Bilodeau-Sirois et Centre de santé et de services sociaux Alphonse-Desjardins |
2014 QCCLP 6527 |
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[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue le 26 août 2013 qui déterminait l’emploi convenable de réceptionniste pour lequel le revenu brut annuel estimé est de 21 168,84 $, déclare que la somme de l’indemnité réduite à laquelle aura droit la travailleuse, étant donné ce revenu, est de 2 908,96 $ par année, soit 111,58 $ toutes les deux semaines. De plus, cette décision confirme celle qu’elle a initialement rendue le 20 août 2013 et déclare que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des travaux d’entretien ménager hebdomadaires.
[3] La travailleuse est présente et représentée à l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles siégeant à Lévis, le 16 septembre 2014. Centre de santé et de services sociaux Alphonse-Desjardins (l’employeur) est absent, bien que dûment convoqué. La CSST est représentée par procureure. La cause est mise en délibéré à cette même date.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que l’emploi de réceptionniste à temps plein ne constitue pas un emploi convenable à moins qu’il ne soit exercé à temps partiel.
[5] Relativement à la question du remboursement des travaux d’entretien ménager, le procureur de la travailleuse ne fait aucune représentation particulière, laissant le tout à l’appréciation du tribunal.
LES FAITS
[6] Afin de bien saisir le contexte entourant le présent litige, il apparaît utile de dresser un court historique des différentes réclamations produites par la travailleuse.
[7] La travailleuse occupe un emploi de préposée aux bénéficiaires chez l’employeur au moment où elle subit une première lésion professionnelle, le 18 juillet 2008. L’accident du travail survient alors qu’en compagnie d’une infirmière auxiliaire, elle doit venir en aide à une résidente.
[8] Plus précisément, la travailleuse devait aider la bénéficiaire à se lever de son fauteuil roulant. Pour ce faire, en compagnie de sa collègue infirmière auxiliaire, elle la soulève en utilisant son bras gauche qu’elle positionne sous l’aisselle de la bénéficiaire tandis que sa main droite est appuyée derrière elle. Une fois que la bénéficiaire est debout, la travailleuse la dirige vers le lavabo afin de permettre à sa collègue de procéder à sa toilette. La travailleuse demande alors à la bénéficiaire de se soutenir sur le bord du lavabo. Elle la soutient également sous le bras et doit, à cette fin, se pencher quelque peu en raison de la petite taille de la bénéficiaire. C’est en adoptant cette position, tout en retenant la bénéficiaire, qu’elle a commencé à ressentir de la douleur à l’omoplate du côté gauche qui irradiait vers le cou. Une fois la toilette de la bénéficiaire terminée, la travailleuse a dû la rasseoir dans son fauteuil en utilisant la même méthode et ensuite approcher le fauteuil du lit. Elle l’a alors soulevée une deuxième fois pour la mettre au lit, toujours en utilisant la même technique que lors de la première mise en charge. C’est en effectuant cette manœuvre qu’elle ressent une douleur plus importante à l’omoplate gauche. À la fin de son quart de travail, la travailleuse se rend à son domicile où elle prend des comprimés de Tylenol. Elle affirme avoir eu de la difficulté à dormir en raison de la douleur principalement située à la région cervicale. Le lendemain, elle se présente à l’urgence où elle consulte le docteur Paradis qui pose le diagnostic d’entorse cervico-dorsale, prescrit des anti-inflammatoires et des relaxants musculaires et autorise un arrêt de travail pour une semaine.
[9] La travailleuse produit une réclamation à la CSST qui l’accepte en relation avec le diagnostic d’entorse cervico-dorsale. Elle fait l’objet d’un suivi médical régulier comportant plusieurs tests paracliniques et évaluations que le tribunal ne considère pas pertinent de reprendre en détail ici.
[10] Au terme de ce suivi médical, les diagnostics reconnus en relation avec la lésion professionnelle du 18 juillet 2008 sont ceux d’entorse cervico-dorsale et de syndrome facettaire cervical. La Commission des lésions professionnelles confirme que le diagnostic de hernie discale C6-C7 gauche n’est pas en relation avec cette lésion. Cette lésion professionnelle est consolidée le 12 mai 2009 et les soins ou traitements reçus sont considérés comme suffisants à cette date. De plus, la travailleuse ne conserve pas de limitation fonctionnelle ou d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et n’a donc pas droit à une indemnité pour préjudice corporel. La Commission des lésions professionnelles, dans le cadre d’une décision rendue le 6 septembre 2011[1], déclare que la travailleuse a la capacité d’exercer son emploi prélésionnel de préposée aux bénéficiaires à compter du 12 mai 2009 et que c’est à cette date que prend fin son droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu. La travailleuse reprend donc ses fonctions dans son emploi prélésionnel.
[11] Puis, elle réclame pour une récidive, rechute ou aggravation à compter du 3 janvier 2010 de la lésion subie lors de l’événement initial du 18 juillet 2008. Bien que cette réclamation ait d’abord été refusée par la CSST, refus qui a été confirmé à la suite d’une révision administrative, la Commission des lésions professionnelles a infirmé cette décision le 6 septembre 2011[2] et a déclaré que la travailleuse avait subi une récidive, rechute ou aggravation le 3 janvier 2010, en regard du diagnostic de cervicobrachialgie gauche d’origine facettaire.
[12] Le 7 mai 2012, la travailleuse produit une nouvelle réclamation à la CSST. Bien qu’il apparaisse du formulaire de réclamation que la travailleuse produit à la CSST le 11 mai 2012 qu’elle réclame pour une récidive, rechute ou aggravation de la lésion subie lors de l’événement initial du 18 juillet 2008, la CSST a plutôt considéré sa réclamation sous l’angle d’un nouvel événement. Cependant, le 13 novembre 2013, la Commission des lésions professionnelles a rendu une décision modifiant celle de la CSST et déclarant plutôt qu’il s’agit d’une récidive, rechute ou aggravation de la lésion subie lors de l’événement initial du 18 juillet 2008[3]. La travailleuse décrit les circonstances entourant cette réclamation comme suit:
Transfert du fauteuil au lit deux préposés d’une dame hémiplégique. Les jambes de la dame ont lâché et nous nous tous 3 empilé sur le lit avec pour protection mes bras et mon genou droit pour éviter que la dame ne glisse parterre et se blesse. [sic]
[13] Au soutien de cette réclamation, la travailleuse produit un rapport médical destiné à la CSST rempli par le docteur Létourneau, le 10 mai 2012, où il pose le diagnostic d’entorse cervicale aiguë gauche et mentionne que la travailleuse est connue pour une cervico-brachialgie chronique gauche. Il prescrit un arrêt de travail pour une semaine, puis des travaux légers.
[14] À compter du 24 mai 2012, la travailleuse est prise en charge par la docteure Ethel Higgins qui remplit un rapport médical où elle inscrit « rechute de cervicobrachialgie gauche », recommande un arrêt de travail indéterminé et une réorientation professionnelle requise en raison d’une cervico-brachialgie gauche chronique.
[15] Le 24 mai 2012, la travailleuse est évaluée par le docteur Jacques Turcotte, omnipraticien, à la demande de l’employeur. Au terme de son évaluation, il conclut à un diagnostic de récidive, rechute ou aggravation d’une cervicobrachialgie gauche connue depuis l’événement du 18 juillet 2008. Il considère qu’il est trop tôt pour se prononcer sur la date de consolidation de la lésion. Par ailleurs, il est d’opinion que la travailleuse reçoit les traitements adéquats et doit passer une résonance magnétique cervicale. En ce qui a trait aux limitations fonctionnelles, il indique que la travailleuse en a déjà et qu’elles doivent s’appliquer. Il envisage cependant la possibilité d’une modification de ces limitations fonctionnelles.
[16] Le 10 juin 2012, la travailleuse passe une résonance magnétique du rachis cervical dont les résultats sont interprétés par la docteure Johanne Mathurin, radiologiste. Elle note une légère arthrose acromio-claviculaire, une légère quantité de liquide dans la bourse sous-acromio-sous-deltoïdienne suggérant de légers signes de bursites, de légers signes de tendinopathie du tendon du sous-épineux sans déchirure associée et des géodes kystiques dégénératives au sein de la grosse tubérosité humérale qui pourraient suggérer un syndrome d’accrochage acromio-huméral. Elle précise cependant qu’il s’agit d’un diagnostic clinique qui doit être corrélé avec l’examen physique.
[17] Le 5 juillet 2012, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse en lien avec les diagnostics d’entorse cervicale aiguë gauche et de cervicobrachalgie gauche auxquels s’ajoute éventuellement, le 18 juillet 2012, le diagnostic de tendinopathie à l’épaule gauche. Ces décisions sont confirmées le 12 septembre 2012 à la suite d’une révision administrative. Cependant, le 13 novembre 2013, la Commission des lésions professionnelles rend une décision à l’égard de plusieurs litiges et modifiant quelque peu ces conclusions. Nous y reviendrons plus tard.
[18] Le 26 juillet 2012, la docteure Higgins rédige un billet médical non destiné à la CSST où elle recommande une aide-ménagère en raison de la cervicobrachialgie gauche chronique et de la tendinopathie de l’épaule gauche.
[19] Le 23 août 2012, la travailleuse est évaluée par le docteur André Blouin, spécialiste en médecine du travail, à la demande de l’employeur. Au terme de son évaluation, il retient les diagnostics de cervicobrachialgie gauche chronique et de syndrome facettaire cervical multi-étagé. Sur le plan personnel, il envisage la présence d’un syndrome du défilé thoracique gauche et d’une cervicarthrose multi - étagée. Il est d’opinion que la lésion professionnelle n’est pas consolidée et, à titre de soins ou traitements, recommande la cessation du tabagisme, de même qu’un programme de conditionnement physique sur une base régulière et intensive. Il croit que la travailleuse devra être évaluée à cet effet par un kinésiologue. De plus, il recommande une consultation en chirurgie vasculaire pour évaluer le défilé thoracique. Il est d’avis qu’il faudrait éviter l’administration d’une médication analgésique narcotique et plutôt privilégier les analgésiques simples. Il lui recommande également de la natation sur une base régulière. À son avis, il n’y a pas d’atteinte permanente additionnelle à l’intégrité physique ni d’ajout aux limitations fonctionnelles.
[20] Il appert du dossier qu’à compter du mois de novembre 2012, des rencontres ont lieu entre la travailleuse et la conseillère en réadaptation responsable de son dossier, madame Marie-Ève Marcotte. Lors de la rencontre du 7 novembre 2012, la conseillère en réadaptation demande à la travailleuse de lui fournir des scénarios idéaux en lien avec un emploi convenable. Il en ressort ce qui suit des notes évolutives décrivant cette rencontre :
[…]
Scénarios idéaux de la T
1. Que l’employeur lui propose un EC qui ressemblerait à accompagnatrice aux personnes gravement malades ou en soins palliatifs et qu’elle puisse suivre une formation en conséquence.
