COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
134119 |
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Cas : |
CM-2012-4426 |
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Référence : |
2013 QCCRT 0382 |
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Montréal, le |
7 août 2013 |
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DEVANT LE COMMISSAIRE : |
Guy Roy, juge administratif |
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Hachem Touabi
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Plaignant |
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c. |
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Transport Logi-Pro inc. |
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Intimée |
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DÉCISION |
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[1] Le 19 juillet 2012, Hachem Touabi (le plaignant) dépose une plainte pour harcèlement psychologique en vertu de l’article 123.6 de la Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1, (la LNT) contre Transport Logi-Pro inc. (l’intimée).
[2] Le plaignant n’est pas représenté. D’entrée de jeu, la Commission lui explique qu’il a le fardeau de prouver les allégations de harcèlement psychologique dont il se dit victime. La Commission lui demande le nombre d’évènements et la nature de ceux-ci. Il répond de manière évasive et commence sa preuve.
[3] Du 7 mars 2011 au 17 juillet 2012, le plaignant occupe un poste de préposé aux palettes chez l’intimée.
[4] Il commence son témoignage en expliquant qu’il y a eu de la propagande grave commise à son égard par l’Église catholique, l’Église musulmane et d’autres « éléments ». Pour lui, un « éléments » est une personne.
[5] Il déclare se battre contre toute cette armada de personnes qui forment un triangle satanique, « voire luciférien ». La France et l’Algérie, en tant que pays souverains, ainsi que l’état de New York sont les acteurs principaux de cette propagande planétaire. Celle-ci consiste en insultes qui le visent personnellement et qui sont publiés par les médias. Les lecteurs de ces derniers ne sont pas en mesure d’analyser rationnellement lesdites insultes.
[6] La Commission lui répète qu’elle voudrait connaître les gestes ou paroles qui sont à l’origine de sa plainte de harcèlement psychologique.
[7] Il reprend sur la notion de conscience collective. Celle-ci serait touchée par toute cette propagande menée contre lui. En effet, les gens reprennent ces insultes. Il affirme que les employés de l’intimée interprétaient au quotidien ce qu’il avait enduré et vécu dans les chemins labyrinthiques qu’il a traversés pendant de longues années. Il mentionne que pour ne pas entendre ce que disaient les « éléments », pendant dix ans, il s’est mis des bouchons dans ses oreilles.
[8] Il se lève et pour appuyer ses propos sur la propagande, il instruit la Commission sur la télépathie. Ainsi, il se qualifie d’émetteur télépathique : il envoie un message et un élément chez l’intimée est le récepteur. Mais, il soutient que l’élément ne transmettait pas correctement les messages envoyés, il en modifiait le contenu.
[9] Par ailleurs, le plaignant est d’avis que pour régler ses problèmes, tout doit passer par la Cour suprême des États-Unis ou la Cour internationale des droits de l’homme. Il enchaîne sur la schizophrénie. Questionné, il répond qu’il s’agit de la schizophrénie de la France.
[10] La Commission le ramène de nouveau afin qu’il explique les gestes ou paroles qui auraient constitués manifestations de harcèlement. C’est là que le plaignant souligne ne pas vouloir parler au premier degré. Il ne veut pas faire état des gestes et paroles qui sont pour lui des manifestations de harcèlement psychologique. Il se place à un autre niveau de conscience.
[11] La Commission l’informe que pour rendre jugement elle doit au moins avoir une preuve de gestes ou paroles au premier degré. Dès lors, il relate, sans jamais identifier qui que ce soit, que des employés de l’intimée l’auraient insulté lorsqu’ils lui ont dit qu’il avait manqué de respect à un fournisseur ou à un client. Il déclare être un intouchable parce qu’il n’a jamais manqué de respect à quiconque.
