Décision

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Gabarit CSF

Chambre de la sécurité financière c. Fiset

2018 QCCDCSF 58

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N° :

CD00-1211

 

 

 

DATE :

19 février 2019

 

______________________________________________________________________

 

 

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

Mme Diane Bertrand, Pl. Fin.

Membre

 

M. Eric Bolduc

Membre

 

______________________________________________________________________

 

 

 

LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

 

c.

 

RÉAL FISET, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 112279)

 

Partie intimée

 

______________________________________________________________________

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ RECTIFIÉE

 

______________________________________________________________________

 

 

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

·        Non-divulgation, non-diffusion et non-publication des prénoms et noms des consommateurs visés par la plainte, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de les identifier.

[1]          Le 21 juin 2017, le comité de discipline (le comité) de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 25 octobre 2016.

[2]          La plaignante était représentée par Me Valérie Déziel.

[3]          Pour sa part, l’intimé était présent et représenté par Me André Gingras. Ce dernier a indiqué que la contestation de son client portait sur chacun des cinq chefs d’accusation contenus à la plainte.

[4]          Le comité ayant permis aux parties de fournir des détails supplémentaires concernant des passages de l’enregistrement de la rencontre entre l’intimé et l’enquêteuse[1], la prise de délibéré a commencé le 6 juillet 2017, à l’expiration du délai accordé à l’intimé pour commenter ceux ciblés par la plaignante.

LA PLAINTE

1.         Dans la province de Québec, en 2005 et 2006, l’intimé a encaissé environ 14 chèques payables à l’ordre de R.H. dans le compte de la compagnie 3738205 Canada inc. sans l’autorisation de ce dernier, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

2.         Dans la province de Québec, entre les ou vers les 30 avril 2012 et 27 février 2014, l’intimé a permis à H.M. d’exercer dans la discipline de l’assurance de personnes sans qu’il détienne le certificat requis, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 3 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

3.         Dans la province de Québec, le ou vers le 13 septembre 2012, l’intimé a signé à titre de conseiller et de témoin de la signature de A.C. sur la proposition d’assurance vie […], alors qu’il n’a pas agi à ces titres, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

4.         Dans la province de Québec, le ou vers le 23 octobre 2012, l’intimé a signé à titre de conseiller et de témoin de la signature de S.C. sur la proposition d’assurance vie […], alors qu’il n’a pas agi à ces titres, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

5.         Dans la province de Québec, le ou vers le 14 juin 2013, l’intimé a signé à titre de conseiller et de témoin de la signature de P.C. sur la proposition d’assurance vie […], alors qu’il n’a pas agi à ces titres, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

LA PREUVE

[5]          La procureure de la plaignante a déposé, de consentement, sa preuve documentaire (P-1 à P-18), mais n’a fait entendre aucun témoin.

[6]          Bien qu’il ait consenti à la production des pièces de la plaignante, le procureur de l’intimé a précisé toutefois que celles-ci ne faisaient pas foi de leur contenu, se réservant le droit de faire ses commentaires sur celles-ci au fur et à mesure de leur présentation par sa consœur.

[7]          Ensuite, la procureure de la plaignante a rapporté les faits entourant les gestes reprochés sous chacun des chefs d’accusation de la plainte, ayant pris soin de préciser, en se référant à l’attestation de droit de pratique de l’intimé, que celui-ci détenait un certificat en assurance de personnes pour toutes les périodes au cours desquelles les infractions ont été commises (P-1).  

[8]          Au fur et à mesure du résumé de sa consœur, le procureur de l’intimé a fait ses commentaires, tel que rapporté ci-après.  

·        Concernant le chef d’accusation 1

[9]          Entre 2005 et 2006, l’intimé a encaissé 14 chèques payables à l’ordre de R.H., sans l’autorisation de ce dernier. Ces chèques ont été déposés dans le compte de sa compagnie 3738205 Canada inc., laquelle a été constituée le 28 mars 2000 et opère depuis le ou vers le 13 novembre 2002 (P-3).

[10]       Les 14 chèques mentionnés à ce premier chef d’accusation sont les mêmes que ceux dont il est question dans la requête introductive d’instance en dommages (P-4), recours civil que R.H. a intenté contre l’intimé et monsieur Yvon Charlebois (Charlebois), un autre représentant, pour l’encaissement de ces chèques sans son autorisation.

[11]       De façon sous-jacente, il faut savoir qu’alors que R.H. était courtier en assurances, il a vendu « au moyen d’une enveloppe » son achalandage à Charlebois.  

[12]       Selon ce que l’intimé a déclaré aux enquêteurs et durant les interrogatoires hors cour de l’instance civile du 28 avril 2015, ces chèques équivalaient aux commissions revenant à R.H., suite à la vente de son volume d’affaires à Charlebois (P-5).

[13]       À l’appui de ce dernier fait, la procureure de la plaignante a souligné différents extraits de cet interrogatoire de l’intimé[2], où ce dernier a indiqué les raisons de ses gestes déjà mentionnées précédemment. En aucun temps, l’intimé ne s’est approprié cet argent, ces chèques ont seulement transité par le compte de la compagnie, pour lui permettre d’émettre par la suite des chèques à Charlebois. L’intimé y admet en quelque sorte avoir agi sans l’autorisation de R.H., car il ne réussissait pas à le rejoindre.

[14]       Enfin, selon la procureure de la plaignante, les aveux de l’intimé contenus dans cet interrogatoire démontrent les éléments constitutifs du premier chef d’accusation.  

