Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

RÉGION :

 

MONTRÉAL

 

MONTRÉAL, le 21 février 2001

 

 

 

DOSSIERS :

 92083-71-9710

124645-71-9910

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Lucie Landriault, avocate

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Jean-Marie Trudel,

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

France Morin,

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR :

 

Claude Vanier, psychiatre

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

111255972

AUDIENCE TENUE LE :

6 décembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS BRP :

62416344

62502457

62502499

À :

Montréal

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

92083-71-9710

 

INDUSTRIES MAINTENANCE EMPIRE INC.

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

ANTONINO FERREIRA

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - MONTRÉAL 4

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 

 

ET

 

 

 

 

 

124645-71-9910

 

ANTONINO FERREIRA

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

INDUSTRIES MAINTENANCE EMPIRE INC.

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - MONTRÉAL 4

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

 

[1]               Le 3 octobre 1997, Industries Maintenance Empire inc. (l’employeur) dépose à la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) une déclaration d’appel à l’encontre d’une décision rendue le 9 septembre 1997 par le bureau de révision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST).

[2]               Par cette décision unanime, le bureau de révision modifie en partie la décision de la CSST du 20 décembre 1996 à la suite d’une demande de révision de monsieur Antonino Ferreira (le travailleur), et conclut que la lésion professionnelle du travailleur du 21 mars 1996 est consolidée le 9 avril 1997 plutôt que le 29 octobre 1996, et que les soins étaient nécessaires jusqu’à cette date.

[3]               Par cette même décision du 9 septembre 1997, le bureau de révision modifie en partie la décision de la CSST du 7 avril 1997 et retient que le travailleur conserve, en conséquence de sa lésion professionnelle, les limitations fonctionnelles établies par le docteur Gilles Roger Tremblay le 23 avril 1997 plutôt que celles établies par le Bureau d’évaluation médicale de la CSST.

[4]               Enfin, toujours dans sa décision du 9 septembre 1997, le bureau de révision maintient la décision de la CSST du 8 avril 1997 qui reconnaît que le travailleur présente, comme conséquence de sa lésion professionnelle du 21 mars 1996, une atteinte permanente à l’intégrité physique évaluée à 2,2% pour entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées.

[5]               Bien que l’appel de l’employeur ait été déposé devant la Commission d'appel, la présente décision est rendue par la Commission des lésions professionnelles, conformément à l'article 52 de la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives (L.Q. 1997, c. 27) entrée en vigueur le 1er avril 1998.  En vertu de l'article 52 de cette loi, les affaires pendantes devant la Commission d'appel sont continuées et décidées par la Commission des lésions professionnelles.

[6]               La présente décision est donc rendue par la soussignée en sa qualité de commissaire de la Commission des lésions professionnelles.

[7]               Le 8 octobre 1999, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête dans laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 24 septembre 1999 à la suite d’une révision administrative.

[8]               Par cette décision, la CSST confirme deux décisions qu'elle a initialement rendues les 10 juillet 1998 et 5 octobre 1998 et dans lesquelles elle refuse de reconnaître un lien entre les diagnostics de réaction anxio-dépressive, de dysthymie et de dépression majeure et la lésion professionnelle du travail du 21 mars 1996.

[9]               La CSST confirme aussi une décision du 12 mars 1999 dans laquelle elle suspend l'indemnité de remplacement du revenu du travailleur, et une autre du 23 mars 1999 dans laquelle elle met fin au plan de réadaptation du travailleur.

[10]           À l'audience, le travailleur est absent et son représentant ne présente aucune preuve.  L'employeur fait entendre madame Denyse Verdy responsable de la gestion des dossiers CSST pour l'employeur, et monsieur Gilles Chamberland enquêteur.  La CSST fait entendre mesdames Nicole Grégoire et Ginette Aubertin conseillères en réadaptation, et monsieur Robert Monaco du Groupe Monaco et associés.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[11]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision du bureau de révision du 9 septembre 1997, de conclure que le diagnostic de la lésion professionnelle du travailleur du 21 mars 1996 en est un de contusion lombaire, et que le travailleur ne présente aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitation fonctionnelle en conséquence de sa lésion professionnelle.

[12]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la CSST du 24 septembre 1999 et de déclarer que sa condition psychologique est reliée à sa lésion professionnelle du 21 mars 1996.

[13]           Le travailleur demande aussi d’infirmer la décision du 24 septembre 1999 selon laquelle l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur est suspendue le 12 mars 1999 et le plan de réadaptation terminé le 23 mars 1999, puisque ces décisions sont prématurées, sa lésion psychologique n’étant pas consolidée.  Subsidiairement, si la Commission des lésions professionnelles en venait à la conclusion que la lésion psychique n’est pas reliée à la lésion professionnelle du 21 mars 1996, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de conclure que la CSST ne pouvait mettre fin au plan de réadaptation puisque le travailleur avait des motifs raisonnables pour ne pas participer à son plan puisqu'il était incapable de saisir la portée de ses actions; il soutient que la CSST aurait dû suspendre le plan de réadaptation pour le reprendre lorsqu’il ira mieux.

LES FAITS

[14]           Le travailleur qui est âgé de 55 ans travaille comme  préposé à l’entretien ménager depuis vingt ans, dont la dernière année chez l’employeur. Il fait le ménage chez les différents clients de l’employeur.

[15]           Le 21 mars 1996, le travailleur fait une chute dans un escalier et se frappe le bas du dos.  Le même jour, le docteur Croteau pose des diagnostics de contusion lombaire et de contusion au genou droit. Il note que l’examen est difficile parce que le travailleur parle peu le français et parce qu’il est obèse. Une radiographie de la colonne lombaire montre une légère spondylose sans pincement aux niveaux L3-L4 et L4-L5.  Il demande de revoir le travailleur.  Le 28 mars 1996 il pose alors un diagnostic d’entorse lombaire et note que le travailleur a une impression de faiblesse à la jambe droite. Le docteur Croteau le dirige auprès du docteur J.L. Labarias qui est son médecin de famille.  Le docteur Labarias retient, le 11 avril 1996, un diagnostic de contusion lombaire.

[16]           Le 17 avril 1996, le travailleur est examiné par le docteur M. Grégoire, physiatre.  Il note que le travailleur est obèse et qu’il se présente avec une canne.  Il présente une algie de la charnière lombo-sacrée.  Selon le médecin, les limitations symétriques des mouvements sont possiblement en rapport avec l’obésité.  Il retient un diagnostic de contusion lombaire qu’il maintient le 15 mai 1996 alors qu’il consolide la lésion sans séquelles devant une certaine amélioration, et permet un retour au travail le 27 mai 1996.

[17]           Le 9 mai 1996, la CSST rend une décision dans laquelle elle reconnaît que le travailleur s’est infligé une lésion professionnelle de la nature d’une contusion lombaire et contusion au genou.

[18]           Le 22 mai 1996, le travailleur consulte à nouveau le docteur Grégoire qui recommande des blocs facettaires que le travailleur recevra le 11 juin 1996 (et par la suite le 26 octobre 1996).  Il recommande aussi l’assignation temporaire.

[19]           À compter de ce moment, les médecins posent successivement un diagnostic de contusion lombaire ou d’entorse lombaire.

