Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Drummondville

Le 20 mai 2005

 

Région :

Mauricie

 

Dossier :

209588-04-0306

 

Dossier CSST :

124080722

 

Commissaire :

Sophie Sénéchal

 

Membres :

Denis Gagnon, associations d’employeurs

 

Serge Saint-Pierre, associations syndicales

 

 

Assesseur :

René Boyer

______________________________________________________________________

 

 

 

Pierre Rivard

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Machineries Pronovost inc. (Les)

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 6 juin 2003, monsieur Pierre Rivard, le travailleur, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 29 avril 2003 rendue à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 3 mars 2003 et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 2 septembre 2002.

[3]                À l’audience tenue le 8 septembre 2004 à Trois-Rivières, le travailleur et Machineries Pronovost inc., l’employeur, sont présents et représentés. La Commission des lésions professionnelles ayant demandé le dépôt de documents et ayant laissé aux parties l’opportunité de soumettre une argumentation additionnelle, le présent dossier est pris en délibéré à compter du 24 novembre 2004.

 

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déterminer qu’il a subi une lésion professionnelle le 2 septembre 2002.

 

LES FAITS

[5]                À l’époque pertinente, le travailleur occupe un poste d’assembleur à la finition chez l’employeur.

[6]                La première consultation médicale documentée a lieu le 11 septembre 2002. Au triage, l’infirmière note d’abord que le travailleur ressent depuis une semaine une douleur à l’épaule gauche, laquelle irradie jusqu’au cou. Le 11 septembre 2002, cette douleur descend dans le bras gauche. Elle note que le travailleur ne décrit aucun trauma.  Il indique plutôt faire des mouvements répétitifs avec des appareils à air à son travail.

[7]                À l’examen, le docteur Réjean Boucher parle d’une douleur et d’un spasme au trapèze gauche. Il y a une douleur sous-acromiale. Les mouvements actifs de l’épaule sont complets, mais il y a une douleur à l’abduction et à la rotation externe. La manœuvre de Yergason est négative.

[8]                Le docteur Boucher pose un diagnostic de tendinite à l’épaule gauche avec trapézite. Il prescrit une médication et des traitements de physiothérapie. Il recommande un arrêt de travail jusqu’au 17 septembre 2002.

[9]                Le 17 septembre 2002, le docteur Jacques Buisson, le médecin de famille du travailleur, complète un formulaire pour l’assurance collective. Il indique que le travailleur souffre d’une tendinite à l’épaule gauche avec étirement musculaire du trapèze et épicondylite gauche. Les symptômes sont apparus le 2 septembre 2002 et le travailleur a cessé de travailler le 13 septembre 2002. Le docteur Buisson est d’avis que le travailleur devrait reprendre son travail le 1er octobre 2002.

 

[10]           Le 10 décembre 2002, à la demande du docteur Martin Milot, le travailleur subit une scintigraphie osseuse des deux épaules. L’examen révèle ce qui suit :

« Légers phénomènes de stress/inflammatoires à distribution symétrique à l’articulation acromio-claviculaire et gléno-humérale bilatéralement. Pas d’anomalie prédominante visualisée du côté gauche. »

 

 

[11]           Le 3 février 2003, le docteur Buisson complète un second formulaire pour l’assurance collective. Le travailleur présente un phénomène d’accrochage à l’épaule gauche avec tendinite. Il se plaint également d’une cervicalgie. Il indique que le travailleur a « eu étirement épaule gauche début sept. 2002 ». Il est en arrêt de travail depuis le 4 décembre 2002.

[12]           Le docteur Buisson précise que le travailleur est en attente d’une imagerie par résonance magnétique, laquelle aurait été demandée par le docteur Milot lors d’une consultation du 22 novembre 2002. Il indique que le travailleur aura probablement une chirurgie.

[13]           Le 19 février 2003, le travailleur complète un formulaire de réclamation pour la CSST.

[14]           Le 27 février 2003, l’agente de la CSST, responsable d’analyser la réclamation, discute avec le travailleur. Elle le questionne sur son travail et les circonstances d’apparition des symptômes. Elle note :

« T avait fait une demande à ses assurances. Ce sont eux qui l’on envoyé à la CSST.

Au départ, T ne croyait pas que sa lésion était reliée au travail.

T a déjà eu un accident au hockey lorsqu’il avait 19 ans. A vu md mais dlre occasionnelle depuis (épaule gche )

T prenait alors anti-infl et se frictionnait. T croyait que ça pouvait plutôt être relié à ça.

C’est le Dr Milot qui aurait inscrit sur les papier « probablement relié au travail.

 

T est droitier & la lésion affecte le MSG. T me dit travailler avec les 2 bras dépend de quel côté de la machine il travaille.

 

Aucun prob avec MSD. »  [sic]

 

 

[15]           Le 3 mars 2003, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse la réclamation du travailleur. Le travailleur demande la révision de cette décision.

[16]           Le 1er avril 2003, à la demande du docteur Milot, le travailleur subit une imagerie par résonance magnétique de l’épaule gauche. L’examen révèle ce qui suit :

« Il y a de discrets remaniements dégénératifs en projection de l’articulation acromio-claviculaire prédominant au versant supérieur de l’articulation sans effet de masse sur la jonction myo-tendineuse du sus-épineux.

La morphologie acromiale est de type 1.

Il n’y a pas d’épanchement articulaire visible. Il y a un discret liséré liquidien au sein de la bourse sous-acromio-deltoïdienne demeurant en quantité physiologique.

L’étude du tendon sus-épineux n’a révélé aucun signe de déchirure. Au moins dans sa portion antérieure, le tendon est un peu plus hypointense qu’à l’usuel. Les clichés simples n’ont néanmoins démontré aucune calcification à ce niveau.

Le tendon sous-épineux est normal. Il y a un tout petit kyste sous-chondral sous-jacent à son insertion sur la tête humérale.

Le tendon sous-scapulaire est normal.

La longue portion du biceps n’est pas évaluée de façon optimale en intra-articulaire mais il n’y a pas de signe de rupture. La longue portion du  biceps est normal au sein de la gouttière bicipitale.

Il n’y a pas d’anomalie osseuse visible.

L’évaluation des labrums est sous-optimale en l’absence de contraste intra-articulaire.

Aspect normal de l’échancrure spino-glénoïdienne et de l’espace quadri-latéral.

 

RÉSUMÉ :

 

1.       Légers remaniements dégénératifs acromio-claviculaires.

2.       aspect normal des tendons de la coiffe des rotateurs. Aspect un peu plus hypointense du tendon sus-épineux qui correspond probablement à une variante de la normale puisqu’il n’y a pas de calcification démontrée sur les films simples. »

 

 

[17]           Le 29 avril 2003, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative. Elle confirme sa décision initiale du 3 mars 2003, d’où le présent litige.

[18]           Le 8 mai 2003, le travailleur consulte le docteur Buisson. Il rappelle que le travailleur a subi une scintigraphie et une imagerie par résonance magnétique. Il indique que le travailleur ne constate aucune amélioration de sa condition. Il doit revoir le docteur Milot sous peu.