[15]       Pour sa part, le procureur de l’intimé a signalé au sujet de la compagnie à numéro dont l’intimé est propriétaire, que la mise à jour de la déclaration annuelle réitérant les statuts de l’entreprise et du propriétaire était manquante dans P-3 et ce, pour plusieurs années[3].

[16]       Quant à l’instance civile opposant R.H. à l’intimé et à Charlebois, il a précisé qu’elle faisait suite à une cotisation du fisc à R.H. à propos de ces 14 chèques, car celui-ci ne les avait pas inclus dans ses revenus. Ce serait afin de se sortir de cette impasse auprès des autorités fiscales qu’il a intenté cette réclamation en dommages contre l’intimé et Charlebois.

[17]       Aussi, le procureur de l’intimé a soutenu que l’assertion de la procureure de la plaignante voulant qu’il s’agisse d’aveux de l’intimé méritait d’être nuancée. Il a ainsi relevé d’autres passages de ces interrogatoires qui complètent la version fournie par l’intimé et confirmant que l’intimé n’a pas profité de cet argent. Aussi, même si les réponses de l’intimé peuvent parfois être hésitantes concernant le nombre de chèques, répondant par des « je ne crois pas » ou des « je ne me souviens pas », ses déclarations ne peuvent être qualifiées d’aveux. Il a rappelé qu’au surplus, l’interrogatoire a eu lieu plus de dix ans après les faits reprochés.

[18]       Quant au défaut d’autorisation, la procureure de la plaignante a rétorqué qu’il ressort de façon manifeste du témoignage de l’intimé dans cette poursuite civile[4] que R.H. n’a été mis au courant de l’encaissement des chèques que le 28 mars 2011. Par conséquent, elle réitère que le défaut d’autorisation de ce dernier a été démontré.

[19]       Enfin, concernant les extraits de la rencontre entre l’intimé et l’enquêteuse, la procureure de la plaignante a précisé[5] que, dans le premier passage mentionné, l’intimé a révélé, au sujet de ce premier chef, avoir eu de la difficulté à rejoindre R.H. qui ne collaborait pas. L’intimé a ajouté que Charlebois a aussi tenté de rejoindre R.H., mais sans succès. Dans le deuxième extrait, l’intimé reconnaît d’une part qu’il n’aurait pas dû encaisser les chèques et d’autre part, en refaire à Charlebois.

·        Concernant le chef d’accusation 2

[20]       La procureure de la plaignante a rappelé que ce deuxième chef reprochait à l’intimé d’avoir permis au représentant Harold Mongrain (Mongrain), entre les 30 avril 2012 et 27 février 2014, d’exercer dans la discipline de l’assurance de personnes sans qu’il détienne le certificat requis.

[21]       D’abord, Mongrain a été suspendu en 2011, mais n’a été rattaché au cabinet de l’intimé qu’en juin 2014, tel qu’il appert de l’attestation de ce dernier (P-6). Aussi, à même les informations se trouvant à l’avis qu’Empire Vie a adressé à Mongrain le 5 juin 2014, il appert que la compagnie a mis fin à son contrat en juillet 2011 (P-8).

[22]       Mongrain était ainsi inactif entre les 8 mars 2011 et 18 juin 2014. Elle a précisé qu’en 2011, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a adressé une lettre à Mongrain indiquant qu'à la suite de sa faillite cette même année, elle procédait à une enquête (P-16).

[23]       Le 28 février 2013, Mongrain a demandé de remettre en vigueur son certificat en assurance de personnes, cette demande étant également signée par l’intimé (P-17). Toutefois, cette remise en vigueur n’a eu lieu que le 18 juin 2014, tel qu’il appert d’un courriel de l’AMF à l’intimé (P-18) et de son attestation de droit de pratique.

[24]       Il ressort de la décision rendue par la Cour du Québec qu’au moment des infractions, Mongrain travaillait pour l’intimé comme adjoint administratif[6].

[25]       À cela s’ajoute une lettre d’Empire Vie datée du 5 juin 2014 (P-7), précédant le rattachement de Mongrain au cabinet de l’intimé. Par celle-ci, l’institution indique à ce dernier que c’était la fin de son contrat avec Empire Vie étant donné qu’il a apposé sa signature sur une proposition d’assurance alors qu’il n’a pas rencontré les clients, et ce, en lieu et place de Mongrain qui n’avait pas de certificat. Une lettre au même effet a également été envoyée à Mongrain le 5 juin 2014 (P-8).

[26]       Lors d’un échange de courriels avec l’enquêteuse du bureau de la plaignante le 15 décembre 2015, l’intimé a aussi reconnu avoir signé comme témoin de la signature du consommateur hors la présence de ce dernier (P-9).

[27]       Il ressort de la décision rendue le 18 avril 2017 par la Cour du Québec, à la suite de la poursuite pénale intentée par l’AMF contre Mongrain et l’intimé, que ce dernier a reconnu sa culpabilité concernant les mêmes faits que ceux reprochés au deuxième chef d’accusation de la présente plainte, y reconnaissant n’avoir en aucun temps rencontré les clients de Mongrain au cours de la période mentionnée (P-10).

[28]       Référant à l’enregistrement de la rencontre entre l’enquêteuse de la CSF et l’intimé le 24 septembre 2015, la procureure de la plaignante a cité les passages pertinents[7] au cours desquels l’intimé admet les faits en ce qui concerne le deuxième chef d’accusation, plus particulièrement qu’il n’a pas rencontré T.G. et M.C., Mongrain étant celui qui s’est occupé de ceux-ci. Il y explique que Mongrain vivait une période difficile et faisait des démarches pour obtenir son certificat. Il ajoute qu’il aurait dû vérifier l’émission du certificat de Mongrain et n’aurait pas dû signer les demandes d’assurance sans s’assurer que Mongrain avait eu son renouvellement de certificat, ajoutant que ce n’était qu’une question de semaines ou de quelques jours avant que le permis ne soit en vigueur. Concernant le client J.D., l’intimé confirme que ce n’est pas lui qui a procédé à l’analyse des besoins financiers (ABF) et aux autres documents le concernant.

