DÉCISION
[1] Le 14 septembre 2001, monsieur Stéphane Loyer (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 13 août 2001, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle rendue le 23 octobre 2000, qui fait suite à l’avis du docteur Bourdua, membre du Bureau d’évaluation médicale, du 3 octobre 2000. La CSST établit que le diagnostic d’entorse lombaire est en relation avec l’événement survenu le 21 janvier 1999 mais qu’il n’y a, cependant pas de relation entre l’événement du 21 janvier 1999 et les diagnostics de discopathie dégénérative L4-L5, L5-S1 et de spondylolisthésis grade I en L5-S1, qui constituent des conditions personnelles préexistantes. L’entorse lombaire est consolidée depuis le 26 septembre 2000 mais pas les autres conditions; une fusion lombaire doit être envisagée. Le docteur Bourdua fixe l’atteinte permanente à 2 % et identifie des limitations fonctionnelles.
[3] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience le 21 novembre 2002, à laquelle assistaient le travailleur, son représentant ainsi que le représentant de l’employeur, monsieur Marcel Fiset.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le diagnostic à retenir, en relation avec l’événement du 21 janvier 1999, est une entorse lombaire ayant aggravé une condition personnelle préexistante de discopathie dégénérative L4-L5, L5-S1 et de spondylolisthésis grade I en L5-S1, conformément à ce qui est écrit dans l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale du 3 octobre 2000 et que la consolidation de cette lésion doit être établie au 3 octobre 2000. Les autres points mentionnés à l’avis rendu par le docteur Bourdua ne sont pas contestés.
LES FAITS
[5] La Commission des lésions professionnelles a analysé le dossier et entendu les témoignages de monsieur Loyer ainsi que du docteur Gilles Roger Tremblay, chirurgien-orthopédiste. Elle retient les faits suivants.
[6] Monsieur Loyer occupait le poste de chauffeur-livreur pour le compte de l’employeur depuis 1992 lorsque le 21 janvier 1999, il est victime d’une lésion professionnelle.
[7] Alors qu’il venait de terminer une livraison au restaurant St-Hubert au Cap-de-la-Madeleine et qu’il rapportait des paniers vides à son camion, il a perdu pied sur la glace. En essayant de se retenir, il s’est infligé un traumatisme au niveau lombaire.
[8] Monsieur Loyer a consulté le jour même le docteur Legault, qui pose le diagnostic d’entorse lombaire. Il réfère le travailleur en chiropractie et prescrit un arrêt de travail.
[9] Le 21 janvier 1999, des radiographies des niveaux cervical, dorsal et lombo-sacré sont réalisées. Au niveau cervical, on note en C5-C6 une légère arthrose, un pincement et une ostéophytose antérieure et postérieure tout comme une diminution des trous de conjugaison. Au niveau dorsal, rien de particulier n’est noté. Au niveau lombo-sacré, on note un discret antélisthésis grade I sur IV au niveau L4-L5; on note également un peu d’arthrose associée et on soupçonne une spondylolyse en L4 à être confirmée.
[10] Le travailleur continue de rencontrer régulièrement le docteur Legault; le 8 mars 1999, ce médecin recommande des traitements de physiothérapie. Un retour au travail léger est également autorisé à compter de cette date.
[11] Les traitements de physiothérapie ont débuté le 12 mars 1999. À la note initiale de consultation, le thérapeute décrit une douleur à la région lombaire vérifiable à la palpation au niveau des apophyses épineuses de L4-L5, au niveau de l’articulation sacro-iliaque gauche et au niveau des apophyses transverses lombaires gauches. Les signes neurologiques sont négatifs. Il note un raccourcissement bilatéral des ischio-jambiers; la mobilité du tronc est bonne avec douleur et limitation à la flexion antérieure et en flexion latérale droite.
[12] Le 6 mai 1999, le docteur Pangakis, chiropraticien, écrit que le travailleur est porteur d’un grave syndrome discal lombaire constant au niveau L4 avec radiculite à l’extrémité inférieure droite et une myofascite associée. Il note que monsieur Loyer a de la difficulté à marcher, qu’il présente une posture anormale, qu’il a une subluxation vertébrale compliquée à L5 et C1 et une colonne cervicale cyphosée.