[20]           Le travailleur subit plusieurs examens spécifiques : le 3 juillet 1996, une tomodensitométrie (qui révèle des modifications dégénératives aux niveaux des disques L3-L4, L4-L5, et L5-S1 et des articulations inter-facettaires; aussi, des ostéophytes postéro-latéraux droits en L4-L5 qui pourraient correspondre à la présence d’une hernie foraminale chronique); le 11 septembre 1996, un électromyogramme (EMG) (qui montre des études de conduction nerveuse normales mais, les études électromyographiques limitées en raison de la tolérance marginale du travailleur montrent quelques irrégularités jetant un doute sur l’intégrité des racines L5 particulièrement du côté gauche); enfin, le 26 juin 1997, une résonance magnétique (qui montre un canal spinal étroit de L3 à L5 avec dégénérescence discale en L3-L4 et L4-L5 rétrécissant davantage le calibre du canal spinal avec une possibilité de sténose spinale centrale).

[21]           Le 11 septembre 1996, le docteur Grégoire réfère le travailleur auprès d’un psychiatre.  Le travailleur verra le docteur Phipps, psychiatre, en janvier 1997 (semble-t-il).  Les notes prises par le docteur Phipps lors d’une première rencontre sont difficilement lisibles. Toutefois, on peut lire qu’il s’agit de la première fois que le travailleur consulte un psychiatre.  Le docteur Phipps lui prescrit Elavil 25 mg t.i.d. (trois fois par jour) et Rivotril 1 mg b.i.d. (deux fois par jour) et 2 mg h.s. (au coucher).

[22]           Le 8 janvier 1997, le docteur François Fugère de la Clinique de la douleur note que les mouvements lombaires du travailleur sont diminués et qu’il y a un spasme en para-vertébral, une sensibilité dans toute la région lombaire avec un point gâchette en para-vertébral gauche.  Le Tripode est positif mais le Lasègue est négatif.  Il conclut que le patient présente une lombosciatalgie sévère secondaire à des modifications dégénératives de la colonne lombaire et un spasme musculaire à réflexe.  Il lui suggère fortement de perdre du poids et débute une série d’épidurales lombaires.

[23]           Le travailleur subira aussi plusieurs évaluations médicales : le 29 octobre 1996, à l’initiative de l’employeur, par le docteur J. Boivin, orthopédiste; le 5 décembre 1996 et le 20 mars 1997 par le docteur G. Lafond orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale; le 3 février  1997 à l’initiative de la CSST par le docteur S. Tohmé orthopédiste; le 23 avril 1997 à l'initiative du travailleur par le docteur G. R. Tremblay; et, le 4 août 1997 à la demande de l'employeur par le docteur J.M. Pagé, chirurgien-orthopédiste.

[24]           Il ressort des différentes évaluations que l’examen clinique du travailleur est difficile à réaliser.  Le travailleur refuse de faire certains mouvements (selon le docteur Lafond), il présente des mouvements résistés volontairement (selon les docteurs Boivin, Tohmé), il bouge constamment, assis, debout.  Il présente une obésité importante de près de 300 livres.  Il présente aussi des limitations importantes des mouvements du rachis lombaire (qui se situent en moyenne à 30 degrés pour la flexion lombaire, et selon les examens, de 0 à 10 degrés pour l’extension, de 5 à 20 degrés pour les flexions latérales, de 0 à 30 degrés pour les rotations).  D’autre part, il présente une exagération de ses symptômes, des gémissements, une disproportion évidente entre la symptomatologie alléguée et les trouvailles cliniques, ainsi que des signes de non-organicité (telles des douleurs lombaires très importantes à la pression de la tête selon le docteur Boivin).  De plus, le docteur Boivin note qu’en quittant la salle d’examen, la démarche du travailleur s’effectue beaucoup plus rapidement que dans son bureau.

[25]           Le 20 décembre 1996, la CSST rend une décision dans laquelle elle reprend les conclusions du docteur Lafond du Bureau d’évaluation médicale quant au diagnostic d’entorse lombaire et quant à la consolidation de la lésion sans nécessité de soins supplémentaires le 29 octobre 1996.

[26]           Quant aux séquelles de la lésion, les docteurs Tohmé, Lafond et Tremblay retiennent que le travailleur présente une atteinte permanente pour une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées, ainsi que des limitations fonctionnelles.  Le docteur Boivin retient un diagnostic de contusion lombaire, résolue sans séquelles, chez un patient porteur de phénomènes dégénératifs lombaires qui sont une condition personnelle.  Le docteur Pagé conclut à l'absence d'atteinte permanente spécifiant que l'examen physique est celui d'un homme de 56 ans porteur d'une surcharge pondérale très importante et dont l'examen ne correspond à aucun examen rachidien qu'il connaisse.  Le docteur Pagé retient des limitations fonctionnelles qu'il relie à sa condition personnelle d'obésité morbide et se réfère à la première visite chez le docteur Grégoire qui parle d'une limitation symétrique des mouvements possiblement en rapport avec l'obésité.

[27]           Parallèlement, le travailleur présente divers problèmes médicaux, hypertension artérielle, œsophagite, apnée du sommeil, bronchite avec bronchospasme, syncope, diabète, névrite cubitale, etc…

[28]           Le 28 avril 1997, le psychiatre Phipps écrit :

« Patient was quiet while in the waiting room to see me.  The moment he came into the office he started becoming restless, banging his cane, moving up and down, angry, irritable, asking to be hospitalized.  The pills I was giving him had lost its effect.  He said he was having headaches, « needles » in his eyes, sleeping poorly.  History of hypertension. » 

 

 

 

[29]           Le docteur Phipps prescrit de l’Elavil 100 mg le matin et 125 mg au coucher et ajoute :

« CSST not filled out. Main problem is not psychiatry. »

 

 

[30]           Le 1er mai 1997, la CSST débute le processus de réadaptation du travailleur et le convie à une entrevue où il se présente avec son épouse et son représentant, monsieur Garcia, de Medleg Corsa inc. consultants.  Durant la rencontre, le travailleur gémit sans arrêt, et à quelques occasions crie de douleur en frappant le sol de sa canne.  Il fixe le sol et ne regarde la conseillère que rarement.  Il parle peu et choisit de parler en portugais alors que lors d’une entrevue précédente il s’était adressé en français, bien qu’avec difficulté.

[31]           Le 12 mai 1997, l’employeur procède à la filature du travailleur et réalise une bande vidéo de ses allées et venues durant six jours ou parties de journées dans la période du 12 mai au 23 juin 1997.  La Commission des lésions professionnelles a pu vérifier les circonstances entourant la filature.  L’employeur a voulu vérifier si les activités du travailleur étaient incompatibles avec la condition physique qu’il alléguait dans un contexte où différents médecins avaient noté des exagérations des symptômes, un comportement théâtral, et une disproportion entre la symptomatologie et les données cliniques.  De plus, le travailleur est filmé devant sa résidence, sur le trottoir, sur la rue, ou dans sa voiture, sur une période limitée dans le temps.  La Commission des lésions professionnelles a donc permis le dépôt en preuve de la bande vidéo et procédé à son visionnement.  Bien que la filature constitue à première vue une violation de la vie privée du travailleur en vertu de l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne[1], elle était justifiée dans les circonstances (article 9.1).  Enfin, le représentant du travailleur ne s'objectait pas au dépôt de cette preuve.