2. Que l’employeur lui propos un EC d’archiviste médicale
3. Se diriger vers l’emploi de technicienne en laboratoire de pharmacie (idéalement, elle aimerait pouvoir l’occuper chez E) et suivre la formation en lien
4. Se diriger vers l’emploi de conseillère en préarrangements funéraires [sic]
[…]
[21] Après que la travailleuse ait énoncé ces scénarios idéaux, la conseillère en réadaptation lui rappelle que la CSST doit appliquer la solution appropriée la plus économique en vue de déterminer l’emploi convenable. Elle lui recommande donc d’envisager d’autres options qui permettraient de déterminer un emploi convenable sans formation, idéalement en lien avec ses expériences de travail antérieures. Elle résume leur entretien comme suit :
[…]
Expériences de travail antérieures : 8 ans à la maison avec les enfants. Préposée au permis à la SAAQ. Agente administrative dans une compagnie de finance pour prêt à la consommation en recouvrement, préposée aux bénéficiaires depuis 2007
Scolarité : Secondaire V, DEP cours de préposée aux bénéficiaires, DEP comptabilité en 1994
[…]
[22] Il appert du résumé de la discussion que la travailleuse considère que ses expériences antérieures ne sont pas réellement transférables dans un autre emploi. Elle précise que son expérience antérieure acquise dans une compagnie financière ne lui a vraiment pas plu et qu’elle ne veut plus effectuer ce type de travail. La conseillère en réadaptation l’interroge alors sur un emploi d’agente de bureau ou de secrétaire médicale. La travailleuse se dit non intéressée et considère que ces emplois ne respecteraient pas ses limitations fonctionnelles, car elle aurait à travailler avec la colonne cervicale en position fixe et qu’elle ne pourrait manipuler des dossiers. Puis, l’emploi de préposée à l’accueil et à la réception est proposé. La travailleuse trouve que cet emploi est en dessous de ses qualifications et qu’elle vise mieux qu’un emploi à bas salaire. Elle dit ne pas être emballée par cette idée. Il est alors proposé de parler plutôt d’un poste d’adjointe administrative, ce qui fait plus de sens pour la travailleuse. Cependant, elle émet des réserves puisqu’elle n’est pas à jour dans l’utilisation des logiciels et qu’elle ne connait pas la méthode du doigté avec un clavier.
[23] Au terme de cette rencontre qui était antérieure à la détermination des limitations fonctionnelles, la conseillère en réadaptation mentionne que le souhait de la travailleuse serait l’emploi d’assistante technique en pharmacie alors que les emplois possibles, sans formation, pourraient être ceux de préposé à l’accueil et à la réception et adjointe administrative avec une mise à jour des logiciels Office. La travailleuse émet des craintes ou souligne des difficultés qu’elle anticipe à l’égard de chacun des emplois proposés par la conseillère en réadaptation. Néanmoins, des démarches sont proposées à la travailleuse en vue d’explorer plus à fond ces possibilités.
[24] Le 13 novembre 2012, la travailleuse communique avec sa conseillère en réadaptation pour l’informer qu’elle a fait des démarches à la suite de la première rencontre d’exploration. Elle l’informe que la prochaine cohorte pour la formation en technique d’assistance en pharmacie aura lieu en août 2013. Elle ira passer une journée avec son pharmacien pour évaluer les tâches et exigences de cet emploi et confirmer son intérêt. Par ailleurs, elle informe la conseillère en réadaptation qu’elle n’est plus intéressée par une formation de conseillère en services funéraires. La conseillère en réadaptation lui indique qu’une formation débutant en août 2013 ne constituera pas la solution appropriée la plus économique puisque la décision de capacité devra suivre la réception du rapport d’évaluation médicale qui n’est pas encore disponible.
[25] Le 16 novembre 2012, la conseillère en réadaptation reçoit une lettre de madame Mylène Lavoie, conseillère d’orientation au Centre de formation professionnelle Fierbourg, qui dispense le cours d’assistante technique en pharmacie. Cette dernière lui écrit pour lui indiquer que ce travail est très exigeant au niveau du dos, des épaules et des bras, en raison des préparations stériles à effectuer. Elle informe donc la travailleuse de ces éléments et lui propose de poursuivre sa réflexion pour déterminer un autre emploi convenable.
[26] Le 30 novembre 2012, la travailleuse communique avec la conseillère en réadaptation et elles discutent d’autres possibles emplois convenables, dont celui d’aide-optométriste, assistante chiropratique, assistante technique de collecte de sang, auxiliaire dans les laboratoires dentaires, préposée à la stérilisation et technicienne de laboratoire de lentilles. Elles conviennent de se reparler lorsque les conclusions du rapport d’évaluation médicale seront connues.
[27] Le 11 mars 2013, la travailleuse est évaluée par le docteur Sylvain Belzile, chirurgien orthopédique, à la demande de la CSST. Au terme de son évaluation, le docteur Belzile retient les diagnostics d’entorse cervicale aiguë avec cervicobrachialgie gauche chronique et de tendinopathie à l’épaule gauche. Il consolide la lésion en date de son examen et est d’opinion que la travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique qui en fait est la même que celle qui avait été reconnue lors de la récidive, rechute ou aggravation du 3 janvier 2010, comme il appert du bilan des séquelles qu’il produit, où l’on peut lire ce qui suit :
Code 203 504 :
Entorse cervicale sans séquelles fonctionnelles objectivées : 0 %
Code 102 383 :
Atteinte des tissus mous membre supérieur gauche avec séquelles fonctionnelles : 2 %
Code 104 808 :
Ankylose en abduction épaule gauche : 1 %
Code 104 906 :
Ankylose en élévation antérieure gauche : 1 %
Séquelles antérieures :
[…]
Code 102 383 :
Atteinte des tissus mous membre supérieur gauche avec séquelles fonctionnelles : 2 %
Code 104 808 :
Ankylose en abduction épaule gauche : 1 %
Code 104 906 :
Ankylose en élévation antérieure épaule gauche : 1 %
[…]
[28] Quant aux limitations fonctionnelles, il est d’avis de retenir celles qui avaient déjà été déterminées par le docteur Lirette en janvier 2012, à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 3 janvier 2010, soit :
[…]
Pour le rachis cervical :
« Éviter les mouvements répétitifs de flexion et d’extension au niveau du rachis cervical. Éviter de travailler avec une position d’extension de la tête durant une période prolongée. Éviter de manipuler des charges, de pousser, de soulever ou de tirer des poids de plus de 25 kilogrammes avec le membre supérieur gauche. »
Pour ce qui est de l’épaule gauche :
« Éviter de faire un travail nécessitant l’utilisation du membre supérieur gauche plus haut que la hauteur des épaules, soit de plus de 90 degrés d’élévation ou d’abduction de façon fréquente, répétitive ou soutenue. »
[…]
[29] En mars 2013, madame Line Laflamme, psychologue, rédige un rapport d’intervention psychologique résumant cinq rencontres qu’elle a eues avec la travailleuse les 6, 18 et 25 février 2013 et les 19 et 26 mars 2013. Le tribunal croit utile de reproduire certains passages de ce rapport :
[…]
Quand nous regardons avec elle les possibilités d’emploi, elle nous dit qu’un travail qui l’amènerait à être en contact avec les gens l’intéresserait. Toutefois, le travail de bureau ne lui dit rien. Un travail tel que préposée à l’accueil pourrait l’intéresser, mais elle souligne qu’étant donné ses douleurs et les absences fréquentes qui se produiraient, aucun employeur ne serait intéressé à la garder comme employée.
Madame Bilodeau-Sirois mentionne vivre de l’anxiété face à son avenir, face à ce qui lui arrivera du côté travail. Elle mentionne que cela affecte son sommeil.
En résumé, les interventions effectuées auprès de la cliente n’ont pas porté fruit. Madame se voit actuellement comme incapable de se mobiliser davantage. [sic]
[30] Le 27 mars 2013, la docteure Higgins remplit un rapport final où elle réitère le diagnostic de cervicobrachialgie gauche chronique. Elle considère que la condition est stable. Elle consolide la lésion en date de son examen et est d’opinion que la travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles. Elle la dirige vers le docteur Daniel Garneau, orthopédiste, pour évaluation des séquelles.
[31] Le 27 mars 2013, lors d’un échange entre la conseillère en réadaptation et la travailleuse, cette dernière se dit très anxieuse face à son avenir et s’interroge sur son employabilité en raison de son manque d’endurance physique, du fait que certains jours elle a tellement de douleur qu’elle est incapable de faire la moindre tâche et du risque qu’elle s’absente de son emploi en raison de la douleur. Après discussion, la travailleuse admet qu’elle aimerait qu’un intervenant considère tous les symptômes subjectifs dont elle se plaint (douleur, incapacité, etc.) et détermine qu’elle n’a plus la capacité de travailler ou qu’elle ne peut travailler qu’à temps partiel. Lors de cette discussion, la travailleuse revient à la charge avec son désir de suivre la formation d’assistante technique en pharmacie.
[32] Le 3 avril 2013, une nouvelle rencontre a lieu entre la travailleuse et la conseillère en réadaptation dans le but d’identifier un emploi convenable. D’entrée de jeu, la travailleuse exprime que son objectif, si elle retourne ailleurs sur le marché du travail, est de pouvoir occuper un emploi à un meilleur salaire que ce qu’elle gagnait. Elle revient donc à la charge avec la possibilité de suivre une formation qui serait remboursée par la CSST. La conseillère en réadaptation lui fournit de nouveau des explications selon lesquelles le mandat de la CSST n’est pas d’améliorer le sort d’un travailleur ou d’une travailleuse accidentés sur le marché du travail, mais bien de permettre de maintenir le statut professionnel reconnu au moment de l’événement.
[33] Après discussions, en vue d’établir des pistes d’emploi convenable, la travailleuse identifie certains éléments pour en guider la détermination, soit le désir de travailler avec le public, dans des tâches cléricales, de donner de l’information au téléphone ou en personne et, idéalement, dans un environnement relié à la santé. Du même coup, la travailleuse exprime son inquiétude relativement à l’utilisation des outils informatiques et aimerait se perfectionner en ce qui a trait aux logiciels Office et pouvoir se « débrouiller » en comptabilité de base. Une formation en ce sens est donc autorisée par la CSST.
[34] Dans les semaines suivantes, les démarches en vue de déterminer un emploi convenable se poursuivent.
