Décision

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Service Travail-Maison et Bélanger

2011 QCCLP 1915

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme

15 mars 2011

 

Région :

Laurentides

 

Dossier :

420381-64-1009

 

Dossier CSST :

134569276

 

Commissaire :

Isabelle Piché, juge administratif

 

Membres :

Monsieur Jean Litalien, associations d’employeurs

 

Monsieur Stéphane Marinier, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Docteur Bernard Gascon

______________________________________________________________________

 

 

 

Service Travail-Maison

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Brigitte Bélanger

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]          Le 28 septembre 2010, Service Travail-Maison, (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 22 septembre 2010, à la suite d’une révision administrative.

[2]          Par cette décision, la CSST déclare d’abord sans effet une décision initiale du 3 juin 2010 à l’effet que la lésion professionnelle subie par madame Brigitte Bélanger (la travailleuse) le 24 février 2009 entraîne une atteinte permanente de 3,3 %.

[3]          En second lieu, elle confirme une décision rendue le 3 septembre 2010 en vertu de l’article 224.1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et déclare qu’il découle de la lésion professionnelle une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

[4]          Finalement, elle confirme une autre décision rendue par la CSST le 3 septembre 2010 accordant à madame Brigitte Bélanger une indemnité pour préjudice corporel.

[5]          L’audience s’est tenue le 10 mars 2011 à Saint-Jérôme en présence de la travailleuse et de sa représentante. L’employeur était également représenté par procureure.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[6]          L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer irrégulier l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale (Bem) rendu le 23 août 2010 et de revenir à l’avis du médecin qui a charge, le docteur Tassé, en ce qui a trait à la désignation de l’atteinte permanente.

[7]          Subsidiairement, advenant que le tribunal estime régulier l’avis du Bem, il demande malgré tout de retenir l’atteinte permanente du docteur Tassé. L’employeur ne recherche aucune conclusion particulière en ce qui concerne la détermination des limitations fonctionnelles.

LES FAITS

[8]          Madame Bélanger occupe le poste de préposée aide domestique à domicile pour le compte de l’employeur. Elle est victime d’un accident du travail le 24 février 2009 alors qu’elle chute dans un escalier et se heurte le bras gauche.

[9]          La travailleuse consulte un médecin le lendemain et une tendinite de l’épaule gauche est alors diagnostiquée. Un arrêt de travail est ordonné dans les circonstances.

[10]       Le 4 mars 2009, il est question d’une fracture de l’humérus gauche et le port d’une orthèse est recommandé. Quelques jours plus tard, des traitements de physiothérapie sont amorcés.

[11]       Le 14 avril 2009, le docteur Philippe René interprète les résultats d’une résonance magnétique de l’épaule gauche et conclut à l’existence d’une fracture de la grosse tubérosité humérale avec signes d’une tendinose ou déchirure partielle au niveau du supra et de l’infra-épineux. Il est aussi question d’un épanchement articulaire et d’un léger épanchement de la bourse sous-acromio-deltoïdienne.

[12]       À la fin juillet 2009, les séances de physiothérapie sont cessées puisqu’il y a atteinte d’un plateau en regard de ce type de mesure thérapeutique. Des traitements d’ergothérapie sont par ailleurs entrepris. À cette époque, madame Bélanger va mieux, mais présente toujours des douleurs à l’épaule gauche aux mouvements et à l’effort.

[13]       En janvier 2010, une infiltration est tentée par l’orthopédiste Tassé et tous les autres traitements sont cessés.

[14]       Le 5 mai 2010, un Rapport final est complété par le médecin qui a charge. Ce dernier consolide la lésion professionnelle à cette date et signale l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.

[15]       L’employeur convoque madame Bélanger le 10 mai 2010 au cabinet du docteur Jacques Paradis à des fins d’expertise.

[16]       Au cours de l’examen objectif, ce médecin constate que le test de Neer et de Hawkins sont positifs pour un accrochage à gauche. Il note une douleur à la région du biceps gauche. La rotation externe résistée est douloureuse à gauche. Quant aux amplitudes articulaires des épaules, il appert que la flexion antérieure gauche est diminuée de 20 degrés au niveau actif, mais est normale de façon passive. Pour ce qui est de l’abduction, il existe une perte de 30 degrés au niveau actif et de 20 degrés au niveau passif.

[17]       Les mensurations du membre supérieur gauche sont légèrement inférieures du côté gauche et la force de préhension s’avère de 29 kg à gauche pour 30 kg à droite.