[19]           Le 12 mai 2003, le travailleur revoit donc le docteur Milot. Dans ses notes, le docteur Milot indique « arthrose acromio-claviculaire en cause dans les douleurs à l’épaule G ». Il fait un croquis de la structure de l’épaule et identifie les endroits problématiques dont l’extrémité de la clavicule. Il prévoit faire une excision à l’extrémité de la clavicule gauche.

[20]            Le 12 juin 2003, le travailleur revoit le docteur Buisson. Le travailleur ressent toujours des douleurs. Il présente un phénomène d’accrochage d’allure chronique. Il indique que le travailleur a déclaré un accident du travail le 2 septembre 2002 et depuis ce temps, il a des douleurs. Le travailleur est d’accord pour se faire opérer.

[21]           Le 3 septembre 2003, à la demande de son représentant, le travailleur est examiné par le docteur Pierre du Tremblay, orthopédiste. À la suite de son examen, le docteur du Tremblay précise :

« Monsieur Rivard est donc âgé de 31 ans. Il travaille depuis 12 ans comme assembleur dans une usine de fabrication de matériel agricole. Il a pratiquement continuellement les bras en abduction à 90 degrés avec une composante de rotation interne, ce qui met la grosse tubérosité directement sous l’acromion.

 

L’examen objectif d’aujourd’hui nous montre définitivement des signes de tendinite au niveau de l’épaule gauche avec des signes d’abutement qui sont fortement positifs et une investigation qui ne montre pas de déchirure de la coiffe et l’investigation scintigraphique montre un phénomène inflammatoire au niveau des deux épaules et généralisé aux deux articulations, sans plus. »

 

 

[22]           Le docteur du Tremblay est d’avis que cette tendinite de l’épaule gauche avec abutement est reliée au travail de monsieur Rivard. Il indique que :

« Comme mentionné plus haut, nous croyons que la pathologie est causée par la position qu’il prend à son travail. Il ne s’agit pas d’un travail avec cadence élevée et soutenue, tel que semble le préconiser certains intervenants pour définir une maladie professionnelle, mais monsieur Rivard doit effectuer, de façon presque continuelle, des mouvements d’abduction aux environs de 90 degrés, avec rotation interne et avec contraction soutenue, ce qui, dans la littérature médicale, est une position qui favorise les tendinites, puis tendinopathies au niveau de la coiffe des rotateurs. »

 

 

[23]           Le 22 décembre 2003, à la demande de l’employeur, le travailleur est examiné par le docteur Paul O. Nadeau, orthopédiste. À la suite de son examen, le docteur Nadeau est d’avis que le travailleur présente une tendinose de la coiffe des rotateurs de façon bilatérale. Il note des petites crépitations peu douloureuses à la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche mais non à droite. Les différentes épreuves de sollicitation (Jobe, Speed, Yergason) sont négatives. Le docteur Nadeau n’envisage aucun traitement chirurgical pour l’instant. Quant à la relation causale, le docteur Nadeau est d’avis que :

« Suite aux événements allégués, monsieur me dit que maintenant, il fait 40% de son travail avec les bras au-dessus des épaules. Dans les circonstances, étant donné qu’il me dit que la chaîne passe à 6 pieds dans les airs, il serait surprenant que la majorité des pièces de machinerie soient à cette hauteur.

 

Dans ce contexte, j’aimerais avoir une vidéo-cassette du poste de travail avec les charges et les différents objets qu’il a à manipuler ainsi que les activités qu’il a à faire avec les bras au-dessus de 80o ou 90o de flexion ou d’abduction. Ce n’est qu’avec cette vidéo-cassette que je pourrai valider la non-relation avec le travail. »

 

 

[24]           Le docteur Nadeau a donc l’occasion de visionner une bande vidéo du poste de travail. Le 19 février 2004, le docteur Nadeau soumet un complément médical dans lequel il indique :

« Nous voyons durant le vidéo de 16 minutes 50, diverses activités qui sont faites chez les Machineries Pronovost inc. Les postes de travail qui sont visualisés nous montrent des individus qui peuvent travailler sur de la machinerie lourde soit sur de petites pièces qui sont mises sur des tables et ces tables sont à la hauteur d’environ 30 à 36 pouces. Les travailleurs utilisent des différents outils qui pèsent moins de 5 à 10 livres et font surtout l’assemblage de pièces. Ces activités démontrent donc certains postes où l’on visse, où on ajoute où on assemble les pièces de machinerie lourde. Des souffleuses, des guides, des supports, des systèmes de leviers et des systèmes de pistons. Toutes ces activités sont faites à une hauteur qui ne demande nullement d’éléments statiques au niveau des bras et des amplitudes articulaires qui sont dans les limites de la normale. C'est-à-dire majoritairement entre 0 et 60o de flexion ou d’abduction.

 

D’autres postes de travail sont visualisés où la pièce de machinerie est suspendue dans les airs avec un pont roulant. Encore une fois, le tout est ajustable dépendant de la hauteur du travailleur et celui-ci travaille dans la position désirée tout en restant debout. Encore une fois le tout est fait au rythme du travailleur et il est fait également dans les positions qui sont physiologiques. Nous n’avons remarqué dans ces postes de travail aucun élément de posture statique ou de posture contraignante, nous n’avons pas noté non plus d’amplitudes articulaires importantes, c'est-à-dire avoisinant le 90o de flexion ou d’abduction. Nous n’avons pas non plus démontré de charges lourdes à soulever sans usage de treuil ou de pont roulant.

 

J’ai vu monsieur Pierre Rivard en expertise médicale le 23 décembre 2003. Monsieur allègue des douleurs au niveau de son épaule dans l’exercice normal de ses fonctions. Il me dit qu’il avait travaillé 40% avec les bras au dessus de la tête. Monsieur a donc révisé les postes de travail et ceux-ci n’impliquent nullement les postures contraignantes déclarées par monsieur Rivard.

 

Par rapport à un accident du travail :

1.       Il n’y a donc pas de réalité, pas d’intensité de blessure. Monsieur ne travaille pas avec les bras au dessus de la tête, il n’a pas fait de chute n’a pas retenu un objet lourd.

2.       Il n’y a pas de mécanisme approprié, il n’y a pas de traction au niveau de la coiffe des rotateurs. Il n’y a pas d’activité avec les bras au dessus de la tête.

3.       Il y a un délai, monsieur fait ce travail depuis 13 ans.

4.       Il y a une discontinuité évolutive de la blessure de 13 ans.

5.       Il y a une non concordance site impact blessure n’ayant aucun impact direct ou indirect au niveau de la coiffe des rotateurs.

6.       L’histoire naturelle est donc non préservée. »

 

 

[25]           Le travailleur revoit régulièrement le docteur Buisson en attendant sa chirurgie. Il ne constate aucun changement dans sa condition.

[26]           Le 9 août 2004, à la suite d’une analyse du poste de travail de monsieur Rivard, monsieur Claude Bougie, ergonome, rédige un rapport à l’attention du représentant du travailleur.

