Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Lanaudière

JOLIETTE, le 15 novembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

110531-63-9902

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Manon Gauthier

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Madame Lorraine Patenaude,

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Monsieur Paul Gervais,

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR :

Dr Michel Girard

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

111747408

AUDIENCE TENUE LES :

1er août 2000 et

8 septembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

11 septembre 2000

 

 

 

 

DOSSIER BR :

62766979

À :

Joliette

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MICHEL FILION

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

P.E. BOISVERT AUTO LTÉE

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - LANAUDIÈRE

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 25 février 1999, monsieur Michel Filion (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 3 février 1999, à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST confirme les décisions qu’elle a initialement rendues les 19 septembre 1997, 15 octobre 1997 et 24 février 1998.

[3]               La première décision, datée du 19 septembre 1997, statuait que l’emploi convenable était celui de contremaître mécanique et que le travailleur était capable de l’exercer à compter du 18 septembre 1997; le revenu annuel estimé était de 30 000,00 $.

[4]               Quant à la seconde décision, soit celle datée du 15 octobre 1997, elle statuait que le travailleur n’avait pas droit au remboursement des frais d’entretien courant de son domicile en vertu de l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), parce qu’il ne conserve aucune atteinte permanente grave.

[5]               La troisième décision, datée du 24 février 1998, était à l’effet de refuser de reconnaître que le travailleur avait été victime d’une récidive, une rechute ou une aggravation le 17 novembre 1997.

[6]               Lors de cette audience qui s’est tenue les 1er août 2000 et 8 septembre 2000, le travailleur était présent et représenté. L’employeur, P.E. Boisvert Auto ltée, bien que dûment convoqué, était absent. La CSST, partie intervenante au dossier, était, elle aussi représentée.

[7]               Suite à la tenue de cette audience, la cause fut prise en délibéré le 11 septembre 2000.

 

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[8]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que l’emploi de contremaître mécanique ne constitue pas un emploi convenable au sens de la loi. Il demande également de reconnaître qu’il a droit, en vertu de l’article 165 de la loi, au remboursement des frais d’entretien de son domicile puisqu’il est porteur d’une atteinte permanente grave. Il demande aussi de reconnaître qu’il a été victime d’une lésion professionnelle, soit une récidive, une rechute ou une aggravation le 17 novembre 1997.

 

LES FAITS

[9]               Après avoir pris connaissance du dossier, recueilli la preuve déposée dans le cadre de l’audience et entendu les témoignages, la Commission des lésions professionnelles retient les faits suivants.

[10]           Monsieur Michel Filion était à l’emploi de P.E. Boisvert Auto ltée depuis 1984 à titre de mécanicien spécialisé dans la réparation de camions lourds diesel lorsque, le 17 juillet 1996, il fut victime d’une lésion professionnelle. Il était environ 9 h du matin lorsqu’il fut appelé pour aller vérifier le fonctionnement d’un compresseur à air qui, lors du sablage au jet de sable, n’allait pas bien. Ce compresseur était situé à l’intérieur d’un conteneur, qui était recouvert d’un panneau d’acier servant de capot.

[11]            Alors qu’il procédait à sa réparation, il a reçu le panneau d’acier pesant environ 75 livres sur la tête; la chaîne servant à le retenir avait été accrochée par un autre employé se déplaçant avec un tracteur.

[12]           Dès ce moment, il a commencé à ressentir des douleurs au cou ainsi que des engourdissements dans ses bras et ses mains; il ressentait également des torticolis à répétition. Malgré cela, il n’a pas cessé immédiatement de travailler; il croyait que le tout rentrerait dans l’ordre.

[13]           Monsieur Filion indique avoir pris ses vacances suite à la survenance de cet événement; il fut alors absent du travail environ trois semaines. Ses symptômes ne se sont pas améliorés malgré le repos; à son retour au travail, il avait peine à terminer ses journées. Il avait même demandé au contremaître de lui assigner des fonctions moins exigeantes au plan physique afin qu’il puisse continuer de travailler. Ce fut peine perdue.

[14]           Monsieur Filion a dû se résoudre à consulter médicalement et a vu un médecin pour la première fois le 4 septembre 1996. Il rencontre alors le docteur Roux, qui pose un diagnostic d’entorse cervicale mais ne prescrit cependant pas d’arrêt de travail.

 

 

[15]           Cependant, comme les douleurs ne disparaissent pas, le travailleur revoit le docteur Roux le 23 septembre 1996 et cette fois le médecin recommande un arrêt de travail et prescrit des traitements de physiothérapie. Ceux-ci seront débutés le 4 octobre 1996, à raison de 5 séances par semaine.

[16]           Lors de la première visite à la Clinique de physiothérapie Desjardins-Sauriol, de Rawdon, il fut noté ce qui suit :

DLR RÉGION CERVICALE BASSE, RÉGION INTERSCAPULAIRE GAUCHE AINSI TRAPÈZE GAUCHE. DLR EST CONSTANTE, AUGMENTE FIN DE JOURNÉE ET MEME RÉVEILLER LA NUIT. ROM CERVICALES FLEXION ET ROTATION GAUCHE DOULOUREUSES FIN MOUVEMENT AINSI QUE L’EXTENSION QUI EST TRÈS DOULOUREUSE. PALPATION DOULOUREUSE ÉPINEUSES C7 D1 D2 D3 D4 ET SUR TRANSVERSES GAUCHES DE D1 D2 D3 D4. NOTONS PRÉSENCE TENSION PARAVERTÉBRALE INTERSCAPULAIRE GAUCHE. (...) (sic)

 

 

[17]           Le travailleur revoit le docteur Roux les 16 et 23 octobre 1996; lors de la dernière visite, le médecin le réfère en orthopédie. Il rencontrera le docteur Danielle Desloges, chirurgienne-orthopédiste le 25 novembre 1996.

[18]           Lors de cette consultation, le docteur Desloges indique que le travailleur conserve des douleurs résiduelles au niveau D2 et D3 post contusion et elle pratique le jour même une infiltration de Célestone à ces niveaux. Elle recommande que le travailleur cesse ses traitements de physiothérapie et le réfère en physiatrie au docteur Sylvain Lussier. Lors de la dernière visite du travailleur à la clinique de physiothérapie, le 25 novembre 1996, il est noté que monsieur Filion se plaint toujours de douleurs interscapulaires gauches et qu’elles sont constantes.

[19]           Le travailleur rencontre le docteur Sylvain Lussier le 23 décembre 1996. Dans la lettre adressée au docteur Desloges et datée du même jour, le docteur Lussier fait tout d’abord état que le bilan radiologique met en évidence une discopathie sévère C6-C7. Il indique également que monsieur Filion a des paresthésies dans le territoire C8 à composante nocturne, un syndrome cervical douloureux, des points de myalgie étagés, sans déficit moteur cependant au niveau des membres supérieurs. Il indique qu’il y a des signes de Tinel sur le trajet du nerf cubital aux coudes droit et gauche sans faiblesse ou amyotrophie au niveau de la musculature intrinsèque. Il oriente donc le travailleur afin qu’il subisse une étude électrophysiologique (É.M.G.) et une résonance magnétique.