[35] Le 15 avril 2013, la CSST reçoit un rapport complémentaire rempli par la docteure Higgins en réaction à l’expertise du docteur Belzile. Elle se dit d’accord avec les diagnostics posés et la date de consolidation du 11 mars 2013 retenue par ce dernier. Quant aux traitements, elle mentionne que la travailleuse doit continuer d’aller à la clinique de la douleur et se dit donc d’accord avec la suggestion du docteur Belzile. Cependant, elle est en désaccord avec certains éléments de l’évaluation de l’atteinte permanente et quant à la détermination des limitations fonctionnelles.
[36] Le 21 mai 2013, la travailleuse communique avec la conseillère en réadaptation pour lui confirmer qu’elle a commencé la formation visant à acquérir des compétences en informatique pour un emploi éventuel de préposée à l’accueil et aux renseignements. Elle indique qu’elle éprouve beaucoup de difficultés à faire ses journées en classe et qu’elle a d’ailleurs dû manquer une journée en raison d’une mauvaise nuit et de douleur. Ces difficultés s’expliquent par une persistance des douleurs à la région cervicale et la nécessité de prendre des médicaments qui la rendent moins fonctionnelle. Elle ne se sent plus en mesure de poursuivre la formation à temps plein en classe. Elle aimerait pouvoir continuer à domicile à son rythme et aller en classe lorsqu’elle se sent capable. Interrogée sur sa perception de sa capacité de travail, la travailleuse affirme qu’elle ne voit pas comment elle pourra travailler à temps plein étant donné la douleur persistante et les mauvaises nuits qu’elle vit parfois. Elle s’explique mal pourquoi aucun médecin n’indique qu’elle ne sera plus capable d’occuper un travail à temps plein et qu’ils ne parlent pas de la façon dont elle vit avec ses douleurs. Devant cet état de fait, la conseillère en réadaptation demande à la travailleuse si elle entend poursuivre ou arrêter sa formation. La réponse de celle-ci est plutôt ambiguë. Il est donc convenu qu’elle devra prendre une décision après avoir consulté son médecin.
[37] Le 22 mai 2013, la docteure Higgins rédige un nouveau rapport complémentaire modifiant celui produit précédemment, où elle ajoute au diagnostic celui de névralgie d’Arnold bilatérale secondaire à la cervicobrachialgie.
[38] Le 22 mai 2013, la travailleuse communique avec la conseillère en réadaptation pour l’informer qu’elle a rencontré son médecin traitant, la docteure Higgins, qui autorise la poursuite de la formation, mais à temps partiel. Madame Marcotte s’interroge sur cette réponse de la part du médecin traitant alors que la question était plutôt de savoir si la travailleuse pouvait ou non faire la formation à temps plein. La discussion bifurque vers la capacité de la travailleuse à occuper un emploi de préposée à l’accueil à temps plein, ce à quoi celle-ci répond qu’elle ne se voit occuper aucun emploi à temps complet. Dans ces circonstances, la conseillère en réadaptation interroge la travailleuse sur son désir de poursuivre la formation tout en affirmant qu’elle ne pourra occuper cet emploi à temps plein. La travailleuse dit qu’elle tient tout de même à terminer cette formation dans le but de décrocher éventuellement un emploi à temps partiel. Par conséquent, la CSST, considérant que la demande de la travailleuse à l’égard de la formation ne respecte pas les politiques de la CSST, en ce qui concerne la mise en place de mesures de formation en vertu de l’article 166 de la loi, met fin à celle-ci. La travailleuse se dit déçue de cette décision. Il est alors convenu d’attendre les résultats du Bureau d’évaluation médicale avant de statuer sur quelque formation que ce soit ou emploi convenable.
[39] Le 24 mai 2013, la conseillère en réadaptation rencontre la responsable de la formation au Centre de formation professionnelle Gabriel-Rousseau, où la travailleuse s’est inscrite et a suivi une partie de la formation relative aux logiciels Office. Cette dernière mentionne qu’en aucun temps elle n’a été informée par les enseignantes de plaintes de la part de la travailleuse en regard de douleur physique ou de fatigue. Elle explique que lorsque ce genre de situation est porté à son attention, elle s’empresse de communiquer avec la CSST. Elle poursuit en mentionnant que les enseignantes avaient noté que la travailleuse manifestait une attitude rigide et impatiente en formation. Sur le plan des apprentissages, elle avait beaucoup de potentiel et dépassait même les attentes en termes de rapidité, d’apprentissage et de compréhension. Madame Marcotte avait d’ailleurs suggéré à la travailleuse de consulter une personne responsable sur le plan de la reconnaissance des acquis en lien avec sa formation antérieure en comptabilité.
[40] Le 14 juin 2013, la travailleuse est évaluée par le docteur René Parent, physiatre et membre du Bureau d’évaluation médicale. Il doit alors se prononcer à l’égard de l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles.
[41] Au terme de son évaluation, il dresse le bilan suivant des séquelles :
[…]
Séquelles actuelles :
Code Description DAP
203 513 Entorse colonne cervicale avec séquelles
fonctionnelles objectivées avec ou sans changements
radiologiques 2 %
102 383 Atteinte des tissus mous membre supérieur
gauche avec séquelles fonctionnelles 2 %
Séquelles antérieures
203 504 Entorse cervicale sans séquelle fonctionnelle objectivée 0 %
102 383 Atteinte des tissus mous membre supérieur gauche
avec séquelles fonctionnelles objectivées 2 %
104 808 Ankylose en abduction épaule gauche 1 %
104 906 Ankylose en élévation antérieur épaule gauche 1 %
[…]
[42] Il est d’opinion que la travailleuse conserve des limitations fonctionnelles de classe II selon l’IRSST qu’il décline ainsi :
[…]
Restriction de classe 2 de l’IRSST, soit en plus des restrictions de classe1 :
Colonne cervicale
- Éviter des activités qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant environ 15 kilos,
- Éviter d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension, de torsion de la colonne cervicale même de faible amplitude.
Épaule gauche
- Éviter de faire un travail nécessitant l’utilisation du membre supérieur gauche plus haut que la hauteur des épaules, soit à plus de 90 o d’élévation, d’abduction de façon fréquente, répétitive ou soutenue,
- Éviter de soutenir des charges de plus de 10 kilos plus haut que la hauteur des épaules, soit à plus de 90 o d’élévation, d’abduction de façon fréquente, répétitive ou soutenue.
[…]
[43] Le 12 juillet 2013, le docteur Parent rédige un avis complémentaire et correctif ajoutant à son avis antérieur son opinion relative aux diagnostics. Il retient ceux d’entorse cervicale avec dysfonction segmentaire pluri-étagée et de tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche. Il ne modifie pas les autres conclusions de l’avis précédent. La CSST rend une décision entérinant les conclusions émises par le Bureau d’évaluation médicale. Cette décision est confirmée au stade de la révision administrative, mais modifiée à la suite de la décision rendue le 13 novembre 2013 par la Commission des lésions professionnelles à laquelle il a été fait référence plus haut.
[44] Le 2 août 2013, la CSST rend une décision reconnaissant à la travailleuse le droit à la réadaptation puisqu’elle conserve des limitations fonctionnelles attribuables à la lésion professionnelle du 7 mai 2012.
[45] À la réception de l’avis du Bureau d’évaluation médicale, la conseillère en réadaptation, qui est dorénavant madame Sonia Beaulac, conclut que la travailleuse n’a pas la capacité de refaire son emploi prélésionnel de préposée aux bénéficiaires et explore, avec la collaboration de l’employeur, les possibilités d’emploi convenable au sein de son établissement.
[46] Le 15 août 2013 a lieu une rencontre entre madame Beaulac et la travailleuse. Lors de cette rencontre, cette dernière maintient son discours relatif à son incapacité de travail, se considérant comme inapte à tout travail. Lors de cette rencontre, la travailleuse se plaint des effets secondaires de la médication faisant qu’elle se sent « droguée » et que cela nuit à son fonctionnement. Elle est alors en ajustement de médication. En plus de se plaindre des effets néfastes de la médication, la travailleuse dit qu’elle a de la difficulté à dormir et que la douleur ressentie entraîne de la fatigue additionnelle. Elle ne voit pas qui pourrait l’embaucher dans de telles circonstances et est d’opinion qu’on la « condamne » en la retournant sur le marché du travail. Elle mentionne avoir discuté avec l’employeur et lui avoir affirmé qu’elle ne pouvait travailler à temps plein. L’emploi convenable de réceptionniste est proposé par la conseillère en réadaptation. Des démarches additionnelles doivent cependant être effectuées avant de le retenir officiellement.
[47] Le 22 août 2013, l’employeur communique avec la conseillère en réadaptation pour lui indiquer qu’il n’y a pas d’emploi convenable à offrir à la travailleuse. Dans ce contexte, un emploi convenable sera déterminé ailleurs sur le marché du travail. Au terme de son analyse, la conseillère en réadaptation retient l’emploi convenable de réceptionniste. Il appert de la grille de détermination de l’emploi convenable qu’elle remplit que cet emploi permet à la travailleuse d’utiliser sa capacité résiduelle en s’appuyant sur le descriptif provenant de la fiche REPÈRES qui se lit comme suit :
[…]
L’EC déterminé respecte le LF de la travailleuse. Voici les tâches de l’EC déterminé selon Reperes :
- Accueille les personnes qui se présentent dans le bureau ou dans l’établissement.
- Détermine le but de leur visite et dirige les visiteurs vers l’endroit approprié.
- Obtient et traite les renseignements requis.
- Utilise un système téléphonique pour répondre et acheminer les appels.
- Fixe et confirme les rendez-vous.
- Exécute, au besoin, d’autres tâches de bureau, notamment saisir du texte à l’ordinateur, classer, enregistrer les paiements pour les services dispensés, vérifier des documents, etc.
- Enregistre les messages et donne des renseignements d’ordre général.
Exigences physiques selon Reperes :
Vision : Être capable de voir près
Perception sensorielle : Être capable de communiquer verbalement
Position corporelle : Être capable de travailler principalement en position assise
Coordination des membres : Être capable de coordonner les mouvements de ses membres supérieurs
Force physique : Être capable de soulever un poids jusqu’à environ 5 kg.