[13] À la demande de la CSST, monsieur Loyer rencontre le docteur Jean Rousseau, chirurgien-orthopédiste, le 12 mai 1999. Après avoir réalisé l’historique du cas, le docteur Rousseau rapporte à l’examen physique que la démarche se fait de façon normale tant en position neutre que sur la pointe des pieds ou sur les talons. Il n’y a pas d’évidence de spasme paravertébral tant à l’examen qu’à la palpation. Il note une bonne cyphose thoracique et une bonne lordose lombaire. Il n’y a aucune évidence de scoliose et aucune douleur à la palpation des masses paravertébrales. La flexion antérieure est normale à près de 90° et la manœuvre de Schöeber se lit à 10/16; le mouvement se fait cependant de façon saccadée. L’extension est normale; les rotations, de même que les inclinations bilatérales, sont à 30°. L’examen neurologique des membres inférieurs est complètement normal. Les manœuvres de Lasègue et de Tripode sont négatives, tout comme celle de Faber.
[14] Le docteur Rousseau retient le diagnostic d’entorse lombaire sur condition personnelle d’arthrose avec antélisthésis L4-L5 qui se doit d’être détaillé de façon plus importante. Il demande de plus une scintigraphie osseuse afin d’évaluer s’il y a présence ou non d’une spondylolyse active. Si elle l’est, il s’agirait d’une condition traumatique et non d’une condition personnelle. Il ne peut donc consolider la lésion pour le moment.
[15] Le 3 juin 1999, le travailleur revoit le docteur Legault. Ce dernier cesse les traitements de physiothérapie dans l’attente de l’investigation recommandée par le docteur Rousseau.
[16] Le 10 juin 1999, une tomodensitométrie sans injection est effectuée. Elle révèle les constatations suivantes :
L’espace 3-4 est normal.
En 4-5, bombement discal postérieur diffus garde 1/4 associé à un listhésis de L4 sur L5 d’au moins 3 à 4 mm. Légère diminution de calibre des trous de conjugaison droit et gauche.
En L5-S1, bombement discal postérieur prédominant en postérieur central et paramédian droit grade 1/4 avec légère empreinte versant antérieur du sac dural.
Absence de sténose spinale.
Importante modification des facettes articulaires en L4-L5 avec pincements, sclérose et irrégularité des surfaces articulaires. Étant donné que les facettes articulaires sus et sous-jacentes sont normales, les changements observés sont très probablement dégénératifs. (sic)
[17] Quant à la scintigraphie osseuse, elle est réalisée le 28 juin 1999. Celle-ci révèle de légers phénomènes de stress ou dégénératifs au niveau de la facette articulaire droite de L4. Il n’y a aucune évidence de spondylolyse active à ce moment.
[18] Le travailleur continue de travailler en assignation temporaire et le 1er décembre 1999, il revoit une seconde fois le docteur Rousseau. Le docteur Rousseau rapporte que lors de son expertise du 12 mai 1999, le travailleur ne présentait aucune douleur à la région lombo-sacrée en position de repos et que les douleurs apparaissaient lorsqu’il devait travailler en force avec mise en tension de cette région. L’examen physique s’avérait complètement normal si ce n’est la présence de mouvements saccadés lors de la flexion antérieure. Il avait recommandé une investigation ainsi qu’une diminution graduelle des séances de physiothérapie et de chiropractie. Le docteur Rousseau indique que la scintigraphie osseuse du 28 juin 1999 démontrait la présence de légers phénomènes de stress ou dégénératifs au niveau des facettes articulaires droites de L4 sans aucune évidence de spondylolyse active; il estime cependant que le délai qui s’est écoulé entre l’accident et l’examen peut expliquer l’absence de captation. La tomodensitométrie démontre d’importantes modifications des facettes articulaires en L4-L5 avec pincement, sclérose et irrégularité des surfaces articulaires et on notait un bombement discal postérieur prédominant en postéro-latéral et paramédian droit en L5-S1.
