Décision

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Gabarit CMQ

 

 

 

Commission municipale du Québec

______________________________

 

 

Date :

20 mars 2014

 

 

 

 

 

Dossiers :

CMQ-64733, CMQ-64734 et CMQ-64735 (28079-14)

 

                                                                                           

 

 

 

Juges administratifs :

Thierry Usclat, vice-président

Léonard Serafini

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Personnes visées par l’enquête : RAYMONDE CÔTÉ,

                                                             BENOIT CHARRON et

                                                             BERTRAND MASSÉ

                                                                Conseillers municipaux,

                                                                Municipalité de Wickham

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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ENQUÊTE EN ÉTHIQUE ET DÉONTOLOGIE

EN MATIÈRE MUNICIPALE

 

_____________________________________________________________________

 


DÉCISION

LA DEMANDE

[1]           Le 27 mai 2013, le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire transmet à la Commission municipale du Québec (la Commission), conformément à l’article 22 de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale[1] (LEDMM), une demande d’enquête en éthique et déontologie qui allègue une conduite dérogatoire de madame Raymonde Côté (CMQ - 64733), et de messieurs Benoît Charron (CMQ-64734) et Bertrand Massé (CMQ-64735), tous conseillers municipaux, à l’égard du Code d’éthique et de déontologie des élus municipaux de Wickham[2] (Code d’éthique et de déontologie).

[2]           La demande d’enquête reproche aux trois élus visés d’avoir à deux reprises, le 16 janvier 2012 et le 14 janvier 2013, participé aux délibérations et au vote concernant l’octroi d’une subvention à l’organisme sans but lucratif le Carnaval des générations de Wickham (le Carnaval), et ce, alors qu’ils sont membres du conseil d’administration de cet organisme et que certains d’entre eux ont un lien de parenté avec d’autres membres du conseil d’administration du Carnaval. Selon la demande, ces trois élus n’ont pas respecté l’article 1 du Code d’éthique et de déontologie portant sur les conflits d’intérêts.

[3]           De plus, la demande allègue, que monsieur Benoît Charron n’a pas suivi de formation en matière d’éthique et de déontologie municipale, ni déposé d’attestation à cet égard.

[4]           Avec le consentement des élus visés, la Commission décide de réunir aux fins d’enquête et de décision, les dossiers précités puisque dans les trois cas, la demande d’enquête porte sur les mêmes faits et comporte les mêmes reproches.

[5]           Lors de l’audience, madame Raymonde Côté et messieurs Benoit Charron et Bertrand Massé sont présents et représentés par Me Mélanie Pelletier de l’étude Monty Coulombe.

ORDONNANCE DE CONFIDENTIALITÉ, DE NON-DIVULGATION ET DE NON-PUBLICATION

[6]           Considérant qu’il est dans l’intérêt public afin de rencontrer les objectifs de la LEDMM, que l’identité des témoins, le contenu ou la teneur de leur témoignage soient protégés, la Commission a prononcé au tout début de l’enquête, une ordonnance de confidentialité, de non-divulgation et de non-publication pour valoir jusqu’à sa décision.

[7]           Chaque témoin entendu a été informé que la Commission a prononcé une ordonnance de confidentialité, de non-divulgation et de non-publication dans les présents dossiers et en a reçu une copie.

LA PREUVE

[8]           Dans le cadre de cette enquête, la Commission a tenu une audience à Drummondville où elle a entendu trois témoins ainsi que les trois élus visés par la demande. Elle a également pris connaissance du Code d’éthique et de déontologie et des documents produits au soutien de la demande. Elle a de plus, examiné les pièces soumises au cours de l’audience et les procès-verbaux des séances du conseil municipal pertinents à l’enquête.