[32]           Sur la bande vidéo, on voit le travailleur sortir de chez lui, marcher lentement avec une canne qu’il utilise à droite, monter et descendre les marches donnant à sa résidence l’une après l’autre plutôt que dans un mouvement continu, nettoyer sans se pencher une marche d’escalier en y balayant son pied, descendre un sac de vidanges dans une cave après avoir soulevé une trappe, déambuler très lentement sur le trottoir devant chez lui sous une petite pluie fine et occasionnelle, s’arrêter, se tenir le bas du dos avec la main gauche alors qu’il se tient debout ou qu’il marche, entrer et sortir de son véhicule automobile normalement, le conduire, mettre de l’essence dans sa voiture, marcher d’un meilleur pas lorsqu’il fait beau, faire quelque 30 pieds sans sa canne.  Lorsqu’il est au volant de son automobile, il semble, selon l’enquêteur, faire des manœuvres pour vérifier s’il est suivi.

[33]           Après avoir visionné la bande vidéo, le docteur Pagé se dit d’avis que, sur le film, le travailleur ne se comporte pas comme quelqu’un qui a une pathologie lombaire mais simplement comme un individu de 56 ans avec une importante surcharge pondérale.

[34]           Le 9 juin 1997, l’employeur ayant un emploi convenable disponible à offrir au travailleur, une visite d’un poste de travail à la Tour de la Bourse est organisée par madame Grégoire, conseillère en réadaptation à la CSST.  Sont présents à cette rencontre, outre l’employeur et la CSST, le travailleur, son représentant monsieur Garcia, et une représentante de son syndicat.  Quelques jours avant cette rencontre, le travailleur laisse entendre à l’employeur qu’il ne s’y présentera pas puisqu’il n’est pas capable de travailler. À l’audience devant la Commission des lésions professionnelles, la conseillère affirme que l’employeur était prêt à réintégrer le travailleur dans un poste permanent alors qu’il avait un poste occasionnel auparavant.  Les parties envisagent le retour dans un poste d’entretien ménager léger « classe B », comme le demande le syndicat.  L’employeur suggère une intégration progressive avec des tâches très légères.  Lors de la visite du poste,  le travailleur à qui on a demandé de marcher sans canne, avance péniblement, et alors qu’il est debout dans l’ascenseur, tombe par terre de tout son long.  La conseillère affirme qu’il a pourtant l’habitude de se rendre à la CSST et d’emprunter sans problème l’ascenseur qui y est moins confortable.

[35]           Après la visite du 9 juin 1997, la CSST retarde le retour au travail afin de permettre un développement des capacités fonctionnelles du travailleur auprès de professionnels.

[36]           Le 16 juin 1997, le docteur Phipps écrit :

« It’s difficult to know how much is psychiatric and how much is « acting ».  He is calm in the waiting room.  He becomes agitated, restless the moment he comes into the office.  He wants to be taken care of.  Not motivated to return to work.  He passes the day, doing very little, gaining weight ++ ».

 

 

[37]           Il cesse Elavil et lui prescrit Imipramine 150 mg au coucher, ainsi que Rivotril 1 mg deux fois par jour et 2 mg au coucher.

[38]           Le 7 août 1997, le travailleur est dirigé auprès des Consultants S.A.P.A. inc. ergothérapeutes, pour l’évaluation de ses capacités fonctionnelles.  Ses résultats aux tests sont invalides, la force étant mesurée à 0.  Pourtant, à d’autres moments de l’évaluation, il montre une force de préhension de 25 livres. (Aussi, dans ses notes, la conseillère en réadaptation écrit que l’épouse du travailleur rapporte qu’à la maison, il se montre agressif et lance des objets.)  L’ergothérapeute note dans son rapport que le travailleur prétend être incapable de se lever sans l’aide de sa canne pour effectuer une activité prévue au programme; or, il est capable de se lever rapidement sans prendre le temps de se déplier et sans s’appuyer sur sa canne lorsque cela n’est pas exigé par une activité.  Le travailleur fixe la thérapeute sans bouger; sa capacité de s’exprimer en français et de comprendre se détériore tout au long de l’évaluation.  En raison de la non-collaboration du travailleur, de sa somatisation, et de son comportement inadéquat, les consultants mettent fin à l’évaluation qui n’a pas permis d’obtenir des résultats objectifs valides.

[39]           Le 26 août 1997, le travailleur consulte le docteur L. Lazar, psychiatre.  Il déclare à la CSST avoir changé de psychiatre parce que cela n’avançait pas.  Lors de la rencontre initiale, le docteur Lazar indique que le patient a fait une chute dans un escalier avec fractures au niveau de la colonne lombaire qui ont provoqué des douleurs insupportables. Son examen psychiatrique très succinct se lit comme suit :

« À l’examen psychiatrique, patient difficile à entrer en contact.  Il y a le barrage de la langue mais nous nous servons de l’interprète portugais. Il est vraiment déprimé, pleure constamment. Il a des insomnies reliées aussi à son état pathologique physique. Il prend une médication anti-dépressive, actuellement.

Amytriptyline 25 mg 5 co die.

Rivotril 2 mg deux fois par jour.

 

Nous avons procédé à un court examen mental pour constater qu’il n’y a pas de signe de la série psychotique et toute la pathologie est dans la sphère névrotique en rapport avec l’état physique du patient. 

Nous prescrivons :

Amytriptyline 50mg b.i.d. et h.s.

Rivotril 1 mg t.i.d. et 2 mg h.s.

Flurazepam 30 mg h.s.

le tout pour un mois, répétable une fois.

 

Avons rempli un certificat pour la CSST.»

 

 

[40]           Le 9 septembre 1997, le bureau de révision modifie en partie la décision de la CSST du 20 décembre 1996 à la demande du travailleur, et conclut que la lésion professionnelle du 21 mars 1996 est consolidée le 9 avril 1997 et que les soins étaient justifiés jusqu’à cette date.  De plus, le bureau de révision modifie en partie une décision du 7 avril 1997 et retient les limitations fonctionnelles établies par le docteur Tremblay plutôt que celles retenues par le Bureau d’évaluation médicale.  Enfin, le bureau de révision confirme la décision du 8 avril 1997 selon laquelle le travailleur présente une atteinte permanente à l’intégrité physique évaluée à 2,2 % et qui lui donne droit à une indemnité pour dommages corporels de 967,87 $ plus les intérêts.

[41]           Le Bureau de révision fait état du comportement théâtral du travailleur, du fait qu’il exagère nettement l’intensité de son syndrome douloureux.  Il ajoute :

« (…)

 

Cependant, le Bureau de révision note qu’aucun des médecins évaluateurs ne l’a accusé de simulation.

