D'Andrea c. Elite Singles Canada Corp. (Lifemates) |
2016 QCCQ 7274 |
C A N A D A
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
C O U R D U Q U É B E C
(Division des petites créances)
NO : 500-32-148985-155
Le 3 juin 2016
SOUS LA PRÉSIDENCE DE :
Me VINCENT-MICHEL AUBÉ
Greffier Spécial
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ANNA -MARIA D’ANDREA
Partie demanderesse
c.
ELITE SINGLES CANADA CORP., f.a.s.n. Lifemates
Partie défenderesse
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J U G E M E N T
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[1] LE TRIBUNAL, après avoir entendu les représentations de la partie demanderesse lors de l'audition du 8 mars 2016, et suivant le défaut de répondre de la partie défenderesse bien que dûment signifiée le 1er octobre 2015;
[2] La Demanderesse a souscrit à un contrat de service avec la Défenderesse en avril 2014 afin de l’aider à planifier des rencontres amoureuses. Cependant, elle se dit très insatisfaite et prétend que les services dont la Défenderesse s’est engagée à exécuter n’ont pas été remplis. Pour cette raison, elle réclame un montant de 1 677,07$ équivalant aux mois restants de son abonnement.
[3] Il est important de comprendre le contrat et les engagements avant de savoir si la prestation de services n’a pas été respectée. La Demanderesse a signé le contrat le 16 avril 2014 pour un montant de 2 495,25$. Cette somme inclus les frais pour le portfolio (photographies) ainsi que les taxes. Le montant pour les frais d’abonnement seulement est de 2 151,47$ lorsqu’on inclut les taxes. Précisons tout de suite que la Demanderesse ne réclame aucunement les sommes pour les photographies puisque ce service a été exécuté en totalité.
[4] Dans le contrat, il est mentionné que les sommes versées pour l’abonnement comprend la totalité du service administratif pour la création de la fiche du membre : accueil et rencontres, questionnaires, analyses des réponses, analyses des possibles concordances, suivis, etc. Il est même précisé aux paragraphes 3 à 5 du contrat que les frais sont dus et exigibles dès que le processus de création du compte est terminé et que la première rencontre est fixée, au plus tard dans les six semaines de l’ouverture du compte[1]. De plus, il est aussi précisé à la fin :
« Member understands that the nature of their membership may involve failed attempts to match, and Member further understands that the matching process is one that may be conducted over the course of time. »
[5] Cette dernière portion du paragraphe 5, combinée avec d’autres éléments du contrat, transfert donc une certaine responsabilité auprès du membre (ici la Demanderesse) afin qu’il soit actif dans le suivi du processus puisqu’il est avisé qu’un processus doit se faire dans le temps pour enfin rencontrer le bon candidat.
[6] Faisons une courte parenthèse dans le résumé pour préciser le droit au Québec : bien qu’une partie défenderesse ne se soit pas manifestée pour contester la réclamation, il appartient à la partie demanderesse de démontrer ses prétentions ainsi que les faits au soutien de ses allégations[2]. Fin de la parenthèse.
[7] La Demanderesse prétend que la Défenderesse n’a aucunement complété ses obligations puisqu’après tout le processus administratif de création du compte, elle n’a eu sa première rencontre qu’à la fin de la sixième semaine. C’est exactement le délai maximal prévu au contrat pour permettre à la Défenderesse de pouvoir considérer son obligation comme étant terminée et ainsi pouvoir exiger la totalité de la somme due. La Demanderesse allègue donc de la mauvaise foi ainsi qu’une négligence menant à cette première rencontre à la limite du délai et n’a donc pas fait de suivi pour améliorer sa fiche, préférant tout simplement appeler le lendemain pour se plaindre du service et demander le remboursement.