[20]           Monsieur Filion s’était vu accorder la possibilité de travailler en assignation temporaire, à raison de 2 jours par semaine et 3 jours de physiothérapie à partir du 18 novembre 1996; cependant, à l’occasion de la période des Fêtes, il a travaillé davantage : il a alors connu un épisode de blocage aigu. Le 6 janvier 1997, il revoit le docteur Lussier qui recommande à nouveau un arrêt de travail complet avec reprise des traitements de physiothérapie. Comme il entrevoit la possibilité d’une chirurgie, il réfère le travailleur au docteur Jacques Gariépy, neurochirurgien.

[21]           Le 13 janvier 1997, monsieur Filion rencontre le docteur Gariépy pour la première fois; ce dernier énonce la possibilité de plusieurs diagnostics, comme la cervico-brachialgie, la sténose spinale ainsi qu’une hernie discale; il attend les résultats de la É.M.G. avant d’opter pour une myélographie et par la suite envisager une chirurgie.

[22]           L’É.M.G.  fut effectivement réalisée le 13 janvier 1997 par le docteur Robert Filiatrault, neurologue. Dans ses conclusions, le docteur Filiatrault indique que l’étude confirme l’existence d’une neuropathie cubitale bilatérale, de degré léger et à manifestations sensitives seulement. Il indique également qu’il n’y a pas d’évidence spécifiquement de réinnervation au niveau du membre supérieur gauche.

[23]           Le docteur Gariépy, dans une lettre adressée au docteur Lussier et datée du 3 février 1997, confirme les résultats de l’É.M.G.

[24]           Le travailleur rencontre le docteur Lussier le 14 février 1997. Ce dernier recommande toujours que monsieur Filion passe une résonance magnétique; elle sera réalisée effectivement le 6 mars 1997.

[25]           À la résonance magnétique, il est noté ce qui suit :

(...) Alignement satisfaisant des pièces vertébrales cervicales.

 

Le canal cervical est de calibre adéquat.

 

Légère diminution de la hauteur de l’espace intersomatique C6 C7 avec légère altération de signal du disque intervertébral par dégénérescence et petits ostéophytes marginaux postérieurs. Pas d’évidence de hernie discale, de compression radiculaire ou médullaire.

 

Le reste du rachis cervical et le contenu neural ne montrent pas d’anomalie.

 

 

[26]           Après l’obtention de ces résultats, monsieur Filion a revu le docteur Lussier le 24 mars 1997. Il indique que le travailleur est porteur d’une discopathie C6-C7 et réfère ce dernier à la Clinique de la douleur; il suggère aussi qu’il puisse bénéficier d’une épidurale. Il prescrit également l’usage d’un neuro-stimulateur transcutané (TENS). Le même jour, le docteur Lussier envoie une lettre au docteur Gariépy afin de savoir si une approche chirurgicale était à tenter. Le 8 avril 1997, le docteur Gariépy lui répond dans les termes suivants :

 

(...) La réponse est non pour les raisons suivantes :

 

1. La résonance magnétique faite le 6 mars 1997 ne montre pas d’évidence de hernie discale, de compression radiculaire ou médullaire au niveau soupçonné soit C6-C7. Le reste du rachis cervical et le contenu neural ne montre pas d’anomalie.

 

2. L’EMG est fait par le docteur R. Filiatrault le 13 janvier 1997 qui montre des neuropathies cubitales bilatérales pour lesquelles il a suggéré une orthèse de protection au niveau des coudes. Cette neuropathie cubitale bilatérale qui n’a rien à faire à mon avis avec la région cervicale.(...)

 

Le malade doit avoir une épidurale cervicale le 25 avril 1997 ce qui à mon avis ne donnera rien et, si cela devait donner des résultats se sera sûrement pour une courte période de temps...........

J’encouragerais fortement ce patient à faire un retour au travail en ce qui me concerne. (...) (sic)

 

 

[27]           L’épidurale fut effectivement réalisée le 25 avril 1997.

[28]            Un rapport final fut complété le 16 mai 1997 par le docteur Lussier, où il consolide la lésion le même jour; il indique que le travailleur ne conserve aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique mais qu’il conserve cependant des limitations fonctionnelles. Il recommande une réorientation professionnelle. Il ne produit cependant pas de rapport d’évaluation médicale.

[29]           Le 12 juin 1997, monsieur Filion rencontre le docteur Marc Goulet pour le compte de la CSST, et celui-ci réalise une expertise médicale. Suite à la réalisation d’un examen clinique, le docteur Goulet conclut de la façon suivante :

(...) Suite à l’événement du 17 juillet 1996, le patient a présenté une entorse cervico dorsale. Cette entorse est greffée sur une neuropathie cubitale personnelle. Malgré une symptomatologie importante, je n’ai pu noter à l’examen clinique de spasme musculaire. La force d’extension contre résistance et les mouvements de rotation et d’inclinaison latérale au niveau du cou ne provoquent aucun spasme musculaire. Ce patient est fort probablement porteur d’une légère discopathie dégénérative cervicale. Je ne crois pas qu’il y ait lieu compte tenu de son âge, de considérer l’événement du 17 juillet 1996 comme un élément de déstabilisation de sa condition cervicale. Il n’existe pas à mon avis en relation avec l’événement du 17 juillet 1996, des signes de souffrance de l’axe spinal reliée à une entorse. En conséquence, il n’existe pas de restriction fonctionnelle à retenir en relation avec l’événement du 17 juillet 1996. (...) (sic)

 

 

[30]           Le travailleur revoit le docteur Lussier le 14 juillet 1997; il indique que le travailleur est consolidé pour les traitements mais il recommande qu’il passe une résonance magnétique, cette fois de la colonne dorsale. Une résonance magnétique de la colonne cervico-thoracique fut réalisée le 19 juillet 1997 qui démontre ce qui suit:

 (...) Petite hernie centrale en C6-C7 et petite hernie centrale et para médiane droite en D3-D4 (...)

Pas d’évidence de pathologie médullaire.

 

[31]           Mais, suite à l’expertise médicale réalisée par le docteur Goulet, le dossier fut référé au Bureau d’évaluation médicale. Le 23 juillet 1997, le docteur Wiltshire rend son avis en vertu du point 5 de l’article 212 de la loi, soit sur l’existence ou l’évaluation des limitations fonctionnelles. Il note ceci :

(...) Aujourd’hui, je note que monsieur Filion garde sa tête en position neutre et refuse de faire des mouvements excessifs de la colonne cervicale, surtout avec rotation ou inclinaison du côté gauche. Le test de Tinel au niveau des nerfs cubitaux des deux coudes est positif et il se plaint d’une diminution de la sensibilité à l’auriculaire des deux mains. Je ne trouve aucun spasme musculaire au niveau de la colonne cervicale et aucun déficit moteur ni atrophie musculaire au niveau des membres supérieurs.

 

AVIS MOTIVÉ :

 

5-  EXISTENCE OU ÉVALUATION DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES DU TRAVAILLEUR :

 

Considérant la diminution de l’amplitude des mouvements de la colonne cervicale notée aujourd'hui, je considère qu’il existe des limitations fonctionnelles suite à l’événement du 17 juillet 1996.

Le travailleur doit éviter d’effectuer des mouvements des amplitudes extrêmes de flexion, extension ou torsion de la colonne cervicale (...)

