Davilmar c. W. Charlot Farms Limited | 2022 QCCS 4399 |
COUR SUPÉRIEURE | ||||||
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CANADA | ||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||
DISTRICT DE | TERREBONNE | |||||
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No : | 700-17-017208-207 | |||||
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DATE : | 28 novembre 2022 | |||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | ANNIE BREAULT, J.C.S. | ||||
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CATHERINE DAVILMAR personnellement et en sa qualité de tutrice de sa fille ASHLEY DAVILMAR-CLOKIE | ||||||
STÉPHANE CARON | ||||||
Demandeurs | ||||||
c. | ||||||
W. CHARLOT FARMS LIMITED | ||||||
Défenderesse | ||||||
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JUGEMENT | ||||||
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[1] Les démarches des demandeurs Catherine Davilmar et Stéphane Caron (respectivement « Davilmar » et « Caron »[1]) les amènent à faire affaire avec la défenderesse W. Charlot Farms Limited (« W. Charlot ») pour l’achat d’une jeune jument de trois ans nommée Viva’s Vixen (« Vixen »).
[2] Invoquant la garantie légale de qualité, les demandeurs recherchent l’annulation de cette vente et réclament le remboursement du prix de vente et l’octroi de divers dommages-intérêts, incluant des dommages-intérêts moraux et punitifs.
[3] Les demandeurs soutiennent ainsi que Vixen est atteinte d’un syndrome d’encensement de la tête (head shaking) et qu’elle ne peut servir à l’usage pour lequel elle a été acquise, soit de participer à des compétitions équestres amateurs dans la catégorie Chasseur.
[4] W. Charlot conteste la validité de ce diagnostic ou, à tout le moins, plaide que Vixen était une jument en parfaite santé lors de sa vente. Elle conteste également que Vixen ait été acquise pour participer à des compétitions, mais bien pour permettre à la fille des demandeurs, Ashley, de suivre des leçons d’équitation de niveau débutant[2].
[5] S’estimant abusivement poursuivie, la défenderesse, par voie de demande reconventionnelle, requiert une déclaration d’abus et l’octroi de dommages-intérêts pour tenir compte de cet abus de la procédure et de manquements importants dans le déroulement de l’instance.
QUESTIONS EN LITIGE :
[6] Il y a lieu de mentionner d’entrée de jeu certains constats.
[7] Premièrement, W. Charlot convient que la clause d’élection de for et celle relative à l’application du droit de l’Ontario contenues au contrat de vente du 5 octobre 2019 ne sont pas applicables au litige[3], reconnaissant ainsi que la compétence de la Cour supérieure du Québec à en disposer de même que l’application du droit du Québec.
[8] Deuxièmement, W. Charlot ne plaide pas l’application de la clause limitative de garantie qui y est prévue, par ailleurs inopposable en droit québécois étant donné son statut de vendeur professionnel.
[9] Troisièmement, la demande en ce qui concerne Caron doit être rejetée. Il n’existe aucun lien de droit entre lui et W. Charlot; Davilmar et Ashley sont les propriétaires de Vixen suivant les termes du contrat. La preuve ne permet pas d’identifier aucun autre fondement, contractuel ou extracontractuel, ni aucun préjudice susceptible d’indemnisation en faveur de Caron qui n’a d'ailleurs pas témoigné lors de l’instruction.
[10] Ces constats faits, le litige pose les questions suivantes :
[11] S’ajoutent à ces questions, une objection formulée par W. Charlot lors de l’instruction et prise sous réserve afin d’en disposer dans le cadre du présent jugement. Cette objection, qui vise le dépôt en preuve de diverses preuves de paiements au motif de tardiveté, sera discutée et décidée dans le cadre de la question 2 lors de l’analyse des divers montants réclamés à titre de dommages-intérêts.
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[12] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal est d'avis que sont établies les conditions d'ouverture des présomptions de connaissance et d'existence du vice prévues au Code civil du Québec (« C.c.Q. ») ainsi qu'à la Loi sur la protection du consommateur[4] (« L.p.c. »). Le Tribunal conclut également que W. Charlot n'a pas réussi à repousser ces présomptions de façon à dégager sa responsabilité. La vente de la jument Vixen est donc résolue, les montants réclamés, accordés en partie et la demande reconventionnelle, rejetée.
analyse
[13] Après avoir exposé les faits pertinents, le Tribunal exposera les principes devant guider son analyse avant de les appliquer aux faits du litige.
1.1. FAITS PERTINENTS
[14] Davilmar et Caron sont respectivement gestionnaires dans le domaine de la santé et dessinateur industriel. Ils ont une certaine connaissance du domaine équestre pour y avoir été exposés en conséquence de la pratique de ce sport par leur fille depuis son plus jeune âge. En 2019, Ashley est âgée de 13 ans et participe à des compétitions équestres amateurs dans la catégorie Chasseur au niveau régional. Elle aspire à se qualifier aux niveaux supérieurs de ce sport qu'elle pratique depuis 10 ans.
[15] Jusqu’à maintenant, Ashley a eu recours à des chevaux offerts à la location. Désireux de la supporter dans l’atteinte de ses objectifs, les demandeurs se mettent à la recherche du cheval idéal avec l’assistance d'Annie Guillemette, son entraîneuse de l’époque. Ils visitent plusieurs éleveurs, dont W. Charlot avec qui cette entraîneuse a déjà fait affaire. Ils cherchent non seulement un cheval présentant du potentiel, mais également celui représentant le meilleur match pour Ashley.
[16] W. Charlot est une entreprise située en Ontario qui fait des affaires dans le domaine de l’élevage de chevaux, dont ceux de sport de haute performance (Breeders of premium performance sport horses[5]). Nommée éleveur de l’année en 2015, W. Charlot offre en vente tant des chevaux dressés que des chevaux dont le dressage est à faire (competition ready performer / young prospect[6]). Fondée par Augustin Walch il y a plus de 80 ans, et exploitée au Canada depuis 42 ans, cette entreprise familiale est gérée depuis mars 2021 par Inge Walch (« Walch ») qui en est la seule actionnaire et administratrice. Walch est toutefois impliquée dans W. Charlot, aux côtés de son père, depuis une trentaine d’années.
[17] Deux visites ont lieu chez W. Charlot à l’été 2019 : les 25 et 26 juillet puis les 27 et 28 août.
[18] La première visite s’avère infructueuse. À distance, au moyen de vidéos qui lui sont transmis, l'entraîneuse Guillemette juge que les chevaux disponibles ne sont pas intéressants. La seconde visite est organisée à la suite d’une visite de l’entraîneuse Guillemette chez W. Charlot pour le compte d’un autre client qui lui permet d’identifier certains autres chevaux, potentiellement intéressants. Walsh précise que certains des chevaux sélectionnés ne sont pas débourrés[7], ce qui est le cas de Vixen.
[19] Lors de cette deuxième visite, l’entraîneuse Guillemette est présente. Les versions des parties divergent quant au déroulement de cette rencontre, soit quant au fait qu’Ashley ait été autorisée à monter un ou deux chevaux. Il n’est toutefois pas contredit que Vixen n’est pas montée par qui que ce soit, mais uniquement longée, s’agissant d’une jeune jument non débourrée et qui, donc, n’avait pas encore été habituée à recevoir un cavalier, ni même une selle.
[20] Après avoir hésité entre un autre cheval et Vixen, le choix se porte sur Vixen. Les discussions pour fixer le prix de vente ont lieu entre l’entraîneuse Guillemette et l’adjointe administrative de W. Charlot. Le prix de vente convenu est de 30 375,00 $ plus taxes, soit 31 893,75 $, la vente étant toutefois conditionnelle à un examen préachat par un vétérinaire[8].
[21] Au terme de cet examen préachat qui a lieu le 17 septembre 2019, la vétérinaire note une bosse de tissu mou (fetlock « bump » of soft tissue)[9] dont le contrat de vente fait mention et à l’égard de laquelle est prévue une garantie conventionnelle dans l’éventualité où cette condition avait pour effet d’empêcher Vixen d’être adéquate pour participer à des compétitions amateurs dans la catégorie Chasseur (no longer suitable for Hunter competitions at the amateur level). À noter toutefois que cette condition n’est pas reliée au vice dont se plaignent les demandeurs.
[22] À la suite de cet examen, le contrat de vente daté du 5 octobre 2019, composé des deux documents respectivement intitulés equine purchase bill of sale et agreement, est signé. Davilmar et Ashley y sont indiquées comme étant les acheteurs de Vixen. Le contrat prévoit que la vente est faite sans garantie autre que celle consentie conventionnellement à la suite de l’examen préachat[10].
