Décision

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[Texte de la décision]

Section des affaires sociales

En matière de sécurité ou soutien du revenu, d'aide et d'allocations sociales

 

 

Date : 14 avril 2016

Référence neutre : 2016 QCTAQ 0469

Dossier  : SAS-Q-173339-1104

Devant les juges administratifs :

GILLES THÉRIAULT

CLAUDIA DAO

 

D… B…

Partie requérante

c.

RETRAITE QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]              La requérante conteste une décision en révision rendue par l’intimée, Retraite Québec (autrefois la Régie des rentes du Québec), le 31 janvier 2011.

[2]              Cette décision maintient la position initiale de l’intimée quant à la date de début du paiement du supplément pour enfant handicapé pour son fils, X, soit à partir de juin 2009.

[3]              La requérante demande que le paiement soit versé rétroactivement à la date du début du suivi par un psychiatre soit en août 2001.

[4]              À l’audience, la requérante est accompagnée de son époux (père de l’enfant).

LES FAITS

[5]              De l’ensemble de la preuve documentaire et testimoniale, le Tribunal retient comme pertinents les éléments suivants.

[6]              L’enfant X est né le […] 1997.

[7]              Le 21 août 2001, l’enfant est vu en consultation par le Dr Bertrand-Philippe Tiret, psychiatre, à la demande de la Dre Suzanne Bouchard, médecin traitante, qui souhaitait obtenir un avis au regard des troubles suivants : retard de langage, trouble du comportement, agitation motrice, manque d’intérêt majeur pour les apprentissages. L’enfant avait alors 4 ans et 3 mois.

[8]              Le Dr Tiret pose le diagnostic psychiatrique suivant :

« Axe I          Retard global de développement.

                     Trouble envahissant de développement à éliminer ou à inventorier?

Axe II            Personnalité en cours de structuration.

Axe III           Nil.

Axe IV          Facteurs précipitants :

-     situation de dernier de fratrie;

-     difficulté de socialisation;

-     difficulté de rapport adéquat avec l’environnement.

Axe V           Fonctionnement global actuel pouvant être estimé aux environs de 60. »[1]

« RECOMMANDATIONS

Au terme de cette évaluation, nous n’avons pas pu confirmer ou infirmer la présence d’un trouble envahissant du développement. Toutefois des indices posent la question d’une menace de rupture avec la réalité avec distorsion des compétences qui semblent remaniées dans un sens égocentrique.

En conséquence, la conduite à tenir suivante a été retenue :

1.    Confirmation du bien fondé d’une inscription en garderie à temps plein comme cela était déjà prévu. Ce temps permettra de produire des observations davantage affinées.

2.    Maintien de la demande de formuler au C.L.S.C. en vue d’un support éducatif d’une part et d’un bilan orthophonique d’autre part.

3.    Nous-mêmes préconisons un bilan de personnalité et un bilan intellectuel qui pourrait être effectué dans le cadre du C.H.A.

Le bilan en orthophonie permettra de retenir ou non la présence d’un trouble de type dysphasique. Et en fonction des résultats obtenus et advenant le cas où les troubles apparaîtraient compromettre le développement harmonieux, une observation au C.H.A en pédopsychiatrie n’est pas à exclure dans un temps ultérieur. »[2]

(Transcription conforme)

[9]              Le 16 juillet 2003, l’enfant, alors âgé de 6 ans, est vu à nouveau par le Dr Tiret.

[10]           À la rubrique « Historique » du rapport, le Dr Tiret souligne plusieurs éléments : difficultés relationnelles, troubles du comportement, présence d’un éducateur spécialisé attaché à temps plein auprès de l’enfant, support en orthophonie dans le secteur privé, prise de Ritalin, comportement fait d’agressivité, difficulté à évoluer avec le groupe, redoublement de l’année scolaire depuis avril 2003[3].

[11]           Le diagnostic posé est alors trouble de la conduite et trouble des apprentissages; le fonctionnement global est estimé à 65.

[12]           À la médication composée de Ritalin est ajouté le Désyrel.

[13]           Le Dr Tiret voit l’enfant en consultation une troisième fois le 25 mars 2010 (enfant âgé de 12 ans). Il s’agit d’une rencontre-conférence à laquelle participent des représentants du milieu scolaire, la psychologue, les parents et l’enfant X[4].

[14]           La rencontre concerne l’admissibilité de l’enfant dans une classe de psychopathologie à la polyvalente.