Les admissions

[9]           Me Pelletier fait les admissions suivantes au nom de ses clients :

1.    Au moment des évènements, Raymonde Côté, Benoît Charron et Bertrand Massé étaient des élus de la Municipalité de Wickham;

2.    Ils ont tous les trois prêté serment de respecter le Code d’éthique et de déontologie;

3.    Le Code d’éthique et de déontologie a été adopté conformément aux prescriptions de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale;

4.    Ils ont tous les trois voté sur les deux résolutions qui nous occupent;

5.    Madame Josée Maillette est la conjointe de monsieur Benoît Charron;

6.    Madame Johanne Gauthier est la conjointe de monsieur Bertrand Massé;

7.    Madame Joanie Bouchard est la fille de madame Raymonde Côté;

 

 

8.    Les trois élus visés par les plaintes étaient au moment des évènements des administrateurs du Carnaval des générations de la Municipalité de Wickham;

9.    Madame Maryline Côté est la nièce de madame Raymonde Côté;

10.  Madame Josée Maillette était secrétaire du Carnaval des générations de Wickham au moment des faits reprochés;

11.  Madame Maryline Côté était administratrice du Carnaval des générations de Wickham au moment des faits reprochés;

12.  Madame Johanne Gauthier était trésorière du Carnaval des générations de Wickham au moment des faits reprochés;

13.  Madame Joanie Bouchard était administratrice du Carnaval des générations de Wickham au moment des faits reprochés.

Le plaignant

[10]        Lors de son témoignage, le plaignant expose les motifs qui l’ont incité à déposer sa demande d’enquête.

[11]        Il mentionne qu’il a porté plainte contre madame Côté et messieurs Charron et Massé, car ils ont posé des gestes similaires à ceux qui lui ont été reprochés dans le passé, au moment où il était membre du conseil municipal.

[12]        Au cours de son témoignage, il indique qu’il ignore si les élus ont un intérêt particulier ou s’ils bénéficient de quelques avantages que ce soit à titre de membres du conseil d’administration du Carnaval.

[13]        Il ajoute qu’il n’a connaissance d’aucun fait qui lui permet d’affirmer que les membres du conseil d’administration qui ont un lien familial avec les trois élus visés par la demande d’enquête, ont reçu quelques avantages que ce soit.

[14]        Essentiellement, il reproche aux élus d’avoir pris part aux délibérations et voté relativement à l’octroi au Carnaval d’une subvention d’environ 1 000 $ au cours des années 2012 et 2013, plus précisément lors des assemblées du 16 janvier 2012 et du 14 janvier 2013.

[15]        En contre-interrogatoire, il confirme avoir été reconnu coupable en chambre criminelle et pénale, de trois chefs d’accusation d’abus de confiance et de quatre chefs d’accusation de contrefaçon de documents, pour des actes commis alors qu’il était membre du conseil municipal.

Le directeur général de la Municipalité

[16]        Afin d’obtenir plus de précisions relativement à la politique d’octroi des subventions et à la situation sous enquête, la Commission a assigné comme témoin, le directeur général de la Municipalité.

[17]        Lors de son témoignage, il affirme qu’il assiste à toutes les séances du conseil municipal ainsi qu’aux réunions préparatoires.

[18]        Il est responsable de la réception et du dépôt des demandes de subventions des organismes locaux et régionaux auprès du conseil municipal. Chaque année, il envoie une lettre aux différents organismes de la Municipalité et de la région environnante pour les inviter à soumettre une demande de subvention. L’organisme qui demande une subvention doit déposer ses états financiers.

[19]        Les membres du conseil municipal étudient les demandes au mérite. Dans certains cas, les demandes sont récurrentes d’une année à l’autre.

[20]        Comme il n’y a pas de service de loisirs dans la Municipalité, le Carnaval a été créé dans le but d’organiser des activités hivernales pour la population de Wickham.

[21]        Il confirme que la population sait que les trois élus visés par la demande d’enquête, sont tous administrateurs du Carnaval.

[22]        Il précise qu’il n’a eu connaissance d’aucune pression de la part des élus visés ou même de leur conjoint ou parent, pour l’octroi de la subvention au Carnaval.