[23] Le 8 octobre 2019, Vixen est livrée à l’Écurie Vallée des Bois de Laval.
[24] Ce n’est qu’en mai 2020 qu’est notée l’apparition de mouvements de tête chez Vixen. Davilmar témoigne que depuis la vente Vixen est davantage maintenue à l’intérieur de l’écurie, et ce, jusqu’au printemps 2020. Pour favoriser une adaptation en douceur et lui permettre de s’acclimater à son nouvel environnement étant donné son jeune âge, Vixen est mise seule dans un box dans un premier temps, puis en compagnie d’un autre cheval.
[25] Par la suite, l'arrivée de températures hivernales explique le maintien de Vixen davantage à l'intérieur de même que la survenance d'une entorse, en janvier 2020. S’y ajoute le contexte lié à la Covid-19 peu de temps après.
[26] Le 8 janvier 2020, Vixen est examinée par la vétérinaire Sylvie Surprenant, à la suite de cette blessure, pour une boiterie aigüe du membre antérieur gauche. Le 22 janvier 2020, la Dre Surprenant procède à une échographie et recommande un repos complet. La durée totale de cette convalescence est de quatre mois[11].
[27] Vixen reprend un certain entraînement en février 2020 avant que ne soit déclarée l’urgence sanitaire de la Covid-19 à la mi-mars 2020.
[28] Vixen est toutefois transférée le 24 mars 2020 de l’Écurie Vallée des Bois à l’Écurie Anémo de Mirabel. Il s’agit d’une écurie orientée vers la compétition et qui correspond donc davantage aux objectifs d’Ashley. Ce transfert coïncide avec un changement d’entraîneur, l’entraîneuse Maude Boulanger-Bouchard prenant le relais de l’entraîneuse Guillemette. De même, Vixen devient sous les soins de la Dre Marylène Bélisle, vétérinaire attitrée de l’Écurie Anémo, qui voit Vixen pour la première fois le 4 mai 2020, notamment pour l’examen de sa boiterie[12].
[29] Au début de mois de mai 2020, un relâchement des mesures sanitaires permet à l’entraîneuse Boulanger-Bouchard de débuter l’entraînement de Vixen à l’extérieur. Elle constate alors que le soleil semble avoir un effet sur elle et susciter des mouvements répétés de tête. Après quelques semaines à observer ce phénomène, elle informe Davilmar de ses soupçons quant à un possible encensement de la tête.
[30] Davilmar informe immédiatement Walch de ces soupçons et du fait qu'ils doivent être plus amplement évalués par l’entraîneuse et la vétérinaire.
[31] Le 4 juin 2020, Vixen est vue par la Dre Bélisle. Lors d'un examen qui a lieu à l’intérieur de l’écurie, la Dre Bélisle constate de légers mouvements à la verticale et, un peu, à l’horizontale en plus de visionner des vidéos du comportement de Vixen à l’extérieur. Son examen est normal à l’exception d’une rougeur et d’un peu d’enflure à un œil, ce qui l’amène à soupçonner une réaction allergique. Un traitement de corticoïdes améliore la condition de l’œil, sans corriger les mouvements de tête.
[32] Le 10 juin 2020, la Dre Bélisle procède à un examen sous sédation de la bouche pour voir si une anomalie à ce niveau peut expliquer le comportement. Elle ne note rien, mais effectue tout de même un râpage dentaire, espérant une amélioration, et poursuit le traitement de corticoïdes. Le port d’un masque facial et de filets de nez sont également utilisés pour tenter de contrer les effets soupçonnés du soleil.
[33] En l’absence d’amélioration, la Dre Bélisle penche vers un possible diagnostic d’encensement de la tête. Étant donné que Vixen est un cheval destiné à la compétition, la Dre Bélisle recommande une investigation plus poussée en milieu vétérinaire hospitalier. Elle suggère le centre hospitalier universitaire de Ste-Hyacinthe (« CHUV ») ou celui de l’Université de Guelph.
[34] Dans l’intervalle, des échanges ont lieu entre Davilmar et des représentants de W. Charlot pour, d’une part, les informer de l’évolution de la situation et, d’autre part, explorer un possible échange de Vixen qui tient compte du prix payé pour l’achat de Vixen, solution qui n’intéresse pas W. Charlot[13].
[35] Du 18 au 20 juin 2020, Vixen subit divers examens au CHUV, sous les soins de la Dre Susana Macieira. Celle-ci constate de très rares mouvements verticaux de tête au pas et au trot. Cette observation a lieu à l’intérieur, mais la Dre Macieira visionne, elle aussi, un ou plusieurs vidéos[14]. Les résultats des tests sont tous normaux et le diagnostic posé en est un d’encensement de la tête idiopathique, et donc de cause inconnue.
[36] L’hypothèse la plus probable, selon la Dre Macieira, est une atteinte du nerf trijumeau. Elle retient également comme envisageable une pathologie débutante des voies respiratoires. Elle recommande certains traitements – antihistaminiques, compléments de magnésium ou une combinaison de compléments magnésium et de bore – de même que d’envisager un CT-scan pour obtenir des images plus sensibles[15].
[37] En parallèle, Davilmar consulte le Dr John Madigan, un vétérinaire pratiquant aux États-Unis, dont le rapport sommaire est produit pour valoir témoignage de cet expert. Sans procéder à un examen de Vixen, l’expert Madigan confirme, sur la foi d'informations et de vidéos transmis par Davilmar que le tout est compatible avec un syndrome d’encensement mettant en cause le nerf trijumeau. Il confirme également qu’il s’agit d’un diagnostic qui se pose par observation et élimination puisqu’il est souvent non relié à quelque lésion de sorte qu’aucun test ou imagerie ne permet de le diagnostiquer. Il formule certaines recommandations (tests, suppléments et changements alimentaires)[16]. Seule celle touchant aux suppléments de magnésium et bore sera appliquée.
[38] Étant donné ces divers constats et la persistance de la problématique, le projet de dresser et entraîner Vixen pour en faire un cheval de compétition est abandonné. Dans la catégorie Chasseur, l’allure du cavalier et de sa monture sont jugés. Les mouvements de tête de Vixen lui assurent un mauvais pointage, et ce, sans compter qu’ils peuvent augmenter la difficulté de la monter, voire de la monter de façon sécuritaire. Cette décision entraîne dans son sillage le transfert de Vixen vers une autre écurie puisqu’elle ne cadre plus avec la vocation de l’Écurie Anémo. Ainsi, en juillet 2020, Vixen est transportée à l’Écurie Célébrité, située à Sainte-Sophie.
[39] Le 25 juin 2020, une mise en demeure est transmise à W. Charlot exigeant l’annulation de la vente, le remboursement du prix de ventre ainsi que le paiement de certains autres dommages[17]. W. Charlot refuse, notamment en l’absence d’un diagnostic clair. En octobre 2020, les présentes procédures sont introduites.
[40] À la suite de l’introduction de l’instance, Vixen est examinée par l’expert retenu par W. Charlot, le Dr Dan Kenney, du Centre hospitalier vétérinaire de l’Université de Guelph en Ontario.
[41] Après plusieurs tests, dont un CT-scan, doublés d’examens quotidiens sur une période de neuf jours entre le 1er et le 9 mars 2021, le Dr Kenney confirme que Vixen est en très bonne condition physique, sans anomalie autre qu’une cicatrice dans la région du cou et de l’épaule, du côté droit, et une légère inclinaison de la tête, vers la gauche. L’examen neurologique – effectué à deux reprises - est normal, sans constat d’un encensement de la tête. Le CT-scan ne révèle aucune lésion. Les résultats des autres tests – formule sanguine, yeux et oreilles – sont aussi normaux. Le rapport du Dr Kenney conclut comme suit[18] :
In summary, Viva’s Vixen W was normal on our examinations except for a mild head tilt to the left, that was present most of the time, and a scar on the right neck/shoulder region. No causes for the alleged head shaking were identified on general physical, neurologic, ophthalmic, otic and oral examinations. Also, no lesions were identified on upper respiratory tract endoscopy of CT scan of the head as to the cause of the alleged head shaking. The head tilt is not an issue as this was not always present, the horse did not seem bothered by it, the horse did not show any other cranial nerve signs, and there was no progression during the hospitalization period. Finally, we did not find any abnormalities to indicate that she could not be used as a hunter.