[…]
[48] De plus, selon son analyse, cet emploi permet à la travailleuse d’utiliser ses qualifications professionnelles pour les motifs qui suivent :
[…]
Toujours selon Reperes, il s’agit d’un emploi auprès du public demandant une capacité d’écoute, la facilité de communication, la courtoisie, la patience, l’entregent, le dynamisme, la diplomatie, le sens de l’organisation et la minutie. Ce sont là des compétences transférables que la travailleuse a acquises dans son expérience de préposée aux bénéficiaires. De plus, la travailleuse possède un DES et une expérience professionnelle de 4 ans comme préposée aux permis et quelques années comme agente de recouvrement. L’emploi déterminé permettra à la travailleuse de garder son intérêt pour le travail auprès du public, fera appel à son compétences transférables et respecte ses qualifications professionnelles. [sic]
[…]
[49] De même, cet emploi présente une possibilité raisonnable d’embauche puisque, selon le site Internet d’Emploi Québec, soit « Information sur le marché du travail », les perspectives professionnelles sont acceptables pour la région de la Chaudière-Appalaches et de la Capitale-Nationale. De plus, elle mentionne qu’il s’agit d’un domaine d’emploi dans lequel il y a nécessité de remplacement pour les départs à la retraite, ce qui crée des possibilités d’embauche. La conseillère en réadaptation considère que cet emploi ne présente pas de danger pour la santé ou la sécurité de la travailleuse puisqu’il respecte ses limitations fonctionnelles et constitue un emploi approprié puisqu’il rejoint les intérêts de la travailleuse d’effectuer un emploi auprès du public et pouvant lui offrir également des milieux de travail variés. Puisque la travailleuse a manifesté un intérêt pour le domaine médical, elle est d’avis qu’elle pourra trouver ce type d’emploi notamment dans le réseau de la santé, les cliniques médicales, de physiothérapie, de massothérapie, d’optométrie ou autres. De plus, il s’agit d’un domaine qui ne requiert pas de compétence spécifique.
[50] Le 26 août 2013, la CSST rend donc une décision déterminant l’emploi convenable de réceptionniste dont la travailleuse a la capacité d’exercer à compter du 23 août 2013. Elle détermine un revenu brut annuel de 21 168,84 $. Dès que la travailleuse se trouvera un emploi comme réceptionniste, ou au plus tard le 22 août 2014, elle aura droit à une indemnité de remplacement du revenu réduite.
[51] Parallèlement, la travailleuse a produit à la conseillère en réadaptation une réclamation en vue de se faire rembourser des travaux d’entretien du domicile, soit l’entretien courant de façon hebdomadaire (passer l’aspirateur, laver le four, laver le bain, etc.). Le 20 août 2013, la CSST refuse cette réclamation au motif qu’il ne s’agit pas de travaux faisant partie de l’entretien courant du domicile, au sens où l’entend la loi. Ces deux décisions (celles du 20 et du 26 août 2013) sont confirmées à la suite d’une révision administrative le 23 septembre 2013 et le tribunal est actuellement saisi d’une requête à l’encontre de celles-ci.
[52] Le 13 novembre 2013, la Commission des lésions professionnelles rend une décision[4] portant sur plusieurs litiges. Notamment, elle détermine qu’à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 3 mai 2010, la travailleuse est incapable de refaire son emploi de préposée aux bénéficiaires à compter du 2 avril 2012 en raison des limitations fonctionnelles qu’elle conserve et qu’elle a droit, par conséquent, aux prestations prévues à la loi.
[53] De même, elle décide que la travailleuse a subi, le 7 mai 2012, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale du 18 juillet 2008 (et non une lésion reliée à un nouvel événement) et que le seul diagnostic reconnu en regard de cette lésion est une entorse cervicale avec dysfonction segmentaire pluri-étagée justifiant l’octroi des seules limitations fonctionnelles supplémentaires décrites pour la colonne cervicale à l’avis du Bureau d’évaluation médicale signé le 28 juin 2013.
[54] De plus, la Commission des lésions professionnelles déclare que la travailleuse a droit à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce que la CSST ait statué sur sa capacité de travail et déclare qu’elle n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel en l’absence d’atteinte permanente supplémentaire résultant de sa lésion professionnelle du 7 mai 2012. Cette décision a acquis un caractère final et irrévocable.
[55] En vue de l’audience devant la présente instance, la travailleuse produit une lettre émanant de la docteure Higgins, datée du 17 avril 2014, faisant suite à certaines questions de la part du procureur de la travailleuse. Le tribunal croit utile de la reproduire dans son intégralité :
[…]
Pour faire suite à la réception de votre lettre datée du 16 avril 2014, voici mon avis concernant vos questions.
Comme la CSST l’a retirée de ses cours à temps complet en juin 2013 et que j’avais recommandé à cette même période, à la CSST un emploi pour cette patiente à temps partiel, il est bien évident que je maintiens cette recommandation soit un travail à temps partiel.
En ce qui concerne les diagnostics retenus par la CSST; l’emploi de réceptionniste m’apparait adéquat pourvu qu’il respecte les limitations fonctionnelles de classe deux, mais à temps partiel.
En ce qui concerne la condition globale de santé de la patiente et la lourde médication de narcotiques que madame Bilodeau Sirois doit prendre; je ne suis pas convaincue qu’elle pourrait être apte au travail de réceptionniste.
C’est pourquoi je demanderais l’avis du ou des médecins de la clinique de douleur de l’Hôtel Dieu de Lévis qui soignent et prescrivent les narcotiques à cette patiente en l’occurrence le Dr. Sébastien Tousignant.
Je vous suggère donc de demander leur opinion sur ce sujet bien précis.
[…]
[nos soulignements]
[56] Le 17 juin 2014, la travailleuse est évaluée par le docteur Donald Rivest, neurologue, à la suite d’une référence du docteur Tousignant afin d’examiner le problème de céphalées dont elle se plaint. Bien que cette consultation soit postérieure à la détermination de l’emploi convenable de réceptionniste, il apparaît utile d’y faire référence étant donné les prétentions des parties.
[57] D’entrée de jeu, le docteur Rivest mentionne que la travailleuse a été dirigée vers lui en regard d’un problème de céphalées chroniques dont elle se plaint depuis l’automne 2012. Elle décrit sa douleur en parlant de sensation d’étau, de serrement avec paroxysmes de spasmes diffus à la tête et aux membres. À l’examen, il note qu’elle est « orientée, alerte, non ralentie. Le fond de l’œil est normal. Les nerfs crâniaux normaux. L’examen moteur m’apparaît normal avec forces segmentaires, tonus normal, réflexes ostéotendineux normaux, cutanés plantaires en flexion. Examen sensitif normal. Épreuves cérébelleuses normales. Démarche normale. Romberg négatif ». Il conclut qu’elle ne présente pas de céphalée d’origine structurale ou cervicogénique ou de névralgie C2. Elle ne présente pas non plus de céphalée de surconsommation médicamenteuse. Il mentionne que la travailleuse présente une personnalité « borderline » ou limite, ce qui complique l’approche thérapeutique. Il conclut son rapport en indiquant qu’il faut axer le plan de traitement sur la réhabilitation fonctionnelle avec des traitements en physiothérapie, ergothérapie et psychologie.
[58] Pour faire suite aux recommandations de la docteure Higgins, un avis de la part du docteur Sébastien Tousignant est requis, en regard des effets de la médication. Le tribunal croit utile de reproduire la réponse de ce médecin datée du 28 juin 2014 :
[…]
Pour faire suite à votre demande concernant la patiente ci-haut mentionnée, voici mon impression et mes recommandations.
Tel que discuté avec Mme Bilodeau-Sirois, je recommande un retour graduel au travail à temps partiel. Je ne crois pas qu’elle sera apte à effectuer un travail à temps plein.
Le travail de réceptionniste me semble adéquat malgré la prise de médication antalgique. Selon moi, elle me semble apte à occuper cet emploi qui m’apparaît adapté à sa condition médicale.
[…]
[nos soulignements]
[59] Le 8 août 2014, la travailleuse consulte le docteur Claude Blier, rhumatologue, en lien avec des arthralgies dont se plaint la travailleuse. Au terme de son évaluation, le docteur Blier conclut qu’elle présente de l’arthromylagie non spécifique. Il l’encourage à travailler en vue d’un éventuel retour au travail. À cette fin, il propose qu’elle bénéficie de physiothérapie, d’ergothérapie et de kinésithérapie et qu’elle envisage un retour au travail graduel à raison d’un jour par semaine pour un mois, puis deux jours, puis trois en fonction de sa tolérance. Il ne propose pas de traitement particulier au plan rhumatologique et ne prévoit pas revoir la travailleuse.
La preuve testimoniale
[60] Dans le cadre de son témoignage, la travailleuse a d’abord rappelé qu’elle exerçait l’emploi de préposée aux bénéficiaires chez l’employeur depuis juin 2007 au Centre d’hébergement de Lévis et, occasionnellement, à celui de Charny. Elle précise que la clientèle qu’elle devait desservir était en perte d’autonomie avancée. Elle effectuait son travail sur le quart de soir, selon un horaire de sept jours sur quatorze, soit une semaine de quatre jours, puis une semaine de trois jours et trois jours sur appel. Appelée à décrire les principaux services dispensés, elle parle des soins de l’alimentation, du changement de sous-vêtements, de la toilette, de l’accompagnement, de l’aide à la marche et, de façon générale, du bien-être des bénéficiaires. Elle insiste sur le fait qu’elle devait procéder à plusieurs manipulations.
[61] Puis, la travailleuse revient rapidement sur le premier événement qui a lieu le 18 juillet 2008 et auquel il est fait référence dans les faits énoncés précédemment. Elle confirme qu’elle s’est blessée en transférant une bénéficiaire. Elle a subi une entorse cervico-dorsale à ce moment et a bénéficié de traitements d’ergothérapie, de physiothérapie et de travaux légers. Elle a repris son emploi de préposée aux bénéficiaires à temps plein pendant une période d’environ trois ou quatre mois avant la récidive, rechute ou aggravation du 3 janvier 2010. À cette occasion, il y a eu réapparition de tous les symptômes à regard de l’entorse cervicale. Puisque la CSST a refusé cette réclamation, la travailleuse mentionne qu’elle a été un an sans soin, mais en arrêt de travail. À la suite de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 6 septembre 2011[5], la travailleuse a pu bénéficier de nouveaux traitements d’ergothérapie, de physiothérapie et de travaux légers.
[62] Ensuite, il y a eu l’événement du 7 mai 2012 pour lequel la travailleuse a bénéficié d’un processus de réadaptation. Elle résume ce processus en indiquant qu’au départ, il y avait eu une évaluation par une ergothérapeute qui concluait au retour au poste de préposée, puis, après que les conclusions du Bureau d’évaluation médicale ont été émises, il a plutôt été déterminé qu’elle n’avait pas la capacité de refaire son emploi prélésionnel.
[63] Elle affirme avoir eu deux ou trois rencontres avec la conseillère en réadaptation à la suite desquelles un emploi de réceptionniste à temps plein a été déterminé.
