Modèle de décision CLP - avril 2013

C.M. et Compagnie A (fermée)

2014 QCCLP 5753

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Trois-Rivières :

16 octobre 2014

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossier :

540076-04-1404

 

Dossier CSST :

001418441

 

Commissaire :

Réjean Bernard, juge administratif

 

Membres :

Alain Allaire, associations d’employeurs

 

Serge Saint-Pierre, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

C... M...

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

[Compagnie A] (fermée)

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 25 avril 2014, monsieur J... G... dépose, à titre de mandataire de monsieur C... M... (le travailleur), une requête auprès de la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) par laquelle il conteste une décision rendue le 10 avril précédent par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 13 mars 2014 et déclare que M. G... n’a pas droit au remboursement des frais engagés pour ses déplacements.

[3]           L’audience s’est tenue le 18 septembre 2014, à Trois-Rivières, en présence de monsieur M... et de la procureure de la CSST.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Monsieur M..., à titre de mandataire, demande que soit remboursé différents frais qu’il a engagés en faveur du travailleur.

LES FAITS

[5]           Le 12 décembre 1988, le travailleur fut victime d’un accident du travail ayant causé des fractures ouvertes à la boîte crânienne avec déplacement des structures osseuses, une contusion à l’épaule droite et une entorse lombaire auxquels s’ajoute un syndrome psychiatrique post-traumatique.[1]

[6]           Le 27 avril 1995, le Dr Jules-B. Desrochers, psychiatre, émet un avis du Bureau d’évaluation médicale quant à la consolidation de la lésion psychique et l’existence de séquelles permanentes. Dans ses conclusions, il met en évidence :

Ø  la gravité de l’événement d’origine, soit un traumatisme crânien avec apparition d’un syndrome organique cérébral secondaire;

Ø  l’évolution de la condition du travailleur qui nécessite un suivi régulier avec la prise de neuroleptiques;

Ø  une perte des facultés mentales, la manifestation d’hallucinations et un délire ayant nécessité des hospitalisations répétées.

 

[7]           Ensuite, le Dr Desrochers consolide la lésion du travailleur à compter du 29 mars 1995 compte tenu des investigations et des traitements reçus et la stabilité qu’il présente depuis sa compliance aux traitements. Le membre du Bureau d’évaluation médicale accorde un déficit anatomophysiologique de l’ordre de 45 % quant à une psychose du groupe 3, et ce, compte tenu de « l’absence de contrôle total par la médication et la nécessité d’une surveillance et de son besoin d’être aidé dans sa vie quotidienne ». Finalement, le psychiatre croit que le travailleur est incapable de faire un travail rémunérateur considérant la gravité de l’événement d’origine, la nécessité d’un régime de protection et les troubles de la fonction cognitive.

[8]           Le 10 avril 2013, M. G... produit, pour le travailleur, une demande de remboursement de frais à la CSST[2], et ce, à titre de personne accompagnatrice. À l’audience, M. G... n’a pas été en mesure de préciser quel est le montant réclamé. Selon les formulaires qu’il a remplis, ce montant totalise la somme de 1 929,27 $ pour des frais encourus entre les 26 mars 2013  et 11 janvier 2014, et concernent :

Ø  la récupération d’automobiles et de biens divers abandonnés par le travailleur, à Pont - Rouge et à Sorel, dans le but de les mettre en sécurité;

Ø  des frais de transport pour aller sécuriser la propriété du travailleur; 

Ø  le remboursement de tiers qui seraient venus en aide au travailleur pendant ses périodes de crise ou qui auraient apporté leur aide dans la récupération des biens du travailleur; 

Ø  remplacer des vêtements que le travailleur aurait brûlés;        

Ø  des déplacements de M. G... au bénéfice du travailleur quant à des visites à l’hôpital ou des présences au palais de justice à la suite d’assignations signifiées au travailleur. 

 

[9]           Les 3 juin, 1er et 21 août 2013 des ordonnances pour garde provisoire en établissement psychiatrique sont accordées par la Cour du Québec à l’endroit du travailleur[3], pièce T-3. Ces ordonnances sont rendues compte tenu des évaluations psychiatriques déposées et de la condition mentale du travailleur, laquelle le rend dangereux pour lui-même et/ou pour autrui. Dans ces affaires, M. G... est désigné comme ami et/ou partie mise en cause.

[10]        Le 27 septembre 2013, un jugement est rendu par la Cour supérieure[4] accordant une demande d’autorisation de traitements médicaux dans un centre de santé et de services sociaux à l’endroit du travailleur. Cette demande est accueillie pour une période de deux années compte tenu l’inaptitude du travailleur à apprécier son état et à consentir ou refuser le traitement proposé. M. G... est désigné dans l’intitulé du jugement comme un ami et une personne raisonnable.