 

D’ailleurs, le Bureau de révision note au dossier certains signes objectifs.  Premièrement, les examens des médecins évaluateurs rapportent souvent une scoliose à convexité gauche confirmée par certaines images radiologiques.  Deuxièmement, le docteur Fugère, de la Clinique anti-douleur, notait le 8 janvier 1997, un spasme musculaire et un point gachette en paravertébral gauche.  Troisièmement, l'électromyographie pratiquée en septembre 1996 jetait un doute sur l'intégrité des racines L5 particulièrement à gauche.  Quatrièmement, les images vidéo prises par monsieur Chamberland démontrent toujours un individu favorisant son côté gauche et marchant avec la fameuse scoliose notée antérieurement.  Cinquièmement, aucune preuve n'est venue mettre en évidence une symptomatologie présente avant le 21 mars 1996.  Aucune preuve de non-efficacité au travail ou d'absentéisme en raison d'un syndrome douloureux lombaire ne fut soumise.  Sixièmement, monsieur Ferreira a été soumis et a accepté des traitements de blocs facettaires et d'épidurales, ce qui, jusqu'à un certain point, amène une certaine crédibilité aux douleurs qu'il dit ressentir.

 

D'autre part, l'investigation n'a certainement pas démontré de lésion importante pour expliquer ou justifier la gravité de la situation que laisse supposer le comportement de monsieur Ferreira.  Cette investigation révèle principalement une condition personnelle de dégénérescence lombaire avec possiblement un canal spinal étroit et possibilité de sténose spinale centrale.

 

Ces constats portent le Bureau de révision à retenir l'opinion du docteur Gilles-Roger Tremblay à savoir:

 

      -    Diagnostic :  entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées

 

      -    Consolidation :  9 avril 1997 date de la dernière épidurale

 

      -    DAP :  2 %

 

      -    Limitations fonctionnelles :

 

            - éviter les efforts répétitifs de plus de 15 kilogrammes

            - éviter les mouvements répétitifs de flexion et de rotation du rachis

            - éviter les positions contraignantes pour le rachis

            - avoir la possibilité d'alterner les positions. »

 

 

 

[42]           Le 25 septembre 1997, le docteur Lazar produit un rapport à la CSST pour un diagnostic de « dysthymie (Dépression névrotique) ». Il indique dans ses notes que le patient dit se sentir mieux.  Il note une amélioration de l’affect et de l’état dépressif en général.  Il dort mieux.  Il n’a a plus d’idées suicidaire.  Il est calme.  Puisque la médication telle que dosée lui convient, il la renouvelle.

[43]           Le médecin du bureau médical de la CSST écrit au dossier que la réponse du travailleur au traitement anti-dépresseur est discordante; avec pratiquement les mêmes médicaments et des doses presque voisines, il se détériore le 28 avril 1997 avec le docteur Phipps alors qu’il s’améliore subitement le 25 septembre 1997 avec la docteur Lazar.

[44]           La CSST décide alors de faire évaluer la condition psychique du travailleur.  Une rencontre est prévue le 17 février 1998 avec madame Micheline Favreau, neurophsychologue, et une autre le 26 février 1998 auprès de la docteure Suzanne Lamarre, psychiatre.

[45]           Le 9 octobre 1997, le docteur Lazar adresse une lettre à la CSST pour certifier qu'il suit le travailleur à la clinique externe du Centre Hospitalier de l’Université de Montréal pour un état dépressif concomitant à une pathologie organique sévère.

[46]           Le 25 novembre 1997, le docteur Lionel Béliveau, psychiatre, produit une expertise à la  demande du travailleur.  Il note que le travailleur n’a jamais présenté d’antécédents psychiatriques.  Il continue à présenter des douleurs lombaires mais avec une plus grande intensité.   Il ne peut marcher que de courtes distances même avec sa canne, il dort très mal.  Il souhaite mourir et son épouse le surveille de peur qu’il ne se suicide.  Il ne s’intéresse plus à rien, même pas à la télévision.  Il ne peut supporter le bruit, il est très anxieux et il oublie tout, son épouse devant même superviser la prise de ses médicaments.  

[47]           À l’examen mental, le docteur Béliveau note que le travailleur ne paraît pas abattu mais triste, tendu et agité.  Il coopère difficilement à l’examen en raison de son irritabilité et de son incapacité à fournir des réponses précises quant à la nature et l’évolution chronologique de sa symptomatologie.  Le docteur Béliveau note que « Il semblait plus intéressé à nous convaincre du caractère catastrophique de sa situation .» Il présente un certain ralentissement psychomoteur, il a un bon contact avec la réalité et est bien orienté dans le temps et l’espace. Il ne présente pas de trouble de l’attention mais présente un déficit important de sa capacité de concentration qui se reflète sur sa mémoire de fixation. Son jugement général est bien conservé de même que sa capacité de compréhension. Il ne présente pas de trouble du cours de la pensée ni d’activité psychotique.  Il présente comme idéation dépressive de l’auto-dépréciation et de l’anhédonie avec verbalisations de sentiments pessimistes et de découragement et verbalisations d’idée morbides. L’affect est difficilement mobilisable, caractérisé par l’anxiété mais surtout par une humeur dépressive et très irritable.  Il ne verbalise pas de phobie ou d’obsession, ni de crainte ou de préoccupation pathologique.

[48]           Le docteur Béliveau conclut que le travailleur présente, à tout le moins partiellement en relation avec les conséquences de l’événement du 21 mars 1996, avec la persistance de ses douleurs et de ses limitations fonctionnelles sur le plan physique, un trouble de l’adaptation avec, en plus de l’anxiété, une humeur dépressive, ainsi qu’un trouble douloureux chronique associé à la fois à des facteurs psychologiques et à une affection médicale générale.  Il est d’avis que la lésion psychique n’est pas consolidée.

[49]           Le 3 janvier 1998, le travailleur est hospitalisé pour une chute qui aurait été causée par un vertige. Il est vu en psychiatrie. Le médecin indique qu’il semble y avoir des éléments psychotiques probables alors qu’il verbalise des peurs paranoïdes, il a peur d’être attaqué, frappé, il a peur de sortir de chez lui. 

[50]           Le 10 janvier 1998, le psychiatre de l’hôpital indique à nouveau que le travailleur a très peur que des gens viennent le tuer dans sa chambre la nuit.  Il recommande Haldol 5 mg (deux fois par jour et au coucher) ainsi que Cogentin 2 mg (au coucher).  Le 16 janvier 1998, le médecin indique qu'il a peur que des gens dans la rue lui veuillent du mal.  Il collabore assez bien.

[51]           Le 17 février 1998, le travailleur ne se présente pas à la rencontre organisée par la CSST avec madame Favreau.

[52]           Le 24 février 1998, le docteur Lazar dans un rapport à la CSST, indique un diagnostic de dépression majeure.

[53]           Le 26 février 1998, le travailleur se présente à la demande de la CSST chez la docteure Lamarre pour une évaluation.  Il est désorganisé, agité, entend des voix.  L'évaluation n'aura pas lieu et le travailleur est référé à son psychiatre, le docteur Lazar.

