le CHUM, que BPYA et BPTH fassent une preuve détaillée de leurs dommages quant à la marge bénéficiaire applicable aux honoraires dont ils ont été privés. Également, les rapports, le témoignage et les interventions de M. Viger ont parfois été utiles, car ils ont permis de relever plusieurs erreurs de calcul ou de données dans les rapports de M. Hamelin. Cela a permis à M. Hamelin de faire les corrections qui s’imposaient. Le coût des rapports de M. Viger nous paraît trop élevé, lorsque comparé avec celui de M. Hamelin. Le Tribunal accorde 35 % des frais d’expertises facturés.

Conclusion

 

[857]     Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que le CHUM doit à BPYA la somme de 7 512 433,32 $ et à BPTH la somme de 4 824 397,26 $, plus les intérêts et les indemnités additionnelles, plus les taxes applicables, le tout suivant les dates d’exigibilité mentionnées. Le dispositif du jugement donnera donc effet à ces conclusions.

 

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[858]     CONDAMNE le Centre hospitalier de l’Université de Montréal à payer à Birtz Bastien Beaudoin Laforest Architectes, Provencher Roy et Associés Architectes, Yelle, Maillé, Architectes et le Groupe ARCOP, s.e.n.c. la somme de 7 512 433,32 $ comme suit :

 

1) 2 103 331,07 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 2 juin 2009;

 

2) 736 368,71 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 31 décembre 2009;

 

3) 1 194 476,90 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2010;

 

4) 1 149 402,30 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2011;

 

5) 668 606,57 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2012;

 

6) 270 447,60 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2013;

 

7) 157 761,10 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2014;

 

8) 22 537,30 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2015;

 

9) 285 472,47 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2016;

 

10) 548 407,63 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2017;

 

11) 75 124,33 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2018;

 

12) 75 124,33 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2019;

 

13) 75 124,33 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2020;

 

14) 120 198,93 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2021;

 

15) 30 049,73 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2022;

 

[859]     SUSPEND l’entrée en vigueur du numéro 14) du paragraphe 858 jusqu’au 1er juillet 2021;

 

[860]     SUSPEND l’entrée en vigueur du numéro 15) du paragraphe 858 jusqu’au 1er juillet 2022;

 

[861]     CONDAMNE le Centre hospitalier de l’Université de Montréal à payer à Birtz Bastien Beaudoin Laforest Architectes, Provencher Roy et Associés Architectes, Yelle, Maillé, Architectes et le Groupe ARCOP, s.e.n.c., à titre de taxe sur les produits et services (TPS), la somme de 368 109,23 $;

 

[862]     CONDAMNE le Centre hospitalier de l’Université de Montréal à payer à Birtz Bastien Beaudoin Laforest Architectes, Provencher Roy et Associés Architectes, Yelle, Maillé, Architectes et le Groupe ARCOP, s.e.n.c., à titre de taxe sur les produits et services (TPS), la somme de 6 009,95 $;

 

[863]     SUSPEND l’entrée en vigueur du paragraphe antérieur jusqu’au 1er juillet 2021;

 

[864]     CONDAMNE le Centre hospitalier de l’Université de Montréal à payer à Birtz Bastien Beaudoin Laforest Architectes, Provencher Roy et Associés Architectes, Yelle, Maillé, Architectes et le Groupe ARCOP, s.e.n.c., à titre de taxe sur les produits et services (TPS), la somme de 1 502,49 $;

 

[865]     SUSPEND l’entrée en vigueur du paragraphe antérieur jusqu’au 1er juillet 2022;

 

[866]     CONDAMNE le Centre hospitalier de l’Université de Montréal à payer à Birtz Bastien Beaudoin Laforest Architectes, Provencher Roy et Associés Architectes, Yelle, Maillé, Architectes et le Groupe ARCOP, s.e.n.c., à titre de taxe de vente du Québec (TVQ), la somme de 734 377,92 $;


 

[867]     CONDAMNE le Centre hospitalier de l’Université de Montréal à payer à Birtz Bastien Beaudoin Laforest Architectes, Provencher Roy et Associés Architectes, Yelle, Maillé, Architectes et le Groupe ARCOP, s.e.n.c., à titre de taxe de vente du Québec (TVQ), la somme de 11 989,84 $;

 

[868]     SUSPEND l’entrée en vigueur du paragraphe antérieur jusqu’au 1er juillet 2021;

 

[869]     CONDAMNE le Centre hospitalier de l’Université de Montréal à payer à Birtz Bastien Beaudoin Laforest Architectes, Provencher Roy et Associés Architectes, Yelle, Maillé, Architectes et le Groupe ARCOP, s.e.n.c., à titre de taxe de vente du Québec (TVQ), la somme de 2 997,46 $;

 

[870]     SUSPEND l’entrée en vigueur du paragraphe antérieur jusqu’au 1er juillet 2022;

 

[871]     AVEC FRAIS de justice, y compris les frais d’expertise, tels que précisés aux paragraphes pertinents du présent jugement;

 

[872]     REJETTE la Demande reconventionnelle du Centre hospitalier de l’Université de Montréal contre Birtz Bastien Beaudoin Laforest Architectes, Provencher Roy et Associés Architectes, Yelle, Maillé, Architectes et le Groupe ARCOP, s.e.n.c.;

 

[873]     AVEC FRAIS de justice;

 

[874]     CONDAMNE le Centre hospitalier de l’Université de Montréal à payer à Bouthillette Parizeau & Associés inc. et Teknika HBA inc. la somme de 4 824 397,26 $ comme suit :

 

1) 1 413 403,67 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 4 mars 2010;

 

2) 564 599,21 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 31 décembre 2010;

 

3) 685 064,41 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2011;

 

4) 540 332,49 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2012;

 

5) 323 234,62 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2013;

 

6) 217 097,88 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2014;

 

7) 212 273,48 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2015;

 

8) 207 449,08 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2016;

 

9) 236 395,47 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2017;

 

10) 115 785,53 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2018;

 

11) 115 785,53 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2019;

 

12) 115 785,53 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2020;

 

13) 72 365,96 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2021;

 

14) 4 824,40 $, avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 1er juillet 2022;

 

[875]     SUSPEND l’entrée en vigueur du numéro 13) du paragraphe 874 jusqu’au 1er juillet 2021;

 

[876]     SUSPEND l’entrée en vigueur du numéro 14) du paragraphe 874 jusqu’au 1er juillet 2022;

 

[877]     CONDAMNE le Centre hospitalier de l’Université de Montréal à payer à Bouthillette Parizeau & Associés inc. et Teknika HBA inc., à titre de taxe sur les produits et services (TPS), la somme de 237 360,34 $;

 

[878]     CONDAMNE le Centre hospitalier de l’Université de Montréal à payer à Bouthillette Parizeau & Associés inc. et Teknika HBA inc., à titre de taxe sur les produits et services (TPS), la somme de 3 618,30 $;

 

[879]     SUSPEND l’entrée en vigueur du paragraphe antérieur jusqu’au 1er juillet 2021;

 

[880]     CONDAMNE le Centre hospitalier de l’Université de Montréal à payer à Bouthillette Parizeau & Associés inc. et Teknika HBA inc., à titre de taxe sur les produits et services (TPS), la somme de 241,22 $;

 

[881]     SUSPEND l’entrée en vigueur du paragraphe antérieur jusqu’au 1er juillet 2022;

 

[882]     CONDAMNE le Centre hospitalier de l’Université de Montréal à payer à Bouthillette Parizeau & Associés inc. et Teknika HBA inc., à titre de taxe de vente du Québec (TVQ), la somme de 473 533,90 $;

 

[883]     CONDAMNE le Centre hospitalier de l’Université de Montréal à payer à Bouthillette Parizeau & Associés inc. et Teknika HBA inc., à titre de taxe de vente du Québec (TVQ), la somme de 7 218,50 $;

 

[884]     SUSPEND l’entrée en vigueur du paragraphe antérieur jusqu’au 1er juillet 2021;

 

[885]     CONDAMNE le Centre hospitalier de l’Université de Montréal à payer à Bouthillette Parizeau & Associés inc. et Teknika HBA inc., à titre de taxe de vente du Québec (TVQ), la somme de 481,23 $;

 

[886]     SUSPEND l’entrée en vigueur du paragraphe antérieur jusqu’au 1er juillet 2022;

 

[887]     AVEC FRAIS de justice, y compris les frais d’expertise, tels que précisés aux paragraphes pertinents du présent jugement.

 

 

 

 

 

__________________________________

JEFFREY EDWARDS, J.C.S.

 

 

 

 

 

 

Me Guy Gilain

Me Gerry Argento

Me Jasmin Lefebvre

Me Stephan Trihey

Me Tania L. Pinheiro

Me Karine Carrier

Miller Thomson sencrl / llp

Avocats des demanderesses

 

Me Philippe Tremblay

Me Bruno Verdon

Me Emil Vidrascu

Me Gabrielle Tétrault

Lavery, De Billy s.e.n.c.r.l.

Avocats du défendeur Centre hospitalier de l’Université de Montréal

 

 

Dates d’audience :

1er août 2019

 

6, 9, 10, 11, 12, 16, 17, 18, 19, 23, 24, 25, 26 et 30 septembre 2019

 

1er, 2 et 24 octobre 2019

 

4, 5, 6, 7, 8, 11, 12, 13, 14, 18, 19, 20, 21 et 22 novembre 2019

 

2, 3, 4, 5, 10 et 11 décembre 2019

 

 

Pièces supplémentaires et commentaires écrits

produits par les parties :

12, 13 et 23 décembre 2019

 

6, 10 et 20 janvier 2020

 

18, 21 et 26 février 2020

 

3, 4, 13 et 23 mars 2020

 

2, 14, 16 et 30 avril 2020

 

6, 15 et 27 mai 2020

 

 

Date d’audience :

28 mai 2020

 

 

Pièces supplémentaires et commentaires écrits

produits par les parties :

29 mai 2020

 

5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 17, 18, 19, 24, 29 et 30 juin 2020

 

3, 6, 15, 20 et 21 juillet 2020

 

3, 6, 11, 24, 25 et 26 août 2020

 

 

Date d’audience :

10 septembre 2020

 

 

Pièces supplémentaires et commentaires écrits

produits par les parties :

24 septembre 2020

 

 

Mise en délibéré :

24 septembre 2020

 


Lexique des sigles, acronymes et abréviations des parties, personnes, organismes impliqués ou autres termes désignés

 

AIP : Ajustement Inhérent au Projet - Désignation comptable utilisée dans l’évaluation des risques, notamment en matière de PPP, pour calculer les risques à long terme associés à la réalisation d’un projet (paragraphe de première référence : 148).

 

APPPQ: Agence des partenariats public-privé du Québec - Organisme public créé par le Gouvernement du Québec le 17 décembre 2004. Aboli en octobre 2009 (paragraphe de première référence : 36).

 

BPTH : consortium d’ingénieurs mécanique et électrique, créé par les bureaux Bouthillette Parizeau & Associés inc. et Teknika HBA inc., pour soumettre une offre de service à l’appel de candidatures du CHUM pour la sélection d’une équipe maître d’ingénieurs mécanique et électrique (paragraphe de première référence : 1).

 

BPYA : consortium d’architectes, créé par les bureaux Birtz Bastien Beaudoin Laforest Architectes, Provencher Roy et Associés Architectes, Yelle, Maillé, Architectes et le Groupe ARCOP, s.e.n.c., pour soumettre une offre de services à l’appel de candidatures du CHUM pour la sélection d’une équipe maître d’architectes (paragraphe de première référence : 1).

 

CHQ : Corporation d’hébergement du Québec - Organisme public créé par le Gouvernement du Québec. A participé dans les appels de candidatures des équipes maitres pour le CHUM. Aboli en 2011 (paragraphe de première référence : 57).

 

CHUM : Centre Hospitalier de l’Université de Montréal - hôpital de niveau universitaire affilié à l’Université de Montréal intégrant un centre hospitalier (CHUM-Hôpital) et un centre de recherche (CRCHUM). Le CHUM résulte de la fusion en 1996 de trois hôpitaux, à savoir Hôtel-Dieu, Notre-Dame et Saint-Luc (paragraphe de première référence : 1).

 

CHUM-Hôpital : centre hospitalier du Nouveau CHUM (voir CHUM) (paragraphe de première référence : 12).

 

Comité : Comité de revue diligente - comité constitué en novembre 2010 par le Secrétariat du Conseil du trésor du Gouvernement du Québec pour examiner le dossier d’affaires intermédiaire préparé par Raymond Chabot Grant Thornton le 10 novembre 2010. Voir Tableau III, point 2 (paragr. 249) (paragraphe de première référence : 265).

 

Commission d’analyse : Commission d’analyse des projets d’implantation du CHUM et du CUSM -instituée le 29 octobre 2003 par le Gouvernement du Québec ayant pour mandat de vérifier les besoins en matière de santé de la population de la région de Montréal et le caractère opportun de la construction de nouvelles installations hospitalières (paragraphe de première référence : 34).

 

CRCHUM : Centre de recherche du Nouveau CHUM (voir CHUM) (paragraphe de première référence : 12).

 

CSP : Comparateur du secteur public - Désignation comptable dans le Dossier d’affaires initial (DAI), élaboré par Raymond Chabot Grant Thornton, pour la réalisation du projet de construction du Nouveau CHUM en mode conventionnel, soit le contrat d’entreprise à forfait (articles 2098 et 2109 C.c.Q.) (paragraphe de première référence : 136).

 

CUSM : Centre universitaire de santé McGill - hôpital de niveau universitaire affilié à l’Université McGill, intégrant un centre hospitalier et un centre de recherche. Il résulte de la fusion de plusieurs hôpitaux affiliés à l’université McGill en 1997 (paragraphe de première référence : 32).

 

DAI : Dossier d’affaires initial - Les conventions de services intervenues entre le CHUM et BPYA et BPTH précisent que certaines « composantes » du projet du Nouveau CHUM « feront l’objet d’un dossier d’affaires afin de déterminer si leur réalisation sera effectuée en mode PPP ou conventionnel/forfaitaire ». Plusieurs dossiers d’affaires intermédiaires et révisés seront préparés. Voir Tableau I (paragr. 246), Tableau II (paragr. 248) et Tableau III (paragr. 249) (paragraphe de première référence : 130).