[18]       En conclusion, le docteur Paradis retient le diagnostic de fracture de la grosse tubérosité humérale de l’humérus gauche avec syndrome d’accrochage aux tests de Neer et Hawkins.

[19]       Il estime la consolidation de la lésion par le médecin qui a charge adéquate sans la nécessité de traitements additionnels.

[20]       Il désigne un déficit anatomophysiologique de 2 % pour une atteinte des tissus mous du membre supérieur gauche (code 102383) et un autre de 1 % pour une perte d’abduction de 20 degrés (code 104808).

[21]       Enfin, il octroie des limitations fonctionnelles pour six mois, à savoir :

Éviter les mouvements répétitifs avec le bras gauche plus haut que la tête;

éviter les efforts de plus de 22 livres (10 kg) avec le bras plus haut que la hauteur de l’épaule gauche.

[22]       Le 20 mai 2010, le docteur Tassé produit un Rapport d’évaluation médicale.

[23]       Il pose les diagnostics de fracture de la grosse tubérosité de la tête humérale gauche et de déchirure partielle (intra substance) de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche.

[24]       À la suite de l’examen physique, le docteur Tassé rapporte une atrophie musculaire de 1 cm du côté gauche, tant au niveau du bras, que de l’avant-bras. Il note également une perte articulaire de 20 degrés au niveau de la rotation externe.

[25]       Les tests d’accrochage pratiqués sont par ailleurs négatifs et la force de préhension des deux membres supérieurs est normale et symétrique.

[26]       À titre de séquelles, le docteur Tassé désigne un déficit anatomophysiologique de 1 % en raison de la fracture et de l’ankylose incomplète avec perte de 20 degrés de rotation externe de l’épaule gauche (code 105004), ainsi qu’un déficit de 2 % pour la déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche avec séquelles fonctionnelles (code 102383).

[27]       Il retient également les limitations fonctionnelles qui suivent :

Éviter les contrecoups à l’épaule gauche;

éviter les mouvements répétitifs avec l’épaule gauche;

éviter le travail ou de soulever des poids au-delà de 60 à 70 degrés de flexion antérieure ou l’abduction de l’épaule gauche;

éviter de soulever des poids au-delà de 5 à 7 kilos entre 0 et 60 degrés de flexion antérieure ou d’abduction de l’épaule gauche.

[28]       Le 3 juin 2010, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare qu’il découle de la lésion professionnelle subie une atteinte permanente de 3,3 %.

[29]       Le 10 juin 2010, le docteur Tassé répond à l’expertise du docteur Paradis par le biais du formulaire intitulé Rapport complémentaire. Voici ce qu’il inscrit :

% et atteinte permanente

-         le % de DAP de mon REM est le même que celui du docteur Paradis.

-         « atteinte des tissus mous du membre sup gauche » ou « déchirure (partielle) de la coiffe des rotateurs » veut dire la même chose.

-         […]

[30]       Le 23 août 2010, l’orthopédiste et membre du Bem, Sevan Gregory Ortaaslan rend un avis relativement à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle.

[31]       À l’examen objectif, ce médecin note qu’activement et passivement, il y a perte d’amplitude de l’ordre de 10 degrés au niveau de l’épaule gauche lors de l’élévation antérieure et lors de l’abduction. Pour ce qui est de la rotation externe, le docteur Ortaaslan note une amplitude de 90 degrés à gauche et de 100 degrés à droite. Par ailleurs, la normale est de 90 degrés.

[32]       Il n’existe aucune atrophie musculaire au niveau des membres supérieurs, les tests de mise en tension sont normaux et symétriques, tout comme les réflexes ostéotendineux et la force de préhension des deux mains.

[33]       En conclusion de son évaluation, ce spécialiste retient un déficit anatomophysiologique de 1 % en regard de la fracture de la grosse tubérosité de l’épaule gauche avec perte de 10 degrés d’abduction, un déficit de 1 % pour une perte de 10 degrés d’élévation d’antérieure, un déficit de 1 % pour une perte de 10 degrés de rotation externe et un déficit de 2 % relatif à une atteinte des tissus mous du membre supérieur gauche avec séquelles fonctionnelles, soit la déchirure partielle de la coiffe des rotateurs.

[34]       Le docteur Ortaaslan désigne également les limitations fonctionnelles qui suivent :

La patiente doit éviter d’une manière répétitive :

-       de travailler avec l’épaule gauche au-dessus de 90 degrés d’abduction ou de flexion antérieure;

-       de soulever toute charge avec le membre supérieur gauche dépassant 10 kg.