 

 

[32]           Cet avis du membre du Bureau d’évaluation médicale ne fut pas contesté par le travailleur.

[33]           Le 4 août 1997, le travailleur rencontre un autre neurochirurgien, le docteur Marc F. Giroux, qui lui non plus ne recommande pas de chirurgie.

[34]           Le travailleur fut référé en réadaptation et monsieur Pierre Sylvestre fut le conseiller assigné à ce dossier. Dès le 9 juin 1997, après avoir reçu le rapport final émanant du docteur Lussier, il rencontre le travailleur pour la première fois et lui explique l’approche concentrique de la main-d’œuvre.

[35]           Aux notes évolutives, monsieur Sylvestre rapporte les expériences de travail antérieures de monsieur Filion, qui se résument comme suit :

-         de 1967 à 1979 : il travaille comme mécanicien chez Smith Transports, où il indique avoir appris son métier;

-         en 1979, il travaille pendant un an chez PDC Automobiles, spécialisée dans la vente d’automobiles usagées; cependant, monsieur Filion fut congédié parce qu’il ne possédait pas de connaissances suffisantes en mécanique automobile;

-         de 1980 à 1982 : il travaille chez Intercam, une compagnie de location de camions lourds; il travaille comme mécanicien sur le quart de soir et a travaillé de nuit comme contremaître et mécanicien;

-         en 1983, il travaille chez Transport Network, où il travaille comme mécanicien diesel dans l’entretien de la flotte de camions lourds;

[36]           À partir de 1984, il entre au service de P.E. Boisvert Auto ltée comme mécanicien; cependant vers 1987, monsieur Filion indique avoir travaillé pendant environ 6 mois comme contremaître sur le quart de soir, où il avait environ 8 hommes sous sa responsabilité. On lui redonna un poste de mécanicien car il s’avérait qu’il n’était pas un bon meneur d’hommes; il éprouvait également de la difficulté à compléter la paperasse administrative et n’avait pas un bon contact avec les clients. Il était plus performant comme mécanicien.

[37]           Suite à l’obtention des conclusions du membre du Bureau d’évaluation médicale, le dossier a continué à cheminer en réadaptation sociale. Le 13 août 1997, une visite chez l’employeur eut lieu; monsieur Filion était présent, ainsi que messieurs Pierre Sylvestre, Claude Bougie, ergothérapeute et Jacques Cyr, directeur de service. Il s’agissait de vérifier si le travailleur était capable de refaire son emploi pré-accidentel ou, sinon, si un emploi convenable était disponible.

[38]           Il fut tout d’abord établi que l’emploi de mécanicien de machinerie lourde, habituellement occupé par le travailleur, ne respectait pas les limitations fonctionnelles émises par le membre du Bureau d’évaluation médicale. Le travailleur ne pouvait, par conséquent, refaire son emploi. Monsieur Bougie écrit d’ailleurs dans son rapport, ce qui suit :

(…) Suite à la visite du poste, nous avons pu aisément constater que cet emploi de mécanicien de machinerie lourde implique des mouvements en amplitude extrêmes ou soutenues de flexion, d’extension et de torsion de la colonne cervicale. Le travailleur est souvent appelé à travailler dans des endroits restreints comme sous l’aile d’un camion, le tableau de bord ou sous le capot.(…)

 

 

[39]           On a par la suite regardé comment l’expérience et l’expertise du travailleur pouvaient être utilisées chez l’employeur; selon les notes évolutives, tous conviennent que le travailleur avait toutes les connaissances et compétences pour occuper l’emploi de contremaître tant chez l’employeur qu’ailleurs. Mais il n’était pas disponible chez l’employeur à ce moment.

[40]           Les fonctions de contremaître consistaient principalement à :

-         distribuer le travail aux mécaniciens;

-         assister les mécaniciens tant lors du diagnostic (inspection visuelle) que lors de réparations ;

-         proposer des pistes de solutions pour les réparations;

-         aller chercher les pièces nécessaires pour les mécaniciens;

-         effectuer les essais routiers avec les clients;

-         rechercher les informations dans les catalogues et les manuels spécialisés et communiquer avec les concessionnaires.

[41]           Cependant, ce poste ne fut pas examiné par l’ergothérapeute.

[42]           Le 16 septembre 1997, une nouvelle rencontre eut lieu chez l’employeur. Il fut à ce moment confirmé qu’il n’y avait aucune ouverture de poste chez P.E Boisvert Auto ltée. Selon les notes évolutives, il semble que le travailleur était d’accord à ce que l’emploi convenable soit celui de contremaître mécanique.

[43]           Aux notes évolutives, monsieur Sylvestre mentionne ce qui suit :

(...) est-ce un e.c. au sens de la l.a.t.m.p.?

1. Utilisation des capacités résiduelles du T autant physiques que psychiques.

Ce qu’il est en mesure d’accomplir dans respect des limit. Fonct. (et atteinte permanente) que T garde de sa lésion i.e. avis du membre du BEM du 27 juil 97

2. Utilisation des qualifications professionnelles du T, du fait de son expérience et la compétence acquises par le travail ou par sa formation académique. Eléments compatibles et transférables de son expérience sont privilégiés. Approche concentrique de la m.o.-d. solution appropriée se situant le plus près possible du point central.

 

3. Possibilité raisonnable d’embauche (notion différente de celle d’emploi disponible)

Notion d’employabilité la possibilité pour T d’occuper l’emploi retenu. T a ce qu’il faut pour retourner sur le marché du travail et y rester. Solution valable et réaliste dans la région du T (à la limite au niveau provincial) enracinement du T...

 

4. Sans danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du T.

 

5. Un emploi approprié qui tient compte de la réalité du T de ses caractéristiques personnelles, des conditions de travail acquises, de sa capacité de gains.

 

T a le profil de l’emploi

Il s’agit de la solution approprié la plus économique

*C’est un e.c. au sens de la l.a.t.m.p.

 

 

[44]           Le 19 septembre 1997, la CSST rend une décision à cet effet; l’emploi convenable identifié était celui de contremaître mécanique, au revenu annuel estimé à 30 000,00 $, décision qui fait l’objet du présent litige.

 

 

[45]           Lors de son témoignage, le travailleur indique n’avoir jamais consenti à ce que l’emploi convenable soit celui de contremaître mécanique; en effet, il soumet ne pas avoir la capacité de faire cet emploi puisqu’il s’agit d’un emploi où il doit forcer physiquement. Il explique bien connaître ce travail puisqu’il travaille dans le milieu de la mécanique depuis plus de 30 ans et que le travail de contremaître implique souvent de faire le même travail qu’un mécanicien; ces fonctions requièrent de travailler dans des positions inconfortables et dans des endroits restreints, par exemple sous le capot, sous le véhicule ou encore sous le tableau de bord. Le contremaître aide les mécaniciens à poser par exemple des transmissions ou autres pièces lourdes car les autres mécaniciens sont déjà occupés à travailler ailleurs. Lorsqu’il y a des inspections visuelles à effectuer, il doit se pencher ou aller directement sous le camion car ceux-ci ne sont pas montés à l’aide d’un élévateur car sinon ils touchent au plafond. Ils ne sont montés qu’à une hauteur d’environ 4 pieds. Lorsqu’il va effectuer les essais routiers, il doit aller chercher la remorque qu’il doit reculer ou déplacer dans une cour souvent achalandée et il doit se tourner la tête fréquemment. Le travailleur indique ne pouvoir se tourner la tête du côté gauche et éprouver de la douleur entre les omoplates de façon constante. Monsieur Filion indique avoir essayé, en juin 1997 et à la connaissance de monsieur Sylvestre, d’occuper certaines tâches chez l’employeur à raison de deux avant-midi. Il a travaillé dans la chambre à outils à l’entretien de ceux-ci. Il n’a pu effectuer le travail, car il y a des outils pouvant peser jusqu’à 50 livres et qui sont situés un peu partout dans la pièce, par terre ou sur des tablettes.