·        Concernant les chefs d’accusation 3, 4 et 5

[29]       Pour les trois derniers chefs d’accusation, qui reproche à l’intimé d’avoir signé à titre de conseiller et de témoin de la signature des consommateurs sur une proposition d’assurance vie (P-11), l’intimé a reconnu, lors de sa rencontre avec l’enquêteuse du bureau de la plaignante, qu’il n’avait pas rencontré les trois consommateurs A.C., S.C. et P.C. impliqués aux chefs 3, 4 et 5, mais a tout de même signé en lieu et place de Mongrain, tant à titre de témoin que de conseiller, sur différentes propositions produites sous P-11 à P-14.

[30]       Ces aveux de l’intimé valent ainsi pour les chefs 3, 4 et 5.

[31]       Bien qu’elle convient, comme l’a soulevé son confrère, que la décision rendue contre l’intimé le 18 avril 2017 en matière pénale ne constitue pas la meilleure preuve, les aveux et écrits de l’intimé au cours de l’enquête de la plaignante le sont. Toutefois, cette décision s’y ajoute et se révèle pertinente. 

[32]       Une fois que la plaignante eu déclaré sa preuve close, l’intimé a annoncé qu’il n’avait pas de preuve à offrir et que sa preuve était close également.

[33]       Enfin, le comité a permis à la plaignante de fournir des précisions au sujet de certains passages de l’enregistrement de la rencontre avec l’enquêteuse[8].

[34]       Ainsi, elle a précisé que dans le premier extrait concernant le premier chef, l’intimé a révélé d’une part, avoir eu de la difficulté à rejoindre R.H. qui ne collaborait pas et d’autre part, que Charlebois a aussi tenté de rejoindre R.H., mais sans succès. Quant au deuxième extrait, l’intimé reconnaît qu’il n’aurait pas dû encaisser les chèques et n’aurait pas dû en refaire à Charlebois.

[35]       Suite à ces précisions, la plaignante s’est engagée à fournir au comité le détail des minutes de cet enregistrement, au plus tard le 28 juin 2017, ce qu’elle a fait. Le comité a accordé à l’intimé jusqu’au 5 juillet 2017 pour commenter ces passages s’il y avait lieu.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[36]       Demandant au comité de déclarer l’intimé coupable sous chacun des cinq chefs d’accusation, la procureure de la plaignante a suggéré au comité de retenir à cette fin les dispositions suivantes, dont elle a inclus le libellé dans son cahier d’autorités[9] :

a)     Pour le premier chef qui lui reproche d’avoir encaissé environ 14 chèques payables à l’ordre de R.H. sans l’autorisation de ce dernier : l’alinéa 2 de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) qui énonce :

« Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients. Il doit agir avec compétence et professionnalisme. »;

b)     Pour le deuxième chef reprochant d’avoir permis à Charlebois d’exercer sans détenir le permis en assurance : l’article 3 du Code de déontologie de la CSF énonçant :

« Le représentant doit veiller à ce que ses employés ou mandataires respectent les dispositions du présent règlement de même que celles de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (chapitre D-9.2) et celles de ses règlements d’application. »;

 

 

c)      Pour chacun des trois autres chefs contenus à la plainte lui reprochant d’avoir signé à titre de conseiller et de témoin de signature alors qu’il n’avait pas agi à ce titre pour lesdits consommateurs : l’alinéa 2 de l’article 16 de la LDPSF, rappelant qu’il y avait eu aveux de l’intimé sur les éléments essentiels de ces infractions.

[37]        Au soutien, elle a commenté la décision rendue par le comité dans Nantel[10], expliquant que, dans cette affaire, le comité s’était référé aux aveux de l’intimé pour conclure que celui-ci n’avait pas agi avec compétence et professionnalisme. 

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[38]        Le procureur de l’intimé a soulevé essentiellement que bien qu’il soit exact que les chèques étaient faits à l’ordre de R.H., il était d’avis qu’il n’y a aucune preuve, à part le tampon encreur de la compagnie dont l’intimé est propriétaire qui apparait comme endossement. Vu l’absence de signature, il a indiqué qu’il n’y avait pas de preuve que c’est l’intimé qui a apposé l’étampe.

[39]        Il a signalé que la seule preuve est l’aveu de l’intimé, fait dans une autre instance judiciaire.

[40]        Quant aux 14 chèques, il a poursuivi en expliquant que l’intimé ne nie pas le dépôt de ceux-ci dans son compte, disant toutefois avoir remis l’argent à Charlebois.

[41]        Selon le procureur, l’interrogatoire de l’intimé hors cour dans la poursuite civile entre R.H., lui-même et Charlebois démontre bien que R.H. n’est pas un client. Par conséquent, il soutient que l’article 16 de la LDPSF ne s’applique pas dans le cas présent, ni l’article 35 du Code de déontologie de la CSF lequel fait état de négligence et de malhonnêteté.

[42]        Il s’est dit d’avis que la preuve est lacunaire et que la plaignante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve.

[43]        Le procureur de l’intimé a ajouté que la plaignante aurait dû faire témoigner tous les gens impliqués dans les chefs, leur témoignage devant être rendu à l’audience. Par conséquent, sa preuve n’est pas admissible et au surplus, si les chefs sont mal libellés, la plaignante doit en subir les conséquences. 