[42] Depuis la découverte de la condition de Vixen, Ashley poursuit la pratique de l’équitation avec un cheval loué nommé Sir Lancelot[19]. Vixen demeure en pension bien qu’elle ait fait l’objet de divers transferts en 2021. À la suite de la fermeture de l’Écurie Célébrité, elle est transférée à l’Écurie ÉquiSource de Mirabel puis, pour réduire les coûts de pension, à l’Écurie Willdon Stables, située à Mercier, depuis environ un an.
1.2. PRINCIPES APPLICABLES
[43] En droit québécois, bien que les animaux ne soient pas des biens, ils demeurent assujettis aux dispositions relatives aux biens[20].
[44] Le contrat de vente du 5 octobre 2019 est donc régi tant par les dispositions relatives aux biens contenues au C.c.Q. que par celles de la L.p.c., W. Charlot ne le conteste par ailleurs pas. Si besoin est, le Tribunal précise que ce contrat n’échappe pas au champ d’application de la L.p.c., s’agissant d’un contrat, ayant pour objet un bien, conclu entre un consommateur – personne physique – et un commerçant dans le cours des activités de son entreprise[21].
[45] À ce titre, cette vente bénéficie donc de la garantie légale de qualité qui impose au vendeur de garantir à l’acheteur que le bien vendu est exempt de vices cachés au moment de la vente. La mise en œuvre de cette garantie entraîne une analyse en deux étapes. La première étape vise à vérifier si le bien est affecté d’un vice caché. Elle porte sur le bien et sur le comportement de l’acheteur. La seconde étape vise à déterminer la responsabilité du vendeur par l’établissement de sa connaissance, réelle ou présumée, du vice. Cette connaissance permet de décider, le cas échéant, de l’opposabilité d’une clause de limitation de la responsabilité du vendeur.
[46] La garantie de qualité de l’article
CODE CIVIL DU QUÉBEC |
| LOI SUR LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR |
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.
Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
|
| 37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné. 38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien. 53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.
Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.
Ni le commerçant ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.
Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien. |
[47] Le C.c.Q. et la L.p.c. protègent tous deux l’acheteur et visent à assurer sa satisfaction quant à la qualité du bien vendu et à lui permettre de demander soit l’annulation de la vente, soit la diminution du prix de vente lorsque le bien est affecté d’un vice visé par la garantie de qualité. Un tel vice peut être matériel, fonctionnel ou conventionnel,[24] mais, dans tous les cas, il doit présenter les quatre critères cumulatifs essentiels de la garantie de qualité, soit être (1) caché; (2) inconnu de l’acheteur; (3) antérieur à la vente; et (4) suffisamment grave[25].
[48] Le caractère caché du vice s’apprécie selon une norme objective qui s’accompagne d’une obligation de s’informer. Il s’agit de comparer l’examen fait par l’acheteur en fonction de celui qu’aurait fait un acheteur prudent et diligent de même compétence et placé dans les mêmes circonstances[26].
[49] Seul le vice qui existait lors de la vente est visé par la garantie. Le vendeur ne peut en effet se voir imputer la responsabilité d’un vice qui découle d’une utilisation anormale du bien par l’acheteur[27].
[50] Le critère de gravité requiert que le vice entraîne un déficit d’usage. Ce déficit d’usage doit cependant être suffisamment grave. Aux termes de l’article
[51] Pour ce qui est du critère relié à la connaissance de l’acheteur, il s’agit d’une notion subjective. Puisque l’acheteur est présumé de bonne foi, il appartient au vendeur d’établir la connaissance réelle du vice par l’acheteur[29].
[52] Ainsi, exception faite de la connaissance de l’acheteur, le fardeau de la preuve repose sur les épaules de l’acheteur d’établir les critères ci-haut mentionnés.
[53] Toutefois, lorsque la vente intervient avec un vendeur professionnel, certaines présomptions simples[30] s’appliquent : une présomption de connaissance du vice et une présomption d'existence du vice[31]. L’acheteur doit toutefois toujours prouver un déficit d’usage.
[54] Ces présomptions sont mises en place au bénéfice de l’acheteur et visent à alléger grandement le fardeau de preuve qui est le sien au regard de l’établissement des quatre critères cumulatifs caractéristiques du vice caché. Une fois que l’acheteur a établi les conditions d’application de ces présomptions, il s’opère un renversement du fardeau de la preuve : l’article
1.3. DISCUSSION
[55] W. Charlot est, sans discussion, un vendeur professionnel, voire un vendeur professionnel spécialisé.
[56] Qu’en est-il toutefois du déficit d’usage que Davilmar doit établir pour bénéficier des effets des présomptions de connaissance et d’existence du vice et du renversement du fardeau de la preuve que ces présomptions emportent.
[57] Davilmar soutient avoir établi un tel déficit d’usage lié à une condition préexistante qu’elle associe à une hypersensibilité du nerf trijumeau. Cette condition, qui se manifeste avec davantage d’acuité dans un environnement extérieur en période estivale, a pour conséquence que Vixen ne peut être dressée et entraînée pour participer en vue de participer à des compétitions amateurs dans la catégorie Chasseur, sans compter que ces mouvements de tête incontrôlés représentent également un risque pour le cavalier.
[58] W. Charlot conteste ces prétentions tant au niveau de la portée de l’usage auquel elle peut être tenue qu’au niveau de la suffisance de la preuve faite pour établir ce diagnostic et le déficit d’usage. Elle plaide que :
[59] Ainsi, W. Charlot remet en cause le vice allégué par Davilmar dans sa forme conventionnelle ainsi que matérielle et fonctionnelle.
[60] Les prétentions de W. Charlot sont erronées quant à l’aspect conventionnel du vice. Un vice est conventionnel lorsque l’acheteur indique l’usage particulier qu’il entend faire du bien[32]. En l’espèce, l’usage discuté en regard de Vixen n’est pas en vue de cours d’équitation de niveau débutant, comme le prétend Walch, mais bien la compétition amateurs dans la catégorie Chasseur. On trouve confirmation de cet usage dans les termes mêmes du document agreement daté du 5 octobre 2019 aux fins de la garantie conventionnelle relative à la condition osseuse des pattes de Vixen[33]. Si nécessaire, ajoutons qu’il serait surprenant que Davilmar choisisse de faire des affaires avec une entreprise spécialisée de l’envergure de W. Charlot et de verser un prix si élevé si l’usage envisagé est celui avancé par Walch.
[61] Les autres prétentions de W. Charlot reposent sur une mauvaise compréhension du fardeau et des effets des présomptions de connaissance et d’existence du vice.
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présomption de connaissance du vice
[62] Le vendeur professionnel est considéré comme ne pouvant ignorer le vice[34]. En raison de cette connaissance, il n’est pas admis à limiter sa responsabilité[35] et sa responsabilité n'est pas cantonnée à la restitution, en tout ou en partie, du prix de vente, mais peut s’étendre également aux autres dommages-intérêts subis par l’acheteur[36].
[63] Le vendeur professionnel peut échapper à cette présomption en démontrant que le vice ne résulte pas de ses agissements et qu’il ne pouvait être découvert par un vendeur raisonnable placé dans les mêmes circonstances[37].
[64] Les auteurs Pierre-Gabriel Jobin et Michelle Cumyn, dans leur ouvrage La vente, sont d’avis que cette présomption est très forte lorsque le vendeur professionnel est de surcroît un vendeur spécialisé. La force de la présomption de connaissance est alors similaire à celle du fabricant, l'expert ultime en droit québécois à l'égard du bien, pour qui il est généralement impossible de repousser la présomption de connaissance qui pèse sur lui et, ainsi, d’éviter d’indemniser l’acheteur[38].
[65] En matière de protection du consommateur, cette possibilité est réduite à néant : ni le vendeur ni le fabricant ne sont admis à prétendre ne pas avoir connaissance du vice. Pour les auteurs Jobin et Cumyn, il faut y voir une volonté de mettre en place une politique visant à assurer l’indemnisation du consommateur en toutes circonstances[39]. Cette vision trouve appui dans le statut de la L.p.c. qui est une loi d’ordre public de protection d’application large[40].
présomption d’existence du vice
[66] L’acheteur bénéficie de cette présomption dès lors que le mauvais fonctionnement du bien, ou sa détérioration, survient de façon prématurée en comparaison à des biens identiques ou de même espèce :
[67] Cette présomption a pour effet d’alléger de façon importante le fardeau de l’acheteur à qui incomberait autrement la charge d’établir, de façon prépondérante, les critères caractéristiques du vice visé par la garantie de qualité. On lui reconnaît l’effet d’une triple présomption d’existence du vice, d'antériorité et de causalité avec la détérioration du bien[41].