 

DE : Bureau du directeur exécutif - division administrative au sein du ministère de la Santé du Gouvernement du Québec, créée le 15 juin 2005. Chargé d’assurer le respect des échéanciers et des budgets du projet-cadre gouvernemental de modernisation des hôpitaux de Montréal (voir Projet-cadre). Le premier titulaire est monsieur Clermont Gignac, ingénieur (paragraphe de première référence : 38).

 

Entente-cadre : Entente-cadre de gouvernance entre le CHUM, le DE et l’APPPQ (paragraphe de première référence : 43).

 

IQ : Infrastructure Québec - organisme public du Gouvernement du Québec gérant son parc immobilier fusionné le 13 novembre 2013 avec la SQI. Les responsables de l’APPPQ y sont transférés avant d’être intégrés à la SQI (paragraphe de première référence : 240).

 

Nouveau CHUM : - Projet de construction intégrant un nouveau centre hospitalier (voir CHUM-Hôpital) et un centre de recherche (voir CRCHUM) pour remplacer les établissements des hôpitaux formant le CHUM. Les appels de candidatures pour les équipes maitres des professionnels ont eu lieu le 8 juin 2006. Le Nouveau CHUM se divise en trois phases : Phase 1 : CRCHUM (ouvert le 30 septembre 2013); Phase 2 : CHUM-Hôpital (85 %) (ouvert le 31 mars 2017); Phase 3 : CHUM-Hôpital (15 %) (ouverture projetée le 11 mai 2021. Fin prévue des mandats de BPYA et de BPTH : 27 mars 2022) (paragraphe de première référence : 1).

 

PDI : Plan directeur immobilier - (paragraphe de première référence : 674).

 

PFT : Programme fonctionnel et technique (paragraphe de première référence : 104).

 

PPP : Partenariat public-privé - Contrat de partenariat forfaitaire entre un organisme public et un partenaire du secteur privé selon lequel ce dernier entreprend la construction du projet, et ensuite se charge de l’entretien de celui-ci au cours de la durée du contrat, moyennant des paiements unitaires annuels pendant la durée du contrat (paragraphe de première référence : 2).

 

PR : Projet de référence - Désignation comptable dans le Dossier d’affaires initial (voir DAI) élaboré par Raymond Chabot Grant Thornton pour la réalisation du projet de construction du Nouveau CHUM suivant le mode PPP (paragraphe de première référence : 136).

 

Projet-cadre : Projet-cadre gouvernemental de modernisation des hôpitaux de Montréal - projet du ministère de la Santé du Gouvernement du Québec de moderniser les hôpitaux de Montréal. Ce projet comprend le CHUM, le CUSM et le CHU Sainte-Justine (paragraphe de première référence : 32).

 

RCGT : Raymond Chabot Grant Thornton - Bureau de conseil financier et comptable retenu dans le cadre du projet du Nouveau CHUM par l’APPPQ et chargé d’élaborer le DAI et les dossiers d’affaires subséquents (paragraphe de première référence : 129).

 

SQI : Société québécoise des infrastructures - organisme du Gouvernement du Québec ayant pour mission de développer, maintenir et gérer le parc immobilier des organismes publics relevant de ce gouvernement. Le 13 novembre 2013, IQ a fusionné avec la SQI (paragraphe de première référence : 240).

 

VGQ : Vérificateur général du Québec - organisme au service de l’Assemblée nationale du Québec et de ses commissions, chargé de la vérification comptable et du contrôle parlementaire des fonds publics (paragraphe de première référence : 142).



[1]     Puisque les demanderesses se sont réunies en « consortiums » de BPYA et de BPTH, nous référerons à ces derniers selon le genre masculin.

[2]     Pièce P-67 BPYA. Voir également P-3 BPYA, p. 134.

[3]     Pièce P-3 BPYA, p. 131.

[4]     Pièce P-58 BPYA.

[5]     Pièce P-3 BPYA, p. 146.

[6]     Pièce p-3 BPYA, p. 131.

[7]     Pièce P-3 BPYA, p. 138 à 142. Voir également la Pièce P-62 BPYA, curriculum vitae de Gilles Maillé.

[8]     Pièce P-3 BPTH, p. 164.

[9]     Pièce P-3 BPTY, p. 164 à 172, 178 à 180. Voir également la Pièce P-55 BPTH.

[10]    Pièce P-1 BPTH, Conditions d’admissibilité, art. 3 des Instructions, p. 5.

[11]    Pièce P-3 BPTH, p. 138.

[12]    Pièce P-129 BPHA, Résumé du témoignage de M. Roy, p. 3, para. 7; Pièce P-127 BPHA, Résumé du témoignage de C. Provencher, p. 3, para. 4; Pièce P-128 BPYA, Résumé du témoignage de G. Maillé, p. 3, para. 4; Pièce P-126 BPYA, Résumé du témoignage de P. Hébert, p. 2, para. 3.

[13]    Pièce D-215, Résumé d’interrogatoire de M. Clermont Gignac, p. 2. À titre de comparaison, le CHUM fait trois fois la surface du Palais de justice de Montréal (112 000 m2).

[14]    Pièce D-215, Résumé d’interrogatoire de M. Clermont Gignac, p. 2. Cela inclut selon lui les coûts de construction, d’achat de terrains, des équipements, de frais professionnels et le coût du bureau du Directeur exécutif. Il est à noter que le CHUM n’a jamais voulu, même en cours d’instruction, confirmer sa propre évaluation du coût réel actuel et anticipé, à tâche terminée, du Nouveau CHUM. Selon le curriculum vitae de C. Gignac produit en preuve, le coût total se situe cependant à 3,63 milliards (3,075 millions $ CHUM-Hôpital; 555 millions $ CRCHUM). Voir D-136, p. 2.

[15]    Pièce D-132 en liasse (premier document, p. 3, Gazette officielle du Québec, 19 oct. 1996, no 42, p. 1311.

[16]    Pièce D-132, Décret 1147-2003, p. 59.

[17]    Pièce P-31.

[18]    Id., p. 1 (ou p. 8 (numéro informatisé)).

[19]    RLRQ, c. A-7.002. La loi entre en vigueur le 18 avril 2005. P. 33.

[20]    RLRQ, c. A-7.002.

[21]    Pièce P-33 BPYA; Pièce P-34 BPTH.

[22]    Voir les articles 4 et 5 de la Loi sur l’Agence des partenariats public-privé du Québec.

[23]    Pièce D-1, Décret 573-2005.

[24]    Pièce D-1.

[25]    En cours d’évolution du projet, le Gouvernement du Québec ajoute au Projet-cadre de modernisation le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine.

[26]    Id., p. 1.

[27]    Ibid.

[28]    Certaines lettres du Bureau du Directeur exécutif portent l’en-tête du ministère de la Santé. Voir par exemple la Pièce P-50 BPYA.

[29]    Pièce D-136, curriculum vitae de Clermont Gignac.

[30]    C. Gignac, transcription de l’audience du 18 septembre 2019, p. 22.

[31]    C. Gignac, transcription de l’audience du 18 septembre 2019, p. 25.

[32]    Voir infra, III, A.

[33]    Pièce D-3, Décret 292-2006. Voir Décret correctif (Pièce D-4, Décret 357-2006).

[34]    Pièce D-142. Voir également la Pièce P-38 BPYA.

[35]    Id., para. 12.

[36]    Id., para. 33.

[37]    Id., para. 4, 261.

[38]    Id., para. 5.

[39]    Pièce D-142, p. 1, para. 5.

[40]    Pièce D-2, Décret 463-2006.

[41]    Id., para. 1, in fine.

[42]    Témoignage de C. Gignac, 18 septembre 2019, pages 61 et 65.

[43]    Pièce D-128 (BPYA), (189 pages, 68 pages d’addendas). Voir la Pièce P-3 BPYA (sans addendas); Pièce D-129 (BPTH). Voir la Pièce P-3 BPTH (sans addendas).

[44]    Id., p. 3.

[45]    D-128 BPYA, p. 195 (Addenda No 8); D-129 BPTH, p. 195 (Addenda No 9).

[46]    Certains représentants du CHUM ont cependant été présents lors de la visite des lieux.

[47]    Pièce P-37 BPYA, Interrogatoire de S. Villiard.

[48]    P-37 BPYA, Interrogatoire de S. Villiard, p. 49, 50, p. 101 (ligne 8) à p. 102 (ligne 17).

[49]    C. Gignac, transcription de l’audience du 19 septembre 2019, p. 262 : « Q (Tribunal) : […] à qui est-ce que vous attribueriez la paternité principale de l’appel de candidatures? R : C’est tous ensemble. C’est une… c’est du… c’est de la discussion. ».

[50]    C. Gignac, transcription de l’audience du 18 septembre 2019, p. 141.

[51]    C. Gignac, transcription de l’audience du 19 septembre 2019 (p. 254 (J. Ulysse) et p. 275 (P. Lortie)). M. Villiard se réfère également à l’expertise de M. Ulysse.

[52]    Pièce P-37 BPYA, Interrogatoire de S. Villiard, p. 151 et 152.

[53]    Pièce D-142; signé le 31 mai 2006 par le CHUM et le DE, et le 5 juin 2006 par l’APPPQ. Voir supra, « I) E) L’entente-cadre de gouvernance du Nouveau CHUM ». Les appels de candidatures ont été lancés le 8 juin 2006.

[54]    C. Gignac, transcription de l’audience du 19 septembre 2019, p. 265.

[55]    Pièce P-1 BPYA, p. 16 (page 17). Pour la convention de services, Pièce P-3 BPYA, p. 7 (page 81); Pièce P-1 BPTH, p. 15 et 16; Pièce P-3 BPTH, p. 7 (page 122).

[56]    Pièce P-128 BPYA, Résumé du témoignage de G. Maillé, p. 2, para. 5, alinéa 4; Témoignage de P. Hébert, 9 septembre 2019, p. 88.

[57]    Témoignage de P. Hébert, 9 septembre 2019, p. 88 (ligne 21) à p. 89 (ligne 6).

[58]    Pièce P-1 BPYA, p. 89 et 90; Pièce P-1 BPTH, p. 36 et 37.

[59]    Pièce P-1 BPYA, p. 16 (page 17 de 118). Pour la convention de services, Pièce P-3, p. 7 (p. 81 de 187); Pièce P-1 BPTH, p. 15 et 16.

[60]    Ce début de phrase a été inséré au cours du processus de l’appel de candidatures. Voir D-128 BPYA, D-129 BPYA, P. 125. Voir lettre de l’avocat de BPYA et de BPTH du 29 mai 2020, Pièce P-154 BPYA, p. 3.

[61]    Pièce P-1 BPYA, p. 82 et 83; Pièce P-1 BPTH, p. 29 et 30.

[62]    Pièce P-3 BPYA, p. 3.

[63]    Également pour BPTH « de génie mécanique et électrique », Pièce P-3 BPTH, p. 3 et 4 (p. 231).

[64]    Addenda (Pièce D-128, p. 194 : À la partie III, l’article 3 : « Phase 2 : Planification de projet » est modifié comme suit : L’encadré introduisant la phase de planification est modifié par le remplacement du 3e paragraphe par ce qui suit : « ü de produire les plans et devis préliminaires (…) et tous les documents requis pour estimer les coûts. ». Voir Pièce P-3, p. 19.

[65]    Encadré avant « Planification du projet » : Pièce P-1 BPYA, p. 89; Pièce P-1 BPTH, p. 36.

[66]    Pièce P-3 BPYA, p. 19, Pièce P-3 BPTH, p. 19.

[67]    Pièce P-1 BPYA, p. 84; Pièce P-1 BPTH, p. 31.

[68]    Pièce P-1 BPYA, p. 85; Pièce P-1 BPTH, p. 32.

[69]    Pièce D-128, p. 202 et 203.

[70]    Pièce D-128, p. 218.

[71]    Pièce D-215, Résumé du témoignage de C. Gignac, p. 7, para. 1.

[72]    Pièce D-215, Résumé du témoignage de C. Gignac, p. 6, para. 6.

[73]    Pièce P-128 BPYA, Résumé du témoignage de G. Maillé, p. 3, para. 1.

[74]    Pièce P-43 BPYA. Voir « objet » des courriers électroniques, pages 1 et 2.

[75]    Pièce P-1 BPYA, Annexe 1 Exigences relatives à la production de documents, art. 16, p. 100 de 118; Tableau 6, p. 59 de 65; Pièce P-1 BPTH, Annexe 1 Exigences relatives à la production de documents, art. 16, p. 47 de 65; Tableau 6, p. 112 de 118.

[76]    Témoignage de Gilles Maillé, 12 septembre 2019, p. 77 (19-23); Voir la Pièce P-1 BPYA, p. 98 de 118, Annexe 1 « Plans et devis préliminaires »; Témoignage de Pierre Hébert, 9 septembre 2019, p. 97 (20-25), p. 98 (1-12); Voir la Pièce P-1 BPTH, p. 45 de 65, Annexe 1 « Plans et devis préliminaires ».

[77]    Pièces P-37 BPYA et P-38 BPTH, Interrogatoire au préalable de Sylvain Villiard, 13 novembre 2013, p. 52 (21-25) et 53 (1-14), p. 79.

[78]    Témoignage de Clermont Gignac, 19 septembre 2019, p. 277 (13-17).

[79]    Pièce P-1 BPYA, Conditions générales, art. 8.2 - Étape 3, p. 16 de 118; Pièce P-1 BPTH, Conditions générales, art. 8.2 - Étape 3, p. 16 de 65.

[80]    Pièce P-1 BPYA, p. 45 de 118 (Tableau 3.3).

[81]    Pièce D-129, p. 88.

[82]    Pièce P-37 BPYA, Interrogatoire de S. Villiard, p. 53, ligne 17 à p. 51, ligne 1, p. 93, ligne 25. C. Gignac (« fait à partir de nos estimés »).

[83]    Pièce D-128, p. 159.

[84]    Pièce D-129, p. 159.

[85]    Pièce P-3 BPYA, p. 125; Pièce P-3 BPTH, p. 160.

[86]    Pièce P-1 BPYA, p. 17, para. 9.1.

[87]    Pièce P-1 BPTH, p. 17, para. 9.1.

[88]    En ce qui a trait à l’obligation de confidentialité, voir Pièce P-1 BPYA, p. 22, para. 19; Pièce P-1 BPTH, p. 21.

[89]    Pièce P-1 BPYA, p. 9 et 10.

[90]    Pièce D-128, p. 135 (p. 17).

[91]    Pièce P-1 BPTH, p. 10.

[92]    Pièce P-1 BPTH, p. 23.