[44]        Quant au deuxième chef d’accusation par lequel il est reproché à l’intimé d’avoir permis à Mongrain d’exercer, bien qu’il ne détienne pas le certificat, il a réitéré que H.M. n’était pas un client de l’intimé et, par conséquent, que l’article 16 de la LDPSF ne s’appliquait pas. Quant à l’article 3 de la LDPSF, en l’absence de preuve que Mongrain ne détenait pas de certificat, il ne peut non plus trouver application. L’intimé a engagé celui-ci, un ancien représentant, et à son avis la preuve est déficiente. En dépit de l’attestation de droit de pratique produite (P-6), la  plaignante aurait dû faire entendre un représentant de l’AMF ou autre pour démontrer que celui-ci n’avait pas de certificat.

[45]        Il a signalé que l’intimé s’était ainsi trouvé à subir des poursuites pour les mêmes faits, tant au pénal, qu’en civil et disciplinaire.

[46]        Quant aux chefs 3, 4 et 5, il a réitéré que les consommateurs impliqués ne sont pas des clients de l’intimé et qu’ainsi l’article 16 ne peut s’appliquer. Quant à savoir s’il n’a pas agi avec loyauté à l’égard de ses clients, il a signalé que c’est plutôt Mongrain qui n’a pas agi de façon loyale.

[47]        Quant aux dispositions du Code de déontologie de la CSF alléguées au soutien des chefs 3, 4 et 5 de la plainte, il a fait valoir que  l’article 11 ne pouvait pas trouver application puisque l’intimé a toujours été intègre. Pour ce qui est de l’article 34 du même règlement, il questionne quelles informations  qu’il est d’usage à fournir à l’assureur eu égard à ce chef. À son avis, l’article 35 ne peut pas non plus trouver application, la preuve n’ayant pas démontré que l’intimé a exercé de façon négligente ou malhonnête. 

[48]        En terminant, il a soutenu que l’intimé n’a pas commis les infractions reprochées. Et, même s’il les avait commises, la preuve administrée est déficiente et ne permet pas de conclure à la culpabilité de ce dernier.

RÉPLIQUE DE LA PLAIGNANTE

[49]        La procureure de la plaignante a rétorqué que son collègue ne peut lui reprocher de ne pas avoir fait témoigner les consommateurs et ex-représentants, puisqu’il en avait été avisé préalablement, et que, dans les circonstances, il pouvait les assigner lui-même s’il voulait les interroger et ne pouvait donc s’en plaindre maintenant.

[50]        Quant aux chefs d’accusation 3, 4 et 5, il s’agit d’infractions graves. En effet, faire des fausses déclarations à l’assureur pour laisser croire qu’il a agi comme conseiller et comme témoin des signatures des consommateurs les induit en erreur.

[51]        Concernant le premier chef d’accusation, elle a rappelé que l’intimé a été poursuivi pour le même reproche sous trois instances différentes.

[52]        Pour ce qui est des arguments de son confrère voulant qu’il s’agisse d’infractions commises il y a plus de dix ans et que ce délai portait préjudice à l’intimé pour la présentation d’une défense pleine et entière, elle a fait valoir que tel qu’il le reconnait, les plaintes disciplinaires sont imprescriptibles. De plus, ces éléments pourront être considérés comme facteur atténuant sur sanction.

[53]        Quant au fait que la plaignante a procédé sans que les consommateurs ne témoignent devant le comité, l’empêchant de présenter une défense pleine et entière vu l’impossibilité de les contre-interroger, elle a rappelé que le tout a été discuté avec son confrère longtemps d’avance et que, par conséquent, celui-ci pouvait pour sa défense assigner les témoins qu’il désirait contre-interroger. Il ne pouvait donc s’en plaindre maintenant.

[54]        En ce qui a trait à la prétention de son confrère voulant que l’article 16 de la LDPSF ne concerne que les cas où il s’agit de clients du représentant visé, bien que ce soit le cas pour le premier alinéa de cette disposition, il en est autrement du deuxième dont l’application générale a été maintes fois reconnue, tout représentant devant agir avec compétence et professionnalisme.

[55]        Enfin, à son avis, un tampon encreur de la compagnie au verso d’un chèque tient lieu d’endossement. L’intimé étant le propriétaire de cette compagnie, cet argument ne peut servir à le disculper du premier chef d’accusation.

ANALYSE ET MOTIFS

[56]       Après avoir passé en revue l’entièreté de la preuve documentaire, avoir pris connaissance des passages pertinents des déclarations de l’intimé lors des interrogatoires produits dont celui hors cour intervenu dans la poursuite civile 550-22-015703141 et ceux faits au cours de sa rencontre avec l’enquêteuse[11], le comité conclut à la culpabilité sous chacun des cinq chefs d’accusation de la plainte portée contre lui.

 

[57]       Ces déclarations de l’intimé même constituent certes la meilleure preuve, d’autant que l’intimé était présent devant le comité et pouvait réfuter ou apporter les nuances qu’il jugeait à propos, le cas échéant. Son procureur s’est limité à signaler que le comité n’avait pas entendu les témoins à l’audience. Or, l’intimé a choisi de ne pas témoigner, ce qu’il avait le loisir pourtant de faire afin de contredire les déclarations citées par la plaignante au soutien des reproches contenus à la plainte. D’ailleurs, son procureur n’a pas prétendu qu’il ne s’agissait pas d’aveux, mais a plutôt apporté certaines nuances, lesquelles ne changent en rien la teneur des déclarations de l’intimé.   

