Décision

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Gabarit CFP

Simba et Ministère de la Sécurité publique

2017 QCCFP 53

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER N° :

1301754

 

DATE :

27 novembre 2017

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

Nour Salah

______________________________________________________________________

 

 

CHRISTIAN DIAKINA SIMBA

 

Appelant

 

et

 

MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

 

Intimé

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

(Article 35, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1)

______________________________________________________________________

L’APPEL

[1]          M. Christian Diakina Simba dépose un appel devant la Commission de la fonction publique en vertu de l’article 35 de la Loi sur la fonction publique (la Loi) à la suite de son échec à la procédure d’évaluation du processus de qualification visant à pourvoir un emploi de chef d’unité en établissement de détention, cadre, classe 7, au ministère de la Sécurité publique[1].

[2]          La candidature de M. Simba n’a pas été retenue au motif que son résultat aux examens est inférieur au seuil minimal de réussite. M. Simba a obtenu une note globale de 168 sur 300, alors que le minimum requis est de 170 sur 300. Plus précisément, il a obtenu une note de 110,57 sur 180 pour l’examen écrit Exercice du courrier GCL7-1301-02E sur lequel porte cet appel.

[3]          À la suite d’une séance d’échanges et d’information, M. Simba a précisé ses motifs d’appel. Il demande à la Commission de lui accorder des points à son examen pour les actions suivantes :

·      à la mise en situation no 1, les actions 50 et 83;

·      à la mise en situation no 2, les actions 104 et 159;

·      à la mise en situation no 4, les actions 313 et 366;

·      à la mise en situation no 6, les actions 558 et 559;

·      à la mise en situation no 8, l’action 696;

·      à la mise en situation no 10, l’action 960.

LES FAITS

[4]          Le ministère dépose en preuve de multiples documents relatifs à l’examen contesté, dont la majorité est sous ordonnance de confidentialité afin de ne pas nuire à l’utilisation future de cet examen.

[5]          M. André Durivage est, depuis 27 ans, professeur au Département des sciences administratives de l'Université du Québec en Outaouais. Il a complété sa formation à l'Université d'Ottawa, dont il détient un doctorat en psychologie. Il est également président de la firme Évaluation Personnel Sélection International (EPSI), fondée en 1995, qui développe et corrige des outils d’évaluation pour les secteurs public, parapublic et privé. EPSI est responsable de la correction d’approximativement 100 000 examens à travers 83 pays.

[6]          À la demande du Secrétariat du Conseil du trésor (SCT), M. Durivage a développé l’examen écrit Exercice du courrier comportant dix mises en situation.

[7]          M. Durivage précise que l’examen a été conçu de manière à ce que les candidats disposent de toute l’information nécessaire pour répondre adéquatement aux mises en situation. L’examen comporte trois parties. La première renferme les consignes. La deuxième partie contient des informations de base qui mettent en scène un organisme fictif et qui expliquent, entre autres, la mission de l’organisme. Finalement, la troisième partie comporte des mises en situation dans lesquelles différentes problématiques devront être résolues. De plus, des directives claires sur les réponses attendues sont également données aux candidats et reproduites sur chaque page du cahier de réponse.

[8]          M. Durivage explique les étapes de travail qui ont été nécessaires à la conception de cet examen :

1.  la mise sur pied d’un comité d'experts;

2.  l’analyse des tâches effectuées dans ces emplois;

3.  la formulation par le comité des « incidents critiques » soit des situations typiques du travail effectué par les titulaires de ces postes;

4.  la rédaction de la première version de l’examen qui évaluera sept compétences;

5.  la tenue de rencontres afin d’analyser les mises en situation contenues dans le projet d’examen par le comité pour vérifier si elles correspondent bien à la réalité.

[9]          Une grille de correction a aussi été développée par EPSI et c’est le comité d’expert qui a déterminé la valeur à attribuer à chacune des actions accomplies par les candidats :

·      0 point : action négative ou inappropriée;

·      1 point : action neutre;

·      2 points : action attendue ou appropriée;

·      3 points : excellente action.

[10]        La grille de correction comporte 990 actions. Elles peuvent toutes être données comme réponse par les candidats dans le cadre des dix mises en situation soumises.

