Décision

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98302563 COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES


QUÉBEC, LE 15 JANVIER 1999

RÉGION: Abitibi-  DEVANT LE COMMISSAIRE:  JEAN-GUY ROY
Témiscamingue

ASSISTÉ DES MEMBRES: CLAUDE SYLVESTRE,
Associations d'employeurs

JEAN-PIERRE VALIQUETTE,
Associations syndicales

DOSSIERS:
89376-08-9706-R
100797-08-9805-R

DOSSIER CSST: AUDIENCE TENUE LE: 16 NOVEMBRE 1998
112408059

DOSSIERS BRP:À: ROUYN-NORANDA
62460102, 62573342
62621752, 62625878
62659448 __

REQUÊTE EN RÉVISION



_____
LA FONDATION MARIE-SOLEIL ET JONATHAN INC.
220, rue Marcel-Baril
ROUYN-NORANDA (Québec)
J9X 5C3

PARTIE APPELANTE

_____
MADAME LAURETTE POIRIER
2962, rue Amulet
ROUYN-NORANDA (Québec)
J9X 5Y2

PARTIE INTÉRESSÉE ET REQUÉRANTE

_____
COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL
Direction régionale Abitibi-Témiscamingue
33, rue Gamble Ouest
ROUYN-NORANDA (Québec)
J9X 2R3

PARTIE INTERVENANTE

D É C I S I O N


Le 21 juillet 1998, Mme Laurette Poirier dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision d'une décision que cette instance a rendue le 15 juin 1998. La Commission des lésions professionnelles accueillait alors notamment l'appel du 18 juin 1997 de La Fondation Marie-Soleil et Jonathan inc. (l'employeur) et déclarait, infirmant ainsi la décision du 21 mai 1997 du Bureau de révision, que Mme Poirier, le 4 juin 1996 n'avait pas subi de lésion professionnelle à titre d'accident du travail.

La Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) est intervenue dans la présente affaire conformément à l'article 416 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001).


OBJET DE LA REQUÊTE

Mme Poirier demande à la Commission des lésions professionnelles d'accueillir sa requête et fait valoir dans sa requête du 21 juillet 1998 les motifs suivants, étant entendu qu'elle reconnaît que les autres motifs qui y sont invoqués visent le fond même de l'appréciation de son dossier médical :

«À notre avis, Monsieur Michel Denis a abusé de ses pouvoirs conférés par la Loi en ne tenant pas compte du fait que la travailleuse n'était plus représentée par son représentant habituel pour l'audience du 2 juin 1998 et que son nouveau représentant réside à Montréal et ne pouvait venir pour cause de maladie. De plus nous avons reçu le dossier paginé de la Commission des lésions professionnelles de Madame Poirier qu'en date du 27 mai 1998, soit trois (3) jours ouvrables avant l'audience du 2 juin 1998. Nous ne pouvions, logiquement, être préparer pour quelqu'audition que ce soit prévue à cette date.» (sic)

LES FAITS

Il y a lieu, dans un premier temps, de rapporter deux documents, soit le procès- verbal de l'audience du 2 juin 1998 et la transcription par un sténographe judiciaire d'un extrait du compte rendu de cette audience.

«1-  NOTES MANUSCRITES DU COMMISSAIRE

__________INSCRITES DU PROCÈS-VERBAL
:

(...)


Objection à la remise par les procureurs de l'employeur et de la CSST.


Remise refusée car nettement dilatoire.


Le commissaire accorde une demi-heure à M. Dion pour lui permettre de faire témoigner sa conjointe. Mme Laurette Poirier - En l'absence de Mme Poirier et de M. Dion, la CLP a procédé en vertu des dispositions de l'art. 429.15.


(...)


2-COMPTE RENDU DE L'AUDIENCE DU 2 JUIN 1998 :


(...)


MONSIEUR MAURICE DION:


Monsieur le président, depuis environ une semaine je représente pu madame Poirier dans le dossier, elle a demandé à monsieur Aimé (sic) Boudreau de faire les représentations pour elle, alors moi je ne peux pas intervenir dans le dossier. Monsieur Boudreau m'a demandé vendredi de me présenter pour demander ma demande de remise parce qu'il n'a pas les dossiers en main.


Il faut dire aussi que le deuxième dossier de la C.L.P. numéro 100797089805 a été reçu par madame vendredi dernier. Alors elle n'a pas pu faire parvenir à monsieur Boudreau ces dossiers-là.


(...)


ME LEMIRE

POUR L'EMPLOYEUR:


Alors en ce qui concerne l'employeur, l'objet de notre appel, madame est en indemnité actuellement, elle reçoit des indemnités depuis plus d'un an. L'appel a été logé il y a à peu près un an, monsieur Dion a toujours représenté madame alors en ce qui nous concerne c'est certain que nous nous objectons catégoriquement à cette demande ce matin. Je comprends mal, on parle de la semaine dernière, on a eu aucune communication de la part de madame ou de son représentant à l'effet qu'il y aurait une demande de remise ce matin. Moi j'ai six personnes qui attendent pour témoigner et qui sont ici présentes ce matin et qui ne sont pas à leur travail. Qu'est- ce que je peux ajouter d'autre?


