Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Lanaudière

JOLIETTE, le 10 avril 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

136354-63-0004

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Diane Beauregard

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Lorraine Patenaude

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Paul Gervais

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR :

Dr Michel Lesage

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

107196172-1 et 2

AUDIENCE TENUE LE :

14 mars 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Joliette

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ROGER COUTU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

OLYMEL - FLAMINGO

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA

SÉCURITÉ DU TRAVAIL - LANAUDIÈRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 13 avril 2000, monsieur Roger Coutu (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 5 avril 2000 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CCST) suite à une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la révision administrative confirme une décision que la CSST a initialement rendue le  8 juillet 1999 et déclare que le travailleur est capable d’exercer l’emploi convenable de livreur à compter du 6 juillet 1999, que le salaire de cet emploi convenable est de 15110.00 $, que le travailleur a droit à une indemnité de remplacement du revenu réduite de 12183.17 $ et qu’il a droit à une indemnité de remplacement du revenu au plus tard jusqu’au 6 juillet 2000.  Par ailleurs, la révision administrative infirme une décision que la CSST a initialement rendue le 23 septembre 1999 et déclare que le travailleur a droit au remboursement d’un médicament soit le Paxil.

[3]               À l’audience, le travailleur est présent et représenté.  Olymel - Flamingo (l’employeur) est absent.  La CSST est représentée.

 

L'OBJET DU LITIGE

[4]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que l’emploi de livreur n’est pas un emploi convenable, qu’il n’était pas capable de l’exercer le 6 juillet 1999 puisque le plan individualisé de réadaptation n’a pas été complété et qu’il a droit à l’indemnité de remplacement du revenu.  Il demande également à la Commission des lésions professionnelles de retourner le dossier à la CSST afin que le processus de réadaptation se poursuive.

 

LES FAITS

[5]               Les faits pertinents au litige se résument ainsi :

 

[6]               Le 20 mai 1994, le travailleur subit un accident du travail alors qu’il est intoxiqué au dioxyde de carbone.  Un débat d’experts s’ensuit concernant les séquelles de la lésion professionnelle. Néanmoins, suite à cette intoxication, le travailleur développe des troubles psychiques. 

[7]               Le 16 octobre 1996, le Bureau de révision de la région de Lanaudière reconnaît le diagnostic de trouble panique avec agoraphobie et condition dépressive en relation avec le fait accidentel du 20 mai 1994.

[8]               Le 12 février 1997, monsieur Michel Roy psychologue amorce une démarche en psychothérapie avec le travailleur.  Le 23 décembre 1997 il indique dans un rapport d’évolution psychologique que le travailleur continue de manifester des troubles paniques mais il est mieux outillé pour leur faire face.  Il est peu résistant à certains stresseurs ou encore il peut les ignorer mais dans une attitude où il est porté inconsciemment à se déresponsabiliser.  Les symptômes sont récurrents mais accusent une fréquence et une continuité moindres.  Il recommande de poursuivre la psychothérapie.

[9]               Le 10 mars 1998, Dr Simard, psychiatre note, qu’après un suivi qui a débuté en novembre 1996, il l’interrompt en accord avec le travailleur puisque ce dernier concentre ses efforts pour sa psychothérapie, une aide qualifiée de précieuse.

[10]           Le 26 juin 1998, le psychologue Roy indique que la psychothérapie doit se poursuivre que le travailleur soit apte ou non à la réadaptation.  Il est d'avis que les limitations fonctionnelles peuvent être déterminées puisqu’il ne croit pas que le travailleur récupérera davantage.  Toutefois, il souligne que le fait d’avoir rencontré le travailleur trois ans après le traumatisme pèse lourd dans le processus de réhabilitation.  Il demeure confiant malgré la perception du travailleur et recommande une tentative pour le mobiliser dans un plan de réadaptation.  