[27]           Le mandat de monsieur Bougie est d’évaluer le poste d’assembleur de finition afin d’identifier si des facteurs de risques peuvent expliquer une relation entre le travail et la tendinite de l’épaule gauche. Monsieur Bougie indique :

« Exigences physiques de l’emploi

 

A partir des observations et renseignements recueillis lors de la visite et du visionnement de la cassette vidéo, nous retenons que les exigences de l’emploi d’assembleur de finition sont variables et se lisent comme suit :

-  acuité visuelle de près

-  coordination des membres supérieures

-  dextérité manuelle et digitale

-  capacité d’adopter diverses postures

-  force moyenne

 

Le travailleur peut gérer partiellement son rythme de travail et son mode opératoire. Malgré qu’il s’agisse d’un emploi en chaîne de montage, il n’y a pas de cadence imposée mais le travailleur doit fournir un rendement continu.

 

Plus particulièrement en regard des membres supérieurs, nous retenons que le travailleur doit fréquemment effectuer des mouvements résistés ou en force avec les membres supérieurs au-dessus de l’horizontale. La hauteur d’un crochet de suspension est à 72 pouces du sol et certains sont munis d’une extension, ce qui réduit la hauteur à 61 pouces du sol. Pour tirer le bras du palan sur poteau, le travailleur tire sur l’extrémité des chaînes d’accrochage, ce qui exige une élévation des épaules à plus de 90 o. Pour atteindre certaines composantes, le travailleur doit également travailler au-dessus de 90o d’élévation ou d’abduction avec rotation interne. »

 

 

[28]           Selon monsieur Bougie, même si le travailleur peut gérer son rythme de travail ou l’organisation de son travail et qu’il bénéficie de périodes de repos des groupes musculaires impliqués, il n’en demeure pas moins que le travailleur est soumis à des facteurs de risques biomécaniques.

[29]           À la suite de cette analyse ergonomique de monsieur Bougie, l’employeur soumet, le 7 septembre 2004, une analyse faite par madame Catherine Lapierre, ergonome.  Après avoir analysé le dossier du travailleur et le poste de travail, madame Lapierre indique :

 

5. Le rapport d’évaluation du poste de travail demandé par le représentant du travailleur est complet en soi mais présente certaines exagérations en ce qui concerne la répétitivité de certains mouvements ou postures contraignantes.  Après la lecture de se [sic] rapport, on pourrait croire que le travailleur se retrouve dans des postures problématiques la majeure partie de son temps de travail, ce qui n’est pas le cas. Tout dépendant le modèle en production, monsieur Boisvert mentionne qu’il y a entre 5 et 12 pièces qui sont produites chaque jour.  Les mêmes mouvements ne sont donc pas répétés si souvent.  De plus, si les pièces sont trop lourdes, il y a toujours possibilité d’obtenir une assistance.  Il fait aussi mention de travail à bout de bras.  Effectivement, le travailleur doit parfois  se retrouver à bout de bras, mais seulement pour pousser ou diriger une pièce et la force à appliquer n’est pas très importante.  De plus, le temps dans cette position n’est pas important.

 

Observations

 

Le travailleur est droitier et sa douleur est du côté gauche.  Selon mes observations, certaines tâches demandent l’utilisation uniforme des deux mains, mais le côté dominant est certainement plus souvent utilisé.  Il est même mentionner [sic] dans la deuxième expertise médicale que monsieur Rivard affirme qu’il travaille avec sa main droite la majorité du temps, mais à l’occasion il doit travailler avec la main gauche.

 

Selon les dires de monsieur Boisvert, en aucun moment le travailleur doit effectuer une tâche d’ordre répétitive, aucune cadence n’est imposée.  Les tâches sont relativement variées et les déplacements fréquents permettent des temps de repos pour les structures sollicitées.

 

Le maintient [sic]  d’une posture avec un angle d’abduction ou de flexion au-delà de 60° est considéré comme étant une posture contraignante (Levit and Linnoti, 1995).  Le travail de monsieur Rivard demande parfois que les bras soient en abduction au-delà de cette limite, cependant, cette posture n’est maintenue que pour une minime période de temps et la force appliquée n’est pas très importante.

 

Il y a beaucoup de périodes de « repos musculaire ».  Par exemple, le travailleur doit souvent se déplacer pour aller chercher un outil ou certaines pièces.  Ce genre d’activité ne sollicite pas ses épaules et lui permet de relaxer les structures qui ont été sollicitées.  D’autre tâche [sic] permettent aussi un tel repos.

 

 

[30]           Le 10 septembre 2004, le travailleur est opéré par le docteur Milot. Ce dernier procède à l’excision de l’extrémité de la clavicule gauche en raison d’une arthrose acromio-claviculaire gauche. Au protocole opératoire, le docteur Milot indique :

« Incision adjacente à l’articulation. Disséquons le tissu sous-cutané. Parvenons au niveau de cette articulation qui présente une pathologie surtout méniscale. Nous enlevons le ménisque qui est subluxé vers le haut. Après avoir ouvert la capsule, nous excisons 1.5cm d’os claviculaire pour ainsi réaliser une arthroplastie résection. Nous irriguons en abondance et nous refermons simplement la capsule avec du Polysorb 2, sous-cutané au Polysorb 3 et peau au Polysorb 4. Pansement compressif. Intervention bien tolérée. Bon pronostic fonctionnel. »

 

 

[31]           Le 20 septembre 2004, le docteur Milot examine le travailleur. Il va bien et l’épaule présente une bonne mobilité. Le travailleur doit toutefois récupérer sa force musculaire. Il prévoit un retour au travail le 11 octobre 2004.

[32]           Le 22 octobre 2004, le docteur Nadeau soumet un complément médical. Le docteur Nadeau indique notamment :

« En ce qui a trait aux autres éléments au dossier, j’ai pris connaissance de la scintigraphie osseuse montrant une accumulation symétrique au niveau acromioclaviculaire et gléno-huméral. J’ai pris connaissance également des différents documents de son médecin traitant et surtout ceux du docteur Milot. Il est à noter que celui-ci a opéré monsieur pour une excision de la clavicule distale gauche, donc pour une arthrose acromioclaviculaire.

 

Il est à noter donc que le docteur Milot n’a pas retrouvé d’accrochage au niveau de l’épaule et contrairement à ce qui est affirmé dans l’expertise du docteur du Tremblay, il n’était pas en attente d’une acromioplastie, mais bien d’une excision de la clavicule distale. C’est l’intervention qui a été faite et qui est présente au dossier. Donc, j’estime que le docteur Milot ne s’est pas trompé en intervention chirurgicale et a fait la bonne procédure. Ceci confirme que l’examen clinique objectif du docteur Milot, vraisemblablement, ressemble beaucoup à mon examen qu’à celui du docteur du Tremblay étant donné que je n’ai pas retrouvé de tendinite active au niveau de la coiffe des rotateurs. Le patient a donc été opéré avec une résonance magnétique montrant une arthrose acromioclaviculaire et une scintigraphie captant à ce niveau.