[8] La première rencontre a été faite le ou vers le 28 mai 2014 avec un homme beaucoup plus petit que la Demanderesse, ce qui ne correspondait aucunement aux critères recherchés. Précisons que la Demanderesse est une femme d’une assez grande taille et qu’en conséquence, un de ses critères essentiels pour la concordance des compatibilités entre membres était que l’homme devait être plus grand qu’elle. Elle avait même initialement dénoncé cette demande particulière à la Défenderesse. Nous pouvons aussi concevoir que ce point était primordial pour la Demanderesse selon l’attribut Apparence (Images Profile) dans le guide Key Core Factor Analysis, l’un des tests utilisés pour les concordances entre les membres afin de sélectionner les candidats selon leur compatibilité. Notons également que l’attribut Image (ou Apparence), est le seul attribut ayant une importance si élevée pour la Demanderesse, soit 9/10, les autres attributs comme la Religion, l’Ambition ou la Famille ayant des notes qui varient entre 4/10 et 8/10.
[9] N’ayant pas fait le suivi et ne voulant plus utiliser les services de la Défenderesse, en qui la Demanderesse n’a désormais plus confiance, celle-ci se plaint le 29 mai 2014 et demande un remboursement pour les mois restants conformément à la Loi sur la protection du consommateur. Sans nouvelle de leur part, la Demanderesse réitère sa demande dans une mise en demeure le 27 juin 2014.
[10] Le Tribunal aurait aimé savoir s’il existe un document qui l’éclairerait sur la valeur d’un mois d’abonnement de ce service, puisqu’il semblerait qu’aucun frais mensuel n’y soit mentionné au contrat et que la somme versée ne serve uniquement qu’à payer le processus administratif de la création et du suivi du compte, à la lueur de la clause « tous les frais sont dus dès que le processus administratif est terminé et qu’une première rencontre est fixée »[3]. Puisque la Défenderesse n’a pas fait de représentation, la raison présumée par le Tribunal est que le dossier peut se conclure n’importe quand puisqu’on ne sait jamais quand on trouvera « la bonne personne ». Il se peut même que ce soit dès la première rencontre. Il est donc difficile de permettre un remboursement tel que demandé par la Demanderesse sur la base des mois restants tel que prévu par l’article 195 de la Loi sur la protection du consommateur puisque le contrat intervenu entre les parties n’indique aucun montant à payer en fréquence bien définie, que ce soit au mois ou à la semaine. Il semblerait également à première vue que le compte soit dûment ouvert, que tout le processus administratif soit complété et que la première rencontre a eu lieu. Ajoutons que le membre est dûment avisé qu’il est rare que l’amour tant recherché se présente dès la première rencontre mais, au contraire, qu’il a une responsabilité d’assurer un suivi afin d’arriver à la rencontre parfaite tant désirée, ce que la Demanderesse n’a pas fait puisqu’elle a simplement formulé une plainte et demande de remboursement.
[11] À la lueur de la Loi sur la protection du consommateur, nous confirmons qu’il s’agit d’un contrat à exécutions successives puisqu’il y a un suivi continuel à faire sur une période bien définie (12 mois) et qu’il a pour but d’aider une personne à établir, maintenir ou développer des relations personnelles ou sociales et en lui accordant le droit d’utiliser le service offert par la Défenderesse (service de rencontres et de suivis) et ce, même s’il semble manquer certaines informations essentielles selon les exigences de l’article 189 de la Loi citée ci-haut.
[12] Mais qu’arrivera-t-il lorsque l’abonnement annuel sera expiré et que le membre désire poursuivre son abonnement dans l’hypothèse où l’objectif de rencontrer le grand amour n’est pas atteint ? Comme nous n’avons pas de preuve quant à ce montant mensuel, ni à la lecture de la rédaction du contrat, nous ne pouvons actuellement que penser que les mois subséquents seront gratuits, ce dont nous doutons fortement. Il doit donc réellement exister un tarif mensuel, auquel cas il n’est pas mentionné dans le contrat et aucune représentation n’a été faite en ce sens lors de l’audition. Le calcul de prendre la totalité du frais d’abonnement divisé en douze mois égaux comporte également une erreur : ne pas prendre en considération le montant pour le travail effectué (soit l’ouverture et l’administration du compte) qui, rappelons-le, est convenu au départ comme étant la valeur totale.