[19] Au jour de son deuxième examen, le docteur Rousseau rapporte que le travailleur n’accuse aucune douleur au repos mais que les douleurs apparaissent dès qu’il doit procéder à des activités où il doit travailler en force avec sa région lombo-sacrée. Le docteur Rousseau, suite à son examen, est d’avis que le travailleur présente un tableau de douleur lombaire sur spondylolyse L4 avec discopathie L4-L5 dégénérative. Il est certain que monsieur Loyer demeurera avec une atteinte permanente à l'intégrité physique mais il est encore trop tôt pour établir l’ampleur de cette atteinte. Il recommande qu’une résonance magnétique du rachis lombo-sacré soit effectuée afin d’évaluer le disque L5-S1 de même qu’une discographie afin d’évaluer les disques en L4-L5 et L5-S1.
[20] Étant donné la présence d’un tableau douloureux important qui ne semble pas se dissiper, il envisage la possibilité qu’une fusion L4-L5 ou L4-S1 soit réalisée, selon les résultats obtenus à la résonance magnétique et à la discographie. Il existera certainement des limitations fonctionnelles qui pourront varier selon l’avenue thérapeutique à être adoptée.
[21] Du témoignage de monsieur Loyer et de ce qui apparaît au dossier, la situation s’est beaucoup dégradée au début janvier 2000 où un nouvel épisode douloureux s’est produit avec irradiation au niveau du membre inférieur droit localisé à la face latérale de la cuisse et du mollet, de même qu’à la partie antérieure du pied droit. Ces douleurs sont apparues de façon progressive; elles sont augmentées par toute station assise prolongée. Il a dû cesser de travailler.
[22] Le 3 février 2000, le docteur Legault note que le travailleur présente une rechute de son entorse lombaire depuis le 10 janvier 2000, que la lésion du 21 janvier 1999 n’avait jamais été consolidée et qu’il était toujours en travaux légers. Il est à nouveau référé au docteur Rousseau.
[23] Le 2 mars 2000, le travailleur revoit le docteur Rousseau. Ce dernier demande alors une résonance magnétique de la colonne lombaire qui est réalisée le 13 mars 2000. À cet examen, on note la présence de deux hernies discales dont l’une est médiane sous-ligamentaire à L4-L5 sans compression des racines ou du sac dural et la seconde, foraminale, dans le récessus inférieur droit L5-S1 sans compression radiculaire. Il n’y a pas de signe de signal d’hyperintensité associé à l’une ou l’autre de ces hernies.
[24] Lors d’une visite de suivi auprès du docteur Rousseau le 3 avril 2000, ce dernier demande une discographie de la colonne lombaire qui ne semble pas avoir été réalisée au dossier.
[25] Le 7 avril 2000, le docteur Legault note, lui aussi que le travailleur présente une détérioration de sa condition lombaire avec apparition d’une hernie S1 droite avec sciatalgie. Malgré les recommandations de retour au travail léger, monsieur Loyer n’est jamais retourné au travail pour Marcel Fiset Transport inc.
[26] Le 11 avril 2000, le docteur Rousseau complète une troisième expertise à la demande de la CSST. Le docteur Rousseau indique qu’il agit plutôt en tant que médecin traitant du travailleur. Il a reçu les résultats de la résonance magnétique qui démontre la présence de deux hernies discales mais qu’on ne parle aucunement d’une spondylolyse, qui a été très bien évaluée par la tomodensitométrie et où on ne parle pas de l’intensité retrouvée au niveau de deux disques si ce n’est pour dire qu’il y a présence de changements dégénératifs en L4-L5 et L5-S1. Le docteur Rousseau rapporte que depuis sa dernière évaluation en décembre 1999, le travailleur a connu un nouvel épisode douloureux avec irradiation au niveau du membre inférieur droit; les douleurs sont apparues de façon progressive et sont augmentées par toute station assise prolongée mais elles tendent à diminuer.