[93]    Pièce P-1 BPYA, p. 82 de 118; Pièce P-1 BPTH, p. 29 de 65.

[94]    Pièce P-1 BPYA, p. 6.

[95]    Pièce P-1 BPTH, p. 6.

[96]    Pièce D-128 BPYA, p. 193; Pièce D-129 BPTH, p. 193. Le texte précis ajouté pour l’appel de candidatures pour les architectes se lit ainsi : Par ailleurs, le CHUM / CUSM / CHU SAINTE-JUSTINE pourra décider de l’opportunité de confier une partie du mandat de l’Équipe maître d’architecture à un tiers, à n’importe quelle étape du projet, y incluant pour la surveillance des travaux. Pour l’appel de candidatures pour les ingénieurs, le paragraphe ajouté se lit ainsi : Par ailleurs, le CHUM / CUSM / CHU SAINTE-JUSTINE pourra décider de l’opportunité de confier une partie du mandat de l’Équipe maître de génie mécanique et électrique à un tiers, à n’importe quelle étape du projet, y incluant pour la surveillance des travaux.

[97]    Pièce P-128 BPYA, Résumé du témoignage de G. Maillé, p. 3, para. 7; Pièce P-129 BPYA, Résumé du témoignage de M. Roy, p. 2, para. 6).

[98]    Infra « Modification ».

[99]    Pièce P-3 BPYA, p. 90.

[100]   Pièce P-1 BPYA, p. 13. Pour la convention de services, voir Pièce P-3 BPYA, p. 76.

[101]   Pièce P-3 BPTH, p. 131.

[102]   Pièce P-1 BPTH, p. 13; Pièce P-3 BPTH, p. 117.

[103]   Pièce P-3 BPYA, p. 3; Pièce P-3 BPTH, p. 3.

[104]   Pièce P-1 BPYA, p. 20 et 21.

[105]   Pièce P-1 BPTH, p. 20 et 21.

[106]   Pièce P-1 BPYA, p. 10.

[107]   Pièce P-1 BPTH, p. 10.

[108]   Pièce P-3 BPYA, p. 83.

[109]   Pièce D-114 BPYA (a).

[110]   Pièce D-114 BPTH (b).

[111]   Pièce P-44 BPYA; Pièce P-43 BPTH.

[112]   Pièce P-44 BPYA.

[113]   Défense et Demande reconventionnelle datée du 23 décembre 2016, para. 129 à 132 (Dossier BPYA : 500-17-061237-109, cote 90 du dossier de la Cour). Voir la Demande reconventionnelle modifiée du 19 juillet 2019, para. 131, 132 et 3e conclusion (cote 114 du dossier de la Cour). Voir Réponse et défense reconventionnelle modifiée de BPYA datée du 19 juillet 2019, para. 102 à 112 (cote 115 du dossier de la Cour).

[114]   Pièce D-119, p. 7; Pièce D-181. Mis à jour au 30 septembre 2019.

[115]   Défense et Demande reconventionnelle datée du 23 décembre 2016, para. 141 à 144.

[116]   Pièce P-64 BPTH.

[117]   Pièce P-2 BPYA.

[118]   Pièce D-128, p. 193; Pièce D-129, p. 193.

[119]   Voir infra, paragraphes 66 à 113 du jugement.

[120]   Le texte suivant se trouvait dans les conventions signées : « EN FOI DE QUOI, les parties ont signé le Contrat au lieu et au jour mentionnés au début du Contrat et les parties ont fait en sorte que la présente convention de services soit en vigueur à compter de la réception de l’approbation formelle écrite du Directeur exécutif. » (Pièce P-3 BPYA, p. 8; Pièce P-3 BPTH, p. 8).

[121]   Pièce D-146.

[122]   Pièce D-147.

[123]   Pièces D-3 et D-4.

[124]   P-37 BPYA, p. 102, lignes 12 à 16.

[125]   Pièce D-163.

[126]   Pour le CUSM, l’Agence porte son choix sur le bureau de conseils Price Waterhouse Coopers (PWC).

[127]   Pièce D-157.

[128]   Pièce D-158.

[129]   Pièce D-149 (28 novembre 2006); Pièce D-182 (24 juillet 2006); Pièce D-183 (31 juillet 2006) (premières versions). Le titre souvent utilisé au cours de l’instruction, à savoir « Contractual Framework for Public-Private Partnership for CHUM and MUHC Health Care Facility Projects » de même que la table des matières apparaissent uniquement dans la version ultérieure (novembre 2006) (D-149).

[130]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 3, para. 3.

[131]   Ibid.

[132]   Pièce D-183 (version anglaise). Dans la section 4.1.1, certaines obligations de nature accessoire sont attribuées au CHUM, par exemple, fournir documentation pour permettre une certification « LEED » (voir reste du paragraphe); Pièce D-184 (version française).

[133]   Le bureau retenu pour le CUSM est PricewaterhouseCoopers. Voir la Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 4, para. 1.

[134]   N. Truchon, transcription de l’audience du 26 septembre 2019, p. 16, ligne 25 et p. 17, ligne 1.

[135]   Nous verrons que les contrats PPP conclus en l’espèce ont plutôt utilisé une période de 30 ans après réception des travaux.

[136]   Pièce D-10, p. 71.

[137]   Pièce D-10, p. 84.

[138]   Pièce D-10, p. 85.

[139]   Pièce D-10, p. 87.

[140]   Pièce D-10, p. 12. Le document se réfère au projet de référence ou PR.

[141]   Pièce D-10, p. 75. Voir « source » : il s’agit du cadre contractuel remis par M. Lortie de l’APPPQ.

[142]   Pièce D-10, p. 73. Nous verrons que la période « post réception » sera plus tard réduite à 30 ans pour le CRCHUM (infra, para. 172) et pour le CHUM (infra, para. 194 et 195).

[143]   Pièce D-10, p. 149.

[144]   P. Lortie, transcription de l’audience du 23 septembre 2019, p. 205; Pièce D-117, p. 6, para. 2 et 3 (Résumé d’interrogatoire de P. Lortie).

[145]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 7, para. 3.

[146]   Pièce D-10. Voir, par exemple, p. 50, p. 88 (dernier commentaire).

[147]   Pièce D-217, Résumé du témoignage de N. Truchon, p. 3, para. 6 et p. 4, para. 2.

[148]   Pièce D-118 Sous scellés, note du 25 octobre 2016 de Nicolas Truchon (RCGT).

[149]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 6, para. 5; P-37 BPYA, M. Villiard, p. 47, lignes 21 à 22.

[150]   Voir résumés des interrogatoires de P. Lortie (D-216), p. 6, para. 5, et C. Gignac (D-215), p. 7, para. 6.

[151]   Pièce D-10, p. 141.

[152]   Il s’agit de l’expression employée dans la Politique-cadre sur les partenariats public-privé (Pièce P-31 BPYA, p. 8) et la Loi sur l’Agence des partenariats public-privé du Québec, RLRQ, c. A-7.002, article 4, paragraphe 2, alinéa 2.

[153]   Nous verrons que plus tard, le « reste du CHUM » sera lui-même divisé en deux phases, soit de 85 % et de 15 %. C’est cette dernière phase (15 %) qui est en voie de réalisation et dont l’achèvement est prévu pour mars 2022.

[154]   M. Lortie parle d’une cote de crédit financier « BBB ». Il estime que ce serait difficile à atteindre pour les entrepreneurs, car cette cote ressemble à celle d’une banque à charte (par exemple, la Banque Nationale du Canada).

[155]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 6, para. 5. Voir les pièces D-246, D-247 et D-248.

[156]   Pièce D-248, p. 3 et 4.

[157]   Infra, III, C. 3 et 4.

[158]   Pièce D-5.

[159]   Pièce D-6.

[160]   Il s’agit de l’étape préalable à la sélection d’un choix de partenaire privé. Le processus de sélection d’un partenaire privé pour le mode PPP comporte deux étapes, à savoir un appel de qualifications suivi d’un appel de propositions.

[161]   Pièce D-104 BPYA (Sous scellés), rapport d’expertise de Jean-Claude Champagne en date de juin 2019, onglet 16.

[162]   Pièce D-215, Résumé d’interrogatoire de Clermont Gignac, p. 3.

[163]   Pièce P-96 BPYA, p. 4 (18 novembre 2008) Le nombre de chambres est porté à 772.

[164]   P-96 BPYA, p. 4.

[165]   Témoignage de C. Gignac. Voir D-215, Résumé du témoignage de C. Gignac, p. 2.

[166]   Voir infra, para. 406.

[167]   Les chronologies de dates d’événements déposées par les parties font état, au cours de la période entre juin 2007 et avril 2009, d’environ 100 événements. Pièce P-96, p. 2 à 5. Voir également la Pièce D-143.

[168]   Pièce D-215, Résumé d’interrogatoire de Clermont Gignac, p. 6, para. 5.

[169]   Pièce P-37 BPYA, Interrogatoire de S. Villiard, p. 151 et 152.

[170]   Voir infra, section II, A.3.

[171]   Pièce P-37 BPYA, Interrogatoire de S. Villiard, p. 70, ligne 10; p. 71, ligne 8; p. 72, ligne 23; P. 74, ligne 19; P. 76, ligne 15.

[172]   Pièce D-234.

[173]   Pièce P-37 BPYA, Interrogatoire de S. Villiard, p. 70 à 73.

[174]   Id., p. 71, ligne 21.

[175]   Id., p. 70, lignes 18 et 19.

[176]   Id., p. 232, lignes 14 à 233, ligne 4.

[177]   De fait, le DAI a constitué la recommandation de l’APPPQ au ministre de la Santé de réaliser le Nouveau CHUM en mode PPP (Pièce D-246, p. 1, para. 3).

[178]   Pièce D-142. Le 31 mai 2006, le CHUM et le DE signent l’Entente-cadre. Le 5 juin 2006, le représentant de l’Agence, le président Pierre Lefebvre, le signe.

[179]   Id., para. 5.

[180]   Pièce P-3 BPYA, p. 3; Pièce P-3 BPTH, p. 3 et 4.

[181]   Pièces D-182, D-183 et D-149. Voir section 4.1.1.

[182]   Voir supra, para. 128.

[183]   Pièce D-155.

[184]   Témoignage C. Gignac, 18 septembre 2019, p. 202 : « On a participé à certaines consultations avec eux aussi ».

[185]   Voir l’étampe sur le document.

[186]   Pièce D-155, p. 1 : « De plus, vous noterez que nous avons éliminé de ce document les segments avec lesquels vous éprouviez des difficultés ou qui pouvaient porter à confusion ».

[187]   Pièce D-155, pages 26 et 27.

[188]   Pièce P-155 BPYA, p. 31 à 34.

[189]   Témoignage de M. Pierre Lortie du 23 septembre 2019, pages 135 à 138.

[190]   Pièce P-126 BPYA, Résumé du témoignage de P. Hébert, p. 4, para. 3.

[191]   Pièce P-51 BPTH. Il est à noter que ce document porte la date initiale du 3 juillet 2007.

[192]   Pièce P-7, p. 13; à comparer à la Pièce P-3, p. 69.

[193]   Pièce P-7, p. 3.

[194]   Pièce P-8 BPYA.

[195]   Pièce P-8 BPTH.

[196]   Pièce P-3 BPYA, p. 3; Pièce P-3 BPTH, p. 3 et 4. Voir, à titre d’exemple, le témoignage de Claude Provencher du 11 septembre 2019, p. 126 à 127 : « […] Il n’est pas plus tard que l’automne, octobre deux mille sept (2007), on nous envoie une demande de quittance pour modifier mon contrat. […] Quatre mois déjà après qu’on a commencé, on nous dit « non, non, non. Vous ne ferez plus le design. Vous ne ferez plus des plans et devis complets de préliminaires. […] » Puis nous autres on se disait, ça n’a pas d’allure, c’est le gros train qui vient de nous passer sur le dos. Ça n’a pas d’allure. On est en train de nous enlever le cœur de notre projet. La raison pour laquelle … [on] a décidé d’appliquer pour faire ce projet-là. »

[197]   Pièce P-10 BPYA, p. 1, 2 et 3. Voir également la Pièce P-13 BPYA.

[198]   Pièce P-8 BPTH, P. 1 et 2. Voir également la Pièce P-9 BPTH.

[199]   Pièce P-13 BPYA, p. 2; Pièce P-141 BPYA; Pièce P-16 BPYA; Pièce P-15 BPTH.

[200]   Période couvrant notamment novembre 2007 à août 2008. Pièces P-11 et P-37c) BPYA; Pièces P-10 et P-11 BPTH.

[201]   Pièce P-129 BPYA, Résumé du témoignage de M. Roy, p. 3, para. 4; Pièce P-126 BPYA, Résumé du témoignage de P. Hébert, p. 4, para. 4.

[202]   Pièces P-166 BPYA, P-167 BPYA et P-168 BPYA

[203]   Pièce D-245, p. 2 et tableaux annexés.

[204]   Pièce P-96 BPYA, p. 3, Entrées des 8 juillet et 8 août 2008.

[205]   Pièce P-15 BPYA. Le CHUM reconnaît qu’il retire ce mandat, notamment aux phases 3 et 4 des conventions de services. M. Villiard, du CHUM, écrit à ce sujet : « … qu’une partie des services de surveillance et de certification des travaux autrefois prévus à votre mandat risque de ne plus être requise... »

[206]   Témoignage de C. Gignac du 18 septembre 2019, p. 252, lignes 10 à 12 et p. 255, lignes 12 à 15.

[207]   Pièce P-151 BPYA, p. 1 et 2.

[208]   Pièce P-17 BPYA. Voir par exemple p. 15, para. 1.3.1 « Supporter et conseiller »; 1.4 « Service conseil et de support »; 1.4.1 « supporter et conseiller, dans son secteur d’activités, l’équipe maître de gestion de projets afin d’accompagner le CHUM. Ce rôle existait déjà comme rôle complémentaire selon les conventions de services initiales (P-3, p. 17).

[209]   Les amendements proposés précisent que le mandat pour assurer le contrôle des coûts, de l’échéancier, de la qualité et du contenu des travaux est éliminé. Cependant, en ce qui a trait aux travaux qui pourraient être réalisés en mode conventionnel, ces mandats demeurent. Dans les faits, aucun travail du projet n’est réalisé en mode conventionnel. L’équipe maître de gestion est dirigée par le DE.