 

Étude des facteurs de risque

 

En ce qui a trait aux éléments de facteurs de risque, la Commission des lésions professionnelles reconnaît bien les amplitudes de 60o à 120o de façon soutenue avec charge de façon statique. Or, d’après le descriptif du poste de travail et par la vidéo, nous comprendrons bien que monsieur ne peut faire d’éléments statiques. Certes, il aura des éléments de force à faire, mais non en abduction et comme le mentionne bien NIOSH dans sa publication de 1997, les éléments de position statique de façon contraignante prononcée ou prolongée ou les répétitions sont les éléments à retenir pour une tendinite au niveau de la coiffe des rotateurs. Or nous ne retrouvons pas ces éléments, nous retrouvons des activités variées, nous retrouvons également des périodes de repos et des sollicitations des membres supérieurs de façon diverses. De cette façon, on ne peut considérer qu’il y a maladie professionnelle ni accident du travail dans le présent dossier. Le tout soumis respectueusement à la Commission des lésions professionnelles. »

 

 

[33]           Le 14 novembre 2004, le docteur du Tremblay soumet à son tour un complément médical. Il indique :

« Nous avons pris connaissance des notes du docteur Nadeau et de la vidéocassette.

 

Si on regarde le poste de travail décrit par cette cassette, nous devons admettre que la cadence n’est pas très élevée, mais nous croyons quand même, comme le fait mention le rapport ergonomique, que les gens qui font ce travail ont souvent les bras en abduction et particulièrement en rotations internes, et ce, au niveau des deux épaules, mais avec légère prédominance du côté droit sur la cassette et donc probablement au niveau du membre dominant. Nous croyons toujours que ces gestes peuvent avoir provoqué un phénomène de tendinopathie au niveau de cette épaule.

 

L’autre aspect de la question est celui du diagnostic puisqu’il semblerait que le docteur Nadeau oriente son diagnostic vers une atteinte acromio-claviculaire et ce genre d’atteinte survient lors des mouvements de traction avec force ou avec traumatisme précis (contusion au niveau de l’épaule droite). Les mouvements que nous voyons sur la vidéocassette peuvent provoquer plus un phénomène de tendinopathie à proprement parler au niveau de cette épaule.

 

Nous avons revérifié notre examen clinique et cet examen nous orientait vers un phénomène de tendinopathie avec légère sensibilité à l’acromio-claviculaire. Nous maintenons donc ces conclusions.   »

 

 

[34]           À l’audience, la Commission des lésions professionnelles a entendu le témoignage de monsieur Rivard.

[35]           Monsieur Rivard travaille chez l’employeur depuis 1991. Il a d’abord été journalier. Par la suite, il a occupé un poste d’opérateur de machine fixe à plasma et depuis 1996, il occupe le poste d’assembleur de finition.

[36]           Le travailleur est droitier. Il ressent une douleur du côté gauche. La douleur se situe à la face postéro-externe de l’épaule gauche et irradie jusqu’à la base du cou.

[37]           La douleur commence en août 2002 et elle s’intensifie en septembre 2002. Cette douleur lui nuit pour certaines activités de la vie quotidienne. Par exemple, lorsqu’il conduit sa voiture, après un certain temps, il peut ressentir une douleur.

[38]           L’employeur fabrique des souffleurs, des remorques, des silatubes et des autochargeuses. Quant aux souffleurs, il produit différents modèles dont le puma, les souffleuses groupe 1, 2 ou 3. Les groupes se distinguent par la largeur, laquelle varie de 54 à 74 pouces. Sur la bande vidéo, il est question de souffleuses puma et de groupe 2.

[39]           Pour faire son travail, monsieur Rivard utilise différents outils, soit un fusil à percussion de ½ et de ¾ de pouce pour les gros souffleurs. Il utilise également des clés de différentes grosseurs, une polisseuse et une masse ½ livre.

[40]           Pour faciliter la compréhension du travail effectué, le tribunal regarde une bande vidéo.  Ce n’est pas monsieur Rivard que l’on voit travailler sur cette bande vidéo.  De façon générale, on observe différentes étapes nécessaires au montage d’une souffleuse.  Au cours de ces étapes, le travailleur pose différents gestes, tantôt avec son membre supérieur droit, tantôt avec son membre supérieur gauche.  Certains gestes commandent également l’utilisation des deux membres supérieurs.  L’amplitude de certains gestes peut dépasser la hauteur des épaules alors que d’autres n’exèdent pas cette hauteur et même, se situent bien en dessous du niveau des épaules.  Pour faire l’assemblage des pièces, le travailleur utilise différents outils dont un fusil à percussion et une clé. La structure de la souffleuse est suspendue à une chaîne.  Les grosses pièces devant être assemblées sont transportées à l’aide d’un palan.  Il n’y a pas de cadence d’observée. 

[41]           Dans le cadre de son travail, monsieur Rivard adopte différentes positions. Sur ce point, la bande vidéo est assez représentative.

[42]           Le travailleur utilise ses deux membres supérieurs pour manipuler les outils, mais tout dépend de ce qu’il doit visser et dans quelle position il se trouve.

[43]           Le travailleur utilise rarement la polisseuse. Quant à la masse, il s’en sert pour enligner les pièces. Certaines pièces ont des trous qui doivent être bien enlignés. Il peut faire ces ajustements avec le bras droit ou le bras gauche, selon le besoin.

[44]           Il peut assembler entre 7 et 12 souffleuses par jour. L’assemblage d’une souffleuse prend un certain temps. Entre-temps, il peut avoir à préparer des composantes servant à l’assemblage.

[45]           Monsieur Rivard fait du patin et du vélo. Avant 2002, il pratiquait la pêche et le patin sur glace. En 1989 ou 1990, il s’est blessé au hockey. Il a été plaqué et il a ressenti une douleur à l’épaule gauche. Il n’a pas consulté de médecin et cette douleur ne l’a pas empêché de travailler. Il prenait du Advil au besoin.

[46]           Interrogé par la représentante de l’employeur, le travailleur précise qu’au départ, il complète un formulaire pour l’assurance collective. Il n’indique pas qu’il peut s’agir d’une réclamation CSST, car il croit que sa douleur est reliée au placage qu’il a subi en 1989 ou 1990.

[47]           Il fait une réclamation à la CSST en février 2003. C’est l’assurance collective qui lui conseille de faire cette demande, car le docteur Milot dit que c’est relié au travail.

[48]           Selon le travailleur, environ 40 % du temps, il a les bras élevés à plus de 90 degrés.

[49]           Questionné par le tribunal, monsieur Rivard précise que le travailleur que l’on voit sur la bande vidéo a un gabarit semblable au sien. Sa façon de travailler est semblable à la sienne.

[50]           Du mois de mai au mois de décembre, la production est principalement consacrée aux souffleuses. De décembre à mai, ils produisent des remorques.

[51]           Enfin, le travailleur spécifie qu’en août 2002, ils produisaient les plus grosses souffleuses soit celles de groupe 3. La table hydraulique n’était pas là. Au moment des visites de postes, le palan est réparé, mais auparavant, il était instable.

[52]           Le tribunal a également entendu le témoignage de monsieur André Boisvert, directeur de production chez l’employeur.

[53]           Monsieur Boisvert précise que pour une journée de travail, il y a deux quarts, soit de 7 h 30 à 16 h 00 et de 16 h 00 à 02 h 30. Pour le second, il s’agit d’un quart de dix heures, quatre jours par semaine.

[54]           Ainsi, lorsque l’on parle de la production par jour, il faut considérer qu’elle est répartie sur deux quarts de travail. Ils peuvent produire entre 12 et 14 petites souffleuses par jour ou 7 à 12 grosses souffleuses par jour.