[27] À l’examen physique, le docteur Rousseau note une douleur à la palpation des masses paravertébrales à la région lombo-sacrée de part et d’autre des apophyses épineuses postérieures. La flexion antérieure, qui était normale auparavant, est diminuée à 70°. L’extension, les rotations de même que les inclinaisons sont normales à 30°. L’examen neurologique des membres inférieurs est complètement normal et les manœuvres de Lasègue et de Tripode s’avèrent négatives, tout comme celle de Faber. Le docteur Rousseau indique qu’il s’agit donc d’un tableau de discopathie dégénérative des niveaux L4-L5 et L5-S1 avec spondylolyse L4-L5. Le travailleur est actuellement en période symptomatique aiguë mais cette condition devrait régresser de façon progressive avec le repos, la physiothérapie et les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Après discussion avec le patient, le docteur Rousseau en vient à la conclusion que la consolidation de la lésion devrait être établie avec limitations fonctionnelles et que si une fusion L4-L5 et L5-S1 devenait nécessaire, ces dernières pourront être revues.
[28] Compte tenu que le docteur Rousseau est le médecin qui a charge du travailleur, la CSST obtient, le 25 juillet 2000, une nouvelle expertise médicale du docteur Nathalie Hamel, chirurgien-orthopédiste. Après avoir réalisé l’historique du cas, le docteur Hamel rapporte que le travailleur se plaint d’une douleur à la fesse droite irradiant au 3e, 4e et 5e orteils et se plaint aussi d’une douleur à la fesse gauche occasionnelle. Le docteur Hamel rapporte un examen clinique complètement normal au niveau du rachis dorso-lombaire. À l’examen neurologique, le patient allègue cependant des hypoesthésies au niveau des deux membres inférieurs dans les territoires L4 et S1 à gauche et dans les territoires S1 à droite. Elle est donc d’avis que le diagnostic à retenir est celui d’une entorse lombaire et que la discopathie dégénérative L4-L5, L5-S1 et le spondylolisthésis grade I sur IV en L5-S1 doivent être considérés comme étant des conditions personnelles. Elle consolide la lésion au jour de son examen, soit le 10 juillet 2000, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles en relation avec l’entorse lombaire.
[29] Suite à l’expertise du docteur Hamel, le dossier est référé au Bureau d’évaluation médicale et le travailleur rencontre le 26 septembre 2000 le docteur Serge Bourdua, orthopédiste.
[30] Après avoir réalisé l’historique du cas, le docteur Bourdua examine le travailleur. Il rapporte que le travailleur exprime de la douleur au moment de se redresser après s’être penché vers l’avant. La palpation révèle un malaise au niveau des apophyses épineuses de L4 et L5 mais sans spasme musculaire. Il note une petite déformation en marche d’escalier à ce niveau. L’extension réelle est évaluée à 10° seulement. En position debout, la flexion est limitée à 60° avec une distance doigts/sol de 28 cm. Cette position est très douloureuse surtout au moment du redressement. Les inclinaisons sont mesurées à 30° à droite et à 40° à gauche. L’inclinaison droite déclenche une douleur sur la crête iliaque gauche; les rotations sont indolores bilatéralement.
[31] À l’examen de la sensibilité, il y a hypoesthésie alléguée aux faces antérieure et externe de la cuisse gauche ainsi qu’à la face interne du pied droit. En position assise avec les jambes allongées, la flexion est évaluée à 70° et jugée inconfortable.
[32] Le docteur Bourdua indique qu’en tenant compte de l’événement survenu le 21 janvier 1999 et du rapport des examens radiologiques, il retient le diagnostic d’entorse lombaire ayant aggravé une condition personnelle préexistante de discopathie dégénérative L4-L5, L5-S1 et de spondylolisthésis grade I en L5-S1. Quant à la date de consolidation, il estime que l’entorse lombaire est consolidée mais que la condition personnelle ne l’est pas. L’entorse lombaire ne nécessite plus de soins actifs; quant à la condition personnelle, il faut envisager une fusion lombaire devant la persistance de la douleur. Il retient un pourcentage à l’atteinte permanente à l'intégrité physique de 2 % ainsi que des limitations fonctionnelles, à savoir : éviter des activités qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 15 kg; éviter d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude; éviter de marcher en terrain accidenté ou glissant et éviter de subir des vibrations de basses fréquences ou des contrecoups à la colonne vertébrale.