[68] La Cour d’appel dans l’arrêt SNC-Lavalin inc. (Terratech inc. et SNC-Lavalin Environnement inc.) c. Charland qualifie la présomption de l’article
[69] Une fois établi le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration prématurée, et ce, par rapport à des biens identiques ou de la même espèce, l’acheteur obtient le bénéfice de cette triple présomption avec pour effet que l’existence d’un vice au moment de la vente est alors présumée, sans nécessité pour l’acheteur d’en établir la cause.
[70] Pour repousser cette présomption, le vendeur professionnel doit faire la preuve que le vice est attribuable à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur, à la faute d’un tiers ou à un cas de force majeure[43]. La simple preuve d’une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur ne suffit pas pour renverser cette triple présomption : la mauvaise utilisation doit être la cause probable du mauvais fonctionnement ou de la détérioration prématurée[44].
[71] La présomption de l’article
***
[72] Pour satisfaire au fardeau qui est le sien, Davilmar n’est pas tenue de prouver la cause du déficit d’usage et pas davantage le diagnostic d’encensement de la tête. Son fardeau est limité à établir un déficit d’usage.
[73] C’est au vendeur professionnel qu’il incombera généralement d’établir la cause du vice pour repousser la présomption d’existence du vice en imputant à l’acheteur une mauvaise utilisation du bien[47].
[74] Le Tribunal est d’avis que Davilmar a satisfait à son fardeau et ainsi établi un déficit d’usage.
[75] Vixen est affectée d’une condition l’empêchant d’être utilisée pour des compétitions amateurs dans la catégorie Chasseur et ayant également un impact sur la capacité de la monter en toute sécurité, et ce, en lien avec une hypersensibilité du nerf trijumeau, davantage présente à l’extérieur et en période estivale. Cette preuve est supportée par plusieurs éléments de preuve, soit par le témoignage de Davilmar, par ceux des Dres Bélisle et Macieira, dans une moindre mesure, par le rapport de l’expert Madigan, de même que par les images des vidéos mis en preuve[48].
[76] W. Charlot demande au Tribunal de ne pas accorder de valeur à ces témoignages. Dans le cas de Davilmar, au motif que son témoignage est dénué de crédibilité et dans le cas des Dres Bélisle et Macieira et de l’expert Madigan, au motif que leurs observations personnelles de la condition de Vixen sont limitées et basées essentiellement sur de courtes vidéos prisent par Davilmar à deux dates, les 7 et 13 juin 2020. W. Charlot rappelle que l’expert Kenney, pour sa part, n’a pas observé de manifestation d’un syndrome d’encensement de la tête.
[77] Selon le cas, W. Charlot attaque l’existence du déficit d’usage allégué par Davilmar ou sa cause. Le Tribunal discutera ci-après de la preuve par vidéos avant de discuter des témoignages des Dres Bélisle et Macieira, de la preuve d’experts et finalement de la crédibilité de Davilmar.
1.3.1. Vidéos
[78] La preuve d’un élément matériel que constitue la copie des vidéos transférée sur une clé USB a pris une place importante lors de l’instruction. Bien que cette clé USB contienne un nombre plus élevé de vidéos, Davilmar ne produit à l’occasion de son témoignage que les 14 vidéos identifiés à la liste produite comme pièce P-33A.
[79] Avant de s’intéresser au contenu de la clé USB, quelques commentaires s’imposent en lien avec son admissibilité en preuve, et ce, malgré le retrait de l’objection formulée par W. Charlot.
[80] W. Charlot s’objecte à la production de cette clé USB au motif que Davilmar n’a pas établi l’authenticité, conformément à l’article
[81] Davilmar conteste cette objection, soutenant qu’elle est tardive, et demande à procéder à un voir-dire afin d’établir les circonstances de la confection de cette pièce. Ainsi, téléphone à la main, Davilmar témoigne avoir recueilli les vidéos à l’origine avec la caméra de son iPhone. Ce témoignage permet d’établir les dates de chacune des vidéos que Davilmar souhaite introduire en preuve, soit le 7 juin 2020 pour les deux premiers et le 13 juin 2020, pour les autres.
[82] Davilmar confirme par la suite avoir elle-même transféré ces vidéos sur la clé USB, sans altération quant au contenu de chacune de ces vidéos. Elle offre également à l’avocat de W. Charlot d’accéder au contenu de son iPhone pour valider son témoignage quant aux dates et durées des vidéos.
[83] Prise sous réserve, cette objection est abandonnée par W. Charlot lors des observations[49]. Le Tribunal précise néanmoins qu’elle aurait été rejetée à la suite du voir-dire.
[84] La preuve d’authenticité préalable d’un élément matériel peut être faite par tous les moyens. Le témoignage de Davilmar confirme, à tout le moins en partie, les métadonnées attestant de l’authenticité inhérente des enregistrements vidéo d’origine[50], ce que pouvait vérifier W. Charlot, l’iPhone lui étant exhibé et disponible pour vérification de la concordance.
[85] Finalement, si elle avait été accueillie, cela ne change rien au fait que tous les témoins ordinaires et experts ont eu accès à des vidéos, dont les images ont été captées à l’été 2020 de sorte que la preuve contient plusieurs confirmations du comportement capté par ces vidéos, à savoir que Vixen fait des mouvements de tête quasi constants et incontrôlés, particulièrement à l’extérieur en saison estivale.
[86] Ceci étant, les vidéos permettent de valider et comparer le comportement de Vixen à celui des autres chevaux de même que son imprévisibilité et les effets sur la maîtrise du cavalier. D’ailleurs, même sans ces vidéos, Walch, qui a eu accès à ces images, confirme en contre-interrogatoire n’avoir jamais vu un tel comportement. À la lumière de sa vaste expérience, ce commentaire n’est pas insignifiant.
[87] Prise isolément, il est exact que la clé USB est le reflet que de ce qui est filmé les 7 et 13 juin 2020. La persistance du comportement ainsi constaté provient des témoignages de Davilmar, de la Dre Bélisle et, dans une moindre mesure, de la Dre Macieira. Ainsi, lorsque considérée avec les autres éléments de preuve, la clé USB participe à établir un déficit d’usage qui n’est pas limité aux dates des 7 et 13 juin 2020.
1.3.2. Témoignages des Dres Bélisle et Macieira
[88] Toutes deux confirment que le comportement de Vixen est compatible avec un syndrome d’encensement de la tête. Cette confirmation ne prend pas appui uniquement sur les vidéos exhibées par Davilmar à l’été 2020.
[89] La Dre Bélisle traite Vixen de mai 2020 à novembre 2021, soit jusqu’à son transfert à l’Écurie Willdon Stables. Elle a eu l’occasion d’observer Vixen à plusieurs reprises pendant cette période, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, notamment pour évaluer l’absence d’amélioration apportée par le recours à des filets à naseaux (net nose) et à un masque contre les rayons UV.
[90] Si le qualificatif de limitées doit être associé aux observations de la Dre Bélisle, tel que le suggère W. Charlot, c’est en termes de possibilité qui s’offrent à elle de faire de plus amples tests sur place, et non en termes de qualité de son observation sur plus de 18 mois.
[91] Ses examens et observations l’amènent à soupçonner un syndrome d’encensement et, à la suite des tests en milieu hospitalier, son impression n’est pas modifiée.
[92] Quant à la Dre Macieira, elle confirme effectivement que les mouvements de tête qu’elle constate sont légers. Elle ne fait aucun constat à l’extérieur puisque Vixen est maintenue à l’intérieur. Son diagnostic de syndrome d’encensement de la tête est le résultat de ce qu’elle voit en images et de ce qui lui est rapporté par la Dre Bélisle et par Davilmar, mais également de la compatibilité de ces images et propos avec ce qu’elle observe et les résultats des tests effectués.
[93] Ces résultats, tous négatifs, l’amènent donc à cibler une atteinte du nerf trijumeau comme cause probable.
[94] Contrairement à ce que prétend W. Charlot, les recommandations formulées par la Dre Macieira ont toutes été appliquées. Un filet à naseaux (net nose) et un masque bloquant les rayons UV ont déjà été tentés par la Dre Bélisle. Il en est de même pour les doses antihistaminiques. Vixen a également reçu des suppléments de magnésium et de bore.
[95] Seule sa suggestion d’effectuer un CT-scan n’a pas été suivie. Toutefois, cet examen est fait par la suite, soit pendant la période d’observation de l’expert Kenney, sans qu’il ne révèle quoi que ce soit.