[35]       Le 3 septembre 2010, la CSST rend deux décisions. La première fait suite à l’avis du Bem. La seconde concerne le droit de la travailleuse à une indemnité pour dommage corporel liée à une atteinte permanente de 5,75 %.

[36]       Le 23 septembre 2010, la CSST conclut à la capacité de la travailleuse de refaire son emploi malgré les limitations fonctionnelles retenues.

L’AVIS DES MEMBRES

[37]       Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter le moyen préalable soulevé par l’employeur. Ils estiment en effet que la détermination d’une atteinte permanente n’est pas simplement liée la désignation d’un chiffre, mais doit exprimer également la justesse des déficits. Conséquemment, puisque les docteurs Paradis et Tassé ne retiennent pas les mêmes pertes articulaires de l’épaule gauche, il y a manifestement absence de consensus sur la question de l’atteinte permanente, et ce, malgré l’obtention d’une valeur totale identique.

[38]       Quant au fond, ils estiment que la preuve au dossier ne permet pas de modifier les conclusions obtenues par le membre du Bem.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[39]       La Commission des lésions professionnelles doit déterminer uniquement l’atteinte permanente découlant de la lésion professionnelle subie par madame Brigitte Bélanger le 24 février 2009 puisque les parties ne remettent pas en cause les limitations fonctionnelles désignées.

Moyen préalable

[40]        La représentante de l’employeur soumet que la CSST n’avait pas à saisir le Bureau d’évaluation médicale de la question de l’atteinte permanente puisque, dans le Rapport complémentaire du 10 juin 2010, le médecin qui a charge de la travailleuse indique que le pourcentage de déficit anatomophysiologique qu’il retient est le même que celui retenu par le médecin désigné par l’employeur. Il y a conséquemment à son avis absence de différend sur cet aspect.

[41]        La Commission des lésions professionnelles doit donc avant toute autre chose décider de la régularité du processus d’évaluation médicale ayant mené à l’avis du Bureau d’évaluation médicale.

[42]        La procédure d’évaluation médicale est prévue à la section 1 du chapitre 6 de la loi. Les articles pertinents à la présente affaire sont les suivants :

[43]        Rappelons tout d’abord un des principes angulaires de la loi, la suprématie du médecin qui a charge.

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

[44]        Il est toutefois permis à la CSST et à l’employeur de mettre en branle un processus d’évaluation médicale.

204.  La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115 .

__________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

212.  L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

1° le diagnostic;

 

2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4

 

 

[45]        Le Rapport complémentaire permet au médecin qui a charge, avant l’étape finale d’arbitrage, d’étayer son opinion, mais aussi de se rallier en présence d’une opinion différente de la sienne.

205.1.  Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .

__________

1997, c. 27, a. 3.

 

 

212.1.  Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .

__________

1997, c. 27, a. 5.

 

 

[46]        Par l’utilisation du terme contestation, les articles 217 et 219 précisent la nature de la procédure d’évaluation, lorsque soumise au Bureau d’évaluation médicale.

217.  La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.

__________

1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.

 

 

219.  La Commission transmet sans délai au membre du Bureau d'évaluation médicale le dossier médical complet qu'elle possède au sujet de la lésion professionnelle dont a été victime un travailleur et qui fait l'objet de la contestation.

__________

1985, c. 6, a. 219; 1992, c. 11, a. 21.

 

 

[47]        L’étendue des pouvoirs accordés au membre du Bureau d’évaluation médicale se retrouve à l’article 221 alors que le résultat légal est inscrit à l’article 224.1 de la loi.

221.  Le membre du Bureau d'évaluation médicale, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la Commission ou l'employeur, relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu.

 

Il peut aussi, s'il l'estime approprié, donner son avis relativement à chacun de ces sujets, même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet.

__________

1985, c. 6, a. 221; 1992, c. 11, a. 23.

 

 

224.1.  Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.

 

Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.

 

Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.

 

La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.

__________

1992, c. 11, a. 27.

 

 

[48]        À la lecture de ces différentes dispositions, le tribunal est d’avis que le rôle attribué par le législateur au membre du Bureau d’évaluation médicale est clairement d’arbitrer des différends d’ordre médical et, à l’occasion, d’utiliser sa discrétion afin de se prononcer sur un sujet non encore contesté.

[49]       En l’espèce, il ressort de l’étude comparative des expertises des docteurs Paradis et Tassé qu’ils arrivent effectivement au même pourcentage d’atteinte permanente, et ce, tel que mentionné au Rapport complémentaire. Il appert également de ces documents qu’ils retiennent tous deux un déficit anatomophysiologique de 2 % relié à une atteinte des tissus mous avec séquelles fonctionnelles qui réfère à la déchirure partielle de la coiffe des rotateurs.