[33] Le 8 août 2000, le travailleur est référé au docteur Marc F. Giroux, neurochirurgien, qu’il rencontre le 22 novembre 2000. Le docteur Giroux retient le diagnostic de discopathie L4-L5 et L5-S1 et rapporte un examen neurologique normal; le Lasègue est négatif et ne note aucun signe radiculaire. Il rapporte cependant un petit listhésis en L4-L5. Il n’y a aucune indication chirurgicale mais il suggère plutôt un réentrainement à l’effort; si les douleurs persistent, des épidurales devraient être considérées et avant même de procéder à une fusion, il recommande le port d’un corset.
[34] Après avoir reçu l’avis du docteur Bourdua, le docteur Zotique Bergeron, médecin régional à la CSST, écrit que l’examen du rachis lombaire était normal, l’examen réalisé par le docteur Bourdua ne démontrant pas de signes objectifs d’aggravation d’une condition personnelle. Il n’y a pas de signes neurologiques confirmant une aggravation, une hernie ou une augmentation de grade du spondylolisthésis. Le docteur Bergeron note aussi que monsieur Loyer n’est pas plus symptomatique après l’événement qu’il ne l’était auparavant. La fusion lombaire qui est envisagée ne concerne qu’une condition personnelle non aggravée cliniquement et que la douleur et l’hypoesthésie alléguées sont des signes subjectifs très variables selon les différents patients. Le docteur Bergeron conclut qu’à son avis, le seul diagnostic acceptable au dossier est celui d’entorse lombaire qui est confirmée cliniquement par des ankyloses.
[35] Le 12 avril 2001, le docteur Gilles Roger Tremblay signe une expertise médicale pour le compte du travailleur. Après avoir effectué l’historique du cas et après avoir examiné le travailleur, le docteur Tremblay indique que le diagnostic à retenir en relation avec la lésion professionnelle est celui d’entorse lombaire greffée sur un spondylolisthésis lombaire avec discopathie dégénérative. Les pathologies discales identifiées à la résonance magnétique ne sont pas des pathologies discales aiguës mais représentent le point final d’une dégénérescence discale. Il est vrai que cette dégénérescence discale était préexistante à l’événement survenu le 21 janvier 1999 mais a été aggravée de façon définitive par celui-ci car la condition est maintenant symptomatique de façon permanente. Il ne suggère pas d’autre traitement et est d’accord avec la date de consolidation du 3 octobre 2000, suggérée par le docteur Bourdua. Quant à l’atteinte permanente à l'intégrité physique, elle s’évalue à 2 %. Il retient également des limitations fonctionnelles. Il ne suggère pas d’autre traitement car la condition actuelle n’est pas suffisamment douloureuse pour justifier une opération majeure comme une greffe lombaire à deux niveaux.
[36] Monsieur Loyer indique que suite à la consolidation de sa lésion, il a été admis en réadaptation et l’emploi convenable de dessinateur par ordinateur a été retenu; il est de retour au travail depuis le 6 mai 2002 chez un autre employeur et sa condition est stable.
[37] La Commission des lésions professionnelles a également entendu le témoignage du docteur Gilles Roger Tremblay. Le docteur Tremblay rappelle qu’il a vu le travailleur en expertise en 2001 et qu’après avoir revu le dossier médical et administratif, il est d’avis que le mécanisme accidentel tel que décrit par le travailleur peut avoir aggravé la dégénérescence discale et la spondylolyse, des conditions personnelles préexistantes. En effet, lors de l’événement, le rachis lombaire du travailleur a été amené en hyperextension, ce qui a pu entraîner l’étirement des ligaments de façon permanente. Il s’agit d’un mécanisme habituel pour déstabiliser une colonne lombaire déjà hypothéquée. Le docteur Tremblay rappelle qu’avant l’événement, le travailleur pouvait occuper son emploi de chauffeur livreur sans difficulté, nonobstant quelques épisodes d’arrêt de travail de courte période et qu’il s’agissait d’un travail très physique.