[55]           L’assemblage se fait en équipe de deux. Les travailleurs alternent dans leurs fonctions.

[56]           Pour les chutes qui sont fixées à la souffleuse, les grosses dont le poids varie de 30 à 40 livres sont transportées avec le palan. Les petites dont le poids est d’environ 10 livres peuvent être transportées à la main.

[57]           Selon monsieur Boisvert, l’assembleur de finition n’a pas les bras « dans les airs » très souvent. Il estime qu’environ 5 % du temps, l’assembleur peut faire une élévation des bras.

[58]           L’empilage ne se fait pas avec tous les modèles de souffleuses. On empile les petites souffleuses et les puma. Le travailleur n’a pas à soutenir la pièce, mais seulement l’enligner.

[59]           Questionné par le représentant du travailleur, monsieur Boisvert donne quelques précisions quant à la production. Ils produisent environ 500 puma, soit 350 petites, 50 à 75 moyennes et 50 à 75 grosses. Ils vendent 150 souffleuses du groupe 1, 800 du groupe 2 et 100 du groupe 3.

 

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[60]           Le représentant du travailleur soumet que ce dernier a subi une lésion professionnelle le 2 septembre 2002.  Il demande à la Commission des lésions professionnelles de retenir l’avis du docteur du Tremblay plutôt que celui du docteur Nadeau.  Le travail de monsieur Rivard comporte des risques particuliers.

[61]           En regard des notes médicales demandées par le tribunal, le représentant n’offre aucune argumentation additionnelle, si ce n’est le complément du docteur du Tremblay du 14 novembre 2004.

[62]           Pour sa part, la représentante de l’employeur soumet que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 2 septembre 2002.  Le tribunal doit retenir l’avis du docteur Nadeau.  Le travail de monsieur Rivard ne comporte pas de risques particuliers. 

[63]           Dans son complément d’argumentation à la suite de la réception des notes médicales demandées, elle souligne au tribunal que le docteur Milot retient le diagnostic d’arthrose acromio-claviculaire et que le protocole opératoire confirme ce diagnostic.  Il n’est pas question de tendinite.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[64]           Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête du travailleur. Ils estiment que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 2 septembre 2002. Tenant compte du protocole opératoire du 10 septembre 2004, il y a lieu de constater que le travailleur présente une arthrose acromio-claviculaire à l’épaule gauche avec un ménisque subluxé vers le haut.  Il n’est pas question d’une tendinite ou même d’un syndrome d’accrochage. La preuve ne permet pas de conclure que cette arthrose acromio-claviculaire à l’épaule gauche est en relation avec le travail de monsieur Rivard.  D’une part, il ne peut bénéficier de la présomption de maladie professionnelle.  D’autre part, il ne s’agit pas d’une maladie reliée directement aux risques particuliers de son travail.  Enfin, il ne peut s’agir d’une aggravation d’une condition personnelle préexistante par le fait de risques particuliers.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[65]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 2 septembre 2002.

[66]           Pour répondre adéquatement à cette question, le tribunal est d’avis qu’il convienne d’abord de se pencher sur la question du diagnostic.  La représentante de l’employeur y fait d’ailleurs allusion dans le cadre de son complément d’argumentation.

[67]           Bien qu’il ne soit pas saisi d’un litige d’arbitrage médical concernant le diagnostic, il s’avère important en l’espèce d’apporter certaines précisions étant donné les différentes hypothèses diagnostiques émises.  Ces hypothèses doivent être remises en contexte notamment en regard du résultat d’examens paracliniques et surtout de la chirurgie faite par le docteur Milot le 10 septembre 2004, soit une chirurgie faite 2 jours après l’audience de ce dossier devant la Commission des lésions professionnelles.  Et force est d’admettre que les trouvailles faites par le docteur Milot lors de cette chirurgie s’avèrent très importantes pour cerner la question du diagnostic.

[68]           Sur cet aspect, il est intéressant de référer à la décision du commissaire Clément rendue dans l’affaire Savard et Gestion ADC (1986) inc. et CSST[1].  Dans un contexte qui s’apparente à celui du présent litige, le commissaire Clément s’affaire à préciser la question du diagnostic malgré l’absence d’une procédure d’arbitrage médical sur cet aspect.  Il apporte cette précision en regard des résultats d’une chirurgie qui permet  de faire la part des choses quant au diagnostic à considérer.  Il indique notamment :

[35] Même si, selon l’article 224 de la loi, le Tribunal serait théoriquement lié par le diagnostic de kyste synovial reconnu par la docteure Harvey, force est donc de constater qu’il n’existe pas dans la réalité. D’ailleurs, plusieurs médecins qui avaient émis l’hypothèse du kyste synovial, lui avaient accolé des termes comme « probable » ou avaient ajouté des points d’interrogation après ledit diagnostic. Le Tribunal estime que le protocole opératoire démontre clairement l’absence de kyste synovial et qu’il s’agit là d’une démonstration péremptoire de son absence puisque le docteur Gagnon a ouvert le poignet du patient pour aller voir ce qui formait le gonflement à cet endroit. Il bénéficiait donc de la situation idéale pour conclure avec certitude à l’existence ou non d’une telle lésion. Or, la chirurgie a démontré son absence. Le rapport anatomo-pathologique est également éloquent quant à l’absence de tissu synovial ou de liquide visqueux qui auraient sûrement été retrouvés s’il y avait eu kyste synovial.

 

 

[36] Il ne s’agit d’ailleurs pas de l’histoire naturelle d’un kyste synovial qui n’empêche habituellement pas de fonctionner et rentre dans l’ordre après une chirurgie, alors qu’ici il n’y a eu aucune amélioration.

 

 

[37] En conséquence, même s’il n’y a pas eu de référence au Bureau d’évaluation médicale pour contester le diagnostic de kyste synovial, le Tribunal ne peut se considérer lié par un diagnostic qui est manifestement et certainement faux. Le législateur n’a sûrement pas voulu que la CSST ou le présent Tribunal statuent sur les droits d’un travailleur à partir d’un diagnostic qui est éminemment non fondé et qui n’est que purement théorique.

 

 

[38] La procédure de référence au Bureau d’évaluation médicale ou la primauté donnée à l’avis du médecin qui a charge ont pour but de trancher certains aspects médicaux inhérents au dossier de chaque travailleur pour rendre objectifs et liants des éléments médicaux qui sont parfois incertains et controversés. La CSST et la Commission des lésions professionnelles devront ainsi rendre leurs décisions en tenant compte des avis du médecin qui a charge ou du Bureau d’évaluation médicale sur les 5 points prévus à l’article 212 de la loi. Cependant, le Tribunal estime qu’il est saisi d’un cas très particulier où il bénéficie d’une preuve hors de tout doute que le diagnostic de kyste synovial du poignet gauche est non fondé malgré les suspicions et les affirmations de plusieurs médecins qui se sont prononcés avant la chirurgie.