[64] À l’époque, elle dit que « ça lui allait », mais, à la suite de la formation entreprise en mai 2013 au Centre de formation professionnelle Gabriel-Rousseau, à Saint-Romuald, elle a rapidement constaté qu’elle n’avait pas la capacité requise pour suivre cette formation à temps plein, soit 30 heures par semaine, puisque tous les symptômes physiques sont réapparus, dont des maux de tête lancinants, des douleurs cervicales et au bras gauche très sévères. Par conséquent, elle avait des nuits blanches et a dû augmenter la médication. Il était donc très difficile pour elle de se concentrer à l’école plus de trois heures. C’est la raison pour laquelle son médecin a demandé que la formation soit effectuée à temps partiel, ce qui n’a pas été possible.
[65] En s’appuyant sur son expérience de formation, la travailleuse affirme qu’elle n’a pas la capacité de faire un travail statique, qu’elle ne peut rester en position assise ou debout très longtemps. Le nombre d’heures d’activités doit être limité et elle éprouve d’importants problèmes de concentration en raison de la forte médication qu’elle doit prendre pour atténuer les douleurs.
[66] La travailleuse poursuit en indiquant qu’à compter du mois de mai 2013, soit le début de sa formation, sa condition s’est détériorée et elle a ressenti une perte de contrôle de la gestion de la douleur.
[67] Appelée à décrire l’évolution de sa condition entre le mois d’août 2013 et l’audience tenue le 16 septembre 2014, la travailleuse mentionne qu’elle souffre principalement de céphalées, d’engourdissement au visage, de douleur aux dents et de migraines quotidiennes. Elle qualifie son état actuel d’instable, en dents de scie. Elle soutient souffrir de céphalée et de douleurs cervicales et à l’épaule chroniques, tous les jours, lesquelles sont variables en intensité.
[68] Appelée à décrire son quotidien, la travailleuse mentionne que la douleur la réveille le matin et qu’elle ne peut fonctionner très rapidement. Elle prend de la médication si nécessaire. Si elle a une bonne journée, elle essaie de prendre l’air, d’aller marcher, sinon elle navigue sur Internet, trois ou quatre heures non consécutives, entrecoupées de ménage ou autres tâches. D’ailleurs, elle se dit limitée sur le plan des tâches ménagères étant en mesure de laver la vaisselle et de procéder à l’époussetage, d’effectuer de la lessive à petite dose et de passer l’aspirateur à « quatre pattes ». Elle affirme ne plus être en mesure de laver le plancher. Elle indique que pour faire ses tâches, elle doit mettre son collier cervical et que la salle de bain constitue une « vraie torture » lorsqu’elle doit y passer l’aspirateur. Elle se dit incapable d’effectuer le grand ménage.
[69] La travailleuse affirme que sa condition est pire qu’en 2013, bien qu’elle ait essayé de se soigner, mais sans succès. Ceci a eu pour effet d’augmenter sa consommation de médicament et elle se dit de moins en moins fonctionnelle. Elle se déplace habituellement en voiture, mais ne peut faire plus de vingt minutes de conduite soutenue, sans quoi elle ressent des douleurs importantes à la région cervicale, de même qu’au bras gauche, qui n’entrent dans l’ordre qu’après 24 à 48 heures. Elle doit alors appliquer de la glace, prendre des médicaments et n’effectuer aucun effort de soulèvement. Elle ne prend pas de médication lorsqu’elle conduit sur l’autoroute. Elle peut en prendre si elle n’emprunte pas de grands boulevards.
[70] Au soutien de son témoignage, la travailleuse dépose une liste de ses ordonnances qui est produite au dossier. De même, elle joint la description des médicaments en cause et les effets indésirables de ceux-ci[6]. La travailleuse produit également un billet médical non destiné à la CSST émis par la docteure Higgins, le 11 juin 2013, où le médecin inscrit que la travailleuse est en invalidité totale temporaire pour une maladie intercurrente. Le tribunal ne dispose d’aucune autre précision à l’égard de cette condition. La travailleuse affirme qu’il y a eu augmentation de la prise de médicaments à compter du mois de mai 2013. Parmi les effets secondaires ressentis, elle parle de somnolence qui a « empiré », de difficulté de concentration, de perte de mémoire, de fatigue, de nausées quotidiennes et de vomissement au moins une fois par semaine, surtout en raison de la douleur.
[71] La travailleuse affirme qu’elle ne veut pas être déclarée invalide, mais elle veut que ses limitations fonctionnelles et sa capacité résiduelle soient respectées. Elle affirme que depuis l’évaluation par le docteur Parent du Bureau d’évaluation médicale, sa situation a évolué défavorablement. Elle recherche la possibilité d’avoir de nouvelles limitations fonctionnelles. Elle décrit un certain cercle vicieux parce qu’elle doit prendre beaucoup de médicaments en raison des limitations fonctionnelles importantes qu’elle conserve et la prise de ces médicaments l’affecte au plan cognitif. Si elle ne prend pas les médicaments, c’est la douleur qui l’empêche alors de fonctionner.
[72] Dans le cadre du contre-interrogatoire par la procureure de la CSST, la travailleuse affirme avoir parlé au docteur Parent des effets des médicaments, mais ce dernier lui aurait indiqué qu’il ne pouvait se prononcer à ce sujet.
[73] Mise en opposition avec son affirmation selon laquelle elle aurait informé les enseignants des douleurs ressenties au cours de la formation suivie relativement aux logiciels, la travailleuse maintient son affirmation quant au fait que les formateurs étaient informés qu’elle s’était blessée. Elle explique l’impatience qui a été notée par ces derniers par la douleur ressentie. Quant à l’attitude rigide à laquelle il est fait référence, elle ne comprend pas ce commentaire.
[74] Dans le cadre de son témoignage, la travailleuse revient sur son désir d’effectuer un emploi d’aide-technicienne en pharmacie qui n’a cependant pas été retenu par la conseillère en réadaptation en raison des limitations fonctionnelles qu’elle conserve. Elle affirme qu’il n’y a pas « 56 métiers » qui s’offrent à elle.
[75] Interrogée sur les infiltrations qu’elle aurait eues en juin 2013, elle affirme que ces dernières ont augmenté ses douleurs.
[76] Interrogée sur les raisons pour lesquelles elle considère que l’emploi de réceptionniste ne constitue pas un emploi convenable, la travailleuse affirme qu’elle ne peut l’occuper en raison de la médication qu’elle prend, de même que des positions statiques qu’elle devrait adopter, puisqu’elle considère que dans cet emploi, il lui est impossible de se lever. De plus, elle est d’avis qu’un horaire à temps plein est impossible à gérer pour elle en raison des douleurs chroniques qu’elle vit.
[77] De même, la travailleuse affirme que cet emploi ne l’intéresse pas vraiment, mais est consciente qu’il correspond à ses capacités résiduelles. Il ne lui apparaît cependant pas gratifiant sur le plan financier.
[78] La travailleuse poursuit en indiquant qu’elle n’a fait aucune démarche de recherche d’emploi depuis la détermination de l’emploi convenable, ne se considérant pas en condition de le faire puisque ses douleurs augmentent et qu’elle dit avoir des difficultés à voir son médecin à la clinique de la douleur. La travailleuse indique que si ses céphalées ne sont pas traitées, il lui est impossible de se concentrer et il sera impossible pour elle d’occuper quelque emploi que ce soit.
[79] Appelée à apporter des précisions, la travailleuse affirme qu’en août 2013, elle se considérait comme inapte à effectuer un travail à temps plein. Au moment de l’audience, soit en septembre 2014, elle se considère comme inapte à tout travail. Elle veut des soins pour l’aider. Actuellement, elle prépare un registre d’employeurs potentiels et a préparé son curriculum vitæ avec l’aide de la CSST pour être prête lorsqu’elle sera en mesure de se chercher un nouvel emploi. Elle dit effectuer ces recherches à l’aide de son ordinateur, sur de courtes périodes de temps.
[80] Interrogée sur le type d’horaire qu’elle pourrait effectuer à temps partiel, la travailleuse affirme qu’elle a besoin d’une journée de récupération, au minimum, entre chaque trois heures de travail. Elle considère donc que dans sa condition elle pourrait effectuer entre une demi-journée et trois jours par semaine. Elle affirme que le docteur Blier qu’elle a consulté dans le cadre de son suivi médical lui aurait recommandé cela, mais ne l’a pas écrit.
[81] De même, elle se réfère à une consultation qu’elle a eue avec le docteur Donald Rivest, neurologue, le 17 juin 2014, à la demande du docteur Tousignant, de la clinique de la douleur, qui lui aurait proposé de faire du bénévolat. Ceci n’apparaît cependant pas à son rapport.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[82] Le procureur de la travailleuse indique que la CSST n’a pas considéré sa condition globale en vue de déterminer l’emploi convenable, ce qu’elle devait pourtant faire. Ainsi, la capacité résiduelle de celle-ci est moins importante que ce que la CSST a considéré, soit uniquement les limitations fonctionnelles retenues par le docteur Parent du Bureau d’évaluation médicale. À ce propos, il revient sur le sujet du billet médical produit par la docteure Higgins, le 21 mai 2013, qui autorisait une formation à temps partiel uniquement. À son avis, si la travailleuse n’était pas en mesure d’effectuer une formation à temps complet, elle ne peut non plus occuper un emploi à temps plein.
[83] De même, il fait référence au billet médical du 11 juin 2013 où il est mentionné par la docteure Higgins que la travailleuse est en incapacité totale temporaire en raison d’une maladie intercurrente.
[84] Il s’appuie également sur les renseignements médicaux postérieurs produits, dont la lettre de la docteure Higgins (17 avril 2014), celle du docteur Tousignant (28 juin 2014), celle du docteur Rivest (17 juin 2014) et celle du docteur Blier (8 août 2014). Il demande donc au tribunal de déclarer que l’emploi de réceptionniste ne constitue pas un emploi convenable au sens où l’entend la loi ou, subsidiairement, qu’il peut être un emploi convenable uniquement s’il est exercé à temps partiel.
[85] Pour la procureure de la CSST, la travailleuse n’a pas démontré que sa situation globale l’empêchait d’occuper l’emploi convenable de réceptionniste. Au soutien de ses prétentions, elle mentionne que le billet médical du 11 juin 2013 référant à une maladie intercurrente ne donne aucune explication permettant de la préciser. De plus, la note du docteur Rivest fait référence à des céphalées rapportées par la travailleuse. Cependant, il note à l’examen qu’elle est alerte, orientée, non ralentie et que l’examen moteur est normal. Il s’agit là, de l’avis de la procureure de la CSST, de l’état objectif de santé de la travailleuse relativement aux céphalées qu’elle allègue.