[210]   Pièce P-16 PBYA, p. 1 : « Comme vous le savez, notre consortium a clairement signifié au CHUM dans le passé qu’il n’allait accepter aucune réduction de l’étendue et de la portée de son mandat ou de la contrepartie financière qui résulte de son accomplissement et qu’il entendait s’opposer à toute initiative en ce sens. Notre consortium maintient cette position. Nous acceptons toutefois de signer les documents ci-dessus mentionnés, mais il ne s’agit pas là d’une renonciation par notre consortium à ses prétentions relatives à l’étendue et à la portée de son mandat. »; Pièce P-15 BPTH, p. 1 : « Nous désirons en effet vous rappeler que notre consortium a clairement signifié au CHUM dans le passé qu’il n’allait accepter aucune réduction de l’étendue et de la portée de son mandat ou de la contrepartie financière qui résulte de son accomplissement, et qu’il entendait s’opposer à toute initiative en ce sens. Notre consortium maintient cette position. Et bien que nous ayons signé cet amendement, suite à l’insertion des modifications que nous vous avions suggérées, il ne s’agissait pas d’une renonciation par notre consortium à ses prétentions relatives à l’étendue et à la portée de son mandat. »

[211]   Pièce P-17 BPYA.

[212]   Pièce P-14 BPTH.

[213]   Pièce P-16 BPYA; Pièce P-15 BPTH. Les documents envoyés par les deux consortiums ont sensiblement le même texte. Le document de base cité est celui de BPTH. Le Tribunal a mis entre crochets un texte équivalent pour BPYA afin d’éviter de citer le texte en double.

[214]   Pièce P-15 BPYA; Pièce P-13 BPTH.

[215]   Pièce P-16 BPYA, p. 1; Pièce P-15 BPTH, p. 1.

[216]   Pièce P-18 BPYA.

[217]   Infra., Question en litige no 7.

[218]   Pièce D-132 (Décret 373-2009, p. 85).

[219]   Pièce P-37c) BPYA. L’achèvement de ce travail était prévu pour le 1er juin 2009.

[220]   Pièce D-104 BPYA, onglet 16.

[221]   Pièce P-20 BPYA.

[222]   Pièce P-20 BPYA, p. 2 et 3.

[223]   Pièce P-96 BPYA, entrées des 16 et 19 décembre 2008, du 24 janvier et du 9 mars 2009. Tel que demandé à « l’état des besoins » pour les architectes, BPYA a fourni un document très préliminaire pour des fins de présentation du CHUM-Hôpital au Comité d’aménagement urbain de la Ville de Montréal.

[224]   Pièce P-128 BPYA, Résumé du témoignage de G. Maillé, p. 3, para. 5.

[225]   BPYA : Pièce P-127 BPYA, Résumé du témoignage de M. Provencher, p. 3, para. 5; Pièce P-128 BPYA, Résumé du témoignage de G. Maillé, p. 3, para. 4; BPTH : Pièce P-126 BPYA, Résumé du témoignage de P. Hébert, p. 5, para. 2.

[226]   Pièce P-139 BPYA, p. 3.

[227]   Le CHUM admet que l’élimination des mandats a entraîné un « déséquilibre » du personnel professionnel en termes de séniorité et entraîne une réduction de rentabilité des contrats. Voir notes et autorités du CHUM (D-204, para. 206 et s.). Lors de son témoignage, M. Gignac reconnaissait cette conséquence.

[228]   Pièce P-3 BPYA, p. 89, art. 14.2; Pièce P-3 BPTH, p. 127, art. 14.1.

[229]   Pièce P-128 BPYA, Résumé du témoignage de G. Maillé, p. 3, para. 8

[230]   Pièce P-129 BPYA, Résumé du témoignage de M. Roy, p. 3, para. 4.

[231]   Pièce P-3 BPYA, p. 86, art. 14.1.

[232]   Pièce P-3 BPTH, p. 127, art. 14.1.

[233]   Pièce P-17 BPYA; Pièce P-17 BPTH.

[234]   Pièce P-1 BPYA, p. 9 et 10, art. 19; Pièce P-1 BPTH, p. 10, art. 20; Pièce P-3 BPYA, p. 91, art. 31; Pièce P-3 BPTH, p. 132, art. 31.

[235]   Pièce P-17 BPYA, p. 14 et 15, art. 1.1.1.; Pièce P-14 BPTH, P. 13 et 14, art. 1.1.1. : « Par ailleurs, afin de fournir les services professionnels requis aux différentes étapes de l’appel de propositions et de la réalisation des travaux, y incluant l’examen de la conformité du concept et de l’exécution des travaux, ainsi que la fermeture de tous les contrats, l’Équipe maître d’architecture devra d’abord, assurer qu’aucun de ses membres ou des professionnels qui la composent ne sont liés à des candidats qualifiés au CHUM sur le projet PPP, de même qu’identifier parmi ses membres ou les professionnels qui la composent lesquels sont liés aux candidats qualifiés auprès du CUSM pour le projet PPP qui présentent une soumission dans le cadre de l’appel de propositions pour la conception, la construction, le financement et l’entretien du projet CUSM.

      Le CHUM exige que chacune des firmes membres de l’Équipe maître d’architecture signe l’Engagement relatif à la confidentialité et aux conflits d’intérêts dont copie est jointe en annexe à la présente comme Annexe 3 selon la version applicable à leur situation (Firme membre d’un consortium qualifié au projet PPP du CUSM ou Firme non membre d’un consortium qualifié au projet PPP du CUSM).

      Le CHUM exige par ailleurs que chacune des firmes membres de l’Équipe maître d’architecture fasse les efforts raisonnables afin d’obtenir la signature de chacun de ses employés ou représentants actuellement impliqués dans les CHUM et CRCHUM (ou qui le seront à l’avenir, au fur et à mesure qu’ils le seront) l’Engagement relatif à la confidentialité et aux conflits d’intérêts joints en annexe comme Annexe 3.2 selon la version applicable à leur situation (personnel-clé ou non). »

[236]   C. Gignac, transcription de l’audience du 18 septembre 2019, p. 133.

[237]   C. Gignac, transcription de l’audience du 19 septembre 2019, p. 293 (lignes 21 à 25); p. 294 (lignes 1 à 6 et lignes 22 à 25); p. 295 (lignes 1 à 3). Le Tribunal a ajouté les textes dans les parenthèses carrées pour éviter toute ambiguïté quant aux propos déclarés.

[238]   Témoignage de P. Hébert, 10 septembre 2019, p. 123 (lignes 15 à 19).

[239]   Témoignage de P. Hébert, 10 septembre 2019, p. 120 (ligne 6) à p. 123 (ligne 20). Selon M. Hébert, cela a eu lieu en 2010.

[240]   Pièce P-54 BPTH.

[241]   Pièce P-21 BPYA.

[242]   C’est la date mentionnée par P. Lortie lors de son témoignage. P. Lortie est parti au mois d’août 2009. Du point de vue législatif et administratif, l’abolition de l’APPPQ s’est faite graduellement.

[243]   Pièce P-33 BPYA; RLRQ, c. A-7.002. Pour les fins de transition, notamment quant aux employés, cette loi a été progressivement déclarée sans effet jusqu’en mars 2010.

[244]   La Loi sur infrastructure Québec, RLRQ, c. I-8.2 est remplacée par la Loi sur les infrastructures publiques, RLRQ, c. I-8.3.

[245]   Pièce D-184.

[246]   Pièces D-10 et D-166.

[247]   Pièce D-104 BPYA, Rapport de Jean-Claude Champagne, onglet 16.

[248]   Pièces D-10 (p. 577) et D-116.

[249]   Pièce D-132, p. 105.

[250]   Pièce D-132, p. 110.

[251]   Pièce D-104 BPYA, Rapport de Jean-Claude Champagne, onglet 16.

[252]   Pièce D-104 BPYA, Rapport de Jean-Claude Champagne, onglet 16.

[253]   Pièce D-104 BPYA, Rapport de Jean-Claude Champagne, onglet 16.

[254]   Pièce D-171.

[255]   Pièce D-104 BPYA, Rapport de Jean-Claude Champagne, onglet 16.

[256]   Pièce D-206.

[257]   Pièce D-10.

[258]   Pièce D-203.

[259]   Pièce P-45 BPYA, onglet EM-1.

[260]   Pièce D-203.

[261]   Pièce D-104 BPYA, Rapport de Jean-Claude Champagne, onglet 16.

[262]   Pièce D-115.

[263]   Pièce P-96 BPYA, p. 4.

[264]   Pièce P-96 BPYA, p. 4.

[265]   Pièce P-37c) BPYA.

[266]   Pièce D-132, p. 101-102.

[267]   Pièce D-104 BPYA, Rapport de Jean-Claude Champagne, onglet 16.

[268]   Pièce D-104 BPYA, Rapport de Jean-Claude Champagne, onglet 16.

[269]   Pièce D-111.

[270]   Pièce D-10, p. 172.

[271]   Ce montant n’apparaît pas comme tel. Il faut additionner les chiffres.

[272]   Ce montant n’apparaît pas comme tel. Il faut additionner les chiffres. À noter que cette somme résulte d’un ajustement fait concernant l’effet du changement du taux d’actualisation à 6,5 % sur le calcul des risques quant à l’entretien et au maintien d’actifs. Voir Tableau 17, p. 38. Sans cet ajustement, l’utilisation du taux de 6,5 % entraîne une moins-value de 46,87$ millions du mode PPP (610,84 M$) par rapport au mode conventionnel (563,97 M$).

[273]   Notons que cet examen visait les trois établissements hospitaliers faisant partie du projet de modernisation des hôpitaux de la région de Montréal. Ainsi, les projets du CUSM et du CHU Sainte-Justine étaient également visés.

[274]   Pièce P-72 BPYA. Transcription du Journal des débats de la Commission de l’administration publique, Assemblée nationale du Québec, 10 septembre 2010, Vol. 41, no 17 : Audition portant sur la vigie relative aux projets de modernisation des centres hospitaliers universitaires de Montréal.

[275]   Pièce P-96 BPYA, p. 5. La Pièce P-96 se réfère à un rapport du 1er avril 2009, p. 4 et à un rapport de novembre 2009, p. 29.

[276]   Pièce P-72 BPYA.

[277]   Dubé c. Cliche, 2003 CanLII 2554; Commission scolaire du Chemin-du-Roy c. Morin, 2018 QCCA 2085 (juge siégeant seule). Lors de l’instruction, vu l’entente des parties, la Cour ne s’est pas prononcée quant au caractère valable de l’objection formulée par le CHUM. Cependant, au dossier de la Cour, un jugement interlocutoire sur un aspect de la question a été rendu plus de 3 ans et demi avant l’instruction (voir le procès-verbal d’audience du 15 février 2016 (William Fraiberg, J.C.S.), cote 78 du dossier de la Cour).

[278]   Loi sur le vérificateur général, RLRQ, c. v-5.01.

[279]   Pièce P-36 BPYA; Pièce P-37 BPTH; Pièce D-106. Ces pièces ont été retirées du dossier et détruites.

[280]   Pièce P-72 BPYA, p. 6 et 7.

[281]   Pièce P-72 BPYA, p. 30. Il mentionne notamment le projet de l’« OSM » (Orchestre symphonique de Montréal).

[282]   Pièce P-72 BPYA, p. 21.

[283]   Ibid.

[284]   Voir supra, para. 242.

[285]   Pièce P-72 BPYA.

[286]   Pièce P-72 BPYA, p. 20, p. 43.

[287]   Pièce D-185.

[288]   Il s’agit d’Alain Bossuet, président du Comité, de David Roth et d’Henri Elbaz, membres du Comité. Pour leurs curricula vitae, voir la Pièce D-176.

[289]   Pièce D-8, p. 48.

[290]   Pièce D-8, p. 48, 49.

[291]   Pièce D-218, Résumé du témoignage de É. Michaud, p. 3, para. 4.

[292]   Témoignage d’Éric Michaud, 1er octobre 2019, p. 154-156, p. 176-178.

[293]   N. Truchon, transcription de l’audience du 25 septembre 2019, pages 242, 243; Éric Michaud, transcription de l’audience du 1er octobre 2019, pages 242, 243 et 244.

[294]   Pièce D-8, p. 49 Frédéric Lévesques.

[295]   Ibid.

[296]   Id., p. 2.

[297]   Pièce D-8, p. 5.

[298]   Pièce D-8, p. 16. Voir également le Dossier intermédiaire révisé (Pièce D-10, p. 202). Le dossier intermédiaire également augmente par un facteur de 150 % les honoraires professionnels de conception afin de refléter une charge de travail accrue dans le mode de réalisation « conventionnel » de l’autorité publique.

[299]   Pièce D-8, p. 42.

[300]   Le mode conventionnel.

[301]   Pièce D-185, p. 8. Ce montant est estimé à l’époque à 468 millions $.

[302]   Pièce D-185, p. 8.

[303]   Supra, Tableau I, para. 246.

[304]   Supra, Tableau III, para. 249.

[305]   Supra, Tableau III, para. 249.

[306]   Supra, Tableau III, para. 249, point 4 (rapport daté du 26 novembre 2010).

[307]   Pièce D-132, p. 117.

[308]   Pièce D-104 BPYA, Rapport de Jean-Claude Champagne, onglet 16.

[309]   Pièce D-104 BPYA, Rapport de Jean-Claude Champagne, onglet 16.

[310]   Pièce D-104 BPYA, Rapport de Jean-Claude Champagne, onglet 16.

[311]   Pièce D-172.

[312]   Pièce D-206.

[313]   Pièce D-10, p. 331.

[314]   Pièce D-203. Pour date révisée, voir la Pièce D-104 BPYA, Rapport de Jean-Claude Champagne, onglet 16, semaine 28.

[315]   Id. Ces paiements continueront d’être versés jusqu’en 2050. Des paiements intérimaires sont également versés durant la période de construction. Voir également Pièce P-45 BPYA, onglet EM8.

[316]   Pièce P-25 BPYA.

[317]   Pièce P-23 BPTH.

[318]   Pièce D-203; Pièce D-104 BPYA, Rapport de Jean-Claude Champagne, onglet 16.

[319]   Pièce D-104 BPYA, Rapport de Jean-Claude Champagne, onglet 16; Pièce D-104 BPTH, Rapport de Jean-Claude Champagne, onglet 16.

[320]   Pièce D-202, p. 116 (opinion 1).

[321]   Pièce D-202, p. 117 (opinion 1).

[322]   Le chiffre est donné à titre d’exemple. Nous verrons que la division de participation aux profits des entreprises constituantes de BPYA est différente. Infra, Question en litige no 8, « Marge bénéficiaire ».