[11]           Le 8 septembre 1998, Dr Nowakowski, psychiatre complète un rapport d’évaluation médicale.  Il est d’avis qu’en raison de la chronicité de la condition du travailleur, ce dernier doit bénéficier d’un support en psychothérapie pour une période de douze à dix-huit mois avec le psychologue Michel Roy avec réévaluation de la nécessité des traitements par la suite.  Il indique que le travailleur conserve une atteinte permanente de 15 %  pour une névrose du groupe II et des limitations fonctionnelles qu’il décrit ainsi :

«Monsieur Coutu serait manifestement incapable, à cause de l’anxiété intense que cela générerait  chez lui, de travailler dans les mêmes installations qu’avant, ou de retravailler dans quelque environnement industriel que ce soit où il y a un risque quelconque de fuite de gaz, même minime.  Il s’agit là d’une limitation fonctionnelle qui doit être considérée comme permanente.

Par ailleurs, compte tenu de son anxiété et des crises de panique qui surviennent toujours, monsieur Coutu pourrait difficilement travailler dans un autre emploi, à moins de pouvoir bénéficier d’un programme de réadaptation, qui sera prolongé, qui offrira beaucoup de support psychologique et qui sera effectué conjointement avec monsieur Michel Roy psychologue.  Par ailleurs le succès d’un tel programme de réadaptation n’est pas garanti, compte tenu du phénomène de chronicisation  qui semble s’être installé ici.»

 

[12]             Le 29 septembre 1998, Dr Boucher consolide la lésion professionnelle le 28 septembre 1998 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.

[13]           Le 28 octobre 1998, le psychologue Roy note que le travailleur manifeste une montée d’angoisse et une augmentation de certains symptômes depuis qu’il est question d’amorcer une démarche qui vise ultimement un retour sur le marché du travail.  Cette réaction était prévisible.  Il réitère le fait que cette tentative doit être maintenue 

[14]           Le 3 février 1999, monsieur Alain Richardson, agent d’intégration mandaté par la CSST pour développer chez le travailleur une vie plus active et l’amener à utiliser les ressources de son environnement, indique à son rapport d’intervention qu’il met fin à ses démarches auprès du travailleur puisque ces dernières ne répondent plus à ses désirs et n’apportent pas les résultats escomptés.

[15]           Le 25 février 1999, le psychologue Roy indique que le travailleur s’est senti interpellé par les services de l’agent d’intégration.  Cette intervention a été perçue comme étant intrusive plutôt qu’aidante.  Il souligne que le travailleur doit rencontrer une conseillère en emploi sous peu, démarche qualifiée de déterminante quant à la viabilité de l’orientation favorisée.  Le 27 mai 1999, il précise que le counseling amorcé est essentiel dans le contexte d’orientation à l’emploi. 

[16]           Dans le cadre de sa réadaptation, le travailleur est dirigé à une conseillère en orientation, madame Marie-Josée Lessard, qui le rencontre à quelques reprises du 12 février 1999 au 24 mars 1999.  À son rapport de mars 1999, elle indique notamment que le travailleur n’a jamais connu de difficulté d’adaptation majeure auparavant.  Toutefois, elle n’est pas certaine de sa capacité d’intégrer le marché du travail en raison de crises de panique et de son anxiété.  Elle croit qu’il sera important de faire une intégration graduelle pour permettre  au travailleur de s’adapter à l’environnement de travail et aux nouveaux employés et ce, avec le support psychologique du psychologue Michel Roy.

[17]           Le 16 septembre 1999, le psychologue Roy note à son rapport d’évolution qu’il est d’accord avec l’orientation et les programmes de la CSST.  Il réitère le fait que le travailleur doit se compromettre dans un plan plus structuré d’essai de retour au travail mais en raison de ses capacités adaptatives et de sa résistance psychologique, il ne pourrait pas assumer un horaire de plus de 20 à 25 heures par semaine.  Il recommande la poursuite de la psychothérapie.

[18]           Le 3 février 2000 et le 28 juin 2000, il commente l’évolution du travailleur dans ses démarches pour trouver un emploi.  Il note que la symptomatologie de phobie sociale s’est substantiellement résorbée toutefois, il conserve un trouble anxieux ainsi qu’un fond dépressif.  Il conclut que le travailleur présente une grande vulnérabilité aux agents stresseurs, internes et externes et qu’il ne peut être soumis à une tâche qui dépasserait ses résistances et capacités adaptatives.