[96] À cet égard, l’avocat de W. Charlot fait une affirmation inexacte lorsqu’il plaide que la Dre Macieira aurait affirmé qu’un CT-scan permet à tout coup de confirmer l’atteinte du nerf trijumeau. La Dre Macieira témoigne que les imageries obtenues lors d’un CT-scan sont plus sensibles et permettent de mieux confirmer ou infirmer la présence de masse ou lésions susceptibles d’expliquer une condition, incluant par le constat d’une pathologie des voies respiratoires supérieures, mais que l’atteinte peut demeurer idiopathique en l’absence de masse ou lésion. Le CT-Scan n’a rien révélé de tel.
1.3.3. Preuve d’experts
[97] W. Charlot a raison d’affirmer que le rapport de l’expert Madigan diverge de ce qui est attendu du rôle et des devoirs d’un expert. Il offre une assistance et un éclairage ténus au regard de la décision que doit prendre le Tribunal[51]. En cela, sa pertinence est mince et il participe minimalement à la force probante du déficit d’usage. Il supporte, dans une certaine mesure, l’appréciation de la condition de Vixen faite par les Dres Bélisle et Macieira en termes de compatibilité avec un syndrome d’encensement. En fait, si les services de l’expert Madigan ont été retenus pour son expertise, ils ne l’ont pas été pour mener à terme une démarche d’expertise aux fins de la rédaction d’un rapport d’expertise. En l’absence d’une démarche qui soit menée à terme, son opinion peut au plus être qualifiée de superficielle.
[98] Ceci étant, les carences pouvant être associées au rapport de l’expert Madigan sont sans incidence. La présente affaire est en cela similaire à celle discutée dans l’arrêt Groupe Royal inc. c. Crewcut Investment inc. Discutant du reproche formulé à l’égard du juge de première instance d’avoir omis de considérer les faiblesses de l’expertise de l’acheteur, la Cour d’appel s’exprime comme suit[52] :
[33] Ce double constat permet donc de déclencher la triple présomption de l’article
[34] Dès lors, les expertises produites par les intimées, lesquelles visent à expliquer la source exacte du vice, ne sont pas requises et le fait pour le juge Alain de ne pas en discuter ou de ne pas en relever les éventuelles insuffisances ne peut pas avoir de conséquence sur le fardeau de l’appelante.
[35] Pour le même motif, l’argument de Royale selon lequel le fait que le juge ait recouru à des expertises erronées constitue une raison suffisante pour intervenir ne convainc pas davantage. La Cour note d’ailleurs une contradiction certaine dans l’argumentation de l’appelante puisqu’elle reproche au juge Alain de ne pas avoir commenté ni analysé les rapports d’expertise des intimées tout en plaidant qu’il a commis une erreur en se fondant sur ces expertises, alors qu’elles sont, selon elle, erronées.
[36] En dernière analyse, il n’est pas rare qu’une partie n’ayant pas la charge de la preuve en présente tout de même une. On peut même penser qu’il s’agit là du comportement attendu d’un avocat. Cela ne modifie toutefois pas la charge de la preuve et l’identité de la partie sur qui doit retomber le risque. Accepter le raisonnement de l’appelante, à savoir que, dès lors qu’une partie qui n’a pas la charge de la preuve en produit une, le juge doit non seulement l’évaluer, mais, plus encore, la faire succomber si cette preuve s’avère non concluante, aurait pour effet de neutraliser la présomption légale. En un certain sens, adopter une telle position signifierait que la production d’une preuve d’expert implique la renonciation à la présomption légale. Ce ne peut être l’état du droit.
[Soulignement ajouté]
[99] Ces enseignements sont ici transposables.
[100] De plus, même en écartant le rapport de l’expert Madigan, il demeure que le rapport de l'expert Kenney ne fournit aucune cause susceptible de repousser la présomption de connaissance du vendeur. De plus, loin de contredire l'hypothèse qu'il s'agisse d'une atteinte, ou hypersensibilité, du nerf trijumeau, ce rapport a même pour effet de renforcer cette hypothèse[53].
[101] En effet, il n'est pas contredit que le diagnostic d'encensement de la tête en est un qui s’établit par élimination. Les constats de l'expert Kenney s'ajoutent à ceux de la Dre Macieira avec pour résultat d’écarter les autres causes physiologiques et pathologiques.
[102] Il est vrai que l’expert Kenney n’observe pas de mouvements de tête chez Vixen. Toutefois, son observation a lieu au mois de mars alors que Davilmar et la Dre Bélisle relatent une condition qui se manifeste au soleil et davantage en période estivale. Le rapport de l’expert Kenney ne précise pas les conditions de son observation. L’avocat de W. Charlot plaide qu’il faut comprendre que les observations ont eu lieu tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, mais son rapport, produit pour valoir témoignage, ne le précise pas.
[103] Finalement, l’expert Kenney ne formule aucun commentaire ou explication à propos des images contenues sur la clé USB qu'il a pourtant visionnées[54]. Le fait de simplement maintenir les conclusions de son rapport, après avoir eu accès à ces images, crée l’impression d’une opinion inachevée qui omet de discuter d’un pan important de la trame factuelle.
1.3.4. Crédibilité de Davilmar
[104] W. Charlot soulève plusieurs causes de reproches à l’égard de la crédibilité du témoignage de Davilmar.
[105] Ces reproches sont, pour la plupart, non fondés et ne suffisent pas à retirer toute crédibilité à la narration que Davilmar fait des constats et comportements notés chez Vixen. D’ailleurs, Davilmar fait preuve de transparence et est proactive en dénonçant rapidement à W. Charlot la situation et en la tenant informée des démarches et observations qui prennent place par la suite.
[106] Il est permis de penser que lorsqu’un témoin prend des libertés avec la vérité c’est dans le dessein de dissimuler des faits qui lui sont défavorables. En l’instance, lorsque Davilmar est prise en défaut, c’est sur des faits sans lien avec le cœur du litige.
[107] À titre d’illustrations, il lui est fait reproche de ne pas avoir dévoilé la blessure subie en janvier 2020 par Vixen et ses transferts d’écurie successifs. D’une part, Davilmar affirme avoir fait mention de la blessure[55], affirmation qui n’est pas contredite. D’autre part, aucun lien n’est fait entre ces événements et la condition notée chez Vixen.
[108] Ni Walch, ni l’expert Kenney ne prétend que cette blessure et la façon dont la convalescence a eu lieu ou encore les transferts successifs dont Vixen a fait l’objet ont pu avoir quelque influence que ce soit sur le comportement dont Vixen est affectée. À tout événement et comme l’enseigne la Cour d’appel dans l’arrêt Demilec, pour être considérée et permettre au vendeur d’échapper à sa responsabilité pour le déficit d’usage, la mauvaise utilisation doit en être la cause probable[56].
[109] De la même façon, la cicatrice au cou de Vixen est également pointée par W. Charlot comme étant le signe d'une blessure susceptible d'être une cause possible. Pourtant, bien que l'expert Kenney mentionne cette cicatrice, il ne soutient pas qu'elle puisse expliquer un encensement de la tête. De plus, les tests effectués ne révèlent aucune lésion supportant un lien avec cette cicatrice et la condition de Vixen.
[110] Les seules contradictions ayant quelque pertinence avec le litige touchent à la crédibilité du préjudice subi, et ce, plus particulièrement au chef de réclamation relatif à l’octroi des dommages moraux. En effet, les allégations faites par Davilmar pour justifier les dommages moraux recoupent les allégations faites par elle et Caron dans une autre instance. Dans cette autre instance, Davilmar et Caron réclament une somme de 578 597,46 $ à la suite de brûlures subies par Davilmar à l’automne 2019[57].
[111] La présence d’allégations fort similaires dans deux instances pour justifier dans les deux cas l’octroi de dommages moraux peut certes avoir un impact sur l’évaluation de ce chef de réclamation. Toutefois, le Tribunal est d’avis que cela n’affecte pas la crédibilité du témoignage de Davilmar en regard du déficit d’usage, considéré à la lumière de l’ensemble des éléments de preuve.
[112] Pour le reste, il n'y a rien de reprochable au fait que Davilmar ait été impliquée au cours des années dans plusieurs instances judiciaires[58].
***
[113] En conséquence de ce qui précède, W. Charlot ne réussit pas à repousser les présomptions dont Davilmar bénéficie après avoir établi le déficit en lien avec l’usage de Vixen. La responsabilité de W. Charlot est ainsi établie.
[114] Le non-respect des garanties de bon usage et de durabilité des articles
272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l’exécution de l’obligation;
b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
[115] Davilmar recherche la nullité de la vente, le remboursement du prix de vente de même que divers autres montants totalisant 89 485,03 $ en plus de dommages moraux de 10 000 $ et de dommages punitifs de 2 500 $[60].