[86] La procureure de la CSST poursuit en insistant sur le fait que la travailleuse rapporte sa perception subjective de son état de santé et, à ce propos, elle souligne qu’elle souffre d’une personnalité « borderline » ou limite qui se traduit notamment par la rigidité comme cela a été noté lors de la formation qu’elle a suivie.
[87] En réponse à l’argument du procureur de la travailleuse, selon lequel la situation globale de la travailleuse doit être considérée, en vue d’établir l’emploi convenable, elle le nuance en indiquant que c’est « en autant que possible ». En l’espèce, il n’y a aucune preuve d’une invalidité temporaire. Elle insiste également sur le double discours de la travailleuse, selon lequel elle voulait avoir une formation pour devenir aide-technicienne en pharmacie et, en même temps, dit ne pas être en mesure d’occuper quelque emploi que ce soit. À titre illustratif, la procureure de la CSST indique qu’en juillet 2014, la travailleuse a produit une nouvelle réclamation pour récidive, rechute ou aggravation et, le même jour, a communiqué avec la CSST pour se trouver un emploi. À son avis, ceci illustre parfaitement le double discours qu’elle tient.
[88] La procureure de la CSST rappelle que la loi vise la réparation des séquelles que la lésion professionnelle a entraînées.
[89] Quant à l’argument des effets indésirables de la médication, la procureure de la CSST s’interroge, d’une part, sur le lien entre l’ensemble de la médication prise et les séquelles dont souffre la travailleuse et, d’autre part, considère que la preuve médicale prépondérante ne démontre pas ce que la travailleuse allègue à l’égard de ces médicaments.
L’AVIS DES MEMBRES
[90] Pour sa part, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que l’emploi de réceptionniste est un emploi convenable au sens où l’entend la loi.
[91] Pour en venir à cette conclusion, il retient de la preuve que la travailleuse fait référence à des restrictions d’ordre plutôt personnel qui ne sont pas documentées médicalement ou qui font suite à des affirmations faites notamment par le médecin traitant, mais sans explication, en ce qui a trait à l’occupation d’un emploi à temps partiel par rapport à un emploi à temps plein.
[92] Dans ces circonstances, et comme le démontre l’analyse à laquelle a procédé la CSST, il conclut que l’emploi de réceptionniste respecte les cinq critères de la définition d’emploi convenable contenus à la loi.
[93] En ce qui a trait à la réclamation pour le remboursement de travaux ménagers, en l’absence de preuve additionnelle soumise et en l’absence de démonstration que la travailleuse était dans l’incapacité d’effectuer ces travaux en raison des limitations fonctionnelles qu’elle conserve, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis qu’elle ne peut avoir droit à un tel remboursement.
[94] Par conséquent, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de rejeter la requête déposée par la travailleuse le 17 octobre 2013 et de confirmer la décision rendue par la CSST le 23 septembre 2013 à la suite d’une révision administrative.
[95] Pour le membre issu des associations syndicales, la travailleuse a démontré que sa situation globale ne lui permettait pas d’occuper l’emploi de réceptionniste et que, de ce fait, cet emploi ne constitue pas un emploi convenable, à moins qu’il ne soit occupé à temps partiel.
[96] Pour en venir à cette conclusion, le membre issu des associations syndicales accorde de la crédibilité au témoignage de la travailleuse et retient les recommandations de la docteure Higgins, sa médecin traitante, et du docteur Tousignant relativement à la nécessité d’occuper un emploi à temps partiel plutôt qu’à temps plein.
[97] Dans l’optique où il n’est pas possible pour la CSST de déterminer un emploi convenable à temps partiel, le membre issu des associations syndicales est d’avis que le dossier doit lui être retourné afin qu’elle détermine un nouvel emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.
[98] En ce qui a trait à la réclamation pour le remboursement de travaux ménagers, en l’absence de preuve additionnelle soumise et en l’absence de démonstration que la travailleuse était dans l’incapacité d’effectuer ces travaux en raison des limitations fonctionnelles qu’elle conserve, le membre issu des associations syndicales est d’avis qu’elle ne peut avoir droit à un tel remboursement.
[99] Par conséquent, le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir en partie la requête déposée par la travailleuse, le 17 octobre 2013, et de modifier la décision rendue par la CSST le 23 septembre 2013 à la suite d’une révision administrative.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[100] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’emploi de réceptionniste déterminé par la CSST constitue un emploi convenable au sens où l’entend la loi.
[101] L’article 145 de la loi prévoit le droit à la réadaptation lorsqu’un travailleur ou une travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique à la suite d’une lésion professionnelle. Cet article se lit comme suit :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 145.
[102] La jurisprudence[7] de la Commission des lésions professionnelles a établi que même en l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique, dans la mesure où le travailleur conserve des limitations fonctionnelles, il aura droit à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
[103] Ainsi, pour assurer l’exercice de ce droit à la réadaptation, un plan individualisé de réadaptation doit être établi comme le prévoit l’article 146 de loi en ces termes. Cette réadaptation peut être d’ordre physique[8], social[9] ou encore professionnel[10].
[104] L’article 166 de la loi prévoit l’objectif de la réadaptation professionnelle en ces termes :
166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l’accès à un emploi convenable.
__________
1985, c. 6, a. 166.
[notre soulignement]
[105] L’article 167 prévoit ce que peut comprendre un programme de réadaptation professionnelle. Cet article se lit comme suit :
167. Un programme de réadaptation professionnelle peut comprendre notamment :
1° un programme de recyclage;
2° des services d’évaluation des possibilités professionnelles;
3° un programme de formation professionnelle;
4° des services de support en recherche d’emploi;
5° le paiement de subventions à un employeur pour favoriser l’embauche du travailleur qui a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique;
6° l’adaptation d’un poste de travail;
7° le paiement de frais pour explorer un marché d’emplois ou pour déménager près d’un nouveau lieu de travail;
8° le paiement de subventions au travailleur.
__________
1985, c. 6, a. 167.
[106] De même, certaines mesures de réadaptation peuvent être mises en place comme le prévoient les articles 169 et 172 de la loi en ces termes :
169. Si le travailleur est incapable d’exercer son emploi en raison d’une limitation fonctionnelle qu’il garde de la lésion professionnelle dont il a été victime, la Commission informe ce travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu’une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d’exercer son emploi ou un emploi équivalent avant l’expiration du délai pour l’exercice de son droit au retour au travail.
Dans ce cas, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l’employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu’il est redevenu capable d’exercer son emploi ou un emploi équivalent.
__________
1985, c. 6, a. 169.
172. Le travailleur qui ne peut redevenir capable d’exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle peut bénéficier d’un programme de formation professionnelle s’il lui est impossible d’accéder autrement à un emploi convenable.
Ce programme a pour but de permettre au travailleur d’acquérir les connaissances et l’habileté requises pour exercer un emploi convenable et il peut être réalisé, autant que possible au Québec, en établissement d’enseignement ou en industrie.
__________
1985, c. 6, a. 172; 1992, c. 68, a. 157.
[107] Par ailleurs, la loi définit ainsi la notion d’« emploi convenable » :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :
« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d’une lésion professionnelle d’utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d’embauche et dont les conditions d’exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion.
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[108] Cet article comporte cinq critères particuliers permettant de qualifier un emploi de convenable. Dans l’affaire Duguay et Constructions du Cap-Rouge inc.[11], la Commission des lésions professionnelles a défini plus précisément chacun de ses critères comme suit :
[51] Il est ainsi généralement établi que pour être qualifié de « convenable » au sens de la loi, un emploi doit respecter les conditions suivantes
- être approprié, soit respecter dans la mesure du possible les intérêts et les aptitudes du travailleur;
- permettre au travailleur d’utiliser sa capacité résiduelle, soit plus particulièrement respecter ses limitations fonctionnelles, qu’elles soient d’origine professionnelle ou personnelle;
- permettre au travailleur d’utiliser ses qualifications professionnelles, dans la mesure du possible, soit tenir compte de sa scolarité et de son expérience de travail;
- présenter une possibilité raisonnable d’embauche, ce qui ne signifie pas que l’emploi doit être disponible. Cette possibilité doit par ailleurs s’apprécier en regard du travailleur et non de façon abstraite.
Quant au territoire par rapport auquel doit s’apprécier cette « possibilité raisonnable d’embauche », il doit, en accord avec l’esprit d’une jurisprudence importante au sein de la Commission des lésions professionnelles , s’apprécier en fonction de la situation particulière du travailleur, soit notamment en fonction de son âge, de sa mobilité professionnelle antérieure, du fait qu’il demeurait, au moment de sa lésion professionnelle, dans une zone urbaine ou non urbaine et de sa capacité physique à se déplacer chaque jour pour aller travailler. Il semble généralement acquis par ailleurs qu’un rayon d’au moins 50 kilomètres du domicile est à peu près toujours considéré comme raisonnable.
- ne pas comporter de danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité du travailleur compte tenu de sa lésion, soit, notamment, ne pas comporter de risque réel d’aggravation de l’état du travailleur ou de risque d’accident en raison des limitations fonctionnelles.
[109] En l’espèce, le procureur de la travailleuse reproche à la CSST de ne pas avoir considéré la condition globale de la travailleuse en vue de déterminer l’emploi convenable, mais de s’être attardée uniquement aux limitations fonctionnelles retenues par le Bureau d’évaluation médicale.
[110] Plus précisément, le procureur de la travailleuse soutient qu’en raison de la médication que cette dernière doit prendre, elle éprouve des difficultés dans ses déplacements en automobile, de même qu’au sujet de sa capacité de concentration.
[111] À son avis, la preuve prépondérante offerte démontre que la travailleuse n’a pas la capacité d’occuper un emploi à temps plein en raison des douleurs ressenties, de la forte médication qu’elle doit prendre afin de tenter de les atténuer et des effets sur le plan cognitif que cette médication a sur elle. Il insiste aussi sur les céphalées dont souffre la travailleuse qui la force à prendre une médication additionnelle et l’incommode considérablement.
[112] Avec respect pour l’opinion contraire, le tribunal ne partage pas la position défendue par le procureur de la travailleuse pour les motifs ci-après exposés.
[113] Le tribunal constate que la position majoritaire de la Commission des lésions professionnelles est d’avis que, dans le cadre de la détermination de l’emploi convenable, la CSST doit tenir compte de la condition globale de la travailleuse. La soussignée partage cette position.