[11]        Le 22 janvier 2014, la Cour du Québec, division des petites créances, rejette la réclamation de M. G...  contre la CSST concernant le remboursement d’un montant de 1 397,96 $ engagé en faveur du travailleur.[5] La juge décline compétence, le litige relevant d’une autre instance.

[12]        Le 13 mars 2014, la CSST refuse la réclamation du travailleur et cette décision est confirmée, le 10 avril 2014, à la suite d'une révision administrative. Dans une note d’intervention prise, le 25 mars 2014, par une agente d’indemnisation, il est mentionné que le travailleur déclare que M. G... n’est pas son représentant.

[13]        Le 25 avril 2014, M. G..., se désignant comme mandataire, conteste cette dernière décision devant le présent tribunal. Le 11 juin 2014, le travailleur rédige une lettre dans laquelle il indique qu’il refuse toute demande ou montant d’argent demandé par M. G... pour les années 2013 et 2014. Par ailleurs, il demande d’être informé des « date des suposement déplacements, et la Raison de ces déplacements, où tout autre Demande qui ce soit fait à la CSST par J... G... en 2013-2014. » [sic]

[14]        M. G... interrogé, quant à ces propos du travailleur, répond qu’il est difficile de venir en aide au travailleur car celui-ci refuse tout soutien.

[15]        À l’audience, M. G... se décrit comme un ami du travailleur depuis l’année 2000. Il produit un mandat d’inaptitude rédigé, le 28 mai 2001, par Me Jean Trépanier, notaire, pièce T-1. Le travailleur est désigné comme mandant tandis que MM. G... B..., M... Be... et J... G... sont désignés comme mandataires. Mme N... N... est désignée comme mandataire substitut. Ce document est accompagné d’une lettre rédigée, le 13 janvier 2013, par une collaboratrice de Me Lucie Bourbeau, notaire, qui indique que l’homologation du mandat d’inaptitude du travailleur est en cours de réalisation.

[16]        Lors de son témoignage, M. G... reconnaît que la procédure d’homologation n’a pas progressé. Néanmoins, il soutient avoir encouru des dépenses pour s’occuper des affaires du travailleur. Selon ses dires, il a dû récupérer plusieurs automobiles appartenant au travailleur de même que divers biens personnels afin de les mettre à l’abri. M. G... soutient avoir engagé des frais de déplacement pour s’occuper des affaires du travailleur, rembourser des gens qui ont apporté leur aide et acheté de nouveaux vêtements que le travailleur aurait brûlés.

[17]        M. G... B... a également témoigné. Essentiellement, il corrobore le témoignage de M. G....

 

L’AVIS DES MEMBRES

[18]        Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que M. G... a dûment agi à titre de mandataire dans le cadre de la présente réclamation. Cependant, ils considèrent que les frais réclamés ne sont pas remboursables eu égard au libellé des dispositions législatives pertinentes. En conséquence, les membres opinent pour rejeter la présente réclamation.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[19]        Le tribunal doit décider s’il y a lieu d’accorder le remboursement des frais engagés par M. G..., à titre de mandataire du travailleur.

[20]        Le tribunal ne doute pas de la tâche de mandataire occupée dans les faits par M. G..., et ce, dans l’intérêt du travailleur. D’abord, la preuve est prépondérante pour établir que le travailleur souffre de problèmes psychiques graves qui ont nécessité des ordonnances judiciaires.  Ensuite, le témoignage de M. G... s’avère crédible et n’a pas été contredit, au contraire, il est corroboré par un autre témoin crédible, M. B.... Ensuite, il est désigné comme ami du travailleur et est mis en cause dans diverses procédures judiciaires ordonnant la garde provisoire du travailleur dans un établissement psychiatrique et l’administration forcée de traitements médicaux. Finalement, bien que le mandat d’inaptitude du travailleur tarde à être homologué, M. G... est néanmoins identifié comme l’un des trois mandataires, avec M. B....

[21]        Le travailleur a certes manifesté l’intention de désavouer M. G...[6], toutefois, force est de constater, qu’en raison de l’état psychique de celui-ci, le tribunal n’accorde pas de valeur probante au propos du travailleur. En effet, il est mis en preuve de façon probante que le travailleur est inapte à apprécier son état et à consentir ou refuser le traitement requis, et ce, jusqu’au 27 septembre 2015, tel qu’il appert d’un jugement rendu par la Cour supérieure.[7]  

[22]        M. G... demande le remboursement de divers frais qu’il a engagés en faveur du travailleur, soit :

Ø  la récupération d’automobiles et de biens divers abandonnés par le travailleur;  

Ø  des frais de transport pour aller sécuriser la propriété du travailleur; 

Ø  le remboursement de tiers qui seraient venus en aide au travailleur pendant des périodes de crise ou qui ont apporté leur aide dans la récupération des biens du travailleur; 

Ø  remplacer des vêtements que le travailleur a brûlés;    

Ø  des déplacements de M. G... au bénéfice du travailleur quant à des visites à l’hôpital ou des présences au palais de justice.