[46]           La Commission des lésions professionnelles a aussi entendu le témoignage de monsieur Jacques Cyr, témoignant pour le compte du travailleur. Monsieur Cyr était, en juin 1997, directeur du service après-vente chez l’employeur. À cette époque, les contremaîtres étaient sous sa supervision. Leurs tâches consistaient à apporter de l’assistance technique aux conseillers de service, aux mécaniciens et aux techniciens, faire des vérifications visuelles et routières avant et après la réparation. À cette époque, l’employeur collaborait avec Transport Robert inc., de Boucherville, pour le prêt de véhicules; il fallait que le contremaître aille chercher les tracteurs et devait les rapporter. Il indique que la cour de travail chez Transport Robert inc. était un lieu assez restreint où il fallait manœuvrer; il fallait souvent sortir complètement la tête à l’extérieur pour voir ce que les miroirs ne permettaient pas. Le contremaître assignait aussi le travail aux mécaniciens et approuvait le travail à faire ou la pièce qui devait être changée. En quelque sorte, il s’agit d’un autre mécanicien qui apporte l’aide nécessaire aux autres. Il cite, par exemple, le cas où il faut changer une pédale d’embrayage pesant environ 150 livres : il faut que le contremaître aide le mécanicien afin de la fixer sur son arbre (shaft). Il indique qu’on ne place jamais deux mécaniciens ensemble lorsque s’effectuent les tâches lourdes car il s’agit d’une question de productivité et de temps chargé au client. Le contremaître peut donc effectuer environ la moitié du quart de travail à exécuter des tâches physiques, car il peut toucher à tout, impliquant des positions debout, penchée ou couchée.

[47]           Toujours selon monsieur Cyr, lorsqu’il a rencontré le travailleur en compagnie de son conseiller en réadaptation, en juin 1997, il ne fut pas question d’un emploi de contremaître à occuper chez l’employeur puisqu’il n’y avait aucun poste vacant de contremaître à cette époque; il y avait un contremaître par quart de travail. Il disait que monsieur Filion pouvait faire certainement un bon contremaître car sur le plan technique, il était le meilleur. Mais jamais il n’a donné son opinion sur ses capacités physiques de le faire.

[48]           Quant à la possibilité de transférer les compétences et l’expérience du travailleur au secteur de l’automobile, il indique que ce n’est pas possible car tout est différent; il faut recommencer à zéro et le travailleur doit alors suivre une nouvelle formation.

[49]           La représentante de la CSST a fait entendre monsieur Pierre Sylvestre, conseiller en réadaptation.

[50]           Monsieur Sylvestre travaille à la CSST Lanaudière depuis maintenant 5 ans comme conseiller en réadaptation et il fut celui qui fut désigné pour agir dans le dossier de monsieur Filion. Il confirme que le 9 juin 1997, il a rencontré rapidement le travailleur afin de lui expliquer le fonctionnement de la réadaptation sociale et de répondre à ses interrogations. Il a procédé à une description sommaire de ses tâches, telle qu’elle lui fut faite par le travailleur et qui apparaît aux notes évolutives. Ils ont aussi regardé des pistes de solutions s’il n’était pas possible pour monsieur Filion de retourner au travail chez le même employeur.

[51]           Suite à l’obtention des conclusions du membre du Bureau d’évaluation médicale, il a à nouveau rencontré le travailleur le 13 août 1997. Il confirme qu’ils se sont rendus chez l’employeur, ainsi que monsieur Claude Bougie, afin de vérifier si monsieur Filion pouvait reprendre son emploi pré-lésionnel, ce qui était impossible. Il n’était pas possible non plus de maintenir le lien d’emploi du travailleur puisque aucun autre poste n’était disponible, bien que des avenues de solutions furent explorées.

[52]           Selon lui, il y eut unanimité à l’effet que monsieur Filion puisse être contremaître mécanique; en effet, il avait de l’expérience dans ce travail et possédait toutes les compétences nécessaires. Il convient que la description des tâches de contremaître, telles que retrouvées aux notes évolutives, est sommaire et qu’il n’a pas beaucoup approfondi cette question.

[53]           Il ne fut pas vraiment discuté de la capacité physique du travailleur à occuper ce poste parce que les limitations fonctionnelles n’étaient pas sévères. Le travailleur ne lui a pas manifesté de craintes particulières quant à sa capacité physique à pouvoir l’exercer.

 

[54]           Monsieur Sylvestre indique que ses connaissances personnelles de ce poste, selon son expérience de travail, sont à l’effet qu’il peut s’exercer de deux façons : il y a des endroits où le contremaître ne fait office que de chef d’équipe, qui distribue le travail et qui met l’épaule à la roue ou qu’il n’agisse que comme contremaître seulement, sans travailler physiquement ou s’il le veut bien.

[55]           Il considère que l’emploi est convenable au sens de la loi et que les limitations fonctionnelles sont respectées. Il interprète le mot « éviter » en indiquant qu’il peut être possible, à l’occasion, d’effectuer des mouvements de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale, sans aller jusqu’au bout de sa capacité. Monsieur Filion aurait pu occuper cet emploi ailleurs sur le marché du travail, par exemple chez Techno Diesel, où le contremaître en place ne fait pas de manipulation d’objets.

[56]           Il indique également que le travailleur avait souvent manifesté son désir de retourner chez son employeur et sa frustration de ne pouvoir le faire. Son sentiment d’appartenance à cette compagnie était grand; il pouvait aussi faire du covoiturage avec son épouse, qui travaillait également dans la même région.

[57]           Contre-interrogé à cet effet, monsieur Sylvestre indique cependant témoigner au meilleur de sa connaissance relativement au dossier de monsieur Filion. Il ne peut se souvenir qui lui a fourni les informations retrouvées aux notes évolutives et quand elles y ont été consignées. Il indique cependant que, bien qu’elles n’aient pas été complétées avec le travailleur, il se charge habituellement de le faire dans les heures ou les jours suivant les rencontres ou discussions.

[58]           Et, bien que le titre de l’emploi de contremaître mécanique semble large, il est de sa compréhension que ce poste se limite à l’expérience qu’a le travailleur, c’est-à-dire dans la mécanique de véhicules lourds.

[59]           En ce qui a trait à l’expérience pertinente de travail de monsieur Filion, il indique ne pas avoir investigué quelles furent les fonctions de contremaître que le travailleur a pu effectuer antérieurement; en fait, il ne l’a pas questionné du tout sur cet aspect.