[58]       Avec respect pour l’opinion contraire, le comité est d’avis que la plaignante a relevé son fardeau de preuve. Rappelons qu’en droit disciplinaire, le fardeau est celui de la prépondérance de preuve et non celui qui prévaut en droit criminel, c’est-à-dire celui hors de tout doute raisonnable.

[59]       Le comité convient toutefois avec le procureur que l’intimé n’a pas agi par malhonnêteté, mais plutôt par négligence, faisant preuve d’un manque de rigueur voire de laxisme dans l’exercice de ses activités ce qui soutient le manque de professionnalisme.

[60]       Quant au premier chef d’accusation, bien qu’il fût probablement bien intentionné à l’égard de Charlebois, il n’en reste pas moins que l’intimé a déposé, dans le compte de sa compagnie, des chèques faits à l’ordre d’un tiers. L’intimé n’est pas accusé d’appropriation ou de détournement, mais bien d’avoir agi et encaissé des chèques, alors que ceux-ci étaient faits à l’ordre d’une tierce personne, et ce, sans l’autorisation de celle-ci. En agissant de la sorte, l’intimé a manqué de compétence et de professionnalisme et a contrevenu aux dispositions alléguées au soutien de ce chef.  Il sera déclaré coupable sous celui-ci pour avoir contrevenu à l’article 16 de la LDPSF.

[61]        Pour ce qui est du deuxième chef d’accusation, le comité est satisfait de la preuve administrée par la plaignante et rapportée dans la présente décision, laquelle démontre de façon prépondérante que l’intimé a permis à Mongrain, entre les 30 avril 2012 et
27 février 2014, d’exercer dans la discipline de l’assurance de personnes sans qu’il détienne le certificat requis comme le démontre l’attestation de droit de pratique de ce dernier. Il sera en conséquence déclaré coupable sous ce chef pour avoir contrevenu à l’article 3 du Code de déontologie de la CSF.

[62]       L’intimé sera aussi déclaré coupable sous chacun des chefs d’accusation 3, 4 et 5 pour avoir contrevenu au deuxième alinéa de l’article 16 de la LDPSF.

[63]       En effet, en signant à titre de témoin de la signature en l’absence des clients ou à titre de conseiller des consommateurs alors qu’il ne les a jamais rencontrés ni donné de conseils, un représentant n’agit pas avec compétence et professionnalisme. De plus, par sa signature, il donne son aval à la proposition recommandée par un tiers. Ce faisant, le représentant non seulement trompe l’assureur, mais aussi le consommateur, lequel en l’espèce se trouve de surcroît en l’espèce à avoir reçu des conseils d’un représentant inactif. Cela va à l’encontre de la protection du public et démontre sans conteste que l’intimé a exercé ses activités de représentant d’une façon, pour le moins, négligente et a fait preuve d’un manque flagrant de compétence et de professionnalisme.  

[64]       Par ailleurs, afin d’éviter les condamnations multiples, le comité ordonnera l’arrêt conditionnel des procédures quant aux autres dispositions invoquées au soutien des cinq chefs d’accusation.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion des prénoms et noms des consommateurs visés par la plainte, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de les identifier;

DÉCLARE l’intimé coupable sous le premier chef d’accusation pour avoir contrevenu au deuxième alinéa de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

DÉCLARE l’intimé coupable sous le deuxième chef d’accusation pour avoir contrevenu à l’article 3 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

DÉCLARE l’intimé coupable sous chacun des chefs d’accusation 3, 4 et 5, pour avoir contrevenu à l’article 16 deuxième alinéa de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures quant aux autres dispositions invoquées à la plainte;

CONVOQUE les parties avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

 

 

 

(s) Janine Kean _____________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

 

(s) Diane Bertrand___________________

Mme Diane Bertrand, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

(s) Eric Bolduc______________________

M. Eric Bolduc

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Valérie Déziel

CDNP AVOCATS INC.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me André Gingras

J.P. BROCHU AVOCAT INC.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 21 juin 2017

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


Chambre de la sécurité financière c. Fiset

2019 QCCDCSF 5

 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1211

 

DATE :

20 février 2019

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

Mme Diane Bertrand, Pl. Fin.

Membre

M. Eric Bolduc

Membre

______________________________________________________________________

 

LYSANE TOUGAS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

RÉAL FISET, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 112279)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION RECTIFIÉE

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A RÉITÉRÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

·        Non-divulgation, non-diffusion et non-publication des prénoms et noms des consommateurs visés par la plainte, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de les identifier.

[65]       Le 15 janvier 2019, le comité de discipline (le comité) de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition sur sanction, suite à la décision sur culpabilité rendue le 6 août 2018.

[66]       La plaignante était représentée par Me Valérie Déziel.

[67]       Pour sa part, l’intimé était absent, mais représenté par Me André Gingras.

LA PREUVE

[68]       La procureure de la plaignante a déposé, de consentement, une mise à jour de l’attestation de droit de pratique de l’intimé datée du 18 décembre 2018[12], mais n’a fait entendre aucun témoin.

[69]       Quant au procureur de l’intimé, il a déposé la déclaration relative à une condition de supervision remplie le 8 janvier 2019[13] par le superviseur de son client, laquelle est fournie, selon le procureur, mensuellement à l’Autorité des marchés financiers (AMF).