[54]           Le 9 avril 1998, madame Micheline Favreau, neuropsychologue produit un rapport d’évaluation psychologique du travailleur, à la demande de la CSST.  Au cours de trois entrevues avec le travailleur, elle note un comportement sous forme de théâtralité, d’agressivité, de pleurs, de sursauts et d’une présumée confusion avec désorientation et perte importante des données relatives à son identité personnelle. En entrevue, il râle, marmonne, soutient ne pas pouvoir maintenir la position assise, se lève fréquemment, se frotte incessamment le crâne, explore fébrilement la pièce;  lorsque les questions se veulent plus insistantes, il se lance soudainement et vivement vers l’avant, brandit sa canne avant de frapper le bas des meubles et le plancher. Durant ces moments son regard est foudroyant, il crie « Ils sont là pour me tuer », il demande de vérifier si la porte d’entrée est bien verrouillée et il crie « Laissez-les entrer qu’ils me tuent ».  Il consomme des comprimés et annonce moins de deux minutes plus tard qu’il se sent mieux.  Il prend un temps extraordinaire pour répondre aux questions et montre des difficultés mnésiques très peu plausibles :  il ne sait pas combien d’enfants il a, ne connaît pas son adresse ni le nom de son employeur, il ne sait pas son âge mais étonnamment connaît sa date de naissance.  La description de ses douleurs lombaires est vague et évasive.  Il endosse quasi-systématiquement les symptômes qui lui sont suggérés, incluant des incontinences urinaires et fécales, une tendance à marcher de reculons, des hallucinations visuelles et auditives qu’il ne peut que vaguement décrire. À  la moindre question, il embrasse la croix qu’il porte au cou.

[55]           Aux épreuves psychométriques, le travailleur obtient, à l’épreuve des 48 images, des résultats compromettants qui invalident tout autre résultat qu’il pourrait par ailleurs obtenir.  Alors qu’un rendement basé sur la chance se situe autour de 50 % et que des individus souffrant d’une démence de type Alzheimer réussissent environ 95 % des items, le travailleur n’en réussit que 8 %, rendement qui, selon la neuropsychologue, met sérieusement en doute l’authenticité de sa performance.

[56]           Bien que madame Favreau indique qu’elle a eu une rencontre avec l’épouse du travailleur, elle ne fait aucune mention de la teneur de ses propos.

[57]           Madame Favreau conclut que les comportements théâtraux et atypiques observés et les résultats obtenus à l’épreuve de validité pointent vers une contribution probable de gains secondaires au tableau clinique.  À l’appui d’une composante motivationnelle, elle retient :

-     l’écart considérable entre les plaintes subjectives et la lésion;

-     l’évolution plutôt atypique et navrante de la symptomatologie malgré les efforts thérapeutiques valables déployés;

-     l’incohérence entre les comportements relevés en entrevue et ceux attendus d’une réaction anxieuse, dépressive ou psychotique réactionnelle à un événement stressant ou à une blessure physique;

-     les réponses évitantes et a description plutôt vague des symptômes douloureux;

-     les résultats qui mettent en doute l’authenticité des problèmes de mémoire allégués.

 

 

 

[58]           Madame Favreau ajoute : « Pour ces raisons, nous croyons que l’hypothèse d’une volonté d’obtenir des gains secondaires (ex. éviter le travail, maintenir les revenus) ne peut être écartée et ce, d’autant plus que si monsieur Ferreira fonctionnait réellement comme son comportement laisse croire, il ne pourrait être toléré dans un milieu de vie autre qu’en institution. »

[59]           Le 1er juin 1998, le docteur Béliveau expertise à nouveau le travailleur, mais cette fois, à la demande de l’employeur.  Le docteur Béliveau fait maintenant état du fait que le travailleur est mal orienté dans le temps et l’espace alors qu’il se croit en 1980 et probablement au début de l’hiver puisqu’il fait un peu frais.  Le travailleur se dit persuadé d’avoir été suivi par des gens voulant le tuer, ouvre la porte du bureau pour vérifier si ses persécuteurs sont là.  Dans une tentative de confronter le patient aux conclusions de madame Favreau, le docteur Béliveau obtient comme information qu’il est âgé de 52 ans mais il ne connaît pas sa date de naissance et ne sait pas s’il a deux ou trois enfants.

[60]           Le docteur Béliveau écrit qu’en se basant sur ses examens psychiatriques de novembre 1997 et de juin 1998, et sur les notes d’évolution au dossier de l’Hôtel-Dieu, particulièrement les notes du docteur Lazar, il est d’avis que le travailleur présente tout probablement un trouble de l’adaptation avec en plus de l’anxiété, une humeur dépressive d’intensité sévère.  D’autre part, en se basant sur ces mêmes examens psychiatriques, sur l’écart ou l’aggravation inexplicable existant entre ces deux examens alors qu’il était suivi régulièrement en traitement psychiatrique par le docteur Lazar, sur les observations des divers intervenants au dossier, sur le rapport d’enquête, tel que visionné et rapporté par le docteur Pagé le 4 août 1997, ainsi que le rapport d’évaluation de madame Favreau, il lui apparaît évident que le travailleur exagère ou simule des symptômes, tant sur le plan psychique que sur le plan physique dans le but d’obtenir des gains secondaires.  Selon lui, il devient par ailleurs difficile de départager jusqu’à quel point l’état régressif du patient se manifestant par exemple par un manque d’hygiène ou un manque d’autonomie, est une manifestation du trouble d’adaptation ou de l’attitude d’exagération inhérente à la tentative du patient de simuler une symptomatologie plus sévère que celle qu’il présente réellement.   Il conclut en disant qu’il ne peut relier à l’accident du travail la condition psychiatrique du patient, à savoir son trouble d’adaptation d’autant que cette condition est amplifiée par un problème de recherche de gains secondaires.

[61]           Le 18 août 1998, après un an de silence, la CSST fixe un rendez-vous au travailleur dans le but de reprendre le processus de réadaptation.

[62]           Le 30 septembre 1998, dans le cadre de l’analyse de l’admissibilité des diagnostics psychiatriques,  un médecin du bureau médical de la CSST écrit au dossier qu’il ne peut établir de relation entre ces diagnostics et la lésion professionnelle pour les raisons suivantes :  les médecins notent un problème de comportement du travailleur depuis le début, le docteur Phipps indique que le comportement du travailleur change aussitôt qu’il entre dans son bureau; suivent l’échec de l’évaluation auprès des consultants en ergothérapie, et de madame Favreau qui note un comportement atypique; l’évaluation psychiatrique faite par le docteur Lazar qui est le psychiatre traitant est des plus sommaires, aucune histoire longitudinale n’est faite, aucun examen selon les 5 axes (du DSM IV), les faits révélés sont inexacts (fractures au niveau de la colonne lombaire); le suivi est plutôt sporadique aux trois mois pour une condition qui fluctue beaucoup avec mention même de troubles psychotiques et d’idées suicidaires alors que de tels problèmes supposent un suivi serré; il y a une variété de diagnostics psychiatriques; enfin, le travailleur présente de nombreuses conditions personnelles pour lesquelles il prend une médication importante.

[63]           Le 26 novembre 1998, monsieur Robert Monaco du Groupe Monaco et associés, rencontre le travailleur à la demande de la CSST dans une mesure de réadaptation qui se veut un support de réintégration psychosociale pour lui permettre d’occuper un emploi chez l’employeur. Au cours de ces rencontres, le travailleur n’offre pas sa collaboration, il demeure évasif, fixe les intervenants d’un regard intimidant et agressif, déambule constamment dans le bureau, adopte un comportement théâtral, a une présentation négligée.