[116] Le Tribunal disposera, dans un premier temps de l’objection formulée par W. Charlot, prise sous réserve, quant à l’absence de certaines preuves de paiement et à la tardiveté de la production de certaines autres preuves de paiement au soutien des divers chefs formant la réclamation.
[117] Par la suite, le Tribunal discutera du remède recherché par Davilmar, la nullité du contrat de vente du 5 octobre 2019 ainsi que de ses effets et modalités.
[118] À cet égard, le Tribunal se permet de mentionner que si les chefs formant la réclamation de Davilmar étaient bien identifiés, leur quantification s’est avérée complexe en raison du choix de présentation par périodes et non par chefs de réclamation, obligeant le Tribunal à en faire l’addition, mais également parfois à en revoir la qualification et la répartition par chef de réclamation.
2.1. OBJECTION PRISE SOUS RÉSERVE
[119] L’objection est accueillie, mais qu’en partie.
[120] Elle est en effet bien fondée quant à l’aspect touchant à l’absence de certaines preuves de paiement. Elle est toutefois rejetée quant à l’aspect invoquant la tardiveté de certaines autres preuves de paiement n’ayant pas été communiquées avant l’instruction.
[121] Selon l’article
[122] Les critères applicables pour déterminer si l’autorisation doit être ou non accordée sont ceux énoncés par la Cour d’appel dans l’arrêt Modes Striva[61], soit :
[123] En l’espèce, ces critères justifient que le Tribunal utilise la discrétion dont il dispose pour permettre la production des preuves justificatives que souhaite ajouter Davilmar.
[124] Jusqu’en janvier 2022, Davilmar est représentée par un autre cabinet d’avocats[62]. Dans sa révision du dossier, le nouvel avocat note que certaines preuves justificatives de paiement ont été transmises aux avocats de W. Charlot à titre d’engagements. C’est toutefois en préparation de l’instruction qu’il constate que ces engagements ne visent pas tous les chefs de réclamation et que certaines preuves de paiement demeurent manquantes. Il demande donc à Davilmar de les obtenir pour compléter la preuve des dommages.
[125] Le préjudice pour Davilmar est de se voir privée d’un élément de preuve nécessaire alors que l’ajout en preuve lors de l’instruction de certaines preuves de paiement manquantes n’a aucun impact sur la préparation de W. Charlot ou sur le déroulement de l’instruction, et ce, puisque les factures ainsi complétées ont, elles, été communiquées antérieurement.
[126] En conséquence, le fait d’ajouter ces preuves de paiement au jour de l’instruction ne cause pas de réel préjudice à W. Charlot et ne contrevient pas à la saine administration de la justice. Davilmar, au contraire, subit un préjudice de l’absence de ces documents qui découle de la façon dont elle a été guidée par ses avocats le dossier.
2.2. NULLITÉ DE LA VENTE
[127] Il ne fait pas de doute, en l’espèce, que l’ampleur du déficit d’usage, tant conventionnel, matériel que fonctionnel, justifie l’annulation de la vente. L’usage envisagé est rendu impossible par la condition dont Vixen est affectée et la preuve ne fait voir aucune alternative à cette condition qui doit en conséquence être considérée comme permanente.
[128] Cela amène inévitablement le Tribunal à s’intéresser à la remise en état des parties puisque le contrat annulé ou résolu est réputé n’avoir jamais existé, de sorte que chacune des parties doit restituer à l’autre ce qu’elle a reçu[63].
2.2.1. Restitution des prestations
[129] Le régime de la restitution des prestations est prévu aux articles
[130] Sauf impossibilité, cette restitution des prestations a lieu en nature[64]. Une telle restitution en nature est ici possible[65].
[131] La théorie de la restitution des prestations ne vise pas uniquement les obligations respectives principales des parties. Elle contient en effet des dispositions qui traitent des modalités de la restitution, notamment quant aux fruits et revenus, à la perte totale ou partielle du bien ainsi qu’aux impenses. Ces modalités contenues aux articles
[132] Bien que cela n’ait pas été formellement plaidé, il y a lieu de préciser qu’il n’y a pas lieu d’ajuster la prestation dont W. Charlot est redevable pour tenir compte que Davilmar a la possession et l’usage de Vixen depuis la vente. D’une part, la preuve ne fait voir aucun usage de Vixen et, d’autre part, si usage il y a, il serait visé par l’article
[133] L’article
[134] Pour les raisons qui suivent, le Tribunal est d’avis que les chefs de réclamation suivants se qualifient d’impenses dans le cadre de la restitution des prestations, et ce, pour les montants suivants :
[135] Examen vétérinaire préachat - Davilmar a droit au remboursement de ces frais qui ont été engagés pour conclure la vente[68]. La facture confirme le paiement de ces frais, soit 1 568,55 $[69].
[136] pension – Il s’agit de frais utiles au maintien et à l’entretien de Vixen, mais également de frais que W. Charlot aurait dû assumer si la vente n’avait pas eu lieu[70].
[137] Du 8 octobre 2019 au 31 octobre 2022, les frais de pension, appuyés de preuves de paiement, totalisent 22 801,37 $, à savoir :
| Écurie Vallée des Bois : (P-21 P-21A et P-21B) | 5 083,50 $ |
| Écurie Anémo : (P-22 et P-22A) | 4 547,70 $ |
| Écurie Célébrité : (P-23, P-34 et P-35) | 6 385,00 $ |
| Écurie ÉquiSource : (P-35) | 1 355,67 $ |
| Écurie Willdon Stables (incl. 11/22) : (P-35, P-36, P-37 et P-38) | 5 430,00 $ |
[138] vétérinaire et maréchal-ferrant – Tout comme la pension, ces frais sont reliés au maintien et à l’entretien de Vixen. Les frais appuyés de preuves de paiement totalisent 2 932,58 $, soit :
| Dre Marylène Bélisle : (P-19, P-19A, P-34, P-35 et P-36) | 1 874,68 $ |
| Dre Vyetrogon : (P-24) | 444,97 $ |
| 9411-1606 Québec inc. : (P-P-19, P-19A et P-34) | 310,44 $ |
| Simon McLaughlin : (P-19 et P-19A) | 57,49 $ |
| Sydney Ferrer : (P-34) | 120,00 $ |
| Écurie Willdon Stables : (P-35 et P-36) | 125,00 $ |
[139] INVESTIGATION DU SYNDROME D’ENCENSEMENT – Ces frais sont une conséquence de la condition de Vixen et participent dans une certaine mesure à l’entretien requis par Vixen en raison de sa condition. Cependant, seuls les frais suivants, appuyés de preuves de paiement, sont considérés, ce qui représente 1 034,23 $[71] :
| Dre Marylène Bélisle : | 355,86 $ |
| CHUV incluant transport : | 444,97 $ |
| Suppléments : | 233.40 $ |
[140] Équipements équestres et divers – L’examen des factures soumises permet de classer ces frais en trois catégories : (1) entretien; (2) entraînement et (3) frais divers. Seule la première catégorie se qualifie d’impenses. Le Tribunal identifie une valeur de 1 221,49 $ en équipements et moulée de cette catégorie, appuyés de preuves de paiement[72].
[141] Du total de ces impenses de 29 558,22 $, le Tribunal retranche l’indemnité d’assurance reçue par Davilmar, tel que celle-ci le propose dans l’établissement de sa réclamation, réduisant la somme des impenses à 29 000,39 $.
[142] En conséquence, ces impenses s’ajoutent au prix de vente de 31 893,75 $ pour former la prestation à laquelle W. Charlot est tenue dans le cadre de la restitution des prestations. Ainsi, W. Charlot doit rembourser à Davilmar à titre d’indemnité de restitution une somme de 60 894,14 $ et Davilmar doit laisser W. Charlot prendre possession de Vixen.
[143] Les autres montants réclamés par Davilmar seront examinés ci-après à titre de dédommagement ou d’indemnisation du préjudice à la lumière des règles applicables à la responsabilité civile.
[144] L’utilité de la distinction entre restitution et dédommagement est d’établir la prestation que doit acquitter W. Charlot et en contrepartie de laquelle Vixen peut être récupérée.
[145] Il est à noter que W. Charlot devra supporter les frais requis pour prendre possession de Vixen. En effet, l’article
[146] C’est le cas de W. Charlot; il s’agit là d’une autre conséquence découlant de la connaissance imputée au vendeur professionnel.