(...)


ME LAMARRE

POUR LA CSST:


J'abonde dans le même sens que Me. Lemire et j'insiste sur le fait que madame reçoit toujours des indemnités INAUDIBLE et comme l'événement initial est contesté, (...)


MONSIEUR LE COMMISSAIRE:


Ecoutez, moi en tout cas ça me semble assez clair dans mon esprit monsieur Dion, ça me semble une mesure dilatoire. On peut pas arriver le matin de l'audition puis dire...d'ailleurs cette personne-là c'est votre conjointe d'après ce qu'on peut voir dans le dossier, elle décide une semaine avant, pas un mot à personne. Comme Me. Lemire dit, il y a six témoins ce matin qui sont ici et vous arrivez ce matin et vous dites « ben elle a changé d'idée, je suis pas prêt et tout ça.»


Le dossier vous le connaissez, c'est une mesure dilatoire donc à ce moment-là il n'y a pas de remise et on va procéder sur le fond.


Maintenant je vois que madame Poirier demeure à Rouyn- Noranda, je suis prêt à ajourner pendant disons une demi-heure avant de procéder et si vous n'êtes pas précédent (sic) le Tribunal va procéder en vertu de l'article 429.15, merci.»



À l'audience, le représentant de Mme Poirier précise que M. Émile Boudreau avait accepté d'être le représentant de cette dernière, et ce, lors d'une rencontre à la fin de mars 1998, soit après une décision du 12 mars 1998 du Bureau de révision. Quelques jours avant l'audience du 2 juin 1998, poursuit-il, M. Boudreau lui a fait savoir que des raisons de maladie l'empêchaient de représenter Mme Poirier et qu'il lui demandait de se rendre au tribunal à la date prévue pour présenter une demande de remise. Il ajoute que c'est précisément ce qu'il a fait le 2 juin au matin et qu'il avait d'ailleurs, la veille, prévenu le commissaire qu'il ferait une telle demande; celui-ci lui a alors répondu qu'il en disposerait le lendemain matin. Ainsi, jusqu'à quelques jours de l'audience du 2 juin 1998, il était convaincu que M. Boudreau représentait Mme Poirier et il n'est intervenu au dossier, le 2 juin 1998, non pas comme représentant de celle-ci, mais que pour présenter au nom de M. Boudreau une demande de remise.

Interrogé par la procureure de la CSST, M. Dion affirme qu'il est effectivement le représentant de Mme Poirier pour les fins de la présente requête en révision.

À la demande de la CSST, Mme Josée Dion, personne qui a signé la requête en révision du 21 juillet 1998 à titre de technicienne juridique et au nom de l'entreprise du représentant de Mme Poirier, témoigne.

Dans un premier temps, Mme Dion indique qu'elle n'a pas suivi de cours collégial pour être technicienne juridique, mais que c'est son expérience du travail qui lui permet de porter ce titre. Mme Dion témoigne qu'à la suite de la réception de la décision du 15 juin 1998 de la Commission des lésions professionnelles elle est entrée en communication avec M. Boudreau et que celui-ci lui a dicté l'essentiel des motifs qu'elle a ensuite élaborés dans la présente requête en révision.

AVIS DES MEMBRES

Les membres issus des associations syndicales et des associations d'employeurs sont tous deux d'avis que les circonstances de la présente affaire justifiaient certes le commissaire au dossier de refuser la demande de remise présentée le matin même de l'audience prévue parce que, de façon probable, cette demande apparaît comme étant un moyen dilatoire et qu'aucun motif ne peut donner ainsi ouverture à la présente requête en révision.


MOTIFS DE LA DÉCISION

La Commission des lésions professionnelles doit décider s'il y a lieu de procéder, conformément à l'article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, à la révision de la décision qu'elle a rendue le 15 juin 1998.

L'article 429.56, entré en vigueur le 1er avril 1998 et édicté par l'article 24 de la
Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives (1) se lit ainsi :

429.56 La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :


1olorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;



2olorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;


3olorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.


Dans le cas visé au paragraphe 3o, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.


L'article 429.56 doit également se lire en relation avec le troisième alinéa de l'article 429.49 qui édicte le caractère final et sans appel des décisions de la Commission des lésions professionnelles. Ce troisième alinéa se lit ainsi :

429.49 (...)


La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.


Le législateur a voulu ainsi assurer la stabilité des décisions de la Commission des lésions professionnelles et la sécurité juridique des parties qui y sont visées. Ainsi, toute requête en révision qui viserait à toutes fins utiles à faire réévaluer par un autre commissaire la preuve dont disposait le premier commissaire doit être écartée. Il en est de même si une partie tentait, à l'occasion d'une telle requête, de compléter ou bonifier la preuve qu'elle avait alors présentée. Conclure autrement viderait de son sens le troisième alinéa de l'article 429.49 qui édicte, ainsi qu'il a été dit, le caractère final et sans appel de la décision de la Commission des lésions professionnelles.
Contrairement à l'ancien article 406 qui ne définissait pas la «cause» qui pouvait donner ouverture à la révision, l'article 429.56 énonce les trois circonstances pouvant y donner ouverture.