[64]           Le 8 mars 1999, dans le cadre d’un plan d’action visant sa réintégration chez l’employeur, le travailleur doit se présenter au magasin La Baie, client de l’employeur.  Il ne s’y présente pas, soulignant le lendemain qu’il n’était pas capable de s’y rendre.  La CSST discute avec le représentant du travailleur, monsieur Garcia, et accepte de payer le taxi le 10 mars 1999 pour le travailleur. Le représentant du travailleur demande de pouvoir se présenter sur les lieux pour regarder les tâches mais l’employeur refuse que le représentant se présente chez son client.  D’autre part, toutes les informations concernant le retour au travail progressif avaient été bien expliquées au travailleur ainsi qu’à son représentant, en personne et au téléphone, et tant par la CSST que par monsieur Monaco.

[65]           Le 10 mars 1999, le travailleur se présente sur les lieux du travail dans une tenue négligée et avec un appareil à oxygène, prétextant des difficultés respiratoires. Il ne parle pas. Il est décoiffé.  Il n’a pas son costume de travail ni de souliers de travail et porte des bottes non lacées et ouvertes. L’employeur dit pouvoir tolérer les jeans mais il doit porter la chemise de l’uniforme.  On lui trouve une chemise mais elle est trop petite. L’employeur décide de prendre une photographie du travailleur dans sa tenue négligée (photographie déposée sous la pièce E-2). Le superviseur retourne le travailleur chez lui.  Monsieur Monaco met fin à son intervention soulignant qu’il est impossible d’établir une mesure pouvant favoriser le retour en emploi du travailleur.

[66]           Le 12 mars 1999, la conseillère Aubertin écrit dans ses notes que le travailleur lors des rencontres en réadaptation n’a  pas participé aux discussions. Son attitude a fait en sorte que l’employeur n’avait d’autre choix que de le retourner chez lui le 10 mars 1999. Ses attitudes personnelles entravent le processus de réadaptation de même que son comportement négatif et exagéré. La CSST avise le travailleur et son représentant, qu’en  raison de son manque de collaboration dans la mesure de réadaptation visant sa réintégration progressive dans un emploi convenable disponible chez l’employeur, elle suspend l’indemnité de remplacement du revenu le 19 mars 1999.  Elle mettra fin à son plan de réadaptation si, d’ici le 19 mars 1999, il ne présente pas un plan d’action concret et réalisable à court terme.  Le travailleur ne fournit aucune réponse satisfaisante à la CSST qui, le 23 mars 1999, met fin au plan de réadaptation du travailleur.

[67]           Le 16 juin 1999, le docteur Pierre Laberge, psychiatre, procède à une expertise du travailleur à la demande de son procureur d’alors, dans le cadre d’une demande de déclaration d’invalidité adressée à la Régie des rentes du Québec.  Le docteur Laberge conclut à un examen subjectif non fiable en raison du charabia incompréhensible du travailleur et donne prépondérance à son examen objectif.  Ce dernier révèle un individu très obèse, à la démarche très hésitante, très négligé dans son apparence vestimentaire, affichant une physionomie rapidement ahurie et méfiante, incapable par ailleurs de rester en place plus de trois minutes.  Il paraît complètement absent sans évidence de simulation ou d’exagération volontaire.  Selon le docteur Laberge, le contenu de sa pensée s’accroche à certains événements qui procèderaient d’une expérience vécue en février, alors que la CSST aurait tenté de lui trouver un travail, et qu’il aurait été pris en photo.  Il est convaincu qu’il est sous haute surveillance, que l’employeur a des projets pour s’en prendre à lui.  L’affect est pathologique, émoussé, atone, l’humeur est franchement maussade.

[68]           Le docteur Laberge conclut que le travailleur est inapte à occuper un emploi rémunérateur de façon régulière pour des motifs à prédominance psychiatrique, soit une dépression majeure réfractaire réactionnelle compensatoire à une blessure narcissique, avec comme élément aggravant, un tableau psychotique.  Il est d’avis que le travailleur répond aux critères d’admissibilité pour la rente d’invalidité de la Régie des rentes. (Le travailleur sera par la suite déclaré invalide par le Régie des rentes.)

[69]           Le 24 septembre 1999, à la suite d’une révision administrative, la CSST maintient ses décisions du 10 juillet 1998, du 5 octobre 1998, du 12 mars 1999 et du 23 mars 1999.  Elle conclut qu’il n’y a pas de lien entre les problèmes psychologiques ou psychiques du travailleur et sa lésion professionnelle du 21 mars 1996.  Le travailleur a exagéré ses symptômes douloureux et simulé une condition plus sévère qu’elle ne l’est en réalité.  De plus, la CSST conclut qu’elle était bien fondée de suspendre le 12 mars 1999 les indemnités de remplacement du revenu du travailleur selon l’article 142.2 (d) de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la Loi), et de mettre fin à son plan de réadaptation en vertu de l’article 183 de la Loi, puisqu’il a omis de se prévaloir d’une mesure de réadaptation que prévoyait son plan de réadaptation.

L'AVIS DES MEMBRES

[70]           Le membre issu des associations d’employeurs et la membre issue des associations syndicales sont d’avis que la Commission des lésions professionnelles n'a pas compétence en ce qui concerne la contestation de l'employeur eu égard au diagnostic puisque la décision de la CSST du 20 décembre 1996 n'a jamais été contestée sous cet aspect, et l'employeur ne l'a pas contesté dans les délais légaux. 

[71]           D'autre part, les membres sont d'avis qu’il y a lieu de confirmer la décision du bureau de révision quant à la présence et l’évaluation de l’atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles.

[72]           Quant à la condition psychologique, les membres sont d’avis qu’elle n’est pas reliée à la lésion professionnelle du 21 mars 1996.

[73]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que le travailleur simule sa condition psychologique alors que la membre issue des associations syndicales est d’avis que le travailleur présente une condition psychique non reliée au travail mais qui ne lui permet pas de participer à son plan de réadaptation.  Le plan de réadaptation doit donc, selon elle, être suspendu jusqu’à ce que le travailleur soit en mesure d’y participer.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[74]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si elle a compétence pour se saisir de la contestation de l’employeur eu égard au diagnostic de la lésion professionnelle du 21 mars 1996, alors qu’il veut faire reconnaître un diagnostic de contusion lombaire par opposition à celui d'entorse lombaire.  Dans l’affirmative, la Commission des lésions professionnelles devra statuer sur le diagnostic.

[75]           D’autre part, la Commission des lésions professionnelles doit décider de la présence et de l’évaluation d’une atteinte permanente à l’intégrité physique et de limitations fonctionnelles comme conséquence de la lésion professionnelle du 21  mars 1996.

[76]           La Commission des lésions professionnelles doit aussi décider s’il y a une relation entre la condition psychologique du travailleur en 1997 et la lésion professionnelle du 21 mars 1996.

[77]           Enfin, la Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST était justifiée le 12 mars 1999 de suspendre les indemnités de remplacement du revenu du travailleur, et le 23 mars 1999 de mettre fin à son plan de réadaptation.