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

·        La plaignante

[70]        Ses recommandations sont :

a)     Pour le premier chef (avoir encaissé, entre 2005 et 2006, 14 chèques payables à l’ordre de R.H., sans l’autorisation de ce dernier) :

·             La radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois;

b)     Pour le deuxième chef (avoir permis au représentant Harold Mongrain (Mongrain), entre les 30 avril 2012 et 27 février 2014, d’exercer dans la discipline de l’assurance de personnes sans qu’il détienne le certificat requis) :

·             La radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois, à être purgée de façon concurrente avec la précédente;

c)     Pour chacun des chefs 3, 4 et 5 (avoir signé à titre de conseiller et de témoin de la signature de trois consommateurs sur une proposition d’assurance vie, sans avoir agi à ces titres) :

·             Le paiement d’une amende de 5 000 $ sous le chef 3;

·             Une réprimande sous chacun des chefs 4 et 5, ceux-ci étant intimement liés.

[71]       De plus, elle a demandé la publication d’un avis de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

 

[72]       Les facteurs qu’elle a invoqués au soutien sont :

Aggravants 

a)     La gravité objective des infractions;

b)     Les infractions commises constituent des conduites manifestement prohibées et portent atteinte à l’image de la profession;

c)     La répétition des gestes :

·        ayant encaissé 14 chèques entre 2005 et 2006 (chef 1);

·        ayant permis à Mongrain d’exercer, sur une période de près de deux ans, dans la discipline de l’assurance sans détenir de certificat requis (chef 2);

d)     Le nombre de victimes s’élevant à cinq;

e)     La longue expérience de l’intimé qui exerçait en assurance de personnes depuis près de quinze ans;

f)       Le fait que l’intimé était le seul dirigeant et administrateur de son cabinet;

g)     L’absence de regrets ou de remords par l’intimé;

h)     La présomption d’un certain préjudice subi par R.H.

Atténuants

a)     L’absence d’intention malhonnête ou malicieuse;

b)     La reconnaissance des faits par l’intimé, dès le début de l’enquête de la plaignante, ce qui a permis de réduire d’autant le temps d’enquête devant le comité;

c)      L’absence d’antécédent disciplinaire.

[73]        Subséquemment, sa procureure a déposé une série de décisions[14] en soulignant les éléments qu’elle considérait comparables avec le cas de l’intimé.

·        L’intimé

[74]        Son procureur a recommandé de lui imposer une réprimande sous chacun des cinq chefs, sans toutefois fournir d’autorités à l’appui.

ANALYSE ET MOTIFS

[75]       Mentionnons d’abord que la mise à jour de l’attestation de droit de pratique de l’intimé révèle que, par décision administrative de l’AMF rendue en 2016, son certificat a été soumis aux conditions suivantes qui prennent fin en octobre 2019 (SP-1) :

a)     son rattachement à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable;

b)     la supervision de ses activités de représentant.

[76]       Le procureur de l’intimé a allégué que la déclaration relative à une condition de supervision remplie le 8 janvier 2019[15] par le superviseur de son client devait donc être considérée comme un élément ou facteur atténuant. Il s’est dit d’avis que le public s’en trouvait ainsi protégé.

[77]       À ce titre, notons que la réponse fournie à la troisième question de la partie 2 de cette déclaration porte à confusion en ce qui a trait à la réception d’une plainte pendant la période couverte. En l’absence du témoignage dudit superviseur ou même de l’intimé à ce sujet, il est difficile de conclure à l’égard des questions que ce document soulève, de même que des conditions que l’AMF a imposées au certificat de l’intimé.

[78]       Par conséquent, en l’absence de la décision administrative de l’AMF qui aurait pu éclairer le comité sur les gestes à l’origine des conditions imposées en 2016, cette preuve s’avère incomplète.

[79]       À tout évènement, ces conditions prennent fin en octobre 2019, ce qui, de l’avis du comité, ne peut éliminer le risque de récidive.

[80]       Par ailleurs, de l’avis du comité, l’absence d’expression de remords par l’intimé ne peut être retenue comme facteur aggravant alors qu’il a simplement exercé un droit fondamental[16] en contestant sa culpabilité.

[81]       En ce qui concerne le premier chef d’accusation, bien que la procureure de la plaignante reconnaisse que, contrairement à l’affaire Grenon[17], l’intimé en l’espèce n’a participé à aucune contrefaçon de signature, elle a fait valoir qu’en raison de la répétition du dépôt des chèques sur une période de deux ans, sa cliente estimait que l’intimé avait eu le temps de se raviser entre ces dépôts. C’est pourquoi elle suggère une période de radiation temporaire d’un mois, plutôt que l’amende imposée dans Grenon, ajoutant que c’est habituellement deux mois dans le cas de contrefaçon. 

[82]       D’abord, la décision Grenon ne permet pas de bien cerner le contexte des gestes reprochés sous l’unique chef d’accusation porté contre cet intimé. Aussi, même si plusieurs des mêmes facteurs atténuants se retrouvent en l’espèce et en dépit de la présence, aux dires de la plaignante, de contrefaçon et d’un antécédent disciplinaire dans Grenon, par sa décision, le comité a donné suite aux recommandations communes des parties et l’a condamné au paiement d’une amende de 5 000 $, plutôt que de lui imposer une période de radiation. En conséquence, le comité comprend mal le raisonnement de la plaignante.

[83]        Quant aux 14 chèques de commissions à l’ordre de R.H. que l’intimé a encaissés sans l’autorisation de ce dernier, son procureur a plaidé que ceux-ci n’avaient que transité par le compte de sa compagnie, l’intimé ne réussissant pas à rejoindre R.H. Il s’est dit d’avis qu’en émettant des chèques au représentant Charlebois à qui R.H. avait vendu son bloc d’affaires, l’intimé n’avait agi qu’en homme d’affaires imprudent. Il a ajouté que R.H. étant un courtier en assurances et non un client, la protection du public n’était pas en cause.

