DÉCISION
[1] Le 22 janvier 2000, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête afin de faire réviser une décision rendue par cette instance le 4 décembre 2000.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles infirme la décision rendue par la CSST à la suite de la révision administrative le 6 juillet 1999 et reconnaît que monsieur Raymond-Armand Leclair (le travailleur) conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique de 98.37 %.
[3] La présente décision est rendue sur dossier conformément à la procédure prévue à l’article 429.57 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
L'OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Il y a lieu de reprendre les allégués suivants de la requête soumise par la CSST :
«(...)
7. Le 6 janvier 2000, le travailleur, par son représentant, produit un soutien de son appel une expertise de madame Louise Bérubé, neuropsychologue, le tout tel qu’il appert aux pages 347, 354 et suivantes du dossier de la Commission des lésions professionnelles;
8. La neurophychologue, Louise Bérubé, émet une opinion à l’effet que le travailleur est atteint d’un syndrome cérébral organique post-traumatique et qu’il doit, en conséquence, se voir attribuer un DAP de 15 %;
9. Le 4 décembre 2000, le Commissaire Simon Lemire rend la décision à l’origine de la présente requête;
10. Sans préjudice aux autres arguments que nous pourrions ajouter lors de l’audition sur la présente requête, la décision de la Commission des lésions professionnelles comporte des erreurs manifestement déraisonnables en faits et en droit permettant la révision de la décision pour les motifs suivants :
11. Le commissaire Lemire conclut notamment ce qui suit
- déclare que monsieur Raymond-Armand Leclair conserve une atteinte permanente correspondant à 98,3 % ;
Pour en arriver à cette conclusion, le Commissaire a retenu les motifs suivants :
«Un
15 % doit aussi être reconnu en raison d’un syndrome cérébral organique
cognitif modéré de grade 1, que l’on retrouve au Barème sous le code 211005,
établi par le docteur Bérubé.»
12. La décision de la commission des lésions professionnelles est entachée d’un vice de fond qui est de nature à l’invalider, en ce que notamment
a) Pour conclure à l’existence d’un syndrome organique cognitif modéré de grade 1, donnant droit à un DAP de 15 %, le diagnostic aurait du être posé par un médecin ou par un professionnel de la santé au sens de l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Hors, madame Louise Bérubé n’est ni médecin ni professionnel de la santé au sens de l’article 2 ci-haut mentionné.
Pour ces motifs, la CSST demande à la Commission des lésions professionnelles :
- De Convoquer par préséance les parties, puisque, telle que rédigée, il est impossible à la CSST d’exécuter la décision du Commissaire Lemire;
- D’Accueillir la présente requête en révision et en révocation de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 4 décembre 2000;
- De Rendre la décision qui aurait dû être rendue;
- De Déclarer que le travailleur n’est pas porteur d’un syndrome cognitif modéré de grade 1 et qu’il n’a pas droit, en conséquence, à une atteinte permanente de 15 %, à ce titre.
(...)»
(sic)
[5] La CSST demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision qu’elle a rendue et de déclarer que le travailleur n’est pas porteur d’un syndrome cognitif modéré de grade 1 et qu’il n’a pas droit, par conséquence, à une atteinte permanente de 15 % à ce titre.
L'AVIS DES MEMBRES
[6] Tant le membre issu des associations syndicales que celui issu des associations des employeurs sont d’avis que le diagnostic posé par madame Louise Bérubé, neuropsychologue, ne pouvait pas être retenu par le premier commissaire pour accorder un pourcentage de déficit anatomo-physiologique compte tenu que le diagnostic n’a pas été posé par un docteur en médecine. Il s’agit d’une erreur manifeste et déterminante et il y a lieu de réviser la décision rendue par le premier commissaire. Cela n’empêche toutefois pas le travailleur d’aller consulter un nouveau psychiatre qui pourrait confirmer le diagnostic posé par madame Bérubé et soumettre une réclamation à la CSST afin de faire reconnaître la relation de ce diagnostic et la lésion professionnelle initiale.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il a été démontré un motif donnant ouverture à la révision de la décision rendue par cette instance le 4 décembre 2000.