[19]           Au dossier est contenue la description de la profession de livreur tel qu’il appert du système REPÈRES.  Il est indiqué à titre de définition que c’est un employé des services de transport dont la fonction est de conduire un véhicule et de livrer à domicile des mets préparés, dans les plus brefs délais, en vue de répondre aux exigences de la clientèle.  Pour effectuer ce travail l’employé doit pouvoir décider, superviser, influencer ou persuader des personnes, travailler en contact avec des personnes ou les aider, travailler physiquement ou manipuler des instruments, réaliser des tâches répétitives de façon fréquente, accomplir des tâches selon des directives déjà établies et travailler de façon méticuleuse.  Ce travail nécessite de faire preuve de courtoisie et d’avoir de l’entregent.

[20]           À l’audience, le travailleur explique que malgré le support psychologique des différents intervenants, il connaît toujours des crises de panique et de la difficulté à communiquer.  Ces crises surviennent principalement en présence de plusieurs personnes et lorsqu’elles se mettent sur son chemin.  Sa difficulté à communiquer s’explique par son impatience,  il veut avoir terminé avant d’avoir commencé;  tout lui «tape sur les nerfs».  Il n’accepte pas d’être contrarié, il se sent harcelé, piégé, guetté.

[21]           Il déclare avoir commencé un programme d’action bénévole à Berthier en mai 1999 sur l’insistance de sa conseillère en réadaptation; programme qu’il a cessé en juillet 1999.  Son travail consistait à attacher des cabarets, à les placer dans l’auto et à en faire la livraison.  Il ne se déplaçait jamais seul puisqu’il ne savait pas où aller; il n’était pas responsable de l’itinéraire.  De plus, il n’entrait pas dans les maisons; il est incapable d’écouter parler les gens.  Il déclare avoir éprouvé de la difficulté à faire ce travail en raison de son impatience parce qu’il devait attendre longtemps dans l’auto.  Il est porté à rouler vite quand il est impatient, certains disent qu’il est dangereux.  Il a accompli ce travail les mardis et jeudis de 11 heures à 12 heures 30.  Il arrivait un peu plus tôt, soit vers 10 heures 30 mais ne parlait à personne.

[22]           Il décrit ses symptômes lors de crise de panique.  Il soutient être en sueur, il se sent seul, où qu’il soit, il doit passer absolument.  Il a des tremblements, il a chaud, il est étourdi, il ne s’est pas où il est rendu et s’interroge sur ce qu’il fait.

 

[23]           Monsieur Ronald Cormier témoigne à la demande du travailleur.  Il est directeur général du Centre d’action bénévole D’Autray à Berthierville.  Il explique que le 15 mai 1999, le travailleur et la conseillère en réadaptation de la CSST l’ont rencontré pour l’informer dans un premier temps du programme de réinsertion sociale et dans un deuxième temps pour évaluer la capacité du travailleur à accomplir une tâche.  En raison de la fragilité du travailleur et de son insécurité, il a été décidé de retenir ses services mais dans une activité communautaire au service du maintien à domicile où il y a moins d’implication sociale.  Le travailleur pouvait bénéficier d’un accompagnateur dans la livraison de mets préparés, il n’avait pas à rentrer dans les maisons.  Il n’avait qu’à conduire. Toutefois, les accompagnateurs ayant quitté, le travailleur a dû cesser cette tâche.

[24]           Il explique que le travailleur s’est bien intégré aux quelques personnes œuvrant à la cuisine ainsi qu’avec les bénévoles.  Toutefois, il a remarqué lors d’une assemblée que ce dernier était angoissé, il transpirait et a dû quitter avant la fin de la rencontre.

[25]           En juillet 1999, il explique que la conseillère en réadaptation a jugé le travailleur apte à faire ce travail.  Il ne comprenait pas puisqu’il jugeait ce dernier incapable de faire ce travail.  Il considérait la situation malsaine parce que le processus d’intégration n’était pas terminé.  Il en a fait part mais en vain.  Il soutient que suite à cette expérience, il est devenu réticent et n’accepte de s’impliquer avec la CSST que s’il est question d’insertion sociale et non plus de réintégration professionnelle. 