[84]       Le procureur de l’intimé a également soutenu que R.H. n’en a subi aucun préjudice. Or, comme allégué par la plaignante, intenter une poursuite civile pour réclamer son dû peut en présumer un. Néanmoins, le sort de cette réclamation intentée contre l’intimé et Charlebois par R.H. demeurant inconnu, le comité ne retiendra pas cet élément comme facteur aggravant.

[85]        Enfin, le procureur de l’intimé a maintenu, sans distinction quant aux reproches,  que l’intimé avait déjà été puni pour ceux-ci, tant au pénal qu’au civil. Quant à l’instance civile, comme mentionné, il y a absence de preuve quant à sa conclusion.

[86]        En ce qui concerne la décision rendue dans l’instance pénale, comme elle se rapporte aux gestes reprochés à deux des trois derniers chefs d’accusation de la présente plainte, le comité en discutera ultérieurement.

[87]        Néanmoins, même s’il est vrai que l’intimé fût probablement bien intentionné à l’égard de Charlebois et qu’il ne s’est pas approprié l’argent, déposer des chèques à l’ordre d’un tiers sans son autorisation est une infraction d’une gravité objective indéniable.

[88]        En outre, quoique la préméditation de l’intimé n’ait pas été évoquée, son existence à l’égard de tous les gestes reprochés ne fait aucun doute.

[89]        Il est toutefois exact que ces gestes remontent à plus de dix ans et que l’intimé n’a pas d’antécédent disciplinaire. Aussi, comme mentionné dans la décision sur culpabilité[18], l’intimé n’a pas agi par malhonnêteté, mais plutôt par négligence, faisant preuve, de façon générale, d’un manque de rigueur, voire de laxisme, dans l’exercice de ses activités, manquant ainsi de compétence et professionnalisme.

[90]       Par conséquent, tenant compte de l’ensemble des circonstances du dossier et des facteurs tant objectifs que subjectifs, et dans une certaine mesure de la globalité des sanctions, pour ce premier chef, le comité estime que le paiement d’une amende de 7 000 $ est une sanction qui saura dissuader l’intimé de recommencer et à ses pairs de l’imiter, ainsi que de nature à protéger le public.

[91]       Quant au deuxième chef d’accusation, même s’il savait pertinemment que Mongrain ne détenait pas le certificat requis, l’intimé lui a permis pendant deux ans d’exercer dans la discipline de l’assurance de personnes.

[92]        La plaignante a soumis deux décisions pour appuyer la sanction qu’elle recommande à ce deuxième chef d’accusation. Cependant, sa procureure a convenu que seule l’affaire Ducharme[19] se révélait pertinente. Dans celle-ci, onze chefs concernent des infractions analogues pour lesquels le comité a imposé une période de radiation de six mois.

[93]        La procureure a expliqué qu’elle demandait la même sanction, car, quoiqu’il n’y ait qu’un seul chef en l’espèce, il s’agit d’un choix de rédaction de la plainte. Au lieu d’un chef pour chaque date de transaction comme dans Ducharme, la plaignante a choisi ici de les rassembler dans un seul, se limitant à circonscrire la période durant laquelle l’intimé a commis cette infraction. La plaignante estime donc que l’intimé doit être sanctionné de la même façon, l’infraction étant de même gravité.

[94]        À l’instar de celui dans Ducharme, le présent comité est d’avis que :

« [63] (…) les infractions pour lesquelles l’intimé a été trouvé coupable sont d’une gravité objective indéniable.

[64] (…) les gestes posés par l’intimé causent un préjudice certain à la profession et portent atteinte à l’intégrité et à la crédibilité de celle-ci.

[65] (…), permettre à un représentant ayant été radié de poursuivre ses activités professionnelles équivaut à faire fi du processus disciplinaire mis en place afin d’assurer la protection du public.

[66] (…) le fait pour une personne faisant l’objet d’une mesure disciplinaire de poursuivre ses activités professionnelles est une infraction disciplinaire des plus graves.

[67] (…) ce soit à titre d’auteur réel ou de complice à ladite infraction, la gravité objective des gestes posés dans le contexte d’un exercice illégal ne fait aucun doute. »

[95]        D’ailleurs, ce faisant, l’intimé a joué un rôle essentiel, étant le seul à pouvoir soumettre les propositions aux assureurs en tant que représentant dûment certifié.

[96]        Comme plus haut mentionné, le comité est d’avis qu’au surplus, ces gestes ont été commis avec préméditation. En effet, l’intimé ne pouvait ignorer que Mongrain ne détenait pas le certificat requis, ayant lui-même signé, le 28 février 2013, la demande de ce dernier pour remettre en vigueur son certificat en assurance de personnes[20]. Au surplus, précédant le rattachement de Mongrain à son cabinet, l’intimé était informé le
5 juin 2014[21] qu’Empire Vie mettait fin à son contrat avec elle, étant donné qu’il a apposé sa signature sur une proposition d’assurance alors qu’il n’a pas rencontré les clients, et ce, en lieu et place de Mongrain qui n’avait pas de certificat.

[97]        À cela s’ajoute le fait que l’intimé était le dirigeant et seul administrateur de son cabinet.

[98]        Par conséquent, sous ce deuxième chef, le comité retiendra la recommandation de la plaignante, imposera à l’intimé une période de radiation de six mois et ordonnera la publication de l’avis de la présente décision.

[99]        Quant aux chefs d’accusation 3, 4 et 5, il s’agit également d’infractions graves. Faire de fausses déclarations à l’assureur pour laisser croire qu’il a agi comme conseiller et comme témoin des signatures des consommateurs les induit en erreur. Il donne au surplus son aval à la proposition recommandée par un tiers, mettant potentiellement en péril la protection du public.