La mairesse de la Municipalité

[23]        Madame Carole Côté est mairesse depuis 2009. Elle est au courant des demandes de subventions des différents organismes qui sont soumises aux membres du conseil municipal lors des séances.

[24]        Elle explique que le Carnaval a été constitué dans le but de rassembler les citoyens de tout âge de Wickham et de leur permettre de participer à différentes activités hivernales.

[25]        En 2010, certains élus se sont retirés lors des délibérations pour l’octroi d’une subvention au Carnaval, puisqu’ils croyaient être en conflit d’intérêts.

[26]        En octobre 2011 et afin de préciser la conduite des élus qui sont également administrateurs du Carnaval, elle demande une opinion à la procureure de la Municipalité, Me Bernadette Doyon. Selon l’opinion de celle-ci, les élus n’étaient pas en conflit d’intérêts et pouvaient participer au processus de délibération et au vote.

[27]        Depuis, les trois élus qui sont administrateurs du Carnaval participent au vote. Elle ajoute que si ces derniers s’étaient retirés, tout vote sur la demande de subventions aurait été impossible puisque le conseil n’aurait pas eu le quorum requis.

[28]        Afin d’éviter tout favoritisme dans l’utilisation des ressources de la Municipalité, un protocole d’entente est signé avec le Carnaval et tous les autres organismes lors de prêt de locaux.

[29]        De plus, le conseil municipal exige le dépôt des états financiers et une preuve d’assurances de la part des organismes qui utilisent ses locaux.

[30]        Pour la tenue de ses activités, le Carnaval doit détenir une assurance responsabilité.

[31]        Selon la mairesse, le montant qui est versé par la Municipalité au Carnaval équivaut approximativement au coût que ce dernier débourse pour assurer sa responsabilité civile lors des activités qu’il organise dans les locaux de la Municipalité.

Les élus visés par la demande

madame raymonde côté

[32]        Madame Côté est conseillère municipale de Wickham depuis 2009. Elle explique au Tribunal qu’elle s’implique également dans plusieurs organismes à but non lucratif, tels que l’Association féminine d’éducation et d’action sociale (AFEAS), la Société Saint-Jean Baptiste, la Fabrique, la Fédération de l’Âge d’Or du Québec (FADOQ), les fêtes du 150e de la Municipalité, l’organisme le Relais et enfin, elle est présidente du Carnaval depuis 2009.

[33]        C’est en 2009 qu’elle a lancé l’idée d’un Carnaval à l’occasion d’une levée de fonds pour la Médiathèque de Wickham. Elle s’est occupée d’organiser le démarrage de cet organisme à but non lucratif.

[34]        L’objectif du Carnaval est de faire connaître aux jeunes les activités des temps passés, par exemple les concours de cloutage et de sciage, et d’organiser en même temps, différentes activités hivernales.

[35]        Le Carnaval se déroule durant trois jours chaque année lors de la période hivernale. Cette année, le Carnaval débutera ses activités en inaugurant les fêtes du 150e de la Municipalité.

[36]        Depuis 2010, une aide financière est obtenue des commerçants et de la Municipalité.

 

[37]        Chaque année depuis 2010, le Carnaval reçoit une subvention de 1 000 $ de la Municipalité.

[38]        À l’exception du remboursement de certains frais de déplacement qui ont été de 50 $ en 2012 et de 25 $ en 2013, elle ne reçoit aucune rémunération du Carnaval.

[39]        Pour elle, c’est un beau rassemblement pour les citoyens de la Municipalité et des municipalités voisines. Sa seule récompense est de constater le plaisir qu’ont les citoyens de participer aux différentes activités qui se tiennent dans le cadre du Carnaval, particulièrement la soirée hommage.

[40]        Sa fille et sa nièce ne reçoivent aucun salaire ou rémunération. Pour ces dernières, c’est l’occasion de faire du bénévolat en vue de prendre la relève de l’organisation.