[60]           Donc, à partir de quelle description de tâches s’est-il basé pour rendre sa décision? Il indique s’être basé sur ses connaissances personnelles et générales mises à sa disposition ainsi qu’à partir des limitations fonctionnelles du travailleur. Il indique avoir eu à intervenir dans plusieurs dossiers où des fonctions de contremaître mécanique furent déterminées comme convenables pour d’autres travailleurs, sans en préciser le nombre cependant.

 

[61]           Par la suite, le 9 octobre 1997, le travailleur soumet à la CSST une demande afin qu’elle puisse défrayer les coûts de certains travaux d’entretien de son domicile, que son état empêche d’accomplir lui-même. Mais la CSST, le 15 octobre 1997, refuse de donner suite à sa demande parce qu’il ne conserve aucune atteinte permanente grave et que ses limitations fonctionnelles ne rendent pas incompatibles l’accomplissement de ces travaux. Cette décision fait également l’objet du présent litige.

[62]           À cet effet, la Commission des lésions professionnelles a entendu le témoignage de monsieur Bernard Groulx, retraité et beau-frère de monsieur Filion. Ce dernier indique que, depuis l’été 1996, mais plus particulièrement depuis l’automne 1996, c’est lui qui voit, autant que possible, à l’entretien extérieur de la résidence de monsieur Filion. L’été, il s’agit de tondre régulièrement la pelouse aux endroits inaccessibles avec le tracteur à gazon, utiliser le taille-bordure, étendre l’engrais, effectuer le lavage extérieur des fenêtres; l’automne, il procède au ramassage des feuilles mortes et au nettoyage des gouttières. L’hiver, il effectue le déblayage à la pelle des voies d’accès à la maison comme les trottoirs et les marches d’escaliers, mais sans cependant s’occuper du déblayage de l’espace de stationnement. Pour cette activité, c’est monsieur Filion lui-même qui s’en occupe car il possède un souffleur à neige. 

[63]           Le 17 novembre 1997, le travailleur rencontre le docteur Boudrias qui indique, à son rapport médical, que le travailleur présente une rechute de son événement du 17 juillet 1996. Il réfère le travailleur au docteur Robert Lefrançois, neurochirurgien, pour une opinion médicale.

[64]           Il rencontre le docteur Robert Lefrançois le 3 décembre 1997, qui en vient à la même conclusion que les spécialistes consultés précédemment, soit que le travailleur n’est pas un candidat à la chirurgie; il ne présente que des douleurs et un enraidissement secondaire de la colonne cervicale.

[65]           Par la suite, le travailleur consulte à Ste-Julienne le docteur Nathalie Gauthier, qui demande à ce que le travailleur passe une troisième résonance magnétique. Une troisième résonance magnétique, effectuée le 20 août 1998, concluait de la façon suivante :

(...) HERNIE DISCALE SOUS-LIGAMENTAIREPOSTÉRO-LATÉRALE DROITE C6-C7, POSTÉRIEURE PARA-MÉDIANE DROITE D3-D4 ET D4-D5 ET POSTÉRO-LATÉRALE GAUCHE D5-D6.(...)

 

 

[66]           Le 23 novembre 1998, le travailleur est vu pour la première fois à la Clinique de la douleur, où il fut convenu qu’il soit revu en physiatrie et qu’il puisse bénéficier de l’usage d’un TENS. Il y avait contre-indication à effectuer une épidurale cervicale.

 

[67]           Par la suite, le travailleur revoit le docteur Lussier le 3 décembre 1998, qui indique à ses notes cliniques de consultation, que le travailleur est porteur d’une maladie discale multi-étagée au niveau cervico-dorsal et qu’il n’a rien à offrir en physiatrie. Il indique que monsieur Filion désire recevoir des traitements de physiothérapie afin de le soulager. Il complète donc une demande en ce sens.

[68]           Monsieur Filion fut donc dirigé au Centre hospitalier de Joliette afin qu’il puisse bénéficier de traitements de physiothérapie. Il a rencontré pour la première fois monsieur Steve Higgins, physiothérapeute, le 17 mai 1999. Monsieur Higgins a d’ailleurs témoigné à l’audience.

[69]           Ce dernier explique avoir rencontré monsieur Filion effectivement le 17 mai 1999 afin de classer le patient selon la priorité de son état. Il indique que monsieur Filion fut classé sous la cote « urgent », ce qui signifiait qu’il serait sur une liste d’attente pour une période de 2 à 6 mois. Monsieur Filion a débuté les séances de traitements, à raison de 3 jours par semaine, le 14 juillet 1999. Sa thérapeute était madame Julie Collette, mais lui-même a été en mesure de traiter le travailleur à 2 reprises, soit les 27 septembre et 14 octobre 1999. Monsieur Filion avait des douleurs entre les omoplates, qui augmentaient en intensité lors de l’exécution de mouvements actifs et aux vibrations de l’automobile; il présentait aussi des engourdissements aux mains. Le travailleur présente des améliorations temporaires et les amplitudes varient encore; cependant, on a pu conserver la flexion antérieure au niveau du cou. Il est encore sous traitement actuellement; jusqu’à ce qu’il atteigne un plateau de récupération.

[70]           Monsieur Filion est toujours sous suivi médical; le 13 janvier 2000, le travailleur subissait une autre É.M.G. À l’interprétation clinique, le docteur Louise Lamoureux, neurologue, indique que l’étude est compatible avec une légère irritation radiculaire C6 gauche chronique, sans évidence de changement aigu et il n’y a pas de neuropathie cubitale ou d’atteinte radiculaire C8.

[71]           La Commission des lésions professionnelles a pu aussi bénéficier du témoignage du docteur Gilles Roger Tremblay, chirurgien-orthopédiste.

[72]           Le docteur Tremblay a examiné le travailleur le 2 mars 1999 et a réalisé également une expertise médicale. Selon lui, le travailleur présente une aggravation de son état depuis qu’il a été vu par le membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Wiltshire, en juillet 1997. Il indique que le travailleur présente une diminution des amplitudes de mouvements, a une atrophie au niveau du bras gauche et présente une faiblesse à l’extension du poignet gauche.

 

 

[73]           Il mentionne qu’au départ, il s’agissait d’une pathologie qui n’était présente qu’à un niveau et que depuis, elle progresse. et s’étend à plusieurs niveaux du rachis. Il compare les É.M.G. réalisées en 1997 et la dernière, réalisée en janvier 2000; au départ, on ne parlait que d’une névrite cubitale et maintenant, on indique qu’il y a une radiculopathie C6 gauche. Le travailleur présente donc une détérioration rapide de sa colonne cervicale-dorsale et tout cela est causé par le trauma direct reçu en juillet 1996.

[74]           Il convient que le travailleur présentait une dégénérescence de son rachis auparavant, et l’imagerie le démontre d’ailleurs; cependant, il était auparavant complètement asymptomatique et fonctionnait normalement. Le traumatisme, selon lui, a accéléré la détérioration de façon très rapide. Il y a eu un choc direct par chargement axial provoquant une rupture périphérique des tissus fibreux. Ceux-ci, au début, n’étaient pas assez déchirés mais comme la pression augmente à l’intérieur du disque, le processus continue; le matériel discal sort du disque aux niveaux dégénérés. Le diagnostic à retenir est, dans le cadre de la rechute, une hernie discale cervicale et dorsale.