 

 

[39] Dans un tel cas d’exception, le Tribunal estime que la vérité doit primer sur la procédure. Le Tribunal ne peut simplement se fermer les yeux et faire comme si le kyste synovial existait alors qu’il n’existe tout simplement pas. Bien sûr, ce n’est que dans des cas exceptionnels que le Tribunal peut mettre de côté l’avis du médecin traitant sans qu’il y ait référence au Bureau d’évaluation médicale. Il faut vraiment que le diagnostic liant en apparence le Tribunal soit manifestement faux et qu’il soit démontré qu’il n’existe tout simplement pas. C’est le cas en l’espèce. Ce serait aussi le cas si plusieurs médecins diagnostiquaient une rupture méniscale et qu’à l’arthroscopie on constatait qu’il n’en était rien. Il en serait de même si des médecins diagnostiquaient une déchirure de la coiffe des rotateurs et que la chirurgie démontrait que la coiffe est intacte.

 

 

[40] La mission d’un tribunal administratif comme la Commission des lésions professionnelles est la recherche de la vérité dans le but de déterminer les droits des parties. En conséquence, le Tribunal ne peut rendre une décision à partir de données manifestement fausses même si, en vertu du processus d’évaluation médicale mis sur pied par le législateur, il serait théoriquement lié par cette fausseté. Le but doit l’emporter sur les moyens et les principes sur la procédure.

 

 

[41] La Commission des lésions professionnelles a d’ailleurs mentionné à plusieurs reprises qu’en présence de plusieurs diagnostics, elle pouvait procéder à l’identification de celui devant faire l’objet de l’analyse quant à la relation avec le travail, cet exercice devant être fait à partir de la preuve et des faits.

 

 

 

[69]           En l’espèce, en présence de plusieurs hypothèses diagnostiques, le tribunal croit donc nécessaire d’apporter certaines précisions. Tenant compte des résultats de la chirurgie du 10 septembre 2004, un tel exercice s’avère nécessaire afin de pouvoir identifier le diagnostic devant faire l’objet de l’analyse quant à la relation avec le travail et ce, en regard de la preuve soumise.

[70]           Lors de la première consultation médicale du 11 septembre 2002, le docteur Boucher retient les diagnostics de tendinite à l’épaule gauche et de trapézite gauche.  Le 17 septembre 2002, il est question d’une tendinite à l’épaule gauche, d’un étirement du trapèze gauche et d’une épicondylite gauche.

[71]           Or, les diagnostics de trapézite et d’épicondylite ne semblent pas très prépondérants puisque dès la consultation du 3 février 2003, il est plutôt question d’une tendinite à l’épaule gauche, d’un phénomène d’accrochage et d’une cervicalgie.

[72]           Le 12 mai 2003, le travailleur est examiné par le docteur Milot.  Selon les informations au dossier, on comprend que le docteur Milot a examiné le travailleur préalablement, soit le 22 novembre 2002, mais le détail de cette consultation antérieure n’est pas soumis à l’attention du tribunal.  Peu importe, le 12 mai 2003, le docteur Milot examine donc le travailleur et à ce moment, il est d’avis que le travailleur présente une arthrose acromio-claviculaire à l’épaule gauche.  Le docteur Milot est d’avis que les symptômes dont se plaint le travailleur sont en relation avec cette arthrose. Pour le docteur Milot, il n’est donc pas question d’une tendinite, d’un phénomène d’abutement ou d’une cervicalgie. Le travailleur présente un phénomène d’arthrose acromio-claviculaire à l’épaule gauche.

[73]           Pour conclure ainsi, le docteur Milot s’appuie sur son examen clinique mais il s’appuie également sur le résultat d’une imagerie par résonance magnétique qu’il avait lui-même demandée préalablement au 12 mai 2003.  Cette imagerie par résonance magnétique du 1er avril 2003 révèle la présence de légers remaniements dégénératifs acromio-claviculaires.  Et dans une optique de préciser le diagnostic, il est intéressant de noter que cette imagerie par résonance magnétique révèle un aspect normal des tendons de la coiffe des rotateurs.  Le tendon du sus-épineux semble hypo-intense mais il n’y a aucun signe de déchirure ni même de calcification.  Selon le radiologiste, il s’agit davantage d’une variante de la normale.

[74]           C’est donc dans ce contexte que le docteur Milot pose un diagnostic d’arthrose acromio-claviculaire et qu’il précise que cette arthrose est en cause en ce qui a trait à la douleur à l’épaule gauche.  Le docteur Milot prévoit donc une chirurgie afin d’exciser l’extrémité de la clavicule gauche.

[75]           Le 12 juin 2003, le travailleur revoit le docteur Buisson, lequel parle d’un phénomène d’accrochage d’allure chronique. Le 3 septembre 2003, le docteur du Tremblay est d’avis que le travailleur présente une tendinite à l’épaule gauche avec des signes d’abutement.   Quant au docteur Nadeau, lequel examine le travailleur le 22 décembre 2003, il ne parle pas de tendinite à l’épaule gauche ou de phénomène d’abutement.  Il est plutôt d’avis de retenir un diagnostic de tendinose de la coiffe des rotateurs et ce, de façon bilatérale.

[76]           Devant une telle panoplie d’hypothèses diagnostiques depuis le début des consultations, la chirurgie du 10 septembre 2004 tombe à point puisqu’elle permet de faire la part des choses quant à l’ensemble de ces différentes hypothèses.

[77]           L’analyse du protocole opératoire permet de constater que le travailleur présente une pathologie méniscale et une condition d’arthrose affectant l’articulation acromio-claviculaire gauche.  En effet, le docteur Milot procède à l’exérèse du ménisque, lequel est subluxé vers le haut et il procède également à l’excision de l’extrémité de la clavicule gauche en raison d’une arthrose acromio-claviculaire.  Le docteur Milot ne décrit aucun signe de tendinite ou de phénomène d’accrochage.  D’ailleurs, il ne fait aucune acromioplastie.

[78]           Par conséquent, lorsque l’on prend connaissance des résultats de la chirurgie du 10 septembre 2004, on se doit donc de constater que le diagnostic posé par le docteur Milot lors de la consultation du 12 mai 2003 s’avère juste dans les circonstances.  Le travailleur présente effectivement une condition d’arthrose acromio-claviculaire à l’épaule gauche. Bien que l’hypothèse d’une tendinite à l’épaule gauche avec phénomène d’accrochage fut émise par le docteur du Tremblay, force est d’admettre que celle-ci ne peut être confirmée par l’imagerie par résonance magnétique du 1er avril 2003 ou par la chirurgie du 10 septembre 2004.  Et de plus, contrairement à ce que le docteur du Tremblay indiquait, il ne s’agit pas du diagnostic retenu par le docteur Milot où en vertu duquel il a orienté son plan de traitements.

[79]           Par conséquent, dans le but de déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 2 septembre 2002, le tribunal se doit de tenir compte de ces précisions et de considérer comme prépondérant le diagnostic d’arthrose acromio-claviculaire à l’épaule gauche émis par le docteur Milot.