[41]        Le seul avantage que sa fille et sa nièce reçoivent, c’est un souper d’une valeur de 20 $.

[42]        Enfin et tout comme la mairesse, elle confirme avoir demandé à Me Doyon au mois d’octobre 2011, si elle devait se retirer lorsqu’il y a un vote sur l’octroi d’une subvention à un organisme sans but lucratif dont elle est administratrice.

[43]        Le 13 octobre 2011, Me Doyon est venue présenter à tous les membres du conseil son opinion. À cette occasion, elle confirme aux membres du conseil qui sont administrateurs d’un organisme à but non lucratif qui fait une demande de subventions, qu’ils peuvent participer aux délibérations et voter sur ces demandes.

monsieur benoît charron

[44]        Monsieur Benoît Charron est conseiller municipal de Wickham depuis 2008. Il est également marguillier, membre de la Société Saint-Jean-Baptiste et du conseil d’administration du Carnaval.

[45]        Pour lui, le Carnaval a pour objectif de rassembler toutes les familles. Ce sont les membres du Carnaval qui lui ont demandé de s’impliquer dans cet organisme.

[46]        Il confirme ne recevoir aucun avantage financier pour ses fonctions de membre du conseil d’administration. Il agit simplement comme bénévole, ce qui lui apporte la satisfaction de pouvoir rassembler les citoyens de toutes les générations, lors de l’évènement tenu dans la Municipalité.

[47]        Il mentionne également avoir reçu l’opinion de Me Doyon selon laquelle il pouvait participer aux délibérations et au vote sur l’octroi d’une subvention au Carnaval même s’il est membre du conseil d’administration de cet organisme.

[48]        En terminant, il ajoute que durant la dernière campagne électorale, il n’a pas utilisé son implication dans le Carnaval à des fins personnelles.

monsieur bertrand massé

[49]        Monsieur Bertrand Massé qui est conseiller municipal est impliqué dans l’organisation du Carnaval depuis 2012 et il est également président de la Fabrique. Depuis 2013, il est membre du comité du 150e. Il mentionne n’avoir subi aucune pression pour voter en faveur de la subvention accordée au Carnaval. Il précise n’avoir aucun intérêt pécuniaire dans le Carnaval et ne recevoir aucune forme de rémunération ou d’avantage.

[50]        Il confirme également que Me Doyon a rencontré tous les membres du conseil municipal au mois d’octobre 2011 pour leur expliquer qu’ils n’avaient pas à se retirer lors des délibérations et du vote sur l’octroi de la subvention au Carnaval, puisqu’aucun d’entre eux n’avait d’intérêt pécuniaire particulier.

[51]        Pour lui, le Carnaval permet aux citoyens de tout âge de Wickham de se rassembler et d’échanger. Il favorise leur sentiment d’appartenance à leur communauté. Il est d’avis qu’un conseiller municipal qui s’implique dans le Carnaval, apporte une crédibilité supplémentaire à l’organisme.

L’ARGUMENTATION

[52]        Lors de son argumentation, Me Pelletier explique que le Carnaval est un organisme sans but lucratif dont les statuts constitutifs ont été obtenus en vertu de la Partie III de la Loi sur les compagnies[3].

[53]        Il s’agit d’un organisme indépendant de la Municipalité ayant pour objectif de créer un rassemblement familial et multi-générationnel au sein de la communauté, de faire connaître aux jeunes les activités hivernales d’autrefois et de permettre un retour aux sources pour les aînés.

[54]        Le Carnaval a un budget d’environ 10 000 $ dont 10 % provient d’une subvention de la Municipalité. Tous les membres du conseil d’administration sont des bénévoles et ne reçoivent aucune rémunération de quelque nature qu’elle soit.

[55]        Même si l’organisation nécessite plusieurs mois de travail, les activités du Carnaval s’échelonnent sur une période de trois jours.