[114] Néanmoins, comme l’a rappelé la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Rollin et Entreprises construction Ptarmigan (I)[12], lors de la détermination d’un emploi convenable, il faut évaluer la condition globale du travailleur et les effets secondaires des médicaments qu’il consomme[13]. Cependant, comme le souligne la Commission des lésions professionnelles dans cette affaire, il faut que la preuve démontre les effets secondaires des médicaments pour le travailleur, et ce, de façon particularisée.
[115] Le tribunal s’exprime comme suit à cette fin :
[151] Lors de la détermination d’un emploi convenable, il faut évaluer la condition globale du travailleur4 et les effets secondaires des médicaments qu’il consomme5 doivent être pris en considération.
[152] Mais encore faut-il que la preuve démontre quels sont les effets secondaires des médicaments pour le travailleur, et ce, de façon particularisée. Le simple dépôt des fiches médicaments mentionnant que les médicaments peuvent causer des étourdissements ou de l’endormissement et des sensations de fatigue ne permet pas au tribunal de conclure que le travailleur souffre de ces effets ni comment ils l’empêchent d’effectuer les tâches de l’emploi de préposé à la billetterie.
[153] De plus, la soussignée estime que le témoignage du travailleur voulant qu’il puisse tomber endormi à la caisse offre peu de fiabilité dans un contexte où lors de la détermination de l’emploi convenable, le travailleur croit ne pas pouvoir travailler à temps plein et que son représentant ajoute qu’il va essayer d’obtenir des limitations fonctionnelles de classe IV par le biais d’une réclamation pour une récidive, une rechute ou une aggravation, le tout, afin de faire déclarer que le travailleur est invalide.
[154] Il n’est aucunement fait mention dans les notes évolutives des rencontres de poursuite de l’exploration professionnelle que le travailleur considère que les effets secondaires des médicaments l’empêchent d’occuper l’emploi de préposé à la billetterie.
[155] Par ailleurs, le docteur Legault écrit dans son Rapport médical du 21 mars 2012 qu’il prescrit de la Codéine Contin et de l’Emtec au travailleur, mais il ne précise pas que ces médicaments ont des effets indésirables pour ce dernier. Il en est de même dans le Rapport médical rédigé le 6 juin 2012 alors que le docteur Legault mentionne un changement de médicament pour de l’Oxynéo et l’Oxycocet.
[156] Lors de sa rencontre avec le docteur Sylva Legault le 20 décembre 2012, le travailleur relate qu’il n’aime pas les effets secondaires du Dilaudid Contin surtout au point de vue de la constipation sans mention à l’égard de la somnolence et de la fatigue.
[157] Ce n’est que le 10 janvier 2013, lors de la rencontre avec le docteur Bernard Chartrand qui doit produire un rapport d’expertise médicale à la demande de son représentant, que les effets secondaires des médicaments sont documentés. Même là, le travailleur allègue simplement qu’il est beaucoup plus fatigué qu’il ne l’était il y a quelques années et qu’il doit se reposer le jour à cause de cette fatigue et de la médication. Il ne mentionne pas d’étourdissements ni de somnolence.
[158] Dans un contexte où le travailleur recherche une déclaration d’invalidité, soit par la reconnaissance d’une récidive, d’une rechute ou d’une aggravation afin de faire établir des limitations de classe IV ou par la reconnaissance de son inemployabilité à cause des effets secondaires des médicaments qu’il consomme, le tribunal accorde peu de foi aux déclarations faites par le travailleur au docteur Chartrand quant aux effets qu’il ressent à la suite de la prise de médicaments et, du coup, estime que l’opinion de ce dernier quant à la capacité du travailleur à occuper l’emploi convenable n’offre pas de force probante.
[159] De plus, le docteur Chartrand ne précise pas en quoi la prise de médicaments empêche le travailleur d’occuper cet emploi. Il se contente d’écrire que :
De plus, pour obtenir un certain soulagement, il doit prendre une médication qui altère certaines fonctions intellectuelles. Ceci, pas au point de l’empêcher de fonctionner dans la vie de tous les jours, mais il ne pourrait pas fonctionner adéquatement pour les activités intellectuelles nécessaires à la vente de billets dans un horaire régulier.
[…]
__________
4 Voir notamment : Fortin et Entr. Peinturlure inc., C.L.P. 200948-01A-0302, 31 octobre 2004, C. A. Ducharme (décision accueillant la requête en révision); Nadeau et Les Produits Paradis 1988 inc. (fermé), C.L.P. 249285-62B-0411, 16 mai 2005, J.-M. Dubois, révision rejetée, 5 décembre 2005, B. Lemay; Ricard et Liquidation Choc, [2004] C.L.P. 433, révision accueillie, 217112-62C-0310, 14 juin 2005, G. Godin, (05LP-106), révision accueillie, 10 février 2006, C.-A. Ducharme, (05LP-299); Boulianne et Les Transports Chaumont inc., C.L.P. 292602-63-0606, 16 août 2007, D. Besse; Maheux et Les Gypses de Beauce, 366542-03B-0812, 15 juin 2009, G. Marquis; Cadoret et Quincaillerie R. Durand inc., C.L.P. 309906-03B-0702, 22 décembre 2009, A. Quigley.
5 Voir notamment : Côté et Scierie Leduc, division Stadacona, C.L.P. 305434-02-0612, 4 mai 2007, P. Simard; Lapierre et Para-Net Buanderie-Nettoyage à sec, C.L.P. 315211-31-0704, 5 décembre 2007, J. L. Rivard (07LP-225).
[nos soulignements]
[116] Dans le dossier à l’étude, le tribunal constate qu’eu égard à la médication, la travailleuse a effectivement produit la liste des ordonnances, de même que la fiche descriptive de chacun des médicaments pris incluant les effets indésirables de ceux-ci.
[117] De plus, dans le cadre de son témoignage, elle a indiqué à plusieurs occasions que la médication la rendrait « droguée », non fonctionnelle.
[118] Cependant, le tribunal constate que lors de chacune des conversations ou rencontres avec les deux conseillères en réadaptation qui ont œuvré dans son dossier, en aucun moment, a-t-elle considéré que la médication constituait un frein à la détermination d’un emploi convenable de réceptionniste. Elle a plutôt allégué la douleur ressentie lorsqu’elle était en position statique trop longtemps pour demander de modifier l’horaire de formation.
[119] De même, le tribunal retient de la preuve que, dans le cadre de la lettre qu’elle a rédigée le 17 avril 2014, la docteure Higgins ne s’est pas précisément prononcée sur l’impact de la médication par narcotique, préférant obtenir l’avis du docteur Tousignant, médecin de la clinique de la douleur de l’Hôtel-Dieu de Lévis.
[120] Or, il appert de la lettre du docteur Tousignant du 28 juin 2014 qu’il était d’opinion que le travail de réceptionniste était adéquat, malgré la prise de médication antalgique.
[121] Ainsi, le tribunal dispose d’une preuve prépondérante voulant que la médication prise par la travailleuse ne constitue pas un frein à la détermination de l’emploi convenable de réceptionniste. Cet argument ne peut donc être retenu.
[122] Par ailleurs, en ce qui a trait à la prétention de la travailleuse, selon laquelle elle ne peut effectuer cet emploi à temps plein, le tribunal constate de la preuve offerte que bien que la docteure Higgins affirme que la travailleuse doit occuper un emploi à temps partiel, elle n’explique pas pourquoi il doit en être ainsi. Il en est de même du docteur Tousignant qui écrit « je ne crois pas qu’elle sera apte à effectuer un travail à temps plein », sans autre explication. Pourtant, au paragraphe suivant de sa lettre, il affirme que la travailleuse a la capacité d’occuper l’emploi de réceptionniste. Le tribunal accorde donc peu de valeur probante à ces deux opinions qui ne sont pas prépondérantes puisqu’elles ne comportent aucune explication sur la recommandation faite si ce n’est les allégations de la travailleuse, selon lesquelles elle ne peut travailleur plus de trois heures sans avoir des douleurs atroces.
[123] Le tribunal retient également de la note de consultation du docteur Donald Rivest du 17 juin 2014 que la travailleuse est alerte, orientée, non ralentie et que les examens moteur, sensitif, les épreuves cérébelleuses, la démarche et le Romberg sont normaux. Le médecin insiste d’ailleurs sur la dimension psychologique présente au dossier qui complique le plan de traitements puisque la travailleuse présente une personnalité « borderline » ou limite. Il ne semble pas exclure un retour au travail à temps plein, indiquant que la travailleuse pourrait tenter un retour au travail adapté, à raison d’un jour par semaine pour un mois, deux jours par semaine pour un mois et trois jours par semaine en fonction de sa tolérance à l’effort et de ses myalgies. Il recommande qu’elle redevienne active. Cette note de consultation n’appuie donc pas les prétentions de la travailleuse. Le tribunal est conscient qu’elle est postérieure à la date de détermination de l’emploi convenable, mais retient du témoignage de la travailleuse que la condition qu’elle présentait alors était pire que celle prise en compte au moment de la détermination de l’emploi convenable. Le tribunal en déduit que sa capacité de concentration était alors mieux qu’au moment où elle a été évaluée par le docteur Rivest.
[124] À cela s’ajoutent les commentaires formulés par les formateurs qui ont eu à évaluer la travailleuse à l’égard de ses capacités à utiliser des logiciels et ses connaissances en comptabilité. Il appert des notes évolutives résumées plus haut que la travailleuse se démarquait sur le plan des apprentissages et aurait même pu obtenir une certaine équivalence, particulièrement en comptabilité.
[125] Ainsi, le tribunal retient de l’ensemble de la preuve que la recommandation du médecin qui a charge, la docteure Higgins, quant au fait de travailler à temps partiel, semble reposer sur les allégations de douleurs de la travailleuse. Pourtant, dans le cadre de la formation, la travailleuse ne semble pas avoir dénoncé ses douleurs aux formateurs comme le démontre le résumé des notes évolutives au dossier.
[126] Par conséquent, le tribunal conclut que la travailleuse n’a pas démontré que l’emploi de réceptionniste ne respectait pas sa capacité résiduelle, même en considérant sa situation globale.
[127] Pour en venir à cette conclusion, le tribunal prend en considération les limitations fonctionnelles ayant servi à la détermination de l’emploi convenable, la médication prise par la travailleuse qui, de l’avis même du médecin qui la suit à la clinique de la douleur, ne constitue pas un frein à l’occupation d’un emploi de réceptionniste et les céphalées dont elle se plaint qui ne sont pas documentées par le Bureau d’évaluation médicale ou par son médecin avant la détermination de l’emploi convenable et même par la suite. D’ailleurs, le tribunal retient de la note de consultation du docteur Rivest que les céphalées alléguées par la travailleuse ne sont pas d’origine cervicogénique, structurale ou liées à une surconsommation médicamenteuse, et ne semblent pas nuire à son fonctionnement sur le plan cognitif à l’examen auquel il procède en juin 2014.