[13] De plus, le contrat a été altéré car, bien qu’il semblait au début respecter les exigences de l’article 192 de la Loi sur la protection du consommateur (soit exécuter le paiement en un minimum de deux versements sensiblement égaux), les deux endroits pour inscrire les deux versements des sommes dues - soit First half fee ainsi que Second half fee - ont été barrés pour y inscrire plutôt les inscriptions Membership fee : 1 871,25$ ainsi que Matches : 1 year, allant en définitive à l’encontre des exigences prévues dans la Loi sur la protection du consommateur quant aux contrats à exécutions successives.
[14] Finalement, nous abondons dans le même sens que la Demanderesse quant au non-respect des critères exigés pour les concordances en vue de planifier les rencontres. Nous nous interrogeons sur les intentions réelles et le travail vraiment effectué par la Défenderesse alors qu’une grande femme, pour qui l’apparence a une importance capitale dans les critères recherchés chez l’autre partenaire et qui précise que la grandeur du candidat à rencontrer est un critère essentiel, se voit imposer une rencontre avec un homme de très petite taille et ce, à la limite du délai prévu par contrat. Il semble effectivement y avoir un manquement à l’éthique ainsi qu’un manquement au respect du contrat qui peuvent être apparentés, volontairement ou non, à prendre la première fiche disponible sans avoir fait une évaluation plus poussée quant à la recherche possible de concordances et ainsi pouvoir planifier rapidement une rencontre pour ensuite pouvoir se donner la possibilité de déclarer que les démarches administratives sont maintenant terminées, que l’encaissement du paiement peut être fait en vertu des termes du contrat et que la responsabilité des suivis repose maintenant sur les épaules de la Demanderesse.
[15] Dans l’optique ou le contrat serait valide, nous estimons donc que la Défenderesse n’a réellement pas exécuté son obligation d’établir une première rencontre conforme au bon déroulement du processus tel que prévu par le contrat - que ce soit en ne respectant pas les critères essentiels mentionnés par le membre ou en évaluant grossièrement et négligemment les concordances entre les fiches des membres - et, en conséquence, elle ne pouvait exiger le paiement total de la somme puisque l’obligation n’est toujours pas remplie : Aucune première rencontre conforme aux attentes n’a été faite dans le délai convenu. Nous rappelons cependant que notre prétention principale serait à l’effet que le contrat ne semble pas correctement rédigé puisqu’il ne semble pas respecter toutes les exigences prévues par la Loi sur la protection du consommateur.
[16] Il y aurait donc une analyse à faire aujourd’hui à savoir si le contrat doit être résilié ou résolu, respectivement sur la base que la Défenderesse n’a pas respecté toutes ses obligations ou considérant que le contrat ne respecte pas la Loi sur la protection du consommateur qui est d’ordre public. Cependant, nous ne nous prononcerons pas sur ce point puisque dans un cas comme dans l’autre, la valeur que le Tribunal pourrait octroyer à la Demanderesse serait égale ou supérieure à ce qu’elle réclame. Comme il existe une règle en droit que nous ne pouvons obtenir plus que ce que nous réclamons dans la demande - Ultra petita - alors nous octroierons la totalité de la réclamation à compter de la date de la mise en demeure, soit le 27 juin 2014.
PAR CES MOTIFS :
[17] ORDONNE à la partie défenderesse de payer à la partie demanderesse la somme de 1 677,07$ avec intérêts au taux de 5,0% l'an plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 27 juin 2014;
[18] LE TOUT, avec les frais judiciaires de 107,00$.
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Me Vincent-Michel Aubé
JA 0858 Greffier Spécial C.Q.
Date de l’audition pour une preuve par défaut : 8 mars 2016.
[1] Puisque le contrat est en anglais, le Tribunal s’est permis de faire un résumé en partie ainsi qu’une traduction libre des paragraphes 3 à 5.
[2] Cette théorie fondamentale découle du Code civil du Québec, en particulier à l’article 2803.
[3] Comme énoncé à la note de bas de page # 1, le Tribunal s’est permis de faire une traduction libre et un résumé en partie du paragraphe 4, qui fait lui-même référence au paragraphe 3.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.