 

[23]        Le remboursement des frais de déplacement est prévu à l’article 115 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[8] (la loi) et aux articles 1 et 8 du Règlement sur les frais de déplacement et de séjour[9] (le règlement).

La loi :

115.  La Commission rembourse, sur production de pièces justificatives, au travailleur et, si son état physique le requiert, à la personne qui doit l'accompagner, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, selon les normes et les montants qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec.

__________

1985, c. 6, a. 115.

 

 

Le règlement :

 

1. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit au remboursement, selon les normes prévues au présent règlement et les montants prévus à l'annexe 1, des frais de déplacement et de séjour qu'il engage pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (chapitre A-3.001).

 

Si l'état physique du travailleur le requiert, la personne qui doit l'accompagner a droit au remboursement des frais de déplacement et de séjour qu'elle engage, selon les mêmes normes et montants.

 

Décision 93-06-07, a. 1.

 

 

8. Seuls sont remboursables, selon le tarif applicable prévu à l'annexe 1, les frais de transport engagés pour se déplacer entre la résidence et le lieu où les soins doivent être reçus, les examens médicaux doivent être subis ou les activités dans le cadre du plan individualisé de réadaptation doivent être accomplies, en choisissant l'itinéraire le plus court.

 

La personne qui utilise un véhicule personnel, avec ou sans l'autorisation de la Commission, a droit en outre au remboursement des frais de stationnement et de péage.

 

Décision 93-06-07, a. 8.

 

 

[24]        Ces dispositions autorisent le remboursement de frais de déplacement et de séjour à la personne qui accompagne le travailleur si l’état physique de ce dernier le requiert et avec production de pièces justificatives. De plus, ces frais doivent avoir été engagés pour  recevoir des soins ou subir des examens médicaux ou encore pour  accomplir une activité dans le cadre du plan individualisé de réadaptation.

[25]        Dans la présente affaire, force est de constater que M. G... n’a pas agi à titre d’accompagnateur pour que le travailleur reçoive des soins, subisse des examens médicaux ou encore accomplisse une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation. En effet, les frais encourus pour récupérer et mettre à l’abri les biens du travailleur, sécuriser sa propriété, rembourser des tiers qui ont fourni une aide quelconque, visiter le travailleur à l’hôpital ou se rendre au palais de justice ont certes été effectués dans l’intérêt du travailleur, mais pas pour les motifs prévus dans loi et le règlement.

[26]        Les frais de remplacement de vêtements, pour leur part, sont prévus à l’article 112 de la loi.

112.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité maximale de :

 

1° 300 $ pour le nettoyage, la réparation ou le remplacement des vêtements endommagés par suite d'un accident du travail;

 

2° 300 $ par année pour les dommages causés à ses vêtements par une prothèse ou une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2) dont le port est rendu nécessaire en raison d'une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 112; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.

 

 

[27]        Dans la présente affaire, les vêtements du travailleur n’ont pas été endommagés à la suite d’un accident du travail ni en raison du port d’une prothèse ou une orthèse rendue nécessaire en raison de sa lésion professionnelle. Ceux-ci ne peuvent donc être remboursés.

[28]        Les frais engagés par M. G... l’ont été pour des raisons fort louables. Cependant, les dispositions législatives sont claires et sans ambiguïté, leurs libellés ne justifient pas une interprétation. Le tribunal doit les appliquer sans ajouter au texte de la loi.

[29]        En conséquence, la présente requête est rejetée.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur C... M..., le travailleur, pour lequel M. J... G... agit à titre de mandataire;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 10 avril 2014, à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur et M. G..., à titre de mandataire, n’ont pas droit au remboursement des frais de déplacement ni des autres frais demandés.

 

 

 

__________________________________

 

Réjean Bernard

 

 

 

 

J... G...

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Marily Larivière

Vigneault, Thibodeau, Bergeron

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           C.A.L.P. 13726-03-8909, 21 mars 1994, M. Renaud.

[2]           D’autres réclamations, comprises dans ce montant, sont faites mais elles ne sont pas datées.

[3]           Centre de santé et de services sociaux de l’Énergie c. [le travailleur], C.Q. 410-40-000810-130, 3 juin 2013, j. A. Trudel;  

Centre de santé et de services sociaux de l’Énergie c. [le travailleur], C.Q. 410-40-000781-135, 1er août 2013, j. D, Perreault;

Centre de santé et de services sociaux de l’Énergie c. [le travailleur], C.Q. 410-40-000781-135, 21 août 2013, j. A. Trudel;

[4]           2013 QCCS 5459.

[5]           J.G. c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, C.Q., 410-32-005031-137, N. Mallette.

[6]           Lettre du travailleur datée du 11 juin 2014.

[7]           Précitée, note 4.

[8]           RLRQ, c. A-3.001.

[9]           RLRQ, c. a-3.001, R. 8.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.