[26]           Il précise que le travailleur n’avait pas de réticence à effectuer du bénévolat mais qu’il demeurait insécure.  Avec le temps, il s’est offert pour aider à monter et à répartir des cabarets.  Les commentaires reçus concernant le travailleur sont à l’effet qu’il est prudent, gentil et à l’aise pour jaser.

[27]           Monsieur Michel Roy, psychologue, témoigne pour le compte du travailleur.  Il explique avoir pris en charge le travailleur le 12 février 1997 pour 94 entrevues dont la dernière était le 26 juin 2000.  Il déclare que le délai de trois ans avant de bénéficier d’un support psychologique explique la condition détériorée du travailleur.  Ce dernier était anxieux et dépressif.  Aussitôt qu’il vivait un événement anxiogène, il connaissait des problèmes.  Il souligne qu’il n’a pu s’impliquer dans le processus de réadaptation du travailleur puisqu’il était invité par la CSST à «aérer» ses interventions dans le but de mettre fin à l’indemnisation.

[28]           En juin 1999, tous les symptômes de phobie, de crise de panique et d’évitement social étaient présents mais la fréquence était diminuée.  Il ne croit pas que le travailleur était capable d’être livreur mais croit qu’avec du temps et du support, il y serait arrivé.  Incapable de travailler à temps plein, il n’était pas compétitif sur le marché du travail.  Il était incapable de résoudre des problèmes dans un contexte de stress.

Selon lui, en septembre 1999, le travailleur a commencé de la recherche d’emploi avec l’épée Damoclès au-dessus de la tête parce qu’il savait que les indemnités finiraient en juillet 2000.  En juin 2000, le travailleur était désabusé.  Il a pu observer le retour de certains symptômes dont de l’anxiété invasive et envahissante, de l’agressivité à l’endroit de la CSST et de l’employeur, un sentiment de persécution relié à la perception de perte, de la colère.  Il n’a pas eu, par la suite, d’autres contacts avec lui.

[29]           Il souligne que le travailleur n’a jamais bénéficié d’un plan structuré de réadaptation malgré les limitations fonctionnelles et les recommandations du médecin ayant charge du travailleur, Dr Nowakowski.  En ce sens, le travailleur n’a pas bénéficié d’un support en psychothérapie pour sa réadaptation.  Le bénévolat est une amorce à la réintégration, c’est un processus d’acclimatation après 4 ans à l’extérieur du marché du travail mais c’est malheureusement devenu une finalité.  Il est d'avis que le programme de réadaptation est approprié mais qu’il y a eu insuffisance de services d’où la détérioration et le retour en arrière.

[30]           En contre-interrogatoire, il précise qu’avant de statuer sur la capacité du travailleur, il fallait mesurer sa résistance au stress ce qui n’a pas été fait.  Il déclare que les démarches de réadaptation étaient dans l’ensemble appropriées mais qu’elles ont été qualitativement et quantitativement insuffisantes.  L’emploi convenable est correct mais le travailleur est incapable de le faire.  La recommandation du 20 à 35 heures par semaine est une hypothèse qu’il fallait valider par un stage en emploi afin de mesurer sa capacité.  Il n’a pas senti de support de la CSST,  il n’y avait pas de travail d’équipe dans ce dossier mais il a perçu une certaine ouverture.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[31]           Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis qu’il était trop tôt pour déterminer l’emploi convenable de livreur puisque l’évaluation de la capacité du travailleur à exercer un emploi n’a pas été effectuée.  La CSST se devait de respecter les limitations fonctionnelles émises par le médecin ayant charge du travailleur.  Ce dernier a émis des réserves quant à la capacité du travailleur de pouvoir réintégrer le marché du travail sans support psychologique.  Cet encadrement psychologique devait se poursuivre sur une période de douze à dix-huit mois avec réévaluation à ce moment, ce qui n’a pas été fait.

 

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[32]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’emploi de livreur est un emploi convenable, si le travailleur est devenu capable de l’exercer le 6 juillet 1999, s’il a droit à l’indemnité de remplacement du revenu après cette date.