[128] Dans ce contexte, le tribunal est d’avis que l’emploi de réceptionniste est approprié au sens où l’entend l’article 2 de la loi puisqu’il respecte les intérêts et aptitudes de la travailleuse.
[129] À ce propos, le tribunal se réfère particulièrement aux notes évolutives où la travailleuse a exprimé, à plus d’une occasion, son désir de travailler avec le public dans des tâches de nature plutôt cléricales où elle donnerait de l’information au téléphone ou en personne, idéalement dans un environnement relié à la santé. L’emploi de réceptionniste peut être exercé dans un tel contexte et satisfait donc à ce premier critère.
[130] Relativement à l’utilisation de sa capacité résiduelle, le tribunal se réfère aux motifs énoncés plus haut.
[131] Quant à l’utilisation des qualifications professionnelles, c’est le cas puisque les expériences passées de la travailleuse sont transférables, étant détentrice d’un diplôme d’études secondaires et d’une expérience professionnelle de quatre ans comme préposée aux permis et de quelques années à titre d’agente de recouvrement.
[132] Par ailleurs, quant à la possibilité raisonnable d’embauche, elle n’a pas été remise en cause par la travailleuse et les documents sur lesquels s’appuie la CSST démontrent que les perspectives sont acceptables, tant pour la région de la Chaudière-Appalaches que celle de la Capitale-Nationale.
[133] De même, cet emploi ne comporte pas de danger pour la santé et la sécurité ou l’intégrité physique de la travailleuse puisqu’il respecte ses limitations fonctionnelles et qu’il s’agit d’un emploi à caractère sédentaire.
[134] Quant à la prétention de la travailleuse voulant qu’elle ne puisse l’occuper qu’à temps partiel, le tribunal ne la retient pas puisqu’elle n’est pas démontrée à l’aide d’une preuve prépondérante. Tout au plus le tribunal dispose-t-il d’une affirmation de la part de la docteure Higgins et du docteur Tousignant, sans explication sur le fondement de cette affirmation. Le fardeau de la preuve appartenait à la travailleuse qui ne l’a pas satisfait dans les circonstances.
[135] Par conséquent, le tribunal conclut que l’emploi de réceptionniste à temps plein constitue un emploi convenable au sens de la loi.
[136] Relativement à la demande de remboursement de frais d’entretien courant du domicile, soit le nettoyage du four, du bain et pour passer l’aspirateur sur une base hebdomadaire, le tribunal n’y fait pas droit pour les motifs ci-après exposés.
[137] L’article 158 de la loi prévoit la possibilité, pour un travailleur ou une travailleuse, d’obtenir le versement d’une allocation d’aide personnelle à domicile visant les tâches domestiques telles que le ménage léger et le ménage lourd. Cet article se lit comme suit :
158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
__________
1985, c. 6, a. 158.
[nos soulignements]
[138] Pour bénéficier de cette aide personnelle à domicile, la travailleuse devait démontrer qu’elle est incapable de prendre soin d’elle-même et d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’elle effectuerait normalement et, qu’au surplus, cette aide s’avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
[139] En l’espèce, le tribunal ne dispose d’aucune preuve permettant de conclure que la travailleuse a droit à l’aide personnelle à domicile puisqu’elle n’a pas témoigné en ce sens et que son procureur n’a fait aucune représentation, laissant le tout à l’appréciation du tribunal. Or, la preuve documentaire contenue au dossier ne permettant pas de conclure que la travailleuse satisfait aux conditions d’application de cet article.
[140] Une revue de la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles permet de constater qu’elle est partagée lorsque l’article 158 de la loi ne peut s’appliquer et qu’un travailleur réclame le remboursement des frais engagés pour exécuter des travaux d’entretien ménager, en vertu de l’article 165 de la loi. Fait à noter, en l’espèce, le procureur de la travailleuse n’a pas spécifié sur quel article il appuie sa demande.
[141] La position majoritaire[14] établit que lorsque les conditions prévues à l’article 158 de la loi pour bénéficier d’une allocation d’aide personnelle à domicile ne sont pas satisfaites, les frais engagés pour faire exécuter les travaux d’entretien ménager peuvent néanmoins être remboursés, en vertu de l’article 165, sous réserve des conditions énoncées à cet article qui se lit comme suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d’une lésion professionnelle et qui est incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile qu’il effectuerait normalement lui-même si ce n’était de sa lésion peut être remboursé des frais qu’il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu’à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
[nos soulignements]
[142] Ainsi, pour pouvoir bénéficier du remboursement des frais d’entretien courant, la travailleuse doit démontrer qu’elle a subi une atteinte permanente grave et qu’elle est incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile qu’elle effectuerait normalement, si ce n’était de sa lésion. Selon les renseignements contenus au dossier, la travailleuse réclame le remboursement de frais pour le nettoyage de son four, de sa baignoire et pour passer l’aspirateur.
[143] Par ailleurs, selon le courant minoritaire, l’entretien ménager constitue une tâche domestique exclusivement visée par l’article 158 de la loi. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 165 à une demande visant les travaux d’entretien ménager, même lorsque le travailleur n’a pas droit à une allocation d’aide personnelle à domicile.
[144] Que le tribunal retienne l’un ou l’autre de ces courants jurisprudentiels ne changera rien à l’issue du litige en l’espèce.
[145] En effet, selon le courant majoritaire, la travailleuse doit démontrer qu’elle conserve une atteinte permanente grave. Dans les faits, à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 7 mai 2012, la travailleuse ne conserve pas d’atteinte permanente à l’intégrité physique supplémentaire. Néanmoins, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a établi que, même en l’absence d’atteinte permanente à l’intégrité physique, la travailleuse peut avoir droit au remboursement des frais d’entretien courant si elle conserve des limitations fonctionnelles qui affectent sa capacité résiduelle à effectuer les travaux visés par l’article 165 de la loi.
[146] Dans la présente affaire, la travailleuse conserve des limitations fonctionnelles de classe II, selon l’IRSST, ainsi décrites par le docteur Parent, physiatre et membre du Bureau d’évaluation médicale :
Restriction de classe 2 de l’IRSST, soit en plus des restrictions de classe1 :
Colonne cervicale
- Éviter des activités qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant environ 15 kilos,
- Éviter d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension, de torsion de la colonne cervicale même de faible amplitude.
[…]
[147] Or, la travailleuse n’a fourni aucun détail relativement aux travaux qu’elle prétend ne plus être en mesure de faire. Le tribunal ne peut donc pas conclure que ces limitations fonctionnelles affectent sa capacité résiduelle à effectuer les travaux de nettoyage du four et du bain et sa capacité à passer l’aspirateur.
[148] Dans ce contexte, le tribunal conclut que la travailleuse n’a pas satisfait au fardeau de la preuve qui lui incombait et ne peut donc pas avoir droit au remboursement des travaux de nettoyage du four et du bain et pour passer l’aspirateur, que ce soit en vertu des articles 158 ou 165 de la loi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête déposée par madame Sylvie Bilodeau-Sirois, la travailleuse, le 17 octobre 2013;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 23 septembre 2013 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’emploi de réceptionniste constitue un emploi convenable au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
DÉCLARE que la travailleuse avait la capacité d’exercer cet emploi convenable à compter du 23 août 2013;
DÉCLARE que le revenu brut annuel estimé relativement à cet emploi convenable est de 21 168,84 $;
DÉCLARE que le montant de l’indemnité de remplacement du revenu réduite à laquelle aura droit la travailleuse, à la fin de son année de recherche d’emploi, est de 2 908,96 $ par année, soit 111,58 $ toutes les deux semaines;
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des travaux d’entretien ménager hebdomadaires.
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Ann Quigley |
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Me Damien Lafontaine |
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LAFONTAINE & MÉNARD, AVOCATS |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Odile Tessier |
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VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] 2011 QCCLP 5875.
[2] Précitée, note 1.
[3] 2013 QCCLP 6635.
[4] 2013 QCCLP 6635.
[5] Précitée, note 1.
[6] PMS Hydromorphone (2 mg), Cymbalta (60 mg), Hydromorph Contin (6 mg), Apo Clonazepam (0,5 mg).
[7] Tessier et Scobus (1992) inc., [1995] C.A.L.P. 1487; Bellerose et C.U.M., C.A.L.P. 38976-60-9204, 3 octobre 1995, N. Lacroix; Lévesque et Imprimerie Ross-Ellis inc., C.L.P. 167550-72-0108, 11 novembre 2011, P. Perron; Mackeen et Aliments Edelweiss inc., C.L.P. 213161-61-0307, 19 avril 2004, S. Di Pasquale; Roland Boulanger inc. et Chassé, C.L.P. 300183-04B-0610, 7 novembre 2008, M. Watkins; Le Champêtre et Huard, 2012 QCCLP 6343; Transport Michel Forget inc. et Despatie, 2012 QCCLP 1437.
[8] Voir les articles 148 à 150 de la loi.
[9] Voir les articles 151 à 165 de la loi.
[10] Voir les articles 166 à 178 de la loi.
[11] [2001] C.L.P. 24.
[12] 2013 QCCLP 5643.
[13] Côté et Scierie Leduc, division Stadacona, C.L.P. 305434-02-0612, 4 mai 2007, P. Simard; Lapierre et Para-Net Buanderie - Nettoyage à sec, C.L.P. 315211-31-0704, 5 décembre 2007, J.-L. Rivard (07LP-225); CSSSAE (Centre d’hébergement Sacré-Cœur), C.L.P. 397618-04B-0912, 25 mars 2010, M. Lamarre; Beauchemin et Jeans Warwick Industrie inc., C.L.P. 379246, 26 octobre 2009, M.-A. Roiseux; Courroux et Construction Edelweiss inc., 2013 QCCLP 656.
[14] Lebel et Municipalité Paroisse de St-Éloi, C.L.P. 124846-01A-9910, 29 juin 2000, L.
Boudreault; Charlebois et G-Net Universel ltée, [2005] C.L.P. 266; Pitre et Entreprises Gérald Pitre enr.,
C.L.P. 251305-01C-0412, 16 décembre 2005, J.-F. Clément; Paul et Garderie chez Tatie,
C.L.P. 370403-71-0902, 29 septembre 2009, A. Vaillancourt; Côté et Pulvérisateur MS inc.,
2011 QCCLP 3169; Delisle et Allianz Madvac
inc. (fermé), 2011 QCCLP 5144; Parent et
Alcoa ltée, 2013 QCCLP 169.
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