[56]        Elle fait référence aux différentes dispositions du Code d’éthique et de déontologie, notamment l’article 1 relatif aux conflits d’intérêts. Elle attire l’attention du Tribunal sur la définition d’intérêt personnel et celle d’intérêt des proches.

[57]        Me Pelletier dépose plusieurs décisions de tribunaux supérieurs relatives à des situations de conflit d’intérêts où l’intérêt d’un élu a été discuté.

[58]        L’évaluation de la preuve sur les manquements allégués doit tenir compte du contexte dans lequel la LEDMM a été adoptée. Il faut également considérer le contexte municipal au moment des faits.

[59]        La Commission doit évaluer les témoignages rendus ainsi que les documents et les admissions en fonction d’une force probante suffisante, suivant le principe de la balance des probabilités.

[60]        Elle plaide que les trois élus qui sont membres du conseil d’administration du Carnaval, agissent uniquement sur une base bénévole et que leur seule récompense est de constater le plaisir et la joie que les citoyens de la Municipalité manifestent lors de cet événement annuel.

[61]        Me Pelletier conclut que les trois élus visés par la plainte ne sont aucunement en conflit d’intérêts puisqu’ils bénéficient des exceptions prévues aux articles 303 et 304 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités[4] et qu’au surplus, il ne retirent aucun intérêt personnel découlant de l’octroi de la subvention au Carnaval même s’ils assument certaines responsabilités comme administrateur.

L’ANALYSE

[62]        Dans le cadre d’une enquête en vertu de la LEDMM, la Commission doit s’enquérir des faits afin de décider si l’élu visé par l’enquête a commis les actes ou les gestes qui lui sont reprochés et si ces derniers constituent une conduite dérogatoire au Code d’éthique et de déontologie.

[63]        Pour ce faire, elle doit conduire son enquête dans un esprit de recherche de la vérité qui respecte les règles d’équité procédurale et le droit de l’élu visé par l’enquête à une défense pleine et entière.

[64]        Le processus d’enquête édicté par la LEDMM n’est pas un processus contradictoire puisqu’il n’y a pas de poursuivant. C’est à la Commission qu’il appartient de conduire son enquête au terme de laquelle, elle rendra sa décision.

[65]        Ainsi, et même si on ne peut parler de fardeau de preuve comme tel, la Commission doit tout de même être convaincue que la preuve qui découle des témoignages, des documents et des admissions, a une force probante suffisante suivant le principe de la balance des probabilités pour lui permettre de conclure que l’élu visé par l’enquête a manqué à ses obligations déontologiques et a enfreint le Code d’éthique et de déontologie.

[66]        En raison du caractère particulier des fonctions occupées par un élu municipal et des lourdes conséquences que la décision pourrait avoir sur celui-ci au niveau de sa carrière et de sa crédibilité, la Commission est d’opinion que pour conclure à un manquement au Code d’éthique et de déontologie, la preuve obtenue doit être claire, précise, sérieuse et sans ambiguïté.

[67]        De plus, on ne peut accorder aux doutes, aux impressions, aux insinuations, ou aux soupçons, la valeur probante nécessaire pour permettre de conclure à un manquement à une règle du Code[5].

[68]        En ce sens et comme la Commission l’a décidé antérieurement[6], le principe établi par les tribunaux quant au degré de preuve requis en matière disciplinaire peut s’appliquer, avec les adaptations nécessaires, aux enquêtes de la Commission en éthique et déontologie en matière municipale.

[69]        De plus, la Commission doit analyser la preuve en tenant compte de l’article 25 de la LEDMM qui précise :

« Les valeurs énoncées dans le code d’éthique et de déontologie ainsi que les objectifs mentionnés au deuxième alinéa de l’article 5 doivent guider la Commission dans l’appréciation des règles déontologiques applicables. »

LES ÉLUS ONT-ILS COMMIS UN MANQUEMENT AU CODE D’ÉTHIQUE ET DE DÉONTOLOGIE DE LA MUNICIPALITÉ ?