2.3. AUTRES DOMMAGES
[147] En raison de la connaissance qui lui est imputée, la responsabilité du vendeur professionnel n’est pas limitée au prix de vente[74]. L’acheteur a alors droit à la réparation du préjudice subi, et ce, conformément aux règles de la responsabilité civile générale[75].
[148] La réparation du préjudice doit viser une indemnisation intégrale, tout en s’assurant de n’indemniser que ce qui est une conséquence directe et immédiate, soit la perte subie, ou le gain manquant et susceptible d’évaluation[76].
[149] Ainsi, ce ne sont pas nécessairement tous les dommages subis qui sont indemnisables, mais uniquement ceux présentant une causalité suffisance avec la faute. La jurisprudence utilise plusieurs méthodes afin d’établir le lien de causalité, soit la théorie de l’équivalence des conditions, celle de la causalité adéquate, celle de la causalité immédiate et celle de la prévisibilité raisonnable, et ce, dans un objectif toutefois commun qui est d’identifier le dommage qui est la conséquence directe, logique, immédiate de la faute[77].
[150] Ce préjudice est susceptible d’avoir deux composantes, soit les pertes pécuniaires et celles non pécuniaires. Lorsque la loi le permet, des dommages punitifs sont susceptibles de s’ajouter.
2.3.1. Pertes pécuniaires
[151] Les autres montants réclamés par Davilmar ne sont pas octroyés pour les motifs suivants :
Il en est de même de la catégorie frais divers qui est composée de factures de Greenhawk et de Boutique équestre Suzanne qui ne permettent pas d’identifier de quoi il s’agit et ainsi de les qualifier de suite directe et immédiate du préjudice;
2.3.2. Pertes non pécuniaires (7 000 $)
[152] À l’instar des pertes pécuniaires, les pertes non pécuniaires doivent satisfaire à la même exigence de causalité et ainsi être une conséquence directe et immédiate de la condition de Vixen. Il s’agit de procéder à une traduction monétaire du préjudice subi. Ces pertes ne visent pas à punir l’auteur de la faute. C’est là le rôle réservé aux dommages punitifs.
[153] L’établissement de ces pertes est un exercice qui ne peut qu’être imparfait, puisqu’une somme d’argent ne peut compenser entièrement, ou parfaitement, les désagréments vécus. Les montants alloués à ce titre par les tribunaux paraissent souvent dérisoires aux victimes, alors que les payeurs les jugent exagérés. Le juge chargé de les établir tente en ce faisant d’arbitrer les perceptions à cet égard[81]. De même, le montant octroyé doit se justifier à la lumière de l’ensemble des autorités jurisprudentielles[82].
[154] Sur la somme de 7 000 $ demandée à titre de dommages moraux, le Tribunal est d’avis qu’un montant de 2 000 $ constitue une indemnisation adéquate pour tenir compte de l’absence de preuve directe quant à la portion attribuable à Ashley, de la contribution des événements extérieurs au litige vécus à la même période par Davilmar, mais également du maintien et de l’entretien que Davilmar a dû assurer auprès de Vixen et des liens affectifs qui se sont, on le comprendra, tissés.
2.4. Dommages-intérêts punitifs (2 500 $)
[155] L’octroi de dommages punitifs vise un objectif de prévention pour décourager la répétition de comportements indésirables, conformément aux termes de l’article
[156] La Cour suprême dans l’arrêt Richard c. Time[83] fait état de l’examen du juge saisi de l’octroi de tels dommages dans le cadre de la L.p.c. : il s’agit d’identifier l’objectif recherché et considérer le comportement du commerçant avant la violation, mais également le changement de comportement noté après la violation.
[157] En l’instance, l’objectif recherché par la L.p.c. est d’assurer la satisfaction de l’acheteur au regard de l’usage projeté et de la durabilité du bien vendu. Cet objectif s’inscrit dans l’objectif plus général de la L.p.c. d’équilibrer les forces contractuelles en présence et d’assainir les pratiques commerciales pour protéger adéquatement le consommateur.
[158] Ces objectifs ont été contrecarrés par le maintien par W. Charlot d’un refus catégorique de reconnaître la condition de Vixen et son impact sur l’usage projeté par Davilmar à son égard.
[159] Ceci étant, l’évaluation des dommages punitifs doit se faire en considérant les critères d’attribution, non exhaustif, prévus à l’article
[160] Dans la présente affaire, la gravité de la faute est augmentée par la nature du bien en cause. Il ne s’agit pas d’un bien qu’on peut entreposer ou laisser de côté. Considérant l’ensemble des circonstances et la fonction préventive visée par l’octroi de dommages punitifs, le montant réclamé de 2 500 $ n’est pas exagéré.
[161] Étant donné la conclusion à laquelle en vient le Tribunal à l’égard de la demande principale, il n’y a pas lieu de considérer que Davilmar est l’auteur d’un abus de procédure[84].
[162] Il n’y a pas davantage lieu de conclure que Davilmar a commis des manquements importants dans le déroulement de l’instance[85].
[163] W. Charlot soulève plus particulièrement une inscription par défaut faite alors qu’un avis de gestion traitant de la défense de W. Charlot avait déjà été notifié pour discuter de la production de ses moyens de contestation.
[164] Cette inscription par défaut est tout au plus discourtoise. Il ne s’agit pas pour autant d’un manquement important dans le déroulement de l’instance.
[165] De plus, elle intervient dans le contexte du non-respect par W. Charlot du protocole de l’instance, lui-même établi sans la participation de W. Charlot qui n’a pas jugé opportun de soumettre une proposition à cet égard, malgré ce que demandent les articles
[166] La nullité de la vente entraînant sa résolution, les parties sont respectivement tributaires d’une prestation de restitution. W. Charlot est tenue à une indemnité de restitution de 60 894,14 $ à la suite de quoi, Davilmar est tenue de la laisser récupérer Vixen, et ce, aux frais de W. Charlot.
[167] Davilmar a également droit à des dommages-intérêts au montant de 2 000 $ et à l’octroi de dommages-intérêts punitifs de 2 500 $.
[168] W. Charlot sera également tenue au remboursement frais de pension postérieurs au 31 octobre 2022. Il s’agit d’un préjudice futur et qui est susceptible d’être évalué[86], W. Charlot devant payer un montant de 450 $ pour chacun des mois additionnels, ou 15 $ par jour, et ce, jusqu’à l’exécution du présent jugement.
[169] Quant à la demande reconventionnelle de W. Charlot, elle est rejetée.
[170] Puisque Davilmar a gain de cause, elle se voit également accorder les frais de justice. Toutefois, le Tribunal précise que ces frais de justice n’incluent pas les honoraires de 300 $ de l’expert Madigan étant donné le peu d’utilité du rapport de cet expert.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[171] REJETTE la demande en ce qui concerne le demandeur stéphane caron;
[172] ANNULE la vente intervenue le 5 octobre 2019 de la jument nommée Viva’s Vixen W., née le 21 mai 2016 et portant le numéro d’enregistrement 2016-[CAN]17694-F2 (pièce P-1)
[173] CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse catherine davilmar la somme de 60 894,14 $ à titre d’indemnité de restitution, avec intérêt au taux légal de 5 % l’an, plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[174] ORDONNE à la demanderesse catherine davilmar de restituer la jument nommée Viva’s Vixen W., née le 21 mai 2016 et portant le numéro d’enregistrement 2016-[CAN]17694-F2 à la défenderesse et lui ORDONNE, à la réception du paiement de l’indemnité de restitution précédemment mentionnée, de laisser la défenderesse en prendre possession;
[175] DÉCLARE que les frais de la restitution sont à la charge de la défenderesse;
[176] CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse catherine davilmar la somme de 2 000 $ à titre de dommages-intérêts, avec intérêt au taux légal de 5 % l’an, plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[177] CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse catherine davilmar la somme de 2 500,00 $ à titre de dommages punitifs, avec intérêt au taux légal de 5 % l’an, plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[178] CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse catherine davilmar l’équivalent de 450 $ par mois – 15 $ par jour – à titre de préjudice futur à compter du 1er novembre 2022, et ce, jusqu’à ce qu’elle ait pris possession de la jument nommée Viva’s Vixen W., née le 21 mai 2016 et portant le numéro d’enregistrement 2016-[CAN]17694-F2;
[179] REJETTE la demande reconventionnelle de la défenderesse;
[180] LE TOUT, avec frais de justice en faveur de la demanderesse catherine davilmar.
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| __________________________________ANNIE BREAULT, J.C.S. | ||||
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Me François Beauvais | |||||
François Beauvais avocats inc. | |||||
Pour les demandeurs | |||||
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DATES D’AUDIENCES: | 31 OCTOBRE, 1ER ET 2 NOVEMBRE 2022 | ||||
[1] L’utilisation uniquement des noms de famille vise à alléger le texte et ne doit pas être vue comme un manque de respect.