[323]   Pièce P-127 BPYA, Résumé du témoignage de C. Provencher, p. 3, para. 6.

[324]   Voir la cote 85 au plumitif des deux dossiers (500-17-061238-104 (BPYA) et 500-17-061237-106 (BPTH)).

[325]   Régie d'assainissement des eaux du bassin de La Prairie c. Janin Construction (1983) ltée, [1999] R.J.Q. 929 (C.A.).

[326]   Gagnon c. Hydro-Québec (2005), 2005 CanLII 28343. Voir également Consultants SM inc. c. Ville de Montréal, 2017 QCCQ 6508, para. 57 à 60 (Requête pour permission rejetée, 2017 QCCA 1372).

[327]   Neptune Sécurité Services inc. c. Ville de Québec, 2020 QCCS 1627.

[328]   Pièce P-126 BPYA, Résumé du témoignage de P. Hébert, p. 5, para. 5.

[329]   Témoignage de C. Gignac du 18 septembre 2019, p. 252, lignes 10 à 12. Voir également p. 255, lignes 12 à 15, p. 213, lignes 17 à 25 et p. 250, lignes 5 à 21. Pour l’échéancier, voir Sylvain Villiard, P-37 BPYA, p. 143, lignes 1 à 20.

[330]   Témoignage de C. Gignac du 18 septembre 2019, p. 252, lignes 10 à 12, p. 255, lignes 12 à 15, p. 213, lignes 17 à 25 et p. 250, lignes 15 à 21.

[331]   De plus, la formule d’imputabilité prévoyait un boni à leur endroit si les objectifs étaient atteints.

[332]   Tel que mentionné, aucune composante n’a été réalisée suivant ce mode.

[333]   Supra, III C) 5.

[334]   Pièce P-17 BPYA, p. 3; Pièce P-14 BPTH, p. 3.

[335]   Pièce P-15 BPYA, p. 1, para. 5 et 6; p. 2, para. 3.

[336]   Pièce P-128 BPYA, Résumé du témoignage de G. Maillé, p. 3, para. 8 et plus spécifique (12 septembre 2019).

[337]   Pièce P-3 BPYA, p. 14 et 15; Pièce P-3 BPTH, p. 14.

[338]   Pièce P-1 BPYA, p. 84; Pièce P-1 BPTH, p. 31.

[339]   Pièce P-1 BPYA, p. 85; Pièce P-1 BPTH, p. 32.

[340]   Pièce P-46 BPYA, p. 8; Pièce P-46 BPTH, p. 8.

[341]   Pièce P-31 BPYA, p. 8.

[342]   Loi sur l’Agence des partenariats public-privé du Québec, RLRQ, c. A-7.002, art. 4, al. 2.

[343]   Id., article 6, alinéa 1.

[344]   Supra, section IV C).

[345]   Supra, Tableau I, para. 246.

[346]   Supra, Tableau II, par 248.

[347]   Supra, Tableau III, para. 249.

[348]   Groupe Benoît inc. c. UP inc., 2009 QCCA 328, para. 22; Construction de la croisette inc. c. Demco Démolition inc., 2015 QCCS 1487, para. 12.

[349]   Pièce P-37 BPYA, Interrogatoire de S. Villiard, p. 37, ligne 6 à p. 41, ligne 2.

[350]   D-142 (P-38 BPYA) : « 12. Le CHUM exerce tous les pouvoirs nécessaires à la réalisation de son projet de modernisation qui lui sont attribués par la loi ou autrement en sa qualité de maître d’œuvre des projets. Il dirige le gestionnaire de projet, ci-après appelé le GP, en regard de ses compétences exclusives décrites à cette entente et dans les limites des responsabilités dévolues au D.E. ».

[351]   D-142 (P-38 BPYA) : « 17. Le CHUM sélectionnera l’ensemble des fournisseurs de biens et services nécessaires à son projet de modernisation à l’exception des regroupements d’achats et signera, le cas échéant, tous les contrats ainsi requis, à l’exclusion des conseillers externes engagés par l’APPPQ ».

[352]   Pièce P-37 BPYA, Interrogatoire de S. Villiard, p. 44, ligne 6 à p. 45, ligne 7.

[353]   Pièce P-37 BPYA, Interrogatoire de S. Villiard, p. 47, ligne 21.

[354]   Voir également D-247.

[355]   Laurentide Motels Ltd c. Beauport (Ville de), [1989] 1 R.C.S. 705; Lachine General Hospital Corp c. Québec (Procureur général), [1996] R.J.Q. 2804 (C.A.), 1996 CanLII 5944 (C.A.), pp. 19 à 23, 56 à 60; R. Dussault et L. Borgeat, Traité de droit administratif, 2e éd., T 3, Ste-Foy, PUL, 1989, p. 478 à 481; P. Garant, Droit administratif, 7e éd., Yvon Blais, Montréal, 2017, p. 262-264.

[356]   Ladouceur c. Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, 2017 QCCS 1814, para. 87-88.

[357]   Voir par exemple: M.N.R. c. MP Drilling Ltd, (1976) 76 D.T.C. 6028 (CFA).

[358]   Pièce D-150; Pièce D-169; Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 7, para. 2; Pièce D-217, Résumé du témoignage de N. Truchon, p. 4, para. 6; Pièce D-218, Résumé du témoignage de É. Michaud, p. 3, para. 3.

[359]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 7. Par. 2.

[360]   Ibid. L’entente de partenariat est basée sur le cadre contractuel (Pièces D-149, D-182 et D-183). Voir D-218, Résumé du témoignage de É. Michaud, p. 3, para. 3.

[361]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 7, para. 2.

[362]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 7, para. 2.

[363]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 7, para. 4.

[364]   Pièce D-217, Résumé du témoignage de N. Truchon, p. 4, para. 2.

[365]   Pièce D-108, p. 4 (Rapport CIM - numérisé).

[366]   Pièce D-108 (27 septembre 2006).

[367]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 7, para. 4.

[368]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 4, para. 5.

[369]   Pièce D-217, Résumé du témoignage de N. Truchon p. 4, para. 5. Selon M. Truchon, le rapport CIM (D-108) lui est remis en 2007.

[370]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 7, para. 4.

[371]   Ibid.

[372]   Témoignage de P. Lortie du 24 septembre 2019, p. 65.

[373]   M. Lortie insiste que le bâtiment ne peut pas ressembler, à la fin du contrat PPP, au vieux bâtiment de l’Hôpital Royal Victoria (P. Lortie, témoignage du 24 septembre 2019, p. 65. On note que cet édifice a été construit en 1893, mais a été rénové au fil du temps).

[374]   Témoignage de P. Lortie du 23 septembre 2019, p. 173 (ligne 25) à p. 174 (ligne 25). Cela est en référence à la période avant que l’Hôpital Saint-Luc ne soit démoli dans le cadre de la réalisation du Nouveau CHUM.

[375]   Supra, section IV C).

[376]   Pièce P-84 BPYA, curriculum vitae de Jean-Pascal Foucault.

[377]   Procès-verbal d’audience du 6 novembre 2019.

[378]   Pièce P-40 BPYA, p. 31. Selon M. Foucault, l’indice de vétusté résultant des formules employées dans le dossier d’affaires initial est, à la fin d’une période de 30 ans, de 64 %. Voir également Pièce P-158 et P-159 BPYA.

[379]   Pièce P-40 BPYA, Sommaire exécutif, p. 3 (Conclusion).

[380]   Pièce P-40 BPYA, p. 57 et 58.

[381]   Pièce P-40 BPYA, p. 41.

[382]   RLRQ, c. M-1.2.

[383]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 5, para. 5 à p. 8, para. 1. Témoignage de Pierre Lortie du 24 septembre 2019, p. 56.

[384]   RLRQ c. M.1.2. Cette loi a été remplacée par la Loi sur les infrastructures publiques (RLRQ, c. I-8.3) qui ne prévoit pas non plus de sanction en cas de non-respect.

[385]   Pièce D-236.

[386]   Pièce D-236. Pour les curricula vitae, voir les pages 27 à 29; Procès-verbal du 31 août 2020.

[387]   Pièce D-256, p. 12. Voir également le résumé exécutif, Pièce D-236a).

[388]   Pièce D-236, p. 12 à 13.

[389]   Pièce D-236, p. 11 et 12.

[390]   Pièce D-111.

[391]   Pièce D-111, p. 20 (pagination numérisée) : Bien que les auteurs soient experts dans le domaine de la gestion de maintien d’actifs, il est hors de leur champ d’expertise d’offrir un avis légal sur l’immeuble. Les auteurs ne sont pas qualifiés pour se prononcer sur des questions d’ingénierie.

[392]   Pièce D-111, p. 5 (pagination numérisée).

[393]   Pièce D-111, p. 16 (pagination numérisée). Voir également p. 3.

[394]   Pièce D-111, p. 12 (pagination numérisée).

[395]   Pièce D-111, p. 4 (pagination numérisée).

[396]   Pièce D-113.

[397]   Pièce D-8, p. 17.

[398]   Témoignage de Jean-Pascal Foucault du 7 novembre 2019, p. 160, lignes 12 à 20.

[399]   Pièce D-236, p. 13. Selon M. Gaudreault et M. Brière, ce domaine ne constitue pas une « science exacte », mais demeure « nécessaire afin de mesurer de façon conservatrice l’impact financier bien réel ».

[400]   Pièce P-39 BPYA, p. 29 et 30.

[401]   Pièce D-235, p. 12.

[402]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 6, para. 2 et 3.

[403]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 6, para. 2

[404]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 6, para. 3.

[405]   Pièce D-117, p. 15. Le rapport déposé en preuve date de mai 2007. M. Lortie n’a pas pu retrouver l’original de l’automne 2006, mais affirme qu’il était de teneur identique.

[406]   Pièce D-10, p. 149.

[407]   Pièce D-156.

[408]   Pièce P-39 BPYA, p. 30.

[409]   Témoignage de J.-P. Foucault (7 novembre 2019), p. 144 (p. 13 du rapport Poitevin, D-237).

[410]   M. Poitevin, Pièce D-237, p. 10.

[411]   Témoignage de J.-P. Foucault (7 novembre 2019); P. Hamel, Pièce P-39 BPYA, p. 32; M. Poitevin, Pièce D-237, p. 13;

[412]   M. Poitevin, Pièce D-237, p. 13.

[413]   M. Poitevin, Pièce D-237, p. 11.

[414]   Ibid.

[415]   Pièce P-72 BPYA, p. 29. M. Bergeron parle de « tous les autres projets [PPP] ».

[416]   Il s’agit du bâtiment abritant la salle de concert de l’Orchestre symphonique de Montréal.

[417]   Supra, Section IV B).

[418]   Supra, Tableau II, para. 248; D-231; D-10, p. 676; D-233.

[419]   Pièce P-83 BPYA, curriculum vitae de Michel Languedoc.

[420]   RLRQ, c. C-65.1, r. 9.

[421]   Pièce P-79 BPYA, curriculum vitae de Réjean Berthiaume.

[422]   RLRQ, c. C-65.1, r. 12.

[423]   Pièce P-79 BPYA, curriculum vitae de Réjean Berthiaume, p. 2.

[424]   Pièce D-188, curriculum vitae de Jean-Claude Champagne.

[425]   Pièce P-90 BPYA.

[426]   Pièce P-120 BPYA.

[427]   Pièce P-133 BPYA.

[428]   Pièce P-169 BPYA.

[429]   Pièce P-95 BPYA.

[430]   Pièce P-121 BPYA.

[431]   Pièce P-59 BPTH.

[432]   Pièce P-63 BPTH.

[433]   Pièces D-201 et D-201A (corrigé).

[434]   Pièce D-220.

[435]   Pièce D-221.

[436]   Pièce D-222.

[437]   Pièce D-245.

[438]   Pièce D-220, Annexe 1, p. 1 et 2 et Annexe 2.

[439]   Ibid.

[440]   Pièce D-220 : « économiste en construction senior ».

[441]   Id., section 1, para. 2.

[442]   Pièce P-133 BPYA, p. 2 et 3.

[443]   Pièce D-215, Résumé du témoignage de C. Gignac, p. 2, para. 2. Ce montant inclut, en plus des coûts de construction, ceux d’achat de terrains, d’équipements et des frais des équipes maîtres.

[444]   Pièce D-136, p. 2.

[445]   Pièce P-133 BPYA, p. 2.

[446]   Ibid.

[447]   Pièce P-121 BPYA, p. 2.

[448]   Ibid, p. 4.

[449]   Ibid, p. 7.

[450]   Pièce P-120 BPYA, p. 4. Le pourcentage retenu en mode PPP est 2,64 %. Le pourcentage suggéré pour le mode conventionnel était de 5,58 %. Voir P-197 BPYA.

[451]   Pièces P-101 BPYA; P-104 BPYA (Annexe A, p. 5 de 5); P-104a) BPYA, p. 5; P-105a) BPYA; P-106 BPYA; P-107 BPYA, p. 2 et 6. Voir P-197 BPYA, p. 2 et 3.

[452]   Tableau d’appréciation : 224 853 heures; Analyse de M. Berthiaume 237 960 heures. Voir résumé exécutif de M. Berthiaume, p. 3; P-42 BPTH : Voir Annexe 4.6. Témoignage de M. Berthiaume, 4 novembre 2019, notamment les pages 204 à 218.

[453]   Pièce P-121 BPYA, p. 4.

[454]   Pièce P-121 BPYA, p. 3.

[455]   Pièce P-42 BPTH, Annexe 4.1.

[456]   Pièce P-42 BPTH, Opinion de l’expert Berthiaume, Annexe 4.2.1 « Fiche de calcul des honoraires et des heures CHUM et CRCHUM selon AP 2006 et estimation nov. 2018 », à la page 53/163 du document PDF. Le pourcentage de 4,8 % a été utilisé par l’expert Berthiaume pour les calculs qui ont permis d’établir les honoraires présentés à la ligne identifiée « Honos de base, décret 1235 cat IV »; Pièce P-42 BPTH, Opinion de l’expert Berthiaume, p. 7 de 23, article 2, dernier paragraphe et plus précisément l’avant-dernière ligne de la page 7 de 23 (au sujet de l’hôpital Enfant-Jésus où le pourcentage avait été fixé à 5 %). Le pourcentage retenu par le mode conventionnel est de 5,58 %. Voir P-197 BPYA, p. 3.