[80]           Au surplus, on ne saurait minimiser cet avis du docteur Milot sur la question du diagnostic de la lésion affectant le travailleur. Bien que le docteur Buisson soit le médecin généraliste qui examine régulièrement le travailleur, le docteur Milot est le spécialiste vers qui le travailleur est référé dans le cadre du suivi médical.  Le docteur Milot voit le travailleur le 22 novembre 2002.  C’est ce que rapporte le docteur Buisson.  Le docteur Milot est celui qui demande la scintigraphie osseuse du 10 décembre 2002.  C’est également lui qui demande l’imagerie par résonance magnétique du 1er avril 2003.  Le docteur Milot revoit le travailleur le 12 mai 2003 avec le résultat des différents examens demandés.  Et c’est également le docteur Milot qui recommande la chirurgie pour procéder à une excision de l’extrémité de la clavicule.  On comprend qu’entre temps, le travailleur revoit à quelques reprises le docteur Buisson, lequel parle davantage  de tendinite et d’accrochage. Le docteur Buisson indique toutefois que le travailleur est en attente d’une chirurgie avec le docteur Milot. C’est finalement le docteur Milot qui procède à cette chirurgie le 10 septembre 2004.

[81]           On ne peut donc sous-estimer le rôle du docteur Milot dans le cadre du suivi médical et particulièrement en ce qui a trait à l’orientation du plan de traitement.  

[82]           Dans l’affaire Marceau Gouttière Rive-Sud Fabrication inc. et CSST[2], la commissaire Marchand rappelle certains paramètres développés par la jurisprudence pour permettre d’identifier le médecin qui a charge d’un travailleur.  Parmi ces paramètres, on réfère notamment au médecin qui examine le travailleur, à celui qui est choisi par le travailleur par opposition à celui qui serait imposé lors d’une expertise médicale demandée par la CSST ou par l’employeur.  On écarte du même coup le médecin qui n’agit dans un dossier qu’à titre d’expert sans jamais suivre l’évolution médicale du travailleur.  Le médecin qui a charge est également celui qui établit le plan de traitement et qui assure le suivi du dossier du travailleur en vue de la consolidation de la lésion.

[83]           Or, tenant compte du rôle joué par le docteur Milot dans ce dossier, force est d’admettre qu’il peut être qualifié de médecin qui a charge.

[84]           Ainsi, à la lumière des précisions apportées quant au diagnostic et du rôle prépondérant du docteur Milot dans l’orientation du suivi médical, le tribunal doit donc déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 2 septembre 2002 et ce, en regard d’un diagnostic d’arthrose acromio-claviculaire à l’épaule gauche.

[85]           La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi) définit la lésion professionnelle comme suit :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

[86]           Il n’y a pas lieu d’analyser la présente situation sous l’angle de l’accident du travail ou de la rechute, récidive ou aggravation. La preuve soumise ne permet pas une analyse en fonction de ces notions. D’ailleurs, le travailleur soumet qu’il s’agit d’une maladie professionnelle. Le tribunal réfère donc aux dispositions suivantes :

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

SECTION IV

 

 

MALADIES CAUSÉES PAR DES AGENTS PHYSIQUES

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

 

 

1.      

2.       Lésion musculo-squelettique se manifestant par des signes objectifs (bursite, tendinite, ténosynovite):

un travail impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées;

 

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[87]           Dans un contexte de maladie musculo-squelettique, pour bénéficier de la présomption de maladie professionnelle, le travailleur doit établir par une preuve prépondérante qu’il est atteint d’une maladie énumérée à l’annexe I de la Loi, soit une bursite, une tendinite ou une ténosynovite et que cette maladie correspond à un travail impliquant des répétitions de mouvements ou des pressions sur des périodes de temps prolongées.

[88]           Tenant compte d’un diagnostic d’arthrose acromio-claviculaire gauche, force est d’admettre que ce diagnostic n’est pas énuméré à l’annexe I de la Loi.  Et même si le tribunal devait tenir compte du diagnostic de tendinite, bien qu’il soit énuméré à la Loi, la preuve ne permet pas de conclure que le travailleur exerce un travail impliquant des répétitions de mouvements ou des pressions sur des périodes de temps prolongées.

[89]           En considérant le témoignage du travailleur et le visionnement de la bande vidéo, on constate que le travail comporte plusieurs étapes au cours desquelles plusieurs tâches et plusieurs gestes différents sont posés.  De tels gestes impliquent son membre supérieur droit, le travailleur étant droitier, ou son membre supérieur gauche.  On ne peut toutefois parler de répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées impliquant particulièrement la structure de l’épaule gauche du travailleur.

[90]           Dans les circonstances, on ne peut donc présumer de l’existence d’une maladie professionnelle.

[91]           En regard de l’article 30, le travailleur a la possibilité de faire la preuve que sa maladie est caractéristique de son travail où il peut démontrer que cette maladie est reliée directement aux risques particuliers de son travail.  Pour ce qui est de la première possibilité, il y a lieu de constater qu’aucune preuve ne fut présentée en ce sens.  Reste donc à déterminer si la maladie est reliée à des risques particuliers du travail de monsieur Rivard.

[92]           Monsieur Rivard travaille à l’assemblage de machineries.  La preuve a porté particulièrement sur l’assemblage de souffleuses.  Le tribunal retient qu’entre 7 et 14 souffleuses peuvent être assemblées par jour et ce, sur deux quarts de travail.  Monsieur Rivard étant affecté à un quart de travail.  Le nombre de souffleuses assemblées varie en fonction du modèle.  Plus le modèle est petit, plus le nombre augmente.

[93]           Le tribunal retient également que l’assemblage de souffleuses comporte différentes étapes au cours desquelles le travailleur doit poser différents gestes et utiliser différents outils.  Quant aux gestes, le travailleur utilise principalement ses membres supérieurs.  Tantôt il peut s’agir du membre supérieur gauche, tantôt il peut s’agir du membre supérieur droit.  Le membre dominant du travailleur étant son membre supérieur droit. Certains gestes commandent également l’utilisation de ses deux membres supérieurs.  Quant aux outils, le travailleur utilise principalement un appareil pneumatique et des clés, lesquelles servent à visser des composantes.

[94]           Dans le cadre de son expertise médicale du 3 septembre 2003, le docteur du Tremblay mentionne que le travailleur « a pratiquement continuellement les bras en abduction à 90 degrés avec une composante de rotation interne, ce qui met la grosse tubérosité directement sous l’acromion. ». Avec respect, la preuve soumise ne permet pas de conclure que le travailleur « a pratiquement continuellement les bras en abduction à 90 degrés… ». Selon ce que le tribunal a pu constater, beaucoup de gestes se font sous le niveau des épaules.

[95]           D’ailleurs dans le cadre de son témoignage, le travailleur indique qu’environ 40% des gestes qu’il pose se font au-dessus des épaules alors que l’employeur est d’avis que seulement 5% du temps, le travailleur «  a les bras dans les airs. ».  Il est difficile de trancher entre de telles données divergentes lorsqu’on ne peut voir le travailleur à l’œuvre.