[75]           Selon lui, si l’accident n’avait pas eu lieu, le travailleur ne serait pas dans cet état. Et, selon lui, le travailleur ne peut plus vaquer à l’entretien extérieur de son domicile.

[76]           Contre-interrogé à cet effet, le docteur Tremblay confirme que le seul signe clinique objectif pouvant démontrer la présence d’une hernie discale active dans le présent dossier est qu’il y a une atteinte radiculaire confirmée par É.M.G. à un seul niveau, soit à C6 gauche, expliquant la faiblesse à l’avant-bras. Mais il indique que cela pourrait aussi bien être causé par la présence d’arthrose ou d’une sténose spinale.  

[77]           La Commission des lésions professionnelles a pu prendre connaissance d’une évaluation des capacités fonctionnelles du travailleur, qui fut réalisée le 25 octobre 1999 par madame Marylise Forget, ergothérapeute. Au cours de l’évaluation, madame Forget indique s’être procurée les diverses informations quant au poste de contremaître mécanicien au système Repères (1999), de la Classification Nationale des Professions et des informations fournies par le travailleur. Elle n’a pas fait de visite de poste de travail. Elle identifie les problèmes éprouvés par monsieur Filion comme ceci :

(…)

-          Douleur à la conne cervicale, occasionnelle au repos et constante au mouvement.

-          Douleur constante à la colonne dorsale située entre les 2 omoplates.

-          Douleurs augmentées par les mouvements du cou et des épaules, à l’effort et par le maintien prolongé d’une position.

-          Amplitudes articulaires actives des épaules limitées par la douleur en fin de mouvement.

-          Mobilité du cou réduite par la douleur.

-          Diminution de la tolérance debout statique.

-          Diminution de la tolérance à la position assis statique si la tête n’est pas appuyée.

-          Diminution de la tolérance en position accroupie.

-          Diminution de la tolérance des membres supérieurs en élévation (statique et dynamique) D‹G.

-          Incapacité à adopter la position couchée sur le dos.

-          Incapacité à soulever des charges supérieures à 40 lb (sol-taille), 40 lb ( taille-taille) et 35 lb (taille-taille). 

-          Difficulté à soulever des charges supérieures à 0 lb (sol-taille), 10 lb (taille-taille) et 5 lb (taille-taille).

-          Difficulté à manipuler de façon répétitive des charges de 5 -10 lb.

-          Diminution de l’endurance à l’activité, déconditionnement dû à l’arrêt de travail prolongé.

 

 

[78]           Appelée à se prononcer sur la capacité de monsieur Filion à effectuer un emploi de contremaître en mécanique ou tout autre emploi rémunérateur, madame Forget indique que celui-ci ne peut accomplir ce travail en raison de ses incapacités diverses telles que relatées auparavant. Elle ajoute ceci :

(…) La douleur provoquée par l’adoption de la position accroupie, de la position couché sur le dos et de la position debout et de la position statique avec légère flexion du tronc vers l’avant limite sa capacité à vérifier le travail effectué par les mécaniciens. Nous croyons également que la conduite des véhicules lourds ne serait pas sécuritaire dû à la limitation des amplitudes articulaires du cou rendant la vision des angles morts difficile.(…)

 

 

[79]           Elle indique également, en ce qui a trait à la capacité du travailleur à effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile, que ce dernier n’est pas apte à effectuer des travaux tels que pelleter de la neige, peindre, laver des murs, plafond et plancher, tondre la pelouse, ramasser des feuilles, déplacer des meubles.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[80]           Conformément à la loi, la commissaire soussignée a reçu l’avis des membres issus des associations d’employeurs et syndicales sur l’objet des litiges.

[81]           Le membre issu des associations patronales et celui issu des associations syndicales sont d’avis que l’emploi de contremaître mécanique ne constitue pas un emploi convenable au sens de la loi, car cet emploi ne respecte pas les limitations fonctionnelles du travailleur. En effet, ils retiennent que le travailleur, agissant comme contremaître et étant reconnu comme expert en son domaine sur les questions techniques doit de façon claire s’impliquer physiquement dans la réalisation du travail et lors de l’assistance aux mécaniciens sous sa gouverne.

[82]           Sur la question des frais d’entretien du domicile faite en vertu de l’article 165 de la loi, les membres sont d’avis que le travailleur peut y avoir droit, ce dernier étant porteur d’une atteinte permanente grave au sens de la loi.

[83]           Quant à la récidive, rechute ou aggravation survenue le 17 novembre 1997, ils sont d’avis qu’il n’y a pas de preuve médicale prépondérante que le travailleur a présenté une détérioration objective de sa condition lorsqu’il a produit sa réclamation; le diagnostic de hernies discales multi-étagées n’est pas en relation non plus car l’imagerie ne correspond pas à la clinique.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[84]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’emploi de contremaître mécanicien constitue un emploi convenable au sens de la loi et si le travailleur était capable de l’exercer à compter du 18 septembre 1997. Elle doit également décider si monsieur Filion a droit au remboursement de frais pour l’entretien de son domicile et elle doit décider si monsieur Filion a été victime d’une récidive, une rechute ou une aggravation le 17 novembre 1997.

[85]           La Commission des lésions professionnelles a étudié avec intérêt l’ensemble de la preuve tant documentaire que testimoniale qui fut présenté devant elle. Elle disposera tout d’abord de la question de l’emploi convenable; par la suite elle rendra sa décision sur la question des frais d’entretien courant du domicile et terminera avec la question de la récidive, une rechute ou une aggravation qui se serait manifestée le 17 novembre 1997. Elle rend en conséquence la décision suivante.

[86]            La loi définit, à son article 2, l’emploi convenable de la façon suivante :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

«emploi convenable» : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur

________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1.

 

 

[87]           L’article 171 de la loi édicte :

171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.

 

      Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.

________

1985, c. 6, a. 171.

 

 

 

[88]           Pour être un emploi convenable au sens de la loi, l’emploi convenable doit donc être approprié et :

-         respecter la capacité résiduelle du travailleur;

-         permettre l’utilisation des qualifications professionnelles du travailleur;

-         présenter une possibilité raisonnable d’embauche;

-         ne pas comporter de danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité du travailleur compte tenu de sa lésion.

[89]           Il convient de noter que si l’une ou l’autre de ces conditions n’est pas rencontrée, l’emploi en question ne sera pas convenable au sens de la loi.

[90]           La question de l’emploi convenable se pose dans le cadre du droit à la réadaptation d’un travailleur qui, en raison d’une lésion professionnelle, a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, tel que décrit à l’article 145 de la loi :

145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

[91]           Pour assurer au travailleur l’exercice de son droit à la réadaptation, la CSST prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan de réadaptation qui peut comprendre, comme dans le présent cas, un programme de réadaptation professionnelle; c’est là le sens de l’article 146 de la loi :

146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.

 

        Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.

________

1985, c. 6, a. 146.

 

 

[92]           Le premier élément, soit la capacité résiduelle du travailleur, s’évalue en fonction des limitations fonctionnelles et en fonction de la condition globale du travailleur. Il convient de regarder les limitations fonctionnelles, eu égard à l’emploi identifié.