[457]   P-80 BPYA; P-59 BPTH, p. 5; P-100 BPYA; P-102 BPYA; P-103 BPYA, para. 4; P-107c) BPYA, p. 2. Voir P-197 BPYA, p. 3.

[458]   Voir Infra 6) (Question en litige) B.

[459]   Ibid.

[460]   Pièce D-245 (Voir Annexe 3).

[461]   Pièce D-104 BPYA, p. 16, para. 3.

[462]   Pièce D-104 BPYA, p. 18.

[463]   Témoignage de J.-C. Champagne du 11 décembre 2019, p. 76, ligne 9 à p. 79, ligne 17.

[464]   Article 22 du Code de procédure civile.

[465]   Pièce P-178.1 BPYA.

[466]   Infra, Section 6 B).

[467]   Pièce P-177.1 BPYA.

[468]   Pièce P-66.1 BPTH.

[469]   Infra, Section 6 B).

[470]   Pièce P-65.1 BPTH.

[471]   Nicholson Manufacturing Company c. Maritonex inc., 2008 QCCA 1536, para. 11; Pelouse Agrostis Turf inc. c. Club de golf Balmoral, [2003] R.J.Q. 3043 (C.A.), para. 36; Neptune Sécurité Services inc. c. Ville de Québec, 2020 QCCS 1627, para. 46, 63.

[472]   Article 1604, alinéa 2 du Code civil du Québec.

[473]   Smartsoil Énergie inc. c. Lidya Énergie, 2009 QCCS 80, J.E. 2009-253, EYB 2009-152942 (C.S.); De Bonis c. Boulangeries Weston Québec ltée, 2007 QCCS 3761; Systèmes Paul Davis de l'Est de l'Île inc. c. Lebeau, J.E. 2005-1543, EYB 2005-92414 (C.Q.).

[474]   Jacques Deslauriers, Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service, 2e éd., 2013, Wilson & Lafleur, Montréal, p. 711, para. 2176.

[475]   Corporation d'Urgences-santé de la région de Montréal métropolitain c. Novacentre Technologie ltée, 2014 QCCA 1594, para. 56 : « […] Pour les deux types de résiliation, les dispositions ne sont pas d’ordre public et les parties au contrat peuvent stipuler des conditions d’exercice particulières, ce qui fut le cas en l’espèce. »; Nicholson Manufacturing Company c. Maritonex inc., 2008 QCCA 1536, para. 11 : « La faculté de résiliation unilatérale constitue une dérogation au principe de l’effet obligatoire des contrats. L’article 2125 C.c.Q., tout comme son prédécesseur l’article 1691 C.c.B.C., possède donc un caractère exceptionnel […] Cette disposition n’étant pas d’ordre public, rien n’empêche « le client » d’y renoncer. Or, les parties ont expressément convenu qu’un préavis d’un an devait être donné pour pouvoir mettre fin au contrat de façon unilatérale. Le dossier ne fait voir aucun motif d’écarter la volonté clairement exprimée des parties. »; 2642-3079 Québec inc. (Multi Services professionnels) c. Équipements pétroliers Claude Pedneault, 2010 QCCS 225, para. 45; Vincent Karim, Contrats d’entreprise, contrat de prestation de services et l’hypothèque légale, 4e éd., 2020, Wilson & Lafleur, art. 2125, para. 2067 (p. 788) : « Toutefois, la règle prévue à cet article n’est pas d’ordre public et les parties peuvent inclure dans leur contrat une clause stipulant la nécessité de transmettre un préavis de résiliation d’un délai déterminé avant qu’une telle résiliation n’entre en vigueur. Le client doit se conformer à cette clause et donner le préavis de résiliation tout en respectant le délai prévu à cet effet. En agissant autrement, il pourra voir sa responsabilité engagée envers l’entrepreneur ou le prestataire de services pour des préjudices qui ne sont pas normalement accordés en vertu de l’article 2129 C.c.Q. »

[476]   Voir supra, Section II A), 13. « Droit de résiliation ». Voir également art. 19 quant aux conséquences quant à la clause d’exclusivité advenant la résiliation. Supra, Section II A), 10.

[477]   Maisonneuve (Ville de) c. Banque provinciale du Canada (1903), 33 R.C.S. 418, 1903 CanLII 50 (CSC), pages 424-425.

[478]   Id., p. 429. M. le juge Armour, à l’opinion duquel souscrit le juge Mills. M. le juge Girouard appuie le juge Armour sur ce point. Les motifs de l’opinion des juges Sedgwick et Davis ont souscrit aux motifs du juge Girouard.

[479]   Id., pages 424 à 425.

[480]   P.-B. Mignault, Le droit civil canadien, Montréal, Wilson & Lafleur, 1906, volume 7, page 417.

[481]   L. Faribault, Traité de droit civil du Québec, Montréal, Wilson & Lafleur, 1951, volume 12, p. 456.

[482]   Grenier c. Constructions du St-Laurent Ltée, J.E. 82-486 (C.S.), p. 20-21, (Appel rejeté) : J.E. 95-2073, (C.A.).

[483]   Thérèse Rousseau-Houle, Les contrats de construction en droit public & privé, Éditions Wilson & Lafleur, Montréal, 1982, p. 277.

[484]   Commentaires du ministre de la Justice, t. 2, Québec, Les Publications du Québec, 1993, article 2125 : « Cet article, qui reprend le droit antérieur prévu par l’article 1691 C.c.B.-C., maintient le droit du client de résilier unilatéralement le contrat. »

[485]   Vincent Karim, Contrats d’entreprise, contrat de prestation de services et l’hypothèque légale, 4e éd., 2020, Wilson & Lafleur, para. 2076, p. 790

[486]   2849-4367 Québec inc. c. Services de promotion et de publicité Effix inc., 2009 QCCS 4444, para. 53-55. Voir également Lasalle c. Bruneau, 2007 QCCQ 7097.

[487]   Corporate Aircraft Turnkey Services (PV) inc. c. Innotech Aviation Ltd, 2007 QCCA 1107.

[488]   Au nom de la Cour d’appel, le juge Morissette s’est exprimé ainsi (p. 25, para. 60) : « En renonçant partiellement à la faculté de résilier l’Entente à tout moment et de manière unilatérale, l’intimée s’engageait à ne faire appel qu’aux services exclusifs de l’appelante dans le territoire convenu, à lui verser ses commissions sur les contrats provenant de ce territoire et à prolonger l’Entente pour une ou plusieurs périodes additionnelles de cinq ans si la valeur de ces contrats atteignait le seuil mentionné à la clause 9. C’est sans doute pour cela qu’au deuxième alinéa du paragraphe 14.1, l’intimée, malgré ces engagements, s’est explicitement réservée le droit de mettre fin à l’Entente dans l’hypothèse où Kerub et Gauvin quitteraient l’appelante; sinon, leur départ n’aurait pu à lui seul justifier une dérogation aux engagements pris envers l’appelante, et ce, malgré l’importance que revêtait pour l‘intimée le réseau de relations de Kerub. En somme, aussi longtemps que l’intimée demeurait active dans la finition d’aéronefs, elle ne pouvait remplacer l’appelante par un autre prestataire de service pour le territoire convenu, sauf si elle consentait à lui verser malgré tout les commissions dues en vertu de la clause 7 sur les contrats en provenance de son territoire. Mais on atteint ainsi la limite de sa renonciation à son droit de résilier. Le juge de première instance a donc eu raison de conclure comme il l’a fait ».

[489]   Corporate Aircraft Turnkey Services (PV) Inc. c. Innotech Aviation Ltd, 2007 QCCA 1107, para. 20.

[490]   C’est en effet l’interprétation accordée par la doctrine à l’arrêt Corporate Aircraft Turnkey Services. En se référant à cet arrêt, le professeur V. Karim s’est exprimé ainsi : « Aux termes d’une telle entente, le client peut accepter que son droit à la résiliation soit restreint à certains cas particuliers ». Vincent Karim, Contrats d’entreprise, contrat de prestation de services et l’hypothèque légale, 4e éd., 2020, Wilson & Lafleur, para. 2046, pages 780-781.

[491]   Theodore Azuelos consultants en technologies (TACT) inc. c. CHU de Québec - Université Laval, 2020 QCCS 1793.

[492]   Neptune Sécurité Services inc. c. Ville de Québec, 2020 QCCS 1627.

[493]   Voir la Pièce P-15 BPYA et la Pièce P-13 BPTH.

[494]   Ces paragraphes ont été insérés dans la section « Instructions à respecter pour la présentation de la candidature » dans les documents d’appel de candidatures; Pièce P-1 BPYA, p. 10; Pièce P-1 BPTH, p. 10 : ce texte se réfère à « L’équipe maître de génie mécanique et électrique ».

[495]   Vincent Karim, Contrats d’entreprise, contrat de prestation de services et l’hypothèque légale, 4e éd., 2020, Wilson & Lafleur, art. 2125, para. 2045, p. 780.

[496]   Dans l’interprétation des clauses contractuelles, il y a lieu de tenir compte de l’interprétation donnée par les parties et leurs agissements : article 1426 du Code civil du Québec.

[497]   BPTH s’est vu opposer des refus multiples de dérogation à ces clauses.

[498]   Pièce P-136 BPYA.

[499]   Pièce P-17 BPYA; Pièce P-14 BPTH.

[500]   Pièce P-37 BPYA, Interrogatoire de S. Villiard, p. 238, lignes 8 à 11 : « Q. Si je vous demandais, de façon large, après cette lettre qu’est-ce qui restait à BPYA et BPTH de leur mandat original? R. Bien à mon avis il en restait beaucoup. »

[501]   Infra, Question en litige no 9. La demande reconventionnelle visant BPTH a été abandonnée par le CHUM au cours de l’instruction. Le CHUM maintient sa demande reconventionnelle contre BPYA.

[502]   Infra, Question en litige no 7.

[503]   Pièce P-18 BPYA, 5e « ATTENDU QUE ».

[504]   Pièce P-18 BPYA, para. 10 « mandat modifié substantiellement ».

[505]   Pièce D-128, p. 1 (Conditions générales portant la date du 1er juin 2006). Nous avons vu que le lancement de l’appel de candidatures a eu lieu le 8 juin 2006.

[506]   Pièce D-128, p. 133 (Document daté du 13 juin 2006). Ce changement a été fait le 14 juin 2006. Voir D-237, pages 2 et 3.

[507]   Pièce D-128, p. 193 (27 juin 2006).

[508]   Le texte de l’addenda visait les trois établissements CHUM, CUSM et CHU Sainte-Justine.

[509]   Pour alléger le texte, nous nous reprenons uniquement le texte visant BPYA. Pour le texte visant BPTH, voir supra, II A) 12.

[510]   Pièce P-3 BPYA, p. 90.

[511]   Pièce D-128, p. 12, 120; Pièce P-3 BPYA, p. 76.

[512]   Pièce P-1 BPYA, p. 13. Pour la convention de services, voir Pièce P-3 BPYA, p. 76.

[513]   Voir par exemple : Témoignage de Michel Roy, 16 septembre 2019, p. 55 (24-25) et 56 (1-9).

[514]   Témoignage de Michel Roy, pp. 56 (1-9), 58 (22-25) et 60-61.

[515]   Thérèse Rousseau-Houle, Les contrats de construction en droit public & privé, Éditions Wilson & Lafleur, Montréal, 1982, p. 253.

[516]   Ian Gosselin et Pierre Cimon, « La responsabilité du propriétaire », dans Olivier F. Kott et Claudine Roy, La construction au Québec : perspectives juridiques, 1998, Wilson & Lafleur, Montréal, p. 352.

[517]   À titre d’exemple : Pièce P-128 BPYA, Résumé du témoignage de G. Maillé, p. 3, para. 5.

[518]   Pièce P-1 BPYA, p. 13. Pour la convention de services, voir Pièce P-3 BPYA, p. 76.

[519]   P-37 BPYA, p. 68, ligne 5 à p. 69, ligne 4.

[520]   Houle c. Banque Canadienne Nationale, [1990] 3 R.C.S. 122.

[521]   Id., p. 124.

[522]   Id., p. 164.

[523]   Jean-Louis Baudouin, Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Les obligations, 7e éd., 2013, Thomson Reuters, Cowansville, p. 533-534, para. 442.

[524]   Hydro-Québec c. Construction Kiewit Cie, 2014 QCCA 947.

[525]   Vidéotron c. Union des consommateurs, 2017 QCCA 738.

[526]   Laflamme c. Bell Mobilité inc., 2014 QCCS 525.

[527]   Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd., 2018, Les éditions Thémis, Montréal, para. 2218, à 2220.

[528]   Banque de Montréal c. Bail Ltée, [1992] 2 R.C.S. 554.

[529]   Laprairie (Ville de) c. Cetil inc., 2011 QCCS 4751.

[530]   La Prairie (Ville de) c. Cetil inc., 2013 QCCA 807.

[531]   Entreprises Nord Construction (1962) inc. c. St-Hubert (Corp ville de), J.E. 96-2061 (C.A.), pp. 6-9.

[532]   Déneigement Fontaine Gadbois inc. c. Ville de Montréal (arrondissement Rivières-des-Prairies—Pointe-aux-Trembles), 2018 QCCS 4492.

[533]   Cie 99935 Canada ltée c. Grand Pré (Régie d'aqueduc), 1999 CanLII 11812 (QCCS).

[534]   Constructions du St-Laurent inc. c. Québec (Ville de), J.E. 93-1301 (C.S.), p. 15-17.

[535]   Visiroute inc. c. Québec (Procureur général), 2007 QCCQ 4258.

[536]   Thérèse Rousseau-Houle, Les contrats de construction en droit public & privé, Éditions Wilson & Lafleur, Montréal, 1982, p. 253.

[537]   Guy Sarault, Les réclamations de l’entrepreneur en construction en droit québécois, 2011, Yvon Blais, Cowansville, p. 9, para. 20, para. 139 (144-149).

[538]   Pierre Giroux, Contrats des organismes publics québécois, Wolters Kluwer, para. 18-200 (Références omises).

[539]   Pièce P-3 BPYA, p. 3; Pièce P-3 BPTH, p. 4.

[540]   P-20 BPYA, p. 2 et 3; P-19 BPTH, p. 2 et 3.

[541]   Témoignage de Clermont Gignac, 19 septembre 2019, p. 294, lignes 22 à 24.

[542]   Infra, Question en litige no 6.

[543]   Hydro-Québec c. Construction Kiewit Cie, 2014 QCCA 947, para. 55.

[544]   Banque de Montréal c. Bail Ltée, [1992] 2 R.C.S. 554.