[100]    Le comité fait siens les énoncés suivants de l’affaire Nantel[22] soumise par la plaignante :

« [19] (…). Il a procédé de façon clairement prohibée; il savait, ou ne pouvait ignorer, que ce qu’il faisait était incorrect et était de nature à discréditer la profession.

[20] Les assureurs doivent pouvoir se fier aux renseignements que leur transmettent les représentants.

[21] Ils doivent, en particulier, pouvoir compter que le représentant qui signe à titre de conseiller et de témoin de la signature d’un assuré a véritablement agi à ce titre.

[22] L’intimé a induit l’assureur Empire Vie en erreur à cet égard à sept reprises dans le dossier de M.B. et de F.B. entre février 2008 et janvier 2010.

[23] Un représentant doit également divulguer à l’assureur qu’il agit à ce titre lorsqu’il fait souscrire des propositions à des clients. »

[101]    Les décisions fournies à l’égard d’infractions semblables concluent à une amende de 5 000 $ pour ce type d’infraction. Mises à part l’affaire Nantel, elles ont été rendues à la suite de recommandations communes.

[102]    En l’espèce, le comité estime devoir tenir compte du fait que l’intimé a déjà été condamné pour ces mêmes gestes, dans l’instance pénale de 2017[23], à payer des amendes totalisant 4 000 $ à l’égard de deux des trois consommateurs impliqués dans la présente plainte.

[103]    Par conséquent, en tenant compte de l’ensemble des circonstances du dossier, des facteurs tant objectifs que subjectifs et de la globalité des sanctions, le comité condamnera l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $ sous le chef 3 et lui imposera une réprimande sous chacun des chefs 4 et 5.

[104]     Enfin, l’intimé sera condamné au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE ORDONNER la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion des prénoms et noms des consommateurs visés par la plainte, ainsi que de tout renseignement de nature personnelle et économique permettant de les identifier;

CONDAMNE l’intimé, sous le premier chef d’accusation, au paiement d’une amende de 7 000 $;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois sous le deuxième chef d’accusation;

CONDAMNE l’intimé, sous le troisième chef d’accusation, au paiement d’une amende de 3 000 $;

IMPOSE à l’intimé une réprimande sous chacun des quatrième et cinquième chefs d’accusation;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier conformément à l’article 156 (7) du Code des professions (RLRQ, c. C-26), aux frais de l’intimé, un avis de la décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

 

(s) Janine Kean   ____________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Diane Bertrand ___________________

Mme Diane Bertrand, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Eric Bolduc  ______________________

M. Eric Bolduc

Membre du comité de discipline

 

Me Valérie Déziel

CDNP AVOCATS INC.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me André Gingras

ANDRÉ GINGRAS, AVOCAT

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 15 janvier 2019  

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] P-15.

[2] P-5 : p. 25, l. 9 à 12; p. 32, l. 1 à 5; p. 34, l. 11 à 18; p. 36, l. 25; p. 37, l. 20 à 24; p. 38, l. 16 à p. 39 l. 1; p. 40, l. 10; p. 41 et 42.

[3] Aux fins de la présente plainte, les mises à jour ont été faites pour les années 2003, 2004 et 2005, ainsi que 2008, 2010, etc.

[4] Paragraphes 23, 26, 27, 35 et 36.

[5] Lettre de Me Déziel transmise après l’audition.

[6] P-10, paragraphe 12.

[7] P-15, minutes 10:05, 12:24, 13:29, 21:36, 32:55, 48:49, 49:40, 55:40.

[8] P-15.

[9] Loi sur la distribution de produits et services financiers, RLRQ c. D-9.2, article 16; Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, RLRQ c. D-9.2, r.3, articles 2, 11, 34 et 35.

[10] CSF c. Nantel, 2015 QC CDCSF 18 (culpabilité le 17 avril 2015 et sanction le 12 juillet 2016).

[11] P-15, l’enregistrement de la rencontre entre intimé et enquêteuse.

[12] SP-1.

[13] SI-1.

[14] Pour le chef d’accusation 1 : CSF c. Grenon, 2018 QCCDCSF 52, décision sur culpabilité et sanction du 28 juin 2018.

Pour le chef d’accusation 2 : CSF c. Derome, CD00-0980, décision sur culpabilité et sanction du    3 octobre 2013; CSF c. Ducharme, 2017 QCCDCSF 78, décision sur culpabilité du 8 décembre 2017, et 2018 QCCDCSF 67, décision sur sanction du 7 septembre 2018.

Pour les chefs d’accusation 3, 4 et 5 : CSF c. Nantel, 2015 QCCDCSF 18, décisions sur culpabilité du 17 avril 2015 et sur sanction du 12 juillet 2016; CSF c. Couture, CD00-0985, décision sur culpabilité et sanction du 28 mai 2014; CSF c. Sakovich, 2017 QCCDCSF 67, décision sur culpabilité et sanction du 10 novembre 2017; CSF c. Fortin, 2017 QCCDCSF 63, décision sur culpabilité et sanction du 30 octobre 2017.

[15] SI-1.

[16] Laliberté c. Millet (Chambre des notaires) décision du 27 avril 2000, dossier 26-98-00744; Arpenteurs-géomètres c. Durocher, 2008 CanLII 88347 (QC OAGQ); Infirmières et Infirmiers c. Martel, 2013 CanLII 53205 (QC CD0II).

[17] CSF c. Grenon, préc. note 3.

[18] Paragraphe 59.

[19] CSF c. Ducharme, préc. note 3.

[20] P-17.

[21] P-7.

[22] CSF c. Nantel, préc. note 3.

[23] P-10.

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