[70]        La Commission doit décider si les trois élus visés par la demande d’enquête ont commis un manquement à l’article 1 de leur Code d’éthique et de déontologie, relatif aux conflits d’intérêts lorsqu’ils ont pris part aux délibérations et voté sur l’octroi d’une subvention au Carnaval à deux occasions, soit les 16 janvier 2012 et 14 janvier 2013, alors qu’ils étaient également à ces périodes, membres du conseil d’administration de cet organisme.

[71]        La Commission doit décider également si monsieur Benoit Charron a contrevenu à une règle prévue à son Code d’éthique et de déontologie, en ne participant pas à une formation sur l’éthique et la déontologie en matière municipale et en omettant de déposer une attestation à cet effet.

Le Code d’éthique et de déontologie de la Municipalité

[72]        La disposition du Code d’éthique et de déontologie de la Municipalité à laquelle fait référence le demandeur, est la suivante :

ARTICLE 1        CONFLITS D’INTÉRÊTS

 

« Toute personne doit éviter de se placer, sciemment, dans une situation où elle est susceptible de devoir faire un choix entre, d’une part, son intérêt personnel ou celui de ses proches et, d’autre part, celui de la municipalité ou d’un organisme municipal.

 

Le cas échéant, elle doit rendre publiques ces situations et s’abstenir de participer aux discussions et aux délibérations qui portent sur celles-ci.

 

Sans limiter la généralité de ce qui précède, il est interdit à toute personne d’agir, de tenter d’agir ou d’omettre d’agir de façon à favoriser, dans l’exercice de ses fonctions, ses intérêts personnels ou, d’une manière abusive, ceux de toute autre personne.

            Il est également interdit à toute personne de se prévaloir de sa fonction pour influencer ou tenter d’influencer la décision d’une autre personne de façon à favoriser ses intérêts personnels ou, d’une manière abusive, ceux de toute autre personne. »

[73]        D’autre part, le Code d’éthique et de déontologie définit ainsi, les termes :

« Intérêt personnel

 

Intérêt de la personne concernée, qu’il soit direct ou indirect, pécuniaire ou non, réel, apparent ou potentiel. Il est distinct, sans nécessairement être exclusif, de celui du public en général ou peut être perçu comme tel par une personne raisonnablement informée. Est exclut de cette notion le cas où l’intérêt personnel consiste dans des rémunérations, des allocations, des remboursements de dépenses, des avantages sociaux ou d’autres conditions de travail rattachées aux fonctions de la personne concernée au sein de la municipalité ou de l’organisme municipal.

 

Intérêt des proches

 

Intérêt du conjoint de la personne concernée, de ses enfants, de ses ascendants ou intérêt d’une société, compagnie, coopérative ou association avec laquelle elle entretient une relation d’affaires. Il peut être direct ou indirect, pécuniaire ou non, réel, apparent ou potentiel. Il est distinct, sans nécessairement être exclusif, de celui du public en général ou peut être perçu comme tel par une personne raisonnablement informée. »

[74]        La preuve démontre que le Carnaval est un organisme sans but lucratif qui a été créé en 2009 dans le but d’organiser un grand rassemblement familial au sein de la communauté de Wickham pour permettre de faire connaître aux jeunes les activités hivernales d’autrefois et un retour aux sources pour les aînés.

[75]        Le budget du Carnaval est d’environ 10 000 $ dont 1 000 $ proviennent de la Municipalité. Lorsqu’il dispose d’un surplus, le Carnaval le distribue à différents organismes sans but lucratif de la Municipalité.

[76]        La preuve permet d’établir que les élus visés par la demande d’enquête ne bénéficient d’aucun avantage financier découlant de leur fonction au sein du Carnaval.

[77]        Le seul bénéfice que ces derniers retirent, est le sentiment d’aider leurs concitoyens à participer à un rassemblement permettant de faire connaître aux différentes générations, les activités hivernales d’autrefois et de consolider le sentiment d’appartenance de tous les citoyens à leur communauté.