[545]   Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd., 2018, Les éditions Thémis, Montréal, para. 2002.

[546]   Id., para. 2003.

[547]   Id., para. 2006.

[548]   Jean-Louis Baudouin, Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Les obligations, 7e éd., 2013, Thomson Reuters, Cowansville, p. 271. La Cour a pris connaissance de deux arrêts récents de la Cour suprême en matière de bonne foi en Common law canadienne. Leur importance paraît relever d’abord du droit comparé : C.M. Callow Inc. c. Zollinger, 2020 CSC 45 (en appel de la Cour d’appel de l’Ontario); Wastech Services Ltd. c. Greater Vancouver Sewerage and Drainage District, 2021 CSC 7 (en appel de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique). L’arrêt Zollinger insiste sur la transparence contractuelle requise du client à l’occasion de mettre fin au contrat. Dans Wastech, il s’agissait d’un contrat négocié de gré à gré. L’arrêt mentionne que, concernant les attentes légitimes des parties, il y a lieu de se référer à la teneur explicite du contrat. En l’espèce, les documents contractuels, rédigés par le CHUM, confirment et explicitent les trois mandats retirés et les décrivent même comme des facteurs essentiels des contrats.

[549]   Id., p. 271.

[550]   Id., p. 265.

[551]   Houle c. Banque Canadienne Nationale, [1990] 3 R.C.S. 122, p. 124, 164.

[552]   Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 2e éd., 2018, Les éditions Thémis, Montréal, para. 1979.

[553]   Id., para. 1987.

[554]   Id., para. 1991.

[555]   Hydro-Québec c. Construction Kiewit Cie, 2014 QCCA 947.

[556]   Banque de Montréal c. Bail Ltée, [1992] 2 R.C.S. 554.

[557]   Régie d'assainissement des eaux du bassin de La Prairie c. Janin Construction (1983) ltée, [1999] R.J.Q. 929 (C.A.), pages 30 à 32.

[558]   Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd., 2018, Les éditions Thémis, Montréal, para. 1998.

[559]   Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd., 2018, Les éditions Thémis, Montréal, p. 1121, para. 1980.

[560]   Pièce P-3 BPYA, p. 79; Pièce P-3 BPTH, p. 120.

[561]   Article 2098 du Code civil du Québec.

[562]   Éric Dunberry, « La responsabilité des professionnels » dans Olivier Kott et Claudine Roy, La construction au Québec : perspectives juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur, 1998, p. 483 à 484.

[563]   Jacques Deslauriers, Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service, 2e éd., 2013, Wilson & Lafleur, Montréal, para. 1982.

[564]   Banque Nationale du Canada c. Soucisse, [1981] 2 R.C.S. 339; Groupe Trans-inter inc. c. Ragusa Canada inc., 2012 QCCA 2033, para. 59; Alliance des professeures et professeurs de Montréal (CEQ) c. Morin (1994), [1995] R.D.J. 202 (C.A.), p. 206; Procureure générale du Québec c. Langlois, 2019 QCCQ 235; Brochu c. P.D., 2018 QCCQ 5152.

[565]   D. Lluelles et B. Moore, Droit des obligations, 3e éd., 2018, Les éditions Thémis, Montréal, para. 2033. Voir aussi Pham c. Ngo, 2017 QCCS 2168, para. 118; Jean-Louis Baudouin, Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, para. 730; Vincent Karim, Les obligations, 4e éd., vol. 1, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, para. 309; Julie McCann, Prescriptions extinctives et fins de non-recevoir, Montréal, Wilson & Lafleur, 2011, p. 173.

[566]   Richter & Associés inc. c. Merrill Lynch Canada inc., 2007 QCCA 124, para. 54, 67 et 68; Caisse populaire Desjardins de St-Paul c. 2858-3870 Québec inc., [1998] R.D.I. 253 (C.S.), p. 11; Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec c. Services informatiques Decisionone (2003), [2004] R.J.Q. 69 (C.A.), para. 65, 66, 67.

[567]   Hôpital Maisonneuve-Rosemont c. Buesco Construction inc., 2016 QCCA 739.

[568]   Genexy Company Limited c. 9213-4519 Québec inc., 2020 QCCS 187.

[569]   Banque Nationale du Canada c Soucisse, [1981] 2 R.C.S. 339, 362; Fecteau c. Gareau, [2003] R.R.A. 124 (C.A.), para. 48 et 49; Fiducie canadienne italienne c. Folini, [2001] R.D.I. 202 (C.A.), para. 35; Sàfilo Canada inc. c. Chic Optic inc. (2004), [2005] R.J.Q. 27 (C.A.), para. 26. En général, voir : Fournier c. Pelletier, 2020 QCCS 984, para. 148; Anderson c. Intact, compagnie d'assurances, 2018 QCCS 3171; 9230-9137 Québec inc. c. Construction Bernard Carignan inc., 2014 QCCS 1084, para. 67; Axa Assurances inc. c. Assurances générales des Caisses Desjardins inc., 2009 QCCS 862; Gennium Pharmaceutical Products Inc c. Genpharm Inc, 2008 QCCS 2292, para. 341.

[570]   Walsh & Brais inc. c. Montréal (Communauté urbaine de), [2001] R.J.Q. 2164 (C.A.).

[571]   Syndic de Distribution Pri inc., 2020 QCCA 487.

[572]   Interrogatoire de S. Villiard, P-37 BPYA, p. 69 et suivantes. Pour la visite de M. Villiard en Angleterre du 1er au 7 mai 2005, voir D-234.

[573]   Interrogatoire de S. Villiard, P-37 BPYA, p. 71, lignes 21 et 22.

[574]   Pièce P-1 BPYA, p. 84; Pièce P-1 BPTH, p. 31.

[575]   Pièce P-1 BPYA, p. 85; Pièce P-1 BPTH, p. 32.

[576]   Pièce P-1 BPYA, p. 89. Noter la précision et la clarification apportées par l’Addenda No. 7 du 27 juin 2006, Pièce D-128, p. 194; Pièce P-1 BPTH, p. 36; Pièce D-129, p. 194.

[577]   Pièce P-1 BPYA, p. 89; Pièce P-1 BPTH, p. 36.

[578]   Pièce P-1 BPYA, p. 16; Pièce P-1 BPTH, p. 16.

[579]   Pièce D-128, p. 125, clause 8.3(2); Pièce D-129, p. 125.

[580]   Pièce P-1 BPYA, p. 83. Voir également p. 86 (« surveillance »).

[581]   Pièce P-1 BPYA, p. 90; Pièce P-1 BPTH, p. 37.

[582]   Pièce P-1 BPYA, p. 91; Pièce P-1 BPTH, p. 38.

[583]   Pièce P-3 BPYA, p. 3, clause 4; P-3 BPTH, p. 3 et 4 (pour la clause analogue).

[584]   Pièce P-3 BPYA, p. 3. Pièce P-3 BPTH, pages 3 et 4.

[585]   Voir notamment Pièce P-17 BPYA, p. 12, p. 14 « en fonction des paramètres et limitations établis par le CHUM en considération des préoccupations de conflit d’intérêts et d’avantages indus énoncées ci-haut ».

[586]   Pièce P-37 BPYA, Interrogatoire de S. Villiard, pages 151, ligne 11 à 152, ligne 20.

[587]   Pièce P-37 BPYA, Interrogatoire de S. Villiard, p. 154, ligne 24 à p. 155, ligne 11.

[588]   Pièce P-37 BPYA, Interrogatoire de S. Villiard, p. 158, lignes 12 à 16.

[589] Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 3, para. 4.

[590]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 6, para. 5; Pièce D-215, Résumé du témoignage de C. Gignac, p. 7, para. 6.

[591]   Interrogatoire de S. Villiard, P-37 BPYA, p. 47, lignes 21 à 22.

[592]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 6, para. 5.

[593]   Pièce D-248, p. 4 et 5.

[594]   Pièce D-246, paragraphe 3.

[595]   Pièce D-155. Voir la date sur la page titre (pagination informatisée 2).

[596]   Pièce D-155, p. 4 (pagination informatisée).

[597]   Pièce D-155.

[598]   Témoignage de C. Gignac, 18 septembre 2019, p. 202, lignes 19 à 20.

[599]   Témoignage de C. Gignac, 19 septembre 2019, p. 251, lignes 6 à 7.

[600]   Pièce P-50 BPYA, P. 6. Voir le même langage dans la lettre au CHUM du 6 juin 2007 (Pièce D-146).

[601]   La lettre du 29 mai 2007 est envoyée à M. Villiard et à Pierre Lefebvre, de l’APPPQ, signataire de la lettre de présentation du document d’analyse du 7 juin 2007. Voir P-50 BPYA, p. 6.

[602]   Pièce D-155, p. 26 (pagination informatisée) b).

[603]   D-155, p. 26 (p. 27, pagination informatisée).

[604]   Voir par exemple la Pièce P-51 BPTH qui indique que la date initiale de préparation est le 3 juillet 2007.

[605]   Pièce P-6 BPYA; Pièce P-6 BPTH.

[606]   Pièce P-7 BPYA, p. 2 et 3.

[607]   Pièce P-9 BPYA, p. 2; Pièce P-7 BPTH, p. 2.

[608]   Cela apparaît d’ailleurs dans la lettre du DE du 12 décembre 2006 (Pièce D-248).

[609]   Témoignage de Clermont Gignac (19 septembre 2019), p. 291-292 : « La Cour : Q - Mais… mais, vous n’êtes pas sans savoir que dans les documents d’appel d’offres, candidatures, initial, même en PPP la conception était attribuée aux professionnels. Alors, comment vous pouvez… si c’était si évident que ça, que dans un PPP ils ne s’occupent pas de la conception, pourquoi vous l’avez mis dans les documents contractuels que les professionnels allaient s’occuper de la conception? R - Parce qu’on en connaissait peu. On n’avait pas suffisamment d’expérience au Québec pour faire des PPP d’hôpitaux. Essentiellement ça, Monsieur le Juge. Puis, ça a été… c’est un grand projet, ça évolue, la connaissance a évolué. »

[610]   Cela n’a été révélé par le CHUM qu’en toute fin d’instruction, devant le constat de la preuve et des pièces, notamment la teneur de D-155.

[611]   Pièce P-37 BPYA, Interrogatoire de S. Villiard, pp. 235 à 237.

[612]   Pièce P-50 BPYA.

[613]   Pièce D-260 : Plan d’argumentation préliminaire sommaire du CHUM du 4 septembre 2019, para. 30 a) et b).

[614]   Id., para. 33.

[615]   Pièce D-204, p. 104, para. 206 : « Cette recommandation intervenait dans un contexte où la pertinence de faire préparer les plans et devis préliminaires faisait l’objet de discussions et débats entre les différents intervenants impliqués dans le projet […] » [Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

[616]   Id., p. 105, para. 207 : « L’APPPQ a pu ainsi finalement rallier le CHUM et le DE à sa recommandation. […] malgré la finalisation du dossier d’affaires initial vers la fin novembre 2006, la décision de ne pas faire réaliser les plans et devis préliminaires par les professionnels du CHUM était loin d’être prise à ce moment […] » [Le Tribunal a mis en gras une partie du texte.]

[617]   Transcription de l’instruction du 4 décembre 2019, p. 263 : « La Cour : Ma seule interrogation, c’est que… bon, on a changé l’approche.

      Me Philippe Tremblay : Oui. »

[618]   Drainamar inc c. Sintra inc., 1998 CanLII 11635 (C.S.), para. 15-23 (appel rejeté, 2001 CanLII 38603); Déneigement Fontaine Gadbois inc. c. Ville de Montréal (arrondissement Rivières-des-Prairies—Pointe-aux-Trembles), 2018 QCCS 4492, para. 83-90; Gagné c. 9190-3559 Québec inc., 2010 QCCQ 11013, para. 60-75.

[619]   D-142. Voir articles 12 et 17.

[620]   Pièce P-3 BPYA, p. 20; Pièce P-3 BPTH, p. 20.

[621]   Pièce P-1 BPYA, p. 90, point 4 (texte encadré); Pièce P-3 BPTH, p. 20.

[622]   Supra, section II, A), 5.

[623]   Ibid.

[624]   Ibid.

[625]   Pièce D-128, p. 202 et 203; Pièce D-129, p. 202 et 203.

[626]   Ce texte fait partie du texte ajouté lors du processus des appels de candidatures, Pièce D-128 BPYA, p. 194 (Addenda #7); Pièce D-129 BPTH, p. 194 (Addenda #8).

[627]   Témoignage de Gilles Maillé, 12 septembre 2019, p. 180 (9-21), p. 181 (1-25) et (17-21), p. 182 (1-8).

[628]   Pièce D-8, p. 42.

[629]   Pièce D-216, Résumé du témoignage de P. Lortie, p. 9, para. 5 :

[630]   Pièce D-155, p. 27.

[631]   Voir lettres reçues des avocats de BPYA et de BPTH (P-165 BPYA; P-195 BPYA) et du CHUM (D-257; D-259).

[632]   P-196 BPYA.

[633]   Infra, Question en litige no 8.

[634]   « Tarif des architectes - Art. 19 : La méthode à pourcentage consiste à calculer les honoraires de la firme selon des pourcentages appliqués sur un coût estimé des travaux déterminé au contrat pour la préparation des plans et devis préliminaires, sur un coût estimé révisé, s’il y a lieu, pour les plans et devis définitifs, et sur le coût réel des travaux pour les services fournis durant la construction. »; « Tarif des ingénieurs - Art. 19 : La méthode à pourcentage consiste à calculer les honoraires de la firme selon des pourcentages appliqués sur un coût estimé des travaux déterminé au contrat pour la préparation des plans et devis préliminaires, sur un coût estimé révisé, s’il y a lieu, pour les plans et devis définitifs, et sur le coût réel des travaux pour les services fournis durant la construction. » [Le Tribunal a souligné une partie des textes.]. Nous comprenons que ces formules s’appliquent lorsque la formule de rémunération est basée sur le pourcentage des coûts du projet. Dans les dossiers actuels, la méthode de rémunération convenue était à taux horaire. Cependant, nous avons vu que les données des tableaux d’appréciation des heures et les déterminations des dommages de M. Languedoc et de M. Berthiaume ont dû être converties en pourcentages.

[635]   Pièce D-215, Résumé du témoignage de C. Gignac, p. 3, para. 6.

[636]   Supra, Question en litige no 4.

[637]   Pièce P-22 BPYA, p. 2 et 4; Pièce P-21 BPTH, p. 4 et 6.