[8] L’article 429.49 de la loi prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Cependant, le législateur a prévu à l’article 429.56 que, dans certains cas, la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser une décision qu’elle a rendue. Cet article se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
________
1997, c. 27, a. 24.
[9] Dans la présente affaire, le premier commissaire devait déterminer le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique résultant de la lésion professionnelle subie par le travailleur le 14 juin 1994. Dans le calcul du pourcentage d’atteinte permanente, le commissaire accorde 15 % de déficit anatomo-physiologique en raison d’un syndrome cérébral organique cognitif modéré de grade 1 que l’on retrouve au Règlement sur le barème des dommages corporels[2] (le barème) sous le code 211.005. Ce diagnostic a été posé par madame Louise Bérubé qui a un PhD en neuropsychologie.
[10] Au soutien de sa requête en révision, la CSST soumet que le premier commissaire a commis une erreur manifeste et déterminante en droit, en retenant un diagnostic non confirmé par un médecin ou un professionnel de la santé au sens de l'article 2 de la loi puisque madame Louise Bérubé, bien qu’elle ait un PhD en neuropsychologie et qu’elle porte le titre de docteur n’est pas un docteur en médecine. La CSST demande donc à la Commission des lésions professionnelles de soustraire du pourcentage accordé par le premier commissaire 15 % pour un syndrome cognitif modéré de grade 1.
[11] Le représentant du travailleur soumet, entre autres, que les psychologues ont la compétence pour évaluer les séquelles psychologiques résultant d’une lésion professionnelle et que les séquelles reconnues par madame Bérubé sont prévues au barème. Il soumet que rien dans le barème ne prévoit que seuls, les docteurs en médecine, sont autorisés à l’utiliser pour procéder à la détermination des séquelles.
[12] Bien respectueusement, pour les prétentions soumises par le représentant du travailleur, la soussignée estime que le premier commissaire a commis une erreur manifeste et déterminante en retenant pour l’évaluation du pourcentage d’atteinte permanente un diagnostic qui n’a pas été confirmé par un médecin. Le fait de se tromper sur la qualification de la personne qui pose un diagnostic constitue une erreur manifeste et déterminante qui donne ouverture à la révision de la décision rendue. Sur cette question, la défunte Commission d’appel en matière de lésion professionnelle (la Commission d’appel) s’est prononcée[3] que seul un médecin peut poser un diagnostic. La Commission des lésions professionnelles tout comme la CSST sont liées par le diagnostic posé par le médecin ayant charge du travailleur et cela conformément à l’article 224.
[13] La Commission des lésions professionnelles ne peut pas retenir un diagnostic émis par un neuropsychologue pour fixer le pourcentage d’atteinte permanente à moins qu’il ait été confirmé par un médecin.
[14] Compte tenu de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision estime qu’il y a lieu de réviser la décision rendue par le premier commissaire et de soustraire le déficit anatomo-physiologique de 15 % qui avait été reconnu en raison d’un syndrome cérébral organique cognitif modéré de grade 1. Le premier commissaire accordait un déficit anatomo-physiologique de 61 % pour atteinte physique et psychologique plus 6,7 % pour le préjudice esthétique et 30.6 % à titre de douleurs et perte de jouissance de la vie. En soustrayant de 15 % le déficit anatomo-physiologique, le travailleur conserve 52,7 % auquel s’ajoute 21,2 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie ce qui fait un total de 73,9 %.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête en révision déposée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 22 janvier 2001;
RÉVISE la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 4 décembre 2000;
DÉCLARE que monsieur Raymond-Armand Leclair conserve une atteinte permanente de 52,7 % à laquelle s’ajoute 21,2 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie, ce qui fait un total de 73,9 %.
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MICHÈLE CARIGNAN |
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Commissaire |
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9069-6949 QUÉBEC INC. (R.D.D.S.) M. Robert Roussy 243, avenue Murdoch Rouyn-Noranda (Québec) J9X 5A9 |
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Représentant de la partie requérante |
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PANNETON LESSARD Me Louis Cossette 33, rue Gamble Ouest Rouyn-Noranda (Québec) J9X 2R3 |
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Représentant de la partie intervenante |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.