[38] Suite à l’événement du 21 janvier 1999, des douleurs lombaires seules ont été notées mais à partir du moment où le travailleur est retourné travailler en assignation temporaire, où il ne faisait que conduire des camions, une sciatalgie droite est apparue, notion qui était totalement absente auparavant.
[39] Le docteur Tremblay indique que l’antélisthésis dont le travailleur est porteur constitue un phénomène dégénératif occasionné par la dégénérescence discale. Le mécanisme accidentel a provoqué de l’instabilité et une irritation des racines, ce qui occasionne les douleurs. Cette lésion a été aggravée par le fait de conduire un camion, travail qui est susceptible en soi d’occasionner des douleurs au niveau lombaire et qui a contribué au glissement des vertèbres, un phénomène qui s’est installé et qui a occasionné une déstabilisation. Sans traumatisme, le travailleur aurait pu continuer à travailler indéfiniment tout en connaissant un enraidissement naturel de son rachis lombaire par une arthrose apophysaire qui aurait contribuée de façon naturelle à limiter ses mouvements.
[40] Le docteur Tremblay se dit convaincu qu’il y a eu une aggravation de la condition préexistante à cause l’histoire clinique. Le travailleur fonctionnait bien depuis plusieurs années et que suite à l’événement, une déstabilisation est survenue au niveau lombaire qui a entraîné des douleurs et des limitations fonctionnelles. Depuis le printemps 1999, une hypoesthésie à la jambe droite est également apparue et qui est une conséquence du spondylolisthésis qui est hypermobile et qui entraîne une irritation au niveau des racines L4-L5; une simple entorse lombaire n’aurait pu occasionner cette situation. Au surplus, le travailleur est beaucoup plus symptomatique lorsqu’il se penche vers l’avant. En effet, il y a, lors de la flexion antérieure, un étirement des vertèbres et les muscles extenseurs contribuent à ramener la vertèbre en place. Le spondylolisthésis a été ici rendu instable par l’entorse.
[41] Cela dit, il est en désaccord avec l’opinion du docteur Zotique Bergeron, médecin régional de la CSST, lorsque celui-ci indique que l’examen objectif du docteur Bourdua ne montre pas de signe d’aggravation d’une condition personnelle parce qu’il n’y a pas de signes neurologiques confirmant une aggravation, une hernie ou une augmentation de grade du spondylolisthésis et que le patient ne semble pas plus symptomatique après l’événement qu’avant celui-ci et que la douleur et l’hypoesthésie alléguées constituent des signes subjectifs très variables selon les différents patients.
[42] Le docteur Tremblay se rapporte à l’examen du docteur Bourdua réalisé le 26 septembre 2000; ce dernier rapporte que la position est très douloureuse surtout au moment du redressement et il s’agit d’un mouvement qui est typique démontrant l’instabilité au niveau lombaire et que cette douleur est causée par l’instabilité lombaire segmentaire.
[43] Quant à l’examen de la sensibilité, celui-ci est relié à l’hypermobilité et le docteur Bourdua rapporte une hypoesthésie à la face antérieure et sur la face externe de la cuisse gauche et sur la face interne du pied droit.
L'AVIS DES MEMBRES
[44] Conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L. R. Q., chapitre A-3.001.) (la loi), la commissaire soussignée a recueilli l’avis des membres issus des associations syndicales et d’employeurs sur l’objet du litige.
[45] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que la requête du travailleur devrait être accueillie. Ils estiment que la CSST, dans sa décision faisant suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale, n’a pas respecté les conclusions du docteur Bourdua et que le diagnostic retenu par le docteur Bourdua est celui d’une entorse lombaire ayant aggravé une condition préexistante de discopathie dégénérative L4-L5 et L5-S1 et de spondylolisthésis grade I en L5-S1.
[46] Quant à la date de consolidation, celle-ci doit être établie à la date de signature du rapport du docteur Bourdua, soit le 3 octobre 2000.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[47] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la décision rendue par la CSST le 23 octobre 2000 et confirmée par la révision administrative le 13 août 2001, est conforme. Cette décision fait suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Bourdua, du 3 octobre 2000.
[48] Après avoir analysé attentivement le dossier, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante.