[638]   Selon les documents d’appel, cette composante n’était pas visée par le dossier d’affaires et le choix quant au mode de réalisation : bâtiment de Vidéotron.

[639]   Pièce D-128, p. 15; Pièce D-129, p. 159. Voir l’encadré « Légende ».

[640]   Id. Voir l’encadré en dessous du titre 3.3.

[641]   Id.

[642]   Au cours de l’instruction et dans les pièces produites, différentes expressions sont utilisées dans la preuve pour désigner ces services, notamment des services « hors contrats », « extracontractuels » ou « non contractuels ».

[643]   Pièce P-133 BPYA, p. 6 à 8; Pièce P-59 BPTH, p. 7 et 8. Voir Annexe II.

[644]   P-197 BPYA, p. 4.

[645]   Pièce P-177.1 BPYA; Pièce P-65.1 BPTH.

[646]   Pièce P-177.1 BPYA.

[647]   Pièce P-65.1 BPTH.

[648]   Pièce P-178.1 BPYA.

[649]   Pièce P-66.1 BPTH.

[650]   Pièce P-178.1 BPYA.

[651]   Pièce P-66.1 BPTH.

[652]   Pièce P-177.1 BPYA; Pièce P-90 BPYA (a).

[653]   Pièce P-65.1 BPTH; Pièce P-95 BPYA.

[654]   Pièce P-3 BPYA, article 7c), p. 79; Pièce P-3 BPTH, article 7c), p. 120.

[655]   Pièce P-129 BPYA, Résumé du témoignage de M. Roy, p. 2, para. 2.

[656]   Pièce P-3 BPYA « Étape 2 », p. 80; Pièce P-129 BPYA, Résumé du témoignage de M. Roy, p. 2, para. 2.

[657]   Pièce P-136 BPYA.

[658]   Pièce P-133 BPYA, p. 8; Pièce P-59 BPTH, Annexe 2.

[659]   Pièce P-3 BPYA, p. 12 et 13; Pièce P-3 BPTH, p. 13.

[660]   Pièce P-3 BPYA, p. 16 à 17; Pièce P-3 BPTH, p. 16 à 17.

[661]   Pièce P-177.1 BPYA.

[662]   Pièce P-1 BPYA, p. 16 (pagination numérisée : page 17). Pour la convention de services, Pièce P-3 BPYA, p. 7 (pagination numérisée : page 81); Pièce P-1 BPTH, p. 15 et 16; Pièce P-3 BPTH, p. 122.

[663]   Pièce P-1 BPYA, p. 82 et 83; Pièce P-1 BPTH, p. 29 et 30.

[664]   Les documents d’appel et les conventions de services précisent que la composante du projet du Nouveau CHUM ayant trait à l’édifice Vidéotron serait réalisé en mode conventionnel.

[665]   Black c. Alharayeri, 2015 QCCA 1350, para. 75. Confirmé par Wilson c. Alharayeri, 2017 CSC 39; Voir aussi Vidéotron, senc c. Bell ExpressVu, lp, 2015 QCCA 422, para. 86 à 89; Dunkin'Brands Canada Ltd c. Bertico inc., 2015 QCCA 624; Procureure générale du Québec c. Inter-Cité Construction ltée, 2017 QCCA 1525, para. 33.; Toronto-Dominion Bank c. Pourshafiey, 2020 QCCA 1582, para. 59.

[666]   Pièce D-128, p. 159 (montant avant taxes).

[667]   Pièce P-133 BPYA, p. 2 (montant avant taxes). Voir également supra, question en litige, 4) A).

[668]   Voir section antérieure « Heures supplémentaires ».

[669]   Pièce P-177.1 BPYA. Voir supra, Tableau, para. 93.

[670]   Pièce P-177.1 BPYA.

[671]   J.-C. Champagne, D-202, p. 116; M. Languedoc, P-169 BPYA, p. 4.

[672]   Infra « Marge bénéficiaire BPYA ».

[673]   Pièce P-65.1 BPTH.

[674]   Voir supra, Tableau, para. 93.

[675]   Pièce P-65 BPTH.

[676]   Pièce P-65.1 BPTH.

[677]   Compte tenu des informations les plus récentes et complètes de J.-C. Champagne à ce sujet (voir notamment D-202, p. 117), M. Berthiaume s’est rallié au taux proposé par M. Champagne.

[678]   Infra, « Marge bénéficiaire BPTH ».

[679]   Voir infra III, C), 5.

[680]   Infra III, C), 6.

[681]   RLRQ, c. S-4.2. L’article 487 prévoit : « Le gouvernement peut, s’il estime que des circonstances exceptionnelles le justifient, tel l’apport de financement intégral de source privée ou lorsqu’il y a des répercussions significatives d’ordre financier, scientifique ou technologique sur les activités d’un établissement, permettre au ministre de soustraire un projet de construction d’immeuble à l’application de tout ou partie des dispositions d’un règlement pris en vertu du deuxième alinéa de l’article 485. Le gouvernement peut alors établir d’autres modalités précises de réalisation du projet visé ».

[682]   Par cette mesure exceptionnelle, le Gouvernement est intervenu pour modifier le Décret antérieur ayant autorisé les appels de candidatures pour les équipes maîtres d’architecture et de génie du projet du CHUM : Décret 463-2006 (Voir Pièce D-2). Le Gouvernement participe au projet du Nouveau CHUM par l’entremise du DE qui est une division administrative du ministère de la Santé.

[683]   Pièce P-113 BPYA (Plan d’argumentation des demanderesses, Vol. 1, p. 65, para. 334).

[684]   Pièce P-25 BPYA (2 juin 2009).

[685]   Pièce P-23 BPTH (4 mai 2010).

[686]   Catherine Piché et Jean-Claude Royer, La preuve civile, 5e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2016, para. 102.

[687]   Id., para. 301.

[688]   Léo Ducharme, « Les actes authentiques », Précis de la preuve, 6e éd., 2005, Wilson & Lafleur, Montréal, para. 164; Voir Lemire c. Canadian Malartic Mine, g.p., 2016 QCCS 6075, para. 28.

[689]   Pièce P-18 BPYA, au 5e « ATTENDU QUE ».

[690]   Pièce P-18 BPYA : texte du paragraphe ajouté au décret initial qui se réfère au « mandat modifié substantiellement ».

[691]   Il est à noter que l’équipe maître en génie de structure du CHUM ne s’est pas prévalue du régime compensatoire du Décret 980-2008 et n’a pas poursuivi le CHUM.

[692]   Voir également infra, section III C) 7.

[693]   Pièce D-177f).

[694]   Pièce D-204 (Plan d’argumentation détaillé du CHUM), p. 122, para. 264. Il y a eu un premier appel de candidatures qui a été annulé. Le CHUM se réfère à l’Annexe 1.1 v. 2 (Voir P-17 BPYA, p. 22). Il s’agit d’un document portant une date initiale du 3 juillet 2007 (révisé par la suite). Cette date est antérieure à l’appel de candidatures du CUSM pour l’équipe maître en question. BPYA et BPTH se réfèrent à l’Amendement 1, v. 1; Pièce P-113 BPYA (Plan d’argumentation des demanderesses, Vol. 1), p. 65, para. 337 a). Pour l’Amendement 1, v. 1, voir P-17 BPYA, p. 2.

[695]   Pièces D-177e) et D-177f).

[696]   C. Gignac, transcription du 19 septembre 2019, pages 171 à 181.

[697]   C. Gignac, transcription du 19 septembre 2019, p. 173 : « Moi, je me souviens pas de ça ». C. Gignac a expliqué que les informations par rapport aux points de contestation des professionnels du CHUM et du CUSM venaient d’autres personnes de son bureau. Lors de son témoignage, il était clair qu’il n’avait pas une connaissance complète ou directe de ces points.

[698]   Pièce P-18 BPYA. Il s’agit du quatrième « ATTENDU QUE… ».

[699]   Pièces D-177 et D-177a) à D-177f).

[700]   C. Gignac, transcription du 19 septembre 2019, p. 98 à 99.

[701]   C. Gignac, transcription du 19 septembre 2019, p. 175, ligne 11.

[702]   C. Gignac, transcription du 19 septembre 2019, p. 98, lignes 23 et 24 : « […] quand on fait des grands projets, ça, il faut le faire avec plaisir ».

[703]   Pièce P-18A BPYA. Voir septième « ATTENDU QUE ».

[704]   Pièce P-17 BPYA, p. 2 (Voir 3e « ATTENDU QUE » du préambule); Pièce P-14 BPTH, p. 1 (Voir 3e « ATTENDU QUE » du préambule). Ce fait n’a jamais été contesté devant le Tribunal.

[705]   Pour BPYA, la division de participation est la suivante : Birtz (21 %), Provencher (33 %), Yelle (25 %) et Arcop (21 %). Pour BPTH, la division de participation est la suivante : Bouthillette Parizeau & Ass. inc. (51 %), Teknika HB (49 %). Pièce P-109 BPYA, ligne « pondération ». Pièce P-58 BPTH, ligne « pondération ».

[706]   Pièce P-97 BPYA, curriculum vitae d’Alain Viger.

[707]   Pièce D-208, onglet 7, curriculum vitae de Michel Hamelin.

[708]   P-42A BPYA datée du 24 mai 2019. L’extrait du sommaire du rapport (p. 1).

[709]   Ibid., p. 22, para. 57. M. Viger note que Corriveau Girard a facturé 12,8 % des honoraires totaux de BPYA, p. 16, para. 33.

[710]   Pièce D-208, p. 8.

[711]   Ibid, p. 10.

[712]   Pièce P-57 BPYA; Pièce P-57a) BPYA.

[713]   Nous disons bien des rapports, car M. Hamelin a préparé, tel que nous le verrons, des rapports distincts pour les réclamations de BPYA et de BPTH.

[714]   Pièce D-105 BPYA et Pièce D-105 BPTH (Rapports amendés de M. Hamelin du 2 août 2019. M. Hamelin a préparé des rapports initiaux datés du 21 décembre 2016 (D-242a) BPYA; D-242b) BPTH.

[715]   Article 22 du Code de procédure civile.

[716]   Pièce D-208, pages 10 à 12.

[717]   Pièce P-135 BPYA, p. 9.

[718]   Pièce D-239, p. 1, para. 3. Voir la lettre du Tribunal T-12.

[719]   Voir l’échange de courriels entre avocats, D-195.

[720]   Pièce P-135 BPYA, p. 4.

[721]   Déclaration de Me Bruno Verdon lors du dépôt des pièces D-208, D-209 et D-210, le 11 décembre 2019. Quant aux « rapports ré-amendés », nous nous référons à celui impliquant BPYA et celui impliquant BPTH.

[722]   Voir le procès-verbal d’audience du 21 novembre 2019, pages 5 et 6.

[723]   Pièce D-210, p. 1.

[724]   Pièce P-156 BPYA. Voir également P-155 BPYA.

[725]   Supra, II B).

[726]   Pièce D-208, p. 13, point 3.2.4. En fin d’instruction, le CHUM a retiré sa demande reconventionnelle contre BPTH fondée sur le même moyen. Le rapport de M. Hamelin concernant BPTH ne se réfère pas à un tel ajustement. Voir Pièce P-209.

[727]   Infra, Question en litige no 9.

[728]   Pièce P-45 BPTH, p. 1 (résumé).

[729]   Pièce D-209, p. 13.

[730]   Supra, Question en litige no 6, C) iii).

[731]   Supra, Question en litige no 6, C) iii).

[732]   Pièce P-3 BPYA, p. 83.

[733]   Pièce D-181 (Voir la formule de calcul annoncée. Voir également le témoignage écrit déposé du représentant de gestion de projet du CHUM).

[734]   Pièce P-44 BPYA (lettre de M. Roy); Pièce P-129 BPYA, Résumé du témoignage de M. Roy, p. 4, para. 1.

[735]   Pièce P-11 BPYA. Voir para. 4 du compte-rendu.

[736]   Pièce P-43 BPYA, p. 2.

[737]   Id., p. 1.

[738]   Pièce D-114 b) BPYA; Pièce D-114 a) BPTH.

[739]   Pièce P-44 BPYA.

[740]   Voir la Pièce D-181 quant aux détails.

[741]   Le même jour, le CHUM a également modifié sa défense dans le dossier de BPTH en ajoutant une Demande reconventionnelle contre ce dernier.

[742]   Achilles (USA) c. Plastics Dura Plastics (1977) ltée/Ltd, 2006 QCCA 1523, para. 26.

[743]   Pièce D-114 b).

[744]   Pièce D-181.

[745]   Article 2803, alinéa 2 du Code civil du Québec.

[746]   Article 1423 du Code civil du Québec.

[747]   Pièce D-229, p. 1. Voir la demande de précision du Tribunal (T-3). Procès-verbal d’audience du 11 décembre 2019, p. 5, point 2.

[748]   Pièce D-119, p. 7.

[749]   Pièce P-25 BPYA.

[750]   Pièce P-23 BPTH.

[751]   Nous parlons de la durée prévue des services à rendre par BPYA et BPTH en vertu des conventions de services amendées.

[752]   Pièce P-139 BPYA : lettre du 23 mars 2020 de Me Gerry Argento (Miller Thomson).

[753]   Ibid, p. 5.

[754]   Ibid.

[755]   Pièce P-17 BPYA.

[756]   Pièce P-14 BPTH.

[757]   Pièce T-14.

[758]   Pièce P-171 BPYA; Pièce D-249.

[759]   Pièce P-182,1 BPYA; Pièce P-183.1 BPYA; Pièce P-67.1 BPTH, Pièce P-68.1 BPTH.

[760]   Pièces P-171BPYA et D-249.

[761]   Ibid.

[762]   Article 49 du Code de procédure civile.

[763]   Pièce T-10, p. 3; Pièce T-24.

[764]   Pièce P-165 BPYA, p. 2; Pièce D-257.

[765]   Pièce P-196 BPYA.

[766]   Pièce P-196 BPYA.

[767]   Voir les Pièces P-198 et P-199 BPYA.

[768]   Ibid.

[769]   Article 339, al. 1 du Code de procédure civile

[770]   Pièce P-186 BPYA, p. 5 et 6.

[771]   Pièce P-69 BPTH.

[772]   Pièce P-187 BPYA.

[773]   Pièce P-188 BPYA.

[774]   Pièce P-189 BPYA.

[775]   Pièce D-254.

[776]   Pièce D-251.

[777]   Pièce D-252.

[778]   Pièce D-255.

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