[78]           La Commission des lésions professionnelles considère, comme le soutient le représentant du travailleur, ne pas avoir compétence pour se prononcer sur le diagnostic de la lésion du 21 mars 1996.  En effet, le diagnostic d’entorse lombaire retenu par le docteur Lafond du Bureau d’évaluation médicale a fait l’objet d’une décision de la CSST le 20 décembre 1996 et n’a jamais été contesté.  Bien que le travailleur ait contesté la décision du 20 décembre 1996, il appert de sa contestation et de la décision du bureau de révision que le diagnostic n’a pas été contesté.  En effet, la décision du bureau de révision discute uniquement, eu égard à la décision du 20 décembre 1996, de la consolidation de la lésion et des traitements.  Le bureau de révision modifie en partie la décision du 20 décembre 1996, concluant que la lésion est consolidée le 9 avril 1997 sans toucher au diagnostic.  L’employeur ne peut, devant la Commission des lésions professionnelles, remettre en cause cet aspect de la décision qui était final le 20 décembre 1996 alors qu’il ne l’a pas contesté en temps utile.

[79]           D’autre part, la Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur présente, en conséquence de sa lésion du 21 mars 1996, comme le concluent les docteurs Tohmé, Lafond et Tremblay, une atteinte permanente à l’intégrité physique pour entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées, ainsi que des limitations fonctionnelles.  La Commission des lésions professionnelles retient les limitations fonctionnelles du docteur Tremblay comme le faisait le bureau de révision dans sa décision du 9 septembre 1997.  La Commission des lésions professionnelles endosse les motifs élaborés par le bureau de révision repris ci-haut (paragraphe 41).  De plus, la preuve révèle que le travailleur s’est infligé une entorse lombaire sur un rachis fragilisé par une condition de dégénérescence discale qui a été rendue symptomatique par son accident du travail.  Bien que plusieurs médecins aient noté que le travailleur amplifiait sa symptomatologie et présentait un tableau de somatisation, la preuve prépondérante, soit les opinions des docteurs Tohmé, Lafond, et Tremblay, nous amène à conclure que le travailleur présente des séquelles de sa lésion du 21 mars 1996. Comme le souligne le bureau de révision, le fait qu’il ait accepté des traitements de blocs facettaires et d’épidurales amène une certaine crédibilité aux douleurs qu’il dit ressentir. Enfin, le docteur Pagé retient aussi des limitations fonctionnelles qu’il attribue toutefois à l’obésité du travailleur. 

[80]           Contrairement aux arguments de l’employeur selon lesquels la bande vidéo montre un travailleur alerte, calme, qui bouge aisément, et qui converse avec ses voisins, la Commission des lésions professionnelles a été à même de constater que le travailleur se promène lentement, et n’a pas un comportement incompatible avec sa condition lombaire révélée par les examens cliniques.

[81]           En ce qui concerne la condition psychologique, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si les diagnostics émis par le médecin qui a charge du travailleur, le docteur Lazar, soit les diagnostics de dysthymie et de dépression majeure, sont reliées à la lésion professionnelle du travailleur du 21 mars 1996.

[82]           Après analyse de la preuve, la Commission des lésions professionnelles considère que cette relation n’a pas été établie.

[83]           La Commission des lésions professionnelles ne retient pas l’opinion du docteur Lazar qui semble établir une relation entre la dysthymie et dépression majeure du travailleur et sa condition physique douloureuse. En effet, le docteur Lazar établit la relation en tenant compte du fait que le travailleur a subi des fractures à la colonne lombaire, que cela lui a occasionné des douleurs insupportables, et qu’il présente une pathologie organique sévère.  Ceci est inexact.  D’autre part, l’examen mental fait par le docteur Lazar est très court, comme il le précise lui-même;  comme le souligne le médecin de la CSST, il ne relate pas d’examen objectif mais se limite à relater les plaintes du travailleur, il ne fait pas l’examen selon les 5 axes. Il mentionne seulement que le patient est vraiment déprimé, qu’il pleure constamment et qu’il a des insomnies aussi reliées à sa condition physique.

[84]           Ces éléments diminuent la force probante de l'opinion du docteur Lazar.  Enfin, bien que le docteur Lazar précise qu’il n’y a pas le 26 août 1997 de signe de la série psychotique, il n’apportera aucun élément d’explication plus tard lorsque le travailleur présentera des éléments dans la sphère paranoïde.

[85]           Le docteur Phipps, pour sa part, se refuse d’émettre un rapport pour la CSST.  Il se questionne sur la part de vrai et la part de comédie dans le comportement du travailleur.  Il précise que le problème principal n’est pas d’ordre psychiatrique.

[86]           Le docteur Béliveau qui avait, dans un premier temps, établi une relation entre le syndrome douloureux du travailleur, ses limitations fonctionnelles sur le plan physique et un trouble d’adaptation avec anxiété et humeur dépressive, ainsi qu’un trouble douloureux chronique, ne retient pas, en définitive, de relation, en raison de l’aggravation inexplicable de la symptomatologie entre ses examens de novembre 1997 et juin 1998, et en raison des observations des divers intervenants au dossier, notamment de madame Favreau.  Il croit que le travailleur simule une symptomatologie plus sévère qu’il ne présente réellement, tant sur le plan physique que psychologique, dans le but d’obtenir des gains secondaires.

[87]           Le docteur Laberge, qui évalue le travailleur dans le cadre de son admissibilité au régime des rentes, ne semble pas avoir une image complète de la situation révélée par le dossier CSST, et ne mentionne ni n’explique le comportement du travailleur, ses exagérations. Son examen mental est, de surcroît,  très sommaire.

[88]           Enfin, comme le souligne le médecin du bureau médical de la CSST, on peut se surprendre du suivi sporadique qu’a eu le travailleur pour une condition psychique alléguée aussi importante.

[89]           D’autre part, de nombreux autres intervenants au dossier, dont madame Favreau, les ergothérapeutes S.A.P.A., monsieur Monaco, madame Grégoire et madame Aubertin, ont signalé le comportement théâtral du travailleur, sa non-collaboration, le fait qu’il évite de participer aux mesures d’évaluation ou de réadaptation mises sur pied pour lui.  Madame Favreau, notamment, souligne l’incohérence entre les comportements relevés en entrevue et ceux attendus d’une réaction anxieuse, dépressive ou psychotique réactionnelle à un événement stressant ou à une blessure physique, les réponses évitantes du travailleur, les résultats qui mettent en doute l’authenticité des problèmes de mémoire allégués, et le fait que son comportement est invraisemblable puisqu'il est celui d’une personne que l’on devrait retrouver en institution.

[90]           Bien que le représentant du travailleur souligne que la bande vidéo montre un travailleur qui barre sa porte pour aller porter ses poubelles, et que son épouse a peur qu’il se jette devant le métro, et bien qu’il souligne que la somatisation, l’exagération, la théâtralité puissent aussi faire partie de la maladie, de même que la simulation, aucun psychiatre n’a donné d'explications sur une composante psychiatrique de ce comportement.  Aucun psychiatre n'a posé un diagnostic de simulation ou apporté d’explications sur la simulation du travailleur en regard du diagnostic de dysthymie ou de dépression majeure.  Aucun médecin n’explique le comportement du travailleur. Aucun psychiatre n’apporte d’explications sur la symptomatologie qui semble avoir évolué dans la sphère psychotique en janvier 1998.  Or, le fardeau de la preuve d’une relation entre sa condition psychologique et sa lésion professionnelle incombait au travailleur.

[91]           La Commission des lésions professionnelles conclut en l’espèce, que la condition psychique du travailleur n’est pas reliée à sa lésion professionnelle du 21 mars 1996.