[49] C’est la CSST qui s’est prévalu, en vertu de l’article 204 de la loi, de son droit de faire examiner la travailleuse le 25 juillet 2000, alors que le docteur Hamel réalisait son expertise médicale :
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.
________
1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
[50] Par la suite, le dossier fut soumis au Bureau d’évaluation médicale selon l’article 206 de la loi :
206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.
________
1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 1, a. 13.
[51] Le membre du Bureau d’évaluation médicale infirme ou confirme, par avis motivé, les conclusions du médecin qui a charge de la travailleuse ou, comme dans le cas présent, les conclusions du médecin désigné par la CSST, tel que prescrit à l’article 221 de la loi :
221. Le membre du Bureau d'évaluation médicale, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la Commission ou l'employeur, relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu.
Il peut aussi, s'il l'estime approprié, donner son avis relativement à chacun de ces sujets, même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet.
________
1985, c. 6, a. 221; 1992, c. 11, a. 23.
[52] Quant à l’article 212, il se lit comme suit :
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants:
1° le diagnostic ;
2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion ;
3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits ;
4° l’existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur ;
5° 'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester, pour que celle-ci le soumette au Bureau d'évaluation médicale prévu par l'article 216.
________
1985, c. 6, a. 212; 1002, c. 11, a. 15.
[53] L’article 224.1 de la loi est aussi pertinent à la solution du litige :
224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.
Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.
Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.
La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.
________
1992, c. 11, a. 27.
[54] Au début de l’audience, le représentant du travailleur a indiqué que seules les questions portant sur le diagnostic et la date de consolidation sont contestées dans le présent dossier, les autres sujets apparaissant à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale n’étant pas remis en cause.
[55] La Commission des lésions professionnelles estime, à l’instar du représentant du travailleur, que la décision qu’a rendue la CSST suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale ne respecte pas les dispositions de l’article 224.1 précité. En effet, le docteur Bourdua a indiqué que suite à la lésion professionnelle survenue le 21 janvier 1999, le diagnostic à retenir est une entorse lombaire ayant aggravé une condition personnelle préexistante de discopathie dégénérative L4-L5, L5-S1 et de spondylolisthésis grade I en L5-S1. La CSST devait, conformément aux dispositions de l’article 224.1, rendre une décision en ce sens puisqu’elle était liée par les conclusions du docteur Bourdua, ce qu’elle n’a pas fait. La décision rendue le 23 octobre 2000 et celle de la révision administrative du 13 août 2001 sont par conséquent illégales.
[56] Cependant, la Commission des lésions professionnelles tient tout de même à souligner qu’elle est de toute façon d’opinion que l’événement du 21 janvier 1999 a aggravé de façon définitive une condition personnelle préexistante à cet événement. En ce sens, elle retient l’opinion des docteurs Tremblay et Bourdua et de ce qui se dégage des faits mêmes de la présente affaire. Avant la survenance de l’événement du 21 janvier 1999, monsieur Loyer exécutait sans difficulté un travail physique malgré la présence d’une condition personnelle, ce qu’il ne peut plus faire maintenant. Cet événement a, selon toute vraisemblance, déstabilisé la condition du travailleur et lui a occasionné des séquelles qui l’empêchent de réintégrer son emploi pré-lésionnel.
[57] Quant à la date de consolidation de l’événement, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que celle-ci doit être établie à la date de la signature du rapport du docteur Bourdua, soit le 3 octobre 2000 puisqu’il n’en mentionne aucune autre dans ses conclusions.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Stéphane Loyer, le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 13 août 2001, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le diagnostic à retenir, en relation avec la lésion professionnelle du 21 janvier 1999, est une entorse lombaire ayant aggravé une condition personnelle préexistante de discopathie dégénérative L4-L5, L5-S1 et de spondylolisthésis grade I en L5-S1, et que la lésion professionnelle était consolidée le 3 octobre 2000;
DÉCLARE que monsieur Stéphane Loyer, le travailleur, a droit à tous les bénéfices prévus à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Manon Gauthier |
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Commissaire |
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Laporte & Lavallée (Me André Laporte) |
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Représentant de la partie requérante |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.