[33]           L’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi) définit la notion d’emploi convenable ainsi :

« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion ;

 

[34]           Pour qu’un emploi soit qualifié de convenable, il doit répondre aux quatre critères énoncés.  Le premier critère est celui relatif à l’utilisation des capacités résiduelles du travailleur.  Qu’en est-il ?

[35]           Dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles au même titre que la CSST est liée par les conclusions du médecin ayant charge du travailleur concernant les limitations fonctionnelles, limitations émises le 8 septembre 1998.  Ces dernières ont deux volets.  Le premier réfère à l’incapacité pour le travailleur de travailler dans un milieu industriel où il y a un risque quelconque de fuite de gaz même minime.  Cette limitation est, selon le médecin, permanente.  Le deuxième réfère son incapacité de travailler dans un autre emploi sans pouvoir bénéficier d’un programme de réadaptation prolongé avec support psychologique.  Ici le pronostic demeure incertain en raison du phénomène de chronicisation qui s’est installé.  Dans cette optique, le médecin recommande la poursuite de la psychothérapie pour une période de 12 à 18 mois avec une réévaluation de la nécessité de traitement par la suite.

[36]           En l’instance, la Commission des lésions professionnelles constate que le suivi psychothérapeutique n’a pas été finalisé et la réévaluation non effectuée.  Plus encore, bien que le suivi psychothérapeutique ait été amorcé dans le cadre de la réadaptation, aucune concertation n’a permis de faire la lumière sur la capacité résiduelle du travailleur en date du 6 juillet 1999 tel que le recommandait le médecin.

[37]           Certes, le travailleur a exercé la fonction de livreur quelques jours entre la fin mai et le début juillet 1999 à raison de deux prestations d’environ 90 minutes par semaine, mais l’exercice de cet emploi se voulait, selon le témoignage du directeur général du Centre d’action bénévole d’Autray, une réinsertion sociale et non une réintégration professionnelle.  Ce témoignage est d’ailleurs confirmé par la teneur des notes évolutives contenues au dossier.

Il était prévu que le travailleur expérimente cette fonction dans le but de mesurer son endurance et sa capacité.  Après cette expérience, un stage en emploi était envisagé avant de déterminer l’emploi convenable. 

[38]           La Commission des lésions professionnelles ne croit pas que cette expérience soit déterminante pour conclure, à cette date, à la capacité du travailleur de faire cet emploi ou quelqu’emploi que ce soit.  Il était prématuré d’en convenir sans qu’une réévaluation de la condition du travailleur soit faite par son médecin.  Par ailleurs, selon le témoignage du directeur général, le travailleur n’a pas démontré être capable d’accomplir cette fonction.

[39]           Rappelons qu’en mars 1999, la conseillère en orientation émettait certaine réserve quant à la capacité d’intégration du travailleur sur le marché du travail. La Commission des lésions professionnelles est d'avis que le travailleur devait bénéficier d’un encadrement psychothérapeutique conjugué à des démarches de réadaptation. Une concertation de tous les intervenants était nécessaire et ce, tout au cours du processus en raison du tableau complexe que présente le travailleur sur le plan de la réadaptation.

[40]           Bref, de ces faits, la Commission des lésions professionnelles conclut qu’il était prématuré le 6 juillet 1999, de convenir d’un emploi convenable puisqu’une réévaluation de la nécessité des traitements est nécessaire et risque de compromettre l’avis émis par le médecin le 8 septembre 1998.  L’évaluation de l’utilisation de la capacité résiduelle telle que prévue à la définition d’emploi convenable était donc impossible.  Dans le même ordre d’idée, s’il est trop tôt pour convenir d’un emploi convenable, il est également trop pour déterminer à quelle date le travailleur est devenu capable de l’exercer.

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Roger Coutu du 13 avril 2000 ;

INFIRME en partie la décision de la révision administrative du 5 avril 2000 ;

DÉCLARE qu’il était prématuré pour la CSST de déterminer un emploi convenable ;

 

 

 

RETOURNE le dossier à la CSST pour que le processus de réadaptation se poursuive. 

 

 

 

 

Diane Beauregard

 

Commissaire

 

 

 

 

 

Me André Laporte

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

Me Benoît Boucher

 

Représentant de la partie intervenante

 

 

 

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