[15]           À cette occasion, le psychiatre indique qu’il confirme le diagnostic de pathologie prépsychotique. Comme diagnostic, il écrit :

« 1.   Anxiété invalidante;

2.   TDAH;

3.   Troubles de la pensée avec éléments préspychotiques. »

[16]           Il ajoute ceci :

« Nous spécifions les difficultés qui empêchent en grande partie le bon fonction-nement de [l’enfant X] en classe, en l’occurrence intérêt restreint, propension au retrait, difficultés relationnelles et de communication, troubles de la pensée à type de coq-à-l’âne, de rigidité et surtout menace de rupture envers la réalité.

[...] »[5] (Transcription conforme)

[17]           Le 5 mai 2010, le Dr Tiret remplit la partie dédiée au professionnel de la demande de supplément pour enfant handicapé[6].

[18]           À la rubrique « Diagnostics », il écrit : « Psychose infantile date de diagnostic 2001; TDAH 2002 et Anxiété invalidante 2002. »[7] Il note que l’enfant est suivi régulièrement en pédopsychiatrie depuis 2001 et qu’il prend la médication Desyrel de façon continue depuis 2009.

[19]           Il indique également que l’enfant accuse les problèmes suivants : retard psychomoteur ou cognitif, troubles du langage, troubles du comportement, et autres troubles psychoaffectifs.

[20]           Le 18 novembre 2010, à la suite d’une recommandation favorable d’un médecin évaluateur, l’intimée reconnaît le droit des parents au supplément pour enfant handicapé et accorde un paiement rétroactivement au mois de juin 2009, en conformité avec la Loi sur les impôts[8].

[21]           Le 14 janvier 2011, la requérante soumet une demande de révision de cette décision. Elle demande que la rétroactivité du paiement débute en 2001, soit à la date fixée par le médecin comme étant la date du début de la maladie de l’enfant.

[22]           Le 31 janvier 2011, une agente de révision maintient la décision initiale. C’est cette décision qui fait l’objet du recours devant ce Tribunal.

Témoignage de la requérante à l’audience

[23]           À l’audience, la requérante décrit les problèmes multiples de son fils, tels que rapportés dans les consultations du médecin spécialiste citées plus haut.

[24]           Elle soutient que l’enfant est affligé par ces problèmes depuis longtemps, mais de façon plus marquée depuis 2001.

[25]           Elle témoigne qu’elle a fait sa demande de supplément pour enfant handicapé lorsque le médecin a posé le diagnostic de psychose infantile chez son fils.

[26]           Le retard à déposer une demande provient du fait que le Dr Tiret, le médecin spécialiste qui suivait son fils, devait attendre que l’enfant vieillisse avant de confirmer le diagnostic.

[27]           Ce n’est qu’en 2010 que le médecin a rempli le formulaire de demande. Les parents se voyaient dans l’impossibilité d’agir avant que le médecin ne se prononce.

Représentations du procureur de Retraite Québec

[28]           De son côté, le procureur de l’intimée soutient que la requérante pouvait faire sa demande plus tôt.

[29]           À l’appui de ses prétentions, il souligne que l’enfant était suivi en pédopsychiatrie dès 2001;

[30]           Que le rapport du médecin consultant du 21 août 2001 faisait mention d’un retard de développement et indiquait la présence de signes alarmants;

[31]           Que le rapport du 16 juillet 2003 mentionnait la présence d’agressivité chez l’enfant;

[32]           Que ce n’est pas sur la base de la psychose infantile que l’intimée a reconnu le handicap, mais sur la base d’un trouble du comportement.

[33]           Enfin, le procureur informe le Tribunal que si la requérante avait déposé une demande en 2001 et que celle-ci avait été refusée, Retraite Québec aurait reconnu l’aggravation en 2010, ce qui aurait ouvert la possibilité à un paiement rétroactif de plus de 11 mois.

DÉCISION

[34]           Le dispositif législatif qui s’applique dans le présent cas est l’article 1029.8.61.24 de la Loi sur les impôts. Il se lit comme suit :

« 1029.8.61.24. Un particulier ne peut être considéré comme un particulier admissible, à l’égard d’un enfant à charge admissible, au début d’un mois donné que s’il présente une demande, à l’égard de cet enfant à charge admissible, auprès de la Régie au plus tard 11 mois après la fin du mois donné.

La Régie peut, en tout temps, proroger le délai fixé pour présenter une demande visée au premier alinéa.

[…] »

[35]           En vertu de cet article, l’intimée peut verser le supplément pour enfant handicapé rétroactivement pour une période maximale de 12 mois, incluant le mois de la demande.

[36]           Également, selon le second alinéa de l’article de la loi, l’intimée peut, dans certaines circonstances, verser des prestations pour une période rétroactive plus longue.