[78]        Il s’agit sans aucun doute, du même sentiment de satisfaction que ressent tout bénévole d’un organisme sans but lucratif qui voit ses projets se réaliser et s’accomplir dans le cadre d’activités d’aide ou de soutien à la population.

[79]        Le fait pour un élu de procurer et de permettre à des citoyens de participer à différentes activités et d’obtenir une satisfaction et une gratification morale ne constitue pas une situation comprise dans la définition d’intérêt personnel.

[80]        Il est utile de rappeler que lorsque le Carnaval est organisé, il l’est au bénéfice de la population en général et il n’est assurément pas distinct de l’intérêt public en général ou ne peut être perçu comme tel par une personne raisonnablement informée.

[81]        Dans l’affaire Entreprises Fermagri s.e.n.c. c. St-Isidore-de-Clifton[7], l’honorable juge Richard Nadeau, juge à la Cour supérieure écrivait :

            « En somme, rien ne permet de conclure qu’il y a eu conflit d’intérêts ou intérêt ou partialité pouvant amener des gains financiers, ou de n’importe quel autre ordre, ou contraire à l’intérêt général de la population, à l’origine du vote qui a été pris par les conseillers. »

[82]        Après analyse de la preuve, des dispositions du Code d’éthique et de déontologie et des différentes autorités citées, la Commission est d’avis que lorsque les trois élus visés par la demande ont pris part aux délibérations et au vote pour l’octroi des subventions au Carnaval, le 16 janvier 2012 et le 14 janvier 2013, ils ne se sont pas placés en conflit d’intérêts et n’ont pas contrevenu aux dispositions de leur Code d’éthique et de déontologie.

[83]        En ce qui concerne l’autre reproche allégué dans la plainte à l’endroit de monsieur Charron, la Commission est d’avis qu’il ne constitue pas un manquement à une règle du Code d’éthique et de déontologie. En effet, selon l’article 15 de la LEDMM, la seule conséquence de ne pas avoir suivi la formation en éthique et déontologie est l’obligation pour la Commission d’en tenir compte comme facteur aggravant lorsqu’elle impose une sanction à un élu qui a commis un manquement à une règle de son Code d’éthique et de déontologie.

[84]        Il est inutile de s’attarder au défaut de déposer une attestation confirmant que monsieur Charron a suivi la formation en éthique et déontologie puisque ce dernier ne pouvait fournir une attestation pour une formation qu’il n’avait pas suivie.

EN CONSÉQUENCE, LA COMMISSION MUNICIPALE DU QUÉBEC :

     CONCLUT que la conduite de madame RAYMONDE CÔTÉ ne constitue pas un manquement au Code d’éthique et de déontologie des élus municipaux de Wickham.

     CONCLUT que la conduite de monsieur BENOIT CHARRON ne constitue pas un manquement au Code d’éthique et de déontologie des élus municipaux de Wickham.

     CONCLUT que la conduite de monsieur BERTRAND MASSÉ ne constitue pas un manquement au Code d’éthique et de déontologie des élus municipaux de Wickham.

 

 

 

__________________________________

THIERRY USCLAT, vice-président

Juge administratif

 

 

 

__________________________________

LÉONARD SERAFINI

Juge administratif

TU/LS/lg

Me Mélanie Pelletier

MONTY COULOMBE

Procureur des trois élus visés par la demande

 



[1].   Chapitre E-15.1.0.1.

[2].   Adopté le 7 novembre et en vigueur le 15 novembre 2011.

[3].   Chapitre S-31.1

[4].   Chapitre E-2.2.

[5].   Bourassa, CMQ-63969 et CMQ-63970, 30 mars 2012.

[6].   Bourassa, CMQ-63969 et CMQ-63970, 30 mars 2012; Moreau, CMQ-64261 et CMQ-64306, 14 décembre 2012; Savoie, CMQ-64348, 22 août 2012.

[7].   (2011), QCCS 1705.

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