[11]        M. Durivage fait état du processus utilisé pour la correction de cet examen, soit que chaque copie d’examen est corrigée deux fois, de façon indépendante, par deux correcteurs différents, selon la grille de correction établie. Les corrections sont alors comparées et, en cas de différence, les deux correcteurs discutent entre eux pour arriver à un consensus.

[12]        Les résultats de l’examen sont alors saisis dans un logiciel qui calcule les points pour chacune des actions données par le candidat.

[13]        M. Durivage explique les règles de correction fixées par le comité d’experts, dont quatre sont pertinentes à retenir aux fins de cet appel :

1.  une même action ne peut permettre une double cotation : le correcteur doit identifier l’action la plus adéquate dans une situation donnée. C’est l’élément le plus englobant et le plus complexe qui est alors accordé au candidat;

2.  une réponse doit être suffisamment claire. Les correcteurs ne peuvent émettre des suppositions ou des hypothèses. Il leur est interdit d’interpréter ce qui est écrit;

3.  une action ne peut être accordée à un candidat qui ne fait que retranscrire des parties de l'énoncé de la mise en situation;

4.  il existe une gradation dans les points accordés au niveau des actions relatives à la compétence « communication » et seule l’action de communication la plus complexe est accordée.

[14]        Trois niveaux de communication sont inscrits dans la grille de correction, soit : le niveau informe, lorsque le candidat informe ou avise une personne; le niveau discute, plus complexe, lorsque le candidat mentionne qu’il va rencontrer ou discuter avec une personne et, finalement, le niveau implique, le plus complexe, lorsque le candidat fait appel à une personne en lui demandant son avis. Cette personne doit être impliquée dans la prise de décision.

[15]        M. Durivage justifie la correction de chacune des actions demandées par M. Simba et indique pourquoi elles ne lui ont pas été accordées.

[16]        Les actions 50 et 83 n’ont pas été accordées, car M. Simba a retranscrit une partie des énoncés de la mise en situation et il indique un suivi, mais sans préciser de date, or une date est essentielle afin d’accorder cette action.

[17]        Les actions 104 et 313 ne font pas référence à des employés sous les ordres de M. Simba, des points lui ont été accordés pour une autre action cependant.

[18]        Il est impossible de comprendre la réponse de M. Simba pour l’action 159, alors que les réponses doivent être claires et complètes.

[19]         L’action 366 n’a pas été accordée, mais les actions 363 et 364 l’ont été, car elles correspondent précisément aux réponses de M. Simba.

[20]        Les actions 558, 559 et 960 n’ont pas été accordées, car elles ne font pas référence à une action en lien avec la compétence ou la performance des employés, mais plusieurs autres actions valant plus de points ont été accordées à M. Simba.

[21]        Finalement, l’action 696 n’a pas été accordée, car la réponse de M. Simba ne contient pas le niveau de communication attendu (informe, implique ou discute).

LES ARGUMENTATIONS DES PARTIES

L’argumentation du ministère

[22]        Le ministère indique que l’article 35 de la Loi permet à un candidat d’interjeter appel devant la Commission s’il estime que la procédure utilisée pour son évaluation lors d’un processus de qualification est entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité.

[23]        L’article 48, quant à lui, édicte que l'évaluation des candidats se fait sur la base des critères de connaissances, d'expériences ou d'aptitudes qui sont requises pour l'emploi à pourvoir.

[24]        Pour sa part, l’article 49 établit que la procédure d’évaluation doit être de nature à permettre de constater impartialement la valeur des candidats.

[25]        Le ministère soutient que le témoignage de M. Durivage a démontré que l’examen complété par M. Simba a été corrigé suivant une grille de correction très détaillée, en fonction des consignes données aux candidats et des paramètres de correction déterminés avec soin par le comité d’experts.

[26]        Il indique à nouveau pourquoi les actions demandées n’ont pas été attribuées à M. Simba.

[27]        Il dépose plusieurs décisions[2] portant sur les processus de qualification et les examens écrits administrés dans la fonction publique. Il demande le rejet de l’appel de M. Simba.

L’argumentation de M. Simba

[28]        M. Simba indique que plusieurs des décisions citées par la partie adverse datent de plusieurs années. De plus, le témoignage de l’expert n’est qu’une opinion qui ne lie pas la Commission.