[93]           Ces limitations fonctionnelles sont celles retrouvées à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale du 23 juillet 1997; il convient de citer à nouveau les conclusions du docteur Wiltshire à cet effet :

Le travailleur doit éviter d’effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, extension ou torsion de la colonne cervicale.

 

 

[94]           La Commission des lésions professionnelles rappelle être liée par ces conclusions puisque la décision faisant suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale ne fut pas contestée.

[95]           La Commission des lésions professionnelles considère que l’emploi de contremaître mécanique ne constitue pas un emploi convenable en soi pour le travailleur.

[96]           Lors de la visite de poste effectuée en août 1997 chez l’employeur, où monsieur Claude Bougie, ergothérapeute était présent, il fut clairement admis tout d’abord que le travail de mécanicien ne respectait pas les limitations fonctionnelles du travailleur parce que le travail demandait d’adopter des positions trop contraignantes que monsieur Filion ne pouvait plus accomplir. Malgré cela, il fut quand même identifié que monsieur Filion pouvait exercer des fonctions de contremaître mécanique car celui-ci possédait, de l’avis de tous, les compétences techniques afin d’accomplir ces fonctions. Or, dans le cas sous étude, il n’était pas suffisant de vérifier les compétences techniques du travailleur à réaliser ces tâches; il fallait également évaluer s’il était capable d’exercer toutes les tâches d’un tel emploi. Or, aucune étude de ce poste ne fut réalisée par monsieur Bougie alors qu’il était sur place et aucune ne fut non plus réalisée par la suite. Monsieur Sylvestre non plus n’a procédé, de visu et alors qu’il était sur place, à une telle évaluation.

[97]           De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, il s’agit d’un domaine très technique où le contremaître doit prendre une part très active sur le plan physique et qu’il est de la nature même du travail de contremaître de pouvoir vérifier lui-même la nature des travaux de réparation qui doivent être effectués ou des pièces à être changées à l’intérieur d’un véhicule routier. Le contremaître ne peut se fier uniquement sur les dires du mécanicien, pour qui il est la personne-ressource; il se doit bien des fois de regarder lui-même de quoi il en retourne et, également d’aider son employé à réaliser son travail. La Commission des lésions professionnelles ne peut comprendre comment un tel emploi ne demanderait qu’à demeurer assis derrière un bureau et qu’il s’agirait pour le contremaître de poser un diagnostic ou de trouver une solution à distance, sur les dires d’une autre personne. Le tribunal retient à cet effet les informations fournies par messieurs Cyr et Filion, qui ont une expérience réelle en milieu de travail à cet effet.

[98]           Comme il est clair que le travailleur ne possède pas la capacité physique de faire ce travail, il manque donc un des critères essentiels pour que l’emploi soit considéré comme convenable.

[99]           Le travailleur, et ceci est clairement rapporté aux notes évolutives, a déjà occupé les fonctions de contremaître chez le même employeur il y a quelques années, sans succès. Il fut alors jugé que monsieur Filion, bien qu’il avait les connaissances techniques, ne possédait pas la personnalité pour faire un bon employé rentable à ce chapitre. Ceci ne fut jamais approfondi lors des diverses démarches et entrevues en réadaptation. Le travailleur ne possède pas nécessairement toutes les qualifications professionnelles pour pouvoir exercer cet emploi dans toutes les sphères d’activités identifiées par les outils de recherche. Il a une expérience de travail quasi unique dans le domaine des véhicules lourds et il fut clairement identifié que ses qualifications n’étaient pas transférables dans un autre domaine, par exemple la mécanique automobile.

[100]       Quant à la condition globale du travailleur, il faut prendre un individu tel qu’il se présente; il faut noter que monsieur Filion demeure avec des limitations de mouvement et de l’intolérance à effectuer certaines activités simples; l’évaluation fonctionnelle effectuée par madame Forget, ergothérapeute, confirmait en ce sens ce que les différents experts au dossier ont constaté.

[101]       La Commission des lésions professionnelles va maintenant examiner la question à savoir si le travailleur a droit, en vertu de l’article 165 de la loi, au remboursement des frais d’entretien de son domicile.

[102]       L’article 165 se lit ainsi :

165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[103]       Cette disposition implique, en pré-requis, la présence d’une atteinte permanente, tel que mentionné à l’article 145 précité.

[104]       Et la réadaptation sociale a, selon l’article 151, pour but d’aider un travailleur à surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles.

 

[105]       L’article 165 a déjà fait l’objet d’interprétation à plusieurs reprises par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles, notamment en ce qui concerne la notion d’ « atteinte grave » qui n’est pas définie dans la loi.

[106]       Il ressort de l’ensemble de la jurisprudence que cette interprétation doit être faite en regard des objectifs de la loi, qui visent la réparation des conséquences d’une lésion mais, surtout, en fonction de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées à l’article 165. On ne pourrait admettre, par exemple, qu’un travailleur ne puisse refaire son travail pré-lésionnel et l’admettre en réadaptation tout en exigeant qu’il effectue des travaux d’entretien du domicile qui peuvent demander de plus grands efforts.

[107]       Dans la cause Chevrier et Westburne ltée[2], la commissaire Cuddihy mentionne ceci, concernant le taux d’incapacité :

(…) C’est ainsi qu’il importe peu de se référer au taux d’incapacité comme tel car il est facilement concevable qu’une personne, suite à une lésion professionnelle, subisse une atteinte très grave à son intégrité physique qui ne l’empêcherait pas par ailleurs, de faire les travaux d’entretien de son domicile. (…)

 

 

[108]       Ainsi, si l’atteinte résultant de la lésion professionnelle empêche le travailleur d’accomplir les travaux d’entretien courant de son domicile, qu’il effectuait lui-même avant d’être victime d’une lésion professionnelle, cette atteinte doit être qualifiée de grave au sens de l’article 165.[3]

[109]       Dans le cas de monsieur Filion, il fut mis en preuve que ce dernier, avant la survenance de sa lésion, entretenait lui-même l’extérieur de sa résidence et que, depuis ce temps, il doit avoir recours aux services de son beau-frère pour l’entretien de la pelouse, le taille-bordure, épandre l’engrais, le lavage des fenêtres, le ramassage des feuilles, le nettoyage des gouttières, le déneigement à la pelle. 

[110]       Le travailleur, qui est porteur de limitations fonctionnelles, doit éviter d’effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, extension ou torsion de la colonne cervicale. Eu égard à ces limitations, le travailleur peut-il procéder à l’entretien courant de son domicile? La Commission des lésions professionnelles conclut que non. En ce sens, la Commission des lésions professionnelles réfère à cet effet aux témoignages du travailleur, de monsieur Bernard Groulx ainsi qu’au rapport de l’ergothérapeute Marilyse Forget quant à l’incapacité de monsieur Filion à refaire l’entretien extérieur courant de son domicile.

[111]       La Commission des lésions professionnelles reconnaît donc que Monsieur Filion a droit au remboursement des frais qu’il doit encourir à ce chapitre.

[112]       Quant à la question de la récidive, la rechute ou l’aggravation survenue le 17 novembre 1997, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante.