[2] La défense et demande reconventionnelle soulève également la tardiveté de la dénonciation du vice. Toutefois, ce moyen n’est pas discuté lors de la plaidoirie et il n’est de toute façon pas supporté par la preuve.
[3] Procès-verbal d’audience du 31 octobre 2022.
[4] RLRQ, c. P-40.1.
[5] Comme mention est faite à son site internet - Pièce P-14.
[6] Idem.
[7] Le débourrage est le fait d’habituer un cheval à être monté par un cavalier.
[8] Pièce P-1.
[9] Pièce P-2.
[10] W. Charlot ne plaide pas l’application de cette clause, manifestement en raison de sa reconnaissance quant à l’application du droit québécois à la relation contractuelle des parties.
[11] Pièce D-4 (Question # 12.).
[12] Pièce P-32.
[13] Pièce P-5A.
[14] Le rapport du 18 juin 2020 (P-9) porte la mention d’un encensement « constaté sur vidéo », mais la Dre Macieira indique ne pas avoir de souvenir avoir eu accès à un ou plusieurs vidéos.
[15] Pièce P-9.
[16] Pièce P-3.
[17] Pièce P-10.
[18] Pièce D-1.
[19] Pièces P-26 et P-27.
[20] Article
[21] Article
[22] Fortin c. Mazda Canada inc.,
[23] Fortin c. Mazda Canada inc., supra, note 22, paragr. 58; CNH Industrial Canada Ltd. c. Promutuel Verchères, société mutuelle d’assurances générales,
[24] ABB inc. c. Domtar inc.,
[25] Id. paragr. 50; Leroux c. Gravano,
[26] Article
[27] ABB inc. c. Domtar inc., supra, note 24, paragr. 53.
[28] Id., paragr. 52.
[29] Id., paragr. 54.
[30] Article
[31] Articles
[32] ABB inc. c. Domtar inc., supra, note 24, paragr. 48.
[33] Pièce P-1: Hunter competitions at the amateur level.
[34] Jean-Louis BAUDOUIN, Patrice DESLAURIERS et Benoît MOORE, La responsabilité civile, 8e éd., Éditions Yvon Blais, Volume II - La responsabilité professionnelle, no 2-401, p. 453 dont une édiction antérieure est citée dans Fédération compagnie d’assurances du Canada c. Joseph Élie ltée,
[35] Article
[36] Article
[37] SNC-Lavalin inc. (Terratech inc. et SNC-Lavalin Environnement inc.) c. Charland,
[38] En sus de la faute de l’acheteur, de celle d’un tiers ou de la force majeure, le seul moyen d'exonération disponible au fabricant est lié au développement des connaissances scientifiques ou technologiques - Pierre-Gabriel JOBIN et Michelle CUMYN,
[39] Pierre-Gabriel JOBIN et Michelle CUMYN, La vente, supra, note 38.
[40] Richard c. Time,
[41] Groupe Royal inc. c. Crewcut Investment inc.,
[42] SNC-Lavalin inc. (Terratech inc. et SNC-Lavalin Environnement inc.) c. Charland, supra, note 37, paragr. 15 et 16.
[43] ABB inc. c. Domtar inc., supra, note 24, paragr. 67; Groupe Royal inc. c. Crewcut Investment inc., supra, note 41, paragr. 33; CNH Industrial Canada Ltd. c. Promutuel Verchères, société mutuelle d’assurances générales, supra, note 23, paragr. 31-32; Demilec inc. c. 2539-2903 Québec inc., supra, note 41, paragr. 46.
[44] Demilec inc. c. 2539-2903 Québec inc., supra, note 41, paragr. 47, citant Sealrez inc. c. Luxwood Auto trim inc.,
[45] Jacques DESLAURIERS, Vente, Louage, Contrat d’entreprise ou de service, 2e éd., Wilson & Lafleur, 2013, no 460 repris dans CNH Industrial Canada Ltd. c. Promutuel Verchères, société mutuelle d’assurances générales, supra, note 23, paragr. 28.
[46] Fortin c. Mazda Canada inc., supra, note 22, paragr. 62-70.
[47] G Groupe Royal inc. c. Crewcut Investment inc., supra, note 41, paragr. 41 et 46.
[48] Pièces P-33 et P-33A.
[49] Et ainsi supporter ses prétentions quant à la suffisance de la preuve, le comportement de Vixen n’ayant été immortalisé qu’à deux dates, les 7 et 13 juin 2020, et ainsi supporter l’absence de constat fait par l’expert Kenney d’un tel comportement lors de son observation de mars 2021.
[50] Benisty c. Kloda,
[51] Articles 2 et
[52] Groupe Royal inc. c. Crewcut Investment inc., supra, note 41, paragr. 33-36 citant notamment Fédération compagnie d’assurances du Canada c. Joseph Élie ltée, supra, note 34, paragr. 37.
[53] CNH Industrial Canada Ltd. c. Promutuel Verchères, société mutuelle d’assurances générales, supra, note 23, paragr. 35; Groupe Royal inc. c. Crewcut Investment inc., supra, note 41, paragr. 31 citant notamment Fédération compagnie d’assurances du Canada c. Joseph Élie ltée, supra, note 34, paragr. 31.
[54] Admission en ce sens consignée par les parties – Procès-verbal d’audience du 1er novembre 2022.
[55] En contre-interrogatoire, Davilmar réfère à des échanges en lien avec une demande de coding test.
[56] Demilec inc. c. 2539-2903 Québec inc., supra, note 41, paragr. 47.
[57] Pièce D-5.
[58] Pièce D-2.
[59] Pierre-Claude LAFOND, Droit de la protection du consommateur : théorie et pratique, 2015, Éditions Yvon Blais, no 454, p. 188; Richard c. Time, supra, note 40, paragr. 98 et 112-113; Boissonneault c. Banque de Montréal,
[60] Tel que modifié à l’audience à la suite de la mise à jour de la réclamation – Procès-verbal d’audience du 2 novembre 2022.
[61] Modes Striva inc. c. Banque Nationale du Canada, 2002 CanLII 3212 cité dans notamment dans Protection incendie idéal inc. c. Produits contre le feu Tyco LP / Tyco Fire Products ltd.,
[62] Séq. # 48 au plumitif.
[63] Articles
[64] Article
[65] W. Charlot ne soumet aucun motif à cet égard. Son avocat précise, au contraire, lorsque l’avocat de Davilmar demande à modifier les conclusions pour ajouter une offre de remettre Vixen, qu’une telle offre de remettre est subsumée lorsqu’est recherchée l’annulation de la vente.
[66] Murray c. Prestige Gabriel Ouest,
[67] Duchesne c. Tremblay, supra, note 63, paragr. 32.
[68] Id., paragr. 67.
[69] Pièce P-16.
[70] En plus des règles applicables à l’exécution et la détermination de dommages-intérêts (articles
[71] Pièces P-24 et P-24A – Ne sont pas considérées les diverses factures de Greenhawk et de Boutique équestre Suzanne en l’absence d’une preuve identifiant ce qu’elles visent. Quant aux honoraires de l’expert Madigan, ils doivent, conformément à l’article
[72] Soit les factures de Picovstackeshop du 29 novembre 2019 (146,54 $), Boutique Pépin des 28 octobre et 22 novembre 2019 (672,67 $ et 20,13 $ - À noter que seule la première facture pour la confection d’une plaque identifiant le box de Vixen est accordée. Les autres plaques résultent de la décision de Davilmar de changer Vixen d’écurie.) et de Bahr Saddlery du 26 novembre 2019 et 24 mai 2020 (141,65 $ et 45,10 $).
[73] Didier LLUELLES et Benoît MOORE,
[74] Articles
[75] Article
[76] Articles
[77] Hogue c. Procureur général du Québec,
[78] Article
[79] Voir l’arrêt Murray c. Prestige Gabriel Ouest, supra, note 66, paragr. 49 où la Cour d’appel note à l’égard d’une garantie prolongée que l’acheteur en a eu le bénéfice, et ce, que cette garantie ait été invoquée ou non.
[80] Poulin c. 6649611 Canada inc.,
[81] Comité d’environnement de Ville-Émard c. Domfer poudres métalliques Ltée,
[82] Hinse c. Canada (Procureur général),
[83] Richard c. Time, supra, note 40, paragr. 99.
[84] Articles
[85] Article
[86] Article
AVIS :
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