[29]        Ainsi, selon M. Simba, le domaine de la mesure et de l’évaluation ne constitue pas une science exacte et le droit évolue. D’où l’importance d’examiner chaque examen comme un cas d’espèce. M. Simba revient alors sur les passages identifiés dans ses réponses au sujet desquels M. Durivage a témoigné. Il ajoute que la seule question en litige concerne le caractère déraisonnable de la correction de l’examen Exercice du courrier.

[30]        M. Simba cite deux décisions[3] qui traitent de processus de qualification visant la promotion de cadre, classe 2, et de cadre, classe 3, et plus précisément de l’examen écrit Étude de cas en gestion stratégique. Il demande à la Commission d’accueillir son appel.

LES MOTIFS

[31]        L’appel logé par M. Simba est fondé sur l’article 35 de la Loi qui prévoit ce qui suit :

35. Un candidat peut interjeter appel devant la Commission de la fonction publique s’il estime que la procédure utilisée pour son admission ou pour son évaluation dans le cadre d’un processus de qualification visant exclusivement la promotion a été entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité. Il doit le faire par une demande écrite qui doit être reçue à la Commission dans les 15 jours ouvrables de l’expédition de l’avis l’informant qu’il ne satisfait pas aux conditions d’admission pour participer au processus de qualification ou l’informant des résultats de son évaluation au cours de ce processus. […]

[32]        La Commission doit donc décider si la procédure d’évaluation de M. Simba au processus de qualification contesté est entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité. Elle interviendra seulement si elle juge que la correction de l’examen Exercice du courrier complété par M. Simba est déraisonnable ou arbitraire.

[33]        Après analyse, la Commission juge que la correction de cet examen est raisonnable et ne comporte aucune illégalité ou irrégularité donnant ouverture à son intervention.

[34]         L’examen de la preuve a démontré que toutes les actions réclamées par M. Simba ont été corrigées rigoureusement selon des paramètres de correction déterminés à l’avance par le comité d’experts. Les réponses fournies ont été appariées avec les actions les plus adéquates de la grille de correction. Les explications données par M. Durivage quant aux réponses attendues dans les différentes mises en situation étaient convaincantes.

[35]        Les actions pour lesquelles M. Simba réclame des points ne pouvaient être accordées par les correcteurs. En effet, il retranscrit pour certaines de ses réponses, l’énoncé de la mise en situation et, d’autres fois, ses actions ne sont pas assez précises. Or, les candidats ont tous reçu des directives claires quant à la façon d’exprimer leurs réponses. De plus, ces directives étaient reprises sur chacune des feuilles du cahier de réponses du candidat.

[36]        La Commission retient de la preuve qu’aucune supposition ou hypothèse ne doit être effectuée par les correcteurs et qu’il appartient aux candidats de répondre aux questions posées de la manière la plus claire possible. En effet, « les correcteurs ne doivent pas être contraints de déduire des éléments de réponse d’un candidat au-delà du minimum raisonnable, afin de ne pas mettre en péril le traitement équitable de tous les candidats[4] ».

[37]        D’ailleurs, la Commission avait rejeté l’appel dans la décision Dupré[5], car les réponses de l’appelant n’étaient pas suffisamment claires  :

[…] En ce qui concerne l’application de la grille de correction (pièce I-16) par les correcteurs, la Commission n’a décelé aucune décision prise par ceux-ci au regard de la copie d’examen de chaque appelant qu’elle pourrait qualifier de déraisonnable, injuste, arbitraire ou discriminatoire. La Commission est d’avis que le domaine de la mesure et de l’évaluation ne constitue pas une science exacte. Par ailleurs, la preuve a démontré que le concepteur de l’examen a créé, en étroite collaboration avec des experts provenant du milieu gouvernemental, une grille d’évaluation très précise et nuancée laissant très peu de place à l’apparition de biais de la part des correcteurs qui, pour leur part, ont été triés sur le volet, formés rigoureusement avant d’obtenir leur certification. Ils font également l’objet d’un suivi périodique.