[50]       Par ailleurs, lorsque le tribunal examine attentivement le dernier 1 % octroyé, il apparaît que le docteur Paradis l’attribue en raison d’une perte d’amplitude articulaire de 20 degrés lors de l’abduction et que le docteur Tassé l’accorde plutôt pour une perte articulaire de 20 degrés au moment de la rotation externe.

[51]       La procureure de l’employeur prétend que le détail lié à l’allocation du pourcentage n’a aucune importance puisque l’article 212 de la loi ne réfère qu’à l’existence ou au pourcentage de l’atteinte et non à sa justification.

[52]       Avec respect pour cette opinion, le tribunal est d’avis qu’il ne peut adhérer à une telle interprétation.

[53]       La soussignée considère en effet que le législateur n’a certainement pas voulu réduire la détermination d’une atteinte permanente à une simple question de chiffres, puisque retenir une telle vision conduit nécessairement à des aberrations. Il suffit alors de penser à tous les déficits anatomophysiologiques identiques prévus au Règlement sur le barème des dommages corporels[2], mais qui concernent des sites lésionnels totalement différents.

[54]       La Commission des lésions professionnelles estime plutôt que l’objectif visé par les dispositions en cause est certes de compenser à sa juste valeur l’atteinte résultant de la lésion professionnelle, mais aussi de déterminer avec exactitude les pertes physiologiques du travailleur. Cette précision s’avère essentielle notamment lors de la survenance d’une récidive, rechute ou aggravation puisqu’alors les descriptifs désignés antérieurement servent d’assise lors de la recherche d’un changement significatif dans la condition physique de l’individu.

[55]       Tenant compte de ces motifs, le tribunal est d’opinion qu’il existe bel et bien un litige en regard de l’atteinte permanente octroyée par les docteurs Paradis et Tassé. C’est donc à bon droit que le membre du Bem s’est prononcé sur cette question. Le moyen préalable est conséquemment rejeté.

Analyse quant au fond

[56]       L’examen au mérite des différentes expertises en cause permet de constater qu’il y a autant de conclusions différentes qu’il y a d’évaluations, puisqu’il y a fluctuation des résultats en regard des amplitudes articulaires de l’épaule gauche.

[57]       La représentante de l’employeur estime que la prépondérance de preuve en l’instance milite en faveur des conclusions retenues par le docteur Tassé puisque le pourcentage d’atteinte permanente qu’il désigne est similaire à celui du docteur Paradis.

[58]       Le tribunal est d’avis que cet argument est le même que celui présenté à titre de moyen préalable et doit pour les mêmes motifs que ceux exprimés précédemment être écarté.

[59]       La soussignée constate par ailleurs que le fardeau de démontrer que les conclusions retenues sont inadéquates appartient à l’employeur, mais qu’il ne met en lumière aucun élément de cette nature. Dans les faits, aucune partie ne soulève d’éléments permettant de discarter l’une ou l’autre des expertises produites.

[60]       Ainsi, dans la mesure où la justesse des limitations fonctionnelles émises par le membre du Bem n’est pas remise en question, le tribunal en comprend que le docteur Ortaaslan adopte un raisonnement médical juste. Par extension et souci de cohérence, l’atteinte permanente qu’il détermine est conséquemment valable à son tour.

[61]       Il n’y a donc pas lieu de modifier l’atteinte permanente de 5,75 % retenue.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE le moyen préalable soulevé par Service Travail-Maison, l’employeur;

REJETTE la requête déposée par l’employeur quant au fond;

CONFIRME la décision rendue le 22 septembre 2010 par la Commission de la santé et sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE régulière la procédure d’évaluation médicale quant à l’atteinte permanente;

DÉCLARE qu’il découle de la lésion professionnelle du 24 février 2009 une atteinte permanente de 5,75 %;

DÉCLARE que la travailleuse conserve les limitations fonctionnelles suivantes :

La patiente doit éviter d’une manière répétitive :

-       de travailler avec l’épaule gauche au-dessus de 90 degrés d’abduction ou de flexion antérieure;

-       de soulever toute charge avec le membre supérieur gauche dépassant 10 kg.

 

 

 

__________________________________

 

Isabelle Piché

 

 

 

 

Me Lyne Gaudreault

Deveau, Bourgeois Associés

Représentante de la partie requérante

 

 

Nicole Alexandrovitch

S.Q.E.E.S. Section Locale 298

Représentante de la partie intéressée

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]          (1987) 119 G.O. II, 5576

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