[113]       La loi définit, à l’article 2, la lésion professionnelle :

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation ;

________

1985, c. 6, a.2; 1997, c.27, a. 1.

 

 

[114]       Les notions de récidive, de rechute ou d’aggravation d’une blessure ou d’une maladie survenue par le fait ou à l’occasion d’un accident de travail sont donc comprises dans la notion de lésion professionnelle. Comme elles ne sont pas définies dans la loi, il faut donc s’en référer à leur sens courant pour en comprendre la signification.

[115]       Un examen des définitions qui en sont données dans les dictionnaires permet de dégager qu’il peut s’agir d’une reprise évolutive, d’une réapparition ou d’une recrudescence des symptômes.[4] 

[116]       Il n’est par ailleurs pas nécessaire que la récidive, la rechute ou l’aggravation résulte d’un nouveau fait accidentel. Il faut cependant qu’il y ait une preuve médicale prépondérante pour établir la relation entre la pathologie présentée par un travailleur à l’occasion de la récidive, la rechute ou l’aggravation alléguée et celle survenue par le fait ou à l’occasion de la lésion initiale.

[117]       Dans la décision Boisvert et Halco inc.[5], le commissaire Tardif établit certains paramètres quant à l’établissement de la relation entre la récidive, la rechute ou l’aggravation alléguée et l’événement initial :

1.                  La gravité de la lésion initiale;

2.                  La continuité de la symptomatologie;

3.                  L’existence d’un suivi médical;

4.                  Le retour au travail, avec ou sans limitations fonctionnelles;

5.                  La présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique;

6.                  La présence ou l’absence de conditions personnelles;

7.                  La compatibilité de la symptomatologie alléguée au moment de la rechute, récidive ou aggravation avec la nature de la lésion initiale;

8.                  Le délai entre la rechute, la récidive ou l’aggravation et la lésion initiale.

[118]       Concernant l’affaire en l’instance, la Commission des lésions professionnelles est d’avis de rejeter la demande du travailleur pour les motifs suivants.

[119]       Tout d’abord, la Commission des lésions professionnelles note que le traumatisme subi était quand même précis, sans cependant incapaciter le travailleur avant plusieurs semaines. Il n’apparaît pas que le travailleur ait souffert d’une hémorragie, d’œdème, de lésion ou abrasion, de fracture. Elle note également que le travailleur, avant cet événement, n’éprouvait aucun symptôme au niveau cervical ni dorsal et pouvait vaquer à toutes ses occupations sans aucune difficulté.

[120]       Elle convient également que, suite à l’événement, monsieur Filion a toujours conservé des douleurs et des raideurs au niveau cervical ainsi que des engourdissements aux mains. La lésion professionnelle fut consolidée en mai 1997 sans atteinte permanente mais avec limitations fonctionnelles. Cependant, la Commission des lésions professionnelles rappelle que monsieur Lussier est porteur d’une discopathie cervicale et dorsale dégénérative qui était présente lors de la survenance de l’événement initial; elle se réfère entre autres à la première résonance magnétique réalisée le 6 mars 1997. À ce moment, il n’y avait aucune preuve de hernie discale ni d’examen clinique concluant à cet effet. L’É.M.G. réalisée le 13 janvier 1997 démontrait quant à elle une neuropathie cubitale bilatérale. Aucun déficit moteur ne fut mis en évidence.

[121]       C’est lors de la réalisation d’une seconde résonance magnétique effectuée en juillet 1997, que l’imagerie démontre la présence de hernies discales. Le docteur Tremblay, qui a témoigné lors de l’audience, a par ailleurs admis que le rachis de monsieur Filion présente des changements dégénératifs.

[122]       De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, le fait que le travailleur n’ait eu à cesser le travail que plusieurs semaines après la survenance de l’événement, sans que des blessures apparentes ne soient diagnostiquées auparavant, vient amoindrir le témoignage du docteur Tremblay quand ce dernier indique que le travailleur a subi un traumatisme axial important pouvant engendrer les hernies discales.

[123]       Les documents contemporains à la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation ne démontrent pas de signes cliniques objectifs pouvant démontrer la présence objective de hernies discales; les examens cliniques réalisés ne correspondent pas à l’imagerie médicale. Or la jurisprudence de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des lésions professionnelles est à l’effet que l’on ne saurait reconnaître des diagnostics de hernies discales sur la seule foi d’une imagerie radiologique en l’absence de signe neurologique.[6]

[124]       La Commission des lésions professionnelles conclut donc que les diagnostics de hernies cervicale centrale C6-C7 et para médiane en D3-D4 ne peuvent être retenus, n’ayant pas été démontrés par des signes cliniques objectifs corroborant l’imagerie médicale. Au surplus, si le travailleur était porteur d’un syndrome radiculaire cervical d’origine discale, puisque ce dernier indique éprouver des engourdissements au niveau des auriculaires des mains, la racine irritée devrait être celle qui se situe en C8, correspondant à l’espace intervertébral C7-D1; or, la É.M.G. réalisée en janvier 2000 indiquait une radiculopathie C6 gauche.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête du travailleur, monsieur Michel Filion;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 3 février 1999, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’emploi de contremaître mécanique ne constitue pas un emploi convenable au sens de la loi;

DÉCLARE que monsieur Michel Filion a droit aux bénéfices prévus par la loi;

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin qu’elle détermine un emploi convenable au sens de la loi;

DÉCLARE que monsieur Michel Filion a droit au remboursement des frais d’entretien courant de son domicile en vertu de l’article 165 de la loi;

DÉCLARE que monsieur Michel Filion n’a pas subi de lésion professionnelle, soit une récidive, une rechute ou une aggravation le 17 novembre 1997. 

 

 

 

 

Manon Gauthier

 

Commissaire

 

 

 

 

 

Laporte & Larouche

(Me André Laporte)

896, boul. Manseau

Joliette (Québec)

J6E 3G3

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

Panneton Lessard

(Me Carole Bergeron)

432, rue de Lanaudière

Joliette (Québec)

J6E 7N2

 

Représentante de la partie intéressée

 

 

 



[1]           L .R.Q., c. A-3.001

[2]           16175-08-8912, 90-09-25, M. Cuddihy, commissaire

[3]           Gagnon et Bombardier inc., 10565-03-8901, 91-07-17, J.M. Dubois, commissaire; Lagassé et Construction Atlas inc., 58540-64-9404, 95-10-31, F. Poupart, commissaire; Labelle et Épiciers Unis Métro Pierrefonds, 109622-07-9901, 99-12-23, P.Sincennes, commissaire.

[4]           Laporte et Compagnie Minière Québec-Cartier  (1989) CALP, 38

[5]           (1995) CALP, 19

[6]           Noël et Gaspésia ltée, CALP 70516-01-9506, 26 juillet 1996,  Jean-Guy Roy, commissaire; Soucy et Nettoyage Pressage Industriel, CALP 75649-60-9512, 24 mars 1997, Francine-Dion-Drapeau, commissaire; Paris et Katescorp, CALP  87396-61-9704, 4 mars 1998, Réal Brassard, commissaire; D’Amico et Saramac inc., CALP 102363-73-9807   et 102363-73-9807, 10 mars 1999, Robert Daniel, commissaire.

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