[96]           La bande vidéo, bien qu’incomplète selon monsieur Bougie, nous donne tout de même une certaine idée du travail accompli et de la nature des gestes posés. Il ne s’agit pas du travailleur mais monsieur Rivard indique que le travailleur qu’on y voit est de même gabarit et que le travail fait est représentatif de ce qu’il fait.   Ce faisant, le tribunal retient qu’il y a différentes tâches, différents gestes et que l’épaule gauche n’est pas constamment sollicitée par des mouvements d’abduction ou de flexion antérieure de 90° d’amplitude.  De plus, le travail de monsieur Rivard ne comporte aucune cadence ou aucun rythme imposé.  Tel que mentionné, entre 7 et 14 souffleuses peuvent être assemblées au cours d’une journée de travail.  Cette production étant répartie sur deux quarts de travail.  De plus, comme le mentionne monsieur Boisvert au cours de son témoignage, les assembleurs travaillent en équipe de deux. Ils peuvent alterner les tâches.

[97]           Le docteur du Tremblay est d’avis qu’il y a une relation entre la tendinite à l’épaule gauche avec syndrome d’abutement et le travail de monsieur Rivard.  Le tribunal estime toutefois que cet avis du docteur du Tremblay repose sur de fausses prémisses.  D’une part, tel que mentionné, le tribunal ne retient pas le fait que monsieur Rivard travaille « …pratiquement continuellement les bras en abduction à 90 degrés avec une composante de rotation interne… ».  D’autre part, et cet élément s’avère fondamental,  le docteur du Tremblay considère un diagnostic de tendinite à l’épaule gauche avec abutement alors qu’une analyse de la preuve médicale a permis de préciser que le travailleur souffre des conséquences d’une arthrose acromio-claviculaire à l’épaule gauche, laquelle a nécessité une excision de l’extrémité de la clavicule gauche.  La chirurgie du 10 septembre ayant confirmé le diagnostic et surtout éliminé l’hypothèse d’une tendinite et d’un abutement.

[98]           D’ailleurs, sur ce dernier aspect, le tribunal se doit de faire une certaine rectification.  Dans son rapport d’expertise du 3 septembre 2003, le docteur du Tremblay rapporte que le travailleur a vu le docteur Milot en mai 2003 et que ce dernier doit procéder à une acromioplastie en raison de phénomènes d’abutement à l’épaule gauche.  Or, tel n’est pas le cas.  D’une part, le 12 mai 2003, le docteur Milot ne parle pas de phénomènes d’accrochage ou d’acromioplastie.  Il parle plutôt d’une arthrose acromio-claviculaire et d’une excision de l’extrémité de la clavicule gauche.  Et la chirurgie du 10 septembre a consisté en l’exérèse d’un ménisque subluxé et surtout à l’excision de l’extrémité de la clavicule gauche.  Il n’a donc jamais été question d’une acromioplastie.

[99]           Quant à monsieur Bougie, il est d’avis que le travail de monsieur Rivard comporte la présence de facteurs de risque biomécaniques et physiques pouvant être la source d’un trouble musculo-squelettique comme une tendinite de l’épaule.  Or, tout comme pour le docteur du Tremblay, le tribunal estime que cet avis repose sur une fausse prémisse.  Le travailleur a une arthrose acromio-claviculaire à l’épaule gauche.

[100]       Et dans les circonstances, la preuve soumise ne permet pas de conclure que cette condition d’arthrose acromio-claviculaire serait une maladie reliée directement à des risques particuliers présents dans le travail d’assembleur de monsieur Rivard.  La preuve ne va pas en ce sens.

[101]       Enfin, il ne peut s’agir de l’aggravation d’une condition personnelle préexistante.  L’aggravation d’une condition personnelle préexistante n’est pas une lésion en soi.  Pour qu’elle soit considérée à ce titre, l’aggravation doit découler d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, soit des risques particuliers[4].  Or, en l’espèce, il n’y a pas lieu de référer à la notion d’accident du travail.  Quant à la notion de risques particuliers, le tribunal a déjà disposé de cet aspect.  Il y a lieu de référer aux motifs déjà exprimés.

[102]       En terminant, le tribunal ne peut faire abstraction du fait que le travailleur aurait subi une blessure à son épaule gauche en 1989 ou 1990 alors qu’il jouait au hockey.  Il aurait alors subi un placage.

[103]       Le travailleur semble minimiser les conséquences de cette blessure mais il n’en demeure pas moins qu’en septembre 2002 et ce, jusqu’au 19 février 2003, date où il soumet sa réclamation, le travailleur fait immédiatement le lien entre les douleurs à son épaule gauche et cette blessure qu’il a subie en 1989 ou 1990.  C’est d’ailleurs ce qui le motive à faire initialement une demande à son assurance-collective. Dans le cadre de son témoignage, le travailleur indique qu’il n’a pas consulté de médecin en regard de cette lésion.  Le tribunal note toutefois que lors de sa conversation avec l’agente de la CSST du 27 février 2003, le travailleur semble plutôt indiquer qu’il a effectivement vu un médecin en regard de cette lésion.

[104]       Et dans le cadre de son témoignage, le travailleur mentionne que c’est le docteur Milot qui l’informe d’un lien avec son travail et c’est ce qui le motive à faire une réclamation à la CSST, laquelle est soumise le 19 février 2003.  Or, selon les informations au dossier, le travailleur consulte le docteur Milot une première fois le 22 novembre 2002.  Le tribunal n’a pu obtenir le détail de cette consultation. Si à ce moment, le docteur Milot indique au travailleur que sa lésion est en relation avec le travail, le tribunal note toutefois que le travailleur tarde à soumettre sa réclamation puisque ce n’est que le 19 février 2003 qu’il l’a soumet. Par la suite, le travailleur revoit le docteur Milot le 12 mai 2003. À cette date, le docteur Milot retient un diagnostic d’arthrose acromio-claviculaire gauche et l’analyse de ses notes médicales ne permet pas de constater qu’il fait un lien avec le travail de monsieur Rivard. De plus, lorsque le docteur Milot procède à la chirurgie le 10 septembre 2004, il observe la présence d’un ménisque subluxé vers le haut et une arthrose acromio-claviculaire.  De tels constats s’avèrent plutôt compatibles avec un traumatisme ancien.

[105]       Peu importe, le rôle du tribunal n’est pas de déterminer la cause des malaises du travailleur mais bien si, en fonction de la preuve soumise, sa condition est en relation avec son travail.  Or, l’analyse de cette preuve ne permet pas de conclure en ce sens.

[106]       Le tribunal est donc d’avis que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 2 septembre 2002.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE  la requête de monsieur Pierre Rivard déposée le 6 juin 2003;

CONFIRME  la décision de la CSST du 29 avril 2003 rendue à la suite d’une révision administrative;

ET

DÉCLARE  que monsieur Pierre Rivard n’a pas subi de lésion professionnelle le 2 septembre 2002.

 

 

__________________________________

 

Sophie Sénéchal

 

Commissaire

 

 

 

 

DOMINIQUE LE SAGE

S.A.T.A.

Représentant de la partie requérante

 

 

CHANTAL RODRIGUE

Groupe ACCISST (Le)

Représentante de la partie intéressée

 



[1]          C.L.P. 247001-02-0410, 28 janvier 2005, J-F. Clément.

[2]          C.L.P. 91084-62-9709, 22 octobre 1999, H. Marchand.

[3]          L.R.Q., c. A-3.001

[4]          PPG Canada inc. c. C.A.L.P. et Kushner et C.L.P. et Grandmont et CSST, [2000] C.L.P. 1213 , (C.A)

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