[12] Le plaignant ajoute avoir été témoin de gestes dégradants et de paroles insultantes de manière quotidienne. Ainsi, à titre d’exemples de gestes de cette nature, il rapporte qu’un certain employé de l’intimée lui aurait fait un clin d’œil en passant devant son bureau.
[13] Il mentionne aussi avoir vu un autre employé mettre sa main sur son pantalon à la hauteur des parties génitales. Il mime le geste. Ce dernier est comparable au geste que le chanteur Michael Jackson faisait lors de certaines chansons. Le plaignant trouve que ce geste est inhumain, absurde et qu’on ne se comporte pas comme cela dans une entreprise.
[14] Le plaignant affirme ne plus vouloir entendre « les platitudes, bassesses et propos quasi infantiles » de ces collègues de travail. Questionné à ce sujet, il est incapable de préciser la nature de ceux-ci. Il mentionne avoir été insulté, sans toutefois en relater les termes. Il affirme qu’en excellent boxeur, il a toujours été capable d’encaisser les insultes. Il ajoute avoir demandé aux collègues de cesser de faire cela, mais toujours sans préciser la nature des gestes et s’ils lui étaient destinés.
[15] Il parle de la stratégie du cheval de Troie, qui selon lui, faisait en sorte que les insultes se propageaient de bouche à oreille. Il affirme qu’il se sentait comme le héros du « Procès » de Kafka, il se promenait dans l’entreprise comme s’il était dans une prison à ciel ouvert.
[16] La Commission indique encore au plaignant les lacunes de sa preuve et lui mentionne de nouveau qu’il doit prouver des gestes ou paroles qui constitueraient du harcèlement psychologique.
[17] Il reproche à la Commission de l’empêcher de respecter son plan pour sa preuve. Il voulait discuter de son parcours de vie et de tout le complot mondial à son endroit. La Commission lui rappelle qu’elle est saisie d’une plainte de harcèlement psychologique contre l’intimée concernant une période de temps donné et que c’est sur cela que l’audience doit porter.
[18] La Commission l’invite de nouveau à faire part de ces reproches exacts. Le plaignant mentionne qu’il n’a rien d’autre à ajouter. Compte tenu de ce que le plaignant a présenté, la Commission informe l’intimée qu’elle n’a pas besoin de l’entendre.
[19] Le plaignant dépose une plainte alléguant avoir été victime de harcèlement psychologique. Il doit prouver les faits qui soutiennent ses prétentions. Rappelons que l’article 81.18 de la LNT définit ainsi le harcèlement psychologique :
Pour l’application de la présente loi, on entend par « harcèlement psychologique » une conduite vexatoire se manifestant par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne pour celui-ci, un milieu de travail néfaste.
Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié.
[20] Mis à part des reproches exposés en termes généraux et deux exemples, soit l’histoire du clin d’œil et de l’employé qui se toucherait les parties génitales, le plaignant n’a pas été en mesure de rencontrer son fardeau de preuve.
[21] D’une part, les reproches formulés de manière vague et générale ne peuvent constituer une preuve prépondérante de harcèlement psychologique. D’autre part, en ce qui concerne les deux exemples, la Commission ne peut rien tirer du fait qu’une personne lui ait fait un clin d’œil et qu’une autre se serait prise les parties génitales sans savoir le contexte entourant ces gestes. En effet, sans cette information il est difficile de connaître les raisons pour lesquelles les gestes ont été commis et s’ils lui étaient destinés ou bien s’il s’agissait de blagues de mauvais goût.
[22] Par ailleurs, le plaignant laisse plutôt entendre que de tels gestes et insultes étaient courants dans l’entreprise. Il ne peut pour autant convaincre la Commission que cela lui était destiné.
[23] Cela étant, la plainte doit être rejetée.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
REJETTE la plainte.
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__________________________________ Guy Roy |
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Me Yves Gonthier |
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BCF S.E.N.C.R.L. |
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Représentant de l’intimée |
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Date de l’audience : |
18 juillet 2013 |
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/ga
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