De plus, la Commission note que les candidats ont obtenu des informations claires et précises quant à la façon dont ils devaient répondre. Notamment, chaque page du cahier de réponse contient un encadré mettant en garde et attirant l’attention d’un candidat sur le fait qu’il devait détailler toutes ses actions et interventions. La Commission croit qu’on n’aurait pu être plus explicite. […]

[38]        Au niveau des actions relatives à la compétence « communication », dans certains cas, M. Simba a choisi une action qui accordait peu ou pas de points. Dans d’autres cas, une seule action, la plus complexe, lui a été accordée, car il est impossible de cumuler les actions. Or, cette manière de corriger est tout à fait conforme aux règles établies par le comité d’experts.

[39]        À cet égard, il est possible de lire dans la décision Tanguay[6] :

[…] Ce n’est pas la nature du sujet traité, mais bien la nature de la communication qui est considérée. En effet, des consignes précises sont données aux candidats afin de leur exposer clairement ce qu’ils devraient faire. Elles sont répétées et reprises dans le cahier de réponses à chacune des situations. Ils étaient dûment informés que leurs réponses devaient permettre aux correcteurs de bien saisir l’ensemble des actions proposées.

[…] La position soutenue par Mme Tanguay aurait pour conséquence de permettre le cumul de points pour l’expression par le candidat de plusieurs niveaux de communication en vue de la résolution d’une même situation.

[40]        Les décisions soumises à la Commission par M. Simba ne s’appliquent pas au présent cas, car il ne s’agit pas du même type d’examen ni de la même grille de correction.

[41]        Aussi, certaines des actions réclamées par M. Simba auraient valu moins de points que celles qui lui ont été accordées. Il est décevant pour lui que deux points le séparent du seuil minimal de réussite, mais la Commission est convaincue que son examen a été corrigé de manière juste et équitable et que les points attribués représentent fidèlement sa prestation.

[42]        Conséquemment, la Commission conclut que M. Simba n’a pas réussi à démontrer que la procédure d’évaluation utilisée pour l’examen Exercice de courrier est entachée d’une illégalité ou d’une irrégularité.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE :

REJETTE l’appel de M. Christian Diakina Simba.

 

 

 

 

Original signé par :

 

 

__________________________________

Nour Salah

 

 

 

 

Me Christine Beaulieu

Procureure de M. Christian Diakina Simba

Appelant

 

Me Claire Lapointe

Procureure pour le Ministère de la Sécurité publique

Intimé

 

Lieu de l’audience : Québec

 

Date d’audience :

13 novembre 2017

 



[1] Numéro 63007PS009580001

[2] Michaud c. Ministère des Transports, [1997] 14 no 1 R.D.C.F.P. 21; Aubut et al. c. Ministère de la Sécurité publique, [1999] 16 no 2 R.D.C.F.P. 277; Dorion c. Ministère des Transports, [2002] 19 n1 R.D.C.F.P. 219; Vachon c. Ministère du Revenu, [1999] 16 no 2 R.D.C.F.P. 317; Dupré et al. c. Ministère du Revenu, [2003] 20 no 2 R.D.C.F.P. 265; Hélie c. Ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, [2003] 20 no 2 R.D.C.F.P. 431; Boucher c. Société de l’assurance automobile du Québec, 2014 QCCFP 13; Richard et al. c. Ministère du Revenu, [2003] 20 no 2 R.D.C.F.P. 279; Corbeil et al. c. Ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, [2003] 20 no 2 R.D.C.F.P. 497; Ste-Marie c. Ministère du Revenu, [2004] 21 no 2 R.D.C.F.P. 389; Tremblay c. Ministère de la Sécurité publique, [2005] 22 no 2 R.D.C.F.P. 387; Tanguay c. Ministère des Transports, [2010] 27 no 2 R.D.C.F.P. 255; Potvin c. Ministère de la Sécurité publique, 2016 QCCFP 6.

[3] Gauthier c. Centre de Services partagés du Québec, 2017 QCCFP 46; Courtois c. Ministère du Revenu, 2006 CanLII 60366 (QC CFP).

[4] Boucher c. Société de l'assurance automobile du Québec, préc., note 2.

[5] Dupré et al. c. Ministère du Revenu, précitée, note 2.

[6] Tanguay c. Ministère des Transports, précitée note 2.

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