C'est en fonction du paragraphe 2o de l'article 429.56 qu'il faut analyser la présente requête, les paragraphes 1o et 3o ne trouvant manifestement pas ici application. La partie requérante invoque, en effet, un manquement à une règle de justice naturelle, soit la règle audi alteram partem, c'est-à-dire le droit d'être entendu.

Après analyse, la Commission des lésions professionnelles ne peut certes accueillir la requête en révision de Mme Poirier.

La Commission des lésions professionnelles reconnaît que le droit d'être entendu constitue un des fondements de notre droit administratif et qu'une violation à une telle règle de justice naturelle, tel que l'édicte le paragraphe 2o précité, doit être sanctionnée et donne ainsi ouverture à une requête en révision. Ce droit n'est cependant pas absolu et il doit s'apprécier, notamment, en fonction du comportement de la partie qui l'invoque. Tel est notamment le sens qu'il faut donner à l'expression «pour des raisons jugées suffisantes» énoncées à ce paragraphe 2o.

C'est précisément ce qu'a fait la Commission des lésions professionnelles lors du refus, le 2 juin 1998, d'accorder, le matin même de l'audience, la remise demandée, cette demande étant interprétée par le tribunal comme un moyen strictement dilatoire.

L'analyse de la preuve disponible au moment du refus d'accorder la remise demandée et de procéder, comme les parties en avaient été convoquées, à l'audience du 2 juin 1998 et d'entendre alors les six témoins convoqués par l'employeur justifient certes cette décision.

Rien au dossier ne supporte que M. Émile Boudreau soit devenu à quelque moment que ce soit le nouveau représentant de Mme Poirier. Au contraire, M. Dion apparaît à ce titre à maintes reprises au dossier et il a représenté celle-ci à au moins deux occasions devant le Bureau de révision.

De plus, aucun document émanant de M. Boudreau n'a été adressé au tribunal pour informer qu'il représentait dorénavant Mme Poirier, pas plus, d'ailleurs, que M. Dion ou Mme Poirier auraient fourni telle information. De même, M. Boudreau n'a fait parvenir aucun document supportant la demande de remise du 2 juin 1998. Il est connu que M. Émile Boudreau est un habitué des tribunaux administratifs et il apparaît probable qu'il l'aurait fait savoir au tribunal s'il représentait Mme Poirier et qu'il aurait alors fourni un document attestant de son incapacité d'agir à l'audience du 2 juin 1998.

Dans ce contexte, il ne faut pas se surprendre que le tribunal, devant l'intérêt évident qu'avait Mme Poirier de ne pas procéder à l'audition de l'appel du 18 juin 1997 de l'employeur qui contestait son accident du travail même du 4 juin 1996, celle-ci continuant alors de recevoir l'indemnité de remplacement du revenu, ait conclu qu'il s'agissait là d'un moyen dilatoire et que les règles de la justice exigeaient qu'il soit procédé aux appels dont il était saisi.

En terminant, la Commission des lésions professionnelles ne peut que faire remarquer la divergence entre les motifs invoqués par le représentant de Mme Poirier pour obtenir la remise de l'audience du 2 juin 1998 et ceux invoqués tant à l'appui de la requête en révision que lors des représentations à l'audience alléguant un manquement à une règle de justice naturelle.

En effet, la transcription des notes de l'audience du 2 juin 1998 précise que M. Dion affirme ne plus représenter Mme Poirier depuis une semaine, ce mandat ayant été confié à M. Boudreau et que ce dernier n'avait pas reçu les dossiers d'appel. Pour sa part, la requête en révision du 21 juillet 1998 est signée par son organisme et, lors des représentations à l'audience, le représentant de Mme Poirier fait plutôt état que M. Boudreau représentait cette dernière depuis la fin de mars 1998 et que c'est en raison d'une maladie, comme en fait également état la requête en révision précitée, qu'il n'a pu se rendre à l'audience. De telles contradictions ne facilitent certes pas la compréhension de la présente requête et ne peut qu'en entacher la crédibilité.

Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles conclut qu'elle n'est certes pas en présence d'un motif pouvant donner ouverture à la révision d'une décision.


POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFES- SIONNELLES :

REJETTE la requête en révision du 21 juillet 1998 de Mme Laurette Poirier.





JEAN-GUY ROY
Commissaire



GAGNÉ & ASSOCIÉS
(Me Sandra Éthier)
33, rue Horne, bureau 202
ROUYN-NORANDA (Québec)
J9X 4S1

Représentante de la partie appelante


SERVICE CONSEIL S.S.T.
(M. Maurice Dion)
2962, rue Amulet
ROUYN-NORANDA (Québec)
J9X 5Y2

Représentant de la partie intéressée et requérante


PANNETON LESSARD
(Me Monique Lamarre)
33, rue Gamble Ouest
ROUYN-NORANDA (Québec)
J9X 2R3

Représentante de la partie intervenante

1. 1 L.Q. 1997, c. 27.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.