[37]           Dans le présent cas, la demande a été produite en mai 2010 et Retraite Québec a reconnu, conformément aux dispositions applicables, le droit au paiement de soutien aux enfants à compter de juin 2009.

[38]           Par son recours, la requérante cherche à se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l’article précité, qui permettent à Retraite Québec de commencer à verser le paiement plus de 11 mois avant la demande, dans certaines circonstances.

[39]           Notons tout d’abord que le pouvoir dévolu à Retraite Québec est un pouvoir discrétionnaire. Pour encadrer l’exercice de cette discrétion, Retraite Québec a adopté une directive d’interprétation qui énumère les situations où la prorogation n’est pas permise :

« Il n’y a pas de prorogation pour un requérant ou bénéficiaire qui est dans une des situations suivantes

·    ignorance de la loi;

·    erreur de droit (sauf si elle est introduite par Retraite Québec);

-   il y a erreur de droit lorsque le bénéficiaire fait une interprétation erronée de la loi et des règlements.

·    retard à produire sa demande de PSE en raison de son inaction, négligence, manque de diligence, absence d’intérêts ou désistement;

·    manque d’argent et dépendance à un parent. »[9]

(Transcription conforme)

[40]           Le Tribunal n’est certes pas lié par les directives administratives. Il est toutefois établi que celles-ci ne seront écartées que si elles procèdent de l’arbitraire ou revêtent un caractère déraisonnable.

[41]           Les motifs invoqués par les parents sont entre autres :

·        Que le médecin spécialiste traitant attendait que l’enfant vieillisse avant de confirmer le diagnostic soupçonné de psychose infantile;

·        Que sur le formulaire de demande de supplément soumis en mai 2010, le Dr Tiret fixe à 2001 le diagnostic de psychose infantile et à 2002 les diagnostics de TDAH et d’anxiété invalidante;

·        Qu’ils étaient tributaires des décisions de leur médecin spécialiste, en qui ils avaient confiance, et donc qu’ils ne pouvaient pas agir plus tôt;

·        Qu’ils ont agi de bonne foi. Il n’y a pas eu de leur part ignorance de la loi ni retard par négligence ou par manque de diligence.

[42]           Pour sa part, le procureur de l’intimée fait valoir :

·        Que ce n’est pas sur la base du diagnostic de psychose infantile que Retraite Québec a accordé le supplément, mais sur la base d’un trouble de comportement;

·        Que dès 2001, l’enfant était suivi en pédopsychiatrie et que le médecin indiquait la présence de signes alarmants;

·        Qu’en 2003, un rapport mentionnait que les troubles de comportement de l’enfant étaient faits essentiellement d’agressivité;

·        Que, dans les faits, les parents auraient pu déposer leur demande plus tôt.

[43]           Il convient de souligner qu’en général l’admissibilité au supplément pour enfant handicapé n’est pas fonction d’un diagnostic posé ou confirmé, mais bien des limitations et incapacités que présente l’enfant, qu’ils découlent ou non du diagnostic.

[44]           À ce sujet, le Tribunal a eu l’occasion de se prononcer dans le passé[10].

[45]           En conséquence, le Tribunal arrive à la conclusion que l’intimée n’a pas rendu une décision arbitraire ou qui revêt un caractère déraisonnable dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en ne prorogeant pas la date du début du paiement du supplément pour enfant handicapé au-delà de juin 2009.

[46]           Les motifs invoqués par les parents ne peuvent donner ouverture à une prorogation du délai.

[47]           Aussi, bien que sensible à la situation vécue, le Tribunal ne peut accéder à la demande de la requérante.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

REJETTE le recours.


 

GILLES THÉRIAULT, j.a.t.a.q.

 

 

CLAUDIA DAO, j.a.t.a.q.


 

Me Michel Bélanger

Procureur de la partie intimée


 



[1] Pièce R-1 (page 3 de 4 du rapport du Dr Tiret du 21 août 2001).

[2] Pièce R-1 (page 4 de 4 du rapport du Dr Tiret du 21 août 2001).

[3] Pièce R-1 (rapport du Dr Tiret du 16 juillet 2003).

[4] Pièce R-1 (rapport du Dr Tiret du 25 mars 2010).

[5] Pièce R-1 (page 2 de 2 du rapport du Dr Tiret du 25 mars 2010).

[6] Page 3 du dossier tel que constitué.

[7] Page 3 du dossier tel que constitué.

[8] RLRQ, chapitre I-3.

[9] 2015 QCTAQ 12108.

[10] Voir, à cet effet, les décisions 2010 QCTAQ 09394 et 2015 QCTAQ 12108.

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