[92]           En ce qui concerne la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu le 19 mars 1999 et la fin du plan de réadaptation le 23 mars 1999, la Commission des lésions professionnelles considère que les décisions de la CSST étaient justifiées.

[93]           L’article 146 de la Loi stipule que la CSST prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation.  D’autre part, l’article 142. 2 (d)  prévoit que la CSST peut suspendre le paiement d’une indemnité si un travailleur omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation.

[94]           Dans le cas du travailleur, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il a refusé de se prévaloir d’une mesure de réadaptation prévue à son plan en se comportant comme il l’a fait le 10 mars 1999.  Il s’est présenté dans une tenue des plus négligées, non coiffé, chaussé de bottes non lacées et ouvertes, a omis d’apporter son costume de travail, ne parlait pas et ne participait pas.  Il a présenté un comportement qui a amené l’employeur à le retourner à la maison.

[95]           De plus, il n’a pas offert sa collaboration à la mise en œuvre de son plan de réadaptation; depuis le début de sa réadaptation, le travailleur ne regarde pas ses interlocuteurs ou bien il les dévisage, frappe sa canne par terre lors des entrevues, ne parle plus français bien qu’il le parlait au début quoiqu’avec difficulté, refuse une participation réelle aux tests, se présente dans une tenue négligée, etc.

[96]           Le représentant du travailleur soutient que le travailleur a une raison valable pour ne pas avoir offert sa collaboration à son plan et à la mesure de réadaptation.  Il soutient que le travailleur n’a pas collaboré en raison de sa condition psychiatrique.  Et si sa maladie en était une de simulation, avance-t-il ?

[97]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis que cette hypothèse n’est pas appuyée par la preuve médicale.

[98]           Aucun médecin n’a posé ou même questionné la présence d’un diagnostic de simulation.  Aucun médecin n’explique ses exagérations ou sa simulation par sa condition psychiatrique.  Les diagnostics varient selon les intervenants : dysthymie, dépression majeure, trouble de l’adaptation avec anxiété et humeur dépressive, trouble douloureux chronique, peurs paranoïdes, éléments psychotiques, et encore dépression majeure avec tableau psychotique.

[99]           Le docteur Phipps, médecin traitant du début, soulignait que le travailleur se comportait différemment à l’extérieur du bureau que lorsqu’il était avec lui, et questionne sur la part de vrai dans son comportement. Or, le psychiatre Phipps n’a pas posé de diagnostic de simulation.  Le travailleur a par la suite changé de psychiatre, soulignant que cela n’avançait pas. 

[100]       Quant au deuxième psychiatre traitant du travailleur, le docteur Lazar, il n’apporte aucun éclairage sur la condition psychiatrique du travailleur.  Il ne semble pas se questionner sur son amélioration subite après un changement minime dans la médication.  Il change de diagnostic de dysthymie à dépression majeure le 24 février 1998 sans fournir d’explications. Il ne produit aucune explication après que la symptomatologie du travailleur eut, semble-t-il, évolué dans la sphère psychotique.  Il n’apporte aucune explication sur les exagérations ou la simulation du travailleur.

[101]       Le docteur Béliveau, pour sa part, ne peut s’expliquer l’aggravation entre novembre 1997 et juin 1998.  Il conclut que le travailleur simule une symptomatologie plus sévère que réelle mais ne retient pas un diagnostic de simulation.

[102]       Le docteur Laberge n’est pas d’un plus grand secours alors qu’il ne s’intéresse pas au dossier CSST.  Il ne retient pas non plus de diagnostic de simulation.  

[103]       La neuropsychologue Favreau, pour sa part, est d’avis que le travailleur simule sa condition et qu’il est à la recherche de gains secondaires.

[104]       Bien que le représentant du travailleur souligne que la bande vidéo montre un travailleur qui n’a pas un comportement approprié alors qu’il barre sa porte pour sortir les poubelles, que l’épouse du travailleur dit qu’elle a peur de lui la nuit et qu’elle dort sous clé, ce comportement du travailleur se devait d’être documenté médicalement.  Or, bien qu’au moment de son hospitalisation pour vertiges en janvier 1998 les médecins notent des peurs paranoïdes, ces notes médicales n’apportent pas un éclairage suffisant, n’expliquent pas les exagérations et la simulation, et n’ont pas une valeur prépondérante dans l’ensemble de la preuve.  Le docteur Béliveau qui examine le travailleur quelques mois plus tard en juin 1998 conclut à la recherche de gains secondaires.

[105]       Bien que le représentant du travailleur argumente que, dans le cas d’une maladie intercurrente, la CSST doit suspendre le plan de réadaptation pour le reprendre quand le travailleur sera en mesure d’y participer, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il ne s’agit pas d’un tel cas.  La preuve de la condition psychiatrique du travailleur est non concluante quant à son incapacité de participer à son plan de réadaptation.  La preuve montre plutôt un travailleur qui tente d’éviter un retour au travail et qui, dans ce contexte, exagère et simule sa condition.

[106]       La Commission des lésions professionnelles devant l’ensemble de ces éléments considère que la preuve prépondérante ne permet pas de conclure que le travailleur ne pouvait participer à son plan de réadaptation en raison de sa condition psychiatrique.

[107]       La Commission des lésions professionnelles conclut, en conséquence, que la CSST était justifiée de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur le 19 mars 1999 et de mettre fin à son plan de réadaptation le 23 mars 1999.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 92083-71-9710

REJETTE la contestation de l’employeur Industries Maintenance Empire inc.;

DÉCLARE IRRECEVABLE sa contestation eu égard au diagnostic de la lésion professionnelle du 21 mars 1996;

CONFIRME en partie la décision du bureau de révision du 9 septembre 1997;

DÉCLARE que le travailleur conserve, en conséquence de sa lésion professionnelle du 21 mars 1996, une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,2 % pour entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées;

DÉCLARE que le travailleur conserve, en conséquence de cette lésion professionnelle, les limitations fonctionnelles établies par le docteur Gilles Roger Tremblay le 23 avril 1997;

Dossier 124645-71-9910

REJETTE la contestation du travailleur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 24 septembre 1999;

DÉCLARE que la dysthymie et la dépression majeure du travailleur ne sont pas reliées à sa lésion professionnelle du 21 mars 1996;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était justifiée de suspendre à compter du 19 mars 1999 l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur et de mettre fin à son plan de réadaptation le 23 mars 1999.

 

 

 

 

 

Me Lucie Landriault

 

Commissaire

 

 

 

 


 

Me Richard Auclair

DUNTON RAINVILLE

3333, boul. du Souvenir #200

Laval, Québec

H7V 1X1

 

Représentant de l’employeur

 

 

Monsieur Jean-Pierre Devost

84175, boul. Industriel #508

Repentigny, Québec

J6A 4X5

 

Représentant du travailleur

 

 

Me Robert Senet

PANNETON, LESSARD

1, Complexe Desjardins, 31ième étage

Montréal, Québec

H5B 1H1

 

Représentant de la CSST

 



[1]    L.R.Q., c. C-12, art. 5 , 9.1 .  Syndicat des travailleur(euse)s de Bridgestone Firestone de Joliette C.S.N. c. Trudeau, [1999] R.